Dix ans. Déjà. Le regard d’Hannah se perdit sur la photo d’Ella qui trônait au milieu de l’autel, n’écoutant qu’avec distraction les paroles prononcées par le prêtre chargé de la cérémonie. Lorsqu’elle avait reçu un coup de fil du frère de sa défunte amie, son cœur s’était mis à battre un peu plus fort. Elle n’avait pas été réellement étonnée car après tout, cette date avait à jamais marqué tous les proches de la famille Edgerton, Hannah la première. Il lui avait annoncé d’une voix grave qu’il revenait en ville et que sa famille prévoyait d’organiser une cérémonie en l’honneur de Ella, une façon de commémorer sa mémoire après ces dix longues années qui les séparaient de sa mort brutale. Ross savait parfaitement la position de la brune sur la foi et les églises, mais les parents de celle qui fut jadis sa meilleure amie étaient fortement croyants, tout comme la famille Whitemore d’ailleurs. Et ils y tenaient. Il était bien entendu hors de question qu’elle rate une occasion de rendre hommage à la brunette qui lui manquait chaque jour toujours un peu plus, en dépit des années qui s’accumulaient mais qui pourtant ne tarissaient aucunement les souvenirs qu’elle avait d’elle. Cette photo que les Edgerton avaient choisie était parfaite car elle montrait tout ce que Hannah aimait en elle ; sa joie de vivre et sa spontanéité. Des traits de caractère qui lui avaient bien souvent manqué après la perte de son amie, et il ne se passait pas un jour sans qu’elle pense à elle ou sans qu’elle n’ait envie de lui partager telle ou telle histoire qui venait de lui arriver. Une décennie en arrière, elle avait perdu plus qu’une amie, mais bien une sœur et un roc sur lequel elle se reposait lorsque rien n’allait. On l’avait toujours qualifiée de force de la nature et pourtant, c’était bel et bien Ella qui tenait se rôle dans leur duo. Elle lui manquait, terriblement. Relevant le menton pour délaisser un instant le regard rieur de son amie, dont on pouvait lire toute l’intensité par-delà la photo, elle balaya la pièce des yeux afin de voir qui s’était déplacé après autant de temps pour elle. Sa poitrine se serra en voyant la mère d’Ella fondre en larmes en écoutant les paroles du prêtre et elle retint difficilement ses propres larmes, restant égale à elle-même en gardant la face en toute circonstance. De l’extérieur, on aurait pu penser que cette cérémonie ne l’atteignait en rien alors qu’à l’intérieur, l’adolescente qui avait assisté à toute la scène était encore bien là, hurlant à l’injustice et pleurant à chaudes larmes la perte de son amie. La brunette avait dû faire un gros travail sur elle-même, apprenant à guérir lentement de son traumatisme au travers des différentes sessions que son propre travail lui imposait ; être psychiatre signifiait se connaître soi-même et être capable de conserver la neutralité face à n’importe quel patient. Hannah ne pouvait se permettre de réagir face à quelqu’un ayant vécu la même chose qu’elle, il fallait donc qu’elle apprenne à surmonter ça avant de pouvoir donner des conseils à quelqu’un d’autre. Cela n’avait pas été une chose aisée et encore aujourd’hui, elle continuait son apprentissage. Elle devait bien l’avouer, perdre Ella l’avait profondément choquée et blessée et au fond d’elle-même, elle savait qu’elle ne s’en remettrait jamais tout à fait. Un visage connu la sorti de ses pensées et la jeune femme fronça les sourcils en dévisageant les traits fermés de cette brune qu’elle reconnu comme étant Diana Rhodes, une amie d’université qu’elle n’avait pas vu depuis des lustres. Elle n’avait pas changé d’un iota mais ce n’était pas ce qui perturbait le plus Hannah, non. Ce qui l’intriguait, c’était tout bonnement sa présence ici. Elle ne connaissait pas Ella, c’était impossible, elle l’aurait su. Car elle connaissait tout l’entourage de son amie de lycée, et Diana n’en faisait définitivement pas partie. Décidée à en avoir le cœur net, elle attendit avec impatience la fin du discours du prêtre dont les mots sonnaient creux à ses yeux, puisque rien ne viendrait effacer l’injustice qui avait frappé la jeune Edgerton ce soir-là, rien. Cette soirée avait marqué la perte totale de foi qu’Hannah avait en Dieu, et tout ce que sa famille avait pu dire pour tenter de rattraper le coup avait été en vain. Le médecin n’avait plus jamais mis un pied dans une église, et aujourd’hui était une exception qu’elle avait faite pour honorer Ella et ses proches. Ross avait compté sur sa présence et elle avait participé comme elle l’avait pu pour mettre tout ça en place, dans la mesure de son emploi du temps surchargé. Enfin, le prêtre prononça ses dernières paroles et l’assemblée se leva dans une dernière prière. Hannah jeta un coup d’œil en direction de Diana et fut surprise de constater que la place était vide. Elle regarda en arrière et cru voir disparaître une tête brune par la porte de derrière, mais elle n’en était pas très sûre. La seule chose dont elle était certaine, c’est qu’elle s’était évaporée.
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis cette fameuse cérémonie et les pensées d’Hannah restaient bloquées sur le visage de Diana Rhodes, même si elle ne l’avait vue qu’à la dérobée. A certains moments elle pensait avoir rêvé, mais son esprit cartésien la poussait à croire en ce qu’elle avait vu. On n’inventait pas des amies d’université en pleine commémoration de son amie décédée, ça non. Pendant un court instant, la brune avait été tentée d’interroger Ross, puisqu’il avait aidé à établir la liste des personnes à convier à l’église, mais elle s’était abstenue. La famille Edgerton avait suffisamment à faire et à penser en cette période difficile et elle n’allait pas en rajouter une couche avec ses propres névroses. Réalisant qu’elle ne parviendrait pas à faire l’impasse sur cette histoire tant qu’elle n’en aurait pas eu l’explication, elle décida de prendre le taureau par les cornes en se rendant directement à l’université où travaillait Diana. Les deux amies s’étaient rencontrées dans ce même établissement et avaient directement matché, en bons rats de bibliothèques qu’elles étaient. Passionnées par leur branche, elles avaient passé de longues heures à débattre de sciences, bien plus que de garçons ou autres distractions qui n’intéressaient pas vraiment la jeune Whitemore avide de succès dans son futur métier. Sur le chemin qui la menait à l’université, Hannah se demanda d’ailleurs ce qui avait poussé les deux amies à se voir aussi peu, bien que l’explication de leurs emplois du temps respectifs était un paramètre à prendre en compte. Une fois sur place, elle se dirigea instinctivement vers les laboratoires de recherche où elle était sûre de tomber sur Diana, aussi accro à son job qu’elle l’était du sien. Evoluant dans les couloirs comme si elle ne les avait jamais quittés, la brunette tomba finalement à l’endroit voulu et jeta un œil par la vitre de la porte. Jackpot. Un air concentré sur le visage, Diana étudiait un dossier tout en jouant distraitement avec un stylo. « Rhodes ! Je viens voir si tu nous as trouvé le moyen d’aller vivre sur une autre planète avant que celle-ci n'explose. » Lança-t-elle en faisant son entrée dans la pièce, attirant l’attention de son amie avec un petit sourire au coin des lèvres. En bonne fan de Star Wars, le travail de Diana la passionnait réellement et elle ne se laissait jamais de l’entendre discuter de ses hypothèses. Et puis qui sait, peut-être qu’elle décrocherait un prix Nobel un jour en sauvant la race humaine de cette Terre qu’elle avait elle-même détruite ? Allez savoir. Cette fille était douée.
don't speak, i know what you're thinkin'. i don't need your reasons, don't tell me 'cause it hurts. our memories, well, they can be inviting. but some are altogether mighty frightening. - @hannah whitemore
Elle avait fait les cent pas pendant plusieurs jours d’affilés. Pesant le pour, surtout le contre, et tenter de comprendre sa position dans toute cette histoire. Se disant que ce serait passer outre une ligne imaginaire qu’elle s’était fixée, des années auparavant. Aller à l’encontre de tout ce qu’elle affirmait depuis tout ce temps. Mais là, en son sein, elle ressentait cette petite boule de chaleur. Elle était différente des autres fois, et amassait pas mal de culpabilité au passage. Des regrets, également. Diana savait qu’elle regretterait de ne pas y passer au moins une tête. De bouches à oreilles, quelques jours plus tôt, elle avait appris qu’une cérémonie spéciale serait tenue le weekend en huit. Pour les dix ans de sa disparition. Et depuis, elle ne réussissait pas à se sortir de la tête, embrumant toutes ses pensées, qu’elle devait s’y rendre. Elle n’avait aucune idée de savoir si elle y serait la bienvenue - surement pas, même. Malgré le temps passé, elle se sentait toujours autant coupable des événements de cette fameuse soirée. Qu’importe ce qu’on pouvait lui avancer, lui prouver. Qu’importe le soutien sans failles qu’elle avait reçu de la part de ses proches. Cette part de culpabilité ne l’avait jamais quitté, tantôt sommeillante, tantôt faisant office de piqure de rappel. Aujourd’hui, c’était la seconde option qui était de mise. Debout devant son miroir, elle lâcha un soupire. Elle irait, parce-que c’était tout ce qu’elle pouvait faire malgré tout ce qu’elle devait. Non, ce n’était pas sa faute, pas son erreur, mais elle se devait d’au moins daigner se présenter à cette commémoration. La main tremblante, Diana vint fermer son sac à main, prête à battre le pavé jusque l’église. Une petite foule était présente à l’entrée du lieu de recueillement lorsque la jeune femme arriva à destination. Des visages qui lui étaient inconnus pour la plupart, petit groupe se pressant à l’intérieur de l’édifice. A la fois par respect pour la famille et par crainte d’être reconnue, il fallait l’avouer, Diana attendit que la cérémonie soit sur le point de commencer pour se glisser à l’intérieur de la bâtisse. De nombreuses compositions florales avaient été créées pour l’occasion, toutes plus belles les unes que les autres. Une légère odeur d’encens parvenait jusque ses narines, alors que le prête commença à élever la voix. Elle se glissa sur l’un des derniers bancs, à l’abri des regards, juste à portée d’oreille. Elle désirait entendre ce que la prête avait à dire, elle voulait pouvoir prononcer en coeur avec les autres personnes présentes les prières, mais en restant à l’abri des regards. Pour les proches, voir son visage ici, aujourd’hui, était surement la dernière chose qu’ils voulaient. Leur douleur se devait d’être encore bien vivante, à en juger par les larmes qui vinrent facilement recouvrir leurs joues. Si, parmi tout ça, Diana devait bien avouer quelque-chose, c’était que la cérémonie fut splendide. Elle se laissa même, comme trop rarement au fil du temps qui passait, aller à une ou deux prières de son plein gré. Sa soeur Juliana serait présente aujourd’hui, elle demanderait ce qui était arrivé à la vraie Diana. Cette petite pensée lui tira un léger sourire, qui ne dura qu’un instant cependant car le prête était déjà en train d’annoncer la fin de la cérémonie. Toujours dans un désir de ne pas être aperçue par les proches de la défunte, dont le regard enjoué et bienveillant sur le portrait choisi la pénétrait jusqu’au os d’un frisson, Diana prit rapidement le large, optant pour prendre la fuite par la porte de derrière. Son départ se ferait ainsi plus discret, pensait-elle. Son coeur en fut en tous cas plus allégé, de s’être autorisée à venir aujourd’hui. Elle savait qu’elle avait pris la bonne décision, fait le bon geste. Ce n’était pas grand chose, mais c’était tout ce qu’elle pouvait désormais, le mal ayant été commis dix ans plus tôt.
Et dans les jours qui suivirent, elle mit ce moment derrière elle. Diana fit ce qu’elle savait faire sans pareil, se jeter à corps perdu dans le travail. A en perdre le sommeil, à recevoir un ou deux regards de travers de la part de ses collègues. Le début d’année amenait avec lui son lot d’émotions, de souvenirs qui appartenaient à un passé sombre. Tout ce qu’elle n’aimait pas, qu’elle aurait préféré laisser dernière elle. Le travail était alors la seule chose pour laquelle elle réussissait à parfaitement se concentrer. Parce-que même si la plupart du temps, dans son boulot, elle se servait également de faits passés pour expliquer le présent, rien de tout ça ne l’impliquait elle personnellement. Son passé à elle était mieux gardé dans sa petite boite, à l’abri des regards indiscrets. Alors elle étudiait davantage ses dossiers en cours, elle doublait son nombre de coups de fil passés à des heures décalées pour avoir contact avec des personnes de l’autre côté du globe. Elle restait ses soirées entières à regarder différents documentaires, différents rapports d’homologues, différents images capturées. Elle était tellement perdue dans son monde, Diana, concentrée sur la synthèse qu’elle tentait en vain d’avancer, qu’elle n’avait même pas entendu qu’on entrait dans la salle où elle s’était installée - ou, plutôt, où elle avait élu campement durant les derniers jours. Elle n’avait pas apporté la machine à café jusque sa salle, la laissant dans la salle de pause, ça lui permettait d’être obligée de sortir de cet aquarium mais l’idée lui avait quand même traversé l’esprit à un moment donné. « Rhodes ! Je viens voir si tu nous as trouvé le moyen d’aller vivre sur une autre planète avant que celle-ci n'explose. » Les paroles prononcées à la volée, à peine Hannah était-elle entrée dans la pièce, eurent le don de faire sursauter quelque peu Diana. Son regard s’ajusta de son vision de près à celle de loin, mettant un instant à réussir à ajuster son attention sur la jeune femme. Et même, la surprise était de taille. « Oh mon Dieu, Whitty ! » Voir Hannah ici, en ce jour, sur le seuil de sa salle de recherche était une surprise de taille. Les deux jeunes femmes n’avaient pas été en contact pendant des mois, voire des années - le temps avait filé entre les doigts de la jeune Rhodes. Se levant un peu précipitamment, elle vint faire une accolade à celle qui fut, pendant un temps, sa meilleure partenaire de bibliothèque. Hannah, comme Diana, faisait partie de ces personnes qui pourrait lire tous les livres présents à l’université si le temps lui permettait, passionnée par sa propre branche des sciences: la médecine. « Ca fait tellement longtemps, j’en reviens pas ! Qu’est-ce que tu fais là ? » A dire vrai, elle n’avait su retenir sa question. Bien que la surprise fut bonne et qu’elle était profondément contente de voir la jeune femme venir lui rendre visite, il fallait avouer que la voir se tenir ici aujourd’hui n’était pas chose normale. Même si elles avaient beaucoup partagé pendant un temps, qu’elles s’étaient serrées les coudes pour atteindre une réussite certaine dans leur domaine respectif, prendre des nouvelles l’une de l’autre n’avait pas été la priorité des dernières années. Diana avait passé son temps le nez dans les bouquins ou à l’autre bout du monde pour écouter parler des personnes proches d’idoles à ses yeux, pendant que Hannah avait plus d’un corps à comprendre, plus d’un esprit à analyser de son côté. Leurs nouvelles habitudes n’avaient pas vraiment laissé place aux anciennes, mises au placard dès que l’université avait demandé toujours plus de travail et d’attention. « L’université veut te recruter à peine diplômée ? » Elle tira un sourire, véritable, sur ses lèvres. Ce moment n’était surement pas encore prévu, mais elle savait qu’il arriverait un jour ou l’autre. Les étudiants du campus avaient besoin de puits de savoir pour apprendre correctement, de modèles sur qui calquer leurs faits et gestes - Hannah en ferait partie plus rapidement qu’on l’imaginait.
Hannah avait longuement réfléchi au bienfondé de cette expédition jusqu’à l’université, puisque celle-ci était uniquement basée sur le fait qu’elle pensait – elle en était sûre mais tout de même – avoir vu ressurgir une amie de son passé universitaire et ce pile le jour de la commémoration de sa défunte amie, Ella. L’esprit étriqué du médecin ne permettait pas ce genre d’anomalie et la brune avait réellement besoin d’une explication pour soulager ses idées qui partaient dans tous les sens afin de trouver – justement – du sens à ce qu’elle avait vu. Car Ella et Diana ne se connaissaient pas, elle en était certaine. De son côté, elle n’avait jamais fait mention de son amie de lycée pour la simple et bonne raison qu’elle n’aimait pas en parler, jugeant le sujet beaucoup trop sensible que pour être glissé dans une conversation banale, mine de rien. Elle-même se trouvait bien trop vulnérable lorsqu’il était question d’elle, ce qui était un prétexte supplémentaire qui la poussait à omettre ce passage de sa propre vie. Hannah aimait conserver une froideur apparente, donner l’impression que rien ne la touchait afin de camoufler la sensibilité qui était la sienne et qu’elle désirait garder pour elle. Son éducation était en partie responsable de cette façon de faire ; ne pas faire de vagues, viser l’excellence et s’abstenir d’agir de façon impulsive qui mènerait à des conséquences regrettables. Cette façon de voir les choses l’avait incitée à être constamment dans la retenue et le calcul, ce qu’elle essayait par moment de rectifier mais certaines choses tenaient pratiquement de l’automatisme. En ce sens, Ella l’exhortait constamment à se montrer plus naturelle et à dépasser cette réserve qu’elle s’imposait elle-même, mais à sa mort, Hannah s’était renfermée d’autant plus sur elle-même. Les années qui s’étaient écoulées depuis l’avaient fait grandir et aujourd’hui, la brune essayait de se montrer plus disponible car elle était consciente que sa tendance à la froideur en faisait fuir plus d’un et qu’on la jugeait prétentieuse. Heureusement, certaines personnes ne s’arrêtaient pas à ça et cherchaient à creuser plus loin. Diana avait fait partie de ce faible pourcentage et les deux jeunes femmes avaient très rapidement matché, se ressemblant sur biens des points. Elles ne s’étaient pas revues depuis un long moment, la faute à leurs boulots respectifs qui se voulaient extrêmement chronophages, ainsi qu’à leurs dispositions naturelles à privilégier le professionnel à leur vie personnelle. Un point commun qu’elles s’étaient rapidement découvert, ce qui avait amené leur amitié à ne pas souffrir du temps qui passait sans se voir puisqu’elles comprenaient chacune les obligations de l’autre. Bien entendu, un message se perdait par-ci et par-là, mais cela faisait vraiment longtemps qu’elles ne s’étaient pas vues et Hannah le regrettait. C’était sans doute ce dernier point qui l’avait finalement décidée à débarquer à l’improviste à l’université et à déambuler dans les couloirs jusqu’à débusquer la chercheuse qui, comme elle s’en doutait, était terrée dans un des laboratoires avec l’air concentré que la brune lui connaissait bien. Elle aurait pu signaler sa présence en l’agrémentant d’un petit « salut » pour la forme, mais c’était mal la connaître ; avec ses amis, Hannah se déridait bien plus qu’on ne se l’imaginait. Comme elle s’en était doutée, cette entrée en trombe fit sursauter Diana qui releva le nez de son dossier avec des yeux écarquillés par la surprise. « Oh mon Dieu, Whitty ! » Whitty. Ce surnom l’irritait toujours autant qu’il l’amusait, et Dieu seul savait que seule Diana pouvait se permettre de l’appeler de la sorte. Un rire s’échappa de ses lèvres tandis qu’elle rendait l’étreinte amicale de la brune qui s’était précipitée sur elle au moment où elle l’avait reconnue. « Ça fait tellement longtemps, j’en reviens pas ! Qu’est-ce que tu fais là ? » Comme à son habitude, la jeune astrophysicienne n’avait pu se retenir et s’était montrée directe en réaction à l’étonnement provoqué par la visite surprise d’Hannah. Cette question la fit sourire tandis qu’elle réfléchissait à la meilleure façon d’aborder la chose. En effet, elle était principalement ici pour tirer au clair la présence de son amie lors de la cérémonie qui avait eu lieu en l’honneur d’Ella, mais elle voyait également cette rencontre comme un moyen de reprendre contact avec une personne qu’elle appréciait beaucoup. Peu encline à mentir de front, car le mensonge ne faisait pas partie de ses principes, Hannah décida d’omettre une partie de la vérité avant d’y revenir plus tard, lorsque les civilités de base auraient été échangées et que la conversation aurait retrouvé un caractère un peu plus détendu et moins… formel. « L’université veut te recruter à peine diplômée ? » Diana tira la brune de ses pensées par cette dernière question, lui offrant l’opportunité de rebondir sans avoir à se justifier directement. Le médecin démenti cette supposition en oscillant la tête de gauche à droite, une lueur amusée dansant dans ses yeux à l’évocation de cette idée. L’enseignement ne faisait pas partie de ses projets et elle-même considérait avoir encore bien trop de choses à apprendre avant de se sentir légitime en offrant ses connaissances aux étudiants. « Non et heureusement. J’ai bien trop à faire à l’hôpital et à l’association. » Elle interrogea son amie du regard, persuadée qu’elles trouveraient plus de plaisir à discuter l’une avec l’autre si elles se sortaient de l’ambiance académique qui flottait dans cette pièce. « Est-ce que tu as le temps de t’octroyer une pause pour une vieille amie ? » Lança-t-elle en désignant du menton le bureau rempli de dossiers et de livres sur lequel Diana était installée quelques secondes plus tôt. La question était sincère ; elle-même aurait compris qu’elle lui annonce avoir trop à faire, car après tout, sa visite n’avait pas été annoncée. « Et j’étais pas très loin en fait, je me suis dis que ça faisait longtemps et que j’allais en profiter pour venir te saluer. » Et aussi comprendre ce que tu foutais dans une église alors que je sais très bien que tu ne crois pas en Dieu et que tu ne sais pas qui était Ella. Elle ajouta cette précision afin de ne pas inquiéter Diana sur les raisons de sa venue, celle-ci ayant un esprit qui carburait aussi rapidement que le sien – encore un des points qu’elles avaient en commun.
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Le surnom était placé là, de façon tout à fait intentionnelle, car Diana savait que ce n’était pas le préféré de la jeune femme - mais ça l’avait toujours beaucoup amusé de l’utiliser comme bon lui semblait. Elle savait que la rancoeur à son égard ne serait jamais de longue durée et que Hannah ne resterait pas bloquée sur ce genre de détail. Le détail sur laquelle Diana tiquait, en revanche, c’était l’origine de la raison de la présence de la demoiselle en ces lieux. Bien qu’elles aient souvent été amenées à se rencontrer dans le cadre d’une université ou d’une autre, selon laquelle des deux avaient recherches et cours à suivre à droite ou à gauche, désormais il était rare qu’elles puissent se croiser par hasard. Hannah en ces lieux, aujourd’hui - ça n’avait rien du hasard. Alors, Diana s’hésita à deviner une raison potentiellement plausible de sa venue. Même si elle savait que l’université ne chercherait pas à la recruter avant quelques années - il faudrait qu’elle puisse d’abord terminer ses études avant d’enseigner ces dernières à de futurs jeunes adultes, tout de même -, c’était une façon comme une autre de lancer la conversation. Elle put percevoir cette lueur amusée dans le regard de son amie, l’essai avait donc fait mouche. « Non et heureusement. J’ai bien trop à faire à l’hôpital et à l’association. » Un point commun indéniable entre les deux jeunes femmes, c’était leur façon de venir blinder leur emploi du temps et ne laisser que quelques instants pour pouvoir respirer. Si Diana se chargeait en dix projets ouverts en simultanés, à aller chercher des informations aux quatre coins du pays en délaissant sa ville natale pendant parfois plusieurs semaines d’affilé, Hannah semblait elle occuper ses mains ici, à la maison si on pouvait dire, en s’engageant sur plus d’un front. L’association dont elle parlait, Diana en connaissait au moins les grandes lignes - et ça n’étonnait pas la jeune femme que Hannah se soit engagée dans quelque-chose de la sorte. « Est-ce que tu as le temps de t’octroyer une pause pour une vieille amie ? » Du regard, elle vint suivre le signal du menton de la jeune femme, posant ses yeux sur ses travaux entamés, décomposés, à peine débutés. S’octroyer du temps - si Jules, sa soeur, était dans les parages, elle aurait ri à cette demande formulée. Elle se serait amusée à dire que Diana qui octroyait du temps pour autre chose que son boulot relevait du miracle. La jeune femme ne pouvait pas nier cette affirmation, bien qu’avancée seulement dans sa tête. « Et j’étais pas très loin en fait, je me suis dis que ça faisait longtemps et que j’allais en profiter pour venir te saluer. » Elle avait bien fait. Diana se rendait compte que c’était sur ce genre d’occasions que les demoiselles pourraient réellement se voir - si elles tentaient de planifier quelque-chose, elles réussiraient toujours à avoir une excuse reliée au boulot pour ne pas venir. Diana en savait quelque-chose, elle était la première à agir de la sorte. Dès qu’on lui proposait quelque-chose, si elle savait qu’elle pouvait remplacer cette activité par une soirée de travail supplémentaire, elle se laissait tenter facilement. Tournant son regard alternativement vers ses écrits, puis vers Hannah, faisant le chemin inverse à la suite, elle vint inspirer une bonne bouffée d’air avant de prendre la parole. « Tu sais quoi ? » Jetant un dernier coup d’oeil à ses dossiers, elle vint les fermer un par un, les rangeant dans son sac à dos - elle n’avait pas non plus les laisser traîner ici sans les ramener avec elle, mais au moins elle repoussait ce moment à pour un peu plus tard. Un instant à marquer d’une croix rouge dans le calendrier, peut-être. « C’est pas une mauvaise idée. Ca va me permettre de faire une pause, en plus. » Elle étira un joli sourire avant de finir de prendre ses affaires et de se diriger vers la sortie de la salle de recherche. Elle connaissait le chemin par coeur pour arriver jusque la porte - vingt-sept pas de son bureau à la paillasse principale, puis trente-cinq autre pour réussir à atteindre le seuil. Le couloir était presque désert, les seules personnes présentes dans le bâtiment étant trop occupées à avoir le nez penché sur leurs travaux. Et si la moindre personne s’osait à venir jeter rien qu’un coup d’oeil vers le couloir, elle pourrait avoir un infarctus à voir Diana se diriger vers la sortie du bâtiment, son sac sur l’épaule, si tôt dans la journée. « Y’a un petit café sympa qui a ouvert, si ça te dit, à deux pas d’ici. Y’a pas mal d’étudiants qui y vont mais le café est bon. » Parce-que forcément, si c’était neuf c’était à découvrir et à en faire quelque-chose de branchée. Diana, elle, était tombée dessus par hasard une fois en sortant de l’université et en se perdant dans les rues adjacentes pendant qu’elle était en pleine conversation téléphonique. Elle n’était pas déçue du détour, cependant. « Ils font aussi de très bonnes parts de gâteaux. J’espère que tu es pas au régime, tu vas t’en vouloir sinon. » Soit de craquer, soit de résister, mais par expérience Diana savait que ces parts de gâteaux étaient le mal incarné. Rapidement, leurs pas les menèrent vers l’extérieur, la cour intérieur du secteur des sciences. L’année venait de débuter, et les étudiants profitait encore de l’été battant son plein pour venir réviser et travailler sur les étendues d’herbe fraichement ajustée pendant les congés d’été. Parfois, cette facilité de vivre et cette innocence manquait à Diana. Venir en cours, apprendre ce qui avait été vu pendant la journée, profiter du soleil - reprendre les mêmes et recommencer le lendemain.
Il ne fallait pas être devin – ou psy – pour déceler le trouble qui s’était emparé de Diana lorsqu’elle avait reconnu son ancienne acolyte à l’université, et ce pour la simple et bonne raison qu’elles n’avaient pas pour habitude de se croiser par hasard ou simple coïncidence. Les deux jeunes femmes présentes dans cette pièce étaient bien trop intelligentes que pour se leurrer aussi facilement, pourtant si Hannah avait effectivement une idée derrière la tête en débarquant ici à l’improviste, elles avaient suffisamment de savoir vivre que pour ne pas entrer brutalement dans le vif du sujet. La brune savait donc qu’il ne lui servirait à rien de tenter de duper sa vieille amie sur de faux prétextes et se contenta simplement de laisser la conversation suivre son cours sans inventer d’excuses sur le moment. Elle n’en eu de toute façon pas besoin, puisque Diana – après l’avoir accueillie chaleureusement en utilisant ce surnom qu’elle détestait mais qui la faisait étrangement sourire – s’avança en lui demandant si l’université l’avait approchée pour lui offrir un poste d’enseignante, ce qui amusa beaucoup Hannah qui ne voyait déjà plus le bout du tunnel avec la charge de travail qu’elle s’infligeait déjà. Et puis elle-même était encore étudiante, même si la pratique prenait la majorité des années de cursus qu’il lui restait à achever avant d’être enfin sacrée psychiatre. C’est d’ailleurs ce qu’elle lui répondit, avant de passer du coq à l’âne et de lui demander si elle avait le temps de prendre une pause afin qu’elles puissent discuter en dehors de cette pièce un brin trop solennelle pour Hannah et la conversation qu’elle désirait mener. Elle précisa rapidement qu’elle n’était pas très loin du campus, raison suffisante à ses yeux pour débarquer de façon spontanée même si ça n’était pas tout à fait vrai. En effet, elle avait des papiers à récupérer au secrétariat et il était vrai qu’elle comptait bien faire d’une pierre deux coups, mais la paperasse était bien loin sur sa liste de priorités par rapport à son envie de découvrir pourquoi Diana avait mis les pieds dans cette église ce jour-là. Le regard de celle-ci se promena sur le bureau où se trouvait son travail en cours, et le médecin pouvait sentir tout le dilemme qui prenait place dans son esprit à cet instant. En effet, elle était bien placée pour la comprendre et n’aurait pas été vexée par une réponse négative et ce même si ça n’aurait pas vraiment arrangé ses affaires. Tant qu’elle n’aurait pas élucidé les raisons qui avaient amenées la brune à la commémoration d’Ella, elle serait focalisée là-dessus et ne parviendrait pas à se concentrer sur quoique ce soit d’autre ; très mauvais plan. « Tu sais quoi ? » Hannah espérait que la suite serait positive, et en l’observant se diriger vers le bureau et commencer à fermer les livres les uns après les autres, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Gagné. « C’est pas une mauvaise idée. Ça va me permettre de faire une pause, en plus. » Et la brunette était sûre qu’elle serait amplement méritée, puisque la jeune femme était à peu près aussi accro au boulot qu’elle, ce qui n’était pas une mince affaire au vu de son propre rythme de travail. « Super. Tant que je ne t’empêche pas de gagner le prochain prix Nobel… » Elle lui adressa un petit clin d’œil, réellement convaincue que Diana avait les capacités pour et ce même si ce sur quoi elle bossait actuellement n’avait peut-être pas matière à devenir une grande découverte. Elle ignorait tout de ce sur quoi son amie planchait en ce moment, mais une chose était sûre, elle ne tarderait pas à le lui demander. Tout ce qu’elle faisait était réellement passionnant, et sans doute que le médecin aurait suivi une voie similaire si elle-même n’avait pas un engouement certain à déchiffrer les mystères de l’esprit humain et non celui des étoiles de cet univers. La brune la laissa rassembler ses affaires avant de lui emboîter le pas dans le couloir qui les séparait du monde extérieur, se mettant à sa hauteur en laissant son regard se perdre ici et là avec un brin de nostalgie dans le regard. Elle avait adoré passer du temps à l’université, et même si la suite logique de cette aventure s’annonçait passionnante, elle n’en regrettait pas moins les moments passés avec ses bouquins et ces petites incertitudes qui avaient ponctués sa vie d’étudiante, entre des chinois à emporter et de longues nuits d’insomnies à insulter tous ces grands précurseurs de la psychologie. « Y’a un petit café sympa qui a ouvert, si ça te dit, à deux pas d’ici. Y’a pas mal d’étudiants qui y vont mais le café est bon. » Un sourire étira les lèvres d’Hannah qui leva un sourcil amusé en direction de son amie avant de laisser un hochement de tête lui montrer ce qu’elle pensait de cette idée. « Dis donc, tu oublies que je suis toujours étudiante moi aussi dans les faits. Je peux encore me fondre dans la masse… J’en dirais pas autant de toi, madame l’astrophysicienne. » Outch. Elle pointa du doigt le visage parfaitement épargné par les rides de l’âge de son amie, actant comme si celle-ci montrait déjà les premiers signes de la vieillesse alors que c’était loin, très loin, d’être le cas. Une revanche pour le petit surnom avec lequel elle l’avait accueillie quelques minutes auparavant, et Hannah savait parfaitement que Diana ne s’offusquerait pas – vraiment – de cette petite pique amicale. Elles remontaient à loin. « Ils font aussi de très bonnes parts de gâteaux. J’espère que tu es pas au régime, tu vas t’en vouloir sinon. » Ah ça. Le médecin faisait son possible pour ne pas se laisser aller à son naturel gourmand, mais il était hors de question de laisser passer une opportunité aussi belle que celle que Diana lui présentait en vantant ainsi les mérites de l’endroit où elles se dirigeaient. Le regard des deux jeunes femmes s’égara sur le brouhaha des étudiants qui profitaient pleinement des rayons du soleil, les yeux posés sur des bouquins ou l’attention simplement détournée par une discussion passionnante sur le sujet qui les intéressaient. Hannah remarqua que Diana se laissait elle aussi happer par les quelques souvenirs qu’elles avaient sur ce campus, et réalisa qu’elle n’était pas la seule à éprouver de la nostalgie en traversant cet endroit. « Ça te manque à toi aussi ? » Lui demanda-t-elle simplement, persuadée qu’elle n’avait pas besoin de préciser sa pensée. La brune était comme elle, déconnectée de la réalité la plupart du temps tant son esprit divaguait sur des questions et des suppositions directement liées à son travail, regrettant ce que la plupart des étudiants étaient ravis de laisser derrière eux une fois leur diplôme en poche. « Et j’espère que tu as raison sur ces gâteaux, je vais arriver dans ce café avec de très hautes exigences. » Ajouta-t-elle en laissant ses pas suivre ceux de son amie, sans trop savoir où se situait ce haut-lieu de la rencontre étudiante par excellence ces derniers-temps. Les lieux populaires changeaient à une vitesse folle par ici, et ce qui autrefois était considéré comme the place to be était maintenant vu comme has been et passé de mode ; une tendance dont les sociologues devaient se régaler.
don't speak, i know what you're thinkin'. i don't need your reasons, don't tell me 'cause it hurts. our memories, well, they can be inviting. but some are altogether mighty frightening. - @hannah whitemore
« Super. Tant que je ne t’empêche pas de gagner le prochain prix Nobel… » Délicatement, Diana secoua la tête, ne s’arrêtant pas en si bon chemin pour récupérer ses affaires cependant. Elle était partante pour passer un temps avec la jeune femme, pour profiter de sa présence à l’université - chose rare, il fallait avouer -, mais ce n’était pas pour autant qu’elle comptait perdre du temps. L’économie du temps, un sujet sur lequel elle était plutôt professionnelle. « Tu sais très bien que le prix Nobel est déjà hors de ma portée. Je l’aurais déjà obtenu sinon. » Elle vint accorder un clin d’oeil taquin à la jeune femme. Les paroles de Diana n’étaient pas tout à fait vraies, mais n’étaient pas fausses pour autant. Si elle désirait obtenir réellement un prix Nobel, à l’instar de la personne qu’elle admirait le plus dans le domaine des sciences, il fallait qu’elle accélère son train de recherche. Ce n’était pas en restant assise une bonne partie de son temps dans une université à Brisbane qu’elle réussirait cet exploit. Mais, secrètement, elle serait la femme la plus honorée du monde si un jour une de ses découvertes pouvait effleurer, ne serait-ce que de long, une nomination pour un tel prix. En voyant à la suite la mine amusée de Hannah, Diana vint hausser quelque peu un sourcil. Presque rien, ç peine perceptible, en attendant que la jeune femme vienne mettre des mots sur une telle expression - ce qui ne tarda visiblement pas. « Dis donc, tu oublies que je suis toujours étudiante moi aussi dans les faits. Je peux encore me fondre dans la masse… J’en dirais pas autant de toi, madame l’astrophysicienne. » Etouffant un petit rire, elle vint lever les yeux au ciel. Madame, c’était un brin abusé. Elle n’avait rien d’une dame au sens propre du terme, à dire vrai. « T’as qu’à dire que j’ai l’air vieille aussi, et comme ça ton portrait sera complété. » Diana ne prenait pas mal les paroles de la demoiselle. Elle savait très bien, même si elle venait tout juste d’en rire, qu’elle ne faisait pas vieille. Elle avait la chance de faire partie des jeunes chercheurs, à peine diplômés, de ceux qui pouvaient encore arpenter le campus et qu’on pouvait prendre pour des élèves - c’était d’ailleurs arrivé plus d’une fois, au début; désormais les enseignants de l’université la connaissait assez pour savoir qu’elle avait passé un cap dans sa vie professionnelle et obtenu un très beau diplôme. Mais avec ce nouveau titre obtenu, il était vrai que la vie étudiante paraissait loin désormais. « Ça te manque à toi aussi ? » Hannah la sortir de sa contemplation, de ses pensées. Elle tira alors un fin sourire, presque gênée d’avoir été prise la main dans le sac. Elle osa alors venir soulever les épaules, quelque peu, comme pour ajouter une touche de légèreté. « Parfois oui. C’était plus simple, quand j’étais de ce côté là du bureau. » Oh, à ne pas s’y méprendre. Diana adorait la vie qu’elle menait et le métier qu’elle exerçait. Elle aurait vendu frères et soeurs - et elle en avait quelques uns sous le coude - pour arriver là où elle était désormais aujourd’hui. Mais les études avaient du bon. Un objectif particulier toujours en tête, en guise de carotte, il était facile d’avancer et de naviguer dans ce monde. Celui des adultes et des responsabilités était quelque peu plus effrayant. Rien qu’elle ne saurait affronter, mais tout de même. « Et j’espère que tu as raison sur ces gâteaux, je vais arriver dans ce café avec de très hautes exigences. » Elle remercia silencieusement la jeune femme d’être revenue à un sujet plus léger, tout ce qu’elle désirait réellement aujourd’hui. Elle ne s’était pas détournée du travail pour plonger dans de grands sujets mais plutôt pour s’éclaircir l’esprit. « Je m’engage à toutes les représailles possibles si j’ai tord. » Un sourire plus léger sur le visage, les deux jeunes femmes reprirent à allure plus vive le chemin du café en question. L’endroit se trouvait, comme à son habitude, bondé de jeunes clients lorsqu’elles y mirent un pied. Fronçant les sourcils, le regard de Diana parcourait la foule à la recherche d’une table disponible, et si possible à l’abri des regards indiscrets. Elle ne désirait guère rester, le temps du moment partagé avec Hanna, entourée de ceux qu’elle avait passé toute sa scolarité à éviter. Son regard finit par tomber sur une table en retrait, dans un coin de la boutique - c’était parfait. Elle fit un petit signe de tête à la jeune femme de la suivre, au moins elle aurait trouvé leur emplacement, elle pourrait aller commander à la suite ce qu’elles désiraient consommer. Diana finit par prendre place sur l’une des deux chaises à disposition, jetant un coup d’oeil rapide à sa montre. « La plupart des gens présents devraient partir rapidement, une bonne partie des cours reprennent d’ici une petit vingtaine de minutes. » Au moins, les deux jeunes femme seraient un peu plus à l’aise pour discuter, sans avoir à hausser le ton pour s’entendre d’une part et d’autre de la table. « Je te laisse aller prendre ce qui te fait plaisir en premier ? » Elle prendrait le temps de commander sa boisson à la suite, sachant d’avance ce qu’elle prendrait. Diana avait déjà testé une bonne partie de la carte des boissons proposées pour avoir son avis d’avance tranché sur ce qu’elle commanderait.
Hannah se doutait que ça n’était pas un bref interlude qui empêcherait Diana d’atteindre les portes du prix tant convoité par les chercheurs, mais elle n’avait pu s’empêcher de faire un trait d’humour à ce sujet car elle savait parfaitement que la brune était au moins aussi investie dans son travail qu’elle. Si pas plus – si une telle chose était possible. Mais c’était ce qu’il se passait lorsqu’on avait la chance de travailler par passion et non par obligation, ce qui était le cas des deux jeunes femmes qui avaient toutes les deux eu la chance de briller dans le domaine de leur choix. « Tu sais très bien que le prix Nobel est déjà hors de ma portée. Je l’aurais déjà obtenu sinon. » Un clin d’œil appuya ses propos et Hannah laissa un petit rire s’échapper de ses lèvres, amusée par cette remarque qui n’était sans doute pas des plus justes si l’on tenait compte de l’âge de Diana – elle avait encore du temps devant elle avant de venir marquer l’astrophysique de sa main. « J’ai toujours dit que t’étais une flemmarde. » A son tour, la brune lui lança un petit clin d’œil signifiant qu’elle la taquinait. Ces deux-là avaient passé bien trop de temps ensemble à plancher sur leurs examens respectifs que pour avoir acquis un respect réciproque quant à leur capacité à travailler sans lâcher à cause du manque de concentration ou de la fatigue. Au sens d’Hannah, la bibliothèque de l’université aurait d’ailleurs déjà dû être renommée à leur nom. Continuant sur sa lancée, elle lança une nouvelle pique destinée à titiller sa vieille amie, comme si elle ressentait soudainement le besoin de rattraper ce temps perdu à ses côtés. Il fallait bien l’avouer, leur choix de vie apportait avec lui son lot de solitude, et Diana avait toujours fait partie de celle qui comprenait pourquoi elle faisait ça, puisqu’elle suivait le même chemin ponctué de sacrifices en tout genre. L’excellence n’était jamais acquise et elles l’avaient bien compris, travaillant sans relâche pour arriver là où elles en étaient aujourd’hui – ce qui n’était qu’un début, pour l’une comme pour l’autre. Il lui était bien entendu arrivé de repenser à son amie de temps à autre, mais la revoir ainsi après une aussi longue période réveillait avec plus de force les souvenirs du passé et la nostalgie qui les accompagnait, immanquablement. « T’as qu’à dire que j’ai l’air vieille aussi, et comme ça ton portrait sera complété. » Le médecin leva les mains au ciel, comme pour se dédouaner d’une telle pensée alors que l’intention était pourtant claire. Heureusement pour elle, Diana avait conservé son second degré et ne se vexa pas, au contraire. Et tandis qu’elles évoluaient parmi l’amas d’étudiants qui se trouvaient sur le campus, Hannah lui demanda si ça lui manquait à elle aussi, ne pouvant ignorer le regard que Diana portait sur ce qui l’entourait. « Parfois oui. C’était plus simple, quand j’étais de ce côté là du bureau. » Le ton empreint de légèreté, elle répondit à son amie d’un sourire qui cachait en partie ce qu’elle ressentait réellement – la brunette la connaissait suffisamment pour s’en rendre compte, et puis il ne fallait pas oublier qu’elle avait fait de l’analyse son métier. Pourtant, elle décida de ne pas insister car si ces retrouvailles lui faisaient du bien, elle n’avait pas encore abordé le sujet qui l’avait amenée ici. Et au fond d’elle, Hannah espérait que leur amitié demeurait intacte en dépit du temps passé à construire leur vie chacune de leur côté, assez en tout cas pour obtenir ce qu’elle était venue chercher aujourd’hui : des réponses. « Ne m’en parle pas. » Se contenta de répondre la jeune femme en esquissant un sourire, frappée par la dure réalité qui était désormais la sienne en évoluant dans le milieu médical. La brunette lui vanta ensuite les mérites des viennoiseries vendues dans le café où elles se rendaient, obligeant le médecin à la prendre au mot en s’attendant à découvrir le graal, rien que ça. « Je m’engage à toutes les représailles possibles si j’ai tord. » Un hochement de tête amusé d’Hannah plus tard, les deux amies firent leur entrée dans l’établissement qui était pour le moins fréquenté, rendant la recherche de table légèrement difficile. Mais la brune, plus habituée des lieux que le médecin, lui désigna du menton un endroit légèrement en retrait où elles pourraient s’assoir et discuter sans être dérangées par le brouhaha général. C’était parfait. « La plupart des gens présents devraient partir rapidement, une bonne partie des cours reprennent d’ici une petit vingtaine de minutes. » La jeune femme déposa ses affaires et s’installa face à l’astrophysicienne, attrapant par réflexe une des cartes qui se trouvait à leur disposition et qui faisait état de tout ce que le café proposait à ses clients ; Diana n’avait pas menti, ils avaient du choix. « Tant mieux, on sera plus à l’aise pour parler. » Les mots étaient sortis spontanément et la brune releva les yeux vers son amie, cherchant à voir si elle avait donné l’alerte sans le vouloir. Elle devait probablement se douter qu’il ne s’agissait pas que d’une visite de courtoisie, mais elle n’avait sans doute pas la moindre idée de ce qui avait pu pousser Hannah à venir jusqu’ici, avec une impulsivité qui ne lui ressemblait pas. « Je te laisse aller prendre ce qui te fait plaisir en premier ? » « Ça marche. » La brune délaissa son amie avec un petit sourire, le temps pour elle d’aller passer commande sans trop s’attarder. Son choix se porta sans grande surprise sur une boisson à base de caféine, agrémentée d’un petit twist gustatif avec un arôme dont le nom ne lui disait rien – mais pourquoi pas – ainsi que d’un petit gâteau au chocolat qui lui faisait de l’œil pendant qu’elle attendait son tour. Elle revint avec son dû et laissa Diana faire de même, observant son amie d’un regard vide, perdue dans ses pensées pendant que cette dernière passait commande à son tour. Hannah était ravie de la revoir et hésitait à entrer directement dans le vif du sujet, au risque de gâcher la légèreté du moment après autant de temps passer sans se voir. La moindre des choses serait peut-être d’en apprendre plus, de prendre de ses nouvelles avant d’aborder ce qui la tracassait assez pour s’être déplacée sans la prévenir au préalable. « Alors, qu’est-ce que tu racontes depuis la dernière fois ? » Lui demanda-t-elle en plongeant sa fourchette dans son gâteau tout en interrogeant Diana du regard une fois que celle-ci eût posé ses fesses sur la chaise qui lui faisait face.
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Diana avait à peine mentionné le fait que les étudiants présents ne devraient pas tarder à déguerpir l’endroit à la vue des cours qui allaient reprendre, qu’une bonne partie de ceux proches de leur table étaient ne tirant de récupérer leurs affaires. Elle n’était pas devin, mais avait commencé à connaître les heures où il était le plus simple de venir ici pour avoir un café au plus rapide. Elle ne faisait pas partie de ces personnes qui avaient la patience d’attendre plusieurs dizaines de minutes pour être servie. « Tant mieux, on sera plus à l’aise pour parler. » Les mots de la jeune femme furent cueillis sans trop de soucis par les oreilles de Diana, elle se contenta cependant de venir tirer un petit sourire. La visite de Hannah l’emplissait de joie, elle ne nierait ça. Elle ne nierait pas cependant le fait qu’elle se doutait qu’un but précis était la motivation principale de cette rencontre en ce jour, et elle attendait simplement que la jeune femme se décide à lui parler, ouvertement. Elle n’était pas du genre à avoir la patience d’attendre en ligne pour un café, en revanche elle avait un patience infinie lorsqu’il s’agissait des personnes qu’elle portait dans son coeur. Alors, pour ne pas rebondir de suite sur les mots de la demoiselle, Diana vint lui proposer d’aller chercher en première sa boisson. Peut-être que ça permettrait à Hannah d’avoir un instant seule, afin de trier ses pensées et tout ce qui s’accordait à son motif de visite. Et puis, elle mettrait surement plus de temps qu’elle à choisir son breuvage, Rhodes pouvait attendre un instant qu’elle prenne le temps. « Ça marche. » Et la jeune femme se leva de table, laissant seule un moment Diana. Cette dernière en profita pour répondre aux quelques messages en retard sur son téléphone, en prévenant son collègue de bureau de ne pas l’attendre pour fermer ce soir, qu’elle repasserait surement plus tard que prévu. Même si l’idée de faire une petite pause et de profiter d’une amie qu’elle n’avait pas vu depuis longtemps en était effectivement une bonne, d’idée, ça n’empêchait pas qu’elle aurait besoin de rattraper le temps qu’elle ne passait pas au boulot à un moment donné. Elle ferait une, voire deux - même trois - heures supplémentaires ce soir sans soucis, elle repasserait par son bureau après le moment passé avec Hannah pour emmener ses papiers chez elle. Hannah revenait d’ailleurs à leur table après avoir commandé son café, avec un petit sourire Diana alla en faire de même. Cinq minutes, ce fut à peu près le temps qu’elle mit pour faire l’aller-retour, grand café au lait double dose d’expresso dans une main, une part d’un carotte cake qui n’était pas sur la carte la dernière fois qu’elle était passée la dernière fois, et Diana vint reprendre sa place face à Hannah. Cette dernière semblait quelque peu perdue dans ses pensées lorsqu’elle se posa de nouveau. La jeune Rhodes se contenta de venir étirer un peu sourire, lorsque leurs regards se croisèrent de nouveau.« Alors, qu’est-ce que tu racontes depuis la dernière fois ? » Diana vint avaler une bonne gorgée de café, en profitant pour remettre dans l’ordre toutes ses pensées, tout ses souvenirs. Cela faisait diantre un bon bout de temps qu’elles n’avaient pas eu l’occasion de se voir, et elle dut creuser un peu plus pour accorder ses dernières discussions avec Hannah et les choses qu’elle avait fait en dehors. Mais, bien sûr, elle vint répondre avec un petit sourire amusé. « Tu me connais, tout ce que je vais avoir à raconter va être relié au boulot. » Parce-que c’était le sujet principal de la plupart des discussions de Diana, de toutes façons. Elle vivait presque uniquement pour son travail, et accordait toute sa vie autour de ça. Elle avait eu la chance, comme Hannah d’ailleurs, de pouvoir faire d’un sujet qui la passionnait son métier, si bien qu’elle ne saurait compter les heures qu’elle pouvait passer à travailler. « J’ai passé une bonne partie de la deuxième moitié de 2019 aux Etats-Unis. » L’Australie possédait beaucoup de sites de recherches et d’application de son travail, ça allait de soi. Diana les connaissait tous, savait en faire la liste de tête et les yeux fermés, saurait dire chacun leur spécificité. Cependant, la mine d’or qu’étaient les Etats-Unis en matière d’univers et de découverte de ce dernier n’était pas comparable. Si bien que lorsque l’occasion s’était présentée d’aller passer trois mois à parcourir ce pays pour pouvoir assister à un maximum de conférences et de plateformes d’échanges sur les recherches qu’elle menait présentement, elle avait sauté sur l’occasion sans y repenser à deux fois. « Je suis revenue ici en plein été alors que la neige commençait à tomber là-bas, autant te dire que le changement a été brutal. » Petit rire, mais elle ne vint pas s’attarder sur les détails. Elle savait que Hannah était venue aujourd’hui pour un sujet particulier, pour parler de quelque-chose de précis. Elle ne saurait quoi pour le moment, mais elle ne s’épancherait pas sur les banalités bien longtemps, pour donner plus d’occasions à la demoiselle d’en venir là où elle voulait. « Et toi alors, quoi de neuf ? » Quoi de neuf une expression qu’elle n’utilisait quasiment plus et qui pourrait peut-être mettre la puce à l’oreille de Hannah, mais tant pis. Diana souhaitait avoir des nouvelles de la jeune femme, mais l’idée de savoir surtout ce qui l’amenait aujourd’hui était plus présente, plus forte.
L’esprit d’Hannah était tourmenté par la vision de Diana depuis qu’elle l’avait vue à l’église, avant de disparaître sans laisser de trace et sans laisser le temps à la brune de la rattraper pour l’interroger sur sa présence à la veillée commémorative en mémoire d’Ella. Mais même si son amie était restée dans les parages, le médecin avait été trop déstabilisée que pour parvenir à décoller du banc sur lequel elle était assise, cherchant à connecter les deux jeunes femmes sans y parvenir. Ce genre de mystère pouvait l’empêcher de dormir si elle y prêtait trop d’attention, et c’était précisément ce qu’il s’était passé, et également la raison pour laquelle elle se trouvait désormais face à Diana, dans ce café bourré d’étudiants sur le point de repartir en cours – si la brunette avait raison, mais Hannah n’en doutait pas un seconde. L’astrophysicienne était du genre à accorder de l’importance aux détails, comme elle, et elle avait certainement intégré les habitudes et les horaires des étudiants afin de ne pas se retrouver mêlée à eux trop longtemps. Quelques secondes après l’eût-elle annoncé que la moitié des clients se leva, emballant leurs affaires afin de repartir suivre les cours qu’ils leur restaient pour l’après-midi. Hannah haussa un sourcil impressionné en direction de la brune et s’installa face à elle à une petite table en coin, arguant que le calme leur permettrait d’être plus à l’aise pour se parler, laissant sa spontanéité habituelle prendre le dessus. Son ton laissant volontairement penser qu’elle avait des choses à lui dire, mais Diana décida de ne pas relever le mot, ce qui soulagea momentanément la brunette qui hésitait encore sur la meilleure façon d’aborder les choses. Elle ignorait ce qui la faisait tant hésiter, un peu comme si elle avait un mauvais pressentiment alors qu’il y avait un tas d’explications plausibles sur sa présence ce jour là ; même si aucune n’avait trouvé grâce à ses yeux. Son amie lui offrit la possibilité d’aller se servir la première, ce qu’elle fit sans rechigner car elle rêvait d’un café depuis qu’elle avait démarré et s’était mise en route pour l’université. A l’image de Diana, et sans le savoir, elle traita quelques messages urgents dans la file d’attente – qui ne dura guère plus de trois ou quatre minutes – et revint rapidement à leur table, armée d’une boisson et d’une part de gâteau au chocolat, son péché mignon. Ce fut au tour de la brune d’aller passer commande, et Hannah continua à tapoter sur son téléphone sans grande conviction ; ses pensées étaient ailleurs, et il en serait ainsi tant qu’elle n’aurait pas lâché le morceau, tant qu’elle ne lui aurait pas demander franchement les raisons de sa présence à l’église. Elle reporta son attention sur elle, mettant son téléphone de côté – mais pas trop, au cas où – et esquissa un sourire dans sa direction tout en embrayant sur la question la plus banale du monde, mais qui avait toute son importance lorsqu’on se voyait aussi peu que ces deux-là. Sa question vint arracher un nouveau sourire chez son amie, alors qu’elle plongeait déjà ses lèvres dans sa tasse fumante, à l’instar du médecin qui préférait attaquer par le dessert. « Tu me connais, tout ce que je vais avoir à raconter va être relié au boulot. » Cette précision la fit un peu rire, parce qu’encore une fois, elle n’aurait pas pu dire autre chose pour accentuer un peu plus leur ressemblance. « Et tu me connais, c’est loin de me déranger. » Le domaine de Diana passionnait la jeune femme, et elle le savait. Pas autant que son propre boulot, et heureusement, sinon elles se seraient retrouvées en compétition durant toutes leurs études au lieu de se soutenir de la façon dont elles l’avaient fait. « J’ai passé une bonne partie de la deuxième moitié de 2019 aux Etats-Unis. » Hannah haussa un sourcil étonné, surprise d’apprendre que la brune avait déserté l’Australie au profit des Etats-Unis, non pas que ça soit aussi surprenant quand on savait les avancées qu’ils faisaient là-bas, sur l’autre continent. Elle aussi rêvait de voyage, mais ses études l’avaient poussée à s’enterrer encore un peu plus à Brisbane, sous une tonne de boulot. Les rêves d’évasion, ça serait pour plus tard, lorsqu’elle aurait enfin obtenu ce diplôme de psychiatre qui miroitait devant ses yeux depuis de longues années maintenant. « Je suis revenue ici en plein été alors que la neige commençait à tomber là-bas, autant te dire que le changement a été brutal. » Un rire s’échappa des lèvres de la brunette et Hannah suivi le mouvement, ne pouvant qu’imaginer le choc thermique qu’elle avait vécu. « Ca devait être passionnant. Je suis un peu jalouse d’ailleurs. » Elle fronça légèrement le nez avant de lui adresser un sourire sincère. « Je suis contente pour toi, pour cette opportunité. Il n’a été question que de travail ou tu as su un peu visiter sur ce laps de temps ? » Elle plongea enfin le nez dans son café, avide d’en apprendre davantage sur ces mois passés loin de Brisbane. « Et toi alors, quoi de neuf ? » Hannah reprit son sérieux, plissant légèrement les lèvres en relevant les yeux en direction de Diana, comprenant par cette question qu’elle attendait quelque chose de sa part. Qu’est-ce que tu fous ici Hannah ? Voilà ce que ça signifiait. Elle soupira un peu et délaissa sa tasse pour relever le menton vers la brune, décidée à ne plus laisser durer le suspens plus que nécessaire. « Je viens de revivre des moments un peu difficiles, mais ça va. » Belle entrée en matière Whitemore, peut mieux faire. « Tu sais, j’ai perdu ma meilleure amie il y a des années de cela, je t’en ai jamais parlé. Et il y a quelques jours, il y avait une commémoration en son honneur, parce que ça fait dix ans. » Elle plongea ses yeux bleus dans ceux de Diana, cherchant à capter une émotion ou une expression qui pourrait la mettre sur la voie. « Elle s’appelait Ella. Mais je t’apprends rien, pas vrai ? » Et voilà. Le suspens était insoutenable, et son sourire avait déserté son visage pour laisser la place à l’appréhension et à l’expectative d’une réponse qui, elle l’espérait, apaiserait son esprit bien trop vif.
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« Et tu me connais, c’est loin de me déranger. » Un sourire à la fois amusé et attendri se glissa sur les lèvres de la jeune femme. Ce que disait Hannah était vrai, et pas juste là pour venir conforter Diana sur l’idée de passer un temps à s’épancher sur son boulot. Fut un temps, elles pouvaient passer des soirées et des journées à épiloguer sur leurs boulots respectifs, sans jamais s’en lasser. Issues de deux formations complètement différentes, si ce n’étaient les sciences de quelque-chose en commun, mais complémentaires dans leur dévouement à leurs études. Diana savait, sentait plutôt, cependant que la demoiselle n’était pas ici présente aujourd’hui pour discuter carrière et nouveautés dans le monde des sciences physiques. Elle fut alors rapide sur sa réponse, ne donnant que quelques précisions sur ce qu’elle avait réellement fait récemment. Si le reste de la discussion se passait bien et que Hannah réussissait à lui sortir ce qu’elle avait sur le coeur, peut-être qu’elle mettrait sur le tapis un ou deux sujets qu’elle savait d’avance, pouvaient intéresser la jeune femme. Ce n’était pas encore le cas, ce n’était pas encore le moment, alors elle restait patiente. « Ca devait être passionnant. Je suis un peu jalouse d’ailleurs. » Diana vint hausser légèrement les épaules, fronçant quelque peu le bout du nez, tentant de montrer à Hannah qu’elle ne devait pas être jalouse d’elle. Il était vrai que oui, ce séjour avait même été plus que passionnant. Elle avait pu apprendre des choses incroyables et passer des moments inespérés, en présence de personnes importantes dans le monde de l’astrologie. Mais elle était intimement persuadée que dans sa propre branche, Hannah se devait de passer des moments similaires, ou tout du moins autant passionnants. « Je suis contente pour toi, pour cette opportunité. Il n’a été question que de travail ou tu as su un peu visiter sur ce laps de temps ? » Elle eut un petit sourire en coin, la Rhodes. « J’aurais aimé te dire que ce n’était que du boulot, pour te montrer à quel point je suis sérieuse jusqu’au bout. » Elle interrompit sa réponse un instant pour venir prendre une gorgée de café, liquide brulant à son passage. « Mais ce serait mentir. On a fait plusieurs états, avec l’équipe avec laquelle j’avais été mise en contact - la Floride, la Californie, et j’ai pas pu m’empêcher de faire quelques jours à New-York avant de rentrer. C’était pas la porte d’à côté, mais c’était toujours plus proche de là où j’étais que de Brisbane alors. » Elle vint hausser les épaules de nouveau, ne pouvant s’empêcher cependant d’avoir un petit sourire espiègle sur les lèvres. Elle avait passé trois mois de l’autre côté du globe, dans un autre hémisphère, et elle avait passé de sacrés bons moments. C’était la partie bonus des voyages qu’elle pouvait effectuer. Bien sûr, trois quarts du temps, elle était la tête plongée dans des bouquins, ou en réunion de groupe, ou dans le noir et assise sur une chaise inconfortable d’amphithéâtre à écouter des confrères parler. Mais il y avait des moments où elle pouvait aussi simplement se permettre de prendre son temps à flâner dans certaines des plus belles villes du monde. Diana vint sortir de ses pensées, secouant légèrement la tête, se concentrant de nouveau sur l’instant présent. Hannah était surement ravie d’apprendre ses aventures américaines, mais il était temps que la conversation se concentre davantage sur la jeune Whitemore, et surtout sur ce qui avait motivé sa visite aujourd’hui. Alors, avec l’intention bien présente, Diana prit un ton un peu plus sérieux pour retourner la question de la demoiselle, désirant savoir ce qu’elle était devenue ces derniers temps. « Je viens de revivre des moments un peu difficiles, mais ça va. » Elle vint froncer quelque peu les sourcils, cherchant à soutenir le regard de Hannah, attentant qu’elle explique là où elle voulait en venir. Diana sentait cependant son coeur déjà se serrer un brin. « Tu sais, j’ai perdu ma meilleure amie il y a des années de cela, je t’en ai jamais parlé. Et il y a quelques jours, il y avait une commémoration en son honneur, parce que ça fait dix ans. » Outch - ce n’était pas du tout ce genre de chose auxquelles elle pensait, lorsqu’elle se demandait ce que Hannah avait en tête et sur le coeur. Elle s’était d’ailleurs dit que ce serait lié au travail surement, et aurait sans hésiter donné un coup de main à la jeune femme sur n’importe quelle question elle serait prête à lui poser. Elle ne pensait pas que ce serait lié à un tel drame. « Hannah… Je suis désolée. » Elle vint tendre ses mains par dessus la table, attraper celles de la jeune femme, appliquer dessus une pression - autant légère pour ne pas lui faire mal qu’elle était présente pour lui montrer qu’elle était sincère dans ses mots. Les yeux de la Whitemore vint à la suite se plonger dans ceux de Diana, qui ne s’attendait pas aux prochaines paroles qu’elle allait émettre. Sur l’instant, elle était focalisée sur le fait que Hannah se confiait sur le fait d’avoir perdu quelqu’un qui était chère à son coeur. Non sur les détails qui auraient du pourtant lui sauter aux yeux dès le début. Dix ans. « Elle s’appelait Ella. Mais je t’apprends rien, pas vrai ? » Son coeur loupa un battement - pour de vrai. A la suite, il vint s’affoler comme rarement auparavant. Ella. Son prénom, qu’elle ne pouvait s’empêcher comme un écho dès qu’il était prononcé, celui qui venait lui faire tourner la tête alors qu’il n’était même pas le sien. Dix ans, Ella. Bien sûr qu’elle ne lui apprenait rien, et présentement ses pensées allaient à mille à l’heure pour tenter de maintenir de l’ordre. Elle ne comprenait pas d’où cette information sortait, elle ne savait pas comment Hannah pouvait être au courant - si elle était au courant de quoi que ce soit -, mais Diana ne désirait certainement pas aborder un tel sujet aujourd’hui. Alors, elle se ressaisit. De l’intérieur, tentant de le cacher le mieux possible aux yeux de la demoiselle qui ne cessait de la scruter avec attention juste devant elle. Diana vint retirer ses mains de sur celles de Hannah, lentement, attrapant sa tasse pour occuper ses doigts qui risquaient de devenir nerveux dans les minutes à venir. Elle n’aimait pas la tournure des événements qui s’annonçait, sans trop connaître la raison cependant. Sensation étrange. « Comment ça, tu ne m’apprends rien, Hannah ? » Ses sourcils prenaient un angle de plus ne plus dangereux, et il n’était pas à mettre de côté l’idée que ses joues aient pris une teinte, ou deux. Légèrement. Imperceptible pour celui qui ne prêtait pas attention. « A propos de quoi ? » Elle jouait à l’idiote, mais c’était la meilleure carte qu’elle avait en réserve sur le moment. Elle ne se voyait pas faire comme si elle n’avait pas entendu la question pour ne pas y répondre - ça aurait été simplement ridicule et inutile. Même si le fait de jouer à l’innocente et à l’idiote n’allait pas la mener loin non plus certainement. Hannah n’était, justement, pas idiote. Mais il lui fallait un instant de plus pour mettre en ordre les faits que la jeune femme pouvait connaitre, et ceux qu’elle ne voulait surtout pas être mis en avant. « De ta meilleure amie ? Tu viens de dire toi même que tu ne m’en avais jamais parlé, et je suis vraiment désolée, Hannah… »
Hannah avait beau être venue avec une idée précise derrière la tête, elle tenait tout de même à prendre des nouvelles de son amie, puisqu’elles ne se voyaient plus aussi souvent qu’elle l’aurait aimé. La faute à des carrières très prenantes, ce que l’une et l’autre pouvait évidemment comprendre, en grandes passionnées qu’elles étaient. La brune adorait entendre parler son amie d’astronomie, même s’il lui arrivait parfois d’être larguée tant Diana était pointue sur certains sujets ; la jeune femme avait beau s’instruire sur des bases régulières, son propre domaine s’éloignait fortement du sujet d’étude de la brune. Son voyage aux USA avait dû s’avérer passionnant, et le médecin n’hésita pas à formuler à voix haute le fait qu’elle enviait son amie d’avoir pu allier travail et loisir en découvrant ainsi de nouvelles contrées et en rencontrant, probablement, un tas de gens intéressants. « J’aurais aimé te dire que ce n’était que du boulot, pour te montrer à quel point je suis sérieuse jusqu’au bout. » Elle s’interrompit pour boire une gorgée de café et Hannah l’imita, sentant qu’elle n’avait peut-être pas été si sérieuse que ça, finalement. « Mais ce serait mentir. On a fait plusieurs états, avec l’équipe avec laquelle j’avais été mise en contact - la Floride, la Californie, et j’ai pas pu m’empêcher de faire quelques jours à New-York avant de rentrer. C’était pas la porte d’à côté, mais c’était toujours plus proche de là où j’étais que de Brisbane alors. » Eh bien. En l’entendant ainsi parler, la brunette décida en son for intérieur qu’il était peut-être temps pour elle de se chercher des opportunités similaires, histoire de découvrir un peu autre chose que Brisbane – même si elle adorait cette ville, ne nous mentons pas. Mais la jeune femme regrettait un peu de ne pas encore avoir eu l’occasion de voyager réellement, elle qui était si curieuse de tout. « J’aurais fait pareil à ta place, ce n’est pas comme si tu avais l’opportunité de te rendre là-bas tous les mois. Tu as préféré quel endroit ? » Oui parce qu’elle aimait avoir les avis de ses amis, elle les gardait dans un coin de sa tête et les ressortait au moment opportun – même si une part d’elle se disait qu’elle ne mettrait pas les pieds sur le sol américain avant un petit temps. Diana l’interrogea à son tour, lui demandant de ses nouvelles, et la brune sentit que c’était le moment d’aborder la raison pour laquelle elle était là, aujourd’hui. Elle amorça donc le sujet, expliquant brièvement qu’elle avait perdu sa meilleure amie il y a des années, ce qui lui permis de parler de la commémoration. Celle où Diana s’était rendue. Elle attendit sa réaction, espéra voir une étincelle se réveiller au fond de ses yeux, s’attendit à une explication spontanée alors que la brune réalisait qu’elle s’était rendue elle aussi à cette veillée. Mais tout ce qu’elle obtint fut un « Hannah… Je suis désolée. » prononcé avec sincérité tandis que les mains de l’astrophysicienne plongeaient sur les siennes, exerçant une pression destinée à lui montrer qu’elle était là pour elle. Hannah fronça légèrement les sourcils, désarçonnée malgré elle tandis qu’elle se sentait touchée par la réaction de son amie, même si ce n’était pas celle qu’elle attendait. Plissant légèrement les lèvres, elle retira légèrement ses mains et plongea son regard dans celui de Diana, assénant le coup de grâce en lui avouant le prénom de sa défunte amie, tout en attaquant en insinuant qu’elle savait exactement de quoi elle parlait. Hannah ne cilla pas, à l’instar de la brune qui laissa s’installer un silence de quelques secondes avant de s’emparer de sa tasse, les joues rosies par l’attention persistante que le médecin amenait sur elle, cherchant à déceler une quelconque réaction chez elle. Elle était troublée, ça se voyait, et la jeune femme sentait la pression monter d’un cran tandis que Diana s’évertuait à gagner du temps, semblait-il. « Comment ça, tu ne m’apprends rien, Hannah ? A propos de quoi ? » Ne joue pas à ça avec moi, Diana. Hannah laissa un léger soupir s’échapper de ses lèvres tandis qu’elle plongeait ses lèvres dans son café, fronçant les sourcils sans lâcher son amie du regard. « De ta meilleure amie ? Tu viens de dire toi même que tu ne m’en avais jamais parlé, et je suis vraiment désolée, Hannah… » Bon. Elle niait les faits avant même d’avoir toutes les informations en main, cela voulait donc dire qu’elle n’assumait pas sa présence sur place. Mais pourquoi ? Un tas d’hypothèses toutes plus dingues les unes que les autres apparaissaient dans l’esprit en ébullition de la brunette, mais aucune d’elle n’effleuraient la triste vérité. Si elle savait. S’il y avait bien une chose qui irritait la jeune femme, c’était bien les mensonges. Ce qui l’intriguait, en revanche, c’était surtout que Diana ressente le besoin de mentir, justement. « Pas à moi, Diana. Je t’y ai vue, à cette commémoration. Tu t’es évaporée avant que ça ne se termine, mais tu étais bien là. Alors j’ai deux questions pour toi. » Elle reposa sa tasse et haussa un sourcil en direction de son amie, serrant les dents pour garder son calme, espérant qu’elle cesse de jouer la carte de l’ignorance au plus vite. « Qu’est-ce que tu faisais là ? Et pourquoi tu prétends ne pas savoir de quoi je parle, alors que t’as tiqué dès que j’ai prononcé son prénom ? » Hannah était tendue, impatiente d’avoir enfin le fin mot de toute cette histoire. Il y avait forcément une explication logique, mais pour l’instant, elle lui échappait totalement.
don't speak, i know what you're thinkin'. i don't need your reasons, don't tell me 'cause it hurts. our memories, well, they can be inviting. but some are altogether mighty frightening. - @hannah whitemore
« J’aurais fait pareil à ta place, ce n’est pas comme si tu avais l’opportunité de te rendre là-bas tous les mois. Tu as préféré quel endroit ? » Le bout du nez de la demoiselle vint se froncer quelque peu, ses sourcils suivirent un chemin similaire alors que ses pensées repartaient quelques mois en arrière. Elle avait tellement de souvenirs, tellement de bons souvenir en poche qu’il était compliqué de faire le tri et de s’arrêter sur quelque-chose en particulier. Dès qu’elle mettait un pied en dehors de son pays d’origine, qui plus est, elle avait l’impression d’être de nouveau une enfant le soir de noël - les étoiles dans les yeux qui allaient également avec. « Si je t’avouais pas avoir eu un petit faible pour la Californie, je mentirai. Il y a des détails qui m’ont fait penser à ici, à la maison et… » Elle vint rapidement hausser les épaules. « Au moins on ne manque pas de soleil là-bas, nous, les australiens. » Un petit rire se fit entendre alors qu’elle profitait de la fin de sa phrase pour prendre une gorgée de café. Elle n’avait pu voir qu’une infime partie de ce que les Etats-Unis avaient à offrir, et pourtant ça lui semblait déjà tellement conséquent. « Mais d’un autre côté, New-York est… géniale. Vraiment. Si tu penses que quelqu’un a déjà exagéré en en parlant, c’est faux. Rien n’est exagéré. » De cette ville émanait une énergie différente, bien loin de celle que Brisbane pouvait diffuser. Si ici, les rayons du soleil semblait tout apaiser et rendre le temps aux choses, New-York bouillonnait de part en part sans jamais un seul instant de répit. « Je ne serais pas faite pour y vivre, mais c’était quelque-chose. » Elle avait passé cinq jours seule là-bas, à se laisser happer par la vie des new-yorkais, par leurs habitudes autant rythmées que parfois loufoques, à laisser ses pas la guider au gré du vent. Rien que d’en parler à Hannah, les souvenirs remontaient à la surface et si elle fermait un instant, rien qu’une fraction de seconde, les yeux - elle était de retour sur place, le soleil venant terminer sa course quotidienne derrière la dame de fer de l’Amérique. Et elle aurait pu en parler pendant des heures, de ces souvenirs là. Elle aurait pu venir décrire exactement à Hannah le parc aux fusées du Kennedy Space Center et la chance qu’elle avait pu avoir de visiter ce lieu emblématique de la NASA. Elle aurait su trouver les mots pour lui faire comprendre que les vagues en Californie étaient presque aussi belles que celles de leur terre natale et que l’eau n’était définitivement pas aussi chaude. Il ne fallait pas grand chose pour permettre à Diana de repartir de quelques mois en arrière, surtout pour exprimer son ressenti et partager son expérience à quelqu’un qui écoutait réellement ce qu’elle avait à dire. Elle ne blâmait pas sa famille sur ce point là, mais il était vrai qu’ils n’avaient pas été autant enthousiastes à l’idée d’écouter les récits de leur paire lorsqu’elle était rentrée au bercail. Avec Hannah, en ce moment même, c’était différent. Elle aurait pu venir lui parler de tout ça en sachant très bien qu’elle apprécierait l’écouter, elle aurait pu parler de plein d’autres choses également - sauf de ça. Et c’était précisément le sujet qu’elle avait pourtant choisi d’aborder. Les yeux de Diana tentaient à la fois de fuir la situation et d’y rester ancrée, de réagir de façon correcte tout en faisant face à une vague d’émotions contradictoires. Elle venait de lui parler de Ella, et son échine vint être parcourue une nouvelle fois d’un frisson presque malsain. « Pas à moi, Diana. » C’était pourtant ce que cette dernière tentait naïvement de faire. Comme si elle allait pouvoir berner Hannah d’illusions ne serait-ce qu’un simple instant. « Je t’y ai vue, à cette commémoration. Tu t’es évaporée avant que ça ne se termine, mais tu étais bien là. Alors j’ai deux questions pour toi. » Ses mots se faisaient un brin moins hésitants, mais bien plus durs à l’oreille. Diana pouvait sentir les émotions envahir son amie, et celles qui prennent place en son sein ne l’aidaient pas. Elle se devait de garder une façade de circonstances, car elle n’était en aucun cas prête à aborder ce sujet là avec elle. Pas maintenant, pas demain même - à vrai dire, elle n’avait su trouver les mots justes pour le faire au cours des dix dernières années, elle ne voyait pas comment elle pouvait faire désormais. Déglutissant avec grand peine, elle vint pour la première fois détourner ses prunelles du regard de la jeune femme, devenu trop lourd à porter. Elle était acculée dans une situation qui ne lui plaisait guère, dont elle perdait tout contrôle. Elle n’aimait pas parler de ça. Ni maintenant, ni jamais, et rares étaient les personnes à qui elle s’était réellement confiée. « Hannah… » L’intensité de sa voix n’était clairement plus la même que lorsqu’elle évoquait gaiement ses souvenirs outre-pacifique. Elle n’eut même pas le temps, de toutes façons, de commencer à constituer un semblant de plaidoyer que déjà, la demoiselle reprenait la parole. « Qu’est-ce que tu faisais là ? Et pourquoi tu prétends ne pas savoir de quoi je parle, alors que t’as tiqué dès que j’ai prononcé son prénom ? » Et elle tiquait de nouveau lorsqu’elle vint pointer du doigt sa réaction qu’elle avait pensé silencieuse et discrète. Ses doigts venaient buter contre le rebord de la tasse qu’elle tenait de ses deux mains, son coeur battait un rythme irrégulier alors qu’un bourdonnement semblait s’imposer à ses oreilles. Elle n’était en rien bien, présentement, Diana. Elle ne supportait pas la situation qui s’était imposée à elle et avait grand mal à trouver la sortie de secours. Elle tentait de se souvenir de tous ces exercices de danse qu’elle avait pu faire, où on lui avait appris à contrôler sa respiration même quand elle venait à être à bout de souffle. Diana était surtout à cours d’arguments, là. La vérité serait si simple comme explication, et pourtant elle semblait être l’exercice le plus compliqué à pratiquer. Respire, Diana, qu’elle tentait de se répéter, espérant que ce soit plus simple à réaliser à la suite. Son esprit rêvait d’air frais et de conversation légères, mais le regard que Hannah ne soulevait pas de sa silhouette ne permettait en rien de réaliser ces rêves. Venant passer une main dans sa nuque, se servant de cette dernière comme appui, Diana vint soupirer quelque peu. « Je suis désolée, mais ça ne te regarde pas, Hannah. » La vérité se mélangeait parfaitement à l’absurde dans sa phrase. Il était vrai que la jeune femme n’avait rien à voir dans cette histoire et qu’elle n’avait pas à mettre son nez là où ça ne la regardait pas. Si Diana s’était rendue à cette commémoration, c’était avant tout par respect pour une tiers personne ne se tenant aujourd’hui pas à leurs côtés. La deuxième justification avancée était qu’elle en avait personnellement besoin. Ce chapitre de sa vie était lourd, même encore aujourd’hui, à porter et ça lui permettait de remettre aux bons endroits ce qui devait y être. Apaiser son âme, et ce au sein même d’une église - qu’elle ironie. Mais ce qu’elle ne savait pas, Diana, ou plutôt ce qu’elle mettait de côté et ignorait tant depuis toutes ces années, c’était que tout ça avait autant à voir avec Hannah qu’avec elle-même, au final. La problématique principale les liait et ce lien ne pourrait jamais se défaire, qu’importe les paroles qu’elle choisirait de prononcer ensuite. « J’étais bien à la commémoration. Ce n’est pas la peine de le nier, si tu m’y as vu. » C’était ce sur quoi elle n’aurait pas parié. Elle avait tenté de faire au mieux pour paraitre discrète, pour sortir aussi rapidement qu’elle était arrivée. Mais les efforts de Diana n’avaient pas été suffisants, apparement. « La raison de ma présence en revanche, je la garde pour moi. » Enfin, au prix de beaucoup d’efforts et d’émotions mélangées, Diana vint relever le regard pour soutenir celui de son amie. Ses pupilles étaient traversées par la tristesse et le regret, implorant silencieusement le pardon de celle qui aurait surement matière à lui en vouloir encore davantage qu’elle ne le faisait actuellement.
Diana réfléchissait, signe qu’elle n’allait pas lui pondre une réponse lambda lancée du bout des lèvres juste pour faire la conversation mais bien qu’elle allait lui répondre avec honnêteté sur la banalité de cette conversation. Au fond d’elle, Hannah espérait que cette tendance à la franchise allait se perpétuer lorsque le sujet de sa présence pour la veillée d’Ella viendrait sur le tapis. « Si je t’avouais pas avoir eu un petit faible pour la Californie, je mentirai. Il y a des détails qui m’ont fait penser à ici, à la maison et… Au moins on ne manque pas de soleil là-bas, nous, les australiens. » Elle éclata de rire, ce qui tira un sourire à la brune qui s’efforçait de conserver une attitude normale tant qu’elle n’avait pas encore obtenu des réponses à ses questions, préférant laisser le bénéfice du doute à son amie de longue date plutôt que de se laisser aller aux (nombreuses) élucubrations de son esprit. « Mais d’un autre côté, New-York est… géniale. Vraiment. Si tu penses que quelqu’un a déjà exagéré en en parlant, c’est faux. Rien n’est exagéré. Je ne serais pas faite pour y vivre, mais c’était quelque-chose. » La jeune buvait littéralement les paroles de Diana, sincèrement ravie que son amie ait eu l’opportunité de faire un tel voyage sous couvert de son travail, c’était une vraie chance. Ce genre de récit mettait en lumière son manque d’initiative personnelle lorsqu’il s’agissait de profiter de la vie en dehors de sa propre carrière et la brunette commençait doucement à s’en rendre compte. « Dans tous les cas ça donne vraiment envie. Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai pris un jour de congé, alors carrément partir en voyage ça semble… » Improbable. « Il faudrait que je me décide, moi aussi. » Elle plongea ses lèvres dans son café, sachant qu’il était temps d’en venir au fait, de rentrer dans le vif du sujet, dans le pourquoi de sa présence alors qu’elle n’avait pas pris la peine de la prévenir de son arrivée au préalable. Autant de petites choses qui dénotaient de son comportement habituel et qui avaient probablement mis la puce à l’oreille de Diana – qui n’avait sans doute rien dit en attendant qu’elle le fasse d’elle-même, la prévenance étant une des nombreuses qualités que l’on pouvait prêter à la jeune astrophysicienne. Ce fut lorsqu’elle lui demanda de ses nouvelles qu’Hannah vit une ouverture, un moyen d’amener ce qui lui rongeait l’esprit depuis le jour où elle l’avait aperçue sans pouvoir trouver la moindre explication quant à sa présence en ces lieux, lors d’un tel évènement. Elle se lança et mentionna Ella, sa défunte amie, ainsi que la cérémonie auquel elle avait récemment assisté, avant d’ajouter qu’elle savait qu’elle ne lui apprenait rien puisqu’elle y était, elle aussi. Diana tiqua en entendant son prénom, signe qu’elle la connaissait – bien que cela n’ait plus rien d’étonnant, puisque personne n’allait rendre hommage à des inconnus, pas vrai ? et prétendit immédiatement ne pas voir de qui ou de quoi elle parlait. Hannah ne s’était pas attendue à une telle réaction, tout simplement parce que la brune n’était pas du genre à mentir. Jamais. Et là, elle s’était précipitée pour le faire, n’attendant même pas de comprendre là où elle voulait en venir, plongeant dans un gouffre de déni qui irrita profondément le médecin. « Hannah… » Le regard fuyant, la jeune femme ne semblait plus aussi à l’aise que quelques minutes auparavant, signe que la brune avait touché un point sensible. Si seulement elle pouvait savoir lequel, ça l’aiderait à trouver du sens à tout cela. Décidée à obtenir les informations qu’elle était venue chercher, Hannah lui demanda ce qu’elle faisait là et surtout, pourquoi elle faisait semblant de ne pas voir là où elle voulait en venir alors que ça crevait les yeux qu’elle savait de quoi elle parlait. Diana semblait être prise au piège, tremblant légèrement alors que sa respiration se faisait saccadée, comme si elle cédait peu à peu à la panique. C’était quoi ce bordel. Le médecin voulait des réponses, mais pour l’instant tout ce qu’elle obtenait, c’était davantage de questions. Finalement, Diana brisa le silence dans un souffle, laissant échapper un « Je suis désolée, mais ça ne te regarde pas, Hannah. » qui la crispa alors que sa mâchoire se contractait face à cette gifle qu’elle venait de lui asséner par ces paroles à la fois blessantes et dénuées de sens. Comment ça, ça ne la regardait pas ? Qui était-elle pour se permettre de lui dire une chose pareille ? Ella avait été une sœur pour elle, la personne de qui elle avait été la plus proche en dehors de ses vraies sœurs. Diana n’avait jamais fait partie de cet ensemble, alors il était évident que de comprendre ce qu’elle foutait à cette foutue cérémonie la regardait. Hannah fulminait intérieurement mais s’efforçait de conserver un calme apparent, même si ses yeux fusillaient la jeune astrophysicienne bien contre son gré. « Je te demande pardon ? » Cette phrase ne voulait rien dire, n’avait d’autre but que de lui permettre de rassembler ses pensées alors qu’elle dévisageait son amie, interdite. « J’étais bien à la commémoration. Ce n’est pas la peine de le nier, si tu m’y as vu. » C’était bien, on avançait. Elle ne s’amusait plus à nier la vérité brute, un vrai pas en avant. « La raison de ma présence en revanche, je la garde pour moi. » Elle releva enfin les yeux vers elle, comme si cette dernière phrase suffisait à mettre un point final à une conversation qui venait pourtant seulement de commencer. Hannah était perdue, à tel point qu’elle resta coite quelques secondes avant de reprendre la parole, tout simplement parce que rien de toute cela n’était logique. Son esprit cherchait à établir des liens, des concordances et des ramifications invisibles apparurent de partout, se liant entre elles avant de disparaître, faute de preuve tangible permettant de relier Ella et Diana. « Pourquoi ? Je connaissais Ella depuis toujours. Et elle, elle ne te connaissait pas, ça j’en suis certaine. » Lança-t-elle en fronçant les sourcils, désabusée face au mur qui se dressait lentement devant elle. « Il n’y a aucune raison à échapper à l’attention lors de ce genre d’évènement… » Elle réfléchissait à voix haute, cherchant à déceler les motivations de la brune. Pourquoi venir si c’était pour agir de cette façon ? Elle se pinça brièvement l’arête du nez, soufflant légèrement pour se débarrasser de la frustration qui était entrain de monter en elle. Les choses ne se passaient absolument pas comme prévu – si tant était qu’elle ait prévu quoique ce soit, toute cette situation tenait du délire pur et simple. « Tu l’as connue où ? » Commençons par le commencement, une question simple qui ne nécessitait pas d’explications douteuses. Hannah testait les limites, cherchait à voir ce que Diana serait prête à lui donner afin de ne pas la laisser complètement dans le flou, même si cela n’avait pas l’air d’être une priorité pour elle en ce moment.
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Si la conversation entre les deux jeunes femmes était restée agréable et cordiale jusque maintenant, elle était en train de prendre une toute autre tournure - une de celles qui ne plaisaient guère à Diana. Elle qui était heureuse de pouvoir revoir son amie après tant de temps passé à ne pas pouvoir prendre des nouvelles l’une de l’autre, la curiosité exacerbée dont elle faisait présentement preuve ne lui plaisait nullement, la rendant même mal à l’aise. Pourtant, elle avait fini par réussir à relever son regard et à l’ancrer à celui de Hannah, là où la plus grande peur qu’elle avait c’était que la jeune femme puisse tout comprendre en lisant à travers le fenêtres de son âme. Elle ne venait pas lui cacher la vérité par gaité de coeur, Diana, elle venait le faire car la peur rongeait tout le reste et qu’elle ne désirait pas replonger dans de tels souvenirs - pas aujourd’hui, pas avec Hannah, pas du tout si elle avait vraiment le choix. Alors, elle préférait garder tous ses souvenirs et toutes les raisons de sa présence lors de la commémoration pour elle, même si elle anticipait parfaitement la réaction que Hannah avait avoir à la suite du silence qu’elle maintenait présentement. « Pourquoi ? Je connaissais Ella depuis toujours. Et elle, elle ne te connaissait pas, ça j’en suis certaine. » Oh, elle ne savait à quel point elle avait raison, Hannah, aujourd’hui plus que n’importe quel autre jour qu’elles avaient pu passer ensemble. Ella ne connaissait en rien Diana, et ne la connaitrait jamais. Là était la plus déchirante des constatations. Le contraire n’était pas réciproque, en revanche, car depuis bien des années désormais Diana savait parfaitement qui était Ella. « Il n’y a aucune raison à échapper à l’attention lors de ce genre d’évènement… » Elle continuait de chercher le juste, de chercher la bonne raison, de comprendre le pourquoi du comment dans une situation que la jeune Rhodes elle-même ne maitrisait pas. Et elle s’en rapprocherait forcément, à un moment donné de la vérité. Hannah était intelligente et perspicace, elle finirait par comprendre la façon dont Diana pouvait être liée à celle qui fut une fois sa meilleure amie. Mais la brune ne désirait pas qu’elle apprenne la vérité de ses mots et de sa bouche - pas aujourd’hui, et pas un autre jour. « Tu l’as connue où ? » Le soupire qui vint s’échapper d’entre les lèvres de la jeune femme fut minimisé au dernier moment. Elle ne voulait pas rendre la situation entre Hannah et elle complètement sans dessus-dessous, elle voulait juste qu’elle arrête de lui poser ce genre de questions. « Qui t’a dit que je la connaissais ? » Elle mettait toute sa bonne volonté dans ses paroles pour qu’elles paraissent le plus juste possible. Et en même temps, elle ne disait pas tout à fait faux. Elle n’avait jamais mentionné connaître Ella, simplement avoué s’être rendue sur place pour la commémoration. Et il n’était pas tant étrange que ça de voir des personnes venir apporter leurs respects pour une personne défunte à une cérémonie où elles ne connaissaient pas la principale intéressée. Cela pouvait paraitre quelque peu étrange, certes, mais nombreuses étaient les personnes dans l’entourage - dont son entourage proche - de Diana à adopter ce genre d’attitude, sa grande soeur la première. C’était une façon de participer et de donner à la communauté. La seule chose qui clochait dans toute cette situation et dans les arguments qui se bataillaient dans la tête de Diana, c’était qu’elle ne faisait pas partie des personnes pour qui ce genre d’attitude était normale. Elle le savait, Hannah le savait, la terre entière devait également être au courant - et pourtant, c’était vers ce chemin là qu’elle fonçait tête baissée, préférant pour cette fois-ci s’enfoncer dans le mensonge plutôt que d’admettre la réalité. Admettre la défaite. « J’ai admis avoir été présente, pas connaître la jeune femme, Hannah. » Son ton restait plus calme qu’elle n’aurait pu imaginer, mais elle bouillonnait en son sein. Si son amie continuait sur ce chemin, la prochaine action que Diana prendrait serait d’attraper son sac et de partir d’ici au plus vite. « Et je t’ai dit, ça ne te regarde pas. » Elle désirait vraiment que la demoiselle saisisse l’importance de ces quelques mots. Diana n’était pas prête à s’ouvrir à elle, pas sur ce point. Peu de personnes pouvaient se vanter aujourd’hui de l'avoir entendu parler ouvertement de l’accident et de toutes les conséquences que ce dernier avait eu. En l’occurence, Hannah ne faisait pas partie de cette liste et le lien qui l’unissait à Ella ne permettait pas à Diana de s’ouvrir à l’idée de lui en parler un jour. Surtout lorsqu’elle adoptait aussi rapidement une position légèrement agressive envers elle.
Hannah se doutait que quelque chose ne tournait pas rond en se présentant à la porte de Diana à l’université, mais elle ne s’était pas imaginée un seul instant que la brune se montrerait autant sur la défensive. Pourtant, elle avait tenté d’amorcer le sujet en douceur en évitant de se montrer trop agressive ou invasive, mais tout ce qui touchait à Ella avait tendance à lui mettre les nerfs à vif et ce mystère n’arrangeait rien. Cela faisait des années mais à ses yeux et dans son cœur, cela aurait tout aussi bien pu être arrivé la veille tant la douleur était encore vive dans son esprit. Tout comme les images de ce soir là qui restaient désespérément nettes en dépit des années qui s’étaient écoulées depuis l’accident, ce qui n’aidait en rien la brune à faire le deuil de cet évènement qui l’avait marquée au fer rouge. Elle fixait donc son amie sans ciller, cherchant à obtenir des réponses à des questions qu’elle n’aurait jamais imaginées un jour lui poser et faisant face à un malaise auquel elle ne s’était pas préparé une seule seconde en faisant le chemin jusqu’à elle. Bien entendu, sa présence lors de la commémoration aurait probablement pu être expliquée de bien des façons, mais la réaction à chaud de l’astrophysicienne indiquait clairement qu’il y avait plus et cette réaction n’était pas au goût de la brune dont la curiosité avait atteint un point culminant. Elle continua donc à poser des questions, à tenter de faire craquer la brune en exposant des faits concrets, à savoir qu’elle connaissait Ella et qu’elle était convaincue que cette dernière n’avait aucun lien de près ou de loin avec Diana. Cette dernière soutenait désormais son regard et un soupir s’échappa de ses lèvres tandis que la brunette s’interrogeait désormais sur l’endroit où elles avaient pu se rencontrer – sans qu’elle soit au courant donc, puisque c’était la seule explication plausible. Les hypothèses fusaient dans tous les sens sans qu’aucune d’elle ne trouve grâce à ses yeux, surtout pas avec la tête que tirait désormais son amie en l’observant d’un air bien plus pâle que d’habitude. « Qui t’a dit que je la connaissais ? » Elle n’allait tout de même pas jouer à ça avec elle ? Hannah plissa les lèvres, se retenant de bondir en entendant ce qui lui semblait être de la mauvaise foi à l’état brut. « J’ai admis avoir été présente, pas connaître la jeune femme, Hannah. » Bien sûr. Les mains posées sur ses jambes, la brunette serrait les poings pour contenir son impulsivité et son envie de hausser le ton face au comportement improbable que lui servait Diana, elle qui était d’habitude si vivace et encline à la conversation. « Pour quelle autre raison tu te serais rendue sur place ? Et me sers pas le discours de la croyante dévouée à l’église, on a passé ce stade toi et moi. » Elles venaient de la même communauté, du même genre de famille et elles détonaient toutes les deux par leur esprit cartésien et leur passion pour la science. Se rendre là juste pour le principe et disparaître ensuite comme une voleuse, voilà qui exacerbait encore plus l’impression qu’elle s’enfonçait dans un mensonge inventé de toute pièce pour parer à la curiosité de la brunette, sauf que Hannah n’était pas n’importe qui et qu’au-delà du fait qu’elle connaissait Diana depuis des années, elle était aussi plutôt douée pour lire la personne qu’elle avait face à elle. Et en l’occurrence, son amie n’était pas dans son état normal. « Et je t’ai dit, ça ne te regarde pas. » La jeune femme se laissa retomber contre le dossier de sa chaise, passant une main lasse sur son visage avant d’observer un peu plus attentivement son interlocutrice, comprenant qu’elle n’avait sans doute pas adopté la bonne méthode en attaquant ainsi de front. Apparemment, le sujet était bien plus sensible qu’elle ne l’aurait pensé au premier abord et elle décida de prendre une grande inspiration et de reprendre à zéro. « Désolée. » Souffla-t-elle en reprenant peu à peu son calme, posant un regard peiné sur Diana ; elle ne tenait pas à la froisser ou à mettre en péril leur amitié pour ça, mais ces cachotteries avaient tendance à la rendre dingue. « C’est juste que je n’ai jamais vraiment réussi à passer au-dessus de ce qui lui est arrivé, et te voir là sans avoir la moindre explication logique m’a un peu fait perdre les pédales. » A peine.