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 (Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS

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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyVen 7 Fév 2020 - 16:00




MANY RIVER TO CROSS
J’aurais préféré qu’elle ne l’avoue jamais, sa possessivité. Le matin qui suivit cet révélation, je n’eus de cette de lui chercher une explication rationnelle et d’évaluer les conséquences qu’elle aurait sur moi. Je ne pouvais plus me cacher à présent. J’appréciais tout particulièrement que nous la partagions cette émotion. Je me sentais moins seul et moins con parce que si elle est réciproque, elle ne peut pas être si dangereuse qu’elle n’y paraît. Nous ne sommes pas bien différents Raelyn et moi. Nous ne croyons plus en l’amour. Il y a peu de chance pour qu’il frappe à notre porte et pourtant, les jours d’après, si je ne l’évitai pas vraiment, je balayai toute envie ou toute tentative de rapprochement physique. Je n’avais pas besoin que cette irrésistible blonde se transforme en habitude, une relation basée sur le sexe dont on est incapable de se passer. J’aurais pu, par prétention ou pour me rassurer, m’arranger pour devenir, moi aussi, un incontournable dans sa vie. Mais, pour y gagner quoi ? Quel serait le prix à payer également ? Je ne suis pas certain d’avoir l’énergie pour mener ce genre de combat. Ce serait lutter contre ses appréhensions pour la révolutionner. Mais est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle finalement ? Sarah occupe toujours une place prédominante dans ma vie. Pas de réconciliation à prévoir sur le long terme, mais pas de divorce non plus. Elle insiste parfois, au profit de sa vanité, mais elle n’y tient pas systématiquement où elle l’aurait gagnée, ma putain de signature. Je ne sais pas où j’en suis avec elle. Manigancer pour que Raelyn ne soit plus qu’à moi, rien qu’à moi, alors que je ne suis pas au clair dans ma relation avec Sarah, serait idiot, égoïste et monstrueux. Je refusais de me rabaisser en bassesse pour redorer le blason de mon ego. Je n’avais pas envie de lui faire ça non plus. Ainsi, debout sur un bout de trottoir, je pris la décision sage d’espacer nos relations si, d’aventures, nous tendions à remettre le couvert. Il lui suffit d’un battement de cil et, les jours d’après, de regards brûlants. Ce qui survint de temps en temps devint régulier, trop pour que je tienne des comptes précis. Mais, pourquoi donc a-t-il fallu que le destin me dote de cette faculté inouïe à balayer toutes les pensées qui m’encombrent – même lorsqu’elles sont proches du raisonnable – au profit d’une idée de merde ?  J’oubliai tout discernement sur le quai de gare avant d’embarquer. Résultat, je la cherche toujours du regard quand nous sommes au Club. Ses yeux croisent les miens souvent parce qu’elle en faisait de même. Nous avons baptisé presque tous les endroits possibles de notre lieu de travail… à se demander comment nous n’avons pas encore été surpris et il n’était pas rare que je me réveille à ses côtés sans que je ne fuie avant que le sommeil ne la quitte. . Moi, bien inconsciemment, je m’efforçais de ne pas nous imposer une routine qui me laisserait une sale impression. Et pourtant, cette soirée du mois de mars, alors qu’elle n’était pas là, je m’inquiétai pour elle.

Elle est toujours au Club, Raelyn, surtout lorsque le chef s’absente. Ce soir, il occupait son rôle, et incapable de me raisonner, je le questionnai sur ce que je qualifiais, avec exagération, de disparition. Il me grommela une réponse, inconsistante, peu convaincante et je tentai ma chance auprès d’Alec. Je le déteste, autant que son frère, mais aux grands maux, les grands remèdes. Il est légèrement plus bavard et enjoué que l’aîné. Toutefois, il me servit plus ou moins le même discours que ce dernier. Un truc louche et j’en fronce les sourcils, soucieux et suspicieux. Qu’est-ce qu’ils cachent exactement ? Qu’est-ce qui peut bien justifier leur comportement des plus étranges ? Aurais-je été de nature paranoïaque, si un seul de mes cheveux s’imaginait que Raelyn avait confié notre aventure à l’un de nous deux, j’aurais pu en déduire qu’elle m’évite et qu’elle essaie de se débarrasser de moi sans me faire de la peine. Quelle blague. Comme si je m’étais réellement attaché à elle en tant que personne et non pour ce qu’elle m’insuffle en souffle de vie. Franchement. Mauvais, bien que je ne jugeais pas cette hypothèse particulièrement cohérente, je commandai un verre à John et, je l’admets, je fus tenté de l’interroger. J’utilisais souvent son amour pour les ragots pour grappiller des informations à propos des employés du Club. Tout savoir, sur tout le monde, c’était la clé pour ne pas griller ma couverture. Je réprimai l’idée cependant, quoique je fus heureux qu’il n’ait jamais eu besoin d’être brûlé au fer rouge pour se mettre à table. « On respire mieux, pas vrai ? » s’enquit-il en déposant mon whisky sous mes yeux interloqués par cette remarque. « La reine des abeilles se retire dans sa ruche chaque année à la même époque. » ajouta-t-il, péremptoire, sans qu’il me soit nécessaire de le titiller. Je ne suis pas idiot, j’ai rapidement compris qu’il faisait allusion à l’objet de mon tracas, mais je jouai les innocents. « La reine des abeilles ? » « Miss Blackwell. On dit que ce n’est pas son jour préféré. Ça doit avoir un rapport avec son passé. Un truc en rapport avec la drogue à mon avis, genre sa première overdose. Si elle avait pu… » Il s’interrompt, mais son regard est éloquent. Il s’apprêtait à cracher son venin, ce qui avait le don de me foutre en rogne. Il n’avait pas digéré qu’elle prenne à partie Judith et qu’elle la vire, sans son consentement, outrepassant ses droits et l’autorité du petit journal du Club. « Si elle avait pu quoi ? » insistais-je, soucieux de découvrir s’il assumerait le fond de sa pensée. « Rien, laisse tomber. » conclut-il en s’éloignant, son torchon sur l’épaule, à la défaveur de ma curiosité.

Jamais elle ne fut plus envahissante. Aussi, je fouillai ma mémoire en quête d’un indice qui pourrait m’éclaire, qui m’aiderait à distinguer le vrai du faux parmi mes dépêches du soir. Je rembobinai le film de nos différentes rencontres, l’air pensif. Rassembler mes souvenirs, ceux rangés dans le coffre-fort de ma tête tout ce qui est susceptible de me toucher vraiment, n’est pas chose aisée. Sauf que, soudain, vint l’étincelle, une lueur, l’ébauche d’une supposition qui me paraît plus évidente que les autres. Dans la voiture, juste après son rendez-vous foireux avec un pauvre type, lorsque je lui confiai la douleur de l’absence sans pour autant rentrer dans les détails, quand mes pupilles se voilèrent de nostalgie, les siennes transpiraient d’empathie. Ça m’avait surpris parce que j’étais convaincu qu’elle était dépourvue de ce genre d’émotion et, aujourd’hui, j'ai la quasi-certitude que la réponse est là, dissimulée quelque part, dans un coin de son cœur blessé, comme le mien. Je ne sais pas qui lui manque. J’ignore également ce qui la tient éloignée de ces responsabilités, mais l’important n’est pas là. Ce qui compte, c’est que je n’ai pas envie de la laisser seule. Je n’ai pas envie de l’abandonner à son sort si, d’aventures, elle souffre autant que je ne l’imagine. Je me fous que ça soit anormal. Je me moque aussi que ma présence ne soit pas requise. Je ne suis animé que de bonnes intentions quand je quittai le Club pour la rejoindre. Je pense utile, pragmatique. Je dresse la liste mentale de tout ce que réclame pareils moments pour aider le temps à s’écouler plus vite : alcool, herbe, malbouffe et soutien. C’est ce que je m’apprête à lui offrir : une main secourable, une épaule, pas tant afin qu’elle s’y épanche, mais pour que sa solitude – je ne m’avance pas, ce fut son premier aveu -  la pèse moins si elle vit des moments difficiles. À aucun moment je n’envisageai que me présenter derrière sa porte l’importunerait et qu’elle aurait pu chasser. Je ne m’y préparai pas non plus, à cette éventualité, mais dès lors qu’elle apparut dans l'embrasure, les traits tirés, le regard éteint, les cheveux défaits et l’œil témoignant des prémices de son ivresse future, je ne m’imposai pas. Je lui ai simplement souri, sans compassion, mais d’un air engageant et j’ai agité devant son nez le sac de commissions qui pendait au bout de mon bras : « Ravitaillement. » ponctuais-je aussitôt d’un clin d’œil. « Je ne sais pas ce qui se passe. » Et, accessoirement, je n’essaierais pas de le découvrir. « Mais, je me suis dit que tu en aurais besoin. »
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Dernière édition par Amos Taylor le Ven 7 Fév 2020 - 18:52, édité 1 fois
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Raelyn Blackwell
Raelyn Blackwell
la muse des cauchemars
la muse des cauchemars
  
(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS 9OYzxwd Présent
ÂGE : 36 ans (23.12.1987) - capricorne ascendant scorpion
SURNOM : Raelyn est le prénom qu'elle s'est choisi, elle est née Rachel-Lynn.
STATUT : Son âme sœur est morte en prison : elle est veuve depuis le 16.07.2024. Micah a l'âge de poser des questions mais pas celui de comprendre la mort et, de toute façon, Raelyn est trop brisée pour répondre aux interrogations de sa fille.
MÉTIER : Boss du Club, la pègre de Brisbane, depuis février 2021. Propriétaire et gérante de l'Octopus, un Casino qui a ouvert ses portes en avril 2021. Baronne de la drogue, reine de la nuit et mère célibataire, une vie somme toute bien remplie.
LOGEMENT : Le loft du 721 Daisy Hill Road (Logan City) lui semble bien vide et froid maintenant qu'elle s'endort loin des bras de son époux.
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TW IN RP : Mention de drogues dures, violences verbales et physiques banalisées, banalisation du meurtre, menaces, univers de la pègre, misogynie, deuil, automutilation.
ORIENTATION : J'aime les beaux garçons.
PETIT PLUS : des nerfs d'acier et 1m55 de charisme, de magnétisme, d'implacabilité, de jalousie et de violence › accro à la cigarette, alcoolique à ses heures perdues, elle luttera toute sa vie contre son addiction à la cocaïne › opportuniste et prête à tout pour servir ses propres intérêts, elle possède une notion de bien et de mal particulière › longtemps volage, elle l'a été jusqu'à ce qu'elle tombe amoureuse d'Amos › récupère le contrôle du Club en février 2021, devenant le leader de l’organisation criminelle › fin janvier 2023, elle abat Lou Aberline, tuant de ses propres mains pour la première fois.
DISPONIBILITÉ RP : Je suis disponible pour RP
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maxyn #7 & sms ☆ i'm sick, yeah, i'm sick, and honestly, i'm getting high off it. your smoke in my hair hot and dirty like the l.a. air. that face, baby, it ain't fair, but you don't know what you don't know. oh, so you wanna talk about power ? oh, let me show you power. i eat boys like you for breakfast, one by one hung on my necklace. ☽ 1234567

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spencer #14 ☆ you know there's still a place for people like us, the same blood runs in every hand. take another walk out of your fake world, please put all the drugs out of your hand. you'll see that you can breathe without no back up, so much stuff you got to understand.

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danalyn #4 ☆ what brings you to the lost and found, dear ? won't you pull up a seat ? everybody got a price around here to play, make me an offer, what will it be ? welcome to the playground, follow me. tell me your nightmares and fantasies, sink into the wasteland underneath.

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RPs TERMINÉS : liste tenue à jour dans ma fiche de liens

― statistiques RP ―
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amelyn ☆ wasted in love, misunderstood, baby, it's harder to breathe when you're gone. so i hold in my hands pictures of you and dream of the day i was eating for two. all this love, i'm so choked up, i can feel you in my blood, i'm so scared to give you up. valentine, my decline is so much better with you. valentine, my decline, i'm always running to you. and i cover myself in tattoos of us, and dream of the day we embrace and combust. ☽ 123456789101112131415161718192021222324252627282930313233343536373839404142434445464748495051525354555657585960616263646566676869707172737475767778798081828384858687888990919293949596the end.

AVATAR : Lady Gaga
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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyVen 7 Fév 2020 - 17:50


Many rivers to cross
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS 873483867

Il ne s’agit pas de réaliser si quelque chose a changé ou non. Je suis assez clairvoyante pour m’en rendre compte, si je me décidais à ouvrir les yeux. L’heure n’est pas à parler d’attachement, ou de sentiments, parce que ce n’est pas le genre de lien qui nous unit, Amos et moi, mais c’est me voiler la face que de dire qu’il a la même place que n’importe quel autre pour moi. Le cap de la deuxième fois passé, il a emporté avec lui toute notre retenue. Durant le mois qui s’est écoulé j’ai partagé mon intimité avec lui bien plus souvent qu’avec n’importe qui et à de trop nombreuses reprises pour pouvoir en faire le compte. Glisser ma main dans la sienne après une longue soirée au Club pour l’entrainer avec moi vers de plus divertissants horizons est devenu une habitude, une que je ne contrôle même plus, au même titre que de lui voler des baisers au détour d’un couloir ou n’importe où, dès lors que j’ai la certitude que personne ne nous observe. Quand je me suis abandonnée à lui, je me suis convaincu que c’était le meilleur moyen pour qu’il cesse de m’observer. J’ai argumenté ma clairvoyance en lui expliquant que, si à chaque fois que je ressentais le besoin de le voir, de l’embrasser ou de le faire mien je m’y adonnais la frustration n’aurait lieu d’être, et qu’à partir de là il n’avait plus aucune raison d’être une obsession. Sauf qu’à trop l’avoir à mes côté j’ai toujours besoin de plus, et à ne jamais me le refuser chaque soir où je le veux sans pouvoir l’avoir me pousse à assouvir mes besoin dans les bras d’un autre. Je me sens conne, à me donner l’impression de remplir un manque. Je me sens conne à chercher son regard dès lors que je mets un pied au Club et à sentir mon sang me brûler lorsqu’une autre s’adresse à lui et encore plus lorsqu’il lui répond. Amos, je n’ai pas envie de le partager et si j’ai toujours été possessive, je sais bien que cela n’a rien à voir.

Mais aujourd’hui, ce n’est pas Amos qui occupe mes pensées, ce n’est pas mon besoin de me sentir proche de lui qui me taraude, c’est un bien autre mal. La date du 12 mars n’est pas ma favorite, tous les ans depuis 2008 je la redoute, je l’appréhende des jours avant durant, et le jour même je suis incapable de savoir comment je vais réagir. Parce que si la peine qui m’écrase tous les ans est la même, chaque année apporte son lot de nuances, et de réactions que je ne maîtrise pas. Parfois je me transforme en furie, souvent aidée par une certaine dose d’alcool, mais cette réaction-là s’est raréfiée avec les années. Non, le plus souvent à présent je me contente de m’assommer, de m’anesthésier de stupéfiant pour être incapable de penser, incapable de me rappeler de mon prénom, de mon histoire, et surtout du jour que nous sommes. Aaron est mort depuis douze ans aujourd’hui, et si j’étais  capable de réfléchir pendant cette journée je me détesterai pour cette douleur toujours aussi cuisante. Réussir à faire la paix avec ce triste anniversaire nécessiterait que j’ai fait mon deuil, mais ce n’est pas le cas, c’est évident, parce que j’ai toujours cherché à fuir. Sa sépulture, je ne m’y suis pas rendue depuis le jour où on l’y a enterré, parce que je n’en vois pas l’intérêt, parce que cela ne remuerait rien de positif et que cela ne le ramènerait pas.

Mourir change un homme. Surtout mourir de la sorte. Ceux sur lesquels tout le monde s’accordait pour dire qu’ils étaient de parfaits connards deviennent alors des saint, et si Aaron n’était ni l’un ni l’autre, j’ai idéalisé ce que nous avions anniversaire après anniversaire. Je l’ai idéalisé à chaque fois que je me suis retrouvée dans les bras d’un autre, et je continue à le faire à chaque fois que mes yeux se posent sur cette photo qui ne m’a jamais autant oppressée qu’aujourd’hui. Je pourrais m’en débarrasser, j’ai décroché toutes les autres et je les ai enfermée dans un tiroir, mais à chaque fois que j’ai essayé de le faire je n’ai pas pu aller jusqu’au bout, prise pas une vague de culpabilité assez inédite pour quelqu’un qui, comme moi, ne s’encombre pas de scrupules. Alors elle reste là, elle trône sur le meuble central de mon salon. La blonde tout sourire avec son bras passé autour du coup de son amant, elle me nargue, elle me provoque et aujourd’hui en me levant je n’ai pas su lui répondre, je me suis au contraire contentée d’abaisser le cadre pour ne plus à voir à affronter son bonheur, au moins pour la journée. Comme si le sort s’entêtait à être cruel avec moi je me suis réveillée aux aurores, une boule au creux du ventre, j’ai allumé ma télévision, elle qui reste éteinte pratiquement en tout occasion, et sans prendre la peine de me doucher ou d’enfiler autre chose que mon ensemble de satin je me suis servi un verre.

Un verre qui en a entrainé d’autres de toute évidence, et si je suis incapable d’en dire le nombre je suis aussi incapable d’atteindre l’ébriété. Ou en tout cas l’euphorie qui vient normalement avec. Mes yeux dévient bien trop souvent sur les planches du parquet qui ont été changées après s’être gorgées de sang, et ce ne sont pas les trop nombreuses cigarettes que j’ai fumées qui ont réussi à m’apaiser. Incapable de fixer mon attention j’ai tenté de faire cuire des pâtes à un moment donné, mais je n’ai pas réussi à les avaler, j’ai fait couler un bain dans lequel je ne me suis pas plongée, et j’ai plusieurs fois composé le numéro d’Alec sans réussir à aller jusqu’au bout.

Je ne sais quelle heure il est lorsqu’on frappe à ma porte, et si la personne n’avait pas insisté je n’aurais certainement pas quitté mon canapé. Lorsque je le fais c’est déterminée à renvoyer celui ou celle qui ose me déranger aujourd’hui, mais lorsque j’ouvre la porte et que je tombe nez à nez avec Amos, je ne sais pas comment je me sens, je ne sais pas si j’ai envie de le voir, et je reste idiote quelques secondes. Je fais certainement peine à voir. J’ai relevé mes cheveux ce matin mais je ne doute pas que quelques mèches s’échappent, je ne me suis pas maquillée et je n’ai pas quitté mon short et mon caraco de soie. Je ne suis pas présentable, mais je ne pourrais pas plus m’en soucier qu’aujourd’hui. Une partie de moi est contente de le voir à ma porte avec un doux sourire, l’autre est beaucoup plus mitigée. Il tend devant lui un sac en plastique, alors que je l’observe en silence, en déposant ma tête contre l’encadrement en bois de la porte. « Ravitaillement. » Que lui répondre ? Que ce n’est pas ce soir que nous nous adonnerons à des ébats passionnés ? Que si c’est pour ça qu’il est là il peut faire demi-tour ? M’a-t-il cherchée en vain, aujourd’hui ou ce soir ? S’est-il imaginé que je l’évitais ? Hier soir j’ai mis un point d’honneur à ne pas le croiser en quittant le Club, je n’aurais pas supporté de me réveiller avec lui ce matin. « Je ne sais pas ce qui se passe. » Je ferme les yeux un instant et prend une grande inspiration, avant de les rouvrir et de me perdre dans les siens. « Mais, je me suis dit que tu en aurais besoin. » Je jette un œil au sac, et m’adresse à lui d’une voix rauque, prenant la parole pour la première fois de la journée. « Y’a quoi là-dedans ? » Je pose ma main sur le bois pour en décoller ma tête. « Je suis pas de bonne compagnie tu sais. » Pas aujourd’hui, pas maintenant. S’il est venu pour assouvir un besoin physique, il peut repartir. Je retrouverai ma soif de lui plus tard, mais pas maintenant. « Si t’as envie de passer une bonne soirée je suis pas la bonne personne. » Je me détache de la porte et fait demi-tour pour regagner mon canapé, sans la refermer sur son nez. S’il veut me rejoindre il peut le faire, je ne le chasserais pas, je n’en ai ni la force ni l’envie, mais ce n’est pas moi qui me poserai en tentatrice ce soir et l’attirerais dans mes filets. Alors qu’il pénètre dans l’appartement je tente toute de même une remarque bien sentie, mais elle n’a pas la saveur de celles que je lui adresse habituellement, on sent que je m’y suis forcée. « Un jour, une soirée sans me montrer et je te manque déjà ? » Installée sur le canapé, je ramène mes jambes contre moi et je vrille mes yeux dans les siens. Ils ne brillent pas de leur fougue habituelle, mais je tente tant bien que mal de masquer ma détresse, parce que c’est elle la coupable de mon isolement, je n’ai pas envie d’en faire l’étalage.







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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyVen 7 Fév 2020 - 20:19




MANY RIVER TO CROSS
Il était rare que je vienne jusqu’à son appartement sans y être invité, ce qui rendait tout aussi étonnant le fait que j’attende sagement son autorisation pour pénétrer son antre. Pourtant, je ne bouge pas. Je patiente gentiment sans peser les pour et les contre de mon audace. Me demanderait-elle de m’en aller que je m’exécuterais sans m’en sentir froissé. Je pourrais me trouver bête et m'en vexer, mais elle n’est plus tôt à fait elle-même aujourd’hui. Je le sais, car parmi toutes ses indéniables qualités, sa joie de vivre est probablement celle qui m’a séduit et je ne la retrouve pas dans le fond de ses yeux. J’y trouve un peu de lassitude, de fatigue, d’ennui, jumelé à un soupçon de souffrance. Ils sont délavés et si mon esprit ne parvient pas à la projeter recroquevillée sur elle-même, le corps secoué d’effroyables sanglots, je me doute que sa fierté presque maladive et souvent mal placée pourrait l’empêcher de saisir la main que je lui tends littérairement. Quel monstre d’égoïsme et de vanité serais-je si je lui tenais rigueur qu’elle referme la porte non pas derrière moi, mais sur moi ? J’ignore ce qui l’a blessée, mais j’ai la certitude que ce jour ne réveille que des souvenirs heureux teintés de nostalgie et des plus malheureux, chargé de rage et d’injustice. Ça m’arrive à moi aussi. Plusieurs fois par an d’ailleurs et, à son image, je me barricade derrière ma solitude, ma culpabilité en bandoulière et une bouteille pour seule amie. Je bois jusqu’à l’oubli, jusqu’à ce que je ne sois plus capable de réfléchir, de penser, de me rappeler. Je n’ouvre pas ma porte non plus. J’éteins les lumières, mon téléphone et je disparais aussi longtemps que nécessaire. Je me cache du monde parce que me confronter à leur sourire m’est trop pénible. Dès lors, non, je ne lui en voudrais pas si elle me chassait tel un intrus. Je m’en tracasserais sans doute, pour elle, pas pour moi et j’espérerais simplement qu’une fois l’orage passé, elle parvienne déchiffrer le message codé que renferme mon geste. Il n’est pas tout à fait anodin. Il n’est ni courtois ni hypocrite. Il ne signifie pas qu’elle stimule mon cœur que par la faute du désir qu’elle m’inspire. Il est juste bienveillant, amical et, quelque part, réconfortant, pour moi, et qui sait, peut-être pour elle. Qu’importe qu’on rejette toute forme d’aide quand on a mal. Ces jours où la solitude devient pesante, cet acte sain soulage autant qu’un onguent sur une ecchymose. Et quand bien même… n’en tirerait-elle rien de plus de ma démarche, serait-ce bien grave ? Si son absence me tracasse, je vérifie qu’elle va bien. Rien de plus, rien de moins. Après tout, ai-je véritablement besoin de son accord pour me comporter en ami sous prétexte que je ne le suis pas exactement ? Que nous n’avons jamais pris le temps de mettre un nom sur ce que nous partageons et qu’on ne le fera certainement jamais, parce que ça ne nous intéresse pas, que ça ne nous chahute pas ou pas encore ?

À quoi bon y penser d’ailleurs ? Elle s’inquiète du contenu de mon sac en papier kraft et elle ne soutient plus sa tête lourde de soucis à l’aide de l’encadrement de sa porte et je me dis que c’est bon signe, que j’ai bien fait de ne pas me fier aux avertissements d’Alec, lui qui sait tout, qui connaît l’histoire de cette journée du mois de mars, mais qui n’est pas à ses côtés. Je le suppose trop lâche. Ça lui ressemble bien. Moi, si je ne jouis pas du courage des chevaliers servants ou des princes charmants, j’ai au moins le mérite d’avoir assez d’estime pour elle pour ne pas rencarder ses émotions dans un placard. « Un peu de tout. De quoi tenir en tout cas. » Je savais de source sûre que son frigo était plus souvent vide que le contraire. J’ajoutai donc à ma liste de départ quelques saletés à enfourner si la faim la tiraille. « Je n’en cherchais pas spécialement » lui répliquais-je alors qu’elle m’avertit qu’elle n’est pas d’humeur joueuse, taquine ou joyeuse, ce qui n’avait rien de dérangeant, moins encore qu’elle s’en retourne à l’intérieur de son appartement, sans fermer la porte. Je l’ai suivie et j’ai jeté un coup d’œil circulaire à la pièce afin de me faire une idée précise de l’ampleur des dégâts. S’il était moins bien rangé qu’à l’habitude, il ne trahissait ni la débauche ni le chaos qu’une perte douloureuse. Laquelle ? Je l’ignorais toujours, mais un détail me sauta aux yeux. Le cadre, qui trône en maître  sur son meuble, celui où elle est accompagnée d’un homme au regard aussi bleu que le mien, celui qui renvoyait d’elle l’image d’une jeune femme épanouie, sensible, amoureuse et nageant dans le bonheur, ne me nargue plus. Il a été retourné, sans doute par sa propriété. Elle l’a dérobé à sa vue et, s’il m’arriva un jour de me demander qui était cet homme, si je conclus rapidement qu’il ne pouvait être que son compagnon de l’époque - autrement dit, son ex – je dois bien admettre que tout converge en ce sens. Le problème, c’est que j’avais dû mal à imaginer que cette détresse, qui irradie de son attitude, soit la conséquence d’une rupture. À mon sens ça dépasse le chagrin d’amour. Se pourrait-il qu’il soit mort ? Ce n’est pas idiot. Mais, comment ? Pourquoi ? Un accident de voiture ? La maladie ? Qu’est-ce que ça change finalement ? La cause n’enlève rien à la douleur. C’est ce que nous chantent les autres, ceux qui ne connaissent pas la souffrance du deuil. Ils prétendent qu’il est plus facile de perdre un être cher d’un cancer plutôt que d’un incident parce qu’au moins, on peut s’y préparer. Je ne suis pas d’accord avec eux, mais je me garde de donner mon avis, tout comme je maintiens loin de nous toutes indiscrétions qui l’obligeraient à me foutre dehors. J’essaie de faire honneur, d'un clin d'oeil, à cette remarque, qu’elle aurait souhaité cinglante, mais qui n’atteint pas vraiment sa cible.

Une provocation similaire, la veille ou le lendemain, aurait été le moteur de nos jeux de mains favoris. Insolent, j’aurais répliqué que je m’assurais surtout qu’elle ne dépérit pas à se languir de moi ou, dans sa version plus désobligeante que c’est sa bouche, plus que sa compagnie, qui m’a conduit jusqu’ici. Or, je lui concède un nouveau sourire, il est bien plus creux qu’à l’accoutumée. Il dit : « Bien essayé » et rien de plus. Certes, malgré son état, j’arrive à la trouver attirante, mais son chagrin, presque tangible, n’appuie pas sur le bon bouton. La seule idée qui me traverse l’esprit, c’est que je la prendrais bien dans mes bras pour lui chuchoter à l’oreille que, quoiqu’il arrive, c’est terminé, que ça passera, comme le reste, jusqu’à l’année prochaine, certainement, mais que demain, c’est loin. Je n’en fais rien évidemment. Je me l’interdis parce que je suis lucide sur ce qu’elle pourrait y entrevoir : rien de moins noble que la pitié et elle ne m’en inspire pas. Je ne suis pas non plus agité par une empathie débordante – j’en ai cependant – ou d’un excédent de passion. Je songeai à la consoler parce que j’aurais aimé que quelqu’un le fasse pour moi, quand j’étais au plus, et qu’on répète le geste, lorsque ma fille occupe tout l’espace dans ma tête. Au lieu de ça, je m’assois dans le canapé en face d’elle et j’allume une cigarette. Je ne me prépare pas un verre. J’ignore encore s’il est bon de m’attarder, mais ça aussi, ça me démange. Ça me ferait du bien parce que je déteste me faire à nouveau la réflexion qu’elle est miroir et vice versa. « Tu sais que je ne suis pas mal à l’aise avec le silence. » lui annonçais-je sans préambule. Je montre patte blanche et, dans le sac en papier kraft qu’elle a posé sur la table sans l’ouvrir, je récupère de quoi m’occuper, soit un dossier à la couverture d’un rouge criard dont dépasse une ribambelle de documents : des devis, pour les réparations du bateau, des appels d’offres que j’ai rédigés de ma main, à la hâte. Étudier les premiers et vérifier les seconds est un travail considérable. Je n’aurais pas assez d’une nuit, mais c’est ma façon de lui expliquer que je n'attends rien d'elle. « Alors, voilà ce qu’on va faire. Je me pose là, dans ta salle à manger. » Avec un peu de whisky cette fois, mais ça va de soi. « Je vais me concentrer là-dessus. » Je désignai ma paperasse d’un signe de la tête. « Et, si tu as besoin que je m’en aille, de t’asseoir près de moi, de discuter ou que sais-je encore… » Trouver un compagnon de galère, passer ses nerfs sur quelqu’un qui peut encaisser. « Je ne serai pas loin ou vite parti. Ça marche pour toi ? » l’informais-je de toute ma maladresse. Plongé dans mon bocal d’ignorance, je n’ai rien d’autre de plus grand à proposer, si ce n’est l’ébauche de ma loyauté et la preuve de mon respect.




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Raelyn Blackwell
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la muse des cauchemars
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ÂGE : 36 ans (23.12.1987) - capricorne ascendant scorpion
SURNOM : Raelyn est le prénom qu'elle s'est choisi, elle est née Rachel-Lynn.
STATUT : Son âme sœur est morte en prison : elle est veuve depuis le 16.07.2024. Micah a l'âge de poser des questions mais pas celui de comprendre la mort et, de toute façon, Raelyn est trop brisée pour répondre aux interrogations de sa fille.
MÉTIER : Boss du Club, la pègre de Brisbane, depuis février 2021. Propriétaire et gérante de l'Octopus, un Casino qui a ouvert ses portes en avril 2021. Baronne de la drogue, reine de la nuit et mère célibataire, une vie somme toute bien remplie.
LOGEMENT : Le loft du 721 Daisy Hill Road (Logan City) lui semble bien vide et froid maintenant qu'elle s'endort loin des bras de son époux.
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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyVen 7 Fév 2020 - 21:26


Many rivers to cross
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS 873483867

Est-ce que je pense un instant à le renvoyer d’où il vient à lui demander, à défaut de hurler, je n’en ai pas la force, de me laisser tranquille pour ce soir, de ne pas me regarder parce que je ne veux pas faire naitre de pitié chez lui et de me pas venir troubler mon deuil est mon manque de solitude ? Non, parce que je réalise en cet instant à quel point la solitude m’écrase, aujourd’hui particulièrement. Je ne me l’avoue pas souvent, je l’ai soufflé une fois à Amos mais je suis la première à clamer derrière que je la préfère à autre chose, et qu’il serait de mauvais goût de me plaindre quand je mène la vie que j’ai choisie de mener. Aujourd’hui cette solitude est un poids sur mes épaules et si j’aurais préféré la partager avec quelqu’un d’autre qu’un homme qui réveille mes plus basses pulsions, en cet instant, je n’ai pas envie qu’il soit quelqu’un d’autre. Qu’à sa place se tienne Mitchell, Alec, Tobias, ou n’importe quel inconnu. Oui, je n’aimerais pas sonder son regard pour y trouver de la pitié mais il m’en semblé dénué, je ne lis que sa compréhension, et quand bien même elle m’étoufferait je garderais le menton relevé et je me draperais de ma fierté, surtout aujourd’hui. Une fierté plus fragile, une fierté qui cache de la douleur, et pas juste un trop plein d’amour propre. Mais me surprends à espérer que sa présence me fasse du bien, au moment où il brandit son sac de papier kraft sous mes yeux. « Un peu de tout. De quoi tenir en tout cas. » J’attrape le sac entre mes doigts sans le lâcher du regard, sans prolonger le contact entre nos peaux, pour la première fois depuis que nous nous sommes rencontrés, je ne cherche ni à l’allumer, ni à le fuir. Je ne ressens pas l’envie de plaisanter, de lui dire que je n’ai pas besoin de lui pour ne pas mourir de faim, de soif, où je ne sais quel besoin supposé combler ce qui se trouve dans ce sac. Mais si je ne le montre pas, je suis ébranlée de le trouver ici : je ne l’attendais pas là Amos. « Je n’en cherchais pas spécialement. » « Alors t’es au bon endroit. » Je lui réponds sans temps de réflexion, avant de me retourner pour entrer dans mon appartement. Je lui signifie aussi ainsi qu’il peut entrer, qu’il est le bienvenu, autant aujourd’hui que lorsque je le traine jusqu’ici pour lui réclamer des caresses. Je le constate en même temps que je lui apprends, sans savoir quoi en penser : je me poserai la question demain, de savoir ce que ce constat agite.

Il me sourit, il fait l’effort alors que je sais que je ne fais pas mouche, que mon ton est trop éteint pour réveiller chez lui un sourire qui lui serait plus sincère. Il y a deux mois il me glissa qu’il me trouvait vivante, et je décelai que c’était un attrait pour lui, que c’est ce qui l’attirait vers moi. Que pensait-il aujourd’hui, que je n’étais pas morte mais sérieusement hagarde et anesthésiée ? Me voir comme ça aujourd’hui n’effaçait-il pas le constat qu’il avait fait ? Il avait perdu quelqu’un lui aussi, qui je n’en sais rien, mais il me le partagea dans la voiture, un autre soir, une autre nuit. Est-ce que je perds de l’intérêt à ses yeux, à présent qu’il constate que nous ne sommes pas si différents finalement ? Qu’il constate que vivante, je ne le suis pas forcément dans mes mauvais jours ? Ils sont rares c’est vrai, après douze ans la plaie est moins profonde, et ma perte ne me revient qu’à l’occasion de cet anniversaire, ou lorsque des curieux m’interrogent au sujet d’Aaron, souvent en posant les yeux sur ce cadre que j’aurais dû ranger depuis bien longtemps. Mon manque d’éclat ne le fait pas fuir en tout cas, ou pas tout de suite, peut-être par politesse ou pour ne pas me blesser, mais il s’installe sur le canapé face à celui sur lequel je repose, jambes repliées. Je l’observe en chien de faïence alors qu’il allume sa cigarette, et passe une main sur mon visage, comme si ce simple geste allait suffire à me rendre présentable. Je n’ai que faire d’être désirable, pas maintenant, ce n’est pas ce que je veux faire naître chez lui et s’il était un autre je ressentirais le besoin de passer un pantalon à la place de mon short, sauf que je réalise que je suis à l’aise en sa présence. « Tu sais que je ne suis pas mal à l’aise avec le silence. » Que cherche-t-il à me dire ? Je l’observe en silence attraper le sac pour en tirer une enveloppe de papiers administratifs. Je n’ai pas la force de froncer les sourcils, mais je m’interroge réellement. « Alors, voilà ce qu’on va faire. Je me pose là, dans ta salle à manger. » Il désigne la table un peu plus loin du coin du menton, puis sa paperasse. « Je vais me concentrer là-dessus. Et, si tu as besoin que je m’en aille, de t’asseoir près de moi, de discuter ou que sais-je encore… » Discuter est au-dessus de mes forces. Pour parler de quoi, de qui ? Je ne peux lui parler d’Aaron, autant parce que nous sommes intimes que parce que je ne parle de lui à personne, et certainement pas le 12 mars. Seuls ceux qui l’ont connu sont exemptés de cette règles, et s’il m’est déjà arrivé de passer ce douloureux anniversaire quelque chose, le fiasco de l’an dernier peut-être, m’en a dissuadée aujourd’hui. « Je ne serai pas loin ou vite parti. Ça marche pour toi ? » Qu’on me traite avec autant de déférence, je n’y suis pas habituée, pas dans ce contexte-là. Combien parmi ceux qui me respectent de m’obéissent au Club n’aurais pas hésité à m’achever si, comme Amos, ils m’avaient trouvée dans une position de faiblesse ? Combien d’hommes qui froissent mes draps n’auraient pas tournés les talons si, en frappant à ma porte, ils s’étaient vu directement indiquer qu’ils ne tireraient rien de moi ce soir ? Je ne suis pas en mesure de réaliser à quel point celui me trouble ce soir, mais demain, quand j’aurais quitté ma léthargie, quel recul serais-je capable de prendre sur tout ça. Je ne lui apporte qu’un début de réponse en tout cas, avant de la retrouver. « Non, reste là. Tu peux rester sur le canapé. » Il y sera mieux sur la table du salon, et moi cela ne me gêne pas qu’il soit là, dans mon champ de vision.

Il hoche la tête, et se plonge dans ses documents. Je suis tentée de l’observer un instant, de chercher à comprendre à quoi il joue en se faisant passer pour mon ami ou un ange gardien aujourd’hui et le capitule face au constat que je m’en fiche, parce que cela me fait du bien. Je tire le sac de papier kraft vers moi, il fera une distraction comme une autre de toutes mes pensées noires. Si je n’en tire qu’un paquet de chips je constate qu’il pas fait de choix et fait les choses en grand, en glissant de quoi manger, boire, et fumer jusqu’à détendre tous les muscles de son corps et mettre en veille ses pensées. Une lueur de reconnaissante traverse mon regard alors que je pose les yeux sur lui, et je suis soulagée qu’il ne la surprenne pas. J’ouvre le paquet pour y plonger la main dedans, pas réellement regardante. C’est plus facile de me concentrer là-dessus, que de sur son stylo qu’il gratte parfois sur son papier, que sur ses yeux qui balayent les feuilles. Dans sa concentration, je devine un moyen de ne pas se montrer oppressant et de me laisser mon intimité. Je l’accueille et m’y niche quelques minutes, avant de l’interpeller. « Qu’est-ce qu’on t’a dit ? Au Club, concernant cette journée. » Sa venue peut-être le fruit du hasard. Mais le fait qu’il se soit accompagné de remontants n’est pas anodin, et j’ai envie de savoir ce qu’il pense savoir et ce qu’il croit avoir deviné. « Qu’est-ce qu’on t’a dit pour que tu viennes frapper à ma porte ? » Sans trop savoir, je continue et pose une autre question. « Qu’est-ce que ce que tu vois t’inspire ? » J’ai besoin d’honnêteté, je n’ai pas besoin qu’il me rassure, qu’il me dise que je suis belle même avec mes cheveux défaits et mon visage vierge de maquillage. Je n’ai pas besoin qu’il me dise que je respire la joie de vivre et que je suis forte. Je veux juste savoir ce que ce qu’il a sous les yeux éveille chez lui, et je prie pour que ce ne soit pas de la pitié. Pour m’en prémunir, je rajoute, répondant à une pulsion. « Tu sais c’est temporaire. Demain, je ne me terrerai pas ici. » Demain je reprendrai des couleurs, mais avec elle le doute s’invitera probablement, parce que je n’ai pas pour habitude de me laisser approcher d’aussi près dans mon jour le plus vulnérable de l’année.  








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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptySam 8 Fév 2020 - 1:45




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« Je sais. » lui répondis-je spontanément pour finalement la suivre dans son appartement. Vu son état, elle ne se rend certainement pas compte de ce que signifie cet échange. Elle, elle dit : « Je n’ai rien à t’offrir » et moi, « je suis par là pour ça. » Dans le fond, c'est assez logique qu’elle ne m'ait pas jeté comme un mal propre. Je m’éloignais considérablement du type qui ne s’intéresse qu’à ses belles jambes et ses fesses rebondies. Je n’y attardai pas mon regard, non pas que j’ai peur d’être incapable de tenir ma promesse tacite, mais parce que j’étais sincère. Je préférai entreprendre une nouvelle chasse aux indices en examinant chaque recoin de son appartement et j’en trouvai au moins un. Il n’était pas de nature à transformer mes hypothèses en certitude, mais je détenais sous mes yeux une piste intéressante. Une piste que je n’explorerai pas si elle n’en manifeste pas le besoin, mais qui m’instruit sur le comportement à adopter. Me taire, attendre, la réconforter de ma présence, si tant est qu’elle lui fasse du bien, et par dessus-tout, ne poser aucune question et ne pas répondre à ses provocations qui sonnent faux. Sa tentative n’est qu’un simulacre voué à me tester ou à s’éviter ma compassion. Je n’en ressens pas, pas le moins du monde. Alors, je ne relève pas. Je m’assois dans son divan, je l’observe, un peu, avec un soupçon d’inquiétude au fond des yeux, mais elle est imperceptible parce que je ne soutiens pas son regard comme il m’arrive souvent de le faire. Pour que faire justement ? J’ai toujours su qu’à l’instar de tout être humain, elle traîne derrière elle des casseroles. Ce soir, alors qu’elle emprunte un sentier caillouteux, elles sont simplement plus bruyantes. Je pourrais les entendre si je choisissais d’y prêter attention, mais je ne trouverais aucun avantage à la dévisager comme un animal exotique emprisonné dans un cirque ou dans un zoo. Au contraire, je me sentirais dégueulasse, peut-être plus qu’Alec qui brille par son absence, si je n’avais la décence de respecter ce que trahit son regard, de respecter son chagrin silencieux. Aussi lui soufflais-je de toute mon intégrité une proposition qu’elle sera libre de refuser. Elle est explicite. Je serai là, 15 minutes, une heure, la nuit, ici, ailleurs, qu’importe, c’est comme il lui siéra et aussi longtemps qu’elle le souhaitera. Je me ferai aussi petit qu’un insecte si c’est ce qu’elle veut. Et, contre toute attente, elle m’invite à rester là, auprès d’elle. Je ne peux pas me mentir, je me sens honoré et je la gratifie d’un sourire entendu et reconnaissant avant de glisser de mon siège, récupérer un verre dans son bar, de m’asseoir en tailleur devant sa table basse, de m’y créer un peu d’espace et de me plonger dans mes papiers.

Je n’aurais su dire combien de temps s’est écoulé entre le moment où je me penchai sérieusement sur mon boulot et celui où elle finit par m’interpeler. Pour m’en inquiéter, il aurait fallu que je sois moins concentré, autant sur elle qui sort du sachet un paquet de chips que sur les chiffres des différentes propositions de quelques entrepreneurs que j’ai contactés. J’étais tout juste en train de me dire que certains ne se coiffaient pas avec le dos de la cuillère et, en parallèle, de me demander si Raelyn avait trouvé son bonheur parmi mes achats. En définitive, j’étais dispersé, si bien que je l’entendis parfaitement cette question qui traversa le rempart de ses lèvres. D’instinct, je fus tenté de la faire répéter, histoire de gagner du temps. Je n’avais pas envie de la blesser en lui rapportant les horreurs avancées par John et, d’un autre côté, je récusais l’idée de lui mentir en ce jour particulier en queue de peloton. Pour trancher, j’avais besoin de saisir ce qui l’anime. S’intéresse-t-elle réellement à ce que les autres pensent d’elle ? Franchement, j’en doute. Patauger dans la semoule de la détresse arrive à chacun d’entre nous au moins une fois dans sa vie et rares sont ceux qui changent fondamentalement le fusil de leur personnalité d’épaule. Personne. On apprend à cloisonner, on s’endurcit, on s’éloigne de la misère des autres jusqu’à devenir égoïste, mais en substance, on reste les mêmes. Et soudain, tout s’éclaire. Elle n’est pas intriguée par ce qui se dit, mais par ce que j'aurais appris et par l’impact que la rumeur pourrait avoir sur moi, moi qui n’ait pas de place définie dans sa vie, moi qui ne suis personne ou qui ne représente rien et ça me secoue plus que je ne l’aurais imaginé. Je ne redoute pas qu’une double lecture sous-entende une forme d’attachement et donne lieu à un quiproquo. Pour être honnête, je n’y ai pensé que plus tard, lorsque ce fut mon tour d’être accablé par ma solitude.

Sur le moment, ce que je crains, c'est sa fierté, celle derrière laquelle elle se retranche et qui m’étouffe bien trop souvent, celle qui lui colle au train et qui me pousse, presque systématiquement, à ramasser mes clic, mes claques et de me casser loin d’elle. Pourtant, je ne me défile pas. Je ne peux pas m’être entièrement trompé sur elle quand je la présume plus belle personne qu’elle n’y paraît. Je l’interromps pas non plus, je tends la main pour qu’elle y dépose quelques chips et je l’écoute, poliment. Je la couve d’un regard qui l’analyse, sans la juger pour autant. Sa fierté n’a jamais été plus proche de la façade que ce soir. C’est l’évidence et à sa place, je n’aurais pas mieux fait ni mieux dit. A situation inverse, j’aurais fait pire : je ne lui aurais pas ouvert. « Mitchell n’a rien dit. Alec m’a conseillé de te laisser tranquille. John pense que c’est une histoire de drogue, d’overdose… Je crois qu’il s’imagine que tu fais une sorte de pèlerinage pour célébrer la vie. » Quand il est clair que lui, il l’aurait préférée morte. « Et c’est très bien qu’il le croit. » Autrement dit : je ne raconterai à personne l’état dans lequel je t’ai trouvé ce soir, au cas où cette éventualité t’alarmerait. « Ce n’est pas à cause de ce qu’on m’a dit que je suis là, Raelyn, c’est à cause de ce qu’on a refusé de me dire. J’ai estimé que ça devait être grave et… » Qu’ajouter ? Que je me soucie de son bien-être au point d’oublier que je ne suis rien de plus qu’un plan cul régulier ? J’ai soupiré, parce que l’intégrité pleine et entière reste une épreuve, j’ai refermé mon dossier, déplié mes jambes et en appui sur mes jambes, je me redressai, sans un mot, pour m’asseoir à ses côtés. « J’étais inquiet. » finis-je par à avouer en haussant les épaules preuve de mon authenticité.

Ma main, je l’ai posée doucement sur sa cheville, estimant ce geste bien moins intime que de lui prendre la main, quand j’aspire à ce qu’elle accroche mes pupilles aux siennes, qu’elle y puise ce dont elle a besoin en réconfort, qu’elles puissent la rassurer sur ma sincérité. « Raelyn. Tout ce qui me vient en tête c’est que tu avais raison. » ça me coûte de le dire. Il n’y a pas si longtemps, j’aurais hurlé le contraire. Je n’ai cependant pas le sentiment détestable de me parjurer. « Toi et moi, on n’est pas si différents. Alors, je sais que ça ira mieux demain. » Mieux que personne. « Parce que tout ce que tu m’inspires quand je te regarde, tout ce que je vois, c’est moi, il n’y a pas si longtemps et peut¬-être demain. » Dans le sens large du terme. « Tu peux donc mettre ton cœur à l’aise. Je ne te juge pas, je n’ai pas pitié de toi et je ne suis pas non plus là non pour vérifier si la rumeur est vraie ou fausse. » conclus-je plus désarçonné que je ne l’aurais voulu. Je tapotai sa peau et j'ôtai ma main aussi sec. Je songeai même à retrouver mes devis, histoire de faire semblant qu’il m’intéresse vraiment alors que, dans le fond, je ressasserai certainement tout ce que je viens d’avouer. Au lieu de ça, je la quitte des yeux et je pioche dans son paquet de chips. « Tu la sens là ? » Je cognai mon index contre mon nez, comme si une odeur m’avait réellement interpellé. « Tu le sens ce moment où on a tous les deux besoins d’un petit remontant ? » Question rhétorique. Juste l’envie de la voir s’essayer à un sourire. « Va pour un scotch sans glace. » Qu’elle n’a pas encore réclamé, mais tous les prétextes sont bons pour ne pas m'appesantir sur ce que je viens de réveiller en moi. Ce n’est pas le moment de permettre à mes tragédies de s’inviter à cette fête supposément morbide. Alors, je passe un coup de balai devant la porte de mes propres souvenirs, je cache la poussière sous le paillasson. Je ferme à clé derrière moi, je lui tends un verre et je récupère dans le fond du sachet de course un peu d'herbe. « Et de quoi faire passer le temps jusqu'à demain.»




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Raelyn Blackwell
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la muse des cauchemars
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(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS 9OYzxwd Présent
ÂGE : 36 ans (23.12.1987) - capricorne ascendant scorpion
SURNOM : Raelyn est le prénom qu'elle s'est choisi, elle est née Rachel-Lynn.
STATUT : Son âme sœur est morte en prison : elle est veuve depuis le 16.07.2024. Micah a l'âge de poser des questions mais pas celui de comprendre la mort et, de toute façon, Raelyn est trop brisée pour répondre aux interrogations de sa fille.
MÉTIER : Boss du Club, la pègre de Brisbane, depuis février 2021. Propriétaire et gérante de l'Octopus, un Casino qui a ouvert ses portes en avril 2021. Baronne de la drogue, reine de la nuit et mère célibataire, une vie somme toute bien remplie.
LOGEMENT : Le loft du 721 Daisy Hill Road (Logan City) lui semble bien vide et froid maintenant qu'elle s'endort loin des bras de son époux.
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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptySam 8 Fév 2020 - 21:08


Many rivers to cross
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS 873483867

« Je sais. » Que répondre à ça ? Devant l’honnêteté dans ses yeux et le regard bienveillant qu’il pose sur moi, mais sans sembler pour autant s’apitoyer sur mon sort, je ne peux que rentrer les armes et le laisser entrer. Le pire reste que je ne le vis pas comme une défaite, comme lorsque je perds l’un de nos jeux étrange et inqualifiables, lorsque je m’abandonne à mon désir et lui cède, non, jamais rendre les armes ne m’a semblé plus apaisant, plus rassurant : ce n’est pas que sa présence ne me dérange pas, je me rends compte que j’ai envie qu’il soit là. Si j’étais entièrement honnêtement je préciserais que c’est toujours le cas, que je ne le laisse jamais entrer à reculons ou pour ne pas le vexer, mais ce soir cela me surprends que ce ne soit pas le cas. Quand l’ai-je à ce point laissé m’approcher ? La première fois que nous avons partagé une torride étreinte ? La seconde fois, celle qui scella le début de quelque chose de plus régulier ? La réponse me semblera évidente demain, elle me terrorisera aussi : c’est ce soir, c’est ce soir que je le laisse, pas m’apprivoiser mais entrevoir des facettes de ma personnalité que je ne dévoile pas au premier venu.

Il entre, il s’installe et prend ses aises mais jamais ne s’impose. C’est moi qui ressens le besoin et l’envie de le laisser s’affairer en restant près de moi, c’est moi qui me sens soulagée lorsqu’il hoche simplement la tête pour s’asseoir en taille au niveau de la table basse, et c’est moi qui à nouveau fini par rompre le silence. Le temps ne passe jamais aussi lentement que lors de cette journée, et après une journée seule à trop me laisser gagner par mes souvenirs, par ma peine et par mes doutes, je réalise que j’ai besoin de quelqu’un pour me changer les idées. Je n’ai pas envie de faire semblant, pas envie de penser à autre chose et surtout pas envie de penser à quelqu’un d’autre, j’aurais je crois l’impression de trahir la mémoire de celui dont Amos ignore tout, mais le brun me tend une main, et sa présence ici est une proposition : celle de m’aider à ôter une partie de mon chagrin de mes épaules, et je ne m’empêche pas de l’accepter. Je me fiche bien de ce qu’on a pu lui dire, ce qui m’intéresse c’est de savoir à qui il a parlé, à quel point il s’est acharné à obtenir des réponses expliquant mon absence, à quel point il s’est soucié de savoir si j’allais bien, ou en tout cas de chercher à comprendre si je l’évitais lui. « Mitchell n’a rien dit. Alec m’a conseillé de te laisser tranquille. John pense que c’est une histoire de drogue, d’overdose… Je crois qu’il s’imagine que tu fais une sorte de pèlerinage pour célébrer la vie. » Ça leur ressemble à tous les trois. Chaque année à cette même période les rapports entre le boss et moi se tendent, parce qu’il y a toujours eu trop de non-dits entre nous concernant Aaron, sa mort et les émotions que cet anniversaire réveille en nous. Alec ne cherche qu’à me protéger et il a raison, si un autre qu’Amos avait frappé à ma porte je l’aurais renvoyé sans prendre de pincettes, et John est à côté de la plaque, et c’est très bien comme ça. « Et c’est très bien qu’il le croit. » Je souris en entendant sa voix faire écho à mes pensées. Mais pourquoi est-il là ? Pourquoi ne pas avoir écouté l’avertissement d’Alec, ou pris le silence de Mitchell comme un signe qu’il mettait les pieds dans quelque chose de pas joli à voir ? « Ce n’est pas à cause de ce qu’on m’a dit que je suis là, Raelyn, c’est à cause de ce qu’on a refusé de me dire. J’ai estimé que ça devait être grave et… » Je retiens ma respiration, parce que je sais comment cette phrase se terminera, s’il ose aller jusqu’au bout. Je ne le quitte pas des yeux alors qu’il déplie ses jambes pour venir s’asseoir à côté de moi. « J’étais inquiet. » Il était inquiet. Il est inquiet et moi je suis possessive et jalouse, nous formons une belle paire.

Je ne sais dire comment je me sens en entendant qu’il s’est fait du souci, réellement, parce qu’il a l’air de faire tout sauf jouer, en entendant qu’il s’est préoccupé de savoir si oui ou non, j’allais bien. Je refuse de voir l’évidence sous mes yeux, je refuse d’écouter la voix qui me souffle que cela implique une certaine dose d’attachement, celui qui m’aurait en temps normal faite prendre mes jambes à mon cou. Au contraire et pour ne pas perdre pied, je fiche mes yeux dans les siens alors qu’il attrape ma cheville pour y appliquer une pression rassurante. « Raelyn. Tout ce qui me vient en tête c’est que tu avais raison. Toi et moi, on n’est pas si différents. Alors, je sais que ça ira mieux demain. » Je n’ai pas repensé à la confession qu’il m’a fait ce soir-là dans la voiture, la suite de la soirée m’a trop mise à fleur de peau pour que je m’attarde sur le fait qu’il me dit alors qu’il y a une absence qu’il a du mal à supporter. Je n’ai pas posé de question, parce que je sais comment j’aurais réagi s’il s’était permis de le faire, alors et d’autant plus ce soir. « Parce que tout ce que tu m’inspires quand je te regarde, tout ce que je vois, c’est moi, il n’y a pas si longtemps et peut-être demain. » Je baisse les yeux, pour masquer mon trouble et pour masquer mes émotions que je n’arrive pas à contrôler, qui arrivent par vague depuis ce matin. « Tu peux donc mettre ton cœur à l’aise. Je ne te juge pas, je n’ai pas pitié de toi et je ne suis pas non plus là non pour vérifier si la rumeur est vraie ou fausse. » Il tapote doucement ma cheville et moi je relève les yeux et tente un sourire qui à nouveau, sonne faux. Parce que je suis troublée, par ses déclarations comme par sa bienveillance. Je sais qu’inconsciemment j’ai cherché à Aaron des substituts pendant toutes ces années, quand bien même j’aurais voulu nier l’évidence il suffit de jeter un œil aux hommes que j’invite dans mes draps. Si je me souviens avoir pensé qu’Amos lui ressemblait lui aussi, aujourd’hui ils n’ont jamais été si différent. Je ne le réalise pas aujourd’hui, le constat et surtout ce qu’il provoque en moi comme émois est trop difficile à affronter, mais demain il me reviendra en pleine figure, et je serai bien démunie pour me mesurer à mes émotions. « J’ai toujours raison. Ça aussi je te l’ai forcément dit à un moment où à un autre. » Faire la maligne, même si je manque de conviction, c’est la meilleure réponse que j’ai trouvée.

Il le sent d’ailleurs certainement, que je me rattrape aux branches, puisqu’il change alors de sujet sans crier gare, en plongeant sa main dans les cochonneries que je suis en train d’avaler à m’en faire vomir demain. « Tu la sens là ? » Je hausse un sourcil. « Tu le sens ce moment où on a tous les deux besoins d’un petit remontant ? » Je lui offre un sourire forcé, mais j’apprécie de le voir se démener comme un beau diable pas pour me remontrer le moral, il n’est pas question de ça et il n’y a rien qu’il puisse faire à ce sujet, mais pour me mettre à l’aise, pour tenter de me faire rire et oublier l’espace d’une seconde ce que j’ai sur le cœur, sans jamais s’enquérir de la cause de ma peine. « Va pour un scotch sans glace. » Il attrape deux verres : le mien était déjà prêt et étrenné, et sort une bouteille flambante neuve du sac de course et rempli nos verres, avant de m’en tendre un. Je consens à étendre mes jambes pour les replier cette fois ci en tailleur, et j’attrape le verre entre mes doigts tandis qu’il sort de quoi nous rouler un joint. « Et de quoi faire passer le temps jusqu'à demain. » Je l’observe en silence un instant, avalant rapidement quelques gorgées d’alcool. Je n’oublie pas mon objectif de vue : m’anesthésier, enfin. Je n’ai pas encore compris après des années à échouer que rien ne m’aide à y parvenir ce soir-là de l’année. « Et toi, ton hypothèse c’est quoi ? » Pourquoi je m’aventure à poser une question dont je sais d’avance que la réponse me blessera ? « Mitchell, Alec, John. Mais toi, tu y as forcément pensé aussi non ? » Au fond je sais ce qui me préoccupe : qu’il m’ait percée à jour. Sinon, pourquoi admettre à quel point il nous trouve semblables ? Mais je m’entête, comme si jamais besoin qu’il me détrompe, qu’il s’accorde sur une bêtise pour me prouver à moi que j’ai réussi à rester hermétique ? « T’as pas posé de questions, c’est parce que ça ne t’intéresse pas, parce que tu penses savoir où parce que tu n’oses pas le faire ? Je tente de conserver mon masque de froideur, parce qu’en pénétrant dans l’appartement il m’a automatiquement poussée à tenter de masquer ma faiblesse. Pourtant quand je tends la main vers lui pour attraper le joint qu’il vient d’allumer, elle tremble. Je la dégage d’ailleurs rapidement et porte la tige à mes lèvres, espérant y trouver un peu de paix. « Pourquoi tu restes ? » Pourquoi tu restes alors que je t’ai dit que tu n’obtiendrai rien de moi ce soir ? Ma question est légitime mais un regard honnête sur ce que je ressens moi me permettrait de répondre. Parce que si j’aime passer du temps à me vautrer dans mes draps de soie avec lui, je ne vois pas Amos uniquement comme un partenaire sexuel avec lequel passer le temps.  








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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyDim 9 Fév 2020 - 0:23




MANY RIVER TO CROSS
Rien n’est surfait dans mon discours. Je ne l’ai pas tissé au préalable pour l’endormir, qu’elle se sente obligée, devant mes bonnes intentions, à m’inviter à rester ou à se dévoiler un peu plus. Je ne suis ni un gangster ni un héros. Je ne force pas les portes fermées à double tour pour piller, voler ou aider. En général, je me tiens à bonne distance de toutes émotions néfastes susceptibles de raviver la douleur de mes blessures. Ce soir tient lieu d’exception, faute au poids du tracas sur mon estomac. Cette entorse à mes résolutions, je ne me l’explique pas, mais je ne cherche pas à la comprendre, pas maintenant. Seule compte cette détresse dans les yeux de Raelyn qui me happe dans le torrent des souvenirs. La mienne lui ressemblait lorsqu’un policier, débordant d’empathie, m’annonça droit comme un I que je ne reverrais jamais plus ma fille, qu’elle ne me tendra plus les bras, que je n’entendrai jamais plus son rire résonner à mes oreilles, ce rire qui pansait les traumatismes que je ramenai dans mes bagages après ma dernière mission. Je me rappelle ô combien je haïssais ce type dans son uniforme, la tête baissée, avec à la bouche un discours dégueulant de mièvreries hypocrites. Je me levai de mon fauteuil, menaçant, le poing levé, comme s’il était responsable de cette tragédie. Sarah m’arrêta de justesse et, aujourd’hui encore, je regrette qu’elle se soit interposée. Le geste ne m’aurait pas rendu Sofia, mais il aurait eu le mérite de laver l’affront de ce policier endimanché qui manqua cruellement de sincérité. C’est pour ça que je m’y fie ce soir. Je sais trop que personne n’aime être pris pour un con dans les pires moments de sa vie. Personne. La vérité prévaut toujours, même si elle est douloureuse. Elle supplante toute volonté de mettre l’autre à l’abri de lui-même. Dès lors, bien que j’hésite longuement, déchiré entre la peur d’alourdir les épaules de mon amante et ma volonté d’être intègre, je répondis à ses questions sans m’encombrer de fierté, de non-dits. Un jour, peut-être, elle m’en remerciera, même si le récit des rumeurs qui courent au Club la blesse un temps. Ce ne sera que passager. Elle est forte, Raelyn. Elle l’est plus que les hommes pour qui elles travaillent. Elle me sourit d’ailleurs et je présume que c’est sa façon de me témoigner sa gratitude, non pas d’avoir bravé les interdits pour être auprès d’elle, mais de rester égal à moi-même, c'est-à-dire éloquent quand il le faut, taiseux lorsque c’est nécessaire et solide également, solide dès lors que Sofia n’entre pas en ligne de compte.

Ai-je pour autant bien fait de lui avouer les véritables raisons de mon intrusion ? Etait-il bon de lui préciser que j’étais tracassé, que ça m’a semblé normal et que, sans ça, je ne serais pas là ? N’aurais-je pas mieux fait de jouer la carte du hasard ? Elle le prendrait mal et, à mon sens, c’est bien plus qu’une supposition. Bien que je la connaisse peu, quoique je n’aie, jusqu’à aujourd’hui, entrevu qu’une partie de ce qu’elle est réellement, je m’appuie sur cette certitude nouvelle : nous nous ressemblons. Je le dépose sur la table d’ailleurs et je "joue" à découvert. Je parle à cœur ouvert et, de quelques attentions mesurées, je veille à la rassurer pour ne récolter que l’effet inverse. Elle baisse la tête, visiblement en prise avec ses états d’âme, mais je ne regrette rien. Je ne suis pas responsable de ce qu'elle ressent et, sans ça, sans doute qu’elle se serait amusée de mes déclarations. Elle les aurait balayées d’un rire ou d’un soupir désabusé. Pas ce soir. Elle manque d’énergie. Elle est à plat et, si ça ne me réjouit pas, ça m’arrange plutôt bien. Ça rend l’exercice de la transparence moins compliqué. Ça l’est toujours quand on ne reçoit en retour que des lazzi, des vrais, ceux qui claironnent et qui nous crèvent les tympans, ceux qui entaillent l’orgueil d’un coup de canif, ceux qui agacent parce qu’ils sont factices, ceux qui rendent mauvais. Celui qu’elle glisse au milieu de la conversation, il ne rime pas à grand-chose en comparaison. Il ne froisse pas mon ego, il fend simplement mes lèvres d’un nouveau sourire « Pas encore, mais je m’en souviendrai. » conclus-je avant de l’inviter à lénifier ses maux d’une bonne dose d’alcool et d’un joint d’herbe.

Je joins le geste à la parole d’ailleurs. Je lui sers un verre, bois une gorgée du mien, récupère le matos et manipule avec dextérité papier à rouler, filtre, tabac et cannabis. Je n’en fume que lorsque l’insomnie me gagne malgré les doses faramineuses d’alcool que j’ingère, quand il faudrait me l’injecter en perfusion. Son regard, je le sens pesé sur moi lourdement. Elle m’épie et je la devine soucieuse, peut-être dans l’expectative de quelque chose. Quoi ? Aucune idée. Un peu d’humour peut-être. Une blague débile faite d’autodérision. Je ne sais pas et, dans le doute, je m’apprête à lui raconter une vieille anecdote de ma vie de militaire, celle où mes frères d’armes et moi, en permission, avons beaucoup bu, beaucoup fumé, au point d’envisager possible d’être poursuivis par un abribus. Dieu qu’elles sont loin ces belles années où je riais de tout et surtout pour rien. Il me plait d’y replonger quelquefois, quand je cherche la force d’avancer et je me demande quelles sont les souvenirs qui fendent le minois de Raelyn d’un sourire mutin et facétieux. Soulever un pan de mon histoire, est-ce que ça l’aiderait à s’en rappeler et, peut-être, à surmonter cette journée ? De mon point de vue, ça vaut le coup d’essayer. Alors, je m’apprête à tenter ma chance quand elle m’interrompt d’une nouvelle question, une qui me concerne directement ou, devrais-je plutôt dire, qui nous concerne.

Ce qu’elle veut, Raelyn, c’est un accès privilégié sur ce que je pense et, par-dessus-tout, sur comment je pense. Aussi, d’instinct, envisageais-je de garder le tout pour moi et d’éteindre sa curiosité à l’aide d’une pirouette. “Qu’est-ce que ça change ?“ aurait somme toute été un moyen efficace de lui ôter toute envie de poursuivre et pourtant, je capitule devant sa dernière question. Cette histoire, celle que je m’imagine, elle lui appartient plus qu’à moi. Peu importe que je sois dans le bon ou l’inverse, je ne me sens pas assez légitime, sous prétexte qu’on s’envoie en l’air régulièrement, pour m’approprier son passé à grands renforts de suppositions et de tirer seul les conclusions qui découlent de mon imagination. « Un peu tout ça à la fois, j’imagine. » Je ne pourrais décemment affirmer que ça ne m’intéresse pas. Ça fait longtemps que j’ai compris que, dès qu’il s’agit d’elle, je suis plus curieux qu’à l’accoutumée. Je n’irais pas non plus jusqu’à prétendre que mon courage est sans limite et que je ne crains pas de la vexer à poser la question de trop. Je n’apprivoise que trop bien ce que ce genre d’intrusion peut engendrer en conséquences. Et, finalement, je ne saurais alléguer que, mon silence, est la suite logique de mes certitudes. Alors, plutôt que risqué de trop en dire, je pointe le cadre renversé sur son meuble. « Ce que je crois, c’est que c’est en rapport avec lui. » déclarais-je sans permettre à mon regard de vagabonder jusqu’aux siens. « En fait, je ne crois pas, j’en suis sûr. Ce qu’il s’est passé ? Je n’en sais rien. J’ai dû mal à imaginer qu’il t’ait simplement quitté. Je pense que c’est plus grave que ça. Et, si ça m’intéresse, ce n’est pas à moi de décider si j’ai le droit de savoir ou pas. Et, si je reste…» ajoutais-je en récupérant entre ses doigts le joint. « C’est parce que tu ne m’as pas encore demandé de partir. Tu peux le faire. Ce ne serait pas grave. » Autrement dit : demain, quand tu iras mieux, je serai toujours là, jusqu’à ce que tu te lasses et que tu me remplaces. Et, ça non plus, ça ne serait pas grave.

Rien ne l’est plus vraiment depuis la mort de Sofia. Mon mariage en décrépitude ? Pas grave. Mes addictions ? Aucune importance. Mais, cette vie volée, avortée trop tôt, sans que je ne puisse rien faire pour aider mon bébé, cette douleur qui m’écrase toujours autant, ce mal violent qui me pousse à me suicider un peu plus chaque jour, ça compte, vraiment. Je me retranche derrière mes œillères quand, tous les matins, je me répète que je vais bien, que je vais mieux, que je renais de mes cendres. Je me mens et ça me saute aux yeux alors que cette drogue douce m’embrouille déjà l’esprit. « De quoi tu as peur, Rae ? J’ai perdu des amis. J’ai perdu ma fille.» chuchotais-je plus ému que je ne l’aurais souhaité, parce que ça claque dans l’air et mes oreilles en bourdonnent. « On perd tous quelqu’un un jour ou l’autre. Et la douleur est la même pour tout le monde. » Ce qui diffère, c’est comment on digère et ce qu’on fait de ce qui en résulte. « Et si ce que je pense est vrai, je vois pas en quoi ce ne serait pas normal que ce jour-ci ne soit pas pénible pour toi. » ça la rend, au contraire, plus humaine et plus saine, qu’elle ne l’a jamais été.


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Raelyn Blackwell
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la muse des cauchemars
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SURNOM : Raelyn est le prénom qu'elle s'est choisi, elle est née Rachel-Lynn.
STATUT : Son âme sœur est morte en prison : elle est veuve depuis le 16.07.2024. Micah a l'âge de poser des questions mais pas celui de comprendre la mort et, de toute façon, Raelyn est trop brisée pour répondre aux interrogations de sa fille.
MÉTIER : Boss du Club, la pègre de Brisbane, depuis février 2021. Propriétaire et gérante de l'Octopus, un Casino qui a ouvert ses portes en avril 2021. Baronne de la drogue, reine de la nuit et mère célibataire, une vie somme toute bien remplie.
LOGEMENT : Le loft du 721 Daisy Hill Road (Logan City) lui semble bien vide et froid maintenant qu'elle s'endort loin des bras de son époux.
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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyDim 9 Fév 2020 - 10:54


Many rivers to cross
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS 873483867

« Pas encore, mais je m’en souviendrai. » Par politesse ou pour ce que je lui inspire en peine et pitié, l’idée me déplait, il rentre dans mon jeu. Il ne fait pas remarquer que tout sonne faux, mon sourire, mon ton amusé, mes paroles. Il ne m’accuse pas de me cacher pour garder la face, il se contente de répondre ce qu’il aurait certainement répondu en temps normal. En temps normal, il se serait agi de ma part d’une provocation. Une certainement glissée entre deux ébats pour le provoquer, ou avant pour faire monter la température. Il m’aurait peut-être répondu qu’il me prouverait le contraire, j’aurais répondu d’un « on parie ? » et nos dos se serraient entrelacé pour sceller l’accord, parce que c’est bien là le jeu que nous préférons, ces défis lancés à tout bout de champ sans nous soucier des conséquences, sans rien mettre en jeu mais sans nous soucier de la portée de nos paroles. Parce que parier que l’on est trop coriace pour être détruite, ça n’a rien d’anodin, comme de parier qu’il deviendra un jour incapable de me résister. Mais l’un comme l’autre nous sommes trop joueurs pour ne pas serrer la main de l’autre lorsqu’il lance ce type de phrase à la volée.

Cette fois ci nous n’en faisons rien, cette fois ci il me concède du terrain sans chercher à reprendre le dessus sur moi à son tour, un autre de nos jeux favoris, et il accepte de me laisser l’avoir celle-ci. Pourquoi je n’exulte pas du bonheur d’avoir remporté une manche. J’esquisse simplement l’ombre d’un sourire et lui s’échappe en proposant de remplir nos verres pour nous offrir un remontant. Je n’ai pas arrêté de boire il y a bien longtemps, mais j’ai trop bu en continu pour ressentir les effets de l’ivresse. Il se font attendre, et si j’ai hésité toute la journée à vider une bouteille d’un trait ou à avaler deux somnifères pour enfin m’endormir et me faire du mal à coup sûr, l’arrivée d’Amos m’a sauvée de ce type de connerie, pour l’instant. Si John pense que j’effectue tous les ans un pèlerinage il n’a pas tout à fait tort. Le genre de comportement destructeur que j’ai tous les ans à cette époque est l’écho de celui que j’avais tous les jours pendant des mois après la mort de mon amant, et le but était le même : oublier jusqu’à mon prénom, oublier que j’étais seule et surtout que cela me touchait. Je combattais alors le chagrin de ma perte avec beaucoup trop de scotch, beaucoup trop de drogues et beaucoup trop d’hommes différents. Alec avait été celui qui m’avait retenue de recommencer à consommer de la cocaïne, il avait veillé au grain, tantôt se montrant attentif et affectueux, tantôt moralisateur, et s’il se gardait bien du second type de comportement aujourd’hui cela avait fonctionné sur la gamine de vingt et un an que j’étais. Les années avaient emporté avec elle une partie de la douleur, et moi je m’étais assagie. Alec avait été à mes côtés, mais Alec était un ami proche, il connaissait Aaron et souffrait avec moi, il se sentait certainement également obligé d’une certaine façon de veiller sur moi en mémoire de son comparse, et s’occuper de moi était certainement autant une façon de faire son deuil et d’honorer la mémoire d’Aaron que d’une preuve de son affection à mon égard. Amos ne sait rien de toute cette histoire. Il est là parce qu’il s’inquiétait, il est venu frapper à ma porte en me connaissant assez pour savoir qu’il pouvait aussi bien me trouver abattue qu’en colère et prompte à le repousser, mais il est venu quand même. Et il reste même maintenant que l’éventualité d’une soirée torride a été complètement écartée, pourquoi ? « Un peu tout ça à la fois, j’imagine. » Je penche la tête sur le côté et l’observe, tirant sur le joint lorsque je ressens le besoin de me donner une contenance, de masquer ma lutte intérieure. « Ce que je crois, c’est que c’est en rapport avec lui. » Ma main qui repose sur mon genoux se crispe alors qu’il désigne le cadre aujourd’hui couché. Je déglutis et mes mouvements se stoppent, alors que mon cœur rate lui un battement. Bien sûr qu’il a compris. Combien de temps, combien de nuits a-t-il passées ici, avec moi ? Le cadre il l’a forcément vu, étudié peut être même alors que je dormais dans la pièce d’à côté, il s’est peut-être posé la question de savoir qui était l’homme à mes côtés. Comme à chaque fois que quelqu’un s’y intéresse un peu trop, je me maudis de ne pas avoir la force d’ôter cette foutue photo de son cadre et de la soustraire aux yeux de tous. Amos ne m’interroge pas cela dit, en fait il reprend même rapidement alors que je lutte pour composer un masque d’indifférence, celui que je n’avais pas pris la peine d’enfiler depuis son arrivée. « En fait, je ne crois pas, j’en suis sûr. Ce qu’il s’est passé ? Je n’en sais rien. J’ai dû mal à imaginer qu’il t’ait simplement quitté. Je pense que c’est plus grave que ça. Et, si ça m’intéresse, ce n’est pas à moi de décider si j’ai le droit de savoir ou pas. Et, si je reste… » Il attrape le joint entre mes doigts et je ne lutte pas, incapable d’esquisser le moindre geste. Ses yeux évitent soigneusement les miens, comme s’il redoutait les effets de son honnêteté. Que répondre ? Je lui ai posé moi-même la question, je suis la seule que je peux fustiger si la réponse ne me plait pas.

Sauf que j’aurais aimé que ma lèvre ne tremble pas, j’aurais aimé trouver une réponse qui permettre de faire voler ses certitudes en éclat pour détourner son attention du cadre. En temps normal mon cœur se serrait serré à l’évocation d’Aaron, mais aujourd’hui alors qu’il est déjà au cœur de mes pensées, je me sens juste en colère d’avoir été si transparente. « C’est parce que tu ne m’as pas encore demandé de partir. Tu peux le faire. Ce ne serait pas grave. » Est-ce dont j’ai envie ? Qu’il parte, maintenant qu’il a, à cause de moi, abordé ce sujet qui me fait mal ? Je plonge un instant mes yeux dans les siens, cherchant une réponse à cette question alors que je la connais déjà : non je n’ai pas envie qu’il parte. Mais je n’ai pas plus envie de m’engager avec lui sur Memory Lane, alors je me contente d’un simple. « On peut pas parler de lui. » On ne doit pas, je ne m’y autorise pas, pas avec un amant. « Et j’ai pas envie qu’on le fasse. » Mais je ne le soupçonne pas capable de m’y forcer en fait. Ce serait faire preuve de la pire des indélicatesses alors qu’il semble depuis tout à l’heure choisir ses mots pour ne pas me blesser, tout en me donnant l’impression qu’il essaye de rester intègre et honnête. « Mais pars pas. » Ça me fait mal de le lui demander, ça me donne l’impression de supplier, mais je n’ai finalement pas envie de me retrouver en proie à mes pensées. En temps normal ma fierté aurait pris le dessus, elle m’aurait empêchée de formuler ce genre de demande, mais j’en fais fi aujourd’hui.

Je tente de retrouver des couleurs. Je tente de décrisper ma main qui empoigne mon genou, alors je tends une main vers mon verre posé sur l’accoudoir pour le terminer d’un trait. Je ferme les yeux un instant et j’enfonce mon dos dans le canapé. « De quoi tu as peur, Rae ? J’ai perdu des amis. J’ai perdu ma fille. » Je tourne doucement mon regard vers le sien pour y lire son émotion et sa peine. Je ne suis pas une femme de bien et l’empathie est un sentiment dont j’ignore la saveur. Je ne prétends alors pas que je sais ce qu’il ressent, que sa peine m’attriste comme si elle était la mienne. Je ne suis pas programmée pour savoir comment réagir à ce type de confession surtout quand, égoïstement je suis trop écrasée par mon deuil pour faire de la place au sien. Alors je soutiens son regard sans la moindre pitié, en silence, et je comprends enfin où il venait en venir l’autre jour dans la voiture. Il avait une fille et il l’a perdue. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus, je ne le pousserai pas à la confession. « On perd tous quelqu’un un jour ou l’autre. Et la douleur est la même pour tout le monde. » Oui mais la douleur, la peine cela me rend faible, et je ne me refuse à l’être. J’abhorre le fait de laisser d’autre m’entrevoir de la sorte, parce que dans ces moments j’ai l’impression d’être la jeune fille que j’étais à vingt ans, et j’aurais aimé qu’elle me laisse en paix. « Et si ce que je pense est vrai, je vois pas en quoi ce ne serait pas normal que ce jour-ci ne soit pas pénible pour toi. » Que dire ? Je suis désolée ? C’est vide de sens, idiot, et cela ne me ressemble pas. Alors je glisse simplement ma main dans la sienne alors que de l’autre je lui prends le joint des mains pour tirer frénétiquement dessus en fermant les yeux. J’enroule mes doigts autour des siens alors que j’expire l’air de mes poumons, et lui tends à nouveau la cigarette. « Une perquisition. Une bavure policière, c’est ça la réponse à ta question. » Je réalise que j’ai posé mes pupilles sur le parquet, à l’endroit où il a été abattu, et je me secoue les puces pour m’obliger à détourner le regard et l’accroche à nouveau à celui d’Amos. « Mais c’était y’a longtemps. Bien trop longtemps pour que je commence à devenir sentimentale et à débiter des conneries. Et trop pour que je m’apitoie sur mon sort. » Mais quoi ? Mais aujourd’hui, c’est difficile.

Me confier une partie de sa peine ne m’a pas donné l’envie de le questionner, je n’ai que peu d’empathie mais je n’ai pas envie de le blesser pour autant en ranimant d’atroces souvenirs. Ce qui m’a poussé à m’ouvrir un peu plus à lui je l’ignore, mais c’est tout ce qu’il obtiendra de moi ce soir, tout ce qu’il obtiendra de moi à ce sujet-là. « J’ai pas peur. Je n’ai juste pas envie de voir de la pitié dans tes yeux. Pas plus que j’ai envie d’y lire que tu trouves faible ou fragile. Je le suis pas. » Ou d’y apercevoir moi-même un reflet qui ne me plairait pas.








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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyDim 9 Fév 2020 - 16:54




MANY RIVER TO CROSS
“Un peu tout ça à la fois.“ Sur le moment, c’est tout ce que j’ai trouvé d’intelligent à formuler et justement… ce genre de réplique, laconique, dit tout et son contraire. Elle prouve uniquement que j’ai réfléchi, que j’ai émis des hypothèses, que j’ai trié le bon grain de l’ivraie parmi ces dernières, que j’ai soupesé les arguments à charge et décharge de cette visite inopinée, mais ça ne l’éclaire pas sur ce que je pense de sa fragilité apparente alors qu’elle entoure ses jambes de ses bras pour se réconforter, de son verre étrenné sur la table, de son allure échevelée, des cernes noirs qui assombrissent son regard. Ça ne lui ouvre aucun chemin sur le fond de ma pensée. Elle n’en connaît que la forme : j’étais inquiet et je suis venu. Et, est-il bon, dès lors que son armure est fendue, de m’infiltrer dans la brèche ? De l’acculer contre le garde-fou de sa forteresse de chagrin jusqu’à ce qu’elle bascule dans le vide et me raconte ce qui la heurte tant ? En pointant du doigt le cadre qu’elle a sciemment soustrait à sa vue, ce n’était pas mon but. L’objectif est bien plus noble finalement. J’essaie de la déculpabiliser, de la rassurer sur la normalité de son comportement et sur ce que je crois entrevoir, non pas en faiblesse, mais en courage. Il en faut pour se lever chaque matin et fonctionner correctement, pour ne pas céder à une furieuse envie de fondre en larmes, de ne pas hurler con. Il faut être fort et robuste pour ignorer sa douleur, pour ne pas cogner ses poings contre les murs jusqu’à se blesser, physiquement, parce que cette douleur-là, elle est éphémère et gérable. Il faut être sacrément coriace pour ouvrir sa porte à un presque inconnu et l’inviter à rester. J’aimerais lui dire que c’est tout ce qu’elle m’inspire, mais serait-ce judicieux ? Ce n’est pas ce qu’elle veut savoir ou, tout du moins, pas encore. Ce qu’elle attend – ce n'est cependant que supposition – c’est comprendre dans quelle mesure elle a bien fait de ne pas chasser. Elle s’inquiète de découvrir si elle fait bien de se nourrir des premiers ingrédients qui contribuent à la confiance. Peut-être ne le réalise-t-elle pas, mais se confronter à mes présomptions, c’est prendre le risque de rouvrir la plaie, d’en avoir honte et de s’en vexer par orgueil. Or, tandis que je lui soumets le fruit de mes déductions, elle ne s’offusque pas. Elle a mal, évidemment : une simple œillade dans sa direction laisse supposer que son cœur s’est serré dans sa poitrine. Elle a mal, mais elle ne m’empêche pas de poursuivre pour autant. Elle écoute religieusement. Elle avertit que la pente est savonneuse, glissante et qu’il vaut mieux ne pas l’emprunter. Elle énonce en souhait que ma présence, à défaut d’être requise, ne lui cause aucun tort. Alors, je hoche la tête. Je respecte. Je ne formule aucun commentaire, il serait superflu et moins probant qu’un sourire. Il l’encourage à ne pas se méfier de moi pour toutes les raisons qui sautent l’obstacle de mes lèvres.

Je lui parle de mes propres blessures, à commencer par mes frères d’armes, morts en mission ou au combat. Je dénonce ce qui me tue à petit feu : le décès de ma fille, si jeune, sans que je ne parvienne à m’arrêter sur la thèse du meurtre, de l’overdose ou du suicide, parce que la vérité ne changerait rien. Elle ne défalquera pas cette image asphyxiante qu’apeurée, elle m’ait appelée à l’aide, qu’elle ait réclamé sa mère, que personne n’est venu et qu’en poussant son dernier souffle, elle s’est sentie terriblement abandonnée. Je redéfinis également les contours de la douleur. Je ne la banalise pas, je lui rappelle qu’elle est humaine et que, si chacun s’en passe volontiers, elle est quelquefois nécessaire. Moi, je n’y ai jamais trouvé avantage. Ma douleur, à vif, écorcha mon âme avec une telle férocité qu’elle m’a dévoré tout entier. Elle m’a conditionné, reprogrammé et c’est pour ça que j’agis souvent comme un robot, que mes gestes sont calculés : je ne réponds qu'à sa seule volonté. La douleur, elle me contrôle. Elle est à l’origine de tout ce qui sort de ma bouche, que ça soit véhément ou bienveillant, froid ou émouvant, tiède ou franc. Elle a pris le pouvoir, au point que parfois, je ne reconnais plus l’homme qui me fait face dans mon miroir, au point que j’ai complètement oublié qui j’étais vraiment. Or, ce soir, Raelyn me rapproche de mon identité profonde. J’y songeai, hier, sans y prêter une réelle attention, mais sa main dans la mienne me confirme que si elle s’en donnait les moyens – et à condition qu’elle le désire – elle me soulagerait d’un peu du poids qui pèse sur mes épaules. Je prends aussitôt un coup de jus, mais plus que l'attention en elle-même, c’est sa confidence qui me porte à croire que je ne suis plus tout à fait un pion sur l’échiquier de sa vie. Je réalise qu’elle ne me balaiera pas d’un geste rageur de la main si sa victoire – sur quoi d’ailleurs ? – est mal engagée. Je suis plus qu’un simple amant désormais et, étonnamment, ça ne me tracasse pas outre mesure, parce qu’en me pointant devant sa porte, j’ai malgré moi sous-entendu une forme d’affection plus saine que je ne l’avais soupçonné au départ. Je ne m’en soucie pas, même si c’est clair comme de l’eau de roche, sous prétexte que l’heure ne s’y prête pas. Ça me traverse l’esprit comme une étoile filante strie le ciel dégagé d’une nuit d’été. C’est bref et rapide. C’est presque imperceptible parce que je ne me concentre pas sur ce que je ressens, mais sur ce qu’elle me cède en explications. Ça lui coûte évidemment. Ses yeux clairs m’échappent un instant tandis qu’elle fixe le sol avant de me revenir. Je présume qu’il est mort ici, dans cette pièce et je m'interroge. Comment a-t-elle fait pour vivre dans ce même appartement sans en souffrir chaque jour. Je me demande si elle y songe, avant nos étreintes, quand ses sous-vêtements tombent sur le sol, non loin de l’endroit où le corps froid et inanimé de son compagnon a succombé à ses blessures. Je me demande également, si, ce que j’en pense, appartient au respect ou l’admiration, car à sa place, j’en serais incapable. Sauf que je n’y suis pas.

J’ignore tout du mal qui prend aux tripes lorsqu’on perd son partenaire et je ne me risque à aucune comparaison douteuse. Je ne suis pas du genre à évaluer un drame à l’aide de l’échelle de la souffrance, cet instrument de mesure qu’utilisent les égoïstes pour décider de ce qui est grave de ce qui ne l’est pas, de ce dont on peut se relever et qui nous écrasera notre vie durant. J’apprivoise simplement l’idée que son deuil est derrière elle 364 jours par an quand j’ai à peine entamé le mien. « Je déteste les flics» soufflais-je en récupérant, sans me faire prier, le joint qu’elle me tend. Mes pensées se traînent jusqu’aux seules exceptions que je fréquente, mais qu’ont-ils fait pour Sofia ? Hormis Olivia et Greg, lequel de ces êtres humains qui bombent le torse dans leur uniforme m’a-t-il aidé quand j’étais perdu ? Quand mon enquête stagnait ? Quand l’espoir d’expier mes erreurs au pied de la tombe de Sofia me fuyait ? Quand ? Aussi vide soit cette observation, elle eut au moins le mérite de meubler le silence peu à propos alors que sa fierté se réduit à une peau de chagrin. Elle s’en remet à l’authenticité, ce qui est assez rare finalement. « Je te prendrai pour une sensible le jour où tu pleureras devant un truc niais, genre une video de chatons. » Je lui adresse un clin d’œil, rempli de conviction, mais en déconnexion totale avec la lueur qui brille au fond de mon regard éteint. Celle-là, elle dit : si tu savais qu’en face de toi se tient le type le plus pathétique de la création… Il perdrait son attrait puisque lui, il t’en inspirera de la pitié. « Si tu ne penses pas à toi. » Sous-entendu, si tu ne t’abandonnes pas au vague à l’âme quand tu en as besoin. « Personne ne le fera pour toi. » Se lamenter sur son sort, c’est une façon de se souvenir de ce qu’on a été et de ce qu’on veut plus être. Mais, ce n’était pas son problème. Ce qui l’angoisse, c’est ce que je pense d’elle. « Arrête de dire des bêtises. » lui déclarais-je tout de go « Je ne te trouve ni faible ni fragile. Tu ne me fais pas pitié. Je n’ai pas de la peine pour toi non plus. Alors, tout va bien. » Je tirai légèrement sur sa main qui n’avait pas lâché la mienne et j’osai la prendre dans mes bras, non pour l’y emprisonner, mais pour déposer un baiser sur sa tempe. L’acte est familier finalement. Je ne compte pas le nombre de fois où je reproduis ce même geste. Souvent, et je conclus en flattant ses paupières, mais je ne m’y aventure pas. Je la relâche aussitôt, persuadé qu’elle sait, désormais, que si l’envie la prenait de trouver auprès de moi de quoi combler sa si pesante solitude, je l’accueillerai, sagement, pudiquement, sans arrière-pensée. Je la serrerai contre moi, sans briser le silence, sans déposer mes mains ailleurs qu’autour de ses épaules.

Évidemment, ça finit par arriver. Au bout des quelques heures à nous rendre malade d’alcool, d’herbe et autres saloperies, elle s’approcha, plus timidement qu’à l’habitude. Je l’ai gardée blottie contre moi jusqu’a ce que le sommeil nous gagne et que le soleil, au zénith, nous réveille enfin. Pour Raelyn, ce jour nouveau signe certainement la fin de son passage à vide. Il laisse derrière elle tous ses plus tristes souvenirs. Quant à moi, il ne me réchauffe pas. Je m'enfonce un peu plus encore dans le bourbier de vase que je brasse heure après heure. Je suis cassé, à l’intérieur comme à l’extérieur. J’essaie de m’étirer sans la réveiller, mais elle remue déjà entre mes bras, du moins, je crois. J’ai l’impression d’être pris dans un brouillard aussi dense qu’une purée de pois, sans torche pour m’éclairer et vent violent pour le chasser. « J’ai mal partout. » grognais-je d’une voix pâteuse, à peine audible. Je ne lui fis pas l’affront de lui demander si elle avait bien dormi. Je devinais la réponse. Ma tête se renverse sur le dossier, je me frotte le visage et les yeux dans l’espoir d’y voir plus clair, mais c’est sans effet. « J’ai l’impression que mon crâne va bientôt exploser » Je ferme les paupières, mais c’est pire. Elle me tourne et avec elle, des réminiscences de mon passé de militaire qui me font sourire, faiblement, mais de bon cœur. « La dernière fois que je me suis mis la tête à l’envers comme ça. » Avec quelqu’un pour m’accompagner, pas dans l’espoir de noyer mes problèmes. « Je devais avoir quoi ? Moins de trente ans. Quatre potes. Plus ou moins le même matos. » Et, au réveil, un putain de savon par le responsable de la caserne. « Dernier soir d’une perm. Je te laisse imaginer la suite. » conclus-je, provisoirement peut-être, parce que j’ai faim, j’ai soif, j’ai besoin d’une douche, de me brosser les dents, sans avoir pour autant envie de ne plus profiter de cet apaisement qui émane de sa seule présence, quand elle est là, tout contre moi. Et, cette fois, sans plus que la veille et bien moins que demain, j'ai peur.




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Raelyn Blackwell
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la muse des cauchemars
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ÂGE : 36 ans (23.12.1987) - capricorne ascendant scorpion
SURNOM : Raelyn est le prénom qu'elle s'est choisi, elle est née Rachel-Lynn.
STATUT : Son âme sœur est morte en prison : elle est veuve depuis le 16.07.2024. Micah a l'âge de poser des questions mais pas celui de comprendre la mort et, de toute façon, Raelyn est trop brisée pour répondre aux interrogations de sa fille.
MÉTIER : Boss du Club, la pègre de Brisbane, depuis février 2021. Propriétaire et gérante de l'Octopus, un Casino qui a ouvert ses portes en avril 2021. Baronne de la drogue, reine de la nuit et mère célibataire, une vie somme toute bien remplie.
LOGEMENT : Le loft du 721 Daisy Hill Road (Logan City) lui semble bien vide et froid maintenant qu'elle s'endort loin des bras de son époux.
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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyLun 10 Fév 2020 - 13:07


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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS 873483867

La confession m’échappe sans que je ne le vois venir, et je m’en mords les doigts. Pourquoi ai-je ressenti le besoin ou l’envie d’en dire plus à Amos que je ne connais au fond que si peu, de me confier de la sorte quand je ne le fais habituellement pratiquement jamais. Je n’aime pas ouvrir une fenêtre sur mon âme de la sorte, parce que j’ai toujours pensé que cela ne permettrait que de mieux me détruire que de savoir localiser mes fêlures. Quelqu’un qui voudrait me nuire n’aurait alors plus qu’à les utiliser pour m’affaiblir et j’abhorre cette idée. J’ai été déstabilisée par la confidence du brun, parce qu’elle est terriblement personnelle, et lui m’offre sans réfléchir un moyen de l’anéantir si toutefois je le souhaitais. Comment arrive-t-il seulement à me faire confiance au point de ne pas utiliser cette information ? Il ne sait de moi que ce que j’ai bien voulu lui montrer, j’en suis en tout cas persuadée, et il a eu le loisir de constater à quel point je peux me montrer impitoyable et dure. Je ne fais pas dans la dentelle et ne m’embarrasse d’aucun noble sentiment lorsque j’ai décidé de faire de la vie d’un autre un enfer, il le sait, en a entendu parler ou s’en doute, mais il vient pourtant de mettre entre mes mains sa corde la plus sensible. Et je ne sais pas comment réagir. A un autre, j’aurais rétorquée que je n’étais pas sa psychiatre, et que ses états d’âmes ne m’intéressaient pas. Mais quand nos yeux se croisent et que j’y lis sa peine, je ne l’envisage même pas. Peut-être que cette confession que je fais à mon tour n’est alors qu’un moyen de le remercier de s’être ouvert, de me faire confiance alors que je ne le mérite pas. C’est le seul que je connais, ça et une main que je glisse dans la sienne, ça et la pression de mes doigts enroulés autour des siens. Je ne pose pas de question, je n’ai pas besoin de savoir quand, comment, je n’ai pas besoin de savoir quel âge elle avait et s’il en était proche, je n’ai pas besoin qu’il exprime le désarroi dans lequel sa perte l’a plongé, c’est son histoire pas la mienne et il a fait le choix de respecter mon silence, c’est naturellement que je fais le même.

Mais je suis désarçonnée. Désarçonnée de m’être ouverte, je le regrette même l’espace d’un instant alors qu’il reste silencieux. Je n’ai pourtant donné aucune information qu’il n’aurait pu finir par avoir seul, je n’ai pas parlé de ma relation avec Aaron, pas partagé de détail personnel sur la détresse dans laquelle j’ai été des semaines et des mois entiers après sa mort, mais j’en ai trop dit. J’aime penser que j’inspire le respect, que le mystère dont je m’entoure, peu me connaissent réellement, ajoute à mon charisme, mais ce n’est pas ce que cette histoire raconte. Elle dévoile la part que j’aime le moins : mon humanité, elle révèle que je ne suis pas uniquement cette femme froide et insensible que j’aimerais être. C’est elle, c’est son magnétisme qui impression et qui attire les hommes, et je n’ai pas envie de pouvoir inspirer autre chose. « Je déteste les flics. » Je laisse échapper un rire bref, et je n’ai pas besoin je crois de préciser que le sentiment est partagé. Je hais chaque représentant des forces de l’ordre, sans la moindre exception. « Je te prendrai pour une sensible le jour où tu pleureras devant un truc niais, genre une video de chatons. » Il m’adresse un clin d’œil et je ferme les yeux un instant, secoue la tête avec une ombre de sourire sous les lèvres. Pour être honnête, j’ai du mal à croire que je puisse paraître autre chose que trop fragile ce soir, mais il fait tout pour me convaincre du contraire, et je dois admettre que cela me fait du bien. « Si tu ne penses pas à toi. Personne ne le fera pour toi. » J’ai du mal à comprendre où il veut en venir, parce que je ne suis que ça égoïsme. Mais sans que j’ai le temps de répondre quoi que ce soit, il continue. « Arrête de dire des bêtises. Je ne te trouve ni faible ni fragile. Tu ne me fais pas pitié. Je n’ai pas de la peine pour toi non plus. Alors, tout va bien. » Il tire su ma main pour m’attirer à lui et ses bras se referment finalement autour de mes épaules. La dernière personne m’avoir enlacée de la sorte, avec pudeur et pour simple but de me rassurer c’est Alec, et c’était il y a des années, avant que je ne me renferme, même à lui. Il dépose un baiser contre ma tempe et je dois moi faire violence pour masquer ma tristesse, et finalement il me relâche.

Je ne dis rien, la force et la nouveauté de mes émotions me laisse muette, et je n’ai pas envie de réfléchir ce soir à d’où elles proviennent. Ce problème là je me le laisse pour demain et je tends mon verre en direction d’Amos pour qu’il le remplisse à nouveau. Il est suivi d’autres, le joint également lorsqu’il s’éteint alors que nous restons quasiment silencieux, affrontant certainement tous les deux des démons dont l’autre ignore tout. Quand je sens que cette journée d’excès a enfin raison de moi, que je l’ai atteint mon but et que je ne ressens plus rien, que la douleur s’est endormie, je réalise alors qu’elle me tenait au moins compagnie. Sans elle je me sens seule, et assommée par les drogues j’ai l’impression d’être sur le point de flancher. Alors je m’approche d’Amos, simplement et colle mon dos contre son torse alors qu’il entoure mes bras des siens. Je m’endors dans ses bras probablement en même temps que lui, si j’en crois le rythme stable de sa respiration dans mon cou.


❈❈❈❈


J’ouvre les yeux plusieurs heures plus tard, et comme chaque année à la même date, la première émotion qui me renverse c’est le soulagement. Parce que cette journée est terminée, parce que j’ai à présent encore un an devant moi avant de la revivre. Il serait utopique de croire que durant les 364 autres jours de l’année il ne m’arrive jamais de penser à celui que j’ai perdu, mais je ne l’appréhende pas de la même façon. Il n’occupe pas mes pensées une journée entière, mon cœur ne se serre que l’espace de quelques minutes lorsque quelqu’un l’évoque en ma présence, ou lorsque quelqu’un se risque à m’interroger sur le cadre sur mon meuble de télévision. Ce midi ou ce soir, je trouverai la force de le redresser, quand j’aurais définitivement refermé la porte et refoulé mon chagrin au second plan. Les premières années j’ai cru qu’un jour il partirait, que la plaie était seulement encore trop récente et à vif. C’est faux, le temps a fait son œuvre et la peine n’est plus la même qu’au premier jour, elle ne m’empêche plus de fonctionner qu’une fois dans l’année, mais j’ai fini par accepter qu’elle serait toujours là quelque part. La laisser s’exprimer une fois par an, c’est peut-être aussi ma solution pour qu’elle ne viennent pas à pourrir à trop rester enfermer, et qu’elle reste maitrisée et contenue. Je prends conscience qu’Amos est réveillé en même temps que je réalise que j’ai terriblement mal à la tête et que je me sens nauséeuse. Ça aussi c’est habituel à cette date, ce qui l’est moins c’est qu’une autre âme m’ait accompagnée pour mieux appréhender cette nuit. « J’ai mal partout. » Peu désireuse de lui échapper tout de suite, je me laisse entièrement tomber sur ses genoux. Le dos contre le canapé, le regard relevé vers lui, je l’observe avec un sourire plus sincère que la veille, commençant à m’éveiller et à redevenir moi-même. « J’ai l’impression que mon crâne va bientôt exploser » Moi aussi. « Je te mentirais si je disais que de mon côté je me sens bien, et suis prête pour remettre ça. » Mes touches d’humour sont plus sincères, et si la peine prend son temps pour se retirer, elle et en train de le faire, je le sens. « La dernière fois que je me suis mis la tête à l’envers comme ça. Je devais avoir quoi ? Moins de trente ans. Quatre potes. Plus ou moins le même matos. Dernier soir d’une perm. Je te laisse imaginer la suite. » Je fronce les sourcils et réfléchit un instant à la portée de ses mots. Le terme de permission ne m’inspire que deux choses : la prison ou l’armée, et je doute que l’anecdote d’Amos ait eu lieu dans la première. Je réalise alors que je ne le connais que peu, c’est pas rien de le dire, il est arrivé il y a presque huit mois, mais il a derrière lui plus de quarante années dont je ne sais rien. « Une perm ? Tu étais militaire ? » Etrange reconversion que de tremper à présent dans les affaires louches et illégales du Club. Méfiante de nature, je tente de rester impassible face à cette révélation. « Il y a combien de temps ? Pendant combien de temps ? » Et qu’est-ce qui t’a fait dévier du droit chemin ? Parce que c’est ça la question que j’ai envie de poser. « La question va te sembler cavalière, mais qui es-tu ? » Je sais qui il est les soirs où il est auprès de moi. Lorsque je suis dans ses bras et qu’il est dans les miens je le connais, sa présence m’est devenue familière, mais au-delà de ça nous ne sommes que deux inconnus, et ce constant me déplait sans que je n’arrive à réellement savoir pourquoi cela me dérange tant. Pourquoi je tente d’y remédier alors que je tente encore jour après jour de me convaincre que notre relation ne dépasse pas le stade de l’attirance physique.







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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyLun 10 Fév 2020 - 22:32




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Sa tête posée sur mes genoux, je l’observe, avec envie, mais pas de celle qui, entre d’autres temps, nous conduiraient jusqu’à sa chambre. Je jalouse plutôt sa jeunesse, moi qui me sens cent ans d’âge. Ma tête est lourde, mes muscles endoloris, mes jambes menacent ne plus pouvoir me porter et je réalise soudain, presque brutalement, ces longues années qui nous séparent. J’en prends davantage conscience dès lors qu’un vieux souvenir de mon ancienne vie me rattrape. Raelyn n’était encore qu’une petite fille lorsque je jurai, devant témoins, que je prendrais soin de Sarah jusqu’à ce que la mort nous sépare et elle l’avait fait. Certes, nous respirons encore, mais nous avons cessé d’être un couple après le décès de notre enfant, celle qui s’égara au cœur de notre conversation de la veille. Je n’en parlais jamais à quiconque. Les dernières personnes qui m’entendirent prononcer son prénom étaient les membres de notre famille ou ses amies les plus chères. Pour les autres, elle demeurait une illustre inconnue, comme moi, qui évitait la moindre allusion à mes blessures, mes traumas ou mon passé. Je le garde précieusement, en général. Je n’en fais jamais l’étalage parce que ma douleur altéra les plus beaux moments de mes tendres années. Que s’est-il donc passé durant cette nuit commémorative ? Que m’est-il arrivé exactement et, surtout, qu’elle avait été mon but ? Rassurer Raelyn sur mes bonnes intentions ? Lui prouver qu’elle n’était pas seule et que j’étais plus à même de la comprendre que n’importe lequel des quidams venus, n’importe lequel de ses amis absents ? Avais-je tenté d’apporter à sa détresse un peu de normalité afin qu’elle souffre un peu moins ou dans le but malsain qu’elle fasse tomber le masque ? En toute franchise, je crois que j’aurais préféré la seconde solution. Elle est certes moins noble, mais elle a le mérite d’être plus facile à gérer. Si, à mesure que mon enquête progressait, elle occupa longtemps la deuxième place sur la liste des gens à abattre, elle l’avait définitivement quittée. Au contraire, je n’aurais pas frappé à sa porte avec l’espoir de lui apporter un peu de réconfort par ma simple présence. Je serais venu en voyeur pour me galvaniser de sa peine, pour en apprendre les causes et, peut-être, pour enfoncer sa tête dans une baignoire pleine et la maintenir sous l’eau, jusqu’à ce qu’elle se noie. Et pourtant, c’est la première qui remporte tous les suffrages, aussi angoissante soit-elle. Qu’elle ait mal me toucha plus que de raison et, si je refuse d’admettre les quelques présages qui pointent du doigt de l’attachement, j’accorde à cette poupée de femme que sa réaction, alors que je lui avouais le plus cuisant de tous mes échecs – je n’ai pas su protéger mon bébé -  fut l’une des plus intelligentes que toutes celles auxquelles je fus un jour confronté. Elle n’a pas dit : je suis désolé ou mes sincères condoléances. Elle ne m’a pas jeté au visage ce regard horrifié qui a le don de m’agacer. Elle n’a fait preuve de ce simulacre d’empathie trop proche de la pitié et, mieux encore, elle ne s’est pas attardée en question. Elle s’est tue et elle a serré ma main dans la sienne. Alors, ce matin, je déborde de reconnaissance à son égard. J’en déborde tant que j’en oublie ma méfiance et mon goût pour le secret, car je parle trop ou un peu trop vite : je partage une vieille anecdote, dépourvue des détails, de ma vie de militaire.

Evidemment, il n’est rien de surprenant à ce qu’elle relève aussi vite. La sagacité de Raelyn n’est plus à démontrer. Il lui arrive même d’être curieuse à mon sujet ce qui, en fonction de mon humeur, me dérangeait, de temps en temps, voire de moins en moins. En d’autres circonstances, et à condition que nous ambitionnons pour notre relation un tour nouveau, ses questions m’auraient amusé. Sans doute me serais-je prêté au jeu sans cacher que son intérêt me flatte. Sauf que notre “histoire“ n’est pas vouée à l’amour ou à l’adoration. Nous avons, à notre manière, été limpides sur nos désirs. Nous n’en avons jamais discuté, mais d’après moi – nous ?- il est inutile de polémiquer sur les évidences. C’est une perte de temps. Or, cet interrogatoire, que ses sourcils froncés colorent de gravité, m’embarrasse. Je ne sais pas quoi en faire parce que je redoute ce que pourrait impliquer ce genre de discussions atrocement banales qu’échangent habituellement les futurs amoureux. Pourtant, quoique je commence doucement à prendre peur, j’affirme d’un hochement significatif de la tête. « Armée de terre au départ et puis, pour la RAN. » ajoutais-je avec désinvolture, mes doigts caressant sans audace sa joue. « Et, j’y suis resté de 1996 à fin 2008. Un truc comme ça. » La question suivante, je la devine : pourquoi ai-je abandonné mon poste après y avoir consacré autant d’années de ma triste existence ? C’était, somme toute, l’autre sujet brûlant que je n’abordais que rarement. Alors, je l’ai anticipée. « J’ai été blessé. » Moins physiquement que psychologiquement, mais j’avais assez chargé la mule durant ces deux derniers jours. « On m’a poussé vers la sortie. J’ai perdu la foi au système. » Après, j’ai végété, je n’ai rien fait de bon, j’ai puisé dans le cœur de ma fille ce dont j’avais besoin pour renaître un peu. Elle est devenue ma seule raison de vivre et son bonheur, mon obsession. Sauf que j’ai tout raté. Je me le répète souvent, mais dès lors que je sens poindre l’heure où Raelyn lavera sa fierté d’avoir à supporter ma présence tandis qu’elle souffrait, je réalise qu’au-delà de la déception, je suis couvert de honte, une honte incommensurable qui s’exprima par une furieuse envie de m’en aller, tout de suite, sans attendre qu’elle me le demande ou le sous-entende d’une quelconque manière. J’ai envie de m’occuper l’esprit pour mieux chasser tout ce qui m’empêche de respirer. J’ai envie de fuir, tout simplement, et plus encore maintenant que je me demande où elle veut en venir. « Je ne comprends pas. » admis-je, à cheval entre la tentative pour gagner du temps et la vérité nue. « Tu sais déjà qui je suis ? Non ? » Aurais-je été plus vaillant que la réplique aurait pu résonner comme un trait d’humour, mais j’en suis loin. Je suis plus déstabilisé que divertit par la discussion qui s’annonce. « Je devrais peut-être aller prendre une douche avant de… » De partir ? D’affronter son indiscrétion ? Tout ça à la fois, mais je ne bouge pas. « Je n’aime pas les questions pièges. Ça fait partie de ce que je suis. » surenchéris-je parce que je déteste cette sensation d’être un pleutre ou de lui inspirer plus de méfiance que nécessaire. « Si tu veux savoir quelque chose en particulier, demande-le franchement. Qui je suis, ça ne veut rien dire pour moi. » Mon ton est égal – du moins, je l’espère – mais néanmoins franc, parce que ça fait longtemps que je me sens perdu.



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Raelyn Blackwell
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la muse des cauchemars
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ÂGE : 36 ans (23.12.1987) - capricorne ascendant scorpion
SURNOM : Raelyn est le prénom qu'elle s'est choisi, elle est née Rachel-Lynn.
STATUT : Son âme sœur est morte en prison : elle est veuve depuis le 16.07.2024. Micah a l'âge de poser des questions mais pas celui de comprendre la mort et, de toute façon, Raelyn est trop brisée pour répondre aux interrogations de sa fille.
MÉTIER : Boss du Club, la pègre de Brisbane, depuis février 2021. Propriétaire et gérante de l'Octopus, un Casino qui a ouvert ses portes en avril 2021. Baronne de la drogue, reine de la nuit et mère célibataire, une vie somme toute bien remplie.
LOGEMENT : Le loft du 721 Daisy Hill Road (Logan City) lui semble bien vide et froid maintenant qu'elle s'endort loin des bras de son époux.
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TW IN RP : Mention de drogues dures, violences verbales et physiques banalisées, banalisation du meurtre, menaces, univers de la pègre, misogynie, deuil, automutilation.
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PETIT PLUS : des nerfs d'acier et 1m55 de charisme, de magnétisme, d'implacabilité, de jalousie et de violence › accro à la cigarette, alcoolique à ses heures perdues, elle luttera toute sa vie contre son addiction à la cocaïne › opportuniste et prête à tout pour servir ses propres intérêts, elle possède une notion de bien et de mal particulière › longtemps volage, elle l'a été jusqu'à ce qu'elle tombe amoureuse d'Amos › récupère le contrôle du Club en février 2021, devenant le leader de l’organisation criminelle › fin janvier 2023, elle abat Lou Aberline, tuant de ses propres mains pour la première fois.
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danalyn #4 ☆ what brings you to the lost and found, dear ? won't you pull up a seat ? everybody got a price around here to play, make me an offer, what will it be ? welcome to the playground, follow me. tell me your nightmares and fantasies, sink into the wasteland underneath.

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cecilia #2 ☆ there's a pleasure in hiding from the sun. no, i was never one for pretty weather, i'd rather be a creep. there's a bright side to every wrong thing, if you're looking at me through the right eyes. darkness in my name, don't you wanna come and play on the cool side.

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miles #1 & #2 ☆ i've been waiting patiently, i built this tower quietly. And when my well of wellbutrin is running dry of serotonin i can say things I don't mean. or maybe it's the truth in me, i feel it building, bubbling up.

RPs EN ATTENTE : aisling #3

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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyMar 11 Fév 2020 - 10:30


Many rivers to cross
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS 873483867

Alors qu’il m’observe, que ses pupilles s’accrochent aux miennes tandis qu’il me surplombe, je m’interroge réellement sur ce qui peut bien lui traverser l’esprit. A quoi pense-t-il alors qu’il semble incapable de lâcher mon regard ? Aux confessions que je lui ai faites hier soir, à voix basse comme si quelqu’un risquait de les entendre ? Imagine-t-il des détails plus sordides les uns que les autres en tentant de deviner quel âge j’avais, si j’étais dans l’appartement lorsque c’est arrivé ? Ou bien pense-t-il aux siennes, agité par le même trouble que moi. Cherche-t-il lui aussi à comprendre ce qui l’a poussé à s’ouvrir, à se confier ? Se questionne-t-il sur la nature de leur relation, se demandant finalement si nos confessions n’en redéfinissent pas les limites ? Elles le rendent floues à mes yeux, c’est indéniable et ça me fait peur. Mais encore une fois ma fierté et ma peur de l’engagement prennent le dessus et trouvent une explication plausible : hier soir la peine m’étouffait. Je n’étais pas dans mon état normal et c’est mon deuil écrasant, pas la nature de ma relation avec Amos, qui me poussa à m’ouvrir. Je pousse même un peu plus loin en essayant de me convaincre que je l’aurais fait avec n’importe quel homme à sa place, parce que je manquais de clairvoyance. C’est faux évidement, mais l’interprétation suffi à apaiser une part de moi, et j’œuvre pour bâillonner et repousser à l’arrière-plan celle qui sait que ce sont des foutaises. Un jour je ne parviendrai plus à trouver d’excuses, parce que ce n’est pas la première fois que je note une différence entre ma façon d’appréhender ma relation avec Amos et ma façon de traiter les autres, et ce jour-là nul doute que je serai prise d’un immense vertige.

Sa nouvelle confidence, celle qui ressemble plus à une erreur qu’une confession volontaire m’offre une distraction bienvenue. Mon esprit se nourrit d’une nouvelle énigme alors qu’il analyse les mots qui s’échappent des lèvres du brun. Ce n’est pas le fait d’apprendre qu’il est coutumier pour lui de trop profiter des bonnes choses, ou en tout cas pas inédit, c’est le contexte dans lequel il place son anecdote : une permission. Une perm. Je ne suis pas idiote, mais il n’y a que peu d’interprétations possibles. « Armée de terre au départ et puis, pour la RAN. »  Je garde mes iris accrochés aux siens alors qu’il caresse doucement ma joue. Ma main vient se poser sur la sienne, pas pour l’éloigner mais pour l’envelopper d’une chaleur rassurante, celle qui pousse aux confidences. La Navy. J’ai du mal à imaginer Amos dans un uniforme de militaire, cheveux rasés presque à blanc, et docile au point d’obéir sans jamais se poser de questions. Est-ce l’envie de retrouver ce sentiment d’appartenir à une communauté, une fraternité qui le poussa à rejoindre les rangs de la pègre ? L’hypothèse me semble capillotractée. « Et, j’y suis resté de 1996 à fin 2008. Un truc comme ça. » Je fais rapidement le calcul, par réflexe plus que pour mettre quoi que ce soit en évidence. J’avais neuf ans lorsqu’il s’engagea. « J’ai été blessé. On m’a poussé vers la sortie. J’ai perdu la foi au système. » Et vingt et un quand il la quitta. Il perdit la foi en l’armée l’année ou moi je perdais une partie de celle que j’étais en même temps qu’Aaron, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle. Dans d’autres circonstances j’aurais pointé du doigt mon âge en 1996, avec un sourire espiègle sur les lèvres et dans le but de le provoquer, mais je sens que l’heure n’est pas à ce genre de remarque bien sentie. Il se confie, il s’ouvre, mais je sens que le cœur n’y est pas et que, sans sa gaffe ou si je ne l’avais pas relevée, il ne m’aurait pas confié ces choses-là. « Tes tatouages. » Je me redresse, même si je n’ai pas envie de me soustraire à cette étreinte, mais c’est une conversation que je préfère avoir en ayant mon regard au niveau du sien. Je croise mes jambes en tailleur, le corps tourné dans sa direction. « C’est ça qu’ils représentent ? » A nouveau je pourrais exiger des détails. Lui demander qu’il m’explique réellement ce qui lui a fait perdre la foi, où il s’est blessé, mais je me garde bien de le faire. S’il était torse nu j’aurais par contre laissé mes doigts courir sur son flanc, son dos et son torse pour suivre la carte tracée à l’encre noire, pour la lire maintenant que j’en devine le sens.

A la place je reste pensive un instant, réalisant que je ne sais pas grand-chose de cet homme qui pourtant partage bon nombre de mes nuits. Lucide, je réaliserais que je ne sais pas grand-chose de tous mes amants et qu’il est surprenant qu’il n’y a que pour lui que ça me dérange, ou en tout cas que je me pose des questions. « Je ne comprends pas. Tu sais déjà qui je suis ? Non ? » « Tu sais qui je suis moi ? » Ma question fait écho à la sienne sans que je n’ai besoin d’y réfléchir dans l’espoir que, si il tente d’y répondre, il comprenne où je voulais en venir. Mais il m’échappe déjà et je le sens alors que son regard se fait plus fuyant. « Je devrais peut-être aller prendre une douche avant de… » Avant de quoi, de me répondre ? De me laisser, passer la porte comme un voleur parce que je l’ai déstabilisé ? Une part de moi serais déçue, encouragée par notre confessions de la veille je ne pensais assez intime pour ne pas avoir à prendre de pincettes, mais j’oublie qu’il n’est pas à l’aise avec les mots comme je le suis Amos. « Je n’aime pas les questions pièges. Ça fait partie de ce que je suis. » Je fronce les sourcils. C’est ce qu’il pense, que j’ai cherché à lui tendre un piège ? Pour quoi faire ? M’imagine-t-il en amante exigeante et avide de le contrôler ? N’ai-je pas prouvé que je n’étais pas ça ? « Si tu veux savoir quelque chose en particulier, demande-le franchement. Qui je suis, ça ne veut rien dire pour moi. » Il est sur la retenue, il est sur la défensive et je réalise que le temps des confessions est peut-être fini. Je me gifle mentalement en constatant la pointe de déception que cela fait naître chez moi, elle n’a pas lieu d’être. Je me rappelle ce dont je tente de me convaincre : c’est la détresse qui nous poussa à nous révéler l’un à l’autre la veille, rien d’autre. « C’était pas une question piège. » Et ça m’attriste que tu penses le contraire. Je pousse finalement un soupir. « Mais tu as raison, c’était stupide. Les choses sont très bien telles qu’elles sont. » Je me convaincs que je n’ai pas besoin de savoir plus, qu’il n’y a aucune explication au fait que chaque fibre de mon être le souhaite pourtant. Ce ma fierté qui pointe le bout de son nez, celle qu’il a blessée en me déboutant, mais elle est plus là pour m’éviter l’embarras de lui montrer ma déception. Je décroise mes jambes et pose mes pieds au sol, avant de me redresser doucement en faisant fi de ma tête qui tourne pour conserver un semblant d’allure. « Je vais aller me doucher. Je ne t’en voudrais pas si tu n’es pas là quand je reviens. » Mais je n’ai pas envie qu’il parte, pas du tout. « Mais si tu l’es encore, tu n’auras qu’à te doucher pendant que je nous commande à manger, mes placards sont vides. » Comme toujours en fait, il en a l’habitude. « Ça nous fera du bien et Mitch ne m’attend pas avant 15h. » Je sonde son regard pour vérifier qu’il a compris, pour tenter de deviner quel choix il fera, mais je capitule devant le constat que j’en suis incapable. M’éclipser de la pièce me semble être la meilleure solution de nous laisser à chacun le temps de panser nos blessures sans porter atteinte à notre orgueil, alors je le fais. Je me penche d’abord sur Amos pour déposer un baiser sur son front alors que ma main caresse sa joue, et finalement je me redresse avec un fin sourire sur les lèvres, et disparait dans ma chambre avant de filer dans ma salle de bain pour me glisser sous la douche.

Je n’en sors qu’une quinzaine de minute plus tard, après avoir profité de la brûlure de l’eau chaude sur ma peau et séché mes cheveux. J’enfile rapidement un jean et un débardeur de satin noir, avant de revenir dans le salon en me posant une unique question : sera-t-il encore là ? Si c’est le cas, je sais que j’aurais du mal à résister à l’envie de me blottir contre lui un instant. Je ne saurais le remercier d’être resté à voix haute, mais ce serait là ma façon de le faire en silence.







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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyMar 11 Fév 2020 - 18:03




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J’ai parlé trop vite et, si, habituellement, j’évite de m’arrêter sur ma vie de militaire, j’ai perdu le droit de choisir entre reculer et avancer à cause de Raelyn, de sa curiosité et de sa douceur. Sa paume, contre la mienne, me tranquillise, un peu, assez pour que je lui décrive brièvement ce que fut ma vie avant le Club. Bien sûr, mon passé dans l’armée est une goutte d’eau dans l’océan de mon histoire. C’était certes, Sofia mis à part, ce dont je fus le plus fier à une époque, mais j’ai tant regretté d’en être écarté que cet épisode s’est voilé d’une nostalgie écrasante et affligeante. Une grande part de moi est restée à bord du navire qui signa la fin de cette incroyable aventure. La carte, dessinée sur ma peau, restera en l’état. Plus de ligne en pointillés reliant un point à l’autre. Plus de coordonnées géographiques non plus et, elle avait beau être riches, je l’observais encore avec cette pointe d’amertume qui oblige à détourner le regard. Je n’en suis pas moins fier, il est simplement la preuve de mon échec et c’est douloureux, pas autant que la perte de Sofia, mais assez pour contribuer à ma chute lente, assez pour que je me contente du strict minimum. « Oui. Il y en a. » Une ancre, grossière, à laquelle s’est enroulée une corde et dont l’encre à baver avec le temps. « C’est à cause de l’ennui. » Les nuits sont longues sur un bateau perdu en pleine mer. Lorsque nous étions lassé de jouer aux cartes, nous nous occupions avec les moyens du bord et rarement de façon constructive. L’idée de ce tatouage est née bêtement dans la bouche de Sherwood, décédé depuis longtemps aujourd’hui. Tout l’escadron, battant des deux mains, a trouvé l’idée lumineuse. Tu parles. Il n’a rien d’esthétique, mais nous avions tous le même, au même endroit. Il nous reliait les uns aux autres et nous sommes devenus plus que des matelots, mais bien des frères. De cette élite il ne reste plus grand-chose. Dès lors, ce gribouillis, je le chéris, peut-être plus encore que le plus réussi des deux. « Et l’autre, c’est pour ne pas oublier. » D’où l’on vient, où nous sommes allées, ce que nous avons vécus, sur l’océan ou à terre. Ne jamais oublier qui nous sommes, ce qui m’échappait depuis longtemps pourtant. Mon identité se perd dans un marasme d’émotions violentes et de contradictions. Un jour, je me sens mieux, je menace de m’écrouler. Avec mes proches, je m’efforce d’être sympathique. Avec les autres, je me ferme comme une huître et, à côté de ces deux segments somme toute réducteurs, il y a Raelyn. Raelyn et ses sourires. Raelyn et tout le désir que je lui inspire. Raelyn qui ne me regarde pas, qui me dévore avec une telle intensité qu’elle me trouble. Raelyn et grands yeux verts qu’étonnamment je ne soutiens pas, parce que je n’arrive pas à m’y résoudre, parce que jouer, maintenant, serait indubitablement synonyme de défaite puisqu’elle m’oblige, bien malgré moi, à réaliser qu’elle a raison. D’elle, je ne sais pas grand-chose hormis ses formes, sa bouche, ses mains et qu’elle a lutté contre le deuil elle aussi. Je ne sais rien de plus que la sensation de sa peau sur la mienne qui, bien souvent, me grise. Je sais l’effet qu’elle a sur moi, celui que je ne m’explique pas, mais qui m’oblige à y retourner, encore et toujours, même si c’est politiquement incorrect. Je suis marié et je n’ai rien à offrir…

Est-ce tout ce que je suis ? Est-ce là tout le mystère de mon identité ? Est-ce que je dois lui répondre : “Je suis Amos Taylor, j’ai quarante-deux ans et je suis père raté, mari infidèle, ami imparfait et amant menteur.“ N’ai-je donc plus rien de grandiose en moi ? Plus rien susceptible d’être aimé ? Est-ce ce triste constat qui me paralyse face à cette question ? Ne pas être un inconnu pour elle, mais pour moi également ? Mes pirouettes sont moins le fruit de ma répulsion face à ses indiscrétions que celui de mon ignorance, mais je ne mens pas autant ou pas tout à fait. Je n’aime pas être pris au dépourvu ou au piège, mais m’a-t-elle piégé justement ?  Etait-ce bien son but ? Je l’aurais juré, parce que notre mode de communication n’a rien d’idéal. Il se situe entre la provocation, le défi, la distraction et la confidence. C’est quelque fois difficile de ne pas perdre le fil. Ça l’est d’autant plus qu’elle peine à dissimuler son amertume. Elle fronce les sourcils, l’air sévère, et j’en déduis que je viens de la froisser, parce que je suis trop con et que ça fait longtemps que je ne suis plus au cœur de mes introspections. Je suis une cause perdue, celle de ma fille est bien plus noble et si elle n’en profitera pas de son vivant, j’espère que mon dévouement lui tiendra compagnie dans son cercueil. Je suis une cause perdue, sans grande estime pour lui-même, mais je refuse de le dire à voix haute. Je crois que, si je me l’autorisais, je m’avouerais que je redoute davantage son indifférence que son attachement. Je songeai d’ailleurs à la retenir pour la serrer contre moi un peu plus longtemps, parce que dans le divan où elle m’abandonne, il fait plus froid sans elle. J’aimerais la garder au creux de mes bras parce que je n’aime pas l’amertume qui traîne au fond de sa voix.

“Les choses sont très bien telles qu’elles sont…“ ça veut dire quoi exactement ? Que dois-je comprendre ? Que la locomotive est partie sans moi ? Laquelle d’ailleurs ? C’est dérangeant ? Non ! Peut-être ! Je n’en sais rien. Alors, je m’agrippe de toutes mes forces à mes certitudes. Non, ça ne l’est pas ! Bien sûr que non ! D’ailleurs, c’est pour ça que je n’ai rien trouvé de probant à lui répondre. La conversation était bizarre, comme ma présence, ici, la veille. Ça n’avait strictement rien à voir avec cette crainte troublante de la décevoir. Je me fiche de ce qu’elle pense de moi. Je m’en fiche autant qu’elle, hier soir… je suis au moins tout aussi convaincant. Et je m’en fous d’être invité à rester pendant qu’elle prend sa douche et que, cette fois, elle daigne manger avec moi. Au contraire, je ne me serais pas ramassé de son divan pour la précéder dans la salle de bain afin d’y récupérer une – la mienne ?- brosse a dent et le fond du tube de dentifrice. Je ne me serais pas dirigé d’un pas pressé vers sa porte d’entrée pour m’engouffrer dans le hall de l’immeuble comme si fuir était logique et, dans l’ascenseur, je ne m’inquiéterais pas non plus par quelle mouche je viens d’être piqué tant la fugue me semble vaine et puéril. Je n’arrive pas à me décider entre ce qu’il convient de faire et ce que j’ai envie de faire et le problème se pose là. Je suis un Jon Snow des temps modernes, un Gabin australien : ce que je sais, c’est que je ne sais rien. Alors, au lieu de grimper dans ma voiture, je récupère simplement dans mon coffre un kit de survie (plus modestement dit : des fringues propres) et, en remontant, je priai pour que cette brève absence n’ait été remarqué.

Je soupirai d’aise lorsqu’en refermant la porte, le bruit de l’eau contre la cloison de sa douche parvint jusqu’à mes oreilles. Elle se prélassait toujours sous l’eau chaude et moi, revigoré par l’air frais, je me rassis devant le dossier qui, normalement, aurait dû m’occuper une partie de la nuit. Je m’y penchai pour m’occuper l’esprit, pleinement, dans l’espoir que ces 5 minutes accordées par Raelyn – je gaspillai les 10 premières en folie -  servent de béquilles à mon bon sens et ça a fonctionné grâce au coup de pouce d’une cigarette. Elle se consumait entre mes doigts quand ma jeune amante, que je n’avais pas entendu arriver, s’est assise auprès de moi, au cœur de mes bras. J’ai calé ma Marlboro entre mes lèvres et je lui ai fait plus de place, presque machinalement, les yeux rivés sur le devis et les photos, qui jusqu’ici, glissait d’une main à l’autre. Contre toute attente, j’avais réussi à fixer mon attention sur ma paperasse, reléguant au second plan ce qui ne m’agite jamais très longtemps, parce que mes œillères sont bien visées sur mon nez. Sauf que maintenant que le parfum de son gel douche me nargue, je me dis que je pourrais rester dans cette position alambiquée – un genou replié sous mes fesses tandis que l’autre jambe, pied au sol, sert de pont au cendrier posé sur le carrelage et dans lequel je finis d’écraser mon mégot – des heures durant, sans rien dire, ignorant que moi aussi, j’aurais bien besoin d’un jet d’eau brûlante pour soulager les ravages de cette nuit et du temps qui passe sur mes muscles ankylosés. « C’est à mon tour, donc. » murmurais-je pour ne pas briser la bulle de savon qui nous entoure et en abandonnant ma tâche. Je ne suis plus en mesure de me concentrer. Je ne regarde plus les chiffres, mais son épaule nue sur laquelle je pose mes lèvres le temps d’un baiser délicat.

Celui-là, contrairement à d’autres, ne signifiait pas j’ai envie de toi, mais j’aime t’avoir là. Je tends à en profiter encore un peu. « Mais je n’ai pas envie de bouger. » Et mes papiers retrouvent leur place dans la farde à rabats et j’enfouis mon visage dans son cou. Je la respire, discrètement. Je referme mes bras autour d’elle et, les yeux clos, j’ajoute : « Tu peux commander ce que tu veux. Ça m’est égal. » Quoique si j’étais certain que mon estomac le supporterait je n’aurais pas dit non à un quartier de pizza. « Que tu doives aller voir Mitch, par contre. » Je reculai ma tête pour l’observer et évaluer sa réaction. Sur mes lèvres, l’ombre d’un sourire à mi-chemin entre l’amusement et la réelle irritation. « Il n’est pas venu pendant des semaines, est-on vraiment à un jour près. » lâchais-je subtilement, en haussant les épaules et en me dégageant pour de bon tandis que mes doigts jouent avec les siens. Je regrettai que sa journée de la veille ait été si compliquée. Je lui aurais lancé mon T-shirt après m’être levé en guise d’invitation, mais nous n’en étions pas vraiment là aujourd’hui et, quand bien même, j’aurais manqué d’énergie. Aussi, je m’abstiens et me contente d’une expression fataliste alors que je me lève non sans avoir embrassé le dos de sa main au préalable. Ce n’est qu’une fois arrivé devant la porte de sa chambre que j’ai fait marche arrière pour lancer à la cantonade – en l’occurrence, elle seule – que : « Je ne me méfie pas de tes questions, je me méfie des conséquences de mes réponses parce que les choses sont ce qu’elles sont et que c’est en effet très bien comme ça. » Et cet aveu, bien qu’il soit des plus laconiques, me fit plus de bien que je ne l’aurais cru, comme si ce que nous partagions en dépendait, comme si le moment était idéal, puisqu’il me suffit de quelques pas pour entrer dans la salle de bain.


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Raelyn Blackwell
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la muse des cauchemars
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ÂGE : 36 ans (23.12.1987) - capricorne ascendant scorpion
SURNOM : Raelyn est le prénom qu'elle s'est choisi, elle est née Rachel-Lynn.
STATUT : Son âme sœur est morte en prison : elle est veuve depuis le 16.07.2024. Micah a l'âge de poser des questions mais pas celui de comprendre la mort et, de toute façon, Raelyn est trop brisée pour répondre aux interrogations de sa fille.
MÉTIER : Boss du Club, la pègre de Brisbane, depuis février 2021. Propriétaire et gérante de l'Octopus, un Casino qui a ouvert ses portes en avril 2021. Baronne de la drogue, reine de la nuit et mère célibataire, une vie somme toute bien remplie.
LOGEMENT : Le loft du 721 Daisy Hill Road (Logan City) lui semble bien vide et froid maintenant qu'elle s'endort loin des bras de son époux.
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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyMar 11 Fév 2020 - 23:03


Many rivers to cross
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS 873483867

Les miens de tatouages sont inégaux. Certains ne sont que le résultat de soirée un peu trop arrosées, de mauvaise idées et ou d’envie de provoquer tous plus et encore. Les roses qui montent du haut de mes fesses et le long de mon flanc gauche en sont le meilleur exemple, j’avais dix-huit ans, je venais de quitter ma ville natale après l’avoir rêvé tout une vie, et au même titre que ma coloration platine je suis passée sous l’aiguille pour enterrer définitivement la jeune femme que j’étais. La campagnarde qui, à mes yeux, n’avait pas beaucoup de saveur. L’emplacement révèle une envie d’attirer l’attention sur moi, l’envie d’être regardée par les hommes là où mon âge l’interdisait pourtant à l’époque, et l’envie de marquer les esprits. D’autres sont simplement esthétiques, ce sont ceux-là qui recouvrent en majorité le côté gauche de mon dos, mon blanc gauche et l’intérieur de mes bras. D’autres ont une signification, mais elle n’est connue que de moi et moi seule et je me garde bien de la partager. Je n’aime pas l’idée que l’on puisse lire qui je suis et mes différents états d’âme en observant mon corps, si bien que je suis à l’aise avec cet imbroglio improbable de formes et motifs à l’encre noire. Si je n’aime pas que l’on le fasse, je m’applique par contre, par curiosité, à deviner la signification de ceux des autres, et jusqu’ici ceux du brun m’avaient échappé. « Oui. Il y en a. » Il ne fait que confirmer ce que j’ai déjà deviné, et je penche la tête pour l’écouter. « C’est à cause de l’ennui. » L’ennui, un mal que j’ai trop côtoyé avant d’être mise sur la route du Club. Un mal qui m’a poussé à faire mon lot de conneries aussi. « Et l’autre, c’est pour ne pas oublier. » Je l’observe, et finalement je lui réponds en chuchotant presque, comme si quelqu’un risquait de nous entendre. « Ne pas oublier quoi ? » Quelqu’un ? Des souvenirs ? Je suis curieuse, et c’est curiosité qui me pousse à avoir l’audace de lui demander qui il est.

Je ne m’encombre pas de pincette et de précautions qui sont à mes yeux inutiles. Hier j’ai parlé sans fard, lui aussi, je crois en tout cas, et aujourd’hui je n’ai pas le sentiment d’avoir à me distancer à nouveau de ça. Sa réaction me souffle que si, que s’il est venu hier soir pour m’aider à affronter ma solitude il regrette peut-être ce matin cet élan irréfléchi. Alors je me braque, parce qu’en s’exprimant sur un ton froid, et se refermant de la sorte il me rejette et que le sentiment m’est désagréable. Ma réaction est prévisible, trop peut-être, mais encore une fois je suis incapable de faire autre chose que de me cacher derrière l’imposante muraille que j’ai dressée entre moi et le reste du monde, entre moi et les hommes. D’un coup d’un seul je me convaincs que je n’ai pas besoin de savoir qui il est, j’oublie même l’élan de spontanéité qui me poussa à poser la question, et je l’observe se lever pour aller chercher la brosse à dent qu’il a laissé dans ma salle de bain en silence. Lorsqu’il se rassoit je lui offre la possibilité de s’enfuir en l’absolvant de toute culpabilité. Là encore je me cache. à encore l’amertume est palpable mais mon attitude hurle « tu as raison, nous ne sommes rien de plus que des amants, nous ne sommes pas censés nous interroger l’un l’autre à ce genre de sujet. » A partir de là, me quitter au petit matin me semble logique. J’oublie qu’il est resté à mes côtés toute la nuit sans exiger ou réclamer que nos lèvres se frôlent et que nos corps se retrouvent. Je me cache derrière le fait que la situation est très bien telle qu’elle est, mais qu’est-elle exactement ? Nous n’avons pas mis de mot sur notre relation, nous nions notre attachement naissant et pourtant nous passons parfois plus de la moitié des soirs de la semaine ensemble, chez moi exclusivement. Notre relation est déjà plus suivie que toutes celles que j’ai connues après Aaron, et je me cache derrière le terme d’amants même s’il est réducteur. Pourtant devant le changement d’attitude subit du brun, je me promets que c’est ce que nous sommes, et ce que nous resterons.

Pourtant, après m’être prélassée sous la douche pour mettre derrière moi la journée de la veille et son lot d’idées noire, je lutte contre l’envie d’aller jusqu’au salon pour voir s’il est resté. Je tempère mes ardeurs, je sèche chez cheveux précautionneusement et j’enfile mes vêtements sans hâte. Lorsque je pénètre dans la pièce et que mon regard se pose sur la nuque d’Amos, penché sur ses papiers, mon cœur rate un battement. Il est resté. Il est resté et s’affaire à nouveau à la lecture de son dossier sur lequel je n’ai pas posé de question hier, comme s’il était chez lui en ces lieux. Il y est devenu à l’aise avec le temps, ce n’est pas la première fois que je me fais la remarque. Elle est suivi d’une autre, une qui dit « ça ne me dérange pas », et c’est bien la première fois. Je mets ça sur le compte de l’habitude, je me suis tant laissée aller à écouter mes pulsions que l’avoir ici est devenu une habitude, mais je me promets de recommencer à être raisonnable, consciente que je n’y parviendrai pas. Sa peau appelle la mienne, ses yeux me font perdre toute volonté lorsqu’ils s’accrochent au miens, et en temps normal sa présence seule me donne envie de lui voler un baiser. Aujourd’hui l’heure n’est pas aux embrassades, quand nous aurons quitté l’appartement je me sentirai à nouveau libre de le faire, mais tant que nous y sommes ce matin ressemble trop au prolongement de la journée d’hier pour que je m’en sente libre.

Pourtant, je ne résiste pas à l’envie de me blottir dans ses bras. Il cale sa cigarette entre ses lèvres, son bras vient naturellement enserrer mes épaules alors que je pose ma tête contre son torse. Je ferme les yeux un instant, et je respire calmement, sans laisser mes pensées m’envahir et alourdir mon esprit. Amos sens l’alcool, la cigarette et la transpiration, mais j’admets n’en avoir que faire. Sentir son souffle et la chaleur dégagée par son corps me fait oublier tout ça. « C’est à mon tour, donc. » Il dépose un baiser sur mon épaule et je ferme les yeux sans esquisser un mouvement, pas réellement décidée à le laisser partir. Je lui ai donné l’occasion de le faire et il ne l’a pas saisie, c’est trop tard à présent. « Mais je n’ai pas envie de bouger. » Un sourire étire mes lèvres alors que je constate que nous sommes sur la même longueur d’onde. Je ne sais pas s’il a envisagé de partir, s’il s’est levé et a marché jusqu’à la porte ou si l’idée ne lui a pas même traversé l’esprit mais je m’en fiche : il ne l’a pas fait, et ça me suffit. Il laisse tomber sa tête dans mon cou et je ne dis rien, je me contente de fermer les yeux. « Tu peux commander ce que tu veux. Ça m’est égal. » Je note l’information dans un coin de ma tête, et me redresse alors qu’il en fait de même. « Que tu doives aller voir Mitch, par contre. » Je lève un sourcil, avouant sans peine que j’ai du mal à voir où il veut en venir. La relation entre Mitchell et le brun ne m’a jamais intéressée, elle ne me concerne pas mais de l’extérieur je n’ai jamais senti ou aperçu le moindre signal indiquant méfiance ou mépris. « Il n’est pas venu pendant des semaines, est-on vraiment à un jour près. » Il hausse les épaules comme s’il venait de me demander quel temps il fait dehors, mais je m’interroge. Pourquoi cette remarque ? Amusée, j’enroule mes avant-bras autour de son biceps. « Tu dis ça pour me garder un peu plus longtemps auprès de toi où je dois comprendre autre chose ? » Je n’ai pas envie de ranimer le moindre sentiment de méfiance ou une quelconque tension entre nous. Mon tom est amusé, mes remarques teintées d’espièglerie. « Il faut savoir profiter des bonnes choses avec parcimonie… » Comme si nous en étions capables. Parcimonie est tout sauf le mot pour décrire notre liaison tant nous nous laissons happer par l’appel de la chair dès que nous en avons l’occasion. « T’es au courant que ma relation avec Mitchell est strictement professionnelle rassure moi ? On m’a fait le coup récemment, je préfère m’en assurer. » D’un air moqueur je le défis d’admettre que ce n’était là que le résultat d’une jalousie latente, même si je soupçonne qu’il y ait plus que ça. « C’est précisément parce qu’il a été occupé ailleurs ces derniers temps qu’il a besoin de moi, cela dit. » Et je ne m’en plains pas : la mort de Mavis et la torpeur dans laquelle tout ça a laissé le boss m’ont fait prendre du galon. J’ai gagné en responsabilité et assis mon autorité, c’est bien la première fois que la sulfureuse blonde m’a rendu service.

Quand il se lève et qu’il embrasse ma main, je laisse glisse de la sienne à regret, et je ne le quitte pas des yeux alors qu’il se diriger vers ma chambre. Finalement il se retourne, et alors que je m’attends à une remarque bien sentie, le ton devient immédiatement plus sérieux. « Je ne me méfie pas de tes questions, je me méfie des conséquences de mes réponses parce que les choses sont ce qu’elles sont et que c’est en effet très bien comme ça. » Il disparait et me laisse là, avec la tâche ingrate de comprendre où il a voulu en venir et surtout ce que cela fait naître chez moi. Je devrais être soulagée qu’il partage ma façon de voir les choses, mais je ne le suis pas. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi mais si j’étais capable d’ôter mes œillères je réaliserais que c’est parce que je ne le pense pas. Les choses ont cessé d’être simple il y a bien longtemps, et nous nous voilons la face en prétendant le contraire. Pourquoi se méfie-t-il de ce qu’il pourrait me répondre ? Pense-t-il que s’ouvrir à moi signifie qu’automatiquement nous nous amouracherons l’un de l’autre ? Je me complais dans cette relation aux frontières floues parce que nous avons tous les deux trop peur de les dessiner, et je chasse mes questions, je les garde pour un autre temps, un autre jour.

Alors que j’entends l’eau qui coule, j’attrape mon téléphone pour le rallumer après plus de vingt-quatre heure de silence. J’ignore les messages sans importances, celui d’Alec qui me demande comment je me sens et celui de Mitchell, qui me demande sobrement si je serais là aujourd’hui. Je repousse ces réalités à plus tard pour focaliser sur un besoin plus primaire : me nourrir, et en quelques manipulation je nous commande une pizza, parce que le choix est simple et que je sais que je prends peu de risques. Je ne suis moi-même que peu compliqué, n’ayant jamais appris à cuisiner pour moi-même je me contente de peu. Je dépose le téléphone sur la table et mon regard se pose sur les papiers qu’Amos étudiait. Il les a laissés visibles et éparpillés, sans chercher à les soustraire à ma vue, si bien que je m’autorise à faire preuve de curiosité. J’attrape le dossier et colle mon dos contre l’assise du canapé, et me plonge dans ma lecture. Ce sont des devis, des plans en trois dimensions et je comprends rapidement qu’il s’agit de plan du bateau sur lequel nous avons échangé notre second baiser. Les souvenirs de cette soirée-là me reviennent, avec eux leur lot de frustration, même si de l’eau a coulé sous les ponts. Quand Amos revient dans la pièce je suis si absorbée que je ne l’entends pas, et ce sont ses mains qu’il pose sur mes épaules, débout derrière le canapé, qui me font sursauter. Sans rougir d’avoir été surprise je tourne la tête dans sa direction, et le dévisage d’une moue amusée. « Ils étaient restés ouverts. » Ses papiers et différents dossiers. Je l’observe faire le tour du canapé sans le quitter des yeux, mais je désigne les papiers que je tiens entre mes doigts du menton. « C’est le bateau. » Ce n’est pas une question, c’est une affirmation. « Tu l’as acheté ? » Pourquoi en étudier les différentes possibilités d’aménagement sinon ? « Je croyais qu’il était au-dessus de tes moyens ? » il me l’avait confié un soir.







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Message(#)(Amelyn #5) ► MANY RIVER TO CROSS EmptyMer 12 Fév 2020 - 15:40




MANY RIVER TO CROSS
Quiconque nous observerait la trouverait délicate de chuchoter sa question. Chacun s’accorderait à croire qu’il est le fruit de sa timidité alors qu’elle tente de me percer à jour. Moi, qui suis parti prenant de la scène, je lui porte un regard plus sombre, mais à peine dérangeant. Elle murmure parce qu’elle bat le fer tant qu’il est chaud. Elle s’appuie sur mon aveu de la veille pour glaner plus de secrets, toujours plus. Elle agit sciemment, sans même chercher à cacher ses intentions. Elles se lisent au fond de ses yeux, à présent moins ternes et auxquels je prête volontiers la lueur malicieuse de la curiosité malsaine. À moins que…ça ne l’intéresse réellement ? Mes tatouages l’ont-ils déjà intriguée ? Leur avait-elle inventé une histoire ? Leur avait-elle cherché du sens ? Une signification particulière ? Et moi, l’avais-je fait dès lors que son corps est parsemé de dessins ? Et, est-ce bien ce qui me tracasse finalement ? Le plus inquiétant ne devrait-il pas être que je rechigne de moins en moins à l’éclairer sur ce que fut ma vie ? Pour un geste – sa main dans la mienne, une caresse sur ma joue, un baiser sur mon front – et sous prétexte que j’ai trop bu et trop fumé, j’amende mes prescrits sur les bienfaits du secret sans remanier la vérité. Certes, elle ne claironne pas au milieu de son salon, mais c’est parce que je manque de mots pour expliquer ce qui ne doit jamais être oublié. Parfois, rien n’est plus éloquent qu’un exemple. Alors, je soulève mon T-shirt et, du bout des doigts, je légende ma carte. « Itinéraire emprunté. » Mon index parcourt les traits en pointillés. « Point de départ et destination.» conclus-je tandis qu’il glisse jusqu’aux coordonnées géographiques. Qu’ajouter ? Les objectifs de mission ? Les frères de la Navy ne partagent pas ce genre d’informations, jamais, avec personne. Ça fait partie des règles d’éthique et de déontologie. De plus, j’en avais dit assez, juste assez pour la rassasier. Pour Raelyn, ces confidences sont aussi maigres que l’apéritif d’un pingre. Je lui ai ouvert l’appétit. Elle me cuisine – du moins, en ai-je l’impression – et je me braque aussitôt. Son intérêt est interpellant à tout niveau. En plus d’être injustifiable étant donné l’état de notre relation, je n’ai pas de réponse intelligente et intègre à déposer entre ses mains. C’est de loin le plus offensant, aussi bien pour elle, que je remballe froidement, que pour moi, qui réalise ô combien je me suis perdu ces dernières années.

J’ignore ce qui me poussa à faire machine arrière alors que rentrer chez moi me semblait tout indiqué. La conversation avait pris une tournure désagréable : je flippe d’ignorer vers quel chemin sa curiosité nous guide. Je suis inquiet que se fendille ma carapace. Je l’avais froissée. Le sort conspirait contre nous. Je trouvais moins légitime de rester que de m’enfuir. Et, pourtant, je renonçai sans trouver le courage de sonder le fond de mon cœur pour prendre la température. Je n’avais pas envie d’y trouver de l’attachement ou tout autre sentiment du même acabit. En intégrant le Club, je n’ai pas signé pour ça. Je n’ai ni le temps ni le désir de me compliquer la vie pour une femme qui, aussi belle et désirable soit-elle, partage ses draps avec des types lambda parce qu’elle les trouve attrayants. Je ne dispose pas non plus d’assez d’énergie pour me battre contre ses habitudes et le fantôme de son défunt petit copain, fiancé ou mari. Témoin de sa détresse, je pourrais jurer sans me tromper que son attitude avec les hommes découle de son deuil inachevé et de sa volonté de prendre le dessus sur le destin, de le narguer d’un pied de nez, de lui crier au visage : “regarde-moi. Tu as voulu me mettre à terre, mais je suis toujours là, debout. J’ai ma vie entre mes mains et je t’emmerde. “ Ma main, au feu, ne brûlerait pas et je ne l’en blâme pas. Je saisis l’enjeu, dans son entièreté, raison pour laquelle il m’est si facile de rejeter l’idée d’une quelconque évolution pour notre relation. Je ne lui trouverais rien de profitable. Alors, je n’essaie pas. Je vais jusqu’à me trouver ridicule d’y avoir réfléchi. Si j’adore quand elle se love tout contre moi, si je lui ouvre les bras en grand pour lui offrir plus d’espace, c’est parce que c’est vide d’engagement. J’aime ça parce que ça ne réclame aucun effort particulier et, dans l’éventualité où tout s’arrêterait demain, je n’y penserai pas le cœur meurtri d’avoir à nouveau été abandonné par quelqu’un qui compte. Ce sera uniquement la fin d’une jolie aventure à laquelle on repense, parfois, en souriant, sans regret ni remords, avec ce soupçon de nostalgie qui fait honneur aux plus beaux souvenirs. C’est à eux que je voue Raelyn, mais pas tout de suite. Pour le moment, j’entends profiter du pansement qu’elle pose sur mes plaies jusqu’à ce que je n’en aie plus besoin, jusqu’à ce qu’il ne soit plus efficace, jusqu’à ce que je sois lassé avant que le contraire ne me surprenne.

Par chance, l’heure n’est pas encore venue. Je lui souffle que, moi aussi, j’ai besoin de me défaire des traces de la veille, mais elle ne bouge pas. Elle demeure là, tout contre mon torse. Elle y gagne un peu de douceur, mais également quelques révélations teintées de vérités et de malice. Ce qui est vrai, c’est que je ne suis pas pressé de retrouver ma solitude. Après de tels moments, il n’est jamais bon de succomber à la gamberge. Je ne suis pas non plus transi d’impatience à l’idée qu’elle m’abandonne au profit de Mitchell. Là où Raelyn fait fausse route, c’est qu’il ne s’agit pas de jalousie. Des frères Strange, c’est d’Alec dont ma possessivité se méfierait. Le boss n’a, d’après moi, pas les reins pour s'encanailler avec son associée. Elle aurait tôt fait de prendre le dessus et de lui ravir sa place si elle n’était pas consumée par sa loyauté. Il l’a rendue aveugle à ce qu’il est réellement, un félon de la pire espèce. Je ne parle pas de sa traite des blanches qui remue autant Raelyn qu’une brise légère. Elle segmente et compartimente. C’est le métier qui veut ça. Je fais référence à ce pauvre type qui la manipule et qui la traite comme un âne. Il tend devant son nez la carotte du pouvoir et elle avance sans plus réfléchir, ne répondant plus que sa seule volonté. Ça m’agace, vraiment, parce qu’elle vaut mieux que ça et qu’elle ne semble pas l’accepter. Ça m’irrite, oui, mais ça n’explique pas mon sous-entendu. Il est plus vicieux qu’il n’y paraît, quoique je n'en pipe mot. En bon semeur, je sais qu’il faut attendre avant de récolter le fruit de notre travail. Le mien commence à peine et je hausse les épaules. « Je ne sais pas. » répliquais-je innocemment, mon sourire discret se muant rapidement en éclat de rire. « Parcimonie. Oui. C’est la plus évidente de toutes tes qualités...» J’ironise. Je me fais plus stupide que la bête de somme, mais ça tient surtout du jeu. « Et la nature de ta relation avec Mitchell ne me regarde pas. Maintenant, si tu as un truc à confesser, je suis tout ouïe. » la taquinais-je en songeant que, cette fois, il est grand temps que je m’éclipse dans la salle de bain. « C’est précisément parce qu’il est souvent occupé ailleurs qu’il peut bien t’attendre une heure de plus. » Je laissai ma phrase en suspens quelques instants utile à rassembler mes forces et à nuancer mon opinion. « Ce que j’essaie de dire, c’est que les gens commencent à parler. Certains ont parfois un peu de mal à distinguer lequel de vous deux dirige vraiment.» Autrement dit : peut-être qu’il serait bon que vous redéfinissiez les rôles. « Et peut-être aussi parce que : qui dit Mitch dit Alec. » En ce qui le concernait, j’aurais bien du mal à dissimuler que je leur prêtais une relation plus qu’amicale. Je me chargeai donc de m’enfuir, pour la salle de bain, non sans avoir formulé l’ébauche de quelques excuses inutiles. Elle jeta l’amertume avec l’eau du bain…

Alors que je m’apprêtais à la rejoindre au salon, je l’observai un instant durant. Elle détenait entre ses mains quelques feuillets de mon dossier et je me souviens avoir songé que sa curiosité était sans borne. Aujourd’hui, plus que tous les autres, j’étais au cœur de ses interrogations et je ne sus dire si je m’en flattai ou si je m’en méfiai, pas tant parce qu’elle s’est plongée dans mon projet sans autorisation – il n’a rien de secret – mais parce que ma présence lui échappa, preuve indéniable de sa concentration. Se pourrait-il qu’elle s’intéresse réellement à ce que je fais, ce que je suis et ce que je prévois ? Mais, dans quel but ? Ne sait-elle donc pas que plus on en découvre, plus on a soif d’apprendre ? Est-ce à moi de le lui expliquer ? De la chatouiller un peu, qu’elle réalise que c’est ce genre de détail qui différencie les amants de quelques soirs des couples en devenir ? En suis-je seulement certain ? Hormis l’éducation de Sofia, Sarah et moi ne nous épanchions jamais sur nos ambitions. Nous n’en discutions pas, mais notre histoire avait l’air de rouler. Ces indiscrétions sont-elles donc le véritable apanage des plus belles histoires d’amour ? Si je me fie à ce que je me connais, je prétendrais que non. J’ajouterais que, si je n’étais pas mort de trouille que se transforme en pelote de laine mal enroulée cet acoquinement, cette éventualité ne m’aurait effleuré l’esprit. « Pas de problème. » la rassurais-je tandis qu’elle justifie son geste et que j’affirme, d’un signe de la tête, que ses suppositions sont exactes. Elles le sont toutes. « Et, il l’était, oui. » Je confirme à nouveau en m’asseyant par terre, à ses côtés, son divan pour dossier. « Mais, tu sais ce qu’on dit. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. » Mon sourire, chargé d’enthousiasme, s’élargit. « Tu te souviens, ce fameux soir, où tu m’as giflé sans raison. » Cette claque, elle était légitime, mais la railler contribue à éloigner ce qui nous reste de notre nuit précédente. « Je t’ai suivie, mais je n’ai pas fermé derrière moi. Il a été vandalisé. Pas de trace d’effraction. L’assurance a refusé de payer. J’ai sauté sur l’occasion, mais je l’aurais eu, d’une manière ou d’une autre. Bon après… » Je me penchai sur la table pour récupérer les photos les plus récentes de mon acquisition. « Il a perdu de sa splendeur. » Graffitis, divans éventrés, les meubles de cuisine décrochés, griffés et j’en passe. « J’essaie d’évaluer combien coûteront les réparations et une rénovation totale. J’aime bien le rouge, mais peut-être pas pour une cuisine. » admis-je en grimaçant. « J’aimerais bien un truc comme ça. » Je glissai entre ses doigts trois autres clichés. « Mais, je n’arrive pas à me décider et je ne peux pas trop me fier au prix pour m’aider. C’est exorbitant. Alors, soit j’ai dormi pendant 20 ans. » Au point d’oublier la valeur du marché. « Soit il me voit comme un pigeon, ce qui me rend mauvais. » Je ramassai une cigarette dans mon paquet et je l’allumai. « Qu’est-ce que tu préfères, toi ? » Parmi les clichés et, accessoirement, que penses-tu du prix ? Suis-je trop avare ou trop nigaud à leurs yeux ?



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