20 June 2007 – Toowoomba University of Southern Queensland – alternating between light snow and sleet just before 8.00 a.m. to 9.30 a.m.. From Bureau of Meteorology.
28 June 2007 – Stanthorpe – Channel 7 received a report of light sleet at Stanthorpe early this morning. From Bureau of Meteorology.
8 July 2007 – July 2007 Snow Queensland A snow flurry, light hail and sleet were reported from the Stanthorpe area on the 8th.
Le 20 juin, Lola avait vu la météo et avait bondi de son canapé telle une furie. Le 21 juin, à savoir pour la plupart des gens dans le monde le solstice, mais pour Lola, le jeudi, c'est-à-dire le jour où elle et Jordan s'asseyaient sur le banc devant l'école pour discuter et parfois à jouer à Quickfire, Lola avait attendu toute la journée pour dire à Jordan : « We have to go to Stanthorpe. It's gonna snow, I can feel it, I just know it, trust me on this. Also, hello, did you have a good day? » Ca faisait des mois qu'ils parlaient de partir deux jours de Brisbane ensemble. C'était bien sûr Lola qui avait lancé l'idée. Et enfin, enfin, il se passait quelque chose d'exceptionnel pas si loin d'eux : il neigeait dans la région ! Non, mais sérieusement, quelque chose d'aussi rare, ça se fête ! Elle lui avait donc fait promettre qu'ils iraient, et elle avait passé chaque jour jusqu'au vendredi 6 juillet, LE JOUR DU DEPART, tel qu'elle l'avait écrit dans son calendrier, à se préparer mentalement. Et à convaincre ses parents. En inventant mensonge après mensonge. Parce qu'il n'y avait aucune chance qu'ils la laissent partir avec un adolescent tatoué et qui n'était pas le fils de l'un de leurs amis. A quoi bon être bien situé en société si ce n'est pas pour arranger les mariages de ses enfants ? C'était donc un weekend organisé par une association que l'Eglise de Stanthorpe essayait de mettre en place, et ils avaient besoin de toute l'aide de jeunes de la région. Lola avait promis de les appeler chaque jour pour leur lire sa partie préférée du sermon qui avait été donné. Elle avait donc choisi des passages de la Bible et les avait recopiés dans un carnet. Puis, elle s'était laissée aller à créer des personnages de toute pièce, des adolescentes qu'elle croiserait pendant le weekend : elle les avait dessinées et pour certaines avait dessiné leur animal domestique. Inutile de dire que Lola avait BEAUCOUP de temps pour elle et qu'il fallait bien user de son imagination pour le faire passer un tout petit peu plus vite.
Toujours était-il qu'enfin, enfin, enfin, le 6 juillet était arrivé, et elle avait emmené son sac à dos gros comme une maison au lycée. Il n'était pas entré dans son casier (of course), donc elle l'avait confiée à la CPE, qu'elle était passée voir six fois dans la journée pour vérifier que tout allait bien, que personne ne l'avait volé. En deux mots, elle était survoltée. Le résultat, c'est qu'à la fin des cours, elle était dans un état d'épuisement avancé, mais l'air un peu plus sereine et normale que si Jordan l'avait vue le matin même. Elle se posa sur le banc devant le lycée, là où ils s'étaient rencontrés puis revus et revus et revus, sac à dos à ses pieds. Et soudain, l'évidence lui tomba dessus comme un marteau sur un clou : c'était sans doute une farce, certes une farce très élaborée, mais pourquoi Jordan fucking Fisher partirait-il avec elle à la montagne pendant un weekend ? Remettons les choses dans l'ordre, Lola, de quoi parlons-nous ? Il avait fait semblant de l'apprécier pendant quelques séances de Quickfire post-cours, tout ça pour qu'elle s'amène avec un sac ridiculement massif et qu'elle attende toute la soirée comme une débile devant le lycée. Ca semblait beaucoup de travail pour pas beaucoup de récompense, ceci dit... Lola leva les yeux au ciel, agacée par ses propres contradictions. Pour se calmer, elle ouvrit son sac, et sans toucher à rien (l'équilibre à l'intérieur était très, très fragile), elle regarda qu'il y avait bien tout : deux carnets, deux romans, un livre de poésie, un tupperware avec des fruits coupés dedans, un paquet de gâteaux, un paquet de céréales, deux pulls, un pantalon, des sous-vêtements, une grande bouteille d'eau, une trousse de toilette, et un thermos qu'elle venait de remplir de café chaud. Au top. Elle referma le sac, leva les yeux, et Jordan était là. « Oh, hi. » Elle sourit, gênée, avec l'espoir qu'il ne lisait pas dans les pensées et qu'il ne devinerait donc pas qu'elle avait cru dans la possibilité d'une farce géante. « Ready to go? »
Le RP prend place en juillet 2007, à Brisbane en chemin pour Stanthorpe. Jordan a 16 ans.
Juin 2007, Jordan a 16 ans. L’habituel jeudi après les cours. Ce rituel silencieux que vous avez mis en place au fil des semaines, des mois. Ce jour là tu demandes plus à ton père de venir te chercher. Ce jour là tu cherches pas à tout prix à quitter le devant du lycée. Ce jour là, le jeudi, t’écoutes ta musique jusqu’à ce que Lola apparaisse. Elle te distrait beaucoup et elle dit souvent des trucs qui te font réfléchir plus que tout ce que les autres dans cet établissement. Il en va pour les profs. Mostly them. Et aussi vous vous retrouvez sur beaucoup de trucs. C’en est effrayant parfois. « We have to go to Stanthorpe. It's gonna snow, I can feel it, I just know it, trust me on this. Also, hello, did you have a good day? » It’s gonna snow? Ton sourcil levé mais tu objectes pas. Elle a piqué ta curiosité.
« Yeah ok. »
Pas difficile à convaincre. Et tu hausses une épaule avant de lui dire avec franchise l’état de ta journée.
« Shit. As usual. You? »
T’as le sourire légèrement en coin parce que ta propre fatalité te fait rire. Ca montre à Lola que maintenant, c’est beaucoup mieux. Ca mérite un sourire. Si rare sur ton visage. She said it’s gonna snow I can’t believe. Ca fait tellement longtemps que vous parlez de cette escapade. Si en plus c’est un truc si fou que ça, tu signes et re-signes plutôt cent fois qu’une.
Juillet 2007 Le jour J est enfin là et t’as dit à ton père ainsi que ta belle mère que tu allais passer le weekend chez un ami à Byron Bay. Ils s’en soucient pas plus que ça. Ils sont sûrement heureux que tu sois pas dans les parages même s’ils s’en rendent rarement compte puisque tu fais tout pour les esquiver. They don’t even realize. C’est ça qui fait le plus mal. T’as aucune idée de comment le weekend va réellement se passer mais tu fais confiance à Lola là dessus. What’s the worst that could happen? She is actually a serial killer and she murders me? I would not be mad. Tu te demandes souvent si ton père serait triste que tu sois plus sur la surface de cette Terre. Would he even notice? Quand même Jordan. I’m not sure. T’as séché la journée de cours, t’es arrivé le matin et t’as reçu un SMS d’un ami qui était en ville pas loin. Il t’en a pas fallut beaucoup pour te détourner du droit chemin. Ton sac prêt pour le weekend qui va suivre, c’est la fin de la journée quand tu arrives au banc, votre banc. Lola le nez dans son sac qu’elle referme ensuite.« Oh, hi. »
« Hi. »
Tu voyages beaucoup plus léger qu’elle. Son sac fait deux fois la taille du tiens et il est plein à craquer. C’est pas du tout ton cas. Tu vois bien qu’elle a pas l’air complètement relax mais tu n’en fait pas état. She’s always weird. Et c’est une chose que t’apprécie chez elle. « Ready to go? » Tu hoches la tête.
« What’s the plan? »
Petite blague parce que le plan, elle l’a répété un milliard de fois. Tu as su toute l’avancé des préparations. Maybe it changed. Non il n’a pas changé tu le sais très bien. Elle serait déjà en train de faire une crise de panique si ça avait changé depuis hier. N’empêche que ta connerie fait naître le premier sourire du weekend sur tes lèvres. Tu ne t’attends pas à une véritable réponse de sa part alors tu reprends la parole.
« Let’s go. I follow you. »
Let’s get the fuck out that school. Le plus loin de ton père qui a sûrement déjà oublié que tu serais pas à la maison du weekend. Tu prends la marche avec elle avant de continuer.
« A friend burned me a CD with Paramore’s new album. I haven’t listened to it yet. »
T’es conscient qu’un jour elle va juste te jeter une brique en pleine bouche parce que tu parles de disques constamment.
Lola était suspendue aux lèvres de Jordan. Pas au sens propre, parce qu’il n’était pas intéressé dans ce sens-là. Mais au sens figuré. « Yeah ok. » Les deux nouveaux mots magiques de l’univers, prononcés avec la nonchalance copyrightée Fisher. « Wait, really? » Elle renonça à la coolitude et dansa avec sa tête et ses bras, avant de se reprendre : « Wait, but I had a whole thing prepared. So here it is anyway: yes, I know it’s probably crazy to go with a schoolmate you barely know (although I feel like I’ve known you for a loooong time, you know what I mean?) to the mountain for a weekend. BUT that’s how life should be lived, right? Why bother going to school every day, doing everything you’re supposed to, if you’re not gonna be crazy cuckoo sometimes? So I think we should go see the snow, the snow that WILL be there because it just will. » Elle s’arrêta soudain avec la crainte que Jordan, qui avait commencé par accepter, finirait justement par refuser à cause de ses arguments farfelus. Et elle n’était pas prête à renoncer à ce voyage. Enfin un but qui lui faisait plaisir à elle - pas à ses parents, pas à ses profs, juste à elle. Et à Jordan, avec un peu de chance.
« Shit, as usual. You? » Inutile de dire que Jordan décocha un si beau sourire que Lola s’évanouit presque. Elle s’ordonna mentalement de ne pas avoir l’air complètement stupide et de répondre une phrase sensée. « Boredom, mostly. Although I drew a family of gremlins in math! Do you wanna see them? » Jordan aurait pu dire oui ou non, on ne le saura jamais, car Lola sortit son cahier si vite et le colla si près du visage de Jordan qu’elle entendit un effet de pneu qui crisse à l’arrêt dans sa tête. « They’re two mamas, because I don’t know, that’s just how they came to me. This one LOVES Christmas, the other one’s not really into it but she put on the Christmas hat anyways to make her happy. » Oui, vous avez bien compris : Lola montrait un dessin de famille de gremlins le jour de Noël, avec des chapeaux, une hotte, des cadeaux, et un sapin version Tim Burton.
July 2007, on the road
« What’s the plan? », répéta Lola en s’étouffant presque. « I KNEW you’d forget, so I printed two copies on the plan, just in case we get separated at some point. » Elle tendit à Jordan sa feuille de route, puis fixa son sac. Il était minuscule. Elle ne comprenait même pas ce qu’il aurait pu mettre dedans. Une chemise à carreaux ? Une chaussette sans sa jumelle ? Bon, bien sûr, son disc-man et une collection de CDs. « So if the bus breaks down or there’s a zombie attack, you have literally no means of survival, is that it? » Elle leva les yeux au ciel et tendit le thermos de café à Jordan. Puis s’engagea sur la route. « Let’s go. I follow you. » Mais oui, mais bien sûr, se dit-elle en sentant son cœur manquer six battements. Jordan Fisher la suivait. Voilà où on en était. Elle allait se réveiller et elle ne regretterait même pas, parce que rêve ou réalité, elle comptait bien s’amuser et profiter de la liberté de l’instant. Ils seraient à la station de car en dix minutes. Puis trois heures de car. Puis l’arrivée au Stanthorpe de nuit. La nuit en auberge de jeunesse avec lits simples superposés. Et le lendemain, LA NEIGE. Go, go, go.
« A friend burned me a CD with Paramore’s new album. I haven’t listened to it yet. » Lola sourit, ravie. Elle adorait découvrir un album ou un film ou un livre en même temps que quelqu’un. « Given that you’ll want to listen to it at least twice in a row, that’s two hours out of the bus ride. The remaining hour, I can tell you stories. Or draw on your arm. Or on paper. Or shut up and not move. » Elle réfléchit. « That last option is not very likely, but I can try really hard. » Ils arrivèrent vite à la station de car. Elle récupéra leurs billets, réservés à l’avance par ses soins, bien entendu. Montra du doigt leur car à Jordan, et se tourna vers lui pour qu’ils choisissent leurs places. Il restait pas mal de choix, et elle se doutait que Jordan avait ses préférences sur la question.
Lorsqu’ils furent installés, elle regarda trois familles monter, deux couples, des amis, des solitaires. Une petite fille laissa tomber sa peluche et Lola se pencha pour la lui rendre. Lola sourit, sourit, puis se tourna vers Jordan, et à voix basse : « I never want to have kids. » Comme ca, gratuitement, parce que c’était si vrai et que l’idée la faisait frissonner de rejet. À l’avant du bus, le chauffeur montait, comptait les gens installés, et s’asseyait. Les portes se refermèrent, dans un bruit dont Lola se délectait (le bruit du voyage qui commence !). « This bus will be going from Brisbane to Stanthorpe. The journey will take 3 hours and 15 minutes. We have 13 stops. A movie will play on the screens above your seats. Enjoy the ride and thank you for choosing this company. » Lola s’enfonça dans un siège en se retenant difficilement de sautiller de joie. Fit un immense sourire à Jordan et demanda : « Let’s Paramore? »
Le RP prend place en juillet 2007, à Brisbane en chemin pour Stanthorpe. Jordan a 16 ans.
Juin 2007 « Wait, really? » T’es toujours surpris qu’elle soit surprise comme ça. A chaque fois que tu fais un truc dans son sens. Elle te fait te sentir beaucoup plus important que ce que tu ne l’es vraiment. It’s both a good and weird feeling. Tu mérites clairement pas autant d’attention. « Wait, but I had a whole thing prepared. » Elle te fait vraiment marrer. She’s so weird. T’adores ça. « So here it is anyway: yes, I know it’s probably crazy to go with a schoolmate you barely know (although I feel like I’ve known you for a loooong time, you know what I mean?) to the mountain for a weekend. BUT that’s how life should be lived, right? Why bother going to school every day, doing everything you’re supposed to, if you’re not gonna be crazy cuckoo sometimes? So I think we should go see the snow, the snow that WILL be there because it just will. » Tu hoches de nouveau la tête, ton sourire toujours sur les lèvres parce que tout son speech qui n’était pas necessaire était priceless.
« Yeah ok. »
Ta réponse n’a pas changé mais tu lui offres quand même la possibilité de penser que tout son speech n’était pas pour rien. T’aurais pu donner plus d’enthousiasme mais nope. Apparemment nope. Tu souris quand même c’est déjà ça. « Boredom, mostly. Although I drew a family of gremlins in math! Do you wanna see them? » Fuck yeah. Mais tes mots n’ont pas le temps de dépasser ta pensée qu’elle est déjà en train de te montrer ses dires. Tu penches la tête pour mieux voir parce que ça t’intéresse véritablement. « They’re two mamas, because I don’t know, that’s just how they came to me. This one LOVES Christmas, the other one’s not really into it but she put on the Christmas hat anyways to make her happy. » Tu hoches la tête. T’aimes beaucoup trop toute l’histoire qu’elle rajoute autour de son art.
« I guess that’s what love is. »
Et comme souvent avec Lola, la conversation prend un tournant beaucoup plus profond qu’avec quiconque de ton entourage ever. Tu sais pas toi-même pourquoi tu oses dire le fond de tes pensées plus avec elle qu’avec d’autres. Cos she has good inputs.
« I can’t really tell. But that’s how I imagine it is like. That’s what I would do for someone. »
Jusqu’à maintenant, pas grand monde n’a eu le droit à ce genre de gesture de ta part parce que ta famille, c’est pas trop ça. Tes amis, tu les vois pas souvent. Des compromis parce que tu give a shit, aucune idée encore. Ta vie n’est pas encore arrivé là.
Juillet 2007 « What’s the plan? » Elle est tellement outré elle te fait grave rire. « I KNEW you’d forget, so I printed two copies on the plan, just in case we get separated at some point. » There isn’t two people like Lola. Et c’est dommage. Parce qu’elle est spontanné et elle a pas peur d’être extra. Ca te fait du bien des gens comme elle. Need more real people like her. Tu prends la feuille qu’elle te tend, tu la regardes vite fait et remarque que c’est très bien ordonné, c’est agréable à regarder mais tu lis rien.
« Thanks. »
« So if the bus breaks down or there’s a zombie attack, you have literally no means of survival, is that it? » Tu comprends pas pourquoi elle dit ça d’un coup et puis tu réalises qu’elle fait réference à ton sac qui est pas très rempli.
“Pretty much.”
Mais elle t’a sûrement pas entendu parce qu’elle est déjà en train de marcher devant. Tu la suis, comme promis. Un silence s’installe mais c’est pas rare. T’es loin d’être un gros bavard. She speaks for the both of us. Mais le miracle se produit et tu parles du disque que tu as avec toi. Prenant la parole en premier. Rare. « Given that you’ll want to listen to it at least twice in a row, that’s two hours out of the bus ride. The remaining hour, I can tell you stories. Or draw on your arm. Or on paper. Or shut up and not move. » Hmmm. « That last option is not very likely, but I can try really hard. » Elle te laisse pas le temps de répondre et vous arrivez à la station du coup t’oublies. Y’a un plan de route que t’as pas lu à suivre.
Assis, t’as pris la place près de la fenêtre. T’es pas du genre à aller pisser toutes les deux minutes et tu veux pouvoir poser ta tête pour dormir éventuellement. « I never want to have kids. » Tu tournes la têtes vers Lola, t’as pas du tout suivi ce qu’il s’est passé mais tu hoches la tête.
« Same. »
Et puis l’annonce. « This bus will be going from Brisbane to Stanthorpe. The journey will take 3 hours and 15 minutes. We have 13 stops. A movie will play on the screens above your seats. Enjoy the ride and thank you for choosing this company. » You have to thanks Lola. Parce que t’as rien choisi du tout toi. « Let’s Paramore? » Tu hoches la tête, lui tendant un écouteur parce que le disque est déjà prêt à être lancé. Comme elle l’a dit, il va y avoir plusieurs écoutes donc tu ne perds pas de temps et tu le lances.
« Can you draw what it inspires you? »
Parce que tu te fais tes propres interprétations des chansons, mais t’as envie de voir ce qu’il peut en ressortir avec son art à elle.
Jordan parlait d’amour, et Lola sentait des œufs éclore dans son ventre : des bébés chenilles en sortaient, puis paressaient dans des cocons jusqu’à en ressortir papillons multicolores avec des ailes aussi rapides que les colibris. Elle les voyait danser à droite, à gauche, et elle remit instinctivement sa propre mèche rebelle derrière son oreille. Elle savait que ce qu’elle éprouvait n’était pas de l’amour, que c’était plutôt une envolée d’hormones qui se cristallisaient sur un être qu’elle admirait et dont elle appréciait la compagnie. C’était une question qui ne trouverait pas de réponse, un espoir qui ne risquait pas d’être déçu, une imagination qu’on laisse s’emporter car elle ne se confrontera jamais à la lumière grise des jours de dispute et des soirs d’ennui. Jordan serait pour toujours un « et si ? » avec qui elle pourrait partager chaque pensée. Bien sûr, Lola n’avait pas clairement conscience de tout cela. Tout ce qu’elle savait, c’était que son corps faisait des embardées cardiaques chaque fois qu’il était un peu plus près d’elle, et qu’elle se tenait donc respectueusement à une distance de sécurité, très consciente d’où étaient leurs corps et de chacun de leurs mouvements.
Elle éprouvait une certaine fierté, néanmoins, à avoir réussi à lui faire parler d’amour. Certes, ça n’avait pas du tout été son intention, mais chaque fois qu’il s’ouvrait un peu, qu’il parlait en toute honnêteté et vulnérabilité, elle éprouvait une gratitude infinie et une joie qu’elle dissimulait à peine dans son regard fixé sur lui. « I wouldn’t know either. I don’t think I’ve ever witnessed love. » Son regard se perdit dans le vide tandis qu’elle se repassait sa vie, ce qu’elle avait vu, les gens qu’elle avait fréquentés, à la recherche d’un signe d’amour qu’elle aurait pu observer ou entendre. « Crazy, huh? Like the love-love, I’ve never seen it. WAIT. » Ça y est, elle retrouvait son enthousiasme, car l’idée d’une conspiration mondiale la réjouissait toujours (les superstitions bien élaborées la rendaient tout aussi joyeuse). « What if it doesn’t exist? What if it’s this great myth people write about and sing about and paint about, and it’s actually just a story one cave dude told another cave dude? » Ca ferait un bon film : les origines de l'amour. Ou un roman. Ou une bande-dessinée. Ou une exposition de photographies surréalistes. Ou, bien sûr, un album. Si seulement sa voix n'était pas aussi fausse. « And so we're all getting ready all our life to put on our Christmas hat for someone, and then, when love clearly doesn't come, we just do it out of sheer stubborness. Like when you got ready to go out, and you don't really want to go anymore, but you're all dressed so what the hell. Right? »
Ce que Lola ne disait pas, c'est qu'elle redoutait particulièrement de rentrer chez elle ce soir-là parce que c'était la fête d'anniversaire de son père, et qu'il y aurait tous les amis de ses parents : les riches glauques, les très riches glauques, et les très très riches glauques. Sa mère ne cesserait de la présenter à des bons partis. Les conversations seraient portées sur l'économie et la politique. On lui demanderait ce qu'elle voudrait faire de sa vie, elle répondrait qu'elle ne savait pas, et on lui dirait que ça viendrait. Il y aurait de l'alcool (elle n'aimait pas le goût) et des petits fours (ça ne remplit pas un estomac, des petits fours, arrêtons de faire semblant). Elle serait déguisée en tenue de fille de bonne famille, avec l'accessoire sourire qui va avec. Elle préférerait tellement que Jordan l'invite quelque part, où que ce soit, au cinéma, chez lui, dans un restaurant, ou même qu'ils restent sur ce banc pendant des heures et des heures jusqu'à ce que la fête soit finie et tout le monde soit reparti. Mais elle ne dirait rien de tout ça, car elle venait d'une famille où ça ne se faisait pas. A la place, elle parlerait du fait divers le plus captivant du pays. « Did you hear they caught Tony Mokbel? In Greece! But check this out. » Elle se redressa. Cette histoire la fascinait. « He had escaped there from Australia on a yacht, dressed as a Maronite priest, under the name Stephen Papas. Weird name, huh? And his girlfriend had joined him there. His PREGNANT girlfriend, mind you. Danielle. She's so cool. » Lola, qui n'était pas capable de rater un seul cours tellement elle avait peur d'être réprimandée, admirait de loin ces malfaiteurs, d'autant plus qu'ils tenaient de Bonnie et Clyde à s'évader comme ça à deux.
July 2007, on the road
Lola prit l'écouteur que lui tendait Jordan. L'album de Paramore commença, et elle sentit tout de suite que ça allait beaucoup, beaucoup lui plaire. Heureusement, d'ailleurs, parce qu'elle se doutait que ça allait être la bande-son de leur weekend. Elle se figea dans un sourire béat : la bande-son de leur weekend. Elle n'en revenait toujours pas. « Can you draw what it inspires you? » Elle écarquilla les yeux. Vraiment ? Il voulait qu'elle dessine ? Certes, il avait vraiment regardé ses gremlins sur le banc, pas juste un coup d'oeil poli. Mais de là à vouloir un autre dessin. Elle se pencha vers son sac pour sortir son carnet et sa trousse à crayons. Il y en avait de toutes les couleurs, de toutes les mines. Elle avait passé des heures dans les magasins d'art pendant que sa mère et sa soeur faisaient du shopping pour la prom de fin de lycée de Charlotte. « Imagine that it will end up as a tattoo. » Lola se paralysa en plein mouvement. Ses crayons se renversèrent et roulèrent dans le car. Elle n'eut même pas le réflexe de se pencher pour les rattraper, et déjà ils glissaient sous d'autres sièges. Un tatouage ? Jordan était tatoué. Il pouvait donc se faire d'autres tatouages. (Oui, selon une logique propre à Lola, seuls les gens déjà tatoués pouvaient se faire tatouer, ne cherchez pas à comprendre.) Elle ne sortit de sa transe que quand le passager devant eux lui tendit trois crayons, et qu'elle fit un sourire gêné en les prenant. Il avait l'air passablement agacé, et elle ne sut pas du tout quoi dire, donc elle ne dit rien du tout.
A la place, elle regarda Jordan avec effroi. « That's a lot of responsibility. » D'un autre côté, s'il n'aimait pas le dessin, il n'était pas obligé de se le faire tatouer. Il n'avait pas l'air de prendre des décisions juste pour faire plaisir à d'autres. Donc tout allait bien. C'était juste un dessin. Un dessin en musique. Un dessin en musique dans un car vers la montagne. Un dessin en musique dans un car vers la montagne avec Jordan. Sa peur se transforma en sourire décidé. « Okay, let's do this. » La première chanson se terminait déjà et la deuxième commençait. Elle ferma les yeux pour tout entendre, les instruments, la voix, les paroles, les accords, les notes, la mélodie, les sentiments, l'intention. Elle ne voyait pas la page blanche : elle voyait un univers entier se mettre en place. Et soudain, elle commença. Elle fit un premier dessin. L'expression de son visage était ridicule quand elle s'y mettait : ses traits étaient sans cesse en mouvement, dans une concentration absolue. Elle avait la sensation de flotter, d'être comme un astronaute qui marche dans le vide. Et elle adorait ça. Aussitôt son premier dessin fini, elle se redressa subitement, avec une autre idée. « Wait, wait, there's another one coming. » Et devinez quoi, dès qu'elle acheva le deuxième, elle se tritura le visage, prise dans un élan qu'elle ne contrôlait plus du tout. « Wait, wait, another one. » Elle traça le troisième dessin plus lentement, avec une attention toute particulière. Elle sentit les émotions monter, beaucoup trop. Tout partait dans le trait de crayon. Et lorsqu'elle eut terminé, elle se sentit épuisée et soulagée à la fois, libérée de semaines de pensées, chemins, détours. Il n'y avait plus que ce qui était sur la page.
Elle tendit le carnet à Jordan, retourna au premier dessin. « This one tells the story of life. It is so fleeting and no one realises how much. They're all so focused on things that don't matter. They don't even realise that we don't have a purpose. That we're here for one second. One tiny blip. And we need to make something out of it, but what? The thing is it's beautiful. Death is not that scary thing that comes at the end and takes you. It's a friend. It's just like a butterfly, as innocent and pure. Do you get it? » Elle ne s'attarda pas sur ce qu'elle venait de dire, bien qu'il y ait beaucoup à expliquer et préciser. Ce n'était pas son genre. Elle tourna la page et lui montra le deuxième dessin. « This is the cave theory. The one about love, remember? That it was just a myth? And really the heart is this mechanism. It works forward and backward, it can be fixed. It's a machine that keeps us alive, that pumps bloods to our organs, and that's it. It's quite comforting in a way, because even when life gets hard, you just have to get in there, and turn some screws, and the heartbreak will get better. »
Elle avança la main vers le carnet pour tourner à la troisième page, mais elle hésita. Elle était gênée. Le troisième dessin était le plus vulnérable et donc le plus difficile pour elle à montrer. « You turn the page. » Elle fixa le visage de Jordan tandis qu'il découvrait le fameux troisième dessin. « This one's just in case love actually exists. That's how it would be, I think. It would be an alliance against the backdrop of fucking infinity. » Lola n'utilisait de gros mots que quand elle était émue et qu'elle essayait de faire semblant qu'elle ne l'était pas. C'était un mécanisme de défense comme un autre. « It would be this feeling that even though there is infinity right outside Earth, you won't get lost in it, you won't feel breathless in the darkness of it all. Because you'll have that one person to hold your hand no matter what. » Elle vit du coin de l'oeil que les quatre petits écrans du car s'allumaient. Le titre du film s'afficha à l'écran : c'était Pirates des Caraïbes. Un choix familial. Et un film que Lola adorait. Elle n'avait pas besoin de mettre le casque audio pour entendre dans sa tête la voix de Jack Sparrow narguer le monde entier. Et elle se fichait bien des autres voix. Toujours la même fascination pour les criminels qui défiaient les lois.
Le RP prend place en juillet 2007, à Brisbane en chemin pour Stanthorpe. Jordan a 16 ans.
Juin 2007 « I wouldn’t know either. I don’t think I’ve ever witnessed love. » Ah. Carrément. Tu penses avoir vu des gens amoureux mais jamais autant que Romeo et Juliette de Baz Luhrmann. « Crazy, huh? Like the love-love, I’ve never seen it. WAIT. » Tu sais pas quelle tête t’as fait mais elle a bien vu que t’étais surpris. Toujours dans tes pensées. Elle continue avec un peu plus d’entrain. « What if it doesn’t exist? What if it’s this great myth people write about and sing about and paint about, and it’s actually just a story one cave dude told another cave dude? » Tu continues de cogiter. Tu considères réellement tout ce qu’elle dit. « And so we're all getting ready all our life to put on our Christmas hat for someone, and then, when love clearly doesn't come, we just do it out of sheer stubborness. Like when you got ready to go out, and you don't really want to go anymore, but you're all dressed so what the hell. Right? »
« I can’t relate. »
Parce que t’es pas du genre à te faire beau pour sortir. T’es toujours habillé pareil tous les jours. Tes t-shirt de groupes préféré sur le dos. Jamais une occasion t’auras fait t’habiller mieux que ça. Tu veux pas. Tu te sens pas bien autrement. T’es encore en train e réfléchir à tout ce qu’elle a dit à propos de l’amour mais la vérité c’est qu’à penser à Romeo et Juliette, tu as à présent Leonardo DiCaprio en tête et… Fuck he’s hot. Vraiment ton ultime crush. « Did you hear they caught Tony Mokbel? In Greece! But check this out. » Elle te sort de tes pensées. « He had escaped there from Australia on a yacht, dressed as a Maronite priest, under the name Stephen Papas. Weird name, huh? And his girlfriend had joined him there. His PREGNANT girlfriend, mind you. Danielle. She's so cool. »
« Wow. » T’avais entendu ce nom mais t’avais pas fait trop gaffe parce que tu t’intéresses pas à grand chose. Tout t’ennuies. Sauf la musique. « Should we take new names for our trip? So nobody can find us. » Qu’est ce que t’es en train de dire là Jordan? « Would be cool. To be… Someone else. Someone nobody knows and… Mostly… » T’es carrément dans tes pensées que tu formules à voix haute.« If I can scare my dad I take it. » You son of a bitch. He deserves. He’s an ass. Tu soupires.« He sent me a text he wants to have a talk when I go home tonight. » Nouveau soupire. « Don’t know if I hope or dread for it to be the sex talk… »
Juillet 2007 « That's a lot of responsibility. » Tu fais non de la tête. T’as bien vu combien elle était surprise par ta phrase. Encore. Toujours.
« It’s just for you to have an idea of… I don’t know. The kind of thing one could want on his skin. Maybe it changes the way you draw. I don’t know. »
Parce que tu connais pas trop comment elle fait quand elle dessine. Tu sais pas faire ça toi. T’écris de la musique. Shit music. De la musique quand même. « Okay, let's do this. » Un sourire se forme brièvement sur tes lèvres. T’es grave content de voir qu’elle se prête au jeu. T’as vraiment envie de voir comment elle peut retranscrire ses émotions de l’écoute du disque en un dessin. Elle ferme les yeux et tu fais de même, te concentrant sur la voix de Hayley Perfect Williams. T’es pas surpris de kiffer. T’as adoré leur premier album et tu as attendu celui là avec impatience et te voilà enfin en train de l’écouter. Tu entends son crayon qui gratte le papier. « Wait, wait, there's another one coming. » Tu tournes la tête vers elle mais elle est déjà en train de tourner la page pour la suite. Ok. Elle est inspiré. Ca te fait grave kiffer. Du coup tu regardes son visage alors qu’elle est à fond dans son deuxième dessin. Tu prêtes pas attention à la feuille. C’est son visage. Sa concentration. Tout son art qui est en elle qu’elle a envie de faire ressortir de la pointe de son crayon. « Wait, wait, another one. » Tu la laisses prendre tout son temps de toute façon l’album n’est pas encore terminé et vous allez l’écouter deux fois. She said it, I just oblige. Bien sûr Jordan. Et puis un carnet se retrouve sous ton nez. Tu le prends même si t’as un peu l’impression de profaner un truc sacré de le prendre avec tes mains qui sont bien loin d’être aussi doué qu’elle. Oof. Le premier te fou des frissons alors que Hayley est toujours en train de chanter dans tes oreilles. « This one tells the story of life. It is so fleeting and no one realises how much. They're all so focused on things that don't matter. They don't even realise that we don't have a purpose. That we're here for one second. One tiny blip. And we need to make something out of it, but what? The thing is it's beautiful. » What about the skull? Parce que tu vois que ça.« Death is not that scary thing that comes at the end and takes you. It's a friend. It's just like a butterfly, as innocent and pure. Do you get it? » Tu sais pas trop si tu comprends comme elle le dit mais tu n’arrives pas à ne pas voir le crâne qui est caché dans le dessin. Elle tourne la page. « This is the cave theory. The one about love, remember? That it was just a myth? And really the heart is this mechanism. It works forward and backward, it can be fixed. It's a machine that keeps us alive, that pumps bloods to our organs, and that's it. It's quite comforting in a way, because even when life gets hard, you just have to get in there, and turn some screws, and the heartbreak will get better. »
« Can’t relate. »
Mais tu mens. Parce que ton père te brise le coeur à chaque fois qu’il te laisse tomber. All the time. « You turn the page. » Alors tu fais comme elle demande. « This one's just in case love actually exists. That's how it would be, I think. It would be an alliance against the backdrop of fucking infinity. » Tu fronces le nez. « It would be this feeling that even though there is infinity right outside Earth, you won't get lost in it, you won't feel breathless in the darkness of it all. Because you'll have that one person to hold your hand no matter what. »
« Yeah maybe. But I don’t like the idea of space. Infinity scares me. » Et tu tournes les pages vers le premier dessin qu’elle a fait. « Tell me you’ve made it look like a skull on purpose. » Parce que tu veux pas croire. She talked about death. She knows. She did it. Mais t’es pas sûr non plus. Ou peut être que c’est juste toi qui voit la mort partout. « I fucking love this one. It’s… Wow. »
T’es speechless. I’m getting this one. Mais tu le dis pas à voix haute parce que tu sais pas quand. Ca coûte cher ces trucs. « Can I keep it? » Tu tournes la tête vers elle, t’as rien cramé au film qui commence. Tu comptes pas le regarder. « If you don’t want to tear it from your notebook I understand. It’s ok. »
Stephen Papas. Stephen Papas. Le gangster le plus recherché d’Australie avait choisi de se faire appeler Stephen Papas. Lola avait passé des heures chez elle à rire comme une folle à cette idée. Ses parents avaient continué à discuter du bon travail de la police — ce à quoi Lola avait rétorqué qu’ils en avaient mis du temps à le retrouver. Oui, mais ils l’avaient retrouvé, avaient-ils répondu : l’argument choc du fait, de la loi. Lola s’était tue et s’était mise à dessiner les lettres Stephen Papas sur son carnet du moment. Et puis elle avait fait des rêves d’escapade glorieuse à travers les continents, habillée en none et appelée Stephie Mamas. « Wow. » Lola sortit de ses pensées et acquiesça : « Right ?! » Elle fut soulagée qu’il comprenne à quel point cette histoire était enthousiasmante. Quand il était là, elle avait moins l’impression d’être une détraquée de la société. En fait, avec lui, elle avait le sentiment d’être vue, entendue. Et ça lui donnait envie de verser une larme rien que d’y penser.
« Should we take new names for our trip? So nobody can find us. » Lola bondit sur ses pieds tellement c’était une bonne idée. « Would be cool. To be… Someone else. Someone nobody knows and… Mostly… » Lola avait déjà vingt-six idées de prénoms et noms. Elle ne put attendre une seconde de plus pour déblatérer : « Prince Cassius. Mallory Deuce. Calvin Clyde. Elton Doherty. Raelyn Blackwell. Chad Matthews. Or wait, wait, just first names. Patrick and Charlotte, so that they get arrested instead of me, those— » Tellement incapable de faire des bêtises qu’elle ne pouvait même pas prononcer des insultes. « Arthur and Louise. Thelma and Harry. Wait, pop culture is just infecting my brain. Let me think. Kane and Flo. I could be Mew and you could be Two. » Elle éclata de rire, ravie de sa propre blague. « Okay, so new fact: I am TERRIBLE at names apparently. You pick. »
Elle se demanda pourquoi Jordan voulait de nouveaux noms : c’était typiquement quelque chose qu’elle proposerait, mais pas lui. Il ne tarda pas à expliquer. « If I can scare my dad I take it. He sent me a text he wants to have a talk when I go home tonight. Don’t know if I hope or dread for it to be the sex talk… » Lola se figea, extrêmement gênée par le mot sexe dans la présence de Jordan. Elle s’efforçait tellement, tellement de le voir comme un être asexué. Elle changea de sujet aussi vite qu’une toupie qui tourne sur un skateboard qui glisse sur une planche à voile qui navigue en pleine tempête. « It could be about your grades, maybe? Or climate change. Or your tattoo. Oh my God, what if it’s about your tattoo? Does he know? Did you tell him? What if he found out? » Elle s’arrêta et eut un rire gêné. « This is not helping, is it? If you want, we can have a mock talk. I’ll be you and you be your dad. » Elle imita la démarche de Jordan pour s’éloigner puis revenir : « Hi dad, what’s up? » Comme Jordan ne disait rien, elle ajouta en chuchotant, comme un aparté : « That’s your cue. »
July 2007, on the road
Jordan avait l’air d’aimer les dessins. Pour de vrai. Lola se sentit pousser des ailes. C’était ça, de montrer ce qu’on faisait à d’autres ? C’était ça qu’elle éprouverait si un jour elle faisait oublier ses croquis ? Elle ne savait pas encore trop ce qu’elle voulait faire. Peut-être des caricatures dans des magazines, ou des illustrations pour enfants, ou des bandes-dessinées. Ou, l’impensable, des arts plastiques. Rien que d’imaginer une exposition avec des toiles qu’elle aurait peintes la faisait se liquéfier sur place. Le commentaire de Jordan sur le troisième dessin la fit beaucoup rire. Il n’aimait pas l’espace, l’infinité. Il était fou, ce garçon. Elle remarqua surtout qu’il avait l’air préoccupé. Il revint vers le premier dessin à la vitesse de la lumière. « Tell me you’ve made it look like a skull on purpose. » Lola sourit gentiment, avec douceur, il avait l’air d’y tenir tant. « Of course I did. That’s the whole point. Life and death are one. For life, I hesitated with an hourglass, but it’s hard to draw a skull in there. I needed something horizontally symmetrical. And a lively symbol. A feeling of joy and hope. So, spring, so flowers, so butterflies. And then it was just to mesh them together, sort of. »
La façon dont il scrutait le dessin la laissa sans voix (pour une fois, je sais). « I fucking love this one. It’s… Wow. » Les yeux de Lola passèrent du dessins au visage de Jordan comme des phares affolés. Il adorait le dessin. D’accord, donc plusieurs conclusions : un, elle pouvait mourir en paix ; deux... Ah non, c’était juste un. Ça y était, d’ailleurs, son cerveau mourait tranquillement. « Can I keep it? If you don’t want to tear it from your notebook I understand. It’s ok. » Lola hocha de la tête machinalement. Elle était de nouveau dans une de ces situations où elle doutait de la frontière entre rêve et réalité. Elle déchira avec attention la feuille et la lui tendit. Puis elle rangea son carnet et sa trousse dans son sac. En état de choc, la fille. « That’s the first time ever someone’s wanted one of my drawings. » Elle regarda par la fenêtre, les arbres, les montagnes qui commençaient à apparaître au loin. « And I think I like it. » Elle fronça les sourcils, essayant d’analyser ce qu’elle ressentait. « I think this is the most alive I’ve ever felt. »
Elle reposa sa tête contre son siège, en pleine réflexion. Paramore continuait ses prouesses. Et Lola se sentait vidée par toutes ses émotions. Elle sentit ses yeux se fermer. Elle les rouvrit juste une seconde pour croiser le regard de Jordan et lâcher : « I think I’m gonna take a nap. » En s’endormant, elle se fit la réflexion que s’assoupir c’était perdre du temps avec Jordan, mais très vite elle se mit à rêver de papillons qui nageaient dans l’océan vers une épave en forme de tête de mort. Et c’était étrangement réconfortant.
*
Lorsqu’elle se réveilla, elle fut complètement désorientée. Sièges de car. Nuit par la fenêtre. Jordan Fisher à côté d’elle. Ça y est, ça lui revenait. Il regardait par la fenêtre en écoutant de la musique. Elle l’observa et se demanda à quoi il pensait. Elle avait tellement envie de l’aider et en même temps elle ne voulait surtout pas le brusquer. Il semblait du genre à filer à l’anglaise si on le pressait trop. Elle le dévisagea tant et si bien qu’il finit par se tourner vers elle, et elle détourna le regard rapidement — ce qui, on peut se le dire, était aussi gênant qu’inutile. « Where are we? » demande-t-elle en essayant de voir quelque chose par la fenêtre. « Are we almost there? »
Le RP prend place en juillet 2007, à Brisbane en chemin pour Stanthorpe. Jordan a 16 ans.
Juin 2007 « Prince Cassius. Mallory Deuce. Calvin Clyde. Elton Doherty. Raelyn Blackwell. Chad Matthews. Or wait, wait, just first names. Patrick and Charlotte, so that they get arrested instead of me, those— » T’aimes TELLEMENT qu’elle monte si rapidement dans le wagon de ta connerie. « Arthur and Louise. Thelma and Harry. Wait, pop culture is just infecting my brain. Let me think. Kane and Flo. I could be Mew and you could be Two. » Elle te fait beaucoup trop marrer. « Okay, so new fact: I am TERRIBLE at names apparently. You pick. » T’es sûr que vous allez trouver des bons noms.
« I wanna be called Romeo. »
Your crush is showing Jordan. Don’t care. Tu piques souvent une chemise à fleur de ton père parce qu’elle est ce qu’il y a de plus proche de cette magnifique chemise dans le film. « It could be about your grades, maybe? Or climate change. Or your tattoo. Oh my God, what if it’s about your tattoo? Does he know? Did you tell him? What if he found out? » Tu fais non de la tête.
« He doesn’t know. »
Vu où est placé ton tatouage et vu comme ton père prête à peine attention à toi, t’es safe de ce côté là. « This is not helping, is it? If you want, we can have a mock talk. I’ll be you and you be your dad. » Only Lola to do this kind of things. « Hi dad, what’s up? » What’s up ? I’d never say that. Mais il ne te demande jamais non plus par SMS de venir pour une conversation. « That’s your cue. » Alors tu rassembles tes idées et sautes dans le wagon de sa connerie à elle cette fois ci.
« Sit down. We need to talk. » Tu prends une voix un peu plus grave. « I’ve found condoms in your room. »
Juillet 2007 « Of course I did. » Fuck. « That’s the whole point. » Fuck. « Life and death are one. » Fuck. « For life, I hesitated with an hourglass, but it’s hard to draw a skull in there. I needed something horizontally symmetrical. And a lively symbol. A feeling of joy and hope. So, spring, so flowers, so butterflies. And then it was just to mesh them together, sort of. » Fuck. T’aimes beaucoup trop l’entendre expliquer son cheminement d’idée parce que ça… I relate. Et quand tu découvres toute une facette que tu n’avais pas idée, ça te fait aimer encore plus l’art en question. C’est pour ça que tu voudrais garder celui là. Elle est en train de détacher la feuille du carnet et tu sens ça comme un immense privilège. Cos the drawing is just so fucking good. « That’s the first time ever someone’s wanted one of my drawings. » Tu hausses les sourcils. « And I think I like it. » So she doesn’t have anyone to show her stuff? Tu veux pas croire qu’elle vient de te laisser le privilège d’être le premier. Qu’elle n’a jamais vraiment voulu le montrer avant toi. « I think this is the most alive I’ve ever felt. » Fuck. Parce que t’aimerai bien relate to that. Tu penses à tous les textes que t’as écrit, toutes les chansons qui sont bien trop shit pour les chanter à quiconque. Maybe I should… Mais tu pourrais donner tes textes en déchirant la feuille de ton carnet parce que c’est de la merde de toute façon. Nobody will want it anyway. « I think I’m gonna take a nap. » Tu restes silencieux parce que t’es en train de cogiter énormément. Tellement que Riot! Est passé au second plan. Un bruit de fond. Will forever be the soundtrack of my next tattoo. Tu te souviens tellement parfaitement à quel moment, quel endroit, quel émotion tu ressentais quand tu écoutais tel ou tel album pour la première fois. Celui ci est lié à Lola à tout jamais et ce motherfucking perfect drawing. Elle est prête à dormir et tu regardes la route défiler, t’imaginant dans un clip vidéo.
*
Tout est sombre à part les quelques personnes qui ont allumé leur veilleuse pour lire. Toi tu fais tout dans ta tête et t’as changé de disque parce que t’as écouté Paramore deux fois déjà. « Where are we? » Good question. T’as pas fait gaffe. Trop dans 3 Doors Down qui tourne dans ton oreille. Parce qu’elle a toujours un écouteur. « Are we almost there? » T’as mis ton hoodie sur le dos parce que la température a bien baissé. T’as pas fait attention si y’a eu des ralentissements ou quoi sur le chemin.
« Should be. »
Tu chuchotes parce que c’est tout silencieux et ta musique est pour une fois a un niveau très bas. Tu voulais pas la réveiller surtout. D’où ton choix de Away from the sun plutôt que Meteora une fois de plus. It’s not that chill tho. Mais ça cri pas comme Chester. Tu te lasseras jamais de Linkin Park mais ça te fait du bien d’écouter autre chose aussi. Surtout quand c’est un album que t’aimes de tout ton coeur mais que tu prends moins le temps d’écouter par rapport à avant. C’est Changes qui est en train de tourner.
"I wanna be called Romeo." Lola faillit hurler qu'elle s'appellerait Juliette, et que ce serait top, et qu'ils auraient des millions de fans à travers le monde qui pleureraient lorsqu'ils mourraient d'un suicide d'amour. A la place, elle hocha de la tête poliment, genre : ah oui, Roméo ? c'est sympa, comme nom, ça, jamais entendu parler. Plutôt que de raconter des bêtises dans sa tête, elle se décida à l'aider avec son père. Ce qui était une bonne action, on peut se le dire. Elle aurait pu lui dire d'aller manger des haricots blancs et d'arrêter de dramatiser. Mais non, elle faisait semblant d'être Jordan, en prenant une démarche pas du tout bien imitée mais on voyait l'effort, et là, qu'est-ce qu'il faisait, lui ? "Sit down. We need to talk. I've found condoms in your room." A posteriori, Lola trouverait ça super drôle. Sur le moment, elle rougit de la tête aux pieds (si, si, même les orteils), et se figea en position PLS-debout.
"They're not mine." Elle avait répondu instinctivement, sans aucune idée de ce qu'elle racontait. "They're for a friend. Who has been with his girlfriend forever. And his father works at the supermarket. So he couldn't get them there. And her father works at the pharmacy. And their mothers have jobs too, because otherwise this would be very sexist. And so, I got the c-, the-", c'était quoi, l'euphémisme, déjà, ah oui, "the protection", soupir de soulagement, c'était moins une, "for them." Elle était au bord de l'apoplexie, tranquillement. "So, you see, we do not need to have the talk, because I don't feel ready at all. Actually, it would traumatize me. I already feel a little traumatized right now. Why don't you tell me about your day at work, instead?"
July 2007, on the road
"Should be." Le mec n'était donc pas très au courant de la réalité autour de lui. Pas que ça étonne Lola. Elle commençait avoir l'habitude de son air constamment à mille lieux de la planète. Dans le silence qui suivit, elle se rendit compte de la chanson dans l'écouteur. Elle eut un frisson qui parcourut très visiblement son corps, un de ceux trop grands, trop exagérés, qu'on ne retient pas. "I miss the life. I miss the colors of the world. Can anyone tell where I am?" C'était une des seules chansons qu'elle pouvait chanter, car elle était suffisamment grave pour qu'elle ne puisse pas se rater. C'était aussi une des seules chansons sur lesquelles elle avait beaucoup trop pleuré chez elle, dans la solitude de sa chambre, les rideaux fermés, la clé tournée. Elle se rappelait s'être regardée dans le miroir sans comprendre qui elle était, ce qu'elle voyait, avoir une conscience aigue que son identité était en fracas, en chaos, en explosion constante sans jamais qu'il n'y ait de reconstruction. Mais, étrangement, maintenant qu'elle entendait les mêmes paroles en regardant Jordan droit dans les yeux, elle eut un sourire. Avec lui, elle voyait les couleurs du monde, et elle savait où elle était - même si aucun des deux n'avait la moindre idée d'où se trouvait le car sur leur trajectoire entre Brisbane et Stanthorpe.
"You know you talk when you sleep?" Et là, Lola faillit s'étouffer. De quoi avait-elle rêvé ? Vite, vite, se souvenir. MAIS ALLEZ, C'EST URGENT. Son inconscient faisait des siennes, le cerveau barrait l'entrée, il ne restait plus rien, pas même un fucking iota de souvenir. Et si elle avait rêvé de Jordan ? Non, parce que ça lui arrivait quand même très souvent, on n'allait pas se le cacher. En sa défense, il était (presque) toujours habillé. Une fois, ils avaient même été en mode dessin animé. Mais ce n'était pas le sujet. Si elle avait dit quelque chose de- Elle s'arrêta net dans sa panique, fronça les sourcils, et se fit la remarque qu'elle avait déjà dormi avec des gens avant, et "no one's ever told me that before". Elle fit une moue, puis ses yeux s'écarquillèrent : "Are you messing me, Fisher?" Elle leva la main pour le tabasser (au moins, oui, avec son poing de libellule, elle risquait de lui faire très mal) lorsqu'elle entendit le chauffeur reprendre la parole : "Stanthorpe in three minutes. Please gather your belongings and stay sitted until we reach a full stop." Et Lola oublia immédiatement la vengeance, le karma, la mise à tabac, et regarda de tous les côtés pour voir s'ils avaient oublié quelque chose. Clairement, ce n'était pas le cas. Elle se tourna vers Jordan avec un sourire gêné : il restait trois minutes, et après tout, ça valait le coup de vérifier. "I didn't really say anything, though, right?"
July 2007, youth hostel
Ils avaient enfin réussi à atteindre l'auberge de jeunesse. Si, si, après les mille péripéties qu'ils avaient vécues. Et heureusement, la chambre était petite, propre, avec une table pour poser des affaires, les fameux lits superposés, et un interrupteur (jour, nuit, jour, nuit, Lola s'amusait bien depuis qu'ils étaient rentrés dans la pièce). Elle jeta un regard à Jordan, soudain incroyablement intimidée d'être dans une chambre avec lui. Bon, il n'y avait clairement pas d'ambiguïté : les lits faisaient la largeur d'une demi-personne, donc déjà y être à un serait un exploit. Elle lança son sac sur le matelas du haut, mais le sac refusa d'être instrumentalisé comme ça, comme simple objet de réservation de matelas, et chuta sur le sol joyeusement. "So, I guess that's a sign from God. I'll take the one closest to my bag... and the floor." Elle ne parlait jamais de Dieu littéralement, et compta sur le fait que Jordan comprendrait le deuxième degré. Puis se fit la réflexion qu'il ne suivait quand même pas toujours ce qu'elle lui racontait. Elle alla pour s'asseoir en bas, mais changea d'avis en chemin. "You know what, to hell with God. I want the upper bed." Elle abandonna son sac, ce traître, et grimpa l'échelle, se percha sur le matelas d'en haut, et se sentit plus heureuse que jamais. "Yes, this is good." Elle se pencha vers Jordan. "Could you hand me my bag, please, kind sir?"
Le RP prend place en juillet 2007, à Brisbane en chemin pour Stanthorpe. Jordan a 16 ans.
June 2007, the bench
"They're not mine." T’essaies de garder ton sérieux mais c’est compliqué. They're for a friend. Who has been with his girlfriend forever. And his father works at the supermarket. So he couldn't get them there. And her father works at the pharmacy. And their mothers have jobs too, because otherwise this would be very sexist. And so, I got the c-, the- » T’aimes trop comme elle invente des histoires sur le fil. "the protection » Elle est en souffrance. "for them." T’essaies de pas rire. "So, you see, we do not need to have the talk, because I don't feel ready at all. Actually, it would traumatize me. I already feel a little traumatized right now. Why don't you tell me about your day at work, instead? »
« What about the used one I found? »
T’as aucunement envie d’aller plus loin dans le mock talk mais ça t’a pas pu te retenir. Tu sais que Lola va être encore plus pivoine et ça te fait beaucoup marrer. Elle s’est mis dans cette galère toute seule. Elle peut arrêter tout toute seule aussi. Suffit de changer de sujet. T’es le roi du changement de sujet. Le roi du silence aussi.
July 2007, youth hostel Bien sûr que non elle n’avait pas parlé dans son sommeil. Mais la voir freak out, ça te fait beaucoup trop rire. It’s too easy. Mais tu le fais avec parcimonie. En tout bien tout honneur. D’ailleurs le tout bien tout honneur c’est aussi ce qu’il va se passer ce soir dans cette auberge. Première fois que t’es « en weekend » avec un ami sans que ce soit chez les parents du dit ami. T’as l’impression d’être un grand. T’aimes beaucoup cette sensation. Même si Lola fait la conne avec l’interrupteur, ça rend le truc encore plus parfait. Vous pouvez faire ce que vous voulez quand vous voulez. Si c’est pas la définition du bonheur ça, je sais pas ce que c’est. T’as reçu un SMS d’un ami à toi, Jeremy, qui habite à Byron Bay. « So, I guess that's a sign from God. I'll take the one closest to my bag... and the floor. » Tu regardes pas trop ce qu’elle fait. T’as le nez dans ton tel. "You know what, to hell with God. I want the upper bed. "
« Go for it. »
Tu fais pas état de ça. En haut, en bas, ça te dérange pas. Faudra juste que tu te souviennes que t’es pas seul si jamais t’as envie de t’adonner à des plaisirs solitaires pour t’aider à t’endormir. "Yes, this is good. " Tu continues de pianoter sur ton Nokia 3210. "Could you hand me my bag, please, kind sir? " Tu as tout juste terminé quand elle te demande ça. Tu relèves la tête vers elle.
« It’s Romeo. »
Et tu vas prendre ton sac pour le lui donner. Jusqu’au moment où tu le tiens à bout de bras et tu réalises que c’est pas ce qu’elle a demandé. Tu reposes ton sac pour aller lui donner le sien.
« One of my friend got us guestlist for an upcoming show. Can’t believe that. I’m sure he is joking but he insists he isn’t. That he knows one of the guy in Parkway. Well… I’ve met them before. »
Tu fais une tête qui veut dire « tout le monde les a rencontré, c’est pas compliqué ». Tu le crois clairement pas.
"What about the used one I found?" Lola devint couleur cramoisi, genre tomate écrasée sous un pneu, avec le jus qui coule sur la peinture défraîchie. Elle hocha de la tête frénétiquement, avant d'éclater de rire. "You are the worst." Et clairement, ce n'était plus Jordan qui parlait à son père, mais Lola qui réprimandait Jordan. "You know I'm shy." Il le savait, non ? D'un autre côté, elle lui avait tellement toujours raconté sa vie sans hésitation qu'il y avait peut-être une marge de doute. En tout cas, elle n'avait qu'une hâte, c'était d'être à la montagne avec lui.
July 2007, Stanthorpe
Quand Jordan lui passa le mauvais sac, Lola pouffa de rire. Le type était quand même constamment à côté de la plaque. En revanche, quand il répondit que son nom était Roméo, ça la calma d'un coup. Elle cacha sa gêne derrière le sac qu'elle se mit à vider intégralement. Elle allait dormir avec tout son bordel là-haut, dans un espace clairement prévu pour Hobbits ou pour enfants, et ce serait très bien comme ça. L'esprit de l'aventure la gagnait un peu plus chaque instant, en même temps qu'une envie de dormir douze heures. Mais d'abord, elle voulait aller dîner avec Jordan, à peu près n'importe où. C'était fou, quand même : ils pouvait aller wherever, whenever, et ça, c'était Shakira qui le disait.
Elle remarqua que Jordan frétillait un peu plus qu'à la normale. Il mentionna un groupe dont elle n'avait jamais entendu parler, donc elle essaya de prendre un air impressionné, mais ça n'eut aucun effet, car à chaque fois qu'elle essayait de prétendre quelque chose, elle avait juste l'air d'une chèvre constipée. A la place, elle demanda : "Are you hungry? I'm starving." Elle disposa toutes ses affaires en piles toutes jolies - une maniaque, ça ne se refait pas - et descendit l'échelle pour se retrouver au sol. "Let's get out of here and find somewhere to eat?" Elle l'entraîna bon gré, mal gré, de retour dans le froid. Elle avait hâte d'explorer la ville et ses environs, la nature et le reste du monde. Mais avant toute chose, ELLE AVAIT FAIM. Ce qui la rendait hargneuse, attention.
Ils passèrent devant quelques enseignes, mais il y avait soit trop peu de monde, soit trop d'élégance dans l'installation des bougies. Il fallait quelque chose d'intermédiaire, quelque chose comme... ce pub, là ! Elle se fit la réflexion qu'ils ne la laisseraient pas rentrer, peut-être. C'était dans ces moments-là qu'elle aurait aimé avoir l'air moins naïve, moins princesse au petit pois. Elle se tourna vers Jordan. "Okay, Romeo, here's your first act of outlawness. Yes, it's a word. I just made it one. You'll tell the person at the entrance that I'm your little sister and that you want me to have my first beer with you, so that I don't end up drunk at some random party with a weirdo. Or tell him anything, for all I care. I'll just wait here." Elle fit un geste de la main pour qu'il s'éloigne. "Off you go."
Le RP prend place en juillet 2007, à Brisbane en chemin pour Stanthorpe. Jordan a 16 ans.
June 2007, the bench Ton sourire est si large de la voir si gênée. It’s so easy. "You are the worst. » Tu sais que tu l’es. Tu as très bien compris aussi que le jeu de rôle était terminé. "You know I'm shy. »
« But are you really ? »
En vrai t’en sais rien et tu la crois pas surtout. Avec tout les trucs sans dessus dessous et sans aucun sens surtout qu’elle dit ou fait très souvent, elle n’est pas timide du tout. Elle se fait croire ça. She means shy about sex related stuff. Parce que tu te souviens très bien qu’elle t’avait fait comprendre que tu lui plaisais. She’s over that. T’es bien sûr de toi Jordan.
July 2007, Stanthorpe
« Are you hungry? » « Not really. » « I'm starving. »
T’es encore en train de cogiter sur les mots de ton ami que tu as envie de relire tellement tu n’y crois pas mais t’as presque plus de batterie et t’es vraiment trop con parce que t’as oublié de prendre ton chargeur. Donc bientôt, tu n’auras plus accès à ton téléphone. Mais en même temps tu t’en fou parce que Leonardo DiCaprio n’a pas ton numéro et y’a que lui que tu laisserais te déranger pendant ce weekend loin de chez toi. « Let's get out of here and find somewhere to eat? » Elle n’en a que faire de ce que tu as répondu. Toi et tes pauvre 10$ pour tenir tout le weekend. Ok peut être 15, t’as pas mal de pièces. Tu la suis mais tu restes silencieux. Tu espères tomber sur une épicerie ou encore mieux, un supermarché. Ce sera moins cher. Mais elle a plutôt l’air chaude pour un resto. Hmmm… "Okay, Romeo," Elle gagne toute ton attention d’un coup. Ton visage se tourne vers elle, tes pensées sur les pauvres dollars de ta poche s’envolent. T’es Romeo. C’est tout ce qui compte. " here's your first act of outlawness. Yes, it's a word. I just made it one. You'll tell the person at the entrance that I'm your little sister and that you want me to have my first beer with you, so that I don't end up drunk at some random party with a weirdo. Or tell him anything, for all I care. I'll just wait here." What? « Off you go. »
« I’ve got my fake ID, I can do that easy it’s not even funny. »
Donc tu oublies ton chargeur mais tu as ta fausse carte d’identité. On voit les priorités Jordan. Tu montres à Lola un truc un peu plus loin dans la rue.
« Let’s keep going this way, I think I’ve seen a supermarket. » T’as rien vu du tout « We can get beers. Cheap ones. » Tu marques une brève pause. « Didn’t you want to eat? Are you lying to me? »
Tu te mets en full drama queen mode. Tu plaisantes. Tu joues plus que nécessaire parce que t’as très envie d’aller au supermarché. C’est bien le supermarché. C’est parfait. C’est ce qu’il vous faut. Ce qu’il te faut à toi. Tu n’attends pas qu’elle réponde, tu lui fais signe de la tête de te suivre, tu prends la marche pour t’éloigner de ce très cher pub.
Lola détourna le regard du pub, et se demanda : le supermarché ? Avant de se souvenir que Jordan avait parlé de plats gratuits, la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Elle voulut se confondre en excuses d'avoir oublié que tout le monde n'avait pas un argent de poche illimité, mais se dit que ce serait juste un coup à empirer la situation. "Would I ever lie to you?" répondit-elle, plutôt, en battant des cils, parce qu'il fallait évacuer la situation avec humour, et vite retomber sur ses pattes. Elle le suivit immédiatement vers le supermarché. Bien sûr que c'était parfait, le supermarché. Elle s'en fichait, de toute façon, ce n'était pas l'activité qui comptait, c'était lui. Parce que oui, bien sûr que c'était toujours son crush et son idole. Elle avait beau apprendre à le connaître, elle n'en était pas moins désemparée chaque fois qu'il souriait. "Okay, don't laugh." Elle le regarda très sérieusement. "I've never had a beer. And I thought I could try one, on this trip." L'éducation religieuse avait si bien fait son travail qu'elle baissa la tête, toute honteuse. "But I'm also starving for real."
Elle entra dans le supermarché la première, et fila à travers les rayons comme l'éclair. D'abord, elle voulait tout, tout voir, se familiariser avec les possibilités, et ENSUITE faire son choix. Elle attrapa un pot de glace vanille macadamia, deux soupes instantanées, une boite de céréales Frosties, et paya le tout à la caisse, avant d'ajouter un paquet de bonbons acides. Oui, c'était bien. Elle demanda des couverts en plastique et enfin se tourna vers Jordan. "Did you need something else?" Elle fit vriller ses yeux vers le frigo où il y avait de la bière, puis sortit du supermarché. Elle avait trop peur de ce qu'elle risquait de voir. Et si Jordan se faisait griller ? Si la police venait l'arrêter, elle se jetterait sur eux telle une bête féroce. Ouais, elle protégerait Roméo. Tiens, mais d'ailleurs, c'était quoi son surnom à elle ? Juliette, c'était trop facile. Elle opta pour Camille. Oui, comme Camille Rodin. On ne se refait pas.
Elle vit avec soulagement Jordan sortir du supermarché, et s'écria : "MY NAME FOR THE TRIP IS CAMILLE." Elle s'attendait à quoi ? Qu'il fasse des feux d'artifices ? Qu'il sorte les trompettes ? Peut-être qu'il s'écrie : mais ça y est, tu es mon crush aussi, c'est incroyable que tu aies choisi Camille, c'est une évidence d'un coup. Bon, peut-être pas. Mais l'espoir fait vivre. En parlant d'espoir, "Did you get the beer?" Elle se sentait fébrile à l'idée de commettre sa première effraction : boire de l'alcool avant la majorité, et loin de ses parents en plus. Une rebelle, on vous dit.
Le RP prend place en juillet 2007, à Brisbane en chemin pour Stanthorpe. Jordan a 16 ans.
July 2007, Stanthorpe
"Would I ever lie to you?" Tu espères que non mais tu sais pas. Ca fait pas si longtemps que vous vous fréquentez. Peut être qu’elle t’a pas montré toutes les facettes de sa personne encore. Tu donnes rarement ta confiance aux gens parce que même ton propre père n’est pas fichu de te donner ce respect là. Tu ne lui fais aucunement confiance et comme par définition il est sensé être la personne qui tient le plus à toi, ben t’en conclus que les autres en ont forcément encore moins à foutre de toi. Mais tu ne réponds pas avec des mots à Lola parce que tu vois qu’elle plaisante de toute façon. "Okay, don't laugh." Tu la regardes, attendant la blague. "I've never had a beer. And I thought I could try one, on this trip." Tu hoches la tête.
“Fair.”
Ca te fait pas rire comme elle a initialement pensé que tu allais réagir. Vous êtes libres de faire ce que vous voulez quand vous voulez. Faut bien en profiter. "But I'm also starving for real." Ouais ouais, vous allez prendre de la bouffe au supermarché. If she wants to buy me dinner in a restaurant I take it. Mais elle n’a pas l’air d’aller par là et la verité c’est que toi aussi t’as faim, mais tu le dis pas vu que t’as annoncé l’inverse juste avant. Tu restes cohérant dans ton mensonge. T’as de la chance parce que le supermarché que tu as inventé au bout de la rue est bel et bien là. Elle part de son côté et toi du tiens. Tu prends ton temps. Vous avez aucune obligation. T’aimes cette liberté. Tu prends du pain de mie et un pot de nutella mais pas la marque nutella. La sous marque. It’s the same shit. Et c’est délicieux cette merde. Tu vas t’en mettre plein la panse rien que d’y penser. "Did you need something else?" La bière. Bien sûr. Tu hoches la tête. T’es complètement chill à l’idée de faire un truc illégale parce que tu l’as fait tant de fois déjà, c’est juste l’habitude. Le rush est passé. Et puis au pire quoi ? Tu te fais arrêter et ton père apprend que t’es à des centaines de kilomètres à un poste de police ? Ce serait pas la première fois malheureusement. Mais tu t’imagines déjà dire que ton nom est Dick Williams aux flics, parce que c’est aussi celui qui est sur ta fausse carte d’identité. C’est avec un naturel déconcertant que tu vas payer pour tes achats, dont le pack de cheap bière qui est quand même ce qui a fait le plus gros trou dans ton budget. "MY NAME FOR THE TRIP IS CAMILLE." T’avais oublié déjà qu’elle n’avait pas encore décidé sur son nom de rebel libre de faire tout ce qu’il veut quand il veut.
"Cool name."
"Did you get the beer?" Tu hoches la tête et tu pointes le sac que tu as dans la main.
"All there. You will have your first beer tonight.” Vous reprenez à marcher, direction l’auberge naturellement. Il fait pas chaud dehors. “Anything else you want to do for the first time this weekend?”
You are such a bitch. Parce que le sourire sur tes lèvres crie sexe. Mais la vérité c’est que tu sais pas si elle est vierge ou non. Tu assumes. Tu supposes. Am I wrong though ? Tu verras à la teinte plus ou moins foncé du fard qu’elle va piquer.
"Cool name." Lola tira la langue à Jordan. Il n'avait pas du tout eu la réaction escomptée. Mais enfin, l'important était qu'il n'ait pas jugé cela comme indigne de son Roméo, de Stanthorpe, et de toute leur envolée à la montagne. Camille. C'était bien, Camille. Et puis, cela l'aidait avec l'idée d'enfreindre la loi. Ce n'était pas Lola qui allait boire sa première bière en étant mineure. C'était Camille. Et c'était tout à fait le genre de Camille, d'ailleurs. "Oh, oh, I'm getting the story. So, Camille is seventeen, because that's such a cool age, I think. And she's an orphan because her mom was a junkie and died, and her father was a beat-up cop who turned to banditism." Cette histoire n'avait ni queue, ni tête. Il allait falloir qu'elle l'étoffe un peu plus. "AND SHE HAS A TATTOO." Elle fit une pause. "No, wait, that doesn't make sense, because then it would be on my body. Except if I draw it with a pen. Ohhh, I'm totally gonna do that once we get back."
Ils marchaient déjà vers l'auberge de jeunesse de nouveau. Lola ne pouvait pas arrêter de penser au pack de bières. Elle allait vraiment goûter une bière. Et si elle devenait ivre ? Et si elle se mettait à raconter n'importe quoi ? Genre ses rêves sur Jordan ? Non, parce que le dernier en date, donc la nuit dernière, était très, très chaud. Ca commençait dans leur lycée. Il y avait la prof de maths de Lola qui la sermonnait à la fin des cours, et Lola allait arriver en retard au banc, et Jordan serait peut-être déjà parti, et c'était horrible. Et puis, Lola avait couru dans les couloirs, et Jordan était justement en train d'entrer dans le lycée complètement vide. Il était paniqué, et disait : j'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose. Et Lola se tenait là, les yeux écarquillés comme un Bambi des neiges, et soudain ils s'embrassaient. Ce n'était pas allé beaucoup plus loin que ça, car Lola ne savait pas vraiment ce qu'il se passait après ça. Dans les grandes lignes, oui, mais pas assez pour visuellement bien imaginer tous les détails. Donc elle s'était réveillée. Avec un sourire taille paquebot Titanic.
"Anything else you want to do for the first time this weekend?" Lola poussa un petit cri entre terreur et surprise : "WHAT?" Est-ce qu'il avait lu dans ses pensées ? Est-ce qu'il savait de quoi elle avait rêvé ? Est-ce qu'elle en avait parlé en dormant dans le bus ? Arf, c'était dur d'être amie avec son crush, parfois. Elle tenta de se reprendre pour se donner une contenance, tandis qu'ils arrivaient devant l'auberge de jeunesse. "The concert tomorrow will be a first for me." Elle allait ajouter quelque chose, lorsque deux mecs un peu plus âgés qu'eux, en train de fumer une cigarette devant l'auberge, sifflèrent en les voyant passer. Lola les ignora, jusqu'à ce qu'ils disent : "You're not very pretty, you know." Elle se retourna, complètement bouleversée, et les regarda dans les yeux sans savoir quoi répondre. Elle se sentait humiliée devant Jordan, et, perdant tous ses moyens, elle lâcha finalement : "Well, you're not very nice." Puis elle rentra dans l'auberge sans vérifier si Jordan la suivait. Elle voulait se cacher sous un amas de couvertures et attendre le lendemain. Ou le surlendemain.