C'était tout à fait le moment de s'armer de tout son attirail pour aller visiter une des grottes de la région. Avec tous les drames en cours, il fallait forcément qu'Elwyn ait une idée de génie pour détendre l'atmosphère... Ou pour accentuer les tragédies, c'était une question de point de vue. En tout cas, après avoir bassiné deux bonnes heures sa dernière cliente sur la nécessité de manger plus de choux de Bruxelles pour un transit de meilleure qualité, ce cher Cadburry était fin prêt à fermer boutique à midi pour aller s'amuser toute l'après midi aux côtés de son vieux pote Alfie. Ils allaient certainement créer l'apocalypse, c'était souvent le cas quand ils se retrouvaient au même endroit au même moment mais le quarantenaire n'avait pas l'air de s'en inquiéter en lui envoyant le point de rendez-vous par message. A quatorze heures tapantes, Elwyn était paré, assis devant la grotte à observer les papillons en philosophant sur le sens de la vie ou tout autre sujet qui distrayait son cerveau malade. Il en avait des tas, cela tombait bien, de l'amour qu'il vouait aux requins marteaux en passant par les différentes faces d'une pièce de monnaie. Il aurait presque pu enchaîner sur les tragédies qu'enchaînaient les pays asiatiques mais il aperçut Alfie qui débarquait et dans ces moments là, le super héros de ses rêves ne pouvait qu'être de sortie, celui-ci accourant en slow motion pour aller étreindre son ami. Il était définitivement trop sentimental pour son propre bien et celui des autres, un enfer à vivre. "Mon joli coeur, enfin! Je m'ennuyais tellement en t'attendant, j'en étais à compter les poils de fourrure d'une loutre fictive. D'ailleurs, tu savais que la loutre des mers possède la fourrure la plus dense de tous les mammifères, avec jusqu'à 170000 poils par centimètre carré? Fascinant! Y en aura pas dans la grotte par contre mais bon, on trouvera sûrement de quoi s'amuser, non? Tu vas bien, toi? Et ta petite vie, tout ça?" Il allait sûrement parler pour dix mais Alfie n'en était pas gêné habituellement. Bon signe, non?

À la question de savoir si Alfie est inconscient, stupide ou irresponsable, le choix est vite fait : il est les trois à la fois, sans quoi il n’aurait pas entrepris de rejoindre Elwyn alors qu’il panique dès qu’il est enfermé dans son appartement. Forcément, s’enfermer dans une grotte apparaît alors comme une idée complètement foireuse – c’est-à-dire tout à fait le style de plans d’Alfie. À sa défense, il est partisan de l’adage « combattre le mal par le mal », autant dire que s’il veut ne pas virer complètement claustrophobe, la solution est de… s’enfermer dans des couloirs exigus des kilomètres sous terre. Tout va bien dans la tête du brave garçon, évidemment. Et puis, si vraiment, il finit par avoir une folle envie de se fracasser la tête contre les murs (certains diront que ça peut lui permettre de remettre ses neurones en place), il pourra sûrement compter sur un Elwyn bien plus baraqué que lui et capable de le mettre K.O. en une pichenette, juste assez pour qu’il ne reprenne conscience qu’une fois de retour sur la terre ferme. Oui, car dans ce scénario, Elwyn le porte héroïquement sur son épaule jusqu’à la sortie, voyons. Note à lui-même : cette hypothèse fonctionne aussi en cas de flemmardise aiguë. À tester. Quoi qu’il en soit, si Alfie tend à réfléchir à d’improbables moyens de regagner sa liberté, il aurait surtout réfléchi au bien fondé de cette sortie. Or, c’est une évidence pour lui : il a besoin. Outre le fait qu’il devient sérieusement dingue depuis qu’il est en arrêt maladie et que ses journées se résument à glander devant des émissions de télé-réalité et à se remettre à l’accordéon, car présentement il oscille entre un âge mental de huit ans avec le physique d’un homme de huitante. Comprenez qu’il devienne fou, il a l’impression d’être en plein dans Benjamin Button avec avance rapide puis retour en arrière, ne sachant pas trop à quelle période il se situe, finalement. Mais il s’égare, et il finit par arriver au point de rendez-vous, un large sourire aux lèvres lorsqu’il aperçoit la tête d’Elwyn, acceptant l’étreinte sans broncher. Le laissant parler pour ne pas interrompre la machine, Alfie s’avère fasciné par tout ceci. Et si en temps normal il n’a aucune difficulté à suivre le flot de paroles de son ami, depuis son agression et sa fracture du crâne en ayant résulté, son crâne peine à suivre le rythme qu’Alfie tente de lui imposer. « Tu te rends compte que même ma copine me donne pas d’aussi joli si-surnom. » Ouais. Là, il réalise que, finalement, aujourd’hui va être compliqué entre un Elwyn qu’il ne va pas arriver à suivre et ses capacités cognitives qui lui font toujours défaut. « Et je savais pas non, mais je suis ravi de le savoir. » Et il est sincère. « J’espère qu’il y aura des dessins. » Oui. Réflexion d’enfant, m’enfin, le but d’une grotte, c’est quand même de pouvoir retracer l’historique de ceux l’ayant habitée des milliers d’années plus tôt, non ? « Niquel, j’ai hâte d’aller me perdre et qu’on retrouve mon corps dans dix ans. » Non parce qu’il connaît son sens de l’orientation foireux, hein, et il ne faut clairement pas lui faire confiance. Et celui d’Elwyn, d’expérience, n’est pas beaucoup mieux. Pour autant, aucun d’entre eux n’a pensé à… un guide. Ce serait trop facile, voyons. « Oh bah moi, tout va bien, tu sais. OH ! J’ai adopté un cafet-cafard, il s’appelle Pocock. » Son petit combattant, sa petite merveille. « Sinon, je me suis lancé dans la confection d’une lampe en carton, aussi. » Oui. Bon. Il s’incline. « Ouais. L’arrêt mald-aladie, ça me réussit moyen, j’ai pas grand-chose à raconter. » Oh si, mais rien de très intéressant, à vrai dire. Il n’est pas sûr qu’Elwyn soit intéressé par la dernière recette de quinoa qu’il a testé. Quoi que. « Alors, vas-y, vends-moi du rêve et sors-moi de mon ennui. » Et il s’empare d’une main d’Elwyn qu’il entoure des siennes, comme une supplication de mettre des paillettes dans sa vie.  

La vie d'Elwyn était un champ de bataille constant. Il oscillait entre les périodes de no man's land et les duels enflammés, persuadé de se retrouver dans un jeu vidéo grandeur nature alors qu'il était tout seul à vivre ses délires. Avec trois fois rien, Cadburry était convaincu qu'il pouvait réinventer le monde, faire en sorte qu'il devienne meilleur mais le pauvre homme ne faisait que persister dans ses illusions. En réalité, le misérable quarantenaire était juste un gamin qui avait grandi trop vite et désormais, il semblait n'y avoir aucun moyen pour le ramener à son statut d'homme qui vieillissait à vue d'oeil. Elwyn détestait cela, forcément, alors il continuait encore et toujours d'acheter des packs de cartes Pokemon en se renseignant sur les tous derniers épisodes du dessin animé à la mode. Il était même allé voir Frozen 2, entouré de mômes et riant avec l'une d'entre elles parce qu'il faisait de sublimes imitations d'Elsa entre deux chants merveilleux. Il allait clairement finir en taule un de ces quatre et le pire, c'était sûrement qu'il n'aurait aucune idée de la raison. Le pauvre Carburry était bien trop naïf pour ce monde mais à ce petit jeu, il n'était pas si seul que cela. Alfie était là pour lui tendre une perche parce qu'il lui ressemblait en bien des points, non, cela ne présageait rien de bon pour la survie de l'humanité. Il était sûrement le seul homme après Seymour à pouvoir le suivre dans n'importe quel délire, comme celui de se lancer dans une expédition de spéléologie alors que Cadburry n'avait vu que tout au plus dix documentaires à ce sujet. Pour qu'il se considère comme un réel spécialiste, il lui fallait au moins cinq fois plus de visionnage, clairement il se décevait mais il avait été distrait par sa construction d'un sapin en Lego et sa nouvelle expérience scientifique dernier cri... Et le ménage qui s'en était suivi. Finalement, se retrouver au grand air en regardant Alfie galérer à suivre sa diatribe habituelle était un renouveau des plus appréciables. "C'est peut être parce que, dans un univers alternatif, c'est moi ta copine. Je me suis vachement intéressé à la théorie des multi univers et je pense que tout est possible, même une version Alfie-Elwyn où je me balade en robe de princesse et toi en moto genre Harley Davidson. T'en penses quoi?" Il en pensait certainement que ses neurones étaient au bout de leur vie de le supporter alors que cela faisait à peine deux minutes qu'il s'était planté devant lui, le pauvre Maslow. "Des dessins bioluminescents même! Dix ans... Je dirais plutôt des millénaires, tu sais, comme on retrouve encore des mammouths tout juste maintenant. Mais, eh, dis toi qu'on se fera retrouver par des aliens mutants dans très très longtemps et ça, c'est hyper classe." Ou juste hyper con, sûrement la deuxième option puisque les gens réellement intelligents et sensés demandaient l'avis d'experts avant de s'aventurer dans des grottes tout en racontant des nouvelles d'une tristesse morbide. "Je veux une lampe en carton, fais moi une lampe en carton! Et j'espère que t'oublies pas tes cinq fruits et légume par jour au milieu d'un programme aussi trépidant." Elwyn s'en voudrait de constater que Alfie faisait des carences, pas sous sa surveillance. Jamais. Il l'entraînait déjà dans les sous sols, la nuit noire les enveloppant, la main de Maslow agrippée à la sienne parce qu'il lui avait juste demandé des nouvelles passionnantes... Pas de le lancer dans un remake de Jurassic Park dans une caverne. "Tu crois qu'on va croiser des chauve-souris? Je veux en adopter une, ça a l'air trop bien. Sinon, je sais pas ce que je peux te raconter, j'ai fait des tours en Lego, j'ai réussi à choper une carte rare chez Pokemon et Nea m'a pas encore tué, positif à souhait, je sais. Tiens, viens, on va descendre là." Idée de merde que de commencer à glisser sur la pente de la grotte mais Elwyn était goguenard face à l'idée... Ce qui présageait l'apocalypse, ni plus ni moins.

Dans un sens, Elwyn est son reflet, en plus bavard et en plus canon (mais ça, Alfie ne le dira pas ; question de conserver son amour propre et celui de Jules qui n’apprécierait probablement pas ce constat – ou alors elle serait susceptible de faire le même, mais le sujet n’est pas là). Dans leur langage à eux, on peut même dire qu’Elwyn est le Chevalier Jedi du petit Padawan qu’est Alfie ; et leurs retrouvailles vont dans ce sens alors qu’Elwyn noie un Alfie sous un flot de paroles que le plus jeune peine à suivre, comme si son ami lui faisait état de nombreuses consignes à retenir et qu’il s’avère paniqué de ne rien capter. C’est un peu le principe, alors que son regard est aussi expressif que celui d’un poisson mort lorsqu’Elwyn termine son charabia et qu’Alfie se rend compte qu’il n’est pas parvenu à enregistrer grand-chose. Et là, il s’interroge un instant : est-ce que ses proches ressentaient ce sentiment lorsqu’il était capable de déblatérer pendant de longues minutes sans reprendre son souffle ? Probablement que oui. Est-ce que ça va l’arrêter ? Non, absolument pas. L’anthropologue a une philosophie de vie qui consiste à penser que parler à autrui, c’est faire un « don de paroles », de celles qui sont inutiles et qu’il n’a pas d’intérêt à partager. Le faire, c’est un acte d’amour, et si on suit ce raisonnement, alors Alfie aime vraiment vraiment vraiment beaucoup son entourage, et Elwyn aime vraiment vraiment vraiment beaucoup Alfie. Son petit cœur en est tout chamboulé, et ça ne fait que confirmer la vision de l’univers alternatif créé par Elwyn. Une main sur le cœur, une petite moue émue, des yeux qui brillent face à cette presque déclaration, Alfie acquiesce furieusement pendant quelques instants avant de prendre la parole. « JE SIGNE OÙ ? » Que sa voix s’élève, un peu trop enthousiasme pour son propre bien alors qu’il reprend un volume sonore décent par la suite. « Mec, on a nos prochains cou-costumes pour carnaval ! J’ai toujours rêvé de t’appeler Elsa et d’être un biker. » Passons le détail concernant le fait qu’il n’a jamais foutu les fesses sur une moto et que ses seules expériences en matière de vêtements en cuir n’ont jamais dépassé le cadre de l’intimité, mais soit ; Alfie est toujours partant pour de nouvelles expériences sans quoi il ne serait pas là aujourd’hui et, surtout, il n’aurait pas lié cette amitié avec un Elwyn qui agit sous le même principe. Reprenant son sérieux alors que ses yeux ne quittent pas les lèvres d’Elwyn, comme si cela pouvait lui permettre de mieux saisir et enregistrer chacun de ses mots, Alfie met quelques instants à ordonner les mots pour en sortir un discours qui a du sens, tant il se perd face à Elwyn. Ça va être une longue journée, mais une très bonne journée, à ne pas douter. « Tu crois qu’ils arriveront à nous re-ramener à la vie ? » Il demande, les yeux qui pétillent. Le vrai scientifique, c’est Elwyn, Alfie n’est qu’un élève. « Imagine le truc, en plus en tant que derniers humains, on serait des stars. » Ou de vrais cobayes, mais ça, Alfie préfère ne pas l’imaginer, l’optimisme prime sur la réalité. « Et puis, ils auront sûrement découvert d’autres ren-recoins de l’univers, qu’on pourra explorer à l’idée d’une voiture-fusée, ou pourra même avoir des maisons secondaires sur d’autres planètes. » Oui. Ça vend du rêve, surtout pour un Alfie terriblement curieux quant aux autres formes de vie, concrètes ou abstraites. « Je t’en ferai une, tu seras mon client d’hor-honneur, celui qui aura tout gratuit quand je pèserai autant qu’Ikea dans le game, version responsable et écologique de la chose. » Il rétorque avec un large sourire avant de très vite reprendre. « T’inquiète, j’mange cinq portions de quinoa par jour, c’est du pareil au même. » À peu près, oui. Mais dans la tête d’Alfie, le quinoa est aussi essentiel que de l’eau dans son quotidien, alors ça se tient. Il finit par s’accrocher à Elwyn dans l’espoir que celui-ci puisse lui conter des journées plus palpitantes que les siennes, le plus jeune est pendu aux lèvres de son ami dans l’espoir d’un événement qui aurait chamboulé son quotidien, et qui par extension mettrait un peu de piment dans celui d’Alfie même si c’est pendant deux secondes à l’entente de celui-ci. C’est vous dire à quel point la vie de l’anthropologue est d’une tristesse. « Si on en croise une, on essaiera de l’attraper. » Et là, tous les défenseurs des animaux s’agitent pour quémander la mise au bûcher des deux hommes tant c’est irresponsable de priver une chauve-souris, une mère, une fille, une sœur, de sa famille en décidant d’attraper celle-ci. Mais pas de panique, vu le talent des deux hommes, la chauve-souris et sa famille auront surtout l’occasion de passer un bon moment en se moquant des capacités des deux hommes, qui repartiront d’ici avec de nombreuses griffures et des rendez-vous pour les rappels de vaccin avant qu’Elwyn puisse se proclamer heureux papa d’une de ces bestioles. « Laquelle ? » Il demande, enjoué, à l’évocation de la carte Pokémon. « Tu lui donnes quoi à Nea, pour qu’elle l’ait pas encore fait ? » Il interroge par la suite alors qu’il libère la main de son ami qui file déjà alors qu’Alfie n’est pas totalement prêt, ajustant son équipement, et tentant de courir pour rattraper son retard. Dans une pente. Rendue glissante par l’humidité de la grotte. Avec un équilibre précaire des suites de son agression. Brillante idée, et brillante glissade surtout, même si la pente n’est pas comparable avec un toboggan (et là, il se dit qu’ils pourraient faire un saut au parc par la suite, mais là n’est pas le sujet). Tentant de freiner avec ses pieds, c’est peine perdue pour un Alfie qui finit par s’accrocher aux épaules d’Elwyn quand il arrive à son niveau, priant silencieusement pour que ça suffise à l’aider à rester debout sans toucher à l’intégrité physique de son ami. Mais en général, entre ce qu’il souhaite et ce qui se réalise, il y a un monde (souterrain, ici, en l’occurrence). Sans surprise, ce n'est pas un succès, et si les deux hommes ne finissent pas un terre, Elwyn rencontre malgré tout le mur à côté de lui. « Désolééééééé. » Qu'il s'excuse alors qu'il passe son bras autour de celui d'Elwyn pour l'aider à se redresser. « Tu veux aussi m'envoyer dans le décor qu'on soit quitte ? » Il ne serait pas offusqué. « Tu veux bien continuer même si ça veut dire que je vais sûrement te tuer ? » Et là, il affiche sa plus belle moue de Chat Botté. Dis-oui, dis-oui, allez, dis-oui. Mais dans un sens, les deux savaient à quoi s'attendre ; quand c'est pas l'un, c'est l'autre qui tente de tuer son camarade avec sa maladresse et son inconscience, et c'est bien pour ça qu'ils s'entendent si bien.

Spoiler:

Aucun d'eux ne avait s'arrêter et aucun d'eux n'avait la notion du danger. A partir de là, il n'y avait aucun doute à avoir quant à l'issue de leur petite escapade en amoureux. Oui, les gens les considéraient toujours comme tels, sûrement parce qu'ils étaient collés l'un à l'autre, à toujours dire tout ce qui leur venait par la tête, même si eux mêmes n'y voyaient aucun sens au premier abord. L'autre arrivait le plus souvent à démêler le message important du dérisoire et la conversation continuait sur les chapeaux de roue. Ces deux-là ne s'étaient vraiment pas rencontrés pour rien et avoir Alfie dans sa vie avait sûrement sauvé Elwyn d'une intense solitude laissée par le départ de Seymour de Brisbane. Il avait un nouveau collègue qui le suivait dans n'importe lequel de ses délires, comme celui de partir à la conquête d'une grotte alors qu'ils n'avaient jamais étudié la spéléologie en dehors de quelques visionnages de vidéos ça et là. Cadburry était franchement une calamité pour le reste du monde vu les risques qu'il faisait prendre à son ami, lui qui avait déjà survécu à une terrible agression qui lui avait laissé des séquelles remarquables. Elwyn avait l'air d'oublier tout cela dès l'instant où l'obscurité frappait ses yeux, répondant comme il le faisait habituellement aux propos de son ami, du tac au tac, sans chercher à mettre les mots dans l'ordre, pas même les idées. "Elsa et Johnny, j'achète!" Ils allaient clairement s'éclater au prochain carnaval et Elwyn espérait qu'ils remporteraient le grand prix du duo costumé le plus original, avec le nombre d'années au compteur qu'il tâchait d'être dans la course à ce sujet. Avec Maslow, il n'avait aucun risque de perdre, c'était une évidence. "Tout est possible, tu sais. Après tout, les orques, les lions, les dauphins, les lamantins, les moutons ainsi que les girafes et de nombreuses autres espèces ont des relations homosexuelles au cours de leur vie alors qu'on pourrait penser qu'ils pensent qu'à la procréation, alors nous, on pourra avoir une maison sur Mars, une sur Jupiter et un sauna quelque part sur Saturne, pas un problème!" Comme si Elwyn était fan de l'idée de finir lobotomisé dans un pain de glace au beau milieu d'un laboratoire mais pour la science, il accepterait forcément. Honneur à cet art de vivre en premier lieu, son petit confort plus tard, même si, à l'heure actuelle, il aurait dû y penser un peu plus avant d'entrer dans ladite grotte et de comprendre que le sol n'était pas forcément stable. "A Nea? Je me demande aussi... 'Semblerait qu'elle m'apprécie assez pour qu'elle accepte que je dorme dans son lit de temps en temps." Il se concentra ensuite, le brun, parce qu'il sentait Alfie derrière lui qui s'accrochait à ses épaules et cela n'allait rien donner de bon...  La preuve, à peine une minute plus tard, le crâne de Cadburry se télescopa avec le mur et il se retrouva à terre, sonné. "Tu t'enverras dans le décor tout seul avant qu'on ressorte de là, je suis sûr." Elwyn se releva tant bien que mal, s'accrochant au bras de Maslow et cette fois ce fut lui qui glissa à son tour, l'entraînant sur un toboggan de fortune. Les deux hommes atterrirent bien plus bas, au bord d'un plan d'eau, la chemise de Cadburry trempée alors qu'il essayait de se relever une nouvelle fois, sans rater ce coup-ci. "Tu crois qu'il y a des crocodiles des grottes ici? Ou le Loch Ness? Et pourquoi pas une baleine? Olala, peut être que cette grotte déjoue les lois de la biodiversité, j'en rêve!" Il ne faisait même pas attention au fait qu'il avait du sang sur le front de son affrontement avec le mur, qu'il était trempé et qu'Alfie devait être effrayé à souhait d'être dans le noir complet au milieu de nulle part.

C’est parfois compliqué d’être un adulte avec des souhaits d’enfant, la réalité de son âge implique un bon sens qu’un gamin n’est pas tenu d’avoir et dans son entourage le plus proche, tous en sont dotés, empêchant Alfie d’avoir un camarade de jeu dans son entourage proche et l’obligeant surtout à faire preuve d’une maturité qui n’est guère la sienne en principe. Autant dire que chaque moment en compagnie d’Elwyn est vu comme précieux, pour la simple et bonne raison qu’Alfie n’a pas à se contenir pour satisfaire ceux qui gravitent autour de lui. Bien au contraire, avec Elwyn il est de nouveau cet idiot de douze ans qui n’en fait qu’à sa tête, incapable de réfléchir et poussé par ses envies, et uniquement celles-ci. S’il était en pleine possession de ses capacités cognitives, il pourrait presque lui faire une déclaration d’amitié, dans l’immédiat il se contente d’essayer de suivre ce que son ami peut lui raconter à une vitesse folle qui ne lui permet pas de tout saisir. C’est déjà un bel effort pour Alfie qui, ces dernières semaines, tend à filtrer les appels et les rencontres plutôt que de se donner la peine d’essayer de suivre les autres. Et lorsqu’il fait une exception à ces principes, il décroche généralement suffisamment vite et ne feint même plus d’être intéressé ou concentré sur ce qu’on lui raconte – même auprès de sa petite amie ou de ses parents. Alors Elwyn ne le sait peut-être pas, mais ce dernier a un nouveau rôle dans la vie d’Alfie, concrétisé par cette manière qu’il a d’agir toujours aussi naturellement avec l’anthropologue, alors que tout le monde autour de lui s’imagine qu’il n’est plus qu’une feuille d’automne qui manque de se briser à la moindre opportunité tant elle est fragile. Alors peut-être que ce n’est pas bien raisonnable de prévoir une telle sortie ou de faire autant de plans sur la comète concernant leur futur duo de carnaval, mais c’est présentement tout ce dont Alfie a besoin pour avoir l’impression que rien n’a changé. Comme le débit d’Elwyn qu’encore une fois, le plus jeune peine à suivre. « Le sauna sur Saturne, j’achète. » Car c’est à peu de choses près la seule chose qu’il a été en mesure d’enregistrer, mais ça lui semble être le plus important. « Dans tes documentat-taires, ils disent quelle planète est le meilleur plan ? » Il s’interroge, marquant une pause le temps de remettre ses idées en place. « Rapport qu’on anticipe avant la feu-flamme... flambée de l’immobilier. » Il conclut en haussant les épaules. Ses connaissances en termes de planète se limitent aux plus générales, mais comme toujours face à Elwyn, ce n’est pas un problème : celui-ci consomme les documentaires comme il consomme du quinoa, et il est une source d’informations inépuisable pour ses proches, une sorte d’encyclopédie vivante – non, c’est carrément ça, en fait – qui permet de combler toutes les lacunes. « Ah, oui, quand même. » Qu’il songe à voix haute lorsque Nea est évoquée et qu’Elwyn se permet une précision sur l’état de ses relations avec la jeune femme. Et puis, ça monte au cerveau, et l’air calme qu’affichait Alfie jusqu’ici disparaît pour laisser place à une grimace d’excitation alors qu’il sautille sur place, manque de trébucher à chaque pas. « ATTENDS, QUOI ? » Qu’il hurle, faisant raisonner sa voix dans la grotte, sous des regards noirs de quelques visiteurs, obligeant Alfie à revoir le niveau sonore de sa voix, non sans avoir marmonné dans sa barbe des « mêlez-vous de ce qui vous regarde » (ou du moins, c’est ce qu’il a essayé de dire) à l’intention de ceux qui les entourent. Mais il n’a pas le temps d’interroger son ami en bonne et due forme que le sol humide s’interpose. La glissade est inévitable, la chute désagréable, et Elwyn un dommage collatéral. « T’inquièèèèète, je gère. » Rien du tout. Et ce n’est pas vraiment le moment de se vanter alors qu’il vient d’entraîner Elwyn dans sa chute. Avant que ce ne soit finalement l’inverse, lorsque son ami essaie de se relever. Dans une séquence digne des meilleurs bêtisiers, les deux hommes finissent par se retrouver en contrebas, et après de multiples essais les ayant menés jusqu’ici, tiennent enfin debout. Riant à la remarque d’Elwyn, le sourire d’Alfie disparaît lorsqu’il comprend qu’ils sont dans le noir complet, et qu’il commence à faire les cents pas pour retrouver son ami, guidé par sa voix. « ELWYN T’ES OÙ, j’te vois pas. » élémentaire dans le noir, mon cher. Tapotant devant lui, il reconnaît des roches, le sol (quand il se plante à nouveau) puis finalement un visage qu’il palpe sans gêne aucune. « Ah t’es là. » Qu’il se rassure, tandis que la voix de son ami résonne... derrière lui, et qu’il ne lui en faut pas plus pour hurler et s’écarter en courant de ce visage qu’il croyait être celui d’Elwyn. « DES PUTAINS DE ZOMBIES ÇA FAIT PARTIE DE LA BA-BID-BIODIVERSITE ? » Vous avez quatre heures. À nouveau à terre de par sa précipitation, il essaie de se calmer, se disant que c’est son cerveau qui lui a joué des tours et qu’il y a des rochers très bien taillés dans cette grotte. « Et pis c’est quoi cette histoire avec Nea, là ?! » Il poursuit, question de mettre ses priorités en ordre, voyez. D’abord la vie sentimentale de son ami, ensuite les rochers zombifiés à visages humains.

Spoiler:

Ce n'était que le début de l'aventure et Elwyn avait déjà des milliards d'idées qui fourmillaient au beau milieu de sa cervelle, rien d'inhabituel certes mais les personnes qui le côtoyaient devenait forcément des dommages collatéraux. Par extension, effectivement, c'était eux qui devaient tenir le coup quand il balançait des défis ou des expériences à la noix au nom de la science ou du St-Tortue. On ne l'arrêtait jamais vraiment et Alfie ne l'aidait pas vraiment dans ce sens non plus. Les deux hommes se ressemblaient beaucoup trop pour le bien de l'humanité: Cadburry savait qu'il pouvait toujours compte sur son ami pour le suivre dans des histoires fantastiques... Sur le papier. Au final, ils risquaient de mourir à chaque épopée mais n'apprenaient jamais de leurs erreurs, bien au contraire, ils se relançaient toujours plus loin dans leur étonnante bêtise. Ce jour-là s'annonçait pire que les autres pour la simple et bonne raison que le brun n'avait pas eu l'occasion de voir beaucoup Alfie ces derniers temps, il avait eu beaucoup à gérer de son côté et Elwyn s'était retrouvé à vivre ses délires tout seuls. Par conséquent, il avait sorti le grand jeu pour les retrouvailles, comme si se perdre dans les tréfonds d'une grotte était l'idée du siècle pour fêter un long moment loin l'un de l'autre. Tout idiot qu'il était, le quarantenaire n'avait pas l'air d'avoir peur de ce qu'il entreprenait, se laissant porter par l'obscurité, constatant bien vite qu'il avait perdu toute sa concentration sur son environnement, forcément beaucoup plus intéressé par cette affaire de planètes. "Je tenterais bien Saturne, personnellement. Tu t'imagines te lever tous les matins et voir les anneaux là? Mieux encore, on trouverait un moyen d'aller habiter sur les anneaux, histoire de rendre l'affaire exceptionnelle! Après bon, il y a plus classique avec Mars mais on aime pas le classique, si?" Pas Elwyn en tout cas. Il n'avait jamais aimé faire comme tout le monde, préférant se perdre sur ses documentaires qui n'intéressaient personne mais c'était sûrement ce qui faisait son charme. Enfin, il espérait qu'il en avait un minimum car, effectivement, l'incompréhension était totale quant au problème Nea. Cadburry feinta tant bien que mal, du moins durant la longue minute de chute au fond du tunnel, complètement désarçonné par le rocher qu'il venait de se prendre en plein front mais il se remit sur pied, essayant de trouver Alfie dans cette pénombre. Une matière visqueuse, ce ne devait pas être une quête fructueuse et le cri de son ami quelques secondes plus tard. Des zombies, vraiment? "Où ça, des zombies? Guide moi, je vois rien! je crois que j'ai écrasé un escargot des cavernes, mais ça existe? Je sais même pas, je me suis pas assez renseigné, Alfie! Et s'il y a des vraies zombies? Et si on se fait dévorer par un troll des grottes? Je te trouve pas... Ou alors t'as une peau en pierre, au choix." Il était forcément très sérieux en gigotant dans tous les sens avec cet espoir infime de tomber sur Maslow avant la fin du monde. Enfin, il se prit ce qui devait être son dos au terme d'une lutte des enfers, se tenant à ses épaules tant bien que mal. "Je sais pas, je te jure, je sais pas! Enfin si, on a couché ensemble par ci par là puis je me suis marié dans cette émission télé là et Nea est partie je sais pas où. Et il y a des zombies là. Des araignées géantes! On va devenir quoi?" Des hommes morts dans le pire des cas, des hommes qui retrouveraient l'air libre alors que Elwyn glissait sur une pierre et finissait dans l'eau, un comble, il n'avait pas pris son maillot de bain. Oups.

Si Alfie est un habitué des points de suture et qu’il s’amuse de cette (fausse) carte de fidélité qu’il possède avec le temps, il n’y a qu’un seul homme qui puisse rivaliser avec lui et tous les deux sont réunis aujourd’hui pour cette épopée dans une grotte souterraine – alors que, précision importante, ni l’un ni l’autre ne possèdent un diplôme de spéléologie et une curiosité certaine qui les poussera forcément à franchir, tôt ou tard, le cordon de sécurité sur lequel il est estampillé en gros « entrée interdite ». Par conséquent, il est peu probable que les deux hommes sortent de cette grotte en un seul morceau et la question n’est pas tant de savoir ce qu’ils vont rencontrer sur leur chemin, mais bien s’ils vont parvenir à sortir de là vivants. C’est un peu le mot d’ordre de leur amitié, « ce qui nous tue pas nous donne envie de faire encore mieux » à chaque fois qu’il expérimente quelque chose dont le commun des mortels se serait porté loin. Encore, une grotte, ce n’est pas grand-chose, mais dans l’état d’Alfie c’est à peu près la mort assuré. Et en cas de chances de survie, la mort l’attend toujours : elle prendra juste la forme d’une confrontation avec Jules qui le traitera d’irresponsable. À moins qu’il ne décide de partir vivre sur Saturne avec Elwyn d’ici-là – car il est évident qu’il y a des navettes deux fois par jour pour un tel voyage. « Mais, mais c’est du ga-génie ! » Qu’Alfie s’exclame avec enthousiasme par la suite, frappant le bras de son ami comme à chaque fois qu’il est possédé par un trop plein d’excitation. « Les agne-anneaux, mais bien-sûr ! Ce serait un peu comme, comme... merde, c’est quoi le mot déjà ? une île ! Tu sais, genre, t’as Saturne c’est le centre de tout et on prendrait notre, notre... ca-capsule pour s’y rendre quand on a besoin. » Encore une idée incroyable signée Cadburry ; ils s’évitent le problème des grandes villes en vivant en périphérie, avec tous les avantages d’être néanmoins près de Saturne. Il signe où ? « Naaan, Marc c’est trop mi-mainstream, ils sont déjà plein à avoir leur billet. » Il refuse en secouant la tête ; Mars c’est trop commun, ce n’est pas pour les gens comme eux. Enfin, pour cela il faudrait qu’ils soient encore en vie à l’issue de cette sortie ; ce qui n’est pas garanti maintenant que la première chute est amorcée et qu’ils atterrissent de nombreux mètres plus bas, dans l’obscurité totale. Cette fois, c’est sûr, ils ont dû emprunter un chemin interdit, car Alfie est à peu près persuadé que le but n’est pas de tuer le public en les faisant glisser de cette façon – mais pour leur défense, le Maslow l’assure, ils n’ont rien vu, alors on ne peut pas vraiment leur en vouloir, n’est-ce pas ? Le brun cherche son ami dans la pénombre, étant persuadé de tomber sur lui avant que la voix d’Elwyn ne résonne derrière lui – BORDEL SUR QUOI IL VIENT DE POSER SES MAINS ? « Mec, si ça se trouve, tu viens de dis-détruire une rép-relique vieille de millions d’années, faut qu’on cache les pr-preuves. » Avant qu’ils ne soient définitivement persona non grata et qu’ils écopent en plus d’un procès pour destruction de biens matériels. « Non, mais j’crois que tu l’as trouvé, ton tri-troll des grottes. » Qu’il pousse lorsqu’Elwyn mentionne sa peau de pierre – même si le fait d’être ainsi dans le noir ne rassure pas le plus jeune et que, pour le coup, zombie ou troll, il ne sait toujours pas ce qu’il a touché quelques minutes auparavant (et à vrai dire, il n’est pas sûr de vouloir le savoir). Il sursaute, mais il est néanmoins rassuré lorsqu’Elwyn finit par le retrouver et qu’il ouvre la marche, bras tendus et gigotant partout, espérant retrouver un semblant de luminosité, tout en écoutant enfin les précisions de son ami quant à sa relation avec Nea. « VOUS AVEZ QUOI ? » Qu’il s’exclame, sa voix résonnant une nouvelle fois dans la grotte – mais cette fois, pas de regards assassins dirigés contre lui, tandis que les mains sur ses épaules finissent par disparaître et qu’un bruit résonne dans la grotte. Alfie tend sa main, cherche celle d’Elwyn, la trouve, le relève. « Non non non, cherche pas à va-éviter le sujet. » Qu’il précise. « Ah moi, j’sais pas, mais toi, si c’est pas ici, c’est di-dehors que t’es un ho-homme mort. » Qu’il s’amuse, avant de reprendre. « Tu t’es m-marié après avoir couché avec Nea ? » Et s’il le voyait, là, il le prendrait dans ses bras pour le féliciter, ce champion. Il est au courant pour le mariage puisqu’il était présent, mais il ignorait le contexte avec Nea. « Parce que son départ est une ré-réponse à tout ça, hein. » Ce qui est dommage, parce qu’il la connaît Nea et il l’apprécie. « Mais du coup ? Vous aviez juste une amitié ami-améliorée ou c’était autre chose ? » Il interroge, avant de reprendre, toujours plus curieux : « et pourquoi le mariage, alors ? » Pour la faire fuir ? Pour déconner ? Pour tester ? Ce qui est certain, c’est qu’il n’est pas toujours facile à suivre, le Elwyn, mais c’est bien pour ça qu’il l’apprécie.  

Est-ce qu'il aurait pu rêver mieux qu'un ami comme Alfie? Probablement pas car le brun était toujours le premier à dire amen à ses délires. Mieux encore, à surenchérir. Les deux hommes avaient été faits dans le même moule apparemment, au grand dam de leur congénères, c'était certain. On se demandait fréquemment quand ils passaient tous deux quelque part s'ils n'étaient pas frères ou autres liens de parenté qui auraient pu expliquer leurs ressemblances les plus flagrantes. Pourtant, ils étaient simplement deux âmes marginales qui s'étaient rencontrées au meilleur des moments pour finir leur vie dans un trou à rats. Par choix. Une grotte, et puis quoi encore? Ils n'avaient pas pire idée pour mourir avant leur demi siècle? Avec Elwyn, il y avait toujours une idée plus dangereuse encore et on pouvait clairement s'interroger sur ses choix de vie. Comment pouvait-il encore être en vie quand on avait connaissance de tout ce qu'il faisait au quotidien? Il créait tout et n'importe quoi, sans faire attention aux règles de sécurité les plus basiques quand il était pris dans une de ses transes scientifiques. Pourtant, il n'avait jamais été lourdement blessé, à croire que les dieux étaient de son côté. On ne savait franchement pas pourquoi puisque ses entreprises n'avaient que peu d'intérêt pour le commun des mortels mais Cadburry avait, semblait-il, encore un bel avenir devant lui. Enfin, s'il arrivait à sortir de là en vie et là, rien n'était moins sûr puisque Alfie et lui se traînaient dans un endroit qui n'était pas prévu pour accueillir une quelconque âme humaine d'habitude. Maslow avait chuté, voilà ce qui les avait entraînés dans la tourmente mais cela ne les empêchait pas de penser à Saturne ou toute autre endroit idyllique, mais juste à leurs yeux. "Tu me fais penser que je dois sérieusement travailler sur cette histoire de capsule. Hors de question de fabriquer un engin comme dans les films, il y a pas la moindre couleur, c'est hyper morne, tu trouves pas? On va se pencher vers une coque à fleurs qui résisterait à la pression de la galaxie, autant dire qu'il y a du boulot!" Heureusement, Elwyn ne rechignait jamais à la tâche, même quand il s'agissait de poser ses mains partout et risquer de se faire manger par un escargot des cavernes ou une autre créature du même style, peu avenante et qui n'aurait pas mangé depuis un bon quart de siècle. Oui, son imagination était beaucoup trop développée et non, il ne regrettait pas le moins du monde d'avoir quinze idées à la seconde, c'était ce qui le poussait à s'améliorer au quotidien. Enfin, à s'empirer pour le reste du monde, sauf pour Alfie. "On a pas besoin de cacher, c'est le noir absolu par ici, même un nyctalope trouverait aucune preuve! Non, mais tu sais quoi? J'ai décidé qu'on allait survivre même si on touche des trucs gluants non identifiés! Je suis sûr, c'est un piège télévisé et c'est de la gelée sur les murs là." Comme si les gens étaient assez fous pour faire ce genre de plaisanteries dans une caverne perdue au milieu de nulle part mais c'était beau d'essayer de se convaincre de cette façon, histoire de faire taire la panique qui naviguait autant en lui qu'en son compagnon. Celui-ci avait d'ailleurs l'air sacrément intéressé par ses histoires de Nea et de mariage, non pas qu'il ait énormément envie de mentionner toute l'affaire parce que rien ne faisait franchement sens pour un cartésien comme Elwyn. "Elle est partie, j'ai pas tout compris. Mais en gros, j'ai rencontré une fille qui m'a présenté un super jeu de télé réalité où on se marie avec une inconnue alors tu vois, j'ai pensé expérience sociologique et hop, je me suis lancé. Bon, on est en train de divorcer maintenant mais ça valait le coup, t'imagines bien." Il foutait constamment sa vie en l'air, c'en était sacrément désespérant pour les gens dits normaux. "On avait pas défini. C'était le problème, elle voulait pas définir et puis, on se fuyait tout le temps, tellement de complications. C'est plus simple chez les escargots, enfin tout est toujours plus simple avec le animaux, tu me diras. Et toi, avec Jules? Et essaie même pas d'éviter le sujet en me parlant la fourrure la plus dense du monde qu'est celle de la loutre des mers, je te vois venir à mille pieds." Il essayait de grimper sur le rocher avoisinant mais à part chanceler, Elwyn ne faisait pas grand chose d'exceptionnel. Enfin, il remontait doucement mais sûrement, tendant la main à Alfie dans le noir en espérant qu'il la prenne pour qu'il puisse se sortir de ce cul-de-sac de l'enfer. Pourvu que celui-ci ne les emporte pas vers l'autre monde.

Cette chute n’est que la première d’une longue série. Non pas qu’Alfie soit voyant (ahah, douce ironie alors qu’ils sont dans le noir le plus complet), mais il n’est pas difficile d’imaginer l’issue de cette rencontre entre lui et Elwyn ; l’un autant que l’autre étant doté de cette capacité qui les empêche d’aligner deux pas sans se casser la figure, encore moins dans des conditions extrêmes telles que celle-ci. Certes, ils ont connu plus extrêmes au cours de leurs expéditions, mais d’ordinaire Alfie est en mesure de se remettre des conséquences de leurs idées folles. Désormais, c’est bien plus compromis et ni lui, ni Elwyn probablement, n’a envie de se retrouver face à une Jules en furie lorsqu’elle découvrira l’état de son compagnon. Jules qui ? C’est à peu près la pensée d’Alfie qui ne se préoccupe guère de ce détail, trop heureux de partager ce moment avec Elwyn (même s’il se serait bien passé de la chute). Le fait est qu’il est traité si différemment depuis sa sortie de l’hôpital et le début de sa convalescence qu’il lui est difficile d’avoir le droit à des moments comme celui-ci, d’une légèreté des plus bienvenues, où son état physique et mental ne sera pas au centre des préoccupations, volontairement ou non. Elwyn ne prend pas de pincettes, ne le traitre pas comme un enfant qui apprend à faire du vélo sans petites roues pour la première fois et c’est exactement ce dont il a besoin. Alors que Jules aille au diable, aujourd’hui il pense à lui et uniquement à lui (ce qui, en réalité, ne le change pas de d’habitude). « T’inquiète, j’ai ma fil-filleule pour nous aider. 7 ans, adore les f-fleurs, main d’œuvre pas chère. » Il souligne avec un léger sourire. Tant qu’à faire, si Anabel doit vivre chez lui au cours des prochains mois, autant qu’elle serve à quelque chose, hein. « Bon, elle casera sûrement un ... et encore une fois, il en perd son vocabulaire, un pirate quelque part, t’y vois pas d’inca-inconvénient ? » Un pirate qui chevauche une fleur ; en voilà une image originale à peindre sur leur capsule. Au moins, elle se démarquera de toutes les autres et peut-être même que dans la course à vivre sur mars, ils gagneront quelques places grâce à leur originalité. « J’suis sûr qu’il y a des l-lumières, en vrai. » Un interrupteur ou simplement des lampes torche, mais il est probable qu’il soit possible d’éclairer cette zone et dans tel cas, leur méfait sera effectivement visible. « J’te laisse toucher les trucs gl-gluants en premier, hein. » Qu’il s’amuse, tâtonnant toujours pour ne pas se manger un rocher en plein visage – il ne manquerait plus que ça. En réalité, c’est bien le cadet de ses soucis, alors qu’il ne lui manque plus qu’un paquet de pop-corn pour aller de pair avec la révélation qui vient d’être faite par son ami concernant sa vie sentimentale. « J’imagine, oui. » Non, pas du tout. Probablement parce que le concept du mariage le dépasse totalement, mais c’est un autre débat. Par contre, le côté expérimental lui parle nettement plus et il ne juge pas Elwyn sur ce choix, au contraire, s’il n’avait pas une carrière à préserver et donc une nécessité de se tenir éloigné de télé-réalités du genre, il aurait probablement été un bon candidat. Et accessoirement parce qu’il n’est plus sur le marché, certes. « On a pas fait d’en-enterrement de vie de garçon, on se rattrape sur le di-divorce ? » Il demande, amusé, mais sincère, l’occasion est trop belle pour ne pas être saisie. Fêter son divorce, un concept qui devient répandu, mais pas assez au goût d’Alfie, raison pour laquelle il veut pousser son ami dans cette direction. Il va lui préparer une soirée aux petits oignons s’il accepte (et il va accepter, il n’a pas vraiment le choix en réalité). « Remarque, on est des a-animaux. » Il souligne en haussant les épaules avec un rire. « T’as vraiment pas eu de nouvelles, alors ? » Pas même une carte postale de temps à autre ou, plus cohérent, un sms pour l’insulter ? « Merde, c’est ma passion. » Qu’il râle lorsqu’Elwyn l’empêche d’évoquer les loutres des mers, avant de reprendre. « Super, au top, merve-eilleux.» Il s’enthousiasme (un peu trop pour être crédible, peut-être) lorsque la question se pose quant à sa vie sentimentale à lui. « Elle est pas hyper fan de mes bl-blessures. » Il justifie (faussement) avant de reprendre : « j’ai e-espoir de lui faire aimer mon côté bad boy. » Il conclut, réponse simple, sujet expédié, on passe à autre chose. Vite. « Les loutres des mers, alors, hein ? » Mais pas subtilement, visiblement.

La prochaine fois, ils feraient de l'escalade sous une avalanche de neige. Ou alors, ils essaieraient le rodéo, l'idée trottait dans la tête du Cadburry depuis un moment mine de rien. Il devait sûrement y avoir encore bien meilleur, pourquoi pas tenter le triathlon? Un concept qui entretiendrait sa condition physique parce que Elwyn s'était laissé aller ces derniers jours, probablement parce qu'il s'était mis en tête de battre le record du monde du nombre de marshmallows à se mettre dans la bouche. Il s'améliorait au fur et à mesure mais il n'empêchait qu'il en avait avalé un bon petit paquet dans l'entreprise et c'était moyen pour son régime. L'informaticien pouvait également envisager d'emmener Alfie à la recherche d'un trésor sur une île inconnue, depuis le temps qu'il rêve de se rendre dans un endroit loin de tout où il pourrait être l'instigateur de moult découvertes, Elwyn était forcément impatient... Même si ce n'était pas pour tout de suite. Là, il était plutôt question de continuer cette bien étrange aventure au fond de la caverne (et pas d'Ali Baba, dommage pour eux) alors qu'il y avait des substances un peu visqueuses de tous côtés pour une raison qui dépassait totalement le quadragénaire. Peut être qu'il aurait dû se renseigner un minimum sur l'endroit en question avant d'amener son ami qui se remettait peu à peu physiquement mais comme à son habitude, Elwyn manquait cruellement de pragmatisme mais pas de folie. De toute façon, c'était beaucoup trop tard pour rebrousser chemin étant donné qu'Alfie et lui avaient chuté au plu profond d'une fosse et qu'il ne savait fichtrement pas où était la sortie. "J'ai rien contre les pirates... Après tout, c'est des gens comme toi et moi. Eux aussi, ils ont 4 à 6 millions de globules rouges, 150 000 à 300 000 plaquettes et 7 000 à 8 000 globules blancs dans 1 millimètre cube de sang alors je les respecte. Elle sait faire quoi comme fleurs, ta filleule? D'ailleurs, qui a osé te nommer parrain? Moi, tout le monde me dit que c'est hors de question que je m'approche d'un enfant, je comprends pas pourquoi..." Le pire, c'était qu'Elwyn disait la vérité, il n'arrivait pas à saisir pourquoi on se méfiait tant de lui en société. S'il avait un semblant de neurones de connectés toute la sainte journée, il arriverait à se rendre compte qu'il n'était pas l'exemple typique de l'adulte sain et responsable mais Elwyn réfléchissait uniquement lorsqu'il était question d'approfondir ses savoirs scientifiques, jamais autrement. "Tu crois que quelqu'un a réussi à incruster des systèmes électriques dans les murs malgré l'humidité? Si c'est le cas, je veux rencontrer ce type, un génie. De l'ordre de Goodyear, le génie. Ouais, parce que c'est eux qu'ont inventé le premier préservatif en caoutchouc, tu savais?" Aucun doute qu'Alfie serait très heureux de l'apprendre, Elwyn prenant les devant de cet unique duo pour remonter la pente définitivement glissante. Pourtant, à force de faire preuve d'imagination et d'un minimum de patience, Elwyn réussit à hisser son ami hors de l'abîme, s'écroulant comme un athlète qui venait de courir le marathon de New York, sentant l'eau ruisseler dans sa chemise mais tant pis. "Va pour l'enterrement de vie de marié. On pourra faire une course de tortues, hein?" Il trépignait comme un môme à cette annonce, Elwyn n'était décidément pas tout à fait comme les autres, sur beaucoup trop de points pour qu'un homme lambda puisse les noter un à un. "Aucune. Pourtant, j'ai essayé de renforcer mon pouvoir de télépathie mais je crois qu'on m'engagera pas dans les X-Men tout de suite." Ah, les femmes, un éternel problème pour des types comme eux. "Je te vois venir à changer de sujet! Tu peux pas me cacher des trucs, je vois bien là, que tu veux pas me dire, hein mais eh, je te connais, mon vieux, je sens ton envie d'indépendance et de liberté qui te titillent la cervelle! Mais, tu comptes pas te blesser à nouveau, si? Du coup, il devrait pas y avoir de problèmes, non?" La logique cadburryenne, loin de toutes les autres. Le brun se releva, trempé mais pas vaincu alors qu'il apercevait une petite lumière au loin. La sortie? Non, mieux encore, il y courut, évitant de glisser et tombant sur une jolie chute à l'intérieur de la caverne, une ouverture vers le ciel prouvant qu'ils n'étaient pas si désespérés que cela. "Si on plonge, c'est dangereux, tu penses?" parce que là, tout de suite, Elwyn avait vraiment envie d'essayer, aucun instinct de survie celui-là.

Ils en rigolent, néanmoins au fond, Alfie rêverait d’aller sur une autre planète. De multiples raisons le poussent à vouloir envisager un tel déménagement lorsque celui-ci sera possible (c’est-à-dire dans des centaines d’années après sa mort, probablement, mais eh, c’est beau de rêver). Tout d’abord, ce sont les aspects de nouveauté et de curiosité qui forgent cette envie : si dans le domaine de la curiosité il ne peut guère rivaliser avec Elwyn, Alfie reste très intéressé par ce qui l’entoure. Là où il surpasse son ami, c’est dans sa vision critique de la société : Alfie n’a jamais caché que celle-ci l’exaspérait et c’est la seconde raison pour laquelle il serait envieux d’aller vivre ailleurs, loin des humains et leur mentalité à jeter dans une poubelle. Au-delà de ça, pour revenir à la curiosité, il y a toutes ces questions auxquelles il trouvera enfin des réponses : comment sont constitués les êtres d’ailleurs, est-ce que la terre peut réellement avoir encore ses chances au concours de miss Univers, comment est son bronzage sous cette inclinaison du soleil, bref, des questionnements quotidiens que tout le monde rêve de résoudre, Elwyn le premier et Dieu sait qu’ils s’éclateront. Le seul souci est qu’il devra emporter Anabel avec eux, en plus de lui autoriser à participer à la réalisation du vaisseau. Mais qu’Elwyn se rassure, l’enfant a du goût, ou du moins un goût qui saura plaire aux deux hommes, parce qui n’aime pas les fleurs en 2020, hein ? « Wow, wow, wow. » Qu’il verbalise alors qu’il lui demande de ralentir le rythme avec ses mains (dommage qu’ils soient dans le noir). Par moment, Elwyn oublie qu’Alfie tourne sous Explorer et qu’il lui faut plusieurs minutes (années ?) avant que les informations ne montent à son cerveau. Il n’a pas eu l’occasion de changer de navigateur, ou de carte mère serait plus apprécié à vrai dire, alors il s’est perdu entre les informations d’Elwyn. « Des fleurs absu-abstraites, elle a six ans, hein, c’est pas Pik-Picasso. » C’est moche, donc, même s’il a bien compris que ça ne se faisait pas de le dire à un enfant au risque de provoquer une crise de larmes qu’il aurait envie de régler à base de « je t’enferme sur le balcon et j’augmente le son de la télévision pour ne plus t’entendre, merci ». « Mais je lui apprends à dessiner des chrism... chrysanthèmes, elle est bientôt formée. » Juste pour le plaisir qu’elle en dessine tout le temps, partout, comme le font les enfants quand ils ont appris à faire deux traits qui ressemblent à quelque chose et il rit d’avance d’imaginer la tête des grands-parents de la petite à leur coller cette fleur partout. Un pur régal. « Et c’est ma cousine. Obje-obligation familiale, tu vois. » Et de toute façon, il s’était annoncé prems sur le rôle de parrain. D’ailleurs, autant partager sa stratégie. « Annonce-toi prems sur le premier reje-rejeton d’une de tes sœurs. » Simple, basique. Efficace. « Au pire, je te prête Anabel un aprèm si tu veux ess-essayer. » Et ça lui fera un aprem OKLM, autant dire que c’est tout bénéf’ et qu’il est persuadé qu’Elwyn et l’enfant s’entendront à merveille pour partager quelques centres d’intérêt. « Non, mais j’y penserai la prochaine fois. » Qu’il en utilise hein, mais eh, ils dérivent là. « Mais je pensais plutôt à un autre sy-système, genre à pile ou j’sais pas, c’est toi l’él... électricien à force d’accu-muler les savoirs, nan ? » Il s’amuse tandis qu’ils parviennent à retrouver (un peu) leur chemin. Bien, peut-être qu’ils ne feront pas momifiés sous terre, même si l’idée est plaisante et qu’Alfie aurait adoré qu’on les retrouve dans un siècle et qu’ils deviennent de vrais sujets d’étude. « MAIS CARRÉMENT. » L’enterrement de vie de marié, c’est vendu, la course de tortues aussi. « Et j’ai commencé à ant-entraîner des cafards à le faire aussi, tu pourras essayer. » Jusqu’ici, Tad était le seul à avoir eu l’opportunité d’essayer, mais il apparaît évident qu’Elwyn est le prochain sur la liste pour participer aux courses de cafards clandestine qu’Alfie organise dans sa cave. « Mais chut, ce qui se passe au Cockroach club reste au Cockroad club. » C’est la première règle, essentielle, du club. « De toute, tu vaux mieux qu’être une pi-pâle copie du professeur Xavier. » Just sayin’. Et il se retrouve pris au dépourvu lorsqu’Elwyn l’interroge sur Jules ; autant faire passer le sujet le plus rapidement possible. Erreur 404. « Va expliquer ça à ma meuf, ça a l’air si fa-facile de ta bouche. » Il s’amuse, même s’il est sérieux : si Jules réagissait comme Elwyn vient de le faire, ça lui enlèverait bien des tracas. « J’ai envie de répondre non, mais la journée n’est pas finie. » Il poursuit, conscient qu’il n’est pas certain qu’ils ressortent de cette grotte en un seul morceau et à ce moment-là, la promesse de ne pas vouloir se blesser tomberait à l’eau. Perdant du regard Elwyn qui s’empresse de courir, Alfie tente de suivre le rythme, arrivant vers la lumière (mais pas blanche, alors ça va, il peut continuer). Un large sourire sur les lèvres, Alfie observe les lieux. Peut-être qu’ils se sont effectivement perdus et qu’ils n’ont rien à faire ici, ou peut-être qu’ils ont trouvé une sortie et c’est leur jour de chance. Dans un cas comme dans l’autre... « Voyons ça ! » Il s’exclame tandis qu’il prend quelques pas d’élan avant de sauter à l’eau, espérant qu'Elwyn le suive.  

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Personne n'était encore épuisé, un miracle vu le rythme effréné des paroles qui s'enchaînaient, sans qu'aucune d'entre elles n'ait un réel intérêt pour qui que ce fut. Non, clairement, il n'y avait qu'Alfie et Elwyn pour s'émerveiller de la moindre petite chose, une sale habitude qu'ils traînaient depuis qu'ils se connaissaient, autant dire qu'aux yeux des autres individus, on tournait du siècle ou deux à supporter leurs histoires qui ne comportaient ni début ni fin. Il n'y avait que des balbutiements perpétuels, quelques éclairs de génie incompris au milieu de la soupe infâme qu'ils servaient et ils ne s'arrêtaient même pas lorsqu'ils allaient se coucher. Du côté de Cadburry en tout cas, la moindre pause n'était pas le moins du monde envisageable: il était clairement né pour cela, pour parler sans s'arrêter, continuer à se cultiver sur tous les sujets mais vraisemblablement les plus inutiles et a fortiori, les partager avec les quelques personnes assez intéressés pour le suivre dans ses délires. Alfie était donc une cible privilégiée parce qu'il lui ressemblait beaucoup (trop) et que c'était un problème latent de comporter deux types pareils dans un seul univers. Effectivement, on les perdait dans une caverne mais le stress n'avait pas l'air de faire partie de leur appareillage du moment alors que c'aurait dû être le cas puisqu'il n'y avait pas la moindre porte de sortie à l'horizon. Elwyn n'avait pas l'air d'y penser du tout, s'intéressant plutôt à cette histoire d'enfant qui dessinait tout un tas de fleurs sur le moindre objet trouvé. Autant dire que l'idée lui paraissait excellente pour leur future navette spatiale mais Cadburry n'avait pas le moindre marmot à emprunter dans son entourage, un problème récurrent ces dernières années. "Des chrysanthèmes? Mais c'est tristounet ça, mon loup, pourquoi pas des tulipes? C'est plus coloré! Mais je manquerais pas de t'emprunter la petite au besoin, sait-on jamais qu'on puisse tenter le record du monde du nombre de fleurs peintes sur le van de ma petite soeur... Mine de rien, tu savais que chaque année environ 60 000 personnes tentent de faire homologuer un record et se retrouver dans le livre Guinness des Records, mais seulement 4 000 records sont publiés? Nos chances sont minimes mais j'y crois, tu vois!" Son éternel optimisme faisait froid dans le dos parce que rien ne semblait être en mesure de peser sur le coeur d'Elwyn. A part peut être le départ de Nea mais il ne le mentionnait pas, plus jamais. Enfin, peut être juste dix secondes parce que Alfie partageait ses peines vis à vis de Jules et qu'un pote, c'était aussi fait pour cela mine de rien. "Je m'y connais pas assez en électricité mais je vais me renseigner.... Et toi, tu continues d'entraîner tes cafards, je veux absolument voir ça! Mais tu as une arène à cafards? Faudra que tu m'expliques le concept jusqu'au bout, ça m'intéresse." Qu'est-ce ne qui ne l'intéressait pas en même temps? La collection de Tchoupi des gamins des mômes faisait partie de ses centres d'intérêts donc on pouvait conclure que la soif d'apprendre d'Elwyn était insatiable, à peu près autant que sa connerie, il y avait de quoi faire. "C'est aussi simple que la science, mon pote!" Jule avait donc tort de ne pas croire que tout irait bien pour Alfie, la preuve, il sautait sans hésiter dans l'étendue d'eau que le quarantenaire venait de découvrir et il avait l'air de ne pas avoir subi la moindre blessure dans l'entreprise. Forcément, Cadburry ne pouvait que le rejoindre en faisant une bombe, décidément trop heureux de voir de l'eau aussi fraîche. Il en profita pour s'approcher de la paroi de l'autre côté de ce lac improvisé parce qu'ils pouvaient sortir mais l'enfer voulait qu'ils grimpent. "On a pas de corde, hein? Ni de mousquetons? Je peux toujours inventer une machine pour qu'on vole jusque là haut mais j'ai intérêt à être rapide..." Mourir de faim était une option envisageable mais apparemment pas si effrayante puisque Elwyn s'amusait à barboter en jetant de l'eau sur son ami. Pire qu'un môme.