Pas de mensonge. Est-ce qu’elle est dans une mauvaise passe ? « J’ai l’impression d’entendre Tim. » Qu’elle grommelle dans sa barbe, les yeux fuyants, dégoûtée qu’on puisse assimiler chaque saut d’humeur, chaque action qu’elle fait, chaque décision, chaque coup de tête à sa foutue bipolarité. Freya ne veut pas qu’on la traite comme une malade, elle veut juste qu’on lui parle comme quelqu’un capable de ressentir des émotions, parfois plus fortes, plus vives, plus intenses que d’autres. Oui, il y a des hauts et des bas. Oui, il y a une pyramide, ça monte rapidement pour redescendre de la façon la plus douloureuse. Mais la suédoise n’en sait rien parce qu’elle ne se pose pas ce genre de questions. « J’ai pas d’mensonge à dire. C’est juste moi. Tu dois être bien placée pour savoir à quel point c’est soulant qu’on incrimine toujours la maladie quand ça va pas, quand tu fautes. Alors si j’te dis que c’est moi, juste moi, maladie ou non, tu l’acceptes ou pas ? » Parce que la maladie fait partie intégrante d’elle, il n’y a pas de limite entre elle et son mal intérieur. Ce petit démon qu’elle a dessiné de nombreuses fois durant son adolescence comme un monstre sans visage, une terreur de la nuit et du jour, une ombre qui plane comme l’épée Damoclès. Doherty passe ses mains sur ses yeux. « Ca va. T’as pas à t’inquiéter. » Vraiment. C’est tout le contraire mais Freya n’en a pas conscience. Elle ne voit pas qu’elle est sur une ligne dangereuse, une spirale descente, un fond nul et noir qui l’attend, sans fin. Le trou noir, sans couleur, sans odeur, sans sortie. Mais pour la suédoise, « je vis ma meilleure vie » pense-t-elle à voix haute en regardant le mur de briques rouges en face.

La brune hausse les épaules à la question de Jill. « J’sais pas. J’y connais rien. J’ai jamais eu ce problème. » Rapports protégés ou non, Freya n’a jamais eu de retard. Réglée comme une montre suisse, elles n’ont jamais manqué à l’appel. Elle ne s’est jamais posée la question, peut-être que c’est là la différence. « Y a pt’être une histoire de psychique. Même si tu t’imagines pas élever un gamin, c’est pas c’que tu veux avec Bailey ? » Même si franchement, la suédoise en a plus que sa claque de toutes ces filles qui tombent enceinte ces derniers mois. Tout le monde se range, tout le monde pense à la prochaine génération et elle, elle reste coincée dans son état de colère à faire n’importe quoi. « Enfin j’suppose que pour être sûre, faut faire pipi sur une pipette ou aller faire une prise de sang. Là, j’te déconseillerai la prise de sang, clairement. On t’retirait la garde de son gamin avant même que t’es eue le temps d’y penser. » Terriblement réaliste que se veulent ses mots. Après tout, elles ont consommé de l’alcool et de la coke, ce n’est vraiment pas le moment idéal pour aller se faire analyser les hémoglobines rouges.

« Nan, j’aurai commencé par le hall, sinon. » Ce n’est pas avec des herbes mortes qu’on fait des grands brasiers, après tout. Freya suit Jill en filant à l’anglaise du bar - où elle a intérêt à se souvenir de ne pas revenir de suite ou quand elle sera redevenue blonde. Ce qui n’est pas pour maintenant. Elles arrivent devant les portes, Jillian ne perd pas une seconde pour aller les ouvrir avant qu’elles ne pénètrent à l’intérieur. Les yeux bruns de la suédoise se baladent un peu partout avant de se précipiter vers une des pièces. « Y a un putain de jacuzzi, B. Si y a un truc qu’on touche pas, c’est le jacuzzi, hein. » Au lieu de chercher de quoi briser - juste pour se défouler - Freya ôte précipitamment son haut, ses chaussures et sa jupe pour se fourrer dans l’eau. Elle appuie sur un bouton qui fait apparaitre bulles et massages avant de se caler confortement. « Jiiiiill, vérifie qu’y a pas d’caméras et ramène ton cul là-d’dans ! Si jamais t’es enceinte, ton gamin va sortir direct là. » Et elle rigole, la gamine, parce que c’est stupide ce qu’elle raconte.

La situation se calme, Freya ne crie plus. Elle avait juste besoin de passer ses nerfs, de dire ce qu'elle avait besoin de dire à Jill, de parler de ce qui n'allait pas dans sa vie. C'est ce qu'elles avaient besoin de faire ce soir toutes les deux non ? « Je t'accepte comme tu es Freya, je m'en fous que tu sois malade ou pas ! » Parce qu'elle n'allait pas mettre son état sur le dos de la maladie. Parce qu'elle ne veut pas qu'on le fasse pour elle, alors elle traite Freya comme elle pourrait traiter n'importe quelle personne proche d'elle. « Je veux juste que tu me dises si tu vas bien, si ça va pas. Parce que t'as le droit de te sentir mal, maladie ou pas. » Tout le monde avait le droit d'avoir des mauvaises passes. C'était comme ça. « Je te fais confiance B, je te crois. » Elle sent que ça va pas, mais elle ne la forcera pas à parler de choses dont elle n'a pas envie. Alors elle la laisse faire, et elle continuera d'être là quoi qu'il arrive.

Pourquoi le sujet de la grossesse devient si sérieux, pourquoi Jill commence à y croire un peu trop ? Elle ne veut pas, elle reste dans le déni encore, elle ne peut pas accepter une telle chose aussi rapidement. Pas maintenant, pas déjà. « Je préférerais que ce soit psychologique, je suis pas prête Freya. Je peux pas être une bonne mère, c'est impossible... » C'est quelque chose qu'elle avait toujours penser, et qu'elle penserait un long moment encore. « Je veux juste être avec Bailey, j'en ai vraiment envie. » Elle espérait que son amie le comprenait. Freya parle de prise de sang et Jill rigole. « T'as raison, on va oublier la prise de sang pour au moins quelques jours. » Elle continue de rire un peu, ça lui faisait du bien. « Tu crois vraiment que je devrais faire un test ? Tu crois vraiment que c'est possible ? » Rassure-moi Freya, je t'en supplie.

Elles sont enfin arrivées, et Jill sait qu'elles vont beaucoup s'amuser. Elle voulait détruire. Mais Freya avait d'autres plans. « UN JACUZZI ? » Jill lâche ce qu'elle avait dans les mains. Elle essaie de retrouver Freya pour la rejoindre. Elle regarde dans la salle, à la recherche de caméras mais rien à signaler. Elle sourit. « On va rester là jusqu'à ce que le jour se lève je crois ! » Et Jill enlève ses vêtement pour rejoindre son amie. « Arrêtes de dire n'importe quoi ! » Elle rit, elle sent que la drogue fait effet, et c'est exactement la sensation qu'elle recherchait. « Le kifffffe ! » Et elle profite du moment.

Freya espère que Jill l’accepte telle qu’elle parce qu’en plus, elle ne serait pas très bien placée si ce n’était pas le cas. Est-ce que c’est injuste d’avoir ce genre de pensées ? Peut-être. Mais le monde, la vie, les lois, le système, rien n’est juste. Tout est juste sous le joug de la loi du plus fort, du plus futé, à celui qui réussira à tirer ses épingles du jeu. « T’as pas à t’inquiéter. » qu’elle lui répète malgré tout alors que tous les signes montrent que ce n’est qu’un mensonge. Peut-être quand la colère, l’éthanol, la coke redescendront, peut-être que la suédoise pourra se confier plus sincèrement à celle qu’elle considère comme sa meilleure amie. Mais pour l’instant, il n’y a que la portée du moment qui compte et elle ne permet pas un écart sentimental ou larmoyant. Si elle a accepté de sortir, la brune, c’est pour se changer les idées, comme d’habitude, comme elle le fait trop souvent, régulièrement et à outrance. Ce n’est pas vraiment son genre mais elle comprend mieux pourquoi Jill a vécu comme ça pendant des années. Il y a une liberté à avoir, l’impression d’être en maitrise parfaite de soi - ce n’est qu’une illusion, qu’un écran de fumée. Mais c’est ce que provoquent les substances qu’elles ont pu consommer.

« Dis pas ça, Jill. Evidemment qu’tu peux être une bonne mère, p’tain. Après, ça dépend si tu l’veux ou non. C’est une grosse responsabilité mais bon, j’suppose que je t’apprends rien. » C’est avec Bailey qu’elle devrait avoir cette conversation pas avec elle. En attendant, à sa place, Frey paniquerait très certainement. Elle n’a jamais aimé les enfants en plus, elle serait capable de rejeter les siens juste parce que ça demande trop d’efforts. « Ecoute, tu préfères attendre et avoir la surprise, bonne ou mauvaise, par hasard ou tu veux être fixée le plus tôt possible pour pouvoir éventuellement prendre les mesures nécessaires si jamais t’en veux pas ? Mieux vaut prévenir que guérir et là, le plus tôt tu le sauras, le mieux ça sera. » La suédoise n’est pas certaine de beaucoup de choses dans la vie mais sur ça, elle est sûre de marquer un point ou trois.

L’heure est à la détente alors que son amie n’a pas attendu deux minutes pour venir la rejoindre, aucune pudeur à avoir entre elles. La jeune Doherty regarde les courbes de McGrath en souriant. « T’as pas de bidou, en tout cas, c’est rassurant. » Après tout, elle peut dénier que sa meilleure amie est sacrément bien foutue. « Franchement, c’est pas une perspective dégueulasse. Tant qu’l’une de nous ne finit pas par s’assoupir et s’noyer dans la flotte comme j’ai failli de l’faire chez Tim. » Cette fois où elle a bien failli y passer si le soldat n’était pas rentré à temps. Freya passe tout de même la tête sous l’eau pour ôter l’image du jeune homme incrustée dedans, bien décidée à ne pas se laisser miner le moral.

Freya dit à Jill qu'elle n'a pas à s'inquiéter, et Jill ne dira rien de plus. Elle sent que Freya ne va pas bien, mais elle n'insistera pas. Son amie lui parlera quand elle sera prête, et Jill ne peut que la comprendre. Parce que c'est compliqué, parce que c'est terriblement difficile de se rendre compte à quel point elle peut aller mal, et Jill sait exactement ce qu'elle ressent. Donc elle n'en rajoute pas, elle verra si Freya décide de parler dans la soirée, ou dans les prochains jours, mais elle préfère ne rien dire de plus pour le moment.

Jill ne sait pas comment, ni pourquoi, mais la conversation dérive sur un nouveau sujet sérieux, un sujet qu'elle pensait qu'elle n'aborderait pas de sitôt et certainement pas avec Freya. Pas pendant cette soirée alors qu'elle est en train de boire et de se droguer depuis un bout de temps déjà. Ça ça devrait la faire paniquer, mais elle continue de sniffer une ou deux fois. « Je sais pas, j'en sais rien, comment je suis censée savoir un truc pareil ? » Comment elle peut savoir en une seule soirée si elle se sent prête à le garder. Elle ne sait même pas si elle est enceinte encore, elle a du mal à l'envisager. Elle écoute Freya et là, elle commence à paniquer. Elle baisse les yeux et joue avec ses doigts. « Je.... J'ai peur, imagine si c'est positif » Elle secoue la tête en fermant les yeux. Son cerveau est embrumé. « J'irai acheter un test... » Elle le fera, vraiment, pour ne plus se poser la question.

Elles passent à autre chose, elles courent dans les rues de Brisbane et se retrouvent à rentrer par effraction dans des vestiaires. Jill fouille un peu partout, avant d'entendre Freya hurler qu'il y a un jacuzzi. Elle vérifie les caméras avant de rejoindre sa meilleure amie dans l'eau. « Non j'ai toujours un corps de rêve ! » Jill lui fait un clin d’œil en souriant un peu plus. Elle pose sa tête contre le rebord du jacuzzi, et elle profite sans rien dire pendant quelques secondes. « Personne ne se noie ce soir ! On doit vivre cette soirée à fond ! » Jill lance quelques gouttes d'eau au visage de sa meilleure amie, et elle hésite une seconde avant de poser la question qui lui brûle les lèvres. Elle ne la pose pas directement, elle laisse juste une ouverture à Freya. « Tu sais que tu peux me parler de tout. » Elle ne la regarde pas, elle garde ses yeux fixés sur le plafond. Et elle passe sa main par dessus le rebord. « Regarde ce que j'ai trouvé dans un des bureau ! » Elle sort une bouteille de whisky quasiment pleine.

« J'irai acheter un test... » Freya ne répond plus rien. Elle hoche la tête d’un air presque absent alors que pourtant, la conversation est bien réelle. Ce n’est pas une illusion de son cerveau, un truc comploté par ses neurones pour la faire paniquer. Non, elle est belle et bien en train de parler de ‘‘bébés’’ et de ‘‘grossesse’’ avec Jillian. Elle en aurait presque le tournis. Elle ne veut pas y penser. C’est un topic qui coince, qui la rebute, qui la bloque. Elle n’y connait rien en plus, alors comment elle pourrait rassurer Jillian ? Non, le mieux est qu’elle n’en rajoute pas. Avec ce qu’elles ont déjà dans les veines, Jill pourrait lui faire une attaque, une crise ou quelque chose qui nécessite d’être vif et en alerte, ce qui outrepasse les capacités actuelles de la suédoise.

Alors elle se tait et elle hoche la tête.
Un test, ça n’a jamais tué personne.
Elle espère juste ne pas être la dernière à le savoir, du coup.

« Non j'ai toujours un corps de rêve ! » Les voilà qui barbottent tranquillement dans le jacuzzi - parce que franchement, il n’y a pas d’argent pour rénover Fortitude qui se délabrent ou les gamins en difficulté mais ils en ont assez pour un putain de jacuzzi ? - en sous-vêtements comme un repos bien mérité après une soirée riche en émotions. Bien sûr que Jill a un corps de rêve et Freya sourit à la réplique avant de balancer sa tête en arrière tout en fermant les yeux en profitant des remous dans son dos. « Personne ne se noie ce soir ! On doit vivre cette soirée à fond ! » La suédoise relève la tête en ayant un léger tout en lui renvoyant de l’eau à la figure pareillement.

Jusqu’à ce que.
« Tu sais que tu peux me parler de tout. » Freya a les yeux braqués sur Jill qui a les siens fixés au plafond. Elle passe une main dans l’eau, sur la couverture qui les happe délicieusement tout en se torturant les lèvres Songeuse, indécise, mais qui mieux que Jillian pour se confier ? « Regarde ce que j'ai trouvé dans un des bureaux ! » Le regard de Freya s’illumine quand elle voit la bouteille à la liqueur dorée. « Oh bon sang, ils sont fous d’laisser des trucs pareils traîner ! On sait jamais ce qu’il peut s’passer. Des aventurières nocturnes qui découvrent le trésor caché! » Comme deux voleuses qu’elles sont qui prennent position dans les vestiaires d’un stade qui, techniquement, appartient à la ville donc à elles aussi. Freya prend la bouteille des mains après s’être essuyé les doigts afin de pouvoir l’ouvrir.

Et ça tombe, ça coule dans le gosier, ça pique et elle ne peut pas s’empêcher de grimacer.
Le whisky, c’est fort, ça brûle, ça monte à la tête et elle tend la bouteille avec une expression mi-dégoûtée mi-ravie vers Jill. « C’est clair qu’ça nettoie le tube, ça. » Elle passe ses doigts contre la racine de ses cheveux tout en soupirant d’aise parce qu’elle a chaud, tout d’un coup, énormément chaud. « Si tu veux que j’te parle de quelque chose, tu peux l’demander franchement, B, au lieu d’tourner autour du pot. » Freya regarde sa meilleure amie tout en pédalant ses pieds sous l’eau. « Tu savais que j’ai rompu avec Tim ? »

Elles sont seules dans cet endroit qui est assez grand pour qu'elles puissent faire absolument tout ce qu'elles veulent. Elles peuvent se détendre, ou détruire la moitié des lieux si elles le décident. Jill vérifie les caméras, essaie d'être sûre de ne voir personne dans les parages. Et pendant qu'elle fait le tour des salles Freya trouve un jacuzzi. Et il ne leur faut pas plus de 3 minutes avant de se retrouver à l'intérieur pour profiter de la chaleur et des bulles. Ça faisait une éternité que Jill n'avait pas eu l'occasion d'entrer dans un jacuzzi. Ses habitudes de personne riche pouvait lui manquer des fois. Mais elle ne changerait de vie pour rien au monde, et elle ne retournera jamais vers ses parents. Jamais. Ils étaient enfin sorti de sa vie pour le moment, et elle en profitait tant qu'ils n'avaient pas décidé de pourrir la vie d'un nouveau McGrath.

Et comme si elle n'était pas assez défoncée, Jill trouve une bouteille d'alcool quasiment pleine et la ramène à sa meilleure amie. « C'est certainement la bouteille d'un coach alcoolique parce qu'il a loupé sa vie ! C'était caché dans un des tiroirs de bureau. Quelle idée de mettre un verrou sur un tiroir, c'était tellement facile à trouver. » Elle rit Jill et boit une nouvelle gorgée avant de tendre la bouteille à son amie.

Jill s'inquiète pour Freya mais elle ne veut pas l'obliger à parler alors qu'elles sont toutes les deux venues pour s'éclater, pour se retrouver. « T'as raison. » Et elle rit en voyant la grimace de Freya quand elle boit une gorgée bien trop longue. « C'est pas à moi de décider si tu dois me parler ou pas, je te dis juste que je suis là. Que ce soit pour parler sérieusement ou pour faire des conneries. » Elle hoche la tête Jill parce qu'elle est très sérieuse. Et même si Freya est avec Tim, la présence de Jill pourrait l'aider à aborder n'importe quel sujet. Elle boit une gorgée mais recrache la moitié dans l'eau quand son amie lui dit qu'elle n'est plus avec Tim. « Hein ? Quoi ? » Son regard se braque dans celui de la brune pour être sûre qu'elle ne lui fait pas une mauvaise blague. « Mais qu'est ce qui c'est passé ? » Ils étaient si beaux ensemble. « Comment tu veux que je le sache B, t'es la première personne que je vois à Brisbane. »

Les personnes qui se baladent ici doivent sûrement être trop tués à la tâche pour véritablement laisser à la portée aussi facile une bouteille pareille. « Tant mieux, alors. Tu me diras, pas besoin d’avoir loupé sa vie pour boire. Enfin, quoique dans mon cas, ça peut être vrai. Mais toi, pourquoi tu bois ? T’as un mari, un gars qui t’aime, tu reviens de vacs… Les voix dans la tête, hein ? » Jill les a évoqués sans qu’elles n’en parlent véritablement mais Freya a la tête qui tangue un peu, le whisky est puissant malgré tout, ce n’est pas un alcool doux et qui prend son temps. Il est violent et il s’imprègne dans ses veines aussi rapidement qu’une floppée de papillons partant vers la lumière.

Le tube est nettoyé ou alors, elle est en train de le pourrir plus que de raison. Chose qui est habituel, totalement banal. Nettoyer le syphon à coup d’éthanol, voilà qui lui semble carrément judicieux comme état d’esprit. C’est même ce qui lui correspond totalement à ce moment-là alors qu’elle boit une nouvelle gorgée, puis une autre, parce que les paroles de la brune en face d’elle lui donnent envie de plonger la tête sous l’eau. Jill montre un drapeau de présence et Freya serre les dents, les lèvres, la mâchoire toute entière pour ne pas lui rappeler que non, elle n’est pas toujours là. Elle vient de le lui prouver qu’elle n’est pas toujours là parce qu’elle est partie trois semaines, trois longues semaines de sept jours sans aucune nouvelle. Le temps de crever chaque minute en s’inquiétant, en faisant le tour des hôpitaux et du centre de police pour avoir des nouvelles. Freya ne connait finalement pas beaucoup de monde dans l’entourage de Jillian et il fut hors de question de demander à la seule personne qui aurait pu la renseigner.
La même personne dont elle vient d’aborder le sujet et qui fait réagir sa meilleure amie avec une exclamation de surprise.

« J’ai déconné. » La suédoise considère que ça devrait être suffisant comme explication. Mais Jill ne va sûrement pas s’en contenter. « Les personnes comme nous, ça déconne toujours. » Elle porte le goulot de nouveau à ses lèvres avant de lui tendre la bouteille - elle serait capable de la finir sinon. « Il y a eu une accumulation de frustration, de jalousie, d’absence de communication et… J’ai craqué. » Elle a déboulé comme un boulet de canon pour mettre purement et simplement terme à leur relation. « Il mérite mieux, de toute façon. Pas une épave comme moi. Il a d’autres préoccupations. Je n’avais pas envie d’en lui rajouter sur le mental. » Et le mental de Tim, ce n’est pas le plus solide de la terre. Même s’il montrera le contraire, elle sait. « J’suis pas faite pour un type comme lui. » Aussi bon, aussi gentil. Ce n’est juste pas compatible.

La soirée est sur le thème de l'oublie très certainement. Jill veut oublier qu'elle vient de rentrer à Brisbane, que ses voix hurlent de plus en plus fort et de plus en plus souvent. Freya a l'air aussi énervée que contente de la voir et c'est plutôt très perturbant. Elles boivent à en oublier leur prénom dans le jacuzzi. Elles boivent l'alcool fort au goulot comme si ça n'avait aucun impact sur leurs corps et leurs cerveaux. Comme Jill l'a toujours fait. Parce qu'elle cherchait juste à revenir un peu en arrière Jill, à retrouver son passé qui la rassure un peu au fond. Toutes ces choses, elle les connait. Et elle sait comment elle peut fonctionner dans ce monde là, par contre, elle ne sait pas évoluer dans le monde normal. Dans celui où les gens s'aiment, fondent des famille et se marient. Et pourtant, Bailey lui donnait envie d'entrer dans tout ça. La question de Freya lui fait froncer les sourcils. Depuis quand il fallait une raison particulière pour se bourrer la gueule avec sa meilleure amie ? Et elle croise le regard de son amie quand elle parle des voix. « C'est le seul moyen que je connais pour les calmer, et ça marche encore bien. » C'est certainement pour ça qu'elle est accro à tout ça.

Elle n'était pas au courant pour Freya et Tim, elle ne savait pas que ça c'était terminé entre eux et elle est terriblement étonnée. Les personnes comme nous ça déconne toujours. Jill baisse un peu les yeux alors que la phrase résonne un peu en elle. Est ce que c'était vraiment sa destinée ? De tout faire foirer, de tout détruire à chaque fois que les choses semblent bien se passer ? C'est exactement ce qu'elle était en train de faire là et ça lui brise le cœur. Elle va faire du mal à Bailey, elle le sait, et ça la terrifie de même pas être capable d'arrêter pour ce soir. Jill se rapproche de sa meilleure amie pour la prendre dans ses bras. Elle ne lui demandera pas pourquoi elle ne lui en a pas parlé avant, ce serait risquer une nouvelle engueulade et elles n'en ont pas besoin. « Tu te faisais peut-être trop de mal avec lui, avec toutes les histoires de grossesse et tout ça... C'était pas bon pour toi. » Si il n'y avait pas eu ces bébés, les choses auraient peut-être bien mieux tournée. « Je suis désolée que ça se soit fini comme ça. » Aussi violemment pour elle. « T'es faite pour quel genre de type alors ? »