L’alcool ne fait plus vraiment effet, il savait qu’il aurait dû prendre sa flasque avec lui. Mais il ne voulait pas montrer dans quel état il était vraiment à son frère. Il ne sait pas pour Chloe, il ne sait pas pour Lola, il ne sait pas pour l’alcool ni pour les premiers essaies de drogue. Et ce ne sont pas des mensonges, parce qu’il ne ment jamais Yelahiah, mais il évite juste quelques sujets. Zeke est déjà bien assez inquiet, il le voit, il le sent. Il ne peut pas tout lui dire, il lui dira un jour, mais pas aujourd’hui. C’est trop tôt, trop à vif. Alors il explique juste qu’il a perdu son job, qu’il va devoir changer de vie parce que celle qu’il a imaginé n’est plus réalisable. Et même si il est borné Yelahiah, il ne veut pas aller en prison, avoir un casier plus important que ce qu’il a déjà. Alors il va essayer de dire adieu à tout ça, même si c’est terriblement étrange, et qu’il n’a pas encore réussi à voir la vérité en face. “Ouais j’en ai du temps maintenant.” Trop de temps seul, trop de temps tout court pour réfléchir et laisser ses pensées aller sans pouvoir les contrôler. “Ah Ah Ah” il le regarde en levant les yeux au ciel. “Un café, noir.” Sans whisky à l’intérieur et là il pourrait presque être triste tellement il a pris l’habitude d’en mettre chez lui depuis quelques jours. Il entre dans cette maison qui n’a jamais été vraiment chez lui, mais il va rester un peu, au moins la journée. Il se tourne vers Zeke en haussant un sourcil, jamais de la vie il portera les pulls que fait sa mère. Quelle horreur. “Elle est trop occupée à fabriquer tes affaires.” Mais il sait que si sa mère a décidé de lui faire un pull elle le fera. Et le pull trainera dans son placard ou dans celui de Zeke jusqu’à la fin des temps. “Ils piquent ses pulls en plus.”

Yele ne venait jamais jusqu'à la ferme à moins que c'était une obligation expresse. Apparemment, sa vie s'écroulait et il n'y avait que dans ces moments là qu'il pouvait oser une visite de courtoisie dans la région. Zeke était toujours heureux de le voir, lui qui se drapait das sa solitude depuis des mois pour tenir à flot le business familial alors qu'il y avait sûrement beaucoup mieux à faire que de rester dans ces contrées sauvages, surtout à son âge. Le grand Blythe aurait dû être en train de se construire son propre avenir plutôt que de bâtir le tout sur un héritage bancal et qui n'apporterait strictement rien aux générations futures de la famille, s'il y en avait. A ce sujet, ils étaient sûrement mal barrés vu qu'aucun des deux bruns n'avaient ramené une fille à la maison pour des présentations officielles et Zeke ne parlait de toute manière jamais de tout cela, encore moins à ses parents. Peut être qu'avec son frère, il aurait pu mais ils étaient tellement différents et ils n'avaient clairement pas le même mode de vie ce qui handicapait la conversation très souvent. Alors, le fermier prépare le café noir de son cadet dans le plu grand des silences, fait non rare, au contraire même. Il finit par s'asseoir en face de Yele en lui tendant sa boisson, l'observant sans rien dire, ignorant ses remarques sur le tricot de leur mère, même s'il ne put s'empêcher d'en rire une seconde ou deux. "En parlant de maman... J'voulais pas te saouler avec ça mais... C'est compliqué à la ferme. Pour papa. Il a arrêté de travailler." Il n'avait rien dit et ne savait pas tellement comment annoncer la nouvelle à son petit frère pour être honnête. Il était hors de question que Yelahiah revienne dans le coin par pitié, surtout pas. "Il est malade." Unique information donnée mais qui déchirait déjà bien trop le coeur de l'aîné qui se cachait dans la dégustation de son propre café pour avaler la pilule parce que rien n'était officiel, aucun diagnostic n'avait établi... Et pourtant, Ezechiel savait.

Il est resté sans trop bouger pendant un long moment Yele. Il a donné quelques détails à son frère, mais il ne lui parle pas de tout. Il parle rarement de tout aux gens. Et il passe sous silence une bonne partie de ce qu’il s’est passé avec Chloe, il ne sait pas non plus que c’est en partie à cause d’elle qu’il en est là. Bon, c’est surtout à cause de lui en réalité, mais il faut bien rejeter la faute sur quelqu’un d’extérieur. Et toute la haine qu’il a en banque, il l’envoie sur la jeune femme qu’il a eu le malheur d’aimer pendant bien trop longtemps. Mais il parle un peu à son frère, et Zeke parle beaucoup contrairement à ses habitudes. Il n’a jamais été très friand des mots le grand frère Blythe. Alors Yelahiah l’écoute même si rien ni personne ne pourrait vraiment lui remonter le moral. Il est là pour une pause, pour prendre un peu l’air avant de retrouver le bruit du centre ville. Parce que, la nature, ça n’a jamais été le domaine de Yelahiah, c’est toujours ce qu’il a cherché à éviter.

Et le sujet passe alors que son frère lui fait comprendre que tout va bien aller, que tout finira par s’arranger et que Yelahiah trouvera un nouveau domaine pour être le plus fort. Il trouvera certainement un jour, mais pour le moment, il a juste envie de chuter, longtemps, et très profondément. L’alcool et le poker l’aident beaucoup d’ailleurs. Leur père a arrêté de travailler et Yelahiah fronce les sourcils. Il n’a jamais été proche de ses parents, mais il sait que son père est un peu comme Ezechiel, il vit pour son travail. Et il le connait le visage de Zeke, il va lui annoncer une mauvaise nouvelle. Une de plus, comme si sa vie n’était pas déjà assez compliquée comme ça. “Il a quoi ?” Le visage de Yele ne laisse que rarement transparaître les émotions, et là, c’est le cas. Il est froid, et distant. “Tu gères tout ici du coup ?” Et même si le jeune homme a besoin d’un travail, il ne restera jamais à la ferme. Pour rien au monde il travaillerait dans cet endroit.

Il n'y avait plus rien à dire sur la descente aux enfers programmée du cadet Blythe, même si Ezechiel avait quelque peu envie de lui hurler dessus pour qu'il se reprenne. La raison était simple: il était celui qui réussissait absolument tout dans la famille quand Zeke était l'échec répété. Tout le monde avait besoin d'un grand Yele, l'homme capable de gérer n'importe quelle situation parce qu'il avait l'ambition la plus folle de la région. On parlait tout de même de l'adolescent qui avait tout quitté du jour au lendemain pour son rêve de médecine et directement, il avait su qu'il désirait être le numéro un quand Ezechiel s'était toujours conforté dans sa position de bon dernier. Le temps n'avait rien changé, pas du côté du grand brun, en tout cas, qui ne savait plus quoi dire ni quoi faire pour améliorer la situation des Blythe. Comme si une solution miracle existait. Ce n'était pas le cas, pas alors qu'il osait enfin avouer à Yelahiah la tragédie qui se préparait depuis un long moment au sein de la famille. En face de lui, aucune réaction, pas plus d'émotion, Yele n'en avait jamais vraiment montré lorsqu'il était question de ses parents et parfois, ce fait effrayait Zeke. Ils avaient tout sacrifié pour leur cadet, dépensant toutes leurs économies pour qu'il ait la meilleure éducation. Les Blythe n'avaient aucune vie en dehors de l'ambition de leur fils et il n'y avait eu aucun échange par rapport à tous ces sacrifices répétés. "Parkinson. Il refuse un diagnostic et des soins." Alors, Zeke restait en charge de tout le domaine, se tuant avec ses deux boulots, tout en entretenant sa passion pour le bois. Il n'avait plus aucun reste d'existence en dehors de cela et si le concept le tenait debout, le bonheur lui échappait peu à peu. "Depuis un an, oui. Et je te demande pas à ce que ça change." Yele détestait la ferme, alors, jamais l'aîné ne lui demanderait un tel sacrifice. "Remets toi sur pied, juste." C'était sa seule requête mais il ne savait pas si Yele en tiendrait compte. Zeke ne savait plus rien de son frère.

Il décide de se lever pour suivre son frère dans la boue. Il n’aime pas ça Yelahiah, il n’aime vraiment pas ce côté sale de la ferme et pourtant c’est là qu’il s’est réfugié au moment où il allait vraiment mal. Il aurait pu ne pas aller voir ses parents, juste passer en coup de vent pour parler quelques minutes à son frère avant de repartir. Mais il n’a pas vraiment envie de retrouver tout de suite la ville et tout ce qu’il a perdu. Alors il allonge un peu ce moment, et il se prépare à entrer dans la maison familiale quand Zeke l’arrête pour lui parler de quelque chose. Le père est malade, les mauvaises nouvelles s’enchaînent tous les jours.

“Pourquoi ça m’étonne pas ?” Yele donnerait tout pour la science, il a fait de longues études pour apprendre à soigner les gens comme son père. Mais son père préfère laisser empirer la chose dans sa ferme plutôt que d’essayer de guérir. “T’as pas essayé de le convaincre ?” Et maintenant Yele ne peut même plus s’occuper des soins. Il pourrait entrer là et obliger son père à se rendre à l’hôpital mais il n’en a même pas la force. Il soupire en se tournant vers Zeke avant d’entrer dans la maison. Il a peut-être “Depuis 1 an ?” Les yeux de Yelahiah s’arrondissent. “Pourquoi je suis pas au courant ? Pourquoi tu me l’as pas emmené à l’hôpital avant ?” Il y était il y a encore quelques semaines, il aurait pu faire quelque chose. Il aurait même pu juste venir à la ferme pour des diagnostic à domicile il aurait pu faire des tas de choses. “Ca va le faire, je gère.” Plus ça va moins il gère, mais ça, il ne se l’avoue même pas à lui-même encore. Et il pousse la porte de la ferme, suivi par Zeke.

Il ne voulait pas le signifier mais il en souffrait également, Zeke, de toute cette situation. Cela faisait des mois qu'il bataillait seul à la ferme et sa forme physique en pâtissait grandement. Il n'avait plus vraiment le temps de dormir entre ses deux emplois et les quelques heures qu'il se prenait pour pouvoir profiter pleinement de la grange la nuit. Le brun savait bien que ce n'était pas viable sur la durée mais il n'était pas quelqu'un qui se plaignait au premier orage: au contraire, Blythe s'accrochait et faisait tout ce qui était en son pouvoir pour soulever à bout de bras l'héritage familial, ou du moins ce qu'il en restait. Ezechiel savait qu'il était seul face à tout cela, que ce ne serait pas Yele qui maîtriserait une situation aussi tendue à la ferme, ou en tout cas, pas en restant aussi calme que son aîné. Zeke ne voulait pas braquer son père et dès que la conversation déviait sur son état de santé, le tempête le menaçait instantanément, il avait le caractère de son fils cadet plutôt que la patience à toute épreuve de Zeke. Alors, il n'avait pas insisté, s'était contenté de faire son travail en attendant que son géniteur réalise par lui-même qu'il ne pouvait pas continuer ainsi des années durant. "Je peux même pas lui en parler. Essaie et tu verras." La dispute qui s'en suivrait assurément tiendrait plus de la tragédie qu'autre chose car leur père avait encore toute sa tête et il détestait suffisamment la ville et ses médecins pour oser se diriger de lui-même vers un diagnostic. "Parce que t'étais pas là. Que papa aurait pas voulu que tu l'aides non plus. A quoi bon t'inquiéter pour rien? T'avais tes ambitions à accomplir, Yele." Zeke n'en avait pas alors c'était plus simple pour lui de se mettre de côté et de tout sacrifier pour la survie de la ferme, c'était même un plaisir incommensurable. "Faut que ça vienne de lui." Et pas d'eux, peu importe à quel point ils le désireraient. En tout cas, Zeke avait l'air abattu en tombant sur sa chaise et observant Yele faire semblant de tenir le coup face à tout cela. "Tu mens." Et c'était tout parce que là encore, ce n'était pas à Zeke de décider ce que Yele ferait ou désirerait à l'avenir. Il avait juste mal au coeur de voir son monde s'effondrer autour de lui et d'être aussi impuissant. Encore et toujours.

Il allait un tout petit mieux Yelahiah, il envisage même d’aller voir ses parents au moins pour l’après-midi. Jusqu’à ce qu’il ne puisse plus les supporter, et, des fois, ça arrive très rapidement. Il évite les coins où y’a trop de boue, à la campagne c’est difficile. C’est si calme ici, ça ferait presque peur si Zeke ne parlait pas dans son dos pour lui parler de leur père. Et il n’ose jamais rien dire Ezechiel, il n’a jamais rien dit aux parents quand Yele s’en foutait toujours de les contrarier. Il s’en fiche de contrarier les gens, même quand il s’agit de sa propre famille. “Tu sais que si je vais lui en parler on va crier tous les deux.” Il faut bien qu’il ressemble un peu à ses parents, et il est aussi têtu que son père. C’est épuisant les fermier, le père Blythe pense qu’il va bien alors qu’il est vraiment malade. Son cas est grave, et il risque de mourir à cause de son ego. C’est désespérant. “M’inquiéter pour rien ?” Il passe sa main sur le visage. “Parkinson c’est pas juste une tremblote qui passe au bout de quelques temps Zeke.” Et ça fait déjà un an que le diagnostic traîne. “Il va finir par mourir ou en hospice.” La voix de Yele est monotone, il garde ses réflexes de médecin même si il s’agit de son père. “Ca viendra jamais de lui.” Et si son état s’aggrave Yele pourrait s’en charger, il n’a pas l’habitude d’écouter les avis des autres, et si c’est pour son bien, il pourrait forcer son père. Ce que Zeke a été incapable de faire pendant 1 an. Il essaie de se concentrer sur sa famille pour une fois, il se fiche de son état. Dans sa tête il va toujours bien de toute manière. Il secoue la tête et s’apprête à entrer dans la maison mais quand son frère parle il se retourne. “Toi aussi.” Zeke aussi ment quand il dit qu’il va bien, que ça se passe bien à la ferme, juste pour pas l’inquiéter. Il ment Zeke, parce que Yele le voit à son visage qu’il est bien loin d’être au top de sa forme.

 

Ezechiel ne connaissait que trop bien sa dynamique familiale, même s'il ne la partageait pas tellement de son côté, lui qui s'éloignait toujours du moindre conflit. Il ressemblait bien plus à sa mère, celle qui se taisait, qui effaçait en allant faire d'autres activités avant de revenir plus serein. Zeke savait que son cadet n'était pas ainsi, ni son père d'ailleurs, alors entre eux, la dispute serait inévitable. Le brun se promettait de ne pas s'en mêler: après tout, il avait déjà caché un secret pour le bien de son père, il n'allait pas en plus prendre le parti d'un des deux hommes dans cette guerre qui commençait tout juste. Pour le moment, Blythe voulait juste que les affaires se tassent, que chacun prenne la mesure de ses choix et de ses mots avant que la situation ne dégénère. Ils étaient une famille après tout, un peu bancale certes, mais c'était la seule que Zeke avait et il n'avait pas spécialement envie d'en changer maintenant. "Je peux pas dire le contraire, mais c'est pas comme si j'allais pouvoir l'empêcher, non?" Zeke n'allait rien dire, il allait les laisser faire et s'occuper de ses affaires, habituel même si c'était un trait qui devait animer Yele de colère en vue de son impétuosité. "Mais c'est son choix, pas le mien. Je peux pas le forcer à faire quelque chose, j'ai essayé de lui parler et ça a rien donné, je vais pas l'amener de force chez un médecin... Je suis de toute façon bien trop fatigué pour ça." Le grand Blythe savait que ce n'était pas une maladie bénigne, il avait fait ses recherches en constatant les divers symptômes qui s'offraient à ses yeux et il n'avait pas franchement aimé ce qu'il avait trouvé. Il ne dit rien, sentant l'émotion le submerger face à la dernière réplique de Yele, évidemment qu'il mentait autant que son frère mais Zeke ne pouvait pas totalement l'assumer, pas quand la sûreté de toute la famille était en jeu s'il sombrait. "Peut être, mais qu'est-ce que je suis censé faire d'autre? Y a personne d'autre pour la ferme. Personne ici. Je suis tout seul alors faut que je continue." Pas pour lui, mais pour leurs parents. Ezechiel haussa les épaules en terminant son café, n'essayant pas de rendre la conversation plus agréable: de toute manière, il n'avait jamais su faire.

Zeke qui ne veut jamais froisser personne, qui reste calme et prend le blâme pour tout le monde. Il n’aime pas ça Yele, lui a toujours été l’inverse de ça. Ils sont les deux opposés. Et, des fois, le caractère de Zeke l’horripile bien plus que de raison. Il aurait dû forcer leur père, au moins appeler Yele pour qu’il le fasse à sa place si lui n’en était pas capable. Cette famille est épuisante, et totalement à côté de la plaque. “T’aurais pu m’appeler, moi je l’aurais obligé.” Mais maintenant, Yelahiah n’a plus le droit d’entrer dans un hôpital. Il ne peut pas trouver de place pour son père, il ne pourra pas s’occuper de ses soins et ça aussi ça l’énerve. “C’est pas parce que tu donnes ton avis, ou que tu forces papa à aller à l’hôpital que t’es le méchant. Au contraire.” Et sinon, Yele ça ne le dérangeait absolument pas de prendre le rôle du méchant. Il l’avait souvent fait face à son père. Ce ne serait ni la première ni la dernière fois. “Je t’aiderai pas à la ferme.” Parce que ça il n’a jamais su, voulu le faire. Et, même au plus mal, il ne veut pas passer son temps à moisir ici. C’est pas son monde la ferme, c’est pas bon ni pour lui ni pour sa famille qu’il reste là trop longtemps. “Pourquoi tu cherches pas quelqu’un ?” Y’a bien des gens comme lui qui sont capable de faire tout et n’importe quoi pour une ferme. Il pourrait chercher, il pourrait gérer cette ferme mieux que personne mais personne n’a envie que ça arrive. Ce qu’il en ferait ne plairait certainement pas à la famille Blythe. Donc il resterait éloigné de tout ça, même si son frère n’a pas l’air d’aller bien. Chacun doit gérer ses problèmes. “Tu tiendras pas comme ça.” Il le voit, à ses yeux, à la fatigue qui se lit sur son corps et son visage. Il n’a jamais été du genre à enjoliver les choses Yele, alors il reste honnête, surtout face à son frère.

Est-ce que Zeke avait envie de s'étendre sur ce genre de conversations bien trop sérieuses? Bien sûr que non, il n'était pas celui qui parlait. Le grand homme était en mesure d'écouter, pas forcément pour prodiguer des conseils en retour mais bien de tendre l'oreille et ne rien rétorquer, juste attendre que le sac était vidé. C'était ce qu'il avait fait un peu plus tôt avec son frère, ce cadet qui lui avait finalement révélé qu'il avait perdu sa place de chirurgien prodigue. Sa vie avait toujours tourné autour de cette ambition première et maintenant, tout était à refaire, non pas que tout cela concernait Ezechiel de toute évidence. Lui devait avant tout gérer la ferme, ses parents qui ne s'en sortaient plus avec grand chose et il était loin d'un résultat probant à ce sujet. Forcément, Yele avait un avis tranché sur la question mais les deux frères avaient tellement des caractères à l'opposé que leurs méthodes respectives ne pourraient jamais convenir à l'autre. Pourtant, ils auraient dû réfléchir ensemble à la solution idéale pour leur père mais Zeke n'aimait pas se mêler de ce qui ne le regardait pas et son géniteur lui avait fait comprendre qu'il était assez grand pour prendre ses décisions tout seul, autant dire que le grand brun n'avait pas cherché à insister, borné qu'il pouvait être le père Blythe des grands jours. "Fais le, alors. Oblige le." C'était sûrement à son tour de prendre la responsabilité du retour de bâtons qui allait clairement arriver avec cet homme là. Ezechiel se tut, sentant que la sentence allait vite tomber, Yele ayant toujours de quoi rebondir. "Je te l'ai pas demandé." C'était évident qu'ils étaient trop différents pour vivre en communion dans un endroit comme la ferme et Zeke avait pris ses marques depuis le temps, il s'était organisé tout seul aussi. "Faut que j'y réfléchisse. Parce que c'est sérieux, la ferme. On a plus un rond." Il ne pouvait pas la laisser tomber pourtant, mais qu'avait-il à proposer à un possible employé sans argent? "Au pire, je vendrai des meubles." L'idée ne lui plaisait que peu pour le moment mais Zeke n'allait pas tomber dans l'illégalité tout de même, si?

Il est venu là pour souffler Yele. Parce qu’il n’a plus l’impression d’être à sa place chez lui, quand son réveil sonne encore chaque matin alors qu’il ne va pas travailler. Quand son réveil sonne alors qu’il ne s’est même pas encore couché et qu’il a plus d’alcool que de sang dans son corps et qu’il s’écroule sur son lit pendant une bonne partie de la journée. Il est venu pour voir son frère, même pas ses parents. Il n’a jamais été proche de sa famille en général, sauf de son grand-frère. Mais il ne le montre pas Yele, il ne fait pas partie de ceux qui montrent leurs sentiments, ou qui en parlent. Et il fait avec Zeke, il n’a pas d’autre choix de toute manière.

Il s’apprêtait à rentrer dans la maison familiale, il allait passer un moment avec sa famille avant de retourner à se vraie vie remplie de chaos. Mais il faut que Zeke lui annonce que leur père est malade, et que Yele se rende compte que maintenant il ne peut même plus s’occuper de lui. “C’est toujours moi qui passe pour le méchant de toute façon.” Donc bien sûr qu’il va le faire, il va essayer du moins. Mais on peut dire que Yelahiah tient son côté borné et têtu de son père. Alors il risque de n’arriver à rien, de s’énerver, et de ne plus vouloir venir dans cette ferme qui n’est plus chez lui depuis un bout de temps maintenant. Il l’a pas demandé mais Yele continue de dire qu’il déteste ce genre d’endroit, il ne pourrait pas vivre ici, jamais. Il aspire à bien mieux. “Je peux t’aider pour les papiers ou les comptes.” Si ça touche à de la paperasse, à des calculs, il ne dit pas non Yelahiah. Mais il ne veut pas trop s’impliquer, ça a toujours été une perte de temps cette ferme à ses yeux. “Ca suffirait ?” Les sourcils de Yelahiah qui se froncent. Il ne savait même pas que son frère faisait encore des meubles. Il n’a jamais été ce genre de personne manuelle Yele, ils sont bien différents les deux enfants Blythe.  

Zeke n'avait aucune idée sur ce qui adviendrait de la ferme. Il avait juste conscience que les difficultés financières ne désenflaient pas ces derniers mois, la faute à la crise sûrement. En tout cas, le grand brun faisait tous les efforts du monde pour garder l'affaire à flot, sachant fort bien que la ferme était le travail de toute une vie pour son père. Heureusement, Ezechiel avait un sens profond su sacrifice, il ne savait pas faire autrement que laisser sa vie de côté pour que celle des autres devienne plus heureuse. Pourtant, il aurait dû arrêter d'agir ainsi depuis un moment vu comment l'humanité le remerciait au bout du compte... En le laissant derrière sans jamais avoir le moindre regret. Lui n'était pas capable d'agir ainsi, il aimait les autres beaucoup trop profondément, ou en tout cas, il donnait le meilleur de lui pour aboutir à ce résultat. Blythe n'avait jamais su faire autrement puisqu'il ne s'entendait pas franchement avec le concept de haine ou d'indifférence. Il ne voulait pas en arriver là vis à vis de la ferme en tout cas, ou vis à vis de l'existence étrange de son frère alors le grand brun ne préférait rien dire. Quelque part au fond de lui, il savait que Yele l'avait cherché ce désespoir, qu'il avait fauté mais ce n'était pas sa place de lui répéter, il n'aimait pas tout cela de toute manière. A la place, il haussa les épaules, sans savoir quoi dire concernant cette fameuse place du méchant que Yele prenait tout naturellement. Zeke se contenta de finir son café, se relevant de sa chaise avec un air contrit. "Maman m'aide avec ça. Elle lit et écrit pour moi, ça devrait aller pour le moment." En vérité, tout cela ne durerait pas trop longtemps mais Ezechiel ne voulait pas que Yele sacrifie de son temps pour son problème. "Je dois nourrir les animaux. Je suppose que tu me suivras pas." Il savait que son frère n'aimait pas se salir et il n'avait jamais été fan des êtres à quatre pattes qui se traînaient dans les enclos autour de la maison. Zeke, lui, s'avança vers la porte, sans beaucoup plus de cérémonie. Il n'avait jamais su faire dans le sentimentalisme, de toute manière.