Daniel avait énormément de mal à regarder Nathan dans les yeux maintenant. Il était gêné, honteux, et il ne lui fallut pas longtemps pour tourner immédiatement la tête et regarder ailleurs. Il aurait voulu que le médecin et l’infirmière restent ici, histoire que la situation soit moins embarrassante. Mais ces deux derniers finirent par quitter la pièce. Lorsqu’ils prirent congé, l’américain les suivit du regard et resta muet. Les paroles qu’il avait échangées la veille au soir avec Nathan lui revinrent en tête, et le malaise se mit à grandir en lui. Il ne savait plus quoi lui dire maintenant. Heureusement, ce n’était pas le cas de l’anglais qui engagea une conversation. Daniel n’avait pas l’intention de l’ignorer ou de l’envoyer balader, loin de là, il n’oserait jamais faire une chose pareille. Seulement, dépité par la situation et proche de la déprime, il se contenta d’hausser les épaules en baissant les yeux sur ses jambes. « T’inquiète, je peux bouger mes jambes… mais je préfère éviter, sinon je crois que je vais supplier pour qu’on me les arrache. » Immobile, la douleur restait supportable, il n’en était pas au point d’hurler à la mort ou de se tordre comme un martyr. Cependant, il savait qu’un simple geste faisait l’effet d’un poignard planté dans la chair. Il n’avait pas envie d’essayer pour l’instant, bien qu’il aurait voulu accélérer la guérison à sa manière. A peine quelques heures qu’il était dans cet état et c’était déjà un calvaire. Il savait que ça durerait longtemps, qu’il allait devoir supporter les soins jusqu’à ce qu’il craque. Mais il n’avait pas le choix s’il voulait marcher à nouveau.
Il hocha la tête aux recommandations de Nathan, et appuya son coude sur le bras du fauteuil, pour ensuite poser son front contre sa main. Il ferma les yeux et resta silencieux. Même d’être vu ainsi par son ami, ça le rendait malade. Il avait peur, il ne pouvait pas le nier, il était véritablement mort de trouille. Après deux à trois minutes de silence, Daniel se décida enfin à parler. « Je ne veux pas que mes parents me voient comme ça. » Il se pinça les lèvres et prit une inspiration, « Je ne veux pas voir ma mère pleurer, je ne veux pas qu’ils s’imaginent le pire et qu’ils commencent à penser à vivre avec un fils en fauteuil. Je ne veux pas leur pourrir l’existence. Si j’étais moins con, tout ça ne serait pas arrivé. » Il ouvrit des yeux larmoyants et regarda en direction de la fenêtre, les lèvres tremblantes. « Je n’ai jamais eu autant la trouille de ma vie. J’ai peur qu’on me vienne me voir et qu’on me dise un truc du genre ‘’Tout compte fait Monsieur Rainey, votre connerie est irrécupérable, vous allez passer le reste de votre vie à vous morfondre et à vous détester.’’ Putain j’ai l’impression que je ne me rends compte de mes erreurs une fois que c’est trop tard… Je… je suis un putain de poids pour tout le monde. » Il baissa la tête et retint un sanglot. Il porta une main à sa joue et essuya rapidement une larme qui glissait sur sa peau. « Tout ce que j’ai toujours entrepris ne m’a jamais mené à rien. J’ai toujours cru que je pourrais… vivre quelque chose d’extraordinaire un jour. Et la première fois que j’en ai eu l’occasion, elle est partie. » Il repensa à son ex petite amie, déménageant à l’autre bout des Etats-Unis en le laissant derrière. Il se pinça les lèvres et serra le bras du fauteuil entre ses doigts. « Et quand je pense faire quelque chose de bien, j’ai totalement tort. Ces fils de pute… si je n’avais pas ouvert ma gueule je n’en serais pas là. »
Il prit une profonde inspiration et rejeta légèrement la tête en arrière. Il n’arrivait plus à se retenir de pleurer maintenant, c’était trop tard. Que Nathan soit là ou pas, ça n’avait plus d’importance, il avait besoin de se lâcher une bonne fois pour toute, ne plus avoir peur du regard des gens. Au point où il en était, il ne pouvait pas se permettre d’avoir des exigences. « Je ne vois jamais mes parents, et la seule fois où j’en ai l’occasion, c’est pour qu’ils viennent s’occuper de moi. Je suis un pauvre connard… » Il leva les yeux vers Nathan, des yeux suppliants, un regard qui exprimait le désespoir et la détresse. « J’ai trop besoin de toi Nate… si t’étais pas là… putain ce serait pire. Promets moi de rester s’il te plaît… je… j’ai plus envie d’être seul… »
Okay. Si Daniel ne bouge pas ce n'est que parce qu'il aura trop mal sinon. Tant mieux. Je ne peux pas nier que ça me rassure plus que tout au monde. J'hoche doucement la tête, soupirant légèrement de soulagement et déglutis. « tant mieux Daniel, tant mieux ...» soufflais-je avant de lui donner le sachet de croissants fraichement acheté et lui poser d'autres questions. Questions auxquelles il ne répond pas. Non. Au lieu de répondre, il pose son front dans sa main et reste silencieux. Silence que je n'ose pas briser. Un silence pesant et presque insoutenable. Mais ce que Daniel dit ensuite, est sans doute pire ce silence.
Il ne veut pas ses parents le voient dans cet état. Il ne veut pas les inquiéter ou, pire, qu'ils pensent qu'ils vont devoir vivre avec un fils en fauteuil roulant. Je baisse brusquement les yeux, me sentant totalement concerné sur ce coup. Mais je ne dit rien, Daniel a besoin de parler, je ne vais pas le couper dans son élan. Il continue ensuite, la voix tremblante et le regard fuyant, qu'il a peur qu'on vienne lui annoncé que sa situation actuelle soit définitive, qu'elle ne s'arrangera plus jamais. Je déglutis et pince les lèvres, ne relevant le regard qu'une fois que mon ami ait dit être un poid pour tout le monde.
Je le vois être sur le point de craquer et ça m'enserre le coeur, me noue la gorge. Je vois une larme qui se fraye un chemin à travers ses paupières, très vite essuyé par le dos de sa main. Il m'annonce qu'il a toujours penser pouvoir faire un truc de bien, quelque chose d'extraordinaire, mais qu'au final ce n'était jamais le cas. Il se plaint ensuite d'être un pauvre connard car la seule fois où il voit ses parents c'est pour qu'ils s'occupent de lui. Puis, craquant finalement, il me regarde, le regard larmoyant, et me supplie de ne pas le quitter car il a besoin de moi.
Je me pince les lèvres, me mord l'intérieure de la joue et secoue la tête avant de m'avancer vers lui « Je t'ai fait une promesse et je la tiendrais, Daniel » soufflais-je avant de prendre une profonde inspiration « Mais je ... je te comprends. Je ne comprends que trop bien ce que tu ressens en ce moment même. Je ...» je me tais, réfléchissant au meilleur moyen d'aborder la chose « Je ne vais pas te donner mon cas pour un exemple; ce n'est surement pas ce que tu veux entendre » j'esquisse un léger sourire « Mais je sais ce que ça fais. Je sais ce que ça fait que de se sentir impuissant, horriblement chiant, d'être un putain de poids pour les autres, ne pas avoir envie qu'on nous voit dans cet état et ...» je baisse le regard « ....surtout avoir peur. La peur, ça me connait, vraiment.» je soupire doucement « la peur, la panique, la vraie, celle qui te prends aux tripes et qui t'empêches de pouvoir vivre ta vie comme tu le voudrais.»
Je relève enfin mon regard sur mon ami et me penche un peu vers lui « Mais dans tous les cas, je t'interdis une chose: ne dit plus jamais que tu est un poids pour quiconque, ok? » je l'observe longuement « Parce qu'entre moi le boulet et toi le poids, on ne va plus pouvoir s'en sortir » reprenais-je avec une touche d'humour avant de reprendre mon sérieux « Et tes parents t'accepterons. Ils sauront faire avec. certes, ce ne sera pas facile pour eux non plus, mais ils sauront gérer la situation. les mères peuvent sembler dévaster dans un premier temps, mais elles sont beaucoup plus forte qu'on ne le pense réellement » je pose une main sur son bras « Fait leur confiance. T'es leur fils, ce n'est pas maintenant, alors que tu as réellement besoin d'eux, qu'ils vont te lâcher et t'abandonner dans la nature, tu sais?» je lui offre un sourire qui se veut rassurant et lui caresse doucement le bras « Dans tous les cas, et quoi qu'il advienne, tu pourras compter sur moi. Tu peux m'appeller quand tu veux, Même à 2h du matin. Que ça aille, que ça n'aille pas ou si tu veux simplement discuter, tu m'appelles. Ok? Promet moi que tu le feras et que tu ne te morfonde pas » je pince les lèvres et me tais quelques instants avant de baisser le regard « Surtout ... surtout ne t'isole pas. C'est la pire des choses que tu puisses faire» je relève le regard sur Daniel « je t'en supplis, ne fait pas la même erreur que moi.»
Ca avait été plus fort que lui, il fallait qu’il craque une bonne fois pour toute. Le poids qui reposait sur ses épaules était bien trop lourd pour qu’il puisse le supporter indéfiniment. Cet accident avait été un élément déclencheur, comme la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Daniel était submergé par ses émotions et par tout ce qu’il gardait pour lui. Il avait toujours été ainsi, parce qu’il était persuadé que parler de ses problèmes n’arrangerait rien. Il pensait que ses proches se ficheraient de ses soucis et qu’ils oublieraient même de quoi il en retourne. Alors il se taisait. Il laissait les choses se tasser et s’accumuler pour que ça finisse par exploser. L’américain savait que ce n’était pas bon, pour lui comme pour les autres. Il pouvait en subir de lourdes conséquences et c’est ce qui était en train de se passer. Il avait l’impression que le monde s’écroulait autour de lui et qu’il n’allait jamais avoir la force de changer la donne. C’est pourquoi parler à Nathan lui faisait le plus grand bien, même s’il ne mâchait pas ses mots et pouvait être blessant. Il s’en rendit compte et se sentit encore plus minable que d’habitude. Les paroles de son ami se voulaient rassurantes et encourageantes. Daniel en prit compte mais ne parvenait pas à apercevoir la moindre lueur d’espoir dans son esprit. Tout était sombre et glacial, et même les caresses de l’anglais sur son bras ne lui donna pas l’once d’un frisson. Il essuya une énième larme sur sa joue à toute vitesse et baissa les yeux pour regarder le sol. Il avait honte, il se sentait misérablement petit, ridicule et faible.
« J’ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit, je déteste faire de la peine aux gens que j’aime, et c’est ce que je suis en train de faire. Mes parents sont dans cet avion, probablement en train de s’arracher les cheveux et je suis là, à attendre comme un pauvre gosse qu’ils arrivent. Pendant des semaines, ils vont devoir me supporter, et si j’apprends plus tard que c’est irréversible, ça me… ça me tuerait… » Il n’était pas seul dans cette situation, Nathan l’avait été bien avant lui. En se rendant compte de la maladresse de ses paroles, Daniel leva les yeux vers son ami et lui lança un regard suppliant en prenant un air accablé. Accablé par sa propre personne. « Et tu m’entends parler ? Je ne fais même pas gaffe à ce que je dis, je dois terriblement te blesser, je… je suis tellement désolé… » Il se mit à sangloter de plus belle et appuya sa tête sur sa main, les yeux dissimulés derrière ses doigts. Il tremblait, secoué par ses pleurs incessants et par ce sentiment d’impuissance. Il n’était pas habitué à se confier comme ça, et ça se ressentait dans sa façon de s’exprimer. Il était mauvais, et la sensation de malaise qui en résultait le dégoûtait. « Tu as déjà ta propre vie et tes problèmes, et je viens t’emmerder avec tout ça… » Il essuya ses joues et tourna la tête pour regarder par la fenêtre, comme si la lumière l’aiderait à apaiser ses sanglots. Il était fatigué, mentalement, de tout ça. Et dans quelques heures, il aurait à supporter les regards lourds et paniqués de ses parents, ceux qui seraient prêts à aller à l’autre bout du monde en rampant pour leur enfant. A cette pensée, Daniel sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Il était tellement reconnaissant de cet amour mais ne savait pas comment leur rendre. C’était une ligne qu’il ne parvenait pas à franchir. Il accumulait les mauvaises ondes, une à une, et se retrouvait totalement noyé dans ce torrent de colère, de tristesse et de désespoir.
« J’en ai marre de me dire à chaque fois que je n’aurais pas du faire ci, que je n’aurais pas du agir comme ça. Je m’en rends toujours compte quand le mal est fait. D’abord avec toi, et après avec… ça. » Il désigna ses jambes d’un léger signe de tête et ferma les yeux. Il s’en voulait toujours pour ce malaise qui s’était installé entre lui et Nathan, il s’en voudrait probablement toute sa vie. L’américain se pinça les lèvres et prit une profonde inspiration pour se calmer. « Mais il ne faut pas qu’ils me voient comme ça, non, il ne faut pas… » Il essuya une dernière fois son visage et souffla un grand coup en fermant les yeux. Il ne voulait pas que ses parents le voient pleurer, ils n’auraient pas besoin de ça. « Merci de m’avoir écouté… » dit-il timidement à l’adresse de Nathan, sans oser le regarder dans les yeux.
Je parle à Daniel. Je le rassure, lui explique deux trois choses, lui fait bien comprendre que je sais ce qu'il est entrain de vivre, que je comprends ce questionnement qui lui arrive. Mais c'est comme si je parlait à un mur. Mon ami n'est aucunement réceptif à mes paroles. J'ai même l'impression qu'il m'ignore. Pourquoi? Est-ce à cause de ce que je lui ait dit cette nuit, avant qu'on ne s'endorme? Sans doute. Je fais moi-même des efforts pour ne pas montrer ce malaise qui est en moi. Daniel n'a pas besoin de savoir ce que je ressens en ce moment même. Il n'a pas besoin de savoir qu'au final j'ai juste envie de partir parce que le voir dans cet état me tue. Mais je lui ai promi de rester, donc je reste.
Lorsqu'il reprend la parole c'est pour se plaindre encore. Je le comprends et je ne peux pas lui en vouloir pour ça. Et pourtant, ses paroles me blessent quelque part. Il dit de lui-même qu'il est un pauvre gosse et que s'il apprenait plus tard que sa situation sera irréversible ça le tuerait. Je me pince les lèvres et baisse le regard, réprimant des paroles qui ne seraient sans doute pas les bienvenues ici, dans cette situation. Alors je me contente de sourire doucement en secouant la tête lorsqu'il me dit que j'ai ma vie et mes problèmes et que ses paroles doivent sans doute me blesser. «Et tu as ta vie et tes problèmes. Les problèmes personnels sont toujours plus important. Peu importe si on les compare à ceux des autres, on pense toujours qu'on vie un putain d'enfer. Simplement parce que l'homme est, par nature, égoïste » j'hausse les épaules. « C'est une généralité ...»
Je soupire doucement et me recule, m'adossant contre le dossier de mon fauteuil avant de me passer une main dans les cheveux et reporter mon attention sur Daniel lorsqu'il reprend la parole. Il dit qu'il en a marre car il agit avant de réfléchir. D'abord avec moi puis avec ce qui s'est passé pour qu'il se retrouve dans cet état. Je soupire doucement « Arrête un peu tes conneries Daniel. » finissais-je par dire sur un ton plus dur que les autres « C'est MOI qui ait fait le premier pas, ok? Moi et moi seul, suis l'acteur de cette merde » je déglutis «Tu … tu m'as peut-être lancé ce défis mais … putain Daniel, j'aurais put ne pas vouloir le relever. Tu m'as laissé le choix ! Tu ...» je baisse le regard « Nous avons tous les deux notre part de responsabilité là-dedans, et tu le sais aussi bien que moi. Alors ne prends pas tout sur toi, tu veux bien » reprenais-je en me passant les mains sur les cuisses.
Lorsque Daniel dit que ses parents n'ont pas le droit le voir ainsi avant qu'il ne me remercie, j'hausse les épaules, reprenant un air plus doux « C'est rien, c'est normal. Tu ferais pareil avec moi et tu le sais bien » je lui souris tendrement puis pose les croissants sur ses genoux «Allez mange. Force toi à manger, parce que ce n'est que comme ça que tu peux rependre des forces. Comme ça et sans brûler les étapes, ok? Ne te sur estime pas. C'est sans doute le pire truc à faire, ça » je lui sors un croissant du sachet et le lui four dans les mains
C’était ça, les mots étaient parfaitement trouvés. Daniel agissait en pur égoïste. Et il en avait parfaitement conscience, après avoir passé toutes ces années à se préoccuper des autres plutôt que de lui-même. Il se remettait méchamment en question, se demandait s’il était digne de ce qu’on pouvait dire de lui. Tous ses proches l’avaient toujours vu comme un garçon adorable et serviable, quelqu’un qui n’hésite pas à se sacrifier pour les autres et faire en sorte que tout son petit monde soit heureux avant tout. Ce n’était plus le cas maintenant , Danny en avait assez de songer à tout ça et avait envie, rien qu’une fois, de penser à sa petite personne. Cependant, il avait de la peine pour ses parents et ne pouvait s’empêcher de n’imaginer le mal qu’il leur infligeait à l’heure. Il ne savait pas l’heure qu’il était, mais même s’il ne voulait pas que sa mère et son père le voient dans ce si piteux état, il n’avait qu’une hâte, c’était se réconforter dans leurs bras. Ce n’était plus qu’une question d’heures, aussi peu soient-elles. Au fond c’était un soulagement, le cœur de l’américain s’apaisait doucement à cette idée. La situation entre lui et Nathan était d’autant plus tendu maintenant qu’il avait parlé ouvertement. Le ton de l’anglais devint plus ferme lorsqu’il en vint à parler de leur situation à tous les deux. Daniel fut d’ailleurs surprit de ce changement vers son ami et le regarda un long moment, muet comme une carpe. Il n’osait plus dire quoi que ce soit à ce sujet, mieux valait tout oublier maintenant. L’idée en question était la meilleure qu’il avait. Il se contenta d’hocher la tête et baissa immédiatement les yeux pour ne plus avoir à croiser le regard de Nathan.
Il lui mit un croissant entre les mains. Danny avait l’estomac beaucoup trop noué pour avaler quoi que ce soit, mais il n’avait pas le choix. Alors, les yeux rivés sur la viennoiserie, il soupira et en arracha un morceau pour le fourrer dans sa bouche. Il devait manger, c’est sûr, sinon il n’irait pas mieux. La fatigue revenait petit à petit, toutes ses émotions l’avaient épuisé. Il avait envie de dormir, qui plus est, il aurait voulu dormir jusqu’à ce qu’il soit complètement guéri, ça aurait été beaucoup moins difficile à supporter. Il termina son croissant sans broncher, bien que ça lui prit presque une bonne dizaine de minutes. Chaque bouchée était un supplice et il avait l’impression que son estomac menaçait de tout rejeter d’un instant à l’autre. Il était juste tourmenté, rien de grave. Il se montait la tête pour trois fois rien.
La porte de la chambre s’ouvrit brusquement. Si Daniel avait été plus vivace d’esprit, il aurait probablement sursauté, mais pas là. Il avait les yeux rivés sur ses mains, dont il enlevait les quelques miettes de croissant. « Mon Dieu… Danny… » Il tourna aussitôt la tête à l’entente de cette voix plus que familière. Dans l’encadrement de la porte se trouvait la femme de sa vie, la seule et unique : sa mère. Son père était juste derrière, et tous deux affichaient des visages horrifiées. La femme explosa en sanglots en une seconde et se précipita vers son fils, sans oser le toucher de trop. Elle prit cependant le visage de son enfant et le colla contre son ventre sans cesser de pleurer. Daniel ferma les yeux et resta immobile, le corps immédiatement relaxé par ce contact maternel qui lui avait tant manqué. Ses bras entourèrent la taille de sa mère, qu’il serra contre lui. Son père restait derrière, sa veste à la main, et paraissait semblable à une statue de sel, incapable de faire quoi que ce soit. Il regarda son fils de haut en bas, les lèvres tremblantes. On devinait presque qu’il serrait les dents de rage. « Mon bébé… mon Danny… » murmura la femme en caressant les cheveux de son enfant. Ce dernier leva le visage vers elle, et ne put lui offrir qu’un sourire triste. Il prit sa main dans la sienne. « Je pensais que vous n’arriviez que ce soir… » Le père s’avança d’un pas et s’agenouilla près du fauteuil. « On vient d’arriver, on a été aussi rapide que possible. » Daniel lui adressa un regard reconnaissant, puis essuya une larme qui commençait à naître au coin de son œil. Il désigna immédiatement Nathan d’un geste de la main. « Papa, maman, je vous présente Nathan. C’est un… très bon ami à moi. » dit-il en regardant l’intéressé dans les yeux. « Nate, mes parents, Bruce et Annie. » Le père fut le premier à réagir et tendit la main pour serrer celle de l’anglais. « Enchanté Nathan. » « Merci d’être là pour mon fils… » enchaîna Annie en allant lui serrer la main à son tour. Daniel ne lâchait pas son ami du regard, en silence.
En répondant cette fois ci à Daniel, je suis plus dur et je ne mâche pas autant les mots qu'avant. Certes, je ne lui dit pas le fond de ma pensée et je reste gentil dans mes paroles, mais je perds un peu de mon calme, essayant ainsi de bien lui faire comprendre qu'il doit arrêter de dire des conneries et se mettre tout à dos. Ce n'est pas vrai, nous avons tous les deux mal agis, donc chacun à sa part de responsabilité. Je fini par lui fourer un croissant dans les mains et l'oblige à manger. Silencieux, je l'observe finir le croissant. Il met du temps, mais il y parvient, bien que je remarque que chaque bouchée soit un réel supplice.
Mais, alors que je voulais faire un commentaire sur la fin de son croissant et le déliciter d'avoir tout manger, la porte s'ouvre brusquement et en grand. Vivement, je me retourne et mon regard tombe sur un homme et une femme. La femme éclate en sanglot et court vers Danny. J'attrape mes roues et me recule, restant en retrait pour leur laisser tout l'espace nécessaire afin de faire des retrouvailles en bonne et due forme. Car je pense bien qu'il s'agisse là des parents de Daniel. Vu comment la femme le prends dans ses bras et comment mon ami parvient à ses détendre, se blotissant contre elle. Je souris, attendris par la scène, un léger pincement au cœur. Ma propre mère a aussi bien souvent réagit comme ça et je sais que l'amour maternelle est bien plus relaxant que tout autre chose.
Je laisse donc les Rainey se retrouver, m'effaçant un peu plus et restant silencieux. Je regarde autour de moi et ce n'est que lorsque Daniel prononce mes prénoms afin de me présenter, que je reporte mon attention sur la famille. J'affiche un sourir polie lorsque le père me sert la mains, disant être enchanté de me connaître « Moi de même, M. Rainey» disais-je. C'est ensuite autour de la mère de venir me serrer la main, disant, elle, être contente que je sois là pour son fils. Je lance un coup d'oeil vers mon ami, croise son regard et lui souris doucement avant de reporter mon regard sur Annie « C'est tout à fait normal, vous savez » j'hausse les épaules «je … j'ai été celui qui a été appellé en premier lorsque Danny est entré ici » expliquais-je en gardant mon regard levé sur la mère « Et je suis directement venu. Sans me poser de questions et sans hésité. C'est ma cousine qui m'a conduite et … enfin elle est partie, elle n'est pas resté longtemps » je désigne le lit « J'ai dormi ici la nuit dernière, mais je vous laisse la place cette nuit. »
Sourire éternel sur les lèvres, j'hausse les épaules et lance un coup d'oeil au père qui semble totalement tendu et carrément énervé. Inquiétude? Envie de vengeance sur les gens qui ont fait ça à leur fils? Je n'en sais trop rien. Sans doute les deux. J'espère simplement qu'il ne va rien faire de mal. Je me tourne vers mon ami « D'ailleurs, Danny... si tu me files les clefs de ton appartement je vais aller nourrir tes chiens. Et éventuellement les sortir un à un. Enfin si tu veux » je ne sais pas ce qu'il en est de ses parent, s'ils aiment bien les chiens ou s'ils en ont peur, mais dans tous les cas moi je les connais donc il n'y aura pas de soucis de ce côté là. D'autant plus qu'un rottweiler, un terre neuve et un bosseron ne sont pas vraiment le genre de chien qui sont très rassurant au premier abord. Bien qu'eux soient les chiens les plus adorable de la planête, l'être humain à un tellement gros apriorie sur ces races que s'en est désolant.
Et même si Daniel aurait préféré que ses parents ne le voient pas dans cet état, il était maintenant bien heureux de les avoir à ses côtés. Sa mère et ses étreintes, son père et son esprit vivace. Il sentait que ce dernier bouillonnait de rage. S’il restait ici trop longtemps, il allait sûrement s’en prendre au personnel médical. Son regard à la vue de son fils en fauteuil l’avait déjà mit en colère, à l’instar de sa femme qui était morte de chagrin. Elle ne pouvait réprimer ses larmes et ne voulait maintenant plus lâcher son enfant, ce petit être qu’elle avait mit au monde. Pendant un instant, Danny avait l’impression de retourner en arrière, il avait eu droit à la même scène lorsqu’il rentrait le soir et s’était fait malmené par ses camarades de classe. C’était pareil, et revivre cet instant lui faisait mal mais le rendait nostalgique à la fois. Ils étaient tout deux élégamment habillés, manifestement ils n’étaient pas en train de se la couler douce à la maison lorsqu’ils avaient mit au courant. Ils n’avaient pas prit le temps de se changer. Une preuve supplémentaire comme quoi la situation avait été trop alarmante pour eux pour s’attarder sur des détails. Ils saluèrent Nathan, et le remercièrent. L’américain ne quittait pas son ami des yeux et l’écoutait parler.
Il proposa d’aller s’occuper de ses chiens. A l’évocation de ses bêtes, Daniel se sentit mal, il aurait donné n’importe quoi pour les voir. Cependant, il secoua la tête. « Non, mes parents vont s’en occuper, pas vrai ? » demanda-t-il en levant les yeux vers sa mère. Le couple échangea un regard gêné. « On va rester avec toi, tu as besoin… » « J’ai besoin de repos. » coupa-t-il d’une voix douce. « En attendant, vous prenez les clés de mon appartement et vous allez dormir chez moi. Il faudrait sortir mes chiens et les nourrir, une journée entière enfermés, ils vont devenir fous. » Seul le père hocha la tête pour approuver. Annie, quant à elle, paraissait plus qu’indécise. Elle caressa les cheveux de son fils. « Et puis il faut passer à ma boutique, vérifier que tout va bien et laisser un écriteau pour dire que… je n’ouvrirais pas avant un moment. » Il allait être en difficulté niveau argent pour les prochaines semaines, et cette simple idée le mit en colère. Tout reposait sur ses ventes, et il n’allait pas pouvoir tenir la boutique avant un bon moment. Mais la conversation n’allait pas tourner sur ça. Annie s’agenouilla devant son fils, et lui caressa délicatement le visage, frôlant à peine les parties tuméfiées par les coups. Et, dans un sanglot, la voix tremblante, elle dit « Qui t’a fait ça mon bébé… » Son mari se mit à faire les cent pas dans la pièce le poing serré, et prenait de profondes inspirations. Daniel se retint de ne pas pleurer à son tour, il ne fallait pas infliger ça à sa mère. Sans crier gare, l’homme de la famille quitta la chambre. Danny savait d’office ce que son père avait en tête : tout savoir sur la situation de son fils, comprendre ce qu’il allait endurer, et ça n’allait pas améliorer son humeur. « Il va encore s’énerver… » La femme haussa les épaules et essuya ses larmes. « Tu connais ton père. » Elle se retourna vers Nathan, et se leva en lui faisant face, un sourire gratifiant et triste aux lèvres, tandis qu’elle prenait la main de l’anglais entre les siennes. « Merci infiniment… merci d’être venu aussi vite pour lui, c’est… je ne sais pas comment vous remercier. » Daniel observa la scène sans parler. A peine quelques secondes après, il entendit la voix de son père résonner dans les couloirs. Ca y est, il s’énervait. L’américain se pinça les lèvres en regardant la porte et se tourna vers sa mère. « Maman, vous feriez bien d’y aller. Prenez mes affaires et allez à mon appart, s’il te plaît… » Elle n’avait pas lâché Nathan du regard, cette femme, beaucoup trop reconnaissante, se sentait redevable. « Maman. » Elle se tourna légèrement vers Daniel, et hocha tristement la tête. Il avait envie d’être seul maintenant, et même s’il avait beaucoup de choses à dire à ses parents, il n’aurait pas la force d’entretenir une longue conversation pour l’instant. « Nathan, est-ce qu’on peut vous raccompagner ? Je pense qu’on vous doit bien ça, si ce n’est plus… » Daniel détourna le regard vers la fenêtre et passa une main dans ses cheveux. Oui, même lui en devait beaucoup à ce garçon, et il était incapable de savoir comment lui rendre la pareille, pas après toutes ces choses qu’il avait dit, maladroit, et aussi cruelles pouvaient-elles être.
Daniel refute clairement ma proposition de m'occuper de ses chiens. Est-ce parce qu'il pense que je ne peut pas m'en occupé parce que je ne suis pas comme lui? Je n'en sais rien. A vrai dire, je ne pense pas que la décision de mon ami ait un quelconque rapport avec mon handicap. Il est bien le premier à ne pas me juger là dessus. Il sait de quoi je suis capable et me laisse bien souvent gérer seul de nombreuses situations. Donc je n'ai pas à prendre mal sa décision. J'hoche la tête lorsqu'il me dit que ce seront ses parents qui s'en occuperont. D'ailleurs, Daniel leur ordonne calmement de partir car il a besoin de repos. C'est là que son père sort de la chambre. A peine deux minutes plus tard, sa voix retentie dans tout le couloir. C'est donc ça, un père impulsif. Le mien ne l'était pas. Il était toujours horriblement calme et c'était bien ça le problème parfois. Enfin, n'en parlons pas. Je relève finalement le regard vers Annie qui me remercie encore d'être venue aussi rapidement au près de Daniel avant de me demander si elle peut me ramener chez ma cousine.
Je lance un coup d'oeil à mon ami et remarque bien à son air qu'il souhaite rester seul. Je ne peux que trop bien le comprendre. Alors j'hoche la tête et sourit à Annie « Ce serait vraiment génial si vous pouviez me ramener chez ma cousine » souriais-je. La mère de Danny hoche la tête puis va embrasser son fils, attrape sa veste, retourne l'embrasser puis sort de la chambre. Moi, je m'avance vers Daniel et pose une main sur son bras « Tu te rappelle de ce que je t'ai dit? Tu m'appelle quand tu veux. Même à 2h du matin. Compris?» je me penche en avant et dépose un léger baiser sur sa joue « Je reviens demain, promis » je lui caresse un instant le bras puis lui souris et sort de la chambre, refermant la porte derrière moi.
Anni et Bruce me conduisent chez ma cousine, je monte jusqu'à son appartement, y entre et va directement dans ma chambre en ignorant Madison. Une fois la porte fermée derrière moi, c'est à mon tour de craqué. Je pleurs jusqu'à ce que ma cousine force l'entrée dans ma chambre et que je lui explique la situation.