Joanne se prend volontiers au jeu du vouvoiement. Chose qui ne nous a jamais réellement quittés, nous ramenant toujours à la soirée qui nous a rapprochés, à l'époque où nous nous découvrions, créant une certaine complicité quand nous y retournions -chose paradoxale pour une forme de langage traduisant une certaine distance. L'entendre parler ainsi m'amuse, et a un côté rassurant. C'est une habitude à nous. Cela fait partie de ces petites choses qui s'installent dans un couple. Prouvant qu'il reste des traces de ce lien quelque part. C'est à la fois reprendre à zéro, nous retrouver à nouveau dans une soirée mondaine pour se redécouvrir sous un autre jour, comme la première fois. Et c'est une continuité de notre étrange relation, en espérant que cela ne soit pas le début d'un nouveau cycle. Non, je sais que ce n'est pas le cas. Je veux croire que c'est le début timide d'un nouveau nous. Je me retrouve à la fois gêné et flatté par ses paroles, lorsqu'elle m'explique avoir réussi à la rassurer par mon calme. Je crois qu'on peut difficilement faire plus touchant pour moi ces derniers temps que d'entendre Joanne me dire qu'elle n'a pas eu peur de moi. Je remarque par la même occasion le calme qu'elle mentionne. Revenant en arrière, je fais le bilan de toutes les émotions et les pensées qui m'ont traversé face au supérieur de la jeune femme, et constate avec surprise que la colère ne fait pas partie de la liste. Pas une once. Elle admet que ce genre d'attitude fait fondre son coeur. Je sens une légère chaleur sur mes pommettes. « Tant mieux. C'est le seul coeur qui m'intéresse. » dis-je doucement. Visiblement, elle n'avait jamais fait l'expérience de ma répartie. Un rire nerveux m'échappe. Les seuls mots avec lesquels je ne suis pas à l'aise sont ceux censés venir du coeur. Du reste, j'ai eu des années pour apprendre à construire des phrases parfaites. « J'ai eu un professeur aussi brillant en la matière que parfaitement méprisable en tant qu'homme. » dis-je, réussissant à garder le sourire en évoquant par à mon père. A vrai dire, mes parents ainsi qu'une bonne partie de mon entourage a toujours donné une grande importance à la manière de manier les mots. Comme elle le dit, c'est une arme, celle qui est privilégiée dans ce milieu, et que j'avais abandonné en laissant ce monde derrière moi. Et ce soir, que s'était-il passé en moi ? « Je n'ai simplement pas ressenti le besoin de m'énerver. Ca ne m'a pas effleuré. » je murmure en haussant les épaules, légèrement dérouté, ne sachant pas encore à quoi je dois ce calme. Au fond cela importe peu, tant que ça marche. Ignorant la présence d'Hannah et de son regard noir derrière nous, je rassure Joanne par une plaisanterie afin de lui faire oublier cette femme également. Ce qui semble plutôt bien fonctionner. Elle comprend bien sûr qu'elle est le type de personne que je mentionne dans ma description. Trouvant toujours le moyen de se déprécier malgré tout. Je me contente de lui sourire, lui adressant un clin d'oeil complice. Le sourire de la belle disparaît assez vite, ce qui a pour effet de froncer mes sourcils. Je comprends vite la raison de son sérieux lorsqu'elle m'avoue avoir été embrassée par un autre homme. Mon souffle se coupe une seconde, puis redémarre afin que je prenne une longue et profonde inspiration. Je déglutis difficilement et cache ma mine perturbée derrière une gorgée de champagne. « Eh bien… » Je fais le tour d'un large panel d'émotions qui me traversent et essaye de savoir quoi dire. Je soupire, comprenant bien que cela avait eu lieu le mois dernier, quand plus rien n'allait entre nous. Je ne trouve pas que la situation bancale de notre couple à ce moment là soit une bonne excuse pour justifier un instant de faiblesse, mais bizarrement, je comprends. Je n'étais pas réellement là, froid et distant, blessé par les secrets que j'avais découvert, prenant toujours plus mes distances avec la jeune femme qui m'avait blessé, incapable de jouer comme il fallait le rôle du compagnon. Naturellement, dans un moment difficile, Joanne a eu besoin de se tourner vers un ami. Sans les détails, je ne peux pas savoir ce qu'il s'est réellement passé, si elle a répondu au baiser de ce James, s'il y en a eu plus d'un. Cela importe peu en réalité. « Merci pour votre honnêteté. » dis-je finalement, retrouvant son regard bleu après de longues secondes passées à l'éviter afin de me concentrer sur mes pensées. « Je ne peux pas nier ma déception. Mais je ne peux pas vous en tenir rigueur. » C'est étrange de maintenir le jeu du vouvoiement dans un moment pareil. Mais il demeure. J'esquisse un sourire imperceptible, je ne parviens toujours pas à ressentir la moindre bribe de colère. C'est particulièrement déstabilisant. Au contraire, mon regard reste tendre. « C'est passé. Vous êtes là maintenant. » dis-je avant de prendre une nouvelle gorgée de champagne. S'il y avait eu une suite, ou quoi que ce soit pouvant la détourner de moi, elle n'aurait pas dit à son supérieur qu'elle est mienne. Qu'elle l'a toujours été. Je préfère croire cela plutôt que d'attacher trop d'importance à un événement que j'espère être isolé. Elle aime ma possessivité, avoue Joanne. Mon sourire se fait plus franc. « J'ai surtout eu de la chance que vous acceptiez d'être en ma possession. » je lâche avec un rire sincère, imaginant l'immense embarras dans lequel j'aurais été si elle avait refusé de prendre ma main. Je crois que je me serais difficilement remis d'une telle humiliation, et ma réputation aussi. Adieu les bains de foule pendant quelques semaines, afin de me faire oublier. Heureusement, je peux en rire maintenant. Joanne finit par remarquer le champagne dans ma main pendant que je porte la coupe à mes lèvres. C'est bien la seule règle que je transgresse de temps en temps dernièrement. Mes autres résolutions me sont beaucoup trop précieuses. « Ah, aucune chance ! Je tiens beaucoup trop à ma santé et à mes convictions. C'est exceptionnel, je... » La raison de cet écart étant, à la base, d'avoir revu Joanne, je cherche les mots pour traduire cela plus joyeusement. « Disons que je fête nos retrouvailles. » dis-je en faisant tinter mon verre contre le sien, toujours happé par son regard bleu. Oui, j'ai eu de la chance qu'elle prenne ma main. Qu'elle soit ici, avec moi. Comme d'autres moments que nous avons partagés, de photographie celui-ci dans mon esprit et l'expose sur une place de choix, immortalisant ainsi sa présence et sa beauté. « J'espère que ma possessivité ne va pas vous attirer d'ennuis. » j'ajoute, plus sérieux. Après tout, c'est son supérieur que nous avons remis à sa place -et que, malgré la subtilité du langage, j'ai quasiment insulté. Je m'en voudrais qu'elle subisse des représailles. « Je m'entends très bien avec la femme du directeur, je pourrais lui en toucher un mot. » Idée séduisante dans la mesure où si je parviens à faire virer Lionel, je serais certain qu'il n'approchera plus Joanne de la sorte. Une telle pensée me rappelle immédiatement mon père, voyant là un plan qu'il aurait été parfaitement capable de mettre à exécution en se fichant bien de ruiner la carrière d'un homme par ses actes. Je balaye tout ceci rapidement de mon esprit.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Je n'y ai pas répondu, à ce baiser." finit-elle par avouer. "Parce que... Parce que ce n'était pas vous." Le calme de Jamie était presque imperturbable. La seule chose qui devait le laissait perplexe était certainement le fait de ne pas sentir une colère monter en lui. Ses yeux continuaient de la regardant dans la plus grande tendressen avouant tout de même qu'il y avait là une certaine déception. Joanne s'en voulait terriblement de l'avoir déçu, alors qu'elle n'était même pas maîtresse de cet événement fortuit, auquel elle ne s'attendait clairement pas. Il ne lui en voulait pas, c'était déjà ça. Joanne esquissa un sourire soulagé, avant de lui chuchoter "Merci..." Le bel homme s'avoua ensuite chanceux qu'elle ait bien voulu qu'elle lui appartienne, en quelque sorte. Un concept qui pouvait semblait bien étrange aux yeux de certains, mais cette idée avait quelque chose de rassurant pour la jeune femme. Il y avait un sentiment de sécurité mêlé à cette envie d'être à quelqu'un, comme une promesse. Ce n'était pas non plus un mariage. Bien qu'elle attachait une valeur particulière à cette cérémonie, elle trouvait que l'impression de n'être qu'à lui allait beaucoup plus que ça. C'était plus intense, plus vrai. "Comment pourrais-je vous refuser quoi que ce soit ?" lui dit-elle à voix basse, se plongeant dans l'immensité de ses yeux verts. Joanne lui esquissa un sourire malin, malgré l'hypnose qu'il exécutait involontairement sur elle. "Je vous rappelle que vous avez pris mon coeur il y a de ça bien longtemps. Et que vous le faites fondre un peu plus chaque jour." Elle avala silencieusement sa salive, marquant une courte pause avant lui souffler. "Surtout ce soir.". Peut-être était-ce le temps avant qu'ils ne se retrouvent, peut-être était-ce un manque certain, peut-être étaient-ce les circonstance, peut-être était-ce l'alcool. Mais Joanne le trouvait tout particulièrement séduisant, beau, élégant, incroyable, ce soir-là. Tout en lui l'envoûtait. L'alcool aidait certainement à faire jaillir son taux d'hormones. Elle aimerait que la soirée s'éternise, qu'ils restent enfermés dans cette bulle qui venait à peine de se reformer autour d'eux, bercés et enchantés par le charme des lieux qui faisaient office de décor à leur romance. "J'espère qu'il y aura des retrouvailles bien plus souvent, dans ce cas." lui dit-elle, les yeux pétillants. Elle trouva cela agréable, qu'ils partagent ensemble un verre de champagne, plutôt qu'elle ne soit la seule à consommer du vin, ou un muscat. Tout était réuni pour que cette scène exacte soit parfaite, en tout point. Les tenues, le décor, le champagne, les regards échangés. Jamie redevint sérieux, espérant que le fait d'avoir remis son supérieur à sa place ne lui porte pas préjudice par rapport à son emploi. Joanne réfléchit un instant avant de lui répondre. "J'ai été sa dame de compagnie pendant toute une soirée, à lui avoir rapporté je ne sais quelle somme pour un projet gargantuesque." dit-elle, le regard pensif. "Je doute que ce soit un argument de taille pour convaincre le directeur du musée de me licencier." Ses yeux se baissèrent, regrettant de ne pas l'avoir recadré elle-même dès le début de la soirée. "C'est de sa faute. Il n'avait pas à se permettre tout seul de me... toucher ainsi." Toucher. Le mot qui voulait tout et rien dire à la fois, mais elle était certaine que Jamie en comprenait le sens, étant certainement le mieux placé pour comprendre sa manière de pensée. Elle passa sa main sur sa nuque, gênée. "J'ai encore l'impression de sentir sa main sur mon dos." dit-elle d'une toute petite voix, un vent de malaise la prenant pendant quelques instants. "Après, peut-être aurez-vous plus d'influence que moi pour expliquer la situation, je... J'aime ce travail." Jamie, en parlant de cela, voulait nécessairement dire qu'il y avait un risque pour son poste au musée, et ça l'inquiétait. Bien que tous les arguments allaient à l'encontre de Lionel, il restait beau parleur, savait se défendre, trouverait forcément de quoi manipuler ses dires pour les retourner contre elle. Joanne n'avait pas cette maîtrise des jeux de mots, encore moins le sens de la réplique. Assez parlé de lui, la jeune femme en avait vu suffisamment pour ne pas vouloir le revoir pendant quelques jours. Sophia n'en reviendra pas lorsqu'elle lui en parlerait. Elle but une belle gorgée de champagne pour clore le sujet. Joanne se prenait le temps d'observer le paysage qui s'offrait à elle, se rapprochant ainsi du muret qui faisait office de rambarde. Timidement, sa main libre s'approche très doucement de celle de Jamie, posée sur le petit mur décoratif, et se mit à caresser ses doigts avec le bout de siens. Une vague d'émotions prenait possession d'elle, comme ces premiers papillons dans le ventre lorsque Jamie avait pris l'initiative de toucher sa main lors de leur premier restaurant. Sauf que là, c'était décuplé. Elle sentait son coeur s'accélérer, sa respiration perdait aussi les pédales. Des temps en temps, des pensées peu décentes parcouraient son esprit, s'avouant qu'elle manquait cruellement de sa chaleur, de son contact. Mais elle n'osait pas le lui dire, qu'il finisse par penser qu'elle est indécise. Mais là, elle savait ce qu'elle voulait. Elle voulait qu'il comprenne qu'il pouvait se permette de la toucher, qu'il en avait à nouveau le droit depuis le début de cette soirée. Joanne continuait d'espérer, muette, prétendant scruter le paysage alors que son esprit ne se concentrait que sur l'homme qui se tenait près d'elle.
Redevenu raisonnable, je ne peux pas m'empêcher de garder une certaine distance par rapport aux événements et aux paroles de Joanne. Elle qui dit fondre un peu plus ce soir. Ayant eu mon lot de faux espoirs, je prends volontiers la gentillesse de ses paroles, mais je ne prends rien pour garanti. Je préfère mettre une partie de ses mots sur la particularité de l'instant. Se trouver dans un lieu de toute beauté, ce cadre hors du temps ; le fait d'avoir été arrachée à un supérieur envahissant, soulignant le romantisme de la chose ; l'alcool coulant dans ses veines, libérant un flot de pensées qu'elle regrettera peut-être demain matin. Je reste simplement souriant, parfois touché, parfois flatté, mais toujours mesuré, alors qu'elle dit espérer que nous aurons d'autres retrouvailles. « Je l'espère aussi. » je réponds doucement. Je ne peux pas m'empêcher de me demander si la prochaine fois que je la verrai aura lieu dans trois nouvelles semaines. Si, après ce soir, elle replongera dans son silence, n'adressant aucune nouvelle pendant des jours et des jours. Avant de réapparaître au moment où je commencerai à ne plus y croire. Est-ce que la prise de distance reprendra de plus belle ? Ou pourrais-je avoir la chance d'avoir un mot de temps en temps ? Je n'en sais rien, je n'ai pas de pouvoir sur cela. Seule Joanne peut décider du tournant qu'elle veut donner aux événements, pendant que je m’attelle à faire mes preuves et me rendre méritant. Ce qui me semble être réussi pour ce soir. Néanmoins, avoir été aussi chevaleresque pourrait porter préjudice à la jeune femme. Je ne songeais pas forcément à un licenciement en mentionnant d'éventuelles représailles, voyant mal ce cher Lionel expliquer le renvoi de Joanne après une soirée des plus fructueuses sans prendre le risque de faire savoir qu'il est uniquement motivé par le refus de ses avances auprès d'elle. Comme elle le dit, le sous-directeur s'était permis un rapprochement bien au-delà des considérations de patron à employé, la belle n'a rien à se reprocher. « Ne vous en faites pas pour ça. » dis-je, me faisant rassurant face à la crainte de Joanne à l'idée de perdre son poste. A vrai dire, j'ai surtout peur que les dérives de la soirée restent secrètes, et que le supérieur de ma nouvelle cavalière lui fasse payer son rejet au quotidien, ne comptant pas essuyer une telle humiliation sans se venger. Dès lundi, ils seront tous les deux, tous les jours, dans le même établissement. Obligés de se côtoyer, de travailler ensemble. Rien ne prouve que l'homme restera sur un échec. L'envie de m'assurer qu'il ne pourra plus jamais l'approcher se fait particulièrement grande. Je me met à chercher le Lionel en question parmi le reste des invités, à travers la baie vitrée. Je le retrouve discutant au sein d'un groupe, non loin de la porte fenêtre. Il ne semble pas remarquer le regard posé sur lui depuis le balcon, absorbé par sa conversation. « Le seul qui pourrait perdre son poste, c'est lui. Il suffit de demander, et je vous mets dans son fauteuil. » dis-je on ne peut plus sérieusement, avant de porter ma coupe de champagne à mes lèvres, continuant de fixer l'énergumène de l'autre côté de la façade. Après quelques secondes, mon attention se reporte sur Joanne. « S'il vous ennuie à nouveau, sifflez et j'accours. » j'ajoute avec un sourire et un clin d'oeil. Mon expression se fait plus trouble lorsqu'elle effectue quelques pas, s'approchant du muret. De moi. Je ravale mon malaise dans une nouvelle gorgée de champagne, mes yeux fixant le sol. S'arrondissant en sentant les doigts de la jeune femme frôler les miens. Surpris, une vague de chaleur me traverse. Je retiens du mieux que je peux mon rythme cardiaque qui cherche à s'emballer, retenant ma respiration. Je ferme les yeux, sans réagir, attendant qu'elle mette fin à ce contact. Ce qu'elle ne fait pas. Et les secondes passant, l'envie d'y répondre se fait de plus en plus présente. Doucement, mes doigts glissent entre les siens, les entremêlant tendrement. Timidement, mon regard se relève et se pose sur la belle scrutant le paysage. « Vous semblez bien pensive. » je fais remarquer, l'admirant malgré moi dans ce cadre si particulier. Je ne sens pas venir la silhouette qui s'est discrètement approchée de nous, pas à pas. La voix marque sa présence par un léger toussotement. Mon regard se pose sur un grand homme longiligne, aux traits plus émaciés que les miens, que j'avais rencontré plus tôt dans la soirée. « Mr. Keynes ? Je suis sincèrement désolé de vous déranger… » Il nous regarde avec un tel embarras que cela en est attendrissant. Je lui souris afin de le rassurer et qu'il poursuive sa phrase. « … le professeur et moi sommes sur le départ, et nous avions parlé de cette promesse de vente… » Que j'avais complètement oublié. Maintenant qu'il la mentionne, je me souviens que parmi les quelques acquisitions faites ce soir, ce jeune assistant d'un archéologue indépendant était parvenu à me faire acheter quelques unes des découvertes de son professeur, me faisant d'une part financer des chantiers à venir, et d'autre part, jouer les intermédiaires entre lui et le musée. Je crois avoir fait l'acquisition de deux ou trois tableaux aussi, dont je ne sais absolument pas sur quel mur de la maison je vais bien pouvoir accrocher. Désolé de l'avoir oublié, je ne me fais pas prier. « Oh, oui, bien sûr, pas de problème. Je vous suis. » J'abandonne ma coupe de champagne sur le muret. Avant que ma main ne quitte celle de Joanne, je me tourne vers elle avec un fin sourire. « Je reviens dans une minute. » Je porte sa main à mes lèvres pour déposer un baiser sur ses doigts -ne manquant pas d’embarrasser un peu plus le garçon qui m'attends. Je disparais finalement à l'intérieur, emboîtant le pas de l'assistant.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Sous-directrice. Joanne ne s'y voyait absoluement pas. Basculer sur un poste plus qu'administratif qu'autre chose, s'éloignant de plus belle des objets qu'elle ferait exposer, manquant des détails qu'elle ne verrait plus jamais. Elle haussa les épaules, peu convaincue de cette idée. Certes, l'aspect financier était attirant, elle n'osait même pas imaginer le multiplicateur à utiliser avec son propre salaire pour savoir combien Lionel gagnait chaque mois. "J'avoue ne pas vraiment me voir en tant que sous-directrice." Elle baissa les yeux "Je ne veux pas devenir comme lui." soupira Joanne en pensant à son supérieur. "Même si le salaire serait largement suffisant pour éponger le prix de cette robe, ce n'est pas ce que je recherche." La jeune femme adorait son métier, elle prenait chaque jour plaisir à se lever pour s'y rendre, excepté quand il s'agissait de quitter les bras de Jamie, mais c'était une autre histoire. "Pensez-vous qu'il viendrait encore me parler ?" demanda-t-elle à voix basse. Elle craignait que la réponse ne soit positive. Joanne continuer d'effleurer la main du bel homme, qui ne bougeait pas d'un pouce pendant des secondes qui lui semblaient interminables. Il prit l'initiave de croiser ses doigts avec les siens, ce qui fit bondir le coeur de la jeune femme dans sa poitrine, l'exprimant par une inspiration marquée. Ses yeux bleus étaient toujours rivés sur l'horizon, profitant au maximum de ce contact si doux, si délicat, et ô combien timide. Pensive, elle l'était. Joanne se mit à sourire en baissant la tête. Lorsqu'elle s'apprêta à parler, un jeune homme maigrichon interrompit leur échange dans la plus grande gêne. La belle blonde le regardait d'un air neutre, ne sachant ce qu'il voulait réellement. Elle n'était pas surprise que Jamie ait cédé à faire quelques achats, et sourit à cette pensée. Mais elle ne voulait pas qu'il parte, même si ce n'était que pour une poignée de minutes. Il baisa sa main tel un gentleman, lui garantissant qu'il serait très bienôt de retour, et elle acquiesça par un simple sourire et un signe de tête avant qu'il ne s'éclipse. Joanne lâcha un soupir, craignant que ce détachement provisoire ne les fasse tous les deux retomber à terre, revenant sur une réalité qui était beaucoup moins magique que cette soirée. La conservatrice se retrouvait désormais seule face à ce paysage ennivrant, aux côtés de deux coupes de champagne. Un serveur bienveillant et très aimable que celui de la jeune femme était presque vide, suggérant de lui en servir à nouveau. D'un sourire sympathique, elle accepta volontiers. Pensive, elle l'était encore. Même si l'alcool lui permettait de se desinhiber et de partager plus aisément le fond de ses pensées, elle avait l'impression qu'il maintenant une certaine distance, qu'il se protégeait, en quelque sorte. Il ne répondait que par des sourires, ne répondait à rien. Jamie avait toujours eu beaucoup de difficultés à exprimer ses sentiments, et l'aurait fait physiquement s'il le pouvait. Mais rien, que des sourires. Elle avait comme une étrange impression de le perdre, alors qu'elle faisait de son mieux, sans trop pousser, pour qu'il comprenne que son coeur n'était qu'à lui. Son visage s'attristait à cette pensée, et buvait de sa boisson pour tenter de penser à autre chose. "Il est complètement dingue de vous, vous savez." Joanne sursauta, surprise qu'il s'agisse de cette belle brune- il ne fallait pas se voiler la face, elle était d'une beauté rare. Cette fois-ci, elle arpentait un sourire sympathique, maintenant une certaine distance avec Joanne, qui était son parfait antagoniste, du moins, physiquement parlant. "Je n'en suis pas si sûre." dit-elle à voix basse, ses iris bleux se dirigeant à nouveau sur le paysage. "Vous devriez l'être. Il vous cherchait du regard. Tout le temps. C'est le genre de choses que l'on peut observer très facilement, quand on est du milieu." Ca se voyait tellement que ça, que Joanne n'était pas une gosse de riche ? "Je peux dire que j'en ai déjà vu, des hommes amoureux. Mais jamais comme lui. Pas autant." Elle haussa les épaules, en ajoutant "Vous êtes du genre à attendre qu'il fasse le premier pas, il doit se dire exactement la même, que ce soit vous qui le fassiez." Avant de tourner les talons et faire virevolter sa magnifique chevelure, elle dit "Surprenez-le." La conservatrice la regarda, incrédule, la situation lui semblant si irréelle. Jamie n'aimait pas être surpris, ne disant n'aimer que les bonnes surprises. Seulement, elle ne savait ce qu'il apprécierait réellement ou ce qui pourrait le contrarier. De plus, elle n'avait jamais été très douée pour ce genre de choses, même si elle y prenait beaucoup de plaisir. Sirotant inlassablement sa boisson, Joanne s'étonnait de tenir encore de manière tout à fait convenable sur ses hauts talons -l'habitude d'en porter, certainement. Une très légère brise commençait à se lever. Entendant des bruits de pas s'approcher d'elle, Joanne jeta un coup d'oeil par dessus son épaule pour constater qu'il s'agissait bien de lui. Elle ne bougeait pas d'un poil et se mit à sourire, alors qu'il retrouvait sa position près d'elle. "Une belle transaction ?" demanda-t-elle d'un ton léger. Joanne scrutait à nouveau Brisbane qui s'endormait, marquant une pose. "Vous me disiez être pensive...." commença-t-elle. "A vrai dire, je pense à beaucoup de choses, et cela ne concerne que vous." Elle marqua un temps de pause. "Me croyez-vous encore, Mr. Keynes ? Me faites-vous encore confiance ?" Joanne le comprendrait s'il répondait de manière négative. La main de Jamie était à nouveau posé sur le muret, la tentation était grande. "Voudriez-vous encore de moi ?" demanda-t-elle à voix basse, ses doigts cherchant irrémédiablement la main du bel homme, ne souhaitant qu'avoir ne serait-ce que quelques minutes de contact supplémentaire. Elle pensait lui avoir fait comprendre qu'il pouvait s'approcher d'elle, et malgré le champagne et la rigueur demandée de la soirée, elle n'aurait jamais l'audace de véritablement le surprendre. Son regard était toujours rivé dans la même direction, se voulant presque suppliant, inquiet, elle craignait que ses réponses ne viennent à faire saigner son coeur plutôt que de le faire fondre. Tout ceci, étant majoré par l'alcool qui coulait librement dans ses veines.
« Vous êtes conscient de ne rien gagner dans cette transaction ? » demande le professeur avec des yeux ronds pendant que je rédige à la main ma promesse d'achat d'un montant qu'il vaut mieux taire. Mais vu le seul prix du stylo utilisé pour écrire sur le bout de papier que m'a fourni l'assistant de l'homme, cela n'est pas vraiment un chiffre capable de faire trembler cette main. Je termine d'apposer les derniers mots et signe vivement en bas de la page avant de la tendre à mon interlocuteur, ainsi que le stylo. Les doigts, immenses et fébriles à la fois de l'archéologue, l'attrapent comme si un rien pouvait le briser en mille morceaux. L'air sérieux, je réplique ; « J'ai l'air assez naïf pour ne pas m'en rendre compte ? » En effet, j'achète les pièces pour les donner. Mais le sentiment d'effectuer deux bonnes actions, de faire d'une pierre deux coups, est assez satisfaisante. L'homme bredouille, le rouge monte à ses joues barbues ; « Ce n'est pas ce que je voulais dire... » Il ose à peine se pencher sur le papier pour signer à son tour tant la peur de m'avoir froissé, et d'avoir ainsi foutu en l'air tous ses efforts -ces riches sont tellement capricieux- le paralyse. Un large sourire amusé éclaire mon visage dans le seconde. Humour cruel, s'il en est, je me dis qu'il m'en appréciera qu'encore plus l'achèvement de cette fameuse transaction. « Ne vous en faites pas, j'avais compris l'intention. » dis-je d'une voix rassurante, posant une mai amicale sur son épaule. Soulagé, l'archéologue s'empresse de gribouiller sa signature à son tour, plier la page et la ranger dans la poche intérieure de sa veste. Puis il me tend une main ferme mais chaleureuse, visiblement ravi. Je l'empoigne sans hésitation. « Revenez vers moi dès que possible, et quand tout sera en ordre, envoyez directement les pièces au musée de ma part. Adressez-les à Joanne Prescott. » dis-je, pensant que recevoir de nouvelles vieilleries à exposer pourrait faire plaisir à la jeune femme. Je ne lui en dirai rien, afin que la surprise soit totale. Injustement, si je ne suis pas friand de surprises, je ne me lasse pas d'en faire. Sur ce, mes deux interlocuteurs récupèrent leurs manteaux et s'en vont, satisfaits par cette fructueuse soirée. A mon tour, je tourne les talons pour retourner sur la terrasse, espérant que Joanne y soit encore. Après tout, elle aurait pu à nouveau changer d'avis et partir sans prévenir. Son supérieur aurait pu la trouver et la faire partir. Mais elle est bien là lorsque j'arrive à l'extérieur. Je m'arrête à quelques pas d'elle pour l'admirer de dos, les cheveux sur sa nuque courbée pour tourner sa tête vers moi. La vue derrière elle. Mon coeur fait un bond. Je reviens sur terre lorsqu'elle me demande comment la transaction s'est passée. « Magnifique. Vous le saurez quand vous la verrez. » dis-je, gardant tout le mystère de l'objet de ma courte absence. Elle ne devrait pas tarder à en savoir plus, lorsque les paquets arriveront sur son bureau. Je m'approche enfin, retourne m'appuyer sur le muret. Elle prend une inspiration afin de prendre la parole, je me fais donc attentif. Joanne dit que ses pensées sont tournées vers moi. Mes yeux se plissent, avides de comprendre. Est-ce que je lui fais confiance ? Bien sûr. Je sais que j'ai une parfaite, entière confiance en elle pour piloter le rythme de notre relation comme cela lui semble bon. Néanmoins, je ne peux pas encore mettre mon coeur dans ses mains comme avant. Pas encore. Je dois penser à me préserver d'une nouvelle déception, d'une nouvelle blessures. Les dernières ayant été longues et difficiles à panser. « Je voudrai toujours de vous. » dis-je doucement, empli de sincérité. Mes mains viennent chercher les siennes, la forçant à abandonner sa coupe sur le muret et à me faire face. Mon regard ne quitte pas le sien. Je déglutis, sachant qu'il m'est difficile d'articuler les mots que je dois dire. « J'aimerais seulement éviter de… brûler les étapes. » Comme elle l'a elle-même dit sur la plage. Une des raisons pour lesquelles elle a souhaité prendre ses distances. Une raison que j'ai adopté sans rechigner, la faisant mienne. « Je n'ai pas eu de nouvelles pendant des semaines. » je murmure sans la moindre rancoeur, uniquement pour appuyer mon propos. Trois semaines sans un mot, c'est long. Cela laisse le temps de prendre du recul, réfléchir, se recentrer. Cela rend aussi ces retrouvailles plus intenses. Nous ne serions pas dans cet état d'émoi si nous nous étions quittés la veille. « Je ne veux pas que l'occasion, la soirée, le lieu, le… champagne… ne vous pousse à aller trop vite. » J'espère que la remarque ne l’offensera pas. C'est une crainte fondée à mes yeux, et la franchise mérite qu'elle soit mentionnée. « Je suis déjà heureux de vous avoir vu, de pouvoir prendre votre main. » Je ne veux pas paraître ingrat. Joanne m'a déjà beaucoup donné et permis ce soir. Je ne veux pas non plus que ma présence soit une forme de pression pour elle, la forçant à aller plus vite que ce qu'il faudrait par peur. « Peut-être que j'ai moi-même besoin de temps. » Le temps nécessaire pour que tout devienne réel à nouveau, petit à petit. Pour que je puisse construire, de mon côté, l'homme que je veux être et qui me semblera mériter la jeune femme. Trois semaines ne sont pas suffisantes pour ce genre de construction, et je ne risquerai pas de la décevoir à nouveau. « Mais je vous aime. Plus que tout. Cela ne change pas. » je conclus, l'approchant un peu plus en tirant sur ses mains. Je les lâche afin de glisser mes bras autour d'elle, me permettant de l'étreindre tendrement avant de déposer un baiser sur son front. Espérant qu'elle comprenne.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Toujours d'elle. Il disait vouloir toujours d'elle. Ses mots la rassuraient au plus haut point. Elle sourit légèrement, jusqu'à ce qu'il la force délicatement à se défaire du verre qu'elle avait tenu et utiliser pendant toute la soirée afin qu'elle se retrouve face à elle. Etrangement, cela l'embarrassait beaucoup, de ne plus rien avoir dans ses mains, et d'être menée à le regarder. Il n'y avait plus aucun moyen pour elle de se cacher, ni par ses yeux scrutant le paysage, ni par un alcool pétillant qu'elle buvait dès qu'elle ne se sentait plus à l'aise. Il la voulait désarmée et découverte, et abusait de ses capacités pour parvenir à ses fins. Immédiatement, elle plongea ses yeux dans son regard vert, l'empêchant même de cligner les yeux. Jamie ne voulait pas brûler les étapes. Comme avec Lionel, il utilisait avec brio les termes qu'elle avait elle-même utiliser, comme pour la faire redescendre sur Terre, revenir à une réalité bien moins enchanteresse que cette soirée. Elle fuya ce regard qu'elle aimait tant lorsqu'il rebondit sur le temps qu'elle avait pris pour le contacter. En soi, s'ils ne s'étaient pas croisés, les retrouvailles auraient été faites bien après cette soirée. La jeune femme aurait volontiers bu une gorgée de champagne, regardant le verre discrètement. L'alcool commençait terriblement à lui monter à la tête. "Je ne sais pas quand est le moment propice de réengager quoi que ce soit après tout ce qu'il s'est passé." Joanne se sentait si honteuse, persuadée qu'il ne la croirait pas. "Je ne sais pas non plus prendre des décisions." ajouta-t-elle à voix basse. "Et vous revoir en était une énorme, de décision. L'envie y était, elle a toujours été là. Je craignais notamment que nous soyons trop rapidement tentés de l'un de l'au-... de brûler les étapes." Ses yeux s'humidifièrent, sans pour autant être annonciateurs de larmes. Juste une émotion vive, voilà tout. "Bien que j'apprécie que vous me laissiez décider de ce qu'il adviendra de nous, cela m'effraie. Que mes choix n'aident en rien." Enfin, elle le regarda à nouveau. "Je suis incapable de décider de tout ceci toute seule. J'apprécie énormément votre intention, vraiment. Mais je ne peux pas faire ça toute seule." Ses iris bleus débordaient de sincérité. Peut-être qu'il la défiait, en même temps. Il savait très bien que ce n'était jamais un oui ou un non avec elle, mais toujours un peut-être ou un pourquoi pas. "J'espère que vous pouvez me pardonner." souffla-t-elle. Bien étrange que de continuer à se vouvoyez alors que leur conversation était on ne peut plus sérieuse et sincère. "Je n'ai pas peur de vous." dit Joanne, afin de lui assurer qu'elle ne craignait plus ses violences, qu'elle savait au fond d'elle qu'il ne recommencerait jamais. "J'ai peur de toute le reste." compléta-t-elle. Jamie tenait fermement, mais tendrement les mains de la belle blonde, cette dernière songeant toujours un petit peu à finir son verre. Le fait était qu'elle commençait à avoir froid, et que de se rafraîchir de l'intérieur n'était pas la plus brillante des idées. Il avait raison, elle avait beaucoup, et l'alcool commençait à avoir raison d'elle. "Ces arguments vous... poussent-ils à ne plus vouloir de moi comme cavalière ?" Le premier argument étant bien entedu l'alcool, bien qu'elle se tenait encore assez bien après tout ce qu'elle avait consommé. Il ne fallait pas le nier, elle avait appris à profiter de cette soirée. Elle avait des discussions intéressantes, et tout lui semblait bien plus supportable quand elle était avec lui. Certainement son côté fleur bleu qui ressortait, bien que ces galas soient bien loin des ambiances de soirées qu'elle pouvait s'imaginer. Joanne aimait vraiment cette robe, après tout. Elle en aurait volontiers donner plus, alors qu'il voulait s'en arrêter. "Vous attendiez-vous à plus ? A moins ?" Avoir une idée de ce que Jamie voulait exactement pourrait certainement la guider dans ses choix. Elle ne pensait qu'à son bonheur à lui. La jeune femme se doutait qu'il avait lui-même besoin de temps même s'il ne l'explicitait pas plus que cela. Elle ne put s'empêcher de lui montrer sa surprise. Lui qui avait horreur d'attendre, de patienter. Il était prêt à le faire, pour elle. La jeune femme en restait longuement muette avant de balbutier et enfin d'émettre une question compréhensible- ce coup-là, c'était plus par l'embarras et la nervosité que ces bons verres de champagne. "Dans ce cas, serait-ce trop précoce pour vous de vous demander quand seront vos prochains jours de libre ?" Elle haussa les épaules, tentant de trouver des idées assez basiques et qui ne les poussent pas à aller trop vite. "Pour... pour un déjeuner peut-être, ou pour une promenade, je ne sais pas. Qu'importe." A partir du moment qu'ils pouvaient se fréquenter à nouveau, et de ne pas brûler d'étapes. Il disait l'aimait, plus que tout, que ça n'avait pas changé. Là, personne ne pouvait rien faire, deux simples larmes s'écoulèrent sur ses joues, prises par l'émotion et l'importance de ces mots. Alors que ses yeux brillaient sous ces multitudes de lampions qui décoraient et illuminaient la terrasse, Joanne se laissa attirer vers Jamie afin qu'il puisse l'enlacer dans la plus grande tendresse. Simple réflexe peut-être, les bras de Joanne se glissèrent sous sa veste, étant en contact direct avec sa chemise, et sentant sa chaleur. Elle commençait à avoir froid, les épaules ainsi dénudés- ça, c'était l'excuse raisonnable. Sa tête était tourné côté paysage, collée contre l'épaule de Jamie, s'assurant que personne ne voie ses larmes. Un signe de faiblesse, pour elle. Avant cela, il l'avait embrassé sur le front. "Je vous aime aussi." lui dit-elle à voix basse, afin qu'il soit bien le seul à l'entendre. La belle blonde restait ainsi de longues minutes, avant qu'une question ne vienne lui frôler l'esprit. "Est-ce convenable de-..." de s'enlacer ainsi durant ce genre d'événements. A vrai dire, elle s'en fichait, à ce moment là.
Pour mon plus grand soulagement, Joanne ne semble pas trop déçue par mes paroles, contrariée ou vexée. Elle aurait pu l'être. Elle qui a fait un grand pas vers moi, pour mieux se faire rendre ses propres arguments. J'ai toujours refusé qu'elle s'éloigne, si impatient à l'idée de la retrouver, de la récupérer, ne voulant pas attendre, ne songeant qu'à la regagner. Mais j'ai eu le temps de réfléchir, de peser chaque événement, chaque mot qui a été prononcé le mois dernier. J'ai pris autant de recul que possible, assez pour me rendre compte que Joanne avait raison. L'attente grandissante, plutôt que de me faire imploser à force d'impatience, m'a rendu plus sage et réfléchi à ce sujet. Nous étions allés trop vite, refusant de nous laisser le droit de réfléchir à nos actes, préférant nous laisser aveuglément guider par des sentiments si intenses qu'ils nous laissaient désarmés. Deux pantins face aux lois de la physique, prêts à tout mettre en œuvre pour rester l'un avec l'autre. Nous avons été deux aimants, semblables, tournés vers le même pôle essayant de se coller l'un à l'autre quand cela était impossible ; nous nous battions autant que nous le pouvions contre cette force naturelle et immuable qui ne cessait jamais de nous écarter l'un de l'autre. Il fallait que quelqu'un dise stop, que cette force nous éjecte loin l'un de l'autre. Attendre que mon pôle change. Et que les lois qui régissent les aimants reprennent leur droit, nous permettant de nous rapprocher, compatibles cette fois. Le problème est maintenant de savoir qui doit s'approcher de l'autre jusqu'à ce que l'attraction fasse son effet. Et à mes yeux, cela ne peut être que Joanne. Néanmoins, elle m'avoue qu'elle ne se sent pas de taille à effectuer les démarches seules. Je la reconnais bien là. « Vous n'êtes pas toute seule. » je me contente de répondre. Elle sait que je suis là. Toujours. Ses décisions font parfaitement capables de nous faire avancer. Après tout, c'est elle qui est venue vers moi ce soir, plutôt que de choisir de passer la soirée dans sa bulle, me laissant ignorant de sa présence dans la même pièce que moi. Mais je ne reste pas inerte. A chaque pas vers moi, j'en effectue un à mon tour. Comme lorsque je suis moi-même venu à sa rencontre, me confronter à son supérieur. Là encore, c'est elle qui a décidé de prendre ma main. « Nous allons un pas à la fois, l'un après l'autre. Ca ne peut marcher qu'ainsi. » dis-je pour la rassurer. Malheureusement pour elle, étant la personne qui a décidé de l'éclatement de notre ancienne relation, elle est la seule à pouvoir donner la mesure de la nouvelle. Elle est seule à pouvoir lancer la marche, faire le premier pas, en sachant qu'elle a à ses côtés quelqu'un qui sera toujours là pour la suivre et lui répondre. La jeune femme répète qu'elle n'a pas peur de moi. Ce genre de phrase de sa part me rend très émotionnel, cela se sent dans mon regard devenu particulièrement brillant. Je me contente de lui sourire, reconnaissant. Je ne suis pas certain d'avoir mérité aussi tôt cette confiance de sa part, mais même si le champagne est à l'origine de ces mots, ils me touchent. Elle me demande si cette même boisson, et l'environnement, pourraient m'inciter à me détourner d'elle ce soir. Je secoue négativement la tête. « Absolument pas. Vous êtes la seule cavalière que je veux à mon bras. » Mes doigts se resserrent légèrement autour de ses mains froides. La soirée se fait fraîche. Ses bras nus commencent à avoir la chair de poule. A quoi pouvais-je m'attendre de sa part ? « Ce soir ? Je ne m'attendais pas à autant. » Je n'ose pas répondre que je ne pensais même pas qu'elle serait venue vers moi après m'avoir remarqué parmi les invités. « A vrai dire, je suis toujours étonné que vous ayez pris ma main tout à l'heure. » j'ajoute avec un sourire légèrement nerveux. Ce moment sera de ceux qui resteront bien ancrés dans ma tête, la manière dont elle s'est proclamée ma Joanne. Pour sûr, j'étais loin de m'attendre à autant de sa part. Cela dit, je ne m'attends pas à plus pour ce soir. Et je ne me pense pas prêt à accepter plus. Je ne sais pas quel sera le prochain pas que nous aurons à faire, mais je préfère attendre. Prendre le temps. Nous nous connaissons déjà si bien elle et moi que nous pourrions vite être tentés de nous passer d'une nouvelle période de découverte l'un de l'autre avant de nous retrouver pleinement. C'était mon cas il y a trois semaines. Aujourd'hui, je ne demande qu'à installer cette confiance et cet amour de manière plus terre à terre. Afin que plus personne ne soit blessé, de quelque manière que ce soit. Puisqu'il faut prendre les devants, Joanne me demande quand je serais de nouveau libre pour passer du temps ensemble. Sans hésiter, je réponds ; « La semaine prochaine. Je peux me libérer pour un déjeuner le jour qui vous arrange. » Ce qui fait sept possibilité différentes ; autant de jours que de choix. Sûrement un peu trop pour une jeune femme alcoolisée qui, de nature, esquive toute forme de décision. Je me fais donc plus arrangeant ; « Disons vendredi ? » Cela nous laisse une semaine, pile, chacun de notre côté. Assez de jours pour repenser à cette soirée et à la suite que nous souhaitons lui donner. Pas à pas. Mais malgré la distance, l'attente, ce nouveau départ, mes sentiments restent intacts. Ma conviction d'avoir face à moi la femme de ma vie reste la même. C'est le seul point que je n'ai pas eu une seule fois à remettre en question. Mes mots déclenchent la chute de deux larmes sur les joues de Joanne. Ma bouche entrouverte cherche des mots pour m'excuser de la mettre dans cet état, mais je reste muet. Préférant laisser le naturel prendre le dessus, et prendre la belle dans mes bras. L'aimer par les gestes, comme je suis pauvrement capable de le faire. Elle me rends mes mots. Mes bras resserrent leur étreinte. Les siens en contact direct avec ma chemise ont terminé de rendre mon rythme cardiaque hors de contrôle. Alors que nous ne bougeons pas, j'inspire profondément à plusieurs reprises afin de calmer ce coeur qui palpite. Son oreille collée à mon torse doit pouvoir le capter à travers le vêtement qui la sépare de ma peau. Joanne débute une question qui meurt rapidement dans l'air. « Pas du tout. » je réponds tout de même avec un sourire amusé. Les embrassades pendant les soirées mondaines sont sur la liste des attitudes proscrites. Mais qui s'en soucie ? Qui viendra nous arracher aux bras l'un de l'autre ? Mes mains passent régulièrement sur le dos de la jeune femme, afin de la réchauffer un peu. Profitant de ce contact qui m'avait vraiment manqué. Une vibration au niveau de la poche de ma veste interrompt le moment. Je sors mon téléphone pour constater que mon alarme s'est déclenchée. Minuit. J'ai toujours mes deux chaussures et mon Audi, mais l'heure est tout de même venue pour moi de quitter les lieux. « Je dois partir. » dis-je, terriblement désolé en rangeant le portable à sa place. « Je dois me rendre à la radio demain, j'ai énormément de travail et de projets sur le feu, ça n'arrête jamais. » j'ajoute, cherchant une justification qui n'a pas vraiment lieu d'être. Les obligations sont les obligations. Et si je veux être en état demain, je ne peux pas veiller plus. Je lâche Joanne à contre coeur et reboutonne ma veste, remarquant le vent frais. Je m'efforce de lui sourire, essayant d'apaiser la déception d'une soirée coupée court. « Est-ce que je vous raccompagne ? » je demande timidement. Je me doute que Joanne est venue ici avec son cavalier. Stratégiquement parlant, pour Lionel, amener la jeune femme à la soirée, la privant de sa propre voiture, était une bonne manière de s'assurer qu'elle ne puisse pas partir sans lui. Bien sûr, elle pourra toujours prendre un taxi. Mais j'avoue préférer la raccompagner. L'alcool rend vulnérable. Une réflexion me traversant l'esprit, je passe mes dents sur mes lèvres, me demandant si je dois la formuler ou non. « Ou je peux rester. Si vous me le demandez. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Elle n'était pas toute seule, mais c'était l'impression qu'elle avait lorsqu'elle se sentait obligée de prendre les devants. Choisir. Cela mettait la jeune femme dans une position dans laquelle elle n'était pas à l'aise. C'était beaucoup trop demander de décider de ce qu'ils allaient devenir ensemble, et à quel rythme. Une idée qui l'effrayait, dans la mesure où si l'un de ses choix dérivaient leur couple à la dérive, elle s'en voudrait énormément, et pendant très longtemps. Avoir cette idée sur la conscience était pesant pour elle, avançant à pas de fourmi pour mieux avoir vers où ils tendaient à aller. Joanne se doutait qu'il se voulait rassurant, précisant que c'était le seul moyen que tout fonctionne pour devenir deux personnes qui s'accordaient à la perfection, sans l'ombre d'un défaut ou d'un désaccord. Un procédé long et rigoureux, demandant un surplus de patience et l'écoute de l'autre. La jeune femme s'était surtout éloignée de lui, de crainte qu'il ne la blesse à nouveau, qu'il soit en colère contre et qu'il crie. Un trio gagnant qui a valu une séparation de trois semaines, se ressassant encore et encore un traumatisme bien gravé en elle, un désastre au niveau psychologique. Elle le craignait, mais au fond, elle savait qu'il n'oserait plus rien lui faire, qu'il ne pouvait rien faire de pire. Joanne ne s'était jamais pensée inatteignable ou immunisée face à cette agressivité. Il se blessait sans arrête à cause de cela, et ça la blessait tout autant de son côté, d'une bien autre manière. Le voir souffrir ainsi lui était intolérable. Une symbiose qui fonctionnait déjà beaucoup trop bien, pour une relation jeune de quelques mois. Il voulait qu'elle soit sa seule cavalière, et elle sourit, visiblement flattée. Seulement, la belle blonde doutait qu'il ne veuille vraiment l'emmener à l'une de ses soirées par lui-même, sauf par obligation peut-être. Un pressentiment qu'elle avait lorsqu'elle l'écoutait. Jamie semblait surpris qu'il soit venu vers elle, et qu'elle tienne à rester avec lui. "La plus belle de toutes les opportunités." dit-elle d'un léger, le sourire pendu aux lèvres. "Et une décision dont je suis particulièrement fière." dit-elle à voix basse, timide. "Je n'aurais pas pu rêver mieux. Je... J'avoue avoir beaucoup aimé l'assurance qui résonnait dans votre voix et par votre geste. Cette certitude que mon coeur soit à vous, alors que nous sommes dans une situation où l'on doute de tout..." Joanne haussa les épaules, manquant de mots. Cette partie là faisait partie du Jamie qu'elle aimait plus que tout. "Ca me fait... sentir spéciale, à vos yeux." Physiquement, ils étaient encore loin d'être ce couple qu'ils avaient pu être. Mais mentalement, les sentiments n'avaient jamais cessé, toujours un peu plus forts tous les jours. Du moins, c'était la manière dont Joanne le ressentait. Ce n'était pas ces trois semaines de silence radio qui avaient pu taire l'amour qu'il lui portait. Etrange chose de ne pas oser se rapprocher physiquement, même s'ils pouvaient se le permettre. Ils en avaient le droit, mais ce n'était pas raisonnable. Ne pas brûler d'étapes. L'un comme l'autre savait parfaitement que s'ils cédaient d'une manière ou d'une autre, et de se retrouver aussi rapidement ensemble que la dernière, c'était la chute libre assurée, et surtout, pas de troisième chance. L'étape suivante était de se revoir plus rapidement que cette-fois-ci, et Jamie suggéra spontanément de se voir la semaine suivante. Avant qu'elle ne puisse réfléchir quel jour serait le plus approprié, le bel homme proposa le vendredi. Joanne avait une pause pour son déjeuner chaque jour de travail, elle n'aurait aucune difficulté de se glisser en dehors du musée pour aller le retrouver. Le fait qu'il accepte et réponde aussi spontanément lui mettait du baume au coeur, ravie de voir qu'il en voulait tout autant. "C'est parfait." lui répondit-elle, ne pouvant détacher de ce sourire sincère accroché sur le bout de ses lèvres. Joanne s'imbiba de la chaleur du gentleman, blottie contre lui. Une chaleur qui lui avait beaucoup manqué. Bien qu'elle entendait le rythme effréné de son coeur, elle ne réalisait absolument pas qu'il battait si vite pour elle. Mais l'écouter commençait à la bercer, jusqu'à ce que le téléphone portable vienne à vibrer. La première pensée qui traversa l'esprit de la jeune femme en entendant ce bruit était ABC. Elle avait vite compris ce fait, et avait pratiquement toujours raison. Une fois de plus. Bien sûr qu'il avait énormément de travail, beaucoup de projets sur le feu, bien sûr que ça n'arrêterait jamais. C'était une chose qu'elle savait très bien. L'alcool étant toujours bien présent en elle, la jeune femme ne put s'empêcher de cacher sa déception. Elle pensait qu'il se lasserait à un moment de rester ici, et elle avait songé à lui proposer de se promener dans le parc qui s'étendait à leurs pieds. Son regard s'illumina malgré tout lorsqu'il lui suggéra de la ramener chez elle- enfin, chez Sophia, qui devait très certainement l'attendre. "Si ça ne vous dérange pas." dit-elle, tout aussi timidement. Elle ne voulait qu'il se sente obligé. "Je doute que la personne qui m'y a menée ici veuille bien me ramener chez moi." dit-elle, ses yeux s'étant rivés sur son supérieur, noyé dans une discussion certainement inintéressante. Joanne était suffisamment innocente pour croire que Lionel n'avait aucune intention derrière la tête, lui proposant ainsi de l'emmener et de la ramener. Elle pensait que ce n'était que purement amical. "Et je n'ai pas envie que ce soit lui." souffla-t-elle, perdue dans ses pensées. Jamie revint assez rapidement sur sa décision, disant qu'il pouvait restait s'il le demandait. La jeune femme gardait ses yeux baissés, timide. "Je ne me permettrais de vous en demander autant. Je sais bien à quel point votre travail compte pour vous. Vous devriez vous reposer." dit-elle, en toute gentillsesse, et en toute connaissance de cause. Joanne n'oserait jamais s'interposer face à l'emploi de Jamie, craignant de le déranger ou de lui mettre les bâtons dans les roues. Après tout, il ne fallait pas brûler d'étapes.
Je n'ose pas avouer à Joanne à quel point je n'avais pas la moindre certitude lorsque je lui ai proposé de quitter la compagnie de son supérieur. A quel point je m'étais senti fébrile, affichant une assurance de circonstance. Mais à mes yeux, rien n'était moins sûr que sa main dans la mienne. Pas aussi tôt. Pas après trois semaines de silence, de distance. Je préfère me contenter de sourire, légèrement gêné par les propos de Joanne. Elle est spéciale à mes yeux, et même si elle refuse d'en avoir conscience, au fond, elle le sait. Je le lui ai déjà répété plusieurs fois. Je lui ai avoué toute la certitude quant au fait qu'il ne peut y avoir personne d'autre qu'elle dans ma vie. Rien n'a changé. Nous convenons de nous revoir la semaine prochaine pour déjeuner. Je me dis que, pour le moment, le temps de nous retrouver doucement, passer des moments délimités dans le temps, en public, est le meilleur moyen de nous empêcher d'aller trop vite. Nous imposer un cadre et limiter l'intimité me semble être une bonne solution pour reprendre les bases. Recommencer à « sortir ensemble » comme un couple normal – le genre de couple qui ne s'installe pas ensemble trois mois après leur rencontre dans une bagarre de bar. Nous ne sommes certainement pas faits pour prendre le temps qu'il faudrait, conventionnellement parlant ; nous aurons toujours l'air de brûler les étapes au yeux du reste du monde. Mais nous pouvons ralentir pour notre propre bien. C'est une chose sur laquelle Joanne et moi avons l'air sur la même longueur d'onde, ce qui est un excellent début. Mon sourire ne me quitte pas. Malgré l'alarme de mon téléphone me rappelant à l'ordre. Sur conseil du médecin, je dois donner une attention toute particulière à mon sommeil, essayer de trouver un rythme de vie aussi stable que possible -selon ce que mon travail peut m'offrir de plus stable bien sûr, et c'est souvent loin de faire l'affaire. Attendri par la mine déçue de Joanne, je dépose un nouveau baiser sur son front, lui proposant de la raccompagner. Chose qu'elle accepte avec un sourire. Bien sûr, je préférerais mille fois rester ici. Continuer à profiter de ces retrouvailles. Du cadre. Faire durer ce moment autant que possible avec bon espoir que notre bulle échappe au temps qui passe. Mais l'heure vient quand même. Je propose à la jeune femme de rester, avec un léger espoir qu'elle me demande en effet de ne pas partir. C'est sans surprise qu'elle admet qu'elle ne se permettrait pas de me retenir. Elle est ainsi. Je masque une pointe de déception par un léger sourire alors que je lui adresse mon bras afin qu'elle y glisse le sien. Nous traversons la salle jusqu'aux hôtesses d'accueil qui nous rendent nos vestes -et elles ne seront pas de trop pour nous protéger de la fraîcheur de la nuit. Pendant que j'aide Joanne à enfiler la sienne, je vois le voiturier s'atteler à retrouver ma voiture et la conduire juste en face des marches de l'entrée. Il me rend mes clés en nous souhaitant une bonne nuit. C'est tout naturellement que j'ouvre la portière côté passager pour ma cavalière avant de monter derrière le volant. « Tu es toujours chez Sophia, c'est ça ? » je demande sans trop avoir de doutes sur la question. Après sa confirmation, je retrouve l'adresse dans le GPS, observe rapidement le plan avec la route indiquée, mais n'active pas le guide vocal. S'il y a bien une chose dont j'ai horreur, c'est d'entendre la voix du GPS résonner dans l'habitacle sans cesse. Arrivés à un croisement, j'avoue avoir une seconde d'hésitation, prêt à tourner en direction de la maison. L'habitude. Je me reprends assez vite pour emprunter la route opposée. De temps en temps, ma main à proximité du levier de vitesse vient attraper celle de la jeune femme pour quelques secondes. Histoire de toujours plus profiter de son contact. « Est-ce que tu penses récupérer ton appartement un jour ? » je demande par curiosité, en chemin. Reever doit toujours s'y trouver, raison pour laquelle Joanne n'y est pas. Elle ne va pas déloger son propre frère. Et puis, la compagnie de sa meilleure amie doit lui être bénéfique. La jeune femme ne fait pas bon ménage avec la solitude, ses deux semaines de convalescence me l'ont appris. Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvons au pied de l'immeuble où vit Sophia. Le même où j'ai revu Madison une semaine plus tôt. Je coupe le moteur, le coeur commençant à s'emballer une fois la voiture à l'arrêt. Je passe de longues secondes à rester parfaitement silencieux, ne sachant pas quoi dire. Nerveux, mes dents passent sur mes lèvres. « Je suis vraiment heureux de t'avoir revu et… d'avoir pu passer du temps avec toi ce soir. » dis-je, la gorge légèrement serrée. Je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur que ce simple bonsoir devienne un nouvel au revoir. Que nous ne nous voyions pas la semaine prochaine. Que le silence recommencera. Mais c'est ainsi. « A vendredi alors. Je te le confirmerai, au cas où... » Au cas où elle ne change d'avis, une fois la magie et l'alcool disparus. Je me penche doucement vers elle, timide, jusqu'à frôler le visage de Joanne. J'hésite un instant, sans trop savoir si je peux déposer un baiser sur sa peau, ses lèvres, ou tout simplement m'abstenir. Je l'embrasse finalement sur la joue. « Bonne nuit. » je glisse à son oreille.