”Je vais essayer de me retenir de rire si jamais tu fais n’importe quoi.” Je pourrais vraiment essayer, et l’idée d’aller faire de la boxe avec un partenaire me plaît beaucoup. Elle sourit et l’ambiance est bien plus détendue. J’aimerais déjà pouvoir aller me défouler sur un ring mais on continue de discuter de tout et de rien. Je garde en tête le fait qu’on a un père affreux qui va vouloir nous briser maintenant que je suis au courant de tout, mais j’essaie d’oublier pendant quelques minutes. On trinque à cette rencontre, et je ne regrette pas qu’elle ait insisté pour me voir après avoir envoyé le mail que j’ai rapidement rejeté. Je bois un peu, et je me concentre sur elle et sur ce qu’elle me dit.
Il n’y a pas d’autre enfant à sa connaissance, et je hoche la tête. Il y a quelques temps on ne savait pas que l’un et l’autre existait non plus, alors on est à l’abris de rien. “J’ai jamais eu de frère ou de soeur de sang non plus. Plusieurs dans des familles d’accueil, mais je me suis rarement attaché.” A part Rosalie, elle a été la seule exception. Et c’est sur ses conseils que je suis là, j’ai bien fait de les suivre. Je ne regrette pas et j'imagine déjà son sourire triomphant qui me dira j’avais raison. “Comment tu l’as su ?” Pourquoi maintenant ? Pourquoi c’est arrivé justement alors qu’elle a déjà 30 ans ? Peut-être qu’elle ne répondra pas parce que c’est trop intrusif, mais je n’hésite pas vraiment à poser mes questions. “Non je lui parle très peu. On s’est jamais bien entendu.” Pire que ça, je l’ai toujours détesté. Elle m’a pourri la vie depuis le jour de ma naissance alors j’ai coupé tout contact dès que j’ai pu.
Je ne sais pas comment mais la conversation finit par tourner autour d’Ariane et elle me fait réfléchir Alex. Parce que c’est peut-être vraiment ça mon problèmes, peut-être qu’Ariane reste un peu trop dans ma tête et dans mon coeur et que je dois régler tout ça pour réussir à m’épanouir un jour. Mais je secoue la tête, je n’ai pas envie de penser à ça. “Non personne oblige l’autre à rester en contact. Je pense qu’on est juste des constantes dans nos vies depuis longtemps maintenant.” Et justement c’est ce qui devrait me mettre la puce à l’oreille, mais je crois que je préfère largement vivre dans le déni pour le moment. Je ne suis pas prêt pour tout ça. “Elle ne veut pas d’une histoire avec moi, et elle est bien trop changeante, presque impossible à suivre. Je veux pas me dire que c’est possible pour finir déçu parce que c’est ce qui finirait forcément par arriver.” Parce que c’est compliqué avec elle, soit on est très haut, soit très bas. Et les très bas sont toujours douloureux.
Le repas n'est pas encore fini mais on semble avoir trouvé une idée d'activité pour continuer à apprendre à se connaître. Comme si, avec cette activité on venait d'acter que l'on allait se revoir tout les deux. Sur un ring de boxe, sur lequel il risque de m'humilier un peu, mais il est prévenu. Il ne doit pas se moquer de moi, même s'il risque d'avoir beaucoup de mal à se retenir quand il me verra frapper sans technique et surtout sans jamais me préoccuper de ma garde. Mais s'il se moque, je me promets de lui donner des coups pour me venger et je compte sur lui pour avoir pitié de moi et de ne pas me rendre les coups que je vais lui donner. Et finalement, avec la boxe on semble se trouver un autre sujet en commun que notre père, qui nous a réuni sans le vouloir. Et alors que notre repas était une véritable source de stress pour moi, je me rends compte que j'arrive à échanger avec lui, avec une certaine facilité. On apprends à se connaître lui et moi, et on a beaucoup de choses à se dire. Trente ans que je vis en fille unique, trente ans que je me pense seule et le voilà qu'il débarque de nulle part. Un demi-frère au passif assez lourd, et qui malheureusement, met en lumière toute la noirceur de notre père. Mais ni lui, ni moi, n'avons vraiment envie de s'étendre tout le repas sur lui, et pourtant il y en aurait à dire à son sujet. Mais on se découvre l'un, l'autre se questionnant un peu sur tout et rien, juste pour en apprendre davantage l'un sur l'autre. Il me parle brièvement de ses passages en familles d'accueil et je me demande comment il a pu vivre ainsi. J'ai lu tout les documents laissés par ma mère à son sujet, mais je suis loin de pouvoir prétendre le comprendre. J'ai pas eu une enfance idéale, mais j'ai manqué de rien, enfin d'amour et d'affection peut-être mais à côté de sa vie, la mienne ressemble sans doute à une vie idéale, dans une grande maison, avec beaucoup d'argent pour combler mes besoins. Et je me sens presque honteuse de me plaindre constamment de mes parents. Mais j'apprends que lui aussi finalement, il est seul, du moins pas de frère ou de sœur biologique, pour lui aussi c'est nouveau tout ça alors. Et sans réellement que je m'y attende, il me demande comment je l'ai su, j'en déduis qu'il me demande comment j'ai appris pour lui. Je me passe une main dans les cheveux, réfléchissant à ce que je peux lui dire, à ce que je veux lui dire alors que toute cette histoire est finalement liée au suicide de ma mère et c'est pas quelque chose dont je parle aisément. Mais je pense qu'il a le droit d'avoir une réponse, parce que cette information a bouleversé sa vie. « C'était dans les dossiers légués par ma mère. Elle s'est suicidée y'a un peu plus d'un an et il a tout fait pour que je n'ai pas accès à ces documents. Mais j'étais la seule à pouvoir ouvrir son coffre, je crois qu'au fond elle voulait que je sache pour que quelqu'un puisse mettre fin à toute cette histoire. » Je lui en veux vraiment de m'avoir légué tout ça, de m'avoir laissé porter le poids de ce secret et de sa culpabilité, mais finalement en regardant Jeremiah, je me dis qu'elle a eu raison de me léguer ce secret. Je ne sais pas si c'était bienveillant de sa part, ou juste lâche encore, mais peut-être que quelque chose de positif peut ressortir de tout ça. De toute cette histoire de fou. Et si moi j'en veux encore à ma mère, lui aussi ne semble pas réellement en bon terme avec la sienne, chose qui se comprends quand on connaît son parcours de vie.
Et puisque finalement, la discussion semble si simple entre nous, ça dérive vers nos relations actuelles, et si moi je suis épanouie avec Caleb et que je m'en cache plus, sa vie sentimentale semble plutôt chaotique, autant que son enfance finalement. Et puisqu'il se livre à moi, je me permets de le questionner un peu. Pour essayer de le comprendre, de savoir quelle vie il mène et comment il gère ses relations. Après tout, si je le laisse entrer dans ma vie, c'est important d'en savoir davantage sur lui. Il me parle de cette fille qui semble occuper son esprit et je le questionne encore un peu même si au fond ça ne me concerne pas. Mais il ne m’envoie pas chier, donc la discussion continue encore nous. « Mais si tu refuses d'essayer, de tenter quelque chose par risque d'être déçu, tu finiras déçu aussi si cette fille te plaît non ? » Je fronce les sourcils tout en réfléchissant à ce que je suis en train de lui dire, je ne suis pas une experte en relation humaine, la preuve avec mes relations que j'ai bien du mal à gérer. « Et puis si vraiment elle veut pas d'une relation avec toi, peut-être que pour toi ce serait mieux de mettre de la distance avec elle ? » Je ne sais même pas pourquoi je tente de lui donner des conseils, mais il semble accepter de me parler de sa vie alors je profite de ça pour essayer d'en apprendre plus sur mon demi-frère. « Après tu sais, je suis franchement pas la mieux placée pour te donner des conseils, j'ai failli perdre Caleb y'a quelques années. Mais pour ce que ça vaut, rester seul c'est pas toujours la meilleure solution. » J'ai expérimenté la solitude, un peu trop et clairement, depuis que Caleb ait revenu dans ma vie, je retrouve un peu de stabilité, même si je suis loin d'avoir réglé tout mes problèmes.
Je pensais que je ne saurais jamais qui était mon père. Que je n’entendrais jamais parler de ce côté là de la famille. Je pensais que je n’aurais plus jamais à entendre parler de famille. Ca n’a jamais été quelque chose de sain chez moi. Ni d’un côté ni de l’autre, la preuve. Je n’ai plus de contact avec ma mère depuis des années, je la vois une fois de temps en temps, et mon père est un des pires connard de l’univers. Je pourrais secouer la tête et essayer d’oublier, mais Rosalie m’a donné un conseil, elle est de bon conseil. Alors je prends du temps pour apprendre à connaître Alex. Je fais l’effort avec elle, parce qu’elle est venue me chercher. J’aurais pu avoir le choix, mais vaut mieux ça que de me poser des tonnes de questions sur elle et ce qu’elle aurait pu me dire. Ce qu’elle pense de moi et de mon passé qui n’est pas vraiment glorieux. “Oh..” Sa mère s’est suicidée. Je ne connais pas sa mère, je ne connais rien d’elle et des 30 ans qu’on a loupé. Et je ne suis pas vraiment bon pour réconforter les gens en général. “Je suis désolé.” Ouais ça c’est la réponse bateau, bravo Jet très utile. “Tu t’entendais bien avec elle ?” Et là je m’immisce dans son intimité, mais c’est ce qu’on fait depuis qu’on s’est assis là non ? Alors je tente, et si elle ne veut pas en parler elle ne le fera pas.
On finit par parler de nos relations amoureuses. Chaotiques pour moi, qui s’arrangent pour elle apparemment. Comme quoi tout n’est pas perdu. Mais je ne sais pas expliquer ce qu’il peut bien se passer entre Ariane et moi depuis toutes ces années. “C’est vraiment compliqué, depuis toujours. Mais peut-être qu’un jour ça changera, je pense pas être prêt pour quoi que ce soit encore.” Je joue avec mon verre, je suis mal à l’aise quand je parle de la rousse de cette manière. Heureusement qu’elle n’est pas là et qu’elle entend rien. Mettre de la distance avec Ariane, on a toujours voulu essayer. Mais qu’on s’aime ou qu’on se déteste elle n’est jamais loin, et je ne le suis pas non plus. C’est compliqué, tellement. “Si seulement c’était aussi simple.” Je ris un peu, un rire lasse certainement. Je ne sais pas où j’en suis, est ce que je l’ai su un jour en réalité ? “Tu crois que c’est de famille ?” Me voilà en train de faire dans l’humour pour détendre l’atmosphère. Peut-être qu’un jour la rousse sortira de ma tête et de ma vie, peut-être que quelqu’un la remplacera un jour allez savoir. Mais je ne suis pas le genre de personne qui vit pour l’amour, bien au contraire.
Ma mère encore un sujet délicat. De toute façon tout ce qui touche de près ou de loin à la famille ou à Londres est délicat mais il a des questions. Il s’intéresse et si parler de ma mère n’est pas un exercice que j’apprécie, ayant du mal à ne pas laisser mes émotions prendre le dessus, je tente de lui répondre. Du mieux que je peux, avec autant de sincérité que je le peux parce que j’ai déjà des choses à lui cacher mais ça je peux lui en parler. Pas que j’apprécie de la faire, mais je peux. « J’aimerais répondre que oui. Qu’on était proche, qu’elle a été une bonne mère mais c’est pas vrai. Elle m’a aidé à un moment où j’en ai eu besoin, mais elle a fini par se suicider en me laissant seule alors non je pense pas qu’on ait un jour été proche finalement elle et moi. Sinon elle aurait pas fait ça. Si elle avait tenu à moi. » Et je sais que cette pensée est fausse, égoïste aussi, mais j’ai beau avoir trente ans, il me manque l’affection d’un parent, d’une mère qui a préféré se tuer en me laissant. C’est ainsi que je le vois. C’est ainsi que je le ressens, son geste lâche et égoïste que je n’ai jamais pu comprendre et encore moins pardonner. Mais elle m’a aidé et au fond elle m’a aimé aussi sans doute mais j’ai trop de rancoeur, trop de colère pour accepter l’idée qu’elle n’a jamais réussi à m’aimer assez pour rester en vie. Qu’elle n’a jamais réussi à me protéger de mon père. Qu’elle n’a même jamais réussi à se protéger de lui finalement. Et si je le déteste lui, je lui en veux à elle parce qu’elle aurait pu nous éviter tout ça. A moi, à Jeremiah et à elle aussi. Et peut-être que si elle avait été une bonne mère, j’aurais pu en être une moi aussi. J’aurais pu avoir son soutien et ne pas gâcher ma vie. Mes pensées divaguent alors que je termine mon verre et que je réfléchis à ce qu’aurait pu être ma vie si ma mère avait tenu son rôle de mère. C’est facile de remettre la faute de mes erreurs sont eux. Sur ma mère, mon père mais au fond c’est eux qui ont fait de moi cette fille instable. C’est eux et j’essaye de me construire comme je peux, sans eux mais avec Caleb et maintenant avec l’arrivée d’un frère dans ma vie. « Enfin assez parlé d’elle. » Parce qu’il n’y a finalement plus grand chose à dire sur elle. Elle est morte. Et elle a laissé un sacré bordel derrière elle et de ce bordel, nous essayons d’en tirer du positif. Et ce repas semble être positif. Nous apprenons à nous connaître lui et moi allons jusqu’à évoquer nos vies sentimentales. Et si la mienne a été chaotique pendant huit ans, la sienne semble l’être encore aujourd’hui. Et au fond de moi, je pense que ça ne semble pas prêt de s’arranger puisqu’il le dit lui même qu’il ne semble pas prêt. Mais c’est une remarque que je garde pour moi, je serais bien mal placée pour le juger. Moi, qui aies géré ces dernières années d’une manière bien peu glorieuse. J’espère juste qu’il traite bien les femmes, que ce soit cette fille avec qui c’est compliqué et les autres. Mais j’ai pas mon mot à dire là dessus encore une fois. « Quand tu seras prêt, si tu l’es un jour, j’espère que tu pourras te battre pour elle et qu’il ne sera pas trop tard. » C’est à la fois un conseil et une réflexion que je laisse s’exprimer à haute voix sans vraiment savoir si j’en ai le droit. « Mais tu sais parfois les choses peuvent être simples si on veut qu’elles le soient. Suffit d’y croire et de s’en donner les moyens. » Mais alors que je prononce ces mots, mes yeux se dirigent vers les cuisines. Je ne peux pas le voir derrière les murs mais je sais qu’il est là. Je sais que j’ai eu de la chance. Beaucoup de chance qu’il accepte de nous donner une opportunité, je sais que j’ai eu de la chance qu’il ne soit pas trop tard pour nous parce que j’aurais sans doute errer encore longtemps s’il avait refusé de nous donner une chance. Alors j’espère juste que Jeremiah ne va pas laisser passer la sienne, s’il tient à cette fille du moins. Et alors que je songe à tout ça, me perdant entre ma propre histoire et celle de Jeremiah que je découvre, j’entends la petite blague de mon demi-frère à laquelle je réponds avec un peu trop d’affirmation. « Ah non j’espère pas. » J’ajoute avec un peu trop de sérieux. « Je ne veux pas vivre comme eux. » À finir par se haïr. A finir par penser que le suicide est la seule issue. Je ne veux pas ça, je n’ai jamais vraiment cru en l’amour. Je n’ai jamais été une grande romantique, du moins avant de rencontrer Caleb et il a changé toute ma façon de voir les choses. Alors non je ne veux pas que les histoires d’amours qui se finissent mal soit de famille. « Je ne sais pas ce que ça fait de vivre en foyer ou en famille, mais je sais ce que ça fait d’être seule et même si parfois c’est le meilleur moyen pour ne pas souffrir, ça ne rends pas heureux. » Du moins pas moi. Et si j’ai eu peur d’aimer, à cause de mes parents sans doute, j’ai connu la vie avec et la vie sans Caleb et clairement y’a pas photo pour moi. Peut être qu’on sait pas aimer dans notre famille, c’est peut être vraiment un trait de famille, mais moi je sais aimer Caleb en tout cas et je souhaite à Jeremiah qu’il puisse connaître ça aussi. Parce que je sais son histoire, du moins son parcourt enfant et il mérite d’être aimé parce qu’il a pas eu une vie facile et tout ça à cause de mon père. Son père. « Il en aura fait des dégâts quand même. Ta mère, ma mère, nous. Tu crois qu’il a gâché la vie de beaucoup de gens ? On pourrait créer un groupe. » Cette fois c’est à mon tour de tenter un trait d’humour. Et tout en trinquant avec lui, je dépose les couverts, rassasiée, je finis de manger sans vraiment finir mon assiette, une habitude pour moi qui ait tendance à consommer bien plus de liquide que de solide. Mais ce repas n’aura pas été si compliqué finalement et la note des boissons ne devrait pas être trop élevée et ça valait le coup. J’ai pu apprendre à connaître un peu Jeremiah, mon demi-frère et même si je ne sais pas du tout comment notre relation va pouvoir évoluer. J’ai l’impression que désormais j’ai un allié pour tenir tête à l’un des hommes que je crains le plus, malgré moi.
Plus cette conversation avance, plus j’ai l’impression qu’elle aussi sa vie n’a pas été de tout repos. On a des vies complètement différentes, et pourtant, j’ai l’impression qu’on se rejoint sur beaucoup de points. Mes lèvres se pincent et je hoche la tête, qu’est ce que je pourrais bien répondre à tout ça ? Je n’ai rien à dire sur sa mère ou sur le semblant de famille qu’elle a eu le droit d’avoir pendant son enfance. Je ne suis personne pour lui dire que sa mère était forcément bonne pour elle parce que c’était sa mère, je suis le premier à savoir qu’une mère peut en avoir seulement le nom. Je baisse légèrement les yeux sur mon verre et soupire, compatissant peut-être ? Mais surtout incapable de la réconforter avec des mots que je n’ai pas l’habitue d’utiliser.
Pourquoi on a commencé à parler d’Ariane ? J’en sais rien et ça me crispe. “Je suis peut-être juste fait pour évoluer seul.” Ca blesse moins et ça me semble être bien plus raisonnable. “On verra bien.” Et d’un signe de la main je zappe le sujet, elle en sait déjà beaucoup et je trouve ça étonnant d’avoir autant de facilités à parler avec ma nouvelle demi soeur. Je lève mon verre quand elle dit ne pas vouloir vivre comme ses parents. “Je ne connais pas mon père mais je me suis toujours promis de ne jamais être comme ma mère.” Je ne l’ai presque pas revu depuis mes 11 ans, et le fils qu’elle a eu après moi non plus. C’est une femme qui m’a abandonné en choisissant mon petit frère au lieu de moi. Super schéma familial que je me suis promis de ne jamais reproduire. Je souris légèrement et apporte le verre à mes lèvres. “On est pas des causes perdues.” C’est la morale de l’histoire finalement non ? Elle a l’air de s’épanouir Alex, et je ne peux que la regarder vivre une vie qu’elle a choisi cette fois. Elle a été assez forte pour se détacher des personne qu’elle n’a jamais voulu comme parents pour son bien être à elle. La blague qu’elle fait sur notre père me fait légèrement rire. “On est déjà deux participants.” Et je ne pourrais pas demander à ma mère ce qu’elle en pense puisque je l’évite depuis des années. “T’as jamais réussi à lui échapper ?” C’est peut-être l’épée de Damoclès que j’aurai au dessus de la tête jusqu’à la fin de ma vie à partir d’aujourd’hui.
Le repas se passe plutôt bien, même très bien en sachant tout le passif qu'il y a derrière notre relation. Un demi-frère qui surgit dans ma vie à trente ans, un homme a apprendre à connaître, à découvrir aussi et j'en découvre des choses. Aussi étonnant que ce soit, la discussion est fluide, facile et on aborde beaucoup de sujets, même les plus délicats. Je lui parle de ma mère, je lui parle de mon enfance, je lui parle de Caleb aussi et il m'écoute, acceptant de me partager des éléments de sa vie aussi même si je le sens mal à l'aise au moment d'aborder sa vie sentimentale qui semble assez chaotique. Et je ne peux pas vraiment lui en tenir rigueur, ses paroles, j'ai pu les avoir aussi. Quelques années plutôt, j'aurais pu avoir ces pensées, alors que j'étais persuadée que je méritais d'être seule. Je remarque son malaise sur le sujet et je n'insiste pas plus longtemps. “On est pas des causes perdues.” Je l'espère vraiment même si je n'en suis pas encore totalement sûre. Ma vie se stabilise, Caleb est revenu dans ma vie et ça change beaucoup de choses même si je continue de boire encore et que je traîne des problèmes qui semblent encore assombrir mon quotidien. Mais même si tout ceci reste compliquée. “T’as jamais réussi à lui échapper ?” Mon passé, ma famille, et ce père que l'on partage désormais, je veux aller de l'avant. Je ne veux plus lui laisser le pouvoir et pourtant c'est compliqué. Compliqué de se détacher de lui, de cet homme et du mal qu'il a fait autour de lui. « C'est pas un homme auquel on peut échapper. » Je pensais lui avoir échappé pendant un temps, je pensais qu'il n'avait plus aucune emprise sur ma vie. Et puis j'ai découvert qu'il savait tout de moi. Qu'il connaissait tout de ma vie, qu'il avait toujours été là à me surveiller et pas pour prendre soin de moi mais pour utiliser les informations au pire moment contre moi. Pour me faire mal, pour me blesser, et même si depuis quelques semaines je n'ai pas de nouvelles de lui, je sais qu'il peut me faire mal s'il le veut. Et il le sait, il sait l'impact qu'il a sur moi, il sait tout ça et ça me déteste de le penser. Je le déteste lui et l'effet qu'il a sur moi. « J'ai essayé, j'ai même pensé pendant un temps que j'avais réussi à faire en sorte qu'il n'en ait plus rien à faire de moi, mais j'ai découvert récemment qu'il connaissait tout de moi, même des choses que je pensais avoir réussi à cacher. » Et dis comme ça, ça peut faire un peu peur finalement. Je finis mon verre, un énième verre mais c'est le dernier puisque le repas touche à sa fin. Mon assiette encore à moitié pleine, mais mon verre totalement vide, je finis par m'excuser auprès de Jeremiah. Une fois n'est pas coutume, je m'excuse auprès de quelqu'un avec lequel je pense avoir merdé. « Je suis désolée d'ailleurs de l'avoir fait entrer dans ta vie. » Et si pour le moment, je suis plutôt tranquille et lui aussi, je sais que s'il le décide il peut nous pourrir la vie. A moi, et à Jeremiah maintenant s'il en voit l'occasion et l’intérêt pour lui et je m'excuse auprès de Jet d'avoir ramené cet homme néfaste dans sa vie. Je m'excuse avant de le remercier d'avoir accepté ce repas. « J'étais ravie d'avoir l'occasion de te connaître un peu plus. On se revoit bientôt pour cette séance de boxe ? » Avant de partir, j'ouvre la porte à l'idée qu'on continue à développer cette relation improbable mais c'est mon demi-frère et j'aimerais apprendre à le connaître encore un peu plus pour voir si on peut tirer quelque chose de positif de tout ça.