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 (Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME

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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptySam 8 Fév 2020 - 20:22




Standing there, killing time, can't commit to anything but a crime
En arrivant à Brisbane, il m’a fallu un temps certain pour me souvenir que je n’y étais pas complètement seul. Certes, mes proches résidaient toujours à Kilcoy, mais qu’en restait-il finalement ? Ma relation avec mes parents, surtout ma mère, est toujours en dent de scie, mon petit frère n’a pas les épaules pour porter le poids de ma perte avec moi et Sarah, quoiqu’il lui arrive encore de m’ouvrir ses bras et ses draps, s’est débarrassé de moi, de ma douleur, de mon anesthésie, de ma présence qui alourdissait son quotidien. Je pouvais comprendre. Peu de femmes accepteraient de patienter derrière sa fenêtre, soulevant régulièrement le rideau, en priant que Dieu ne rappelle à lui le dernier membre de sa famille. Il lui avait pris Sofia. Dès lors, à chaque fois que je rentrais ivre à ne plus savoir marcher, elle devait se sentir impuissante jusqu’à ce que la raison beugle plus fort que ses sentiments pour moi. Nous vivotions dans l’aquarium de désamour depuis le décès de Sofia. Mais, la comprendre signifiait-il ne pas lui en vouloir ? Etait-ce des synonymes ? Si, d’aventures, j’avais posé un pied dans ma tombe, elle me poussa au fond du trou. Je suis passé du chiffon à torchon. Pour quelles raisons me serais-je empêché de partir pour offrir à ma vie un sens nouveau ? En pliant bagage, je cherchai longtemps ce qui me retenait dans cette campagne et le constat fut décevant : rien. Rien de beau. Rien de grand. Rien susceptible d’arrêter le train lancé à pleine vitesse vers mes projets malsains. La vengeance m’animait plus que mon humanité. Elle, je l’embrouille dans les vapeurs d’alcool, jour après jour, mois après mois, année après année. La bouteille est devenue mon amie, ma maîtresse, ma concubine. Elle me tint compagnie près de quinze jours dans ce studio miteux depuis lequel je rassemblais les numéros de téléphone qui m’aideraient à remonter la piste vers le criminel qui arracha violemment mon bébé à sa vie. Je demeurai prostré, mal dans mes baskets et le cœur en miettes sans prévenir qui que ce soit que j’emménageais à Brisbane. Elle n’était pas vide de connaissances pourtant. J’y avais toujours un frère et des amis sincères, des amis qui, à aucun moment, me présentèrent leur talon plutôt que leur pointe. Et, parmi ceux-là, il y avait surtout Olivia.

Olivia. Ce bout de femme pétillant et plein d’ambition qui, à l’aube de ses dix-sept ans, bouscula le régime machiste du corps militaire australien. Sa soif de réussite supplantait la volonté de la moitié des hommes engagés. A la caserne, seuls les jaloux ne saluaient pas ses exploits. Ceux-là, il clamait haut et fort, avec véhémence, qu’elle avait été pistonné, que son nom de famille justifiait à lui seul à faire mentir les chiffres, les statistiques ou ses compagnons de galère. En ce qui me concerne, je n’ai jamais prêté mon oreille aux ragots. J’en avais moi-même trop souffert quand j’eus l’idée brillante – ou stupide ? – de m’acoquiner avec la fille du révérend. Les mauvaises langues salissaient notre union en lui présumant une grossesse prématurée. Il n’en était rien. Sofia fut autant le fruit de notre union que de notre amour en partie révolu. Je serais lâche si je prétendais que l’enveloppe estampillé du logo d’un avocat spécialisé en matière de divorce et que j’oubliai volontairement sur la table de chevet de ma chambre d’adolescent ne m’a pas déchiré le cœur. Toutefois, la reconquérir n’est plus vraiment ma priorité. J’aspire à me reconstruire, lentement, loin de la déception et de cette maison dans laquelle le fantôme de ma gamine rit encore pendant la nuit. Je prie tous les saints de trouver dans cette ville ma rédemption, dussé-je y laisser ma peau. Elle ne vaut plus grand-chose.

Olivia. Liv pour les intimes. Cette simple évocation m’arrache un sourire mitigé parce qu’il n’est rien de moins anodin qu’elle se creuse une place dans mon esprit quand je ressasse mes vieux souvenirs. Notre amitié est née par la seule volonté de nos supérieurs. A l’époque, j’appartenais à l’armée de terre et elle rejoint l’escadron dont j’avais la responsabilité. La mission, qui n’était pourtant périlleuse, se compliqua rapidement. Une erreur d’un de mes subordonnées et nous nous retrouvâmes sous le feux des projecteurs, pressentant le danger comme des lapins pris dans les phares d’une voiture. Entre les cris et les coups de feu, je me surprends encore à me demander comment nous nous en sommes tirés avant de me rappeler qu’elle était simplement brillante, que nous avions tout deux, à l’époque, de bonnes raisons de nous accrocher fermement à la vie. Nous avons puisé l’un dans l’autre l’énergie pour survivre et nous ne nous sommes plus jamais quittés. Elle nous rendait visite régulièrement et n’oubliait jamais l’anniversaire de la petite. Ma femme, jalouse par essence, la traitait en sœur et en amie. Moi, elle était la cadette qui manqua à mon enfance. Je contribuai à son bonheur. Je fus invité le jour de son mariage. J’aidai à la concrétisation de ses rêves et, sans prétention aucune, je l’entourais d’une affection toute particulière, parce qu’elle irradiait, Olivia. La vie lui souriait jusqu’à ce que le sort s’acharne sur elle. Durant un temps, j’imaginai que mes malheurs, lassés de me détruire, la choisirent pour cible parce que je n’étais pas à la hauteur. Avec le recul, je trouvai l’idée grotesque. Le destin est un félon auquel nul ne peut se fier. Alors, à défaut de pouvoir lui éviter toute cette souffrance que nous partageons malgré nous, à la mort de son enfant, j’ai été là, près d’elle, incapable de la soutenir avec les mots, mais en lui évitant les morales agaçantes.

Jamais je n’aurais trouvé la ressource en moi pour la saisir par la main et la tirer vers le haut. Je me contentais donc de m’asseoir près d’elle, en silence, sans la juger, parce que sa douleur s’harmonisait avec elle et qu’elle me déculpabilisait. Sans doute s’est-elle fait la même réflexion parce qu’elle m’autorisait à me réfugier dans ses pénates quand affronter la mauvaise humeur de Sarah me paraissait insurmontable. Je n’en sais trop rien. En revanche, durant cette nuit où la solitude me pèse, maintenant que je crois avoir ferré un gros poisson, je réalise que j’ai besoin d’elle. J’ai besoin de ses conseils. J’ai besoin d’être confronté à son sentiment d’injustice parce qu’elle est la seule, en ce bas monde, à qui je me confiai sans honte, sans avoir peur d’être détrompé ou accusé de folie. Et je l’ai appelée, sans me soucier que les aiguilles de l’horloge soit plus proche de minuit que de 20 heures. Je lui ai téléphone pour la réclamer qu’elle puisse m’aiguiller, qu’elle puisse m’apporter son aide, son soutien indéfectible. Elle ne tarda à me rejoindre dans cet appartement  trop étroit pour moi et mes états d’âme. De tout ceux que je fréquentais, dans cette ville maudite, elle était la seule à connaître mon adresse et, quand je lui ouvris enfin la porte, je poussai un soupir de soulagement. « C’est bon de te voir. » lui avouais-je du timbre chaud de la reconnaissance. « Entre. J’ai tout ce qu’il faut à part le confort. » Au moins, possédais-je un divan et un bar bien rempli. « J’espère que je ne t’ai pas dérangé, que j’ai pas créé de soucis. Tu sais que j’aurais compris si tu avais refusé. » Plus que tout autre.





Dernière édition par Amos Taylor le Mar 24 Mar 2020 - 9:25, édité 1 fois
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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyDim 9 Fév 2020 - 20:34


Olivia Marshall & @Amos Taylor ✻✻✻ La lumière du couloir glissa jusqu’à ses pieds nus, au bout du matelas, mais cela suffit pour lui arracher un grognement, le visage à moitié enfoui sous son oreiller. Je refermai la porte de la chambre silencieusement, en raccrochant, prête à m’emparer de mes affaires dans l’obscurité s’il le fallait, pour ne pas le réveiller mais il était trop tard. J’observai, du coin de l’œil, mon mari s’agiter, tendre le bras en un râle inaudible, les yeux plissés tentant en vain d’agripper une lumière qui n’existait plus. « Il est quelle heure ? » souffla-t-il finalement, la voix lointaine. Tellement lointaine que je fus tentée, un instant, de ne pas répondre, espérant qu’il ne s’agisse que d’un sursaut dans son sommeil, qu’il retournerait s’y réfugier si je demeurais silencieuse, qu’il parviendrait même à douter de l’existence de cette interruption à son réveil. Cela m’arrangerait bien, dans le fond. Ce fut sans doute pour cela qu’il s’y refusa, se redressant sur ses coudes, non sans peine pour me faire face, forçant ma réponse. « Ton réveil ne sonne que dans trois heures. » Et je m’en voulus, presque, d’apercevoir son visage endormi, éreinté, ce visage qui n’avait plus jamais le temps de se reposer depuis qu’il multipliait les voyages d’affaires pour ne pas s’éterniser, jamais, entre ces murs que je m’étais également mise à délaisser. Comme maintenant. Je me forçais à être concise. Nul besoin pour lui de me demander si j’allais bien, ce que je faisais, si je venais me coucher. Je répondais une fois sur cinq, cela ne l’empêchait pas de posséder la réponse à toutes ces questions. Et pourtant, il insistait, de cette voix épuisée qui portait tout de même en elle la marque ténue de la précaution. « Ça va ? » Il faisait froid malgré les vapeurs du diffuseur. Il faisait éternellement froid désormais. Le silence agissait de cette manière sur notre mariage, éveillant en lui une force glaciale et insoupçonnable. « Hmm … » me contentai-je de murmurer. Il s’autorisa à s’avachir quelque peu, soudainement las, le regard tout de même sondeur.

J’étais censée parler, cela nous paraissait évident. Lui dire qui était au bout du fil, s’il y avait quelque chose qui le concernait, si tout allait bien, si j’allais revenir avant son départ. J’étais censée, mais je n’en faisais rien alors que j’enfonçai mon bonnet sur mes oreilles, cherchai mes chaussures. Je n’en faisais rien malgré son soupir qu’il ne tenta pas de rendre discret, comme la coda de mon propre souffle, mon propre silence, mes propres pensées, mon propre froncement de sourcils également car j’imaginais le sien apparaître, songeur, alors qu’il laissa retomber sa tête sur les oreillers, le visage encadré par le reflet du miroir devant lequel je venais de m’arrêter. « Tu t’en vas. » Ce n’était pas une question. Tant mieux, cela n’exigeait de moi aucune réponse. Je pouvais le laisser se rendormir, s’imaginant à tort que j’avais été appelée pour une affaire, un suspect, une victime, que sais-je encore. Car la réalité, je ne savais plus comment la lui présenter. Lui répéter de ne pas s’inquiéter ne servait à rien. C’était comme rajouter de l’huile sur le feu car il était beaucoup de choses me concernant, mais que stupide n’en faisait pas partie, naïf non plus. L’impression que je lui cachais quelque chose ne le fuyait jamais. Amos. C’est vers Amos que je m’en vais, tu n’as rien à craindre. Il acquiescerait, me donnerait sa bénédiction même, sûrement, comme toutes les fois auparavant, ne poserait pas de questions car il en anticiperait lui-même les réponses, mornes et évasives comme les nuits que nous partagions. Oui, il me laisserait faire mais je ne parvenais toujours pas à confondre son indifférence et sa déception. Je le connaissais trop bien, sachant qu’il préférait être anxieux plutôt que détaché à mon égard et ce n’était plus là quelque chose que je parvenais à supporter sans culpabilité aucune. Je m’approchai de la sortie, une fois chaussée, enroulai mes doigts autour de la tranche de la porte et me forçai, au dernier moment, à souffler dans sa direction : « Excuse-moi, rendors-toi. » Il feignait bien, se laissait déjà retomber dans nos draps. « Sois prudente. » Tu ne vas pas travailler et je ne le sais que trop bien. Voilà ce qu’il aurait tout aussi bien pu me dire. Il savait faire la différence, il ne s’agissait plus de la première fois.

Que pouvait-il bien me dire, depuis qu’Amos s’était installé de manière permanente à Brisbane. De ne pas me laisser enduire de l’obscurité terne qui semblait recouvrir la voie infinie sur laquelle nous errions, tous les deux. Lui et Sarah le vivaient différemment. Alors, lui et Sarah n’avaient qu’à se réunir également, pensais-je sombrement en enfourchant ma moto. Ce n’est pas en suivant ton ami que tu te remettras à respirer, Liv, que tu te remettras à vivre. Mais je le suivrais partout. Pour toujours. Il s’agissait d’une promesse que nous n’avions pas eu à formuler. Voilà ce qui le blessait le plus. Voilà ce qui nous unissait autant, Amos et moi. Mon ami. Ce mot semblait si creux, presque insultant. Il était le frère que le hasard m’avait donné le privilège de garder au fond de mon cœur. Et ce mot-ci également me paraissait bien peu. Les frères d’armes ne s’oubliaient pas. Mais des frères d’armes, il y en avait d’autres. Ils n’étaient pas Amos. Peut-être n’y avait-il pas de mot suffisamment enveloppant. Peut-être n’y avait-il pas de mots car si le lien, nos histoires étaient uniques, leur manière de s’entremêler l'était également. Alors, j’optais pour la solution qui me paraissait la plus évidente, celle contre laquelle je n’aurais su lutter même si l’envie viendrait à m’effleurer, ce qu’elle ne ferait jamais. Je parcourais les rues, comme ce soir dans l’obscurité de la nuit australienne, lorsqu’il me le demandait, lorsque j’en ressentais le besoin, à n’importe quelle heure, quelques fois pour s’écouter, d’autres pour l’asile, le plus souvent pour ne plus avoir à ressentir, simplement, l’âpre solitude de nos sentiments puisque ceux-ci se reconnaissaient familiers lorsqu’ils se retrouvaient confrontés.

Tu vois, Amos … Je retirai mon casque en poussant péniblement la porte en piteux état de son immeuble. Tu vois, même ici, je me sens mieux que chez moi, car je sais ce que je viens y faire, je sais ce que tu attends de moi. Rien d’autre que d’être moi. Mon soupir se mêla au sien lorsque la porte de son appartement s’effaça sous mes yeux pour laisser apparaître, tel que je l’avais toujours vu, son visage creusé, ses yeux enveloppants, sa mâchoire serrée par la concentration, permanente, omnisciente. « C’est bon de te voir. » Je relevai légèrement la tête pour accrocher son regard mais n’eus pas besoin de prononcer un mot en retour. Toujours. Voilà ce que l’ébauche de mon sourire murmurait à ma place.  Je fus cependant parcourue d’un léger frisson car il n’avait suffi que d’un échange pour, qu’à nouveau, quelque chose prenne sens dans mon esprit. « Entre. J’ai tout ce qu’il faut à part le confort. » Je tendis à peine la main pour effleurer le tissu de ses vêtements, au niveau de son épaule, alors que je le prenais au mot, contournant son profil pour pénétrer dans l’appartement. « Ce n’est pas ce que je suis venue chercher, tu sais. » soufflai-je dans un sourire contenu, un sourire qu’il savait lire dans son entièreté, dénué de tout ce qui lui donnait autrefois sa lumière, empli d’autre chose désormais, de tout ce qu’il y avait de plus sincère néanmoins, à son encontre. « J’espère que je ne t’ai pas dérangé, que j’ai pas créé de soucis. Tu sais que j’aurais compris si tu avais refusé. » J’esquissais un mouvement vers l’unique pièce, la principale, et rejetais ses inquiétudes d’un vague mouvement de main avant de retirer mon bonnet, sans  y penser. « Les soucis ne t’ont pas attendu. Tu me permets même de m’en éloigner. » J’étais honnête, reconnaissante, malgré la dérision dont je venais teinter mes mots, celle qui n'avait plus rien d'amusant, celle qui me faisait tenir. Je me retournais vers lui, finalement. « Merci de m’avoir appelée. Et si tu en avais besoin également, merci de ne pas hésiter, jamais. »  Mes yeux balayèrent son visage l’espace d’une seconde et je trouvais cela étrange, tout à coup. Je n’avais plus froid. Il faisait bon, en sa présence.



solosands


Dernière édition par Olivia Marshall le Lun 24 Fév 2020 - 19:35, édité 1 fois
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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyMar 11 Fév 2020 - 17:06




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Je ne crains pas la solitude, mais elle me pèse parfois. Elle est lourde lorsque ma tête bouillonne de vieux souvenirs et d’idées noires. Elle l’est quand mes soucis prennent le pas sur les effets de l’alcool, ceux qui me détachent du reste du monde et qui me rendent indolent. Elle l’est plus encore dès lors que je réveille volontairement les peines de mon cœur afin qu’elles nourrissent ma rancœur et qu’elles chatouillent la part la plus vile de ma personnalité. Elle l’est également quand je tire le constat douloureux que, dans ces moments détestables, qu’en dehors d’Olivia, nul ne saurait m’écouter, pieusement et sans jugement. Nul ne souhaiterait me venir en aide ou me tendre la main, que je puisse sortir ma tête de l’eau. Alors, je m’en remets à elle, systématiquement, parce que tout est facile quand nous sommes ensemble. J’appelle, elle décroche. Je l’invite, elle me rejoint. Si je lui réclame un conseil, elle n’essaie pas de comprendre le bien-fondé de ma démarche : elle l’offre, sans reproche, sans réprimande condescendante. Pourtant, quoique sa présence me fasse un bien fou, je renâcle toujours un peu avant de la contacter. Son couple ne brille plus de sa complicité d’antan, faute au drame, au deuil, à la douleur qui nous fait comme une seconde peau, parce que nul ne se remet de la perte d’un enfant. Nul ne le peut vraiment. On ne trouve plus en soi la volonté de vivre. Parfois, l’idée même d’y survivre est compliquée. Je le sais. Ses sentiments, ils sont les miens. Ils m’envahissent depuis si longtemps que je n’envisage plus possible de mener mon existence sans leur malsaine compagnie. Ils ont coiffé Sarah sur le poteau. Ils ont supplanté mon couple qui n’y a pas survécu. Est-ce une fatalité cependant ? Certains mariages se relèvent de ce genre d’épreuve. Paraîtrait-il qu’ils en ressortent plus forts… Moi, j’en doute, mais qui suis-je pour condamner celui de Liv ? Qui ? Quel ami ferais-je si je la monopolisais perpétuellement ou, pour être tout à fait exact, plus souvent que mes lubies me le soufflent ? La voir n’en est pas une, mais je ne peux décemment disposer de son temps comment s’il m’appartenait. Je n’ai pas envie d’être égoïste. Aussi, ai-je pris la peine de lui présenter des excuses pour cette intrusion dans son quotidien, à une heure peu raisonnable. Sa réponse, elle ne m’étonna guère. Je devinai à l’expression de son visage et à la lueur brillant dans ses yeux qu’elle était heureuse que je lui fournisse une occasion de fuir la maison conjugale.

Parfois, plus prompt à l’empathie – à moins qu’elle n’existe plus que pour elle – je me mets à la place de son mari et j’imagine qu’elle serait ma réaction si un autre, décrit comme un ami, s’était interposé dans mes projets de réconciliation. De quel œil aurais-je observé la situation : celui, mauvais, qui leur prêterait une relation adultère ou celui, plus confiant, qui concéderait à cette conversation un peu de la morale ? Aurais-je été en mesure de me contenter de la parole de ma femme ou, au contraire, aurais-je débarqué chez cet autre dans l’espoir de les prendre en flagrant délit d’infidélité, que j’aie enfin une bonne raison de lui casser la gueule ? Cette dernière option était somme toute la plus plausible, au point que je pressentais qu’un jour ou l’autre, il débaroulera jusqu’ici pour écraser son poing sur ma joue. Je m’en défendrai à peine, priant pour qu’il m’entende une fois sa rage passée. Je m’apprêtai à lui confier que, peut-être, il serait bon que j’aille le voir, histoire que ça ne dégénère pas, mais tandis que je me pose mes yeux bleus et cernés vers elle, l’intensité qui se dégageait des siens me coupa le sifflet. Je lui souris, amène et, machinalement, pudiquement, naturellement, je cheminai dans sa direction, les bras ouverts et ils l'entourèrent, comme l’aurait fait un père pour son enfant. Certes, l’accolade fut brève. Elle n’avait pas besoin de se prolonger dans le temps pour atteindre son but. Mais je la tiens près de moi, mes mains sagement posées sur ses épaules. « Whisky ? Gin ? Vodka ? Il y a le choix. » Je l’avais prévenue. Ici, il ne manque que le confort et l’espace. Pour le reste, l’appartement remplit son ouvrage. « Et, ne me remercie pas. Tu déchanteras peut-être d’ici cinq minutes. » ne plaisantais-je qu’en partie.

Si, curieuse, elle jetait un regard circulaire dans la pièce, elle y trouverait des indices comme un tas de photos traînant sur l’unique table, ronde et oblongue, de ce studio décati. « Je t’ai demandé de venir parce que j’ai besoin de ton aide. » La politesse aurait exigé que je m’attarde quelque peu en salamalecs, mais à quoi bon perdre son temps en « comment tu vas ? Bien ! et toi ? » ? À quoi bon forcer le mensonge ? À quoi bon se mettre mal à l’aise également ? Nous n’avions jamais trouvé les mots pour nous soulager, raison pour laquelle nous avons tué de nombreuses à grands coups de silence. Il ne m’a jamais embarrassé. Je n’ai jamais cherché comment le meubler, mais avec Sarah, il était assourdissant. Olivia lui rendait ses lettres noblesses. Entre ses mains, c’était presque un remontant. « Tu sais que je ne suis pas là par hasard, n’est-ce pas ? » C’était un autre de ces non-dits entre nous, un de ceux qui ne nous abîmaient pas pour autant. « Je n’ai jamais eu accès au dossier de l’enquête de ma fille. » À ce stade, il n’avait pas encore rejoindre l’étagère des cold case. « Je suppose que certains de tes collègues y travaillent toujours, mais c’est trop long. J’ai besoin de réponses. » Sans quoi, les images déplorables de son corps inanimé me poursuivront jusqu’à ma tombe. « J’ai donc commencé ma petite enquête et je pense avoir mis le doigt sur quelque chose. » Qui me dépassait, qui nécessitait qu’elle y pose un regard aguerri, qui réclamait qu’elle s’y penche parce qu’elle fait partie de la police et que, dès lors, elle pense comme un flic. « Un truc énorme en fait. » avouais-je, penaud et enthousiaste à la fois. J’avais le sentiment d’approcher doucement de mon but, mais je ne l’atteindrais pas sans elle. Jamais. Or, il était hors de question que je l’entraîne avec moi dans une spirale infernale tapie de violence. Si j’avais raison, si ma gamine était tombée dans la toile d’une araignée d’une organisation criminelle, si ce Club, dont l’existence n’est pas encore vérifiée, se cache bel et bien derrière ce meurtre, alors je refuserais qu’elle prenne part activement à ma vengeance. « Je voudrais donc que tu m’écoutes, attentivement, mais que tu me promettes que si j’ai raison, tu resteras en dehors de ça. Tu peux faire ça pour moi ? » Tout au long de cette requête à l’allure d’un monologue, je la guidai de quelques gestes vers le fauteuil. « Et, assieds-toi aussi. Crois-moi. Faut que tu sois assise. » conclus-je pressentant qu’à ce rythme, mon attitude aurait tôt fait de l’alarmer… à raison cependant.



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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyJeu 13 Fév 2020 - 16:19


Olivia Marshall & @Amos Taylor ✻✻✻ Ses bras autour de mes épaules n’avaient pas pour vocation de les soulager d’un poids. Amos n’avait pas ces ambitions, savait ces dernières vaines. Lui aussi était oppressé, constamment. Mais nos deux douleurs l’une contre l’autre, nos deux fatigues pouvaient ainsi se tenir compagnie, se reconnaître, se sentir moins seules, l’espace de quelques secondes. Et il s’agissait de beaucoup. De plus que je ne pouvais l’espérer depuis des mois, plusieurs qui me semblaient déjà être éternité. Le temps paraissait plus long lorsque plus rien n’avait le pouvoir de m’attirer, de m’inspirer, ni joie ni espoir, lorsque plus rien ne semblait trouver de sens autour de moi. Je revivais mes souvenirs, un à un, les laissant suivre un enchaînement bien ficelé, les laissant broyer mon cœur lorsque celui-ci réalisait, de nouveau, qu’il ne s’agissait plus que de cela désormais : des souvenirs. Alors, le diable au corps, je me remettais en chemin, accumulant les heures au travail, gravissant et redescendant les chemins tortueux de la criminalité de la ville. Quelques fois, je m’interrogeais s’il n’aurait pas été préférable de me laisser porter comme mon mari, automate brisé, incapable de se situer ou de choisir une destination finale. À la place, je subissais les foudres de mon esprit n’ayant de cesse que de s’agiter violemment, perdu entre la brume grisonnante d’une vie sans elle et la colère accablante que je ressentais face à cette injustice. « Whisky ? Gin ? Vodka ? Il y a le choix. » Je levai une main pour rejoindre la sienne sur mon épaule, la pressant doucement pour le remercier, alors que je lui adressai un sourire rassurant. « Whisky, puisqu’il faut choisir. » Puisque l’on pouvait en rire, encore, sans les regards préoccupés de notre entourage. « Je t’en sers un ? » Je me dirigeais déjà vers le placard non loin de nous, prenant une liberté qu’il m’avait déjà accordée les fois précédentes. Elles n’étaient pas si nombreuses, à dire vrai, dans cet appartement. Je n’étais venue que quelques fois mais j’avais l’impression de connaître les lieux déjà par cœur tant tout ce qui se trouvait autour de moi semblait fait pour être simple, l’essentiel uniquement, le vital. Pour le reste, il ne s’en préoccupait plus.

« Et, ne me remercie pas. Tu déchanteras peut-être d’ici cinq minutes. » Je ne cillai pas, notai le sérieux derrière sa raillerie, perçus qu’il préparait déjà, ainsi, le terrain pour la suite de son discours. « Je t’ai demandé de venir parce que j’ai besoin de ton aide. » Je sentis ma mâchoire se contracter imperceptiblement alors que je versais un fond de whisky dans l’un des verres. Enfin. « Tu sais que je ne suis pas là par hasard, n’est-ce pas ? » Je m’emparai du second, le mien, et le portais à quelques centimètres de mes lèvres, humant le parfum qui s’en dégageait, les effluves de courage dont nous allions vraisemblablement avoir besoin. La journée avait été longue mais les nuits semblaient éternelles. « Je sais, oui. » Je hochai la tête lentement, sans me retourner, de nouveau. Il ne s’agissait pas de distance, de désintérêt, bien au contraire, mais de concentration. Déjà, mon regard détaillait les nouveaux éléments de la pièce, ceux qui n’étaient pas là la dernière fois, ceux qu’il n’aurait pas laissé traîner s’il n’avait pas voulu que je m’y penche. « Je n’ai jamais eu accès au dossier de l’enquête de ma fille. » Ma poitrine se serra tout à coup. Elle le faisait à chaque fois que nous osions évoquer ce qui nous rongeait. Et nous le faisions pourtant, plus que je ne me l’autorisais avec n’importe qui d’autre. Mais il n’avait encore jamais évoqué ce point-là et j’avais accepté l’évidence, ou celle qui me semblait l'être. Celle me soufflant qu’il se modérait à ce sujet en ma présence, comme si je n’étais pas tout à fait digne de confiance. Pas à cet égard. Pas lorsque je n’avais pas su faire quoique ce soit pour Sofia. Pour elle non plus. « Je suppose que certains de tes collègues y travaillent toujours, mais c’est trop long. J’ai besoin de réponses. » Les photos s’écartaient lentement au fur et à mesure que j’y passai une main, attentive, pour les observer séparément. Je notais ses précautions, notais également que sa remarque sur mes collègues était à peine voilée. Elle n’avait pas à l’être avec moi. Personne d’autre que moi ne pouvait plus comprendre la rancœur, l’animosité qu’il pouvait ressentir face à leur inaptitude. « J’ai donc commencé ma petite enquête et je pense avoir mis le doigt sur quelque chose. » Mes doigts se refermèrent sur les bords d’un cliché d’un geste précis. Mes yeux ne quittèrent pas l’image et pourtant, je savais qu’il était conscient que je ne perdais pas une miette de ses paroles, de son empressement perceptible car soudain. Je l’observais sans le regarder, appréhendant la moindre de ses réactions sans même avoir à le fixer. « Un truc énorme en fait. » Il se contenait, encore, mais je le pressentais pourtant. Il se contenait mais je comprenais que j’allais, enfin, en entendre plus, qu’il allait, enfin, se confier à moi sur ce qui l’avait amené ici, ce qui l’occupait. Je n’avais jamais demandé, avais attendu qu’il y soit prêt, prête à accepter s’il ne l’avait jamais été.

« Je voudrais donc que tu m’écoutes, attentivement, mais que tu me promettes que si j’ai raison, tu resteras en dehors de ça. Tu peux faire ça pour moi ? » Je me retournai finalement, plissant les yeux dans sa direction, car il attendait une réponse, cette fois-ci, et que je devais la lui fournir finalement avant qu’il n’accepte de me livrer ce sur quoi il travaillait depuis plusieurs mois. Pourquoi retenir les secrets ? Je pouvais imaginer ceux qui le torturaient, ceux qu’il craignait de voir me mettre en danger. Mais il le savait pertinemment, que mon esprit analytique professionnel se mettait déjà à fonctionner, que cela ne signifierait jamais pour autant qu’il viendrait se mettre en travers de son chemin, que je préférais vendre mon âme plutôt que de mettre en péril ses recherches de réponses, sa recherche de justice. « Et, assieds-toi aussi. Crois-moi. Faut que tu sois assise. » Cela, je pouvais le faire. Je fis un pas en arrière, le regard vrillé dans celui d’Amos, et me laissai rencontrer l’assise à l’aveugle, non sans lui présenter, d’une main tendue, le verre qui était le sien. Un détail tant toute mon attention lui était à présent destinée. « Je ne promettrais pas ça, Amos. Tu le sais bien. J’attends que tu m’en dises plus mais si je peux t’aider, je ne resterai pas en dehors de quoique ce soit. » finis-je par répondre sobrement, ne pouvant imaginer qu’il s’était attendu à une réponse différente de ma part. Qu’il s’inquiète pour moi, pour ma sécurité qui n’avait plus rien d’essentielle à mes yeux face à la dimension de l’enjeu qu’il me décrivait me paraissait superficiel. Les liens qui m’unissaient à lui m’enchainaient d’instinct à ce qu’il allait me révéler. Je voulais des réponses, moi aussi. Et si je n’avais pas l’ombre d’une piste pour ma fille, j’étais prête à une dévotion inébranlable pour que les siennes puissent aboutir. « Je ne ferai rien qui puisse te mettre en difficulté ou t’empêcher d’avancer, d’une quelconque façon. » J’appuyai mon regard en même temps que mon serment. « Ça, je te le promets. » Je laissais passer une seconde, réfléchie, puis lui présentais, sans plus attendre, le cliché volé de l’homme qui avait retenu mon attention et éveillé en moi les relents d’inquiétude que je souhaitais clarifier sans plus attendre. « Mitchell Strange ? » Je fronçai les sourcils. Quel lien pouvait-il bien avoir avec la disparition de Sofia ? Première question sur la longue liste qui se déroulait à présent devant mes yeux, attentive aux réponses qu’il devait avoir conservées, confrontées depuis de trop longues semaines.



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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyDim 16 Fév 2020 - 7:51




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Je l’ai prise dans mes bras, mais ça n’était pas un geste tendre ou une attention délicate en vue de la soulager de son fardeau. Il n’était pas non plus voué à ce qu’elle m’aide à porter le mien. Il s’agissait moins de la rencontre de deux corps que deux cœurs meurtris. Par ce simple geste, j’exprime ce que je suis incapable de formuler avec des mots : je te comprends. C’est plus loquace qu’un “je suis désolé“ vide de sens, plus éloquent qu’un “tu n’es pas toute seule“ qui ne serait qu’un mensonge finalement. Face à la douleur, le monde est flou. Une main qui serre la nôtre avec vigueur est à peine plus réconfortante qu’un chatouillement. Ça nous effleure à peine. Parfois, ça nous agace au point de repousser ce bien appris qui, ébahi, se déconcerte d’être renvoyé derrière ses tranchées. Tout, dans notre vie, est désordonné. Alors, on se laisse emporter par la vague parce que lutter est inutile. On se renferme sur nous-mêmes. On s’éteint. On meurt à chaque seconde et, si l’on attend la prochaine, ce n’est pas dans l’espoir d’une guérison miraculeuse, mais parce qu’elle nous approche lentement de la fin, la nôtre, celle où la mer déchaînée par le torrent des émotions, se calme enfin et nous fiche une paix royale. Elle est temporaire pour l’instant. Liv et moi, on sait. On n’oublie pas que le mal nous ronge. Nous sommes conscients que mes doigts agrippés à son épaule et enveloppés de sa paume, jurent que ce n’est que le début, qu’il faut s’y préparer, seuls, parce que d’aucuns ne pourront nous secourir. Seuls, oui, mais un verre à la main et ce qu’il nous reste en dignité. « Oui, s’il te plait. » la remerciais-je tandis qu’elle affirme son choix de prédilection. Il est semblable au mien parce qu’il assomme, le Whysky. Il cogne à l’instar d’un uppercut lancé avec élan et qui atteint sa cible dans son mile. Il accable autant que mes découvertes à propos de Sofia et de ses fréquentations. Elles sont lourdes, graves. Au plus j’avançais dans mon enquête, plus elle m’étourdissait. Ma table, bien qu’étroite, était couverte d’un nappe de photo, de post-il contenant des adresses, de nom et prénom. Pour y voir plus clair, elle devrait suivre mon idée depuis le départ, raison pour laquelle l’un des murs blancs du studio était entièrement dégagé. J’allais, sous ses yeux, remonter le fil de mes interrogatoires, à la  condition expresse qu’elle me promette de rester à l’écart de mon projet.

Ai-je été surpris qu’elle réfute mon impératif ? Non ! Bien sûr que non. Je serais hypocrite si je jouais au grand-frère outré par son insolence. Je la connais bien, Olivia. Je sais également son honnêteté. Aurait-elle formulé un serment que je n’y aurais pas cru davantage. En revanche, mon air grave n’a rien de surjoué. Je suis prêt à renoncer à lui rendre compte. Je ne veux pas la mettre en danger. Je ne souhaite pas non plus précipité la chute de son couple si, d’aventures, elle passait trop de temps ici, avec moi, à réfléchir sur la meilleure façon de procéder pour atteindre mon objectif, qu’auprès de son époux, à s’employer à recoller morceaux déchirés de leur contrat sacré. « Oui. Je savais bien que tu dirais un truc du genre. » Et j’aurais pu ricaner devant cette connivence presque rassurante. Sauf qu’elle ne l’est pas. Elle présage au contraire de l’inquiétude, des soucis supplémentaires. Elle piaille à mon oreille comme un corbeau de mauvais augure, alors j’hésite. J’hésite bien que je la devine sincère lorsqu’elle affirme qu’elle ne me ralentira pas. Comment le pourrait-elle ? Elle est flic. Elle pense comme ces incompétents que je ménage devant elle, mais que mon for intérieur maudit. «  Et je sais aussi que tu me serais terriblement utile, mais… » Mais, j’ai peur des conséquences. Je puise dans mon verre un peu de lucidité. L’alcool ne m’embrouille que si je l’ai décidé et, cette nuit, il est davantage à un facilitateur d’excitation qu’un antidépresseur. « Mais, regarde autour de toi… » Elle s’exécute, mais ce sont les clichés qu’elle fixe avec intérêt, sourcils froncés. « Il ne me reste plus rien. » A peine l’ombre d’un espoir fugace qu’elle reconnaisse un visage parmi ces anonymes. « Mais toi, il te reste des choses à sauver. Je ne veux pas t’entraîner avec moi dans ce tout ce fatras d’emmerdements. » Parce qu’ils m’incombent et que les partager est lâche et égoïste. Je me vante de cette belle relation d’amitié sans faille et sans anicroche. Mais, quel genre de monstre serais-je si jamais je ne prends soin d’elle ? Si je ne l’aide pas quand elle en a besoin ? Si je ne verse pas de temps à autre dans le conseil obséquieux pour qu’elle ressuscite ce qui n’est pas encore tout à fait mort ? Jamais je ne pourrais me sentir grandi de souffler dans son dos le vent de ma rancœur, mais comment ignorer son expression soucieuse tandis qu’elle pousse vers moi une image, celle du type qui requiert toute mon attention, celui qui prend la forme d’une clé à mon sens : la clé de la porte qui lèvera le mystère de la mort de ma gamine.

Abasourdi, je m’assois à côté d’elle dans le divan et je dodeline de la tête. Je suis nerveux d’anticipation, parce que pour la première fois depuis qu’elle est arrivée, je ne regrette plus d’avoir jouer d’audace en l’appelant. Liv possède une info. Elle est là, sur le bord de ses lèvres et ne demande qu’à être crachée. Qu’est-ce qui la retient exactement ? Un assentiment ? L’aveu de mon échec devant son argument un peu bancal ? Devant cette promesse à laquelle je me fie, mais qui compliquera ma liaison avec ma conscience ? Sans doute un peu tout à la fois. « Je ne sais rien de lui. Je n’avais que son prénom pour ne rien te cacher. Tu le connais ? Tu as déjà eu à faire à lui ? » m’enquis-je sans dissimuler ma curiosité. « Je suis remonté jusqu’à lui un peu par hasard. J’ai rencontré presque toutes les copines de Sofia, ici, à Brisbane. Je voulais en apprendre plus sur ce qu’elle faisait de ses journées. » Et ce fut douloureux. Outre les anecdotes la concernant – celles-là, aussi douloureuses soient-elles, elle embaumait un parfum doux et musqué – sa chute vertigineuse dans les abimes me parut si évidente que je blâmai toute personne qui l’entourait, celle chargée de prendre soin d’elle, Chad et Kelly en tête de liste. «  A priori, elle le connaissait. On l’a vu  quelque fois avec lui. D’après sa coloc, elle… elle avait besoin d’argent, mais elle n’a jamais su me dire ce qu’elle comptait en faire. » Ni même pour quelles raisons elle n’avait pas frappé à notre porte. Nous n’avons jamais roulé sur l’or, Sarah et moi, mais nous avons économisé une vie entière pour bâtir un avenir radieux à notre unique enfant. « Et je ne suis pas certain qu’il l’ait réellement aidé. Qu’est-ce que tu peux me dire sur lui ? Tu sais où je peux le trouver ? » Et déjà je ramasse un marqueur indélébile rouge et j’écris, en lettres capitales, dans le cadre blanc qui entoure ce visage malveillant : MITCHELL STRANGE.


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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyMar 18 Fév 2020 - 17:39


Olivia Marshall & @Amos Taylor ✻✻✻ Je me laissais imprégner par les saveurs aigres du liquide ambré. Le verre m’avait suivi dans une balade morbide à travers la pièce exigüe, de la table parsemée de clichés annotés, de post-it remplis à la hâte, illisibles, jusqu’à l’accoudoir du canapé sur lequel je venais de m’asseoir. « Oui. Je savais bien que tu dirais un truc du genre. » Je hochai la tête, silencieusement, brièvement également, considérant que cette étape de la négociation était d’ores et déjà terminée. Je portai de nouveau le verre à mes lèvres, laissant les fluctuations de l’alcool s’épandre dans mon esprit éveillé. Il devrait le rester, ne pas se laisser envahir d’une conscience biaisée par l’oubli et la fatigue que l’alcool me procurait bien trop souvent ces derniers temps. Pas ce soir. Ce soir, il devrait me donner du courage, aiguiser mon raisonnement, stimuler mon discernement. «  Et je sais aussi que tu me serais terriblement utile, mais… » Ce fut son tour de se donner du courage et j’en profitai pour l’enjoindre à clarifier ses propos. « Mais ? » La question était rhétorique, il s’en douterait. N’était-ce pas là tout ce qui importait ? Ne devrait-il pas accepter toute l’aide nécessaire, peu importe le fournisseur ? Devait-il douter de moi, d’entre tous ? Nous avions veillé l’un sur l’autre au front durant des années sans que cela n’ait jamais été à sens unique. Le moment me paraissait mal choisi pour inaugurer ce nouvel instinct. « Mais, regarde autour de toi… Il ne me reste plus rien. Mais toi, il te reste des choses à sauver. Je ne veux pas t’entraîner avec moi dans ce tout ce fatras d’emmerdements. » Le temps n’avait pas fini de me peser sur le cœur alors que l’on s’acharnait partout où j’allais à me parler de précaution. Tu as d’autres problèmes. On en avait tous. Tu as mal. On avait tous mal. Toi aussi, Amos. Toi, tu comprends. « Qu’il y-a-t-il à sauver ?  Ça demande des efforts, trop d’efforts … Ne t’en fais pas pour ça, s’il te plait. » Je savais qu’il s’inquiétait pour moi, la réciproque était vraie également. Je ne souhaitais pas qu’il s’inquiète pour mon mariage néanmoins. Celui-ci n’était pas perdu, pas encore, simplement laissé à l’abandon, l'une de ses parties lassée de s’en faire pour la rage de l’autre. Tu ne souffres pas déjà assez, Liv ? La voix de mon mari résonnait contre mes temps, souvent, tout le temps. Lui, aussi, s’inquiétait de me voir sombrer dans le désir de vengeance, dans la haine de l’arbitraire car il pensait être dans le vrai à accepter que les réponses ne surviennent jamais. Que de la résignation surviendrait l'apaisement. Je souffrais assez, oui. Mais peut-être était-ce pour m’assurer de le pouvoir encore, m’assurer de pouvoir ressentir quelque chose, sur commande, lorsque je le désirais, lorsque j’en avais besoin, pour oublier le rester. Le reste qui pouvait être pire qu’un amour déchu.

Je coupais court à ses hésitations en formulant ma première interrogation. Mon but premier était moins de le convaincre de mon utilité que d’obtenir de réelles réponses au doute naissant dans mon esprit mais cela eut le mérite de marcher. Il m’avait déjà rejoint, soudainement fébrile. « Je ne sais rien de lui. Je n’avais que son prénom pour ne rien te cacher. Tu le connais ? Tu as déjà eu à faire à lui ? » Les premières questions affluaient de son côté également, nous laissant deviner que la nuit à venir serait longue mais je le laissais poursuivre. « Je suis remonté jusqu’à lui un peu par hasard. J’ai rencontré presque toutes les copines de Sofia, ici, à Brisbane. Je voulais en apprendre plus sur ce qu’elle faisait de ses journées. » Pas un mot ne franchit la barrière de mes lèvres, une nouvelle fois, désireuse de ne pas l’interrompre, désireuse de ne pas prononcer le mot qui le ferait changer d’avis, retourner en arrière, se plonger de nouveau dans sa quête solitaire. « A priori, elle le connaissait. On l’a vu quelque fois avec lui. D’après sa coloc, elle… elle avait besoin d’argent, mais elle n’a jamais su me dire ce qu’elle comptait en faire. » Ses mots sonnèrent un instant creusement dans mon esprit déconcerté mais l'expression agitée et confiante d'Amos finit de condamner au silence l’éclat pourtant dévastateur du désespoir au fond de ses prunelles. Peu importe ce dernier, malgré ou grâce à lui, Amos paraissait sûr de lui, m’assurait de l’irrévocabilité de ses recherches. « Et je ne suis pas certain qu’il l’ait réellement aidé. Qu’est-ce que tu peux me dire sur lui ? Tu sais où je peux le trouver ? » Je cillai une fois avant de me redresser, ramenant une de mes jambes sous mes cuisses pour lui faire face, laissant mon regard s’égarer une dernière fois sur la photographie comme s’il avait pu ne s’agir que d’un mirage, une erreur de ma part. Cela aurait été plus simple au fur et à mesure que je mesurais l’impact de cette révélation. Elle me paraissait invraisemblable. Et pourtant.

Si Amos laissait les émotions s’engouffrer dans son être pour leur faire face avec vigueur, les dompter à son désir de résolution, je devais également les dominer pour lui fournir les réponses qu’il attendait de moi, qu’il était en droit d’attendre d’un membre des forces de l’ordre.  « Je sais ce que tous les flics de la ville savent à son sujet. Les stups ont fait un gros coup il y a quatre ans en le faisant tomber, ça a fait le tour des services. » commençai-je, les sourcils légèrement froncés. « Ça nous a enlevé pas mal de problèmes des rues aussi. » J’étais en passe d’accéder au grade d’inspecteur à l’époque. Les détails se regroupaient dans mon esprit pour être formulés sobrement. « Je n’ai jamais eu à m’intéresser de près au dossier, », le prévenais-je d’emblée, lui laissant savoir que mes déclarations n’émanaient que d’informations regroupées, rendues publiques, avant de poursuivre, « mais il fait partie de ce qu’ils appellent le Club, une organisation criminelle assez bien organisée. De là à dire qu’il est au sommet de la chaîne, je ne m’y risquerai pas, j’ai jamais été assez proche de l’affaire mais il est haut placé. » Je m’interrompis une seconde, tâchant d’apercevoir sur les traits fatigués de son visage une réaction, décidant finalement que cette dernière n’avait pas à influer sur la suite. « Il est sorti de prison quelques mois après et a vite retrouvé sa place à ce que j’en sais. On parle de contrebande, de trafics en tous genres : drogues, filles … » Ma voix s’évanouit seule sur ces derniers détails et je dégageai mes cheveux avant de me pencher lentement, coudes sur mes cuisses, laissant mes mains jointes se refermer sur mon verre, atténuant les ombrages de mon regard. Je ne voulais pas avoir à demander mais je me sentais obligée, de remettre en question ce qu’il me révélait, de ne pas le croire, immédiatement, pas entièrement. « Je suis désolée Amos mais j’ai du mal à comprendre ce que Sofia peut avoir à voir avec ce type. J’étais là, j’aurais vu … » Je me tus pour ne pas laisser ma voix trahir le vertige que mes mains agitées s’employaient déjà à chasser alors que l'une d'entre elles remontait dans mes cheveux sans que je n’y prête plus d’attention. Je les avais tues, longtemps, ces raisons de me blâmer mais elles venaient à présent me prendre à la gorge, plus brûlantes que jamais alors que je comprenais soudainement leur raison d’exister, leur légitimité plus que réelle.  



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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyMer 19 Fév 2020 - 13:22




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Elle veut savoir, évidemment. Elle ne m’autorisera pas à laisser mes suspicions en suspens et c’est ma faute. J’abordai la question par le mauvais angle. On n'essaie pas de maintenir à l’écart une femme de caractère et de surcroît policière, avec un non-dit. On vise le mile de la cible, on choisit les mots qui font mouche, on fait appel à ses instincts d’épouse et non à ceux liés au devoir moral et à l’éthique. J’enclenchai le mauvais manche et, maintenant que j’avais empoigné, mes explications sont vides, autant pour elle que pour moi. C’est trop tard pour jouer les protecteurs. Depuis mon trou, je l’ai observée creuser à pleines mains pour me rejoindre, pour trouver un compagnon de galère à ses malheurs, pour que sa peine se lie d’amitié avec la mienne. J’avais réagi en égoïste et, si ma conscience tend à me rattraper, elle ne court pas assez vite. J’opine donc du chef et j’accepte qu’elle ait raison. J’accepte de nourrir sa soif de vengeance de la mienne. J’accepte qu’elle prenne part à mes projets et je me promets qu’à l’heure où il faudra lui rendre la pareille, je me tiendrai à ses côtés, fier et fort, altier et retors, afin que justice l'honore. C’était tout ce que nous pouvions encore attendre de la vie désormais : la rancœur. Qu’ajouter à présent ? Que son mari l’aime, sincèrement ? Que lui, il a le mérite d’être vivant ? Qu’il est sain et prêt à lui tendre la main ? Ces fadaises qu’on me répéta cent fois, j’y ai cru à une époque. J’étais convaincu que Sarah me défendrait contre moi-même. Sans doute a-t-elle essayé. Elle n’est plus aussi resplendissante que d’antan, mon épouse. Elle a laissé ses plus belles plumes dans son combat pour préserver notre union. La vérité, même si je lui en veux, si j’adjure qu’elle a abandonné trop vite, c’est qu’on ne peut sauver celui qui choisit de mourir lentement. La guerre est perdue d’avance. Je ne croyais plus en ma rédemption dès lors qu’elle me jeta sur ce trottoir sale que je détrempai de mes larmes silencieuses. Et, bien que le constat soit douloureux, Liv a égaré tout espoir de guérir depuis longtemps. Alors, j’accueille sa question comme un cadeau et j’avance, avec elle, sur les chemins tortueux d’une vendetta dont je rêve ardemment chaque jour que Dieu fait.

Mes pas me menèrent assez naturellement sur la route de Mitchell Strange. Or, je ne savais pas grand-chose de ce personnage. Tout ce que je possédais, c’était cette photo que j’avais étudiée par cœur. Je savais ses yeux bleu acier, son air patibulaire, son sourire mauvais et narquois qu’une lèvre légèrement retroussée rapproche de celui du prédateur. Toutefois, j’ignore qui il est réellement, ce qu’il fait pour gagner sa vie, ce qu’il propose en service et pour quelle contrepartie, ce qu’il appartient ou non à la pègre de Brisbane. Je m’en doute évidemment. Je ne suis pas né de la dernière pluie. Au vu des difficultés que j’ai été forcé d’affronter pour collationner ses maigres informations, je supposais qu’il était important et que la plèbe ignore jusqu’à son existence et que les autres, ceux qui marchent à côté de leur pompe, ceux qui se tiennent à l’oblique dans leur botte, ceux-là, ils le craignent. A contrario, ils ne danseraient pas d’un pied sur l’autre si, par malheur, on s’aventure à prononcer son prénom. Qu’Olivia en sache plus est une aubaine pour moi. Aussi, l’écoutais-je scrupuleusement, soucieux de prêter le sens qu’il convient derrière ses mots. J’entends flic et mon intuition se précise. Il est plus dangereux qu’il y paraît. Il traite avec le marché de la drogue, mais ses joues grassouillettes prétextent qu’il ne consomme pas. « Des problèmes, du genre ? Moins de drogues sur les campus universitaires par exemple ? » Cette remarque n’est pas née du hasard. Je soupçonnais Sofia d’avoir trempé son nez dans la coke, même si je me répugnais à l’exprimer en ces termes. « Le Club. » Je me laisse aller sur le fauteuil, mon verre toujours à la main.

La tête renversée sur le dossier, je fixe le plafond, pensif. « Drogues, filles » répétais-je une fois de plus. Tout converge vers ce que j’appréhende depuis la mort de ma gamine et ça me fend le coeur. Si j’étais attentif, je pourrais l’entendre se fissurer. Or, je ne perçois que la voix d’Olivia, perplexe, mal à l’aise également, parce qu’elle devine. Elle comprend que je tire des conclusions douloureuses. « Pas autant que moi. » répliquais-je en tournant ma tête lourde vers ma voisine. Mon fauteuil la soutient toujours. J’ai l’impression que, si je la relève, ma nuque se brisera. « Vraiment ? Tu as vraiment du mal à comprendre ? » Mon timbre est amer, mais je ne la tiens pas responsable de cette débâcle. Elle avait sa propre vie à mener. Elle n’était investie d’aucune autre mission que celle imposée par l’affection. Kelly et Chad, en revanche, j’aurais aimé qu’il soit plus soucieux de son bien-être, qu’il me téléphone, qu’il m’avertisse qu’elle filait un mauvais coton, qu’il la rassure si elle se sentait prise au piège, qu’ils agissent, qu’ils la sauvent. C’était leur rôle, autant que le mien, mais n’était-ce pas pour le bien de son ambition que j’acceptai qu’elle quitte Kilcoy ? « Moi, j’ai surtout du mal à accepter, Liv. Elle… » Je déglutis difficilement. Alors, je me réfugiai dans le fond de mon verre. « Tu te souviens dans quel état les flics l’ont retrouvée ? J’ai du mal à croire qu’elle se soit lancée là-dedans toute seule, mais je ne peux pas continuer à porter des œillères et à faire semblant que c’est normal de retrouver sa gosse toute nue, dans une chambre miteuse. » Peut-être était-ce un hôtel de passe d’ailleurs. « Une seringue dans le bras, étouffée par… » La suite m’est tout bonnement insupportable. Je respirai profondément pour maîtriser mon émotion avant de poursuivre. « Est-ce que tu crois que… que tu pourrais me dégoter le dossier ? Rapidement ? Tu n’as pas un accès via l’informatique par exemple ? J’ai une connexion internet, un PC… Je…. J’ai besoin de savoir, tu comprends ? »


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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyJeu 20 Fév 2020 - 16:49


Olivia Marshall & @Amos Taylor ✻✻✻ Je pouvais presque les voir, mes réponses et ce qu’elles impliquaient, les toutes nouvelles notions de l'indicible virevolter autour d’Amos, se chevaucher à celles qu’il possédait déjà, alourdir le poids sur ses épaules car les éclaircissements étaient plus accablants que les inconnues. D’autres auraient pris plus de pincettes pour aborder le cœur du sujet, plus de temps. Mais le temps ne signifiait plus rien, le temps ne suffisait plus à combler le vide et les besoins. Plus rien, à vrai dire, ne semblait capable de répondre aux envies de sang qu’Amos pourchassait depuis des semaines à présent. « Des problèmes, du genre ? Moins de drogues sur les campus universitaires par exemple ? » Je ne répondis pas, me contentais de poursuivre car il n’avait pas besoin de mon approbation. Il savait, avait déjà compris, ne prononçait ces mots que pour les entendre, comme si les formuler à voix haute l’aiderait à avancer dans son enquête, à rendre plus réelles ses découvertes. Tout son être tendait vers ces dernières, je m’en rendais compte ce soir, qu’il délaissait le reste, qu’il acceptait de les laisser devenir son identité même. Elles pouvaient bien saccager son cœur, consommer son âme, il défendrait les vestiges de leurs horreurs comme les derniers signes de sa survie, pour Sofia. « Drogues, filles. » Les mots étaient répétés, chargés d’un sens qui n’en avait pourtant aucun lorsque l’on parlait de sa fille. Mais la vie se chargeait de nos illusions et nous laissait le soin de rassembler ce qu’il en restait. Le restant de souffrance, un espace de douleur et de vide, et de peur, aussi, d’être passé à côté de l’essentiel. La peur de se rendre compte qu’il était trop tard, qu’il ne nous restait plus rien d’autre à faire à présent que de nous affaisser, plus bas que le sol, cherchant les éclats d’une vie qui n’existait plus, éclatée en morceaux comme les verres que nous tenions viendraient à l’être si nous les laissions s’effondrer sur l’instant. « Pas autant que moi. » Je me mordis l’intérieur de la lèvre, noyant la suite de mes médiocrités dans le fond de mon verre. La tête d’Amos semblait lourde, trop pour me faire face, de fatigues, d’afflictions, de désillusions. Que pouvais-je bien rajouter ? Lui dire ma souffrance pour tout ce que je n’avais pas su voir ? Lui exprimer mes regrets, mes remords de ne pas avoir pu faire la différence, de ne pas avoir su le prévenir ? Pourquoi lui dire tout cela ? Si ce n’était pour moi, pour partir ensuite allégée d’un poids dont je n’aurais fait que le lester. Je savais ce qui nous liait. Ma présence à ses côtés me signifiait que cela n’avait pas changé. Mais l’amitié, même immuable, ne pouvait racheter la vie. Nous le savions, l’amour qui nous rattachait encore à nos conjoints respectifs n’y parvenait pas non plus.

« Vraiment ? Tu as vraiment du mal à comprendre ? » Mon regard s’assombrit, répondit à ma place. Bien sûr que non. Et l’espoir, quoique tenace, ne pouvait plus survivre en ce lieu, il venait de rendre ce fait plus que compréhensible. « Moi, j’ai surtout du mal à accepter, Liv. Elle… » Mes doigts, encore stables, encore froids, vinrent passer sur mes yeux pour les clore, une seconde car je pressentais la suite. Car il semblait déjà porter la mort au bout de sa langue. « Tu te souviens dans quel état les flics l’ont retrouvée ? J’ai du mal à croire qu’elle se soit lancée là-dedans toute seule, mais je ne peux pas continuer à porter des œillères et à faire semblant que c’est normal de retrouver sa gosse toute nue, dans une chambre miteuse. » Je ne cillai pas, portai de nouveau le verre à mes lèvres. Je me souvenais, oui. Je n’oubliais rien car les mêmes images cheminaient autour de ma tête, constamment, comme un nuage de poussière, pour la mienne de fille, pour la sienne également. Elles étaient en nous, ces réalités, nous tailladaient la gorge lorsque nous tentions de les exprimer mais nous rongeaient la moelle si nous les taisions définitivement. « Une seringue dans le bras, étouffée par… » Je perçus le vertige, le même, celui sur lequel il n’eut aucun contrôle à son tour, le prendre à la gorge et je lui offris mon regard en soutien, me gardant de toute autre marque car il s’agissait de sa faille, de sa blessure qui s’exprimait. « Est-ce que tu crois que… que tu pourrais me dégoter le dossier ? Rapidement ? Tu n’as pas un accès via l’informatique par exemple ? J’ai une connexion internet, un PC… Je…. J’ai besoin de savoir, tu comprends ? » Bien entendu qu’il renchérissait, qu’il ne s’attardait pas, j’acceptais de le suivre, une nouvelle fois. Je me soulevai pour attraper à l’aveugle mon téléphone dans la poche arrière de mon jean tout en secouant la tête, brièvement. « Avec les pare-feux, ce ne sera pas rapide, non. Mais on peut me l’envoyer, laisse-moi une seconde. » expliquai-je alors que je m’employai déjà à écrire un message à l’un de mes collègues, de service cette nuit, un de ceux que je ne m’étais pas encore mis à dos, qui accepterait de répondre à mon appel sans la moindre question en retour. Je relevai les yeux vers Amos une fois cela fait et désignai son ordinateur d’un coup de tête en me levant. « Je me connecte et il ne nous reste plus qu’à attendre. » Cela paraissait simple, dit ainsi. Il aurait pu me le demander avant, je ne me serais jamais permise de le mettre face à ces informations sans qu’il ne me le demande auparavant, sans qu’il n’en exprime lui-même le souhait. Elles étaient capables d’éclairer autant qu’achever. « J’ai demandé celui de Strange aussi. S’il ne veut pas s’y risquer, je m’en occuperai plus tard. » Je m’approchai de nouveau de la table sur laquelle étaient étalées ses recherches.

Il ne nous reste plus qu’à attendre. Fixer d’un œil vide l’écran ? La mâchoire serrée sous le joug d’une nouvelle notification ? Cela n’était résolument pas mon genre et je parcourais déjà d’un œil attentif les documents qu’il avait laissés à ma vue. « T’avais pas à faire tout ça seul, tu sais. » soufflai-je en posant mon verre gravé sur le rebord de la table, le délaissant pour m’emparer du premier feuillet de pages. Peut-être que c’était ainsi que je retrouvais un semblant d’équilibre, que je renouais avec ce que j’étais véritablement, que je me saisissais d’un contrôle que je créais moi-même, lorsque je me perdais dans les faits d’une affaire, dans les affres de ce que je savais faire, capable de me reconnaître dans l’obscurité. Je n’hésitais pas en parcourant les informations, le laissais me rejoindre rapidement pour m’aider à croiser ses données, me guider dans ses réflexions. Il semblait bloqué dans une impasse, oui, et ce depuis plusieurs jours déjà. Il avait écrit quelques notes en parallèle des photos, de Mitchell Strange notamment, de nouveau. Je connaissais Amos sous cet angle, pour avoir travaillé à ses côtés, il n’écrivait que lorsqu’il savait. Mais il était confronté à un nœud et je sentais mon cœur battre plus fort, quelque peu, en commençant à me rendre compte que j’étais capable d’aider, que j’avais l’esprit encore assez aiguisé pour le démêler, pour penser autrement car mon œil était neuf. Nous avancions rapidement, à deux, nous avions toujours su le faire et n’avions rien perdu de notre entente taiseuse, nous passant les clichés que l’autre désirait sans avoir à les demander, comprenant nos cheminements de pensée sans à-coup. Je cernais un début de logique, regroupais certaines dates, changeais l’ordre des dossiers et me permis même de compléter certaines de ses notes, de souligner la pertinence manifeste d’autres, d’indiquer de potentiels liens nouveaux de fines flèches courbées. J’ignorais le temps qui passa, ne le mesurais pas et ce fut la tonalité presque assourdissante de son ordinateur qui me fit me retourner, le regard fixé sur la liste de mes messages. « On l'a reçu. » énonçai-je simplement. J’enroulai mes phalanges autour de la souris avant de la glisser sur la console dans sa direction, finalement, reculant subrepticement d’un pas. Il y avait certainement là de quoi le faire avancer, de quoi l’amener un plus près de la vérité. Mais elle lui appartenait cette dernière, entièrement, et qu’il veuille l’ouvrir dès à présent ou la mettre de côté pour la parcourir seul ne relevait pas de moi. Pas le moins du monde.



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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptySam 22 Fév 2020 - 16:21




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La présence d’Olivia m’a souvent été salutaire. Aussi malsain cela puisse-t-il paraître, sa peine adoucissait la mienne. Je me sentais moins seul dans la tourmente, moins exposé aux railleries du destin. Sa souffrance rendait la mienne plus légitime et quand elles se prenaient par la main pour danser la gigue se repaître de nos mauvaises habitudes, elle était plus facile à supporter. Or, ce soir, tandis que l’horloge de l’Église n’a pas encore sonné minuit, je regrette ma solitude. Pas à cause d’elle. Non. Jamais elle ne me dérangerait. C’est la faute à cette description trop honnête, quoique laconique, de Mitchell Strange. Elle dénombre la liste de ces crimes pour lesquels il n’a jamais payé et c’est mon monde qui s’écroule. Ma fille, une prostituée ? Mon bébé, une droguée ? Ma gamine, une épave, un déchet, un rebut de la société ? Je n’ose y croire. J’ai du mal à l’envisager sérieusement. Mon cœur de père souffre de lui prêter de tel comportement. Pourtant, si je ferme les yeux – et je le fais – je la vois déambuler dans les squats, oppressée par le manque et l’abstinence, pleurant tout son saoul. Je la vois se tordre de douleur, s’agenouiller au pied d’un homme pour une dose. Je ressens cette envie de vomir mes tripes tant mon imagination me torture. Alors, je les repousse au loin. Je les jette aux orties, ces évocations qui ne font honneur ni à l’éducation qu’elle a reçue ni à son innocence. Je connaissais Sofia. Elle était douce et délicate, naïve et crédule, respectueuse d’elle-même et des autres également. Je me souviens parfaitement du jour où ma poitrine s’est déchirée en deux de l’entende sangloter sur un amour perdu parce qu’elle s’était refusée à lui. Moi, j’étais fier d’elle. Aucun homme, à mes yeux, n’était assez bien pour mon enfant, mais ça m’avait tué d’être témoin de son désarroi sans pouvoir l’aider. Impuissant, je lui avais envoyé sa mère qui, plus tard, me rapporta dans les moindres détails leur conversation.

Comment, dans ces conditions, pourrais-je me fier à ce que l’angoisse me souffle ? La peur est une émotion perfide. Elle est ce pit-bull qui, une fois accroché à sa proie, ne lâche jamais. Je l’envoie valser cependant. Qu’elle aille chanter sa mélodie ailleurs qu’au creux de mon oreille. Sa nocturne en do mineur n’a pas l’étoffe d’une pièce de Chopin. Elle n’est rien, rien d’autre que des mensonges destinés à m’abattre. Jamais. Pas tant qu’il me restera l’espoir vivace d’une explication différente et plausible. Elle ne s’est pas prostituée, elle est tombée dans un piège, Sofia. Son bourreau l’empoisonna pour la rendre malléable. Elle a été battue par un amant furieux qu’elle reprenne conscience. C’est lui qui a enfoncé dans son bras cette seringue qui eut raison de ces dernières forces. C’est lui qui l’a conduite jusqu’à l’overdose. C’est lui, le coupable, lui et tous ceux qui ont contribué à sa chute. Tous ceux que je détruirais de mes mains, que je crèverai comme des porcs, ce qu’ils sont au préalable, sans crainte, sans regretter, sans que rien ne puisse arrêter mon geste. Rien. Pas même les conséquences. Dussé-je terminer mes jours en prison, elle sera tendre mon incarcération. Perdrais-je la vie dans l’aventure que ma mort me sera douce, car j’aurai vaincu, je l’aurais vengée, j’aurai lavé sa réputation. Cet acte sera mon dernier baiser sur son front. Elle pourra reposer en paix.

Et, en attendant ce jour, je m’interdis de fléchir devant ma douleur, celle qui m'attrape au collet et qui m’empêche de poursuivre, celle qui me laisse un goût amer dans le gosier et qu’une gorgée de Whisky – ou deux, ou trois – ne rince pas ou pas tout à fait. Je m’en fous. Dans mon cerveau, le soldat a ramassé les armes à ses pieds. Elles ne sont que glaives et poignards face à la machine que je semble destiné à affronter, mais ne chasse-t-on pas le requin avec un harpon ? Sur l’heure, j’ai un avantage sur Strange. Il ignore qui je suis et quel est mon but. Il ne sait mon entraînement et mes contacts. Il dort sur ses deux oreilles, paisiblement pendant que je chine à la brocante en quête d’une casserole. Il en forcément une demi-douzaine derrière lui. Si je me concentre, je pourrai l’entendre leur tintamarre et ce vacarme sera la lumière du phare qui guidera mon bateau qui emprunte une mer brumeuse, sans carte, sans boussole, à l’aveugle avec Liv comme compagne de galère, pour me tenir la barre et nous faire avancer lorsque je serai épuisé. « Parfait. » Je lui tends aussitôt mon ordinateur et, tandis qu’elle compulse l’un de mes comptes-rendus, j’encaisse son reproche sans broncher. « C’est vrai, mais j’en avais besoin. Et c’est toujours plus facile d’approcher une gamine quand on l’aborde en tant que père endeuillé qu’en leur agitant une plaque sous le nez. Je n’étais pas tout à fait un inconnu pour elle. » me défendis-je tout de même. Je ne mésestime pas sa délicatesse, j’expose des faits avant de nous transformer en fourmis ouvrières. Nous discutons en silence. J’annote, je souligne. Je dessine un point d’interrogation, elle en fait une exclamation.

Nous avons recoupé les témoignages et si nous grappillons du terrain, nous n’avançons pas assez vite. Les sentiers de la gloire sont à des kilomètres, mais ce n’est pas grave. Nous partageons un but qui nous maintient en vie, au moins pour cette nuit. Nous étions si concentrés que le bip – signe qu’elle avait reçu un mail – nous surprit en flagrant délit de complicité professionnelle. Nous avions toujours formés une bonne équipe Olivia et moi. Ça se vérifiait aujourd’hui encore. Aurais-je été bête de me priver de son sens imparable de la déduction ? Bien sûr. Le suis-je d’être anxieux à l’idée de lire le dossier rédigé par ses collègues et qui concernent ma fille ? Évidemment. Et pourtant, tandis qu’elle se retire, je l’ouvre sans que ma main ne tremble. Je l’ouvre et je découvre avec stupeur qu’il manque l'unique document qui m’intéresse, celui qu’il me serait pénible de lire, mais dont j’avais cruellement besoin. Lui seul savait à quel type de drogue elle avait été soumise, si elle avait été violée – Dieu que ce mot est répugnant – si elle était consommatrice occasionnelle ou si, au contraire, elle n’était plus qu’une dépravée notoire ? Sans ces éléments, difficile de faire le lien entre elle et Mitchell Strange. Les dealers, en général, vendent toujours une substance mieux que les autres. Elle est leur marque de fabrique, celle qui leur permet de subsister et d’écraser la concurrence. Déçu, j’allumai l’imprimante, préférant sentir le grain du papier sous la pulpe de mes doigts à la lumière criarde d’un écran. « Liv… » hasardais-je en récupérant les documents dégueulés par la bouche béante de ma Canon obsolète. « Est-ce que tu peux te charger de ce lui de Sofia, s’il te plaît. » C’est lâche, mais je ne m’en sentais pas la force de suite. Elle saisit l’urgence de la requête et j’aurais juré qu’elle hocha faiblement de la tête. Le mien lui fit écho et penché sur notre ouvrage, nous avons perdu toute notion du temps. Seul mon dos douloureux m’avertit que cela faisait près de deux heures que nous nous épuisons dans ce travail acharné. « Tu n'as pas faim ? On commande ? » l’interrompis-je dès lors que je pressens le besoin d’opérer une pause. Cette question m’arracha un sourire nostalgique. « Combien de fois on l’a pas fait ? » ponctuais-je d’un signe ample de la main. « Tu te souviens quand on a commandé thaïlandais et qu’on a foutu du piment dans le plat de Barty le borgne ? J’ai cru qu’il allait lui repousser un œil. » J’éclatai d’un grand rire plus joyeux qu’à l’habitude. Il m'a fait du bien. « Alors, dis-moi, tu as trouvé quelque chose ? » Moi, peut-être. Un nom de famille qui revient toujours : Blackwell.



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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyLun 24 Fév 2020 - 19:34


Olivia Marshall & @Amos Taylor ✻✻✻ Amos m’autorisait à me dérober, une fois encore. Je fuyais les reproches que je me faisais pour ne pas l’accabler de ce poids supplémentaire. Je me défaisais de son regard en sautant sur l’occasion, celle d’être utile plutôt que soucieuse, m’emparant d’un dossier que je parcourais déjà, l’œil attentif pour oublier le reste. Ne plus penser à toutes ces années qui me remontaient à la gorge, toutes ces années où sa fille avait vécu à quelques kilomètres de moi sans que je ne perçoive le danger qu’elle encourait. J’avais beau les revivre dans ma tête, ces années, je n’y trouvais pas le moment où j’aurais pu intervenir et cet instant manquant empêchait ma voix de sortir. Elle ne saurait pas s’élever, de toute façon, puisque les mots qui lui venaient, j’en avais honte, encore plus honte de ne pouvoir les lui confier qu'aujourd’hui. Bien trop tard. « C’est vrai, mais j’en avais besoin. Et c’est toujours plus facile d’approcher une gamine quand on l’aborde en tant que père endeuillé qu’en leur agitant une plaque sous le nez. Je n’étais pas tout à fait un inconnu pour elle. » Il avait raison, certainement. Cela n’empêchait pas mon regard de s’assombrir, l’imaginant arpenter les rues, chassant les émanations de sa propre fille, obligé de passer derrière des collègues qui n’en avaient plus que le nom et dont le travail n’était jamais suffisant. Il avait perdu Sofia mais la vie ne s’arrêtait pas à cette atrocité et lui proposait de nouvelles flagellations, lesquelles devait-il s’infliger seul, puisque personne ne lui permettait de pouvoir s’en échapper. S’en soustraire, il ne l’aurait jamais accepté de toute façon. Mais je pouvais enfin l’accompagner, sans que le temps ne soit un vecteur, retrouvant les automatismes qui nous avaient sauvé à de multiples reprises dans des situations plus dangereuses que celle-là, moins éprouvantes pourtant. Les minutes s’étaient écoulées, la nuit nous avait englouti en son sein sans pouvoir nous faire dériver de notre mission. Les dossiers reçus crachés à présent par l’imprimante derrière nous continueraient de nous faire avancer, il ne pouvait en être autrement mais Amos suspendit ses gestes, un instant, suffisamment long pour que je perçoive son doute. Quelque chose le retenait. Sans doute aurait-il pu subir le contrecoup, assommé soudainement par le souvenir de ses blessures, rien n’aurait pu sonner plus compréhensible à mes oreilles que cet aveu-là, mais ce fut autre chose qu’il me demanda. « Liv… Est-ce que tu peux te charger de celui de Sofia, s’il te plaît. » Une requête à laquelle je ne pus qu’hocher la tête, un regard comme une entente, une étreinte également à laquelle je ne nous soumettais pas car je craignais que les sentiments ne nous clouent au sol. Il ne la demandait pas non plus, déjà se replongeait dans ses attributions. C’était dans ces instants qu’il nous était impossible de tromper quoique ce soit, nous étions du même sang, du même tempérament, celui-là même qui nous permit de nous remettre à l’ouvrage, plus silencieusement cette fois-ci, plus solitairement.

Je n’avais pas eu une seconde d’hésitation avant d’ouvrir le dossier de Sofia. Peut-être était-ce ici l’instinct de conservation qui reprenait ses droits, peut-être étais-je maudite par cette familière étrangeté qui me permettait, le temps d’une affaire, de m’éloigner, d’accepter la transformation de tout ce que je connaissais en odieux, en spectre, en silence. Je tournais les pages, m’arrêtant ici et là sur des descriptions, celles d’une jeune femme que je ne connaissais pas, qui n’avait rien de celle que j’avais tant chérie, qui avait dansé à mon mariage avec son père avant que je ne la lui vole pour en profiter également. De son sourire, de ses entrains, de sa chaleureuse gaieté. Et si je me refusais à tisser des histoires, à résoudre des enquêtes avec des écheveaux de réminiscence, je ne pus m’empêcher de m’arrêter, longtemps, sur les photographies des experts envoyés sur le lieu de sa chute. Une jeune femme gisant sur le dos, nue, la mâchoire relâchée, un crépitement liquide remontant de sa gorge et teintant ses lèvres bleutées, le poison de son malheur enfoncé mollement dans sa chair blanchie. Ses paupières étaient abaissées et ne permettaient plus de lire ses grands yeux, ceux-là mêmes qui m’avaient pourtant toujours semblé enregistrer les nuances des sentiments avec une finesse et une subtilité qui lui était propre. Son visage n’avait plus rien de l’expressivité qui le mettait, d’antan, constamment en mouvement. Non. Cette jeune femme n’avait plus rien de celle qui avait été la dernière à quitter la piste de danse. J’y passais du temps sur cette photo, me détournant de ce corps dévasté pour en analyser les alentours. Peut-être étais-je sans vie, moi aussi, pour y parvenir, pour en percevoir une vérité. Pour réussir ensuite à m’en détacher et à me concentrer sur l'écran d’ordinateur, pour de longues minutes encore dont nous ne perçûmes pas l’évanouissement. « Tu n'as pas faim ? On commande ? » La voix d’Amos nous tira tous deux de nos investigations au moment où mes mains vinrent chasser la fatigue de mes yeux. « J’ai rien avalé de la journée. » Je ne m’en rendais compte qu’à présent que je le formulais à voix haute. « Ce serait bien que j’offre autre chose à mon cerveau que ton tord-boyaux. » l’embêtai-je, alors que je me levai pour le rejoindre, mon épaule venant malicieusement toucher la sienne. « Tu te souviens quand on a commandé thaïlandais et qu’on a foutu du piment dans le plat de Barty le borgne ? J’ai cru qu’il allait lui repousser un œil. » Son rire vint cueillir mes inspirations et je répliquai sur le même ton sans que je ne m’y attende. « Ou qu’il allait perdre le dernier. » laissai-je échapper en un rire tout aussi sincère l’espace d’une seconde avant qu’une larme ne s’échappe de mon regard, soudainement débordé. Je l’écrasai d’un revers de manche sans tarder, l’effaçai d’un nouveau sourire, habituée. Peut-être était-ce le relâchement soudain des dernières heures. Peut-être était-ce, tout simplement, le fait que je ne parvenais plus à rire sans vaciller depuis la mort de ma fille. Que je ne parvenais plus à vivre quoique ce soit de réel sans trébucher, sans que le sol sous mes pieds ne vienne aussitôt à se dérober, me rappelant que la terre ne serait plus jamais ferme dorénavant. Cela n’avait plus rien d’étonnant, pour moi, ces émotions proscrites, et je m’en détournais déjà.

« Alors, dis-moi, tu as trouvé quelque chose ? » Mes doigts vinrent s’enrouler autour de mon verre qu’il avait du remplir de nouveau plus tôt sans que je ne m’en rende compte. Son regard cherchait le mien et mon cœur s’agitait dans ma poitrine, me rappelant la promesse que je venais de lui faire, celle de lui dire la vérité, celle de ne jamais le ralentir. Je n’allais pas commencer à m’en départir ici, aussi difficiles les découvertes fussent-elles à partager. « Elle n’est pas venue seule dans ce motel. Regarde. » Les photos sur lesquelles Sofia apparaissait avaient été soigneusement rangées, écartées pour ne pas avoir à s’ancrer dans sa mémoire. Restait la scène en état, sans elle, et ce que je pointais du doigt, retraçant à l’oral le cheminement de mes pensées. Je m’arrêtai finalement sur le lit enfoncé, des deux côtés, et sur le téléphone prépayé délaissé sur la table de chevet, de ceux dont on équipait les filles avant de les laisser rejoindre un client. J’enchaînais en éclairant de nouveau l’écran sur lequel les images des caméras de surveillance du parking du motel étaient figées, sur pause. « C’est cette voiture qui a attiré mon attention. » La seule, occupée, phares éteints, alors qu’autour les véhicules allaient et venaient. « On ne voit pas Sofia en sortir, le type a dû prendre ses précautions. Un peu moins ensuite puisqu’il s’est contenté d’attendre sur le parking. Longtemps. » J’avançai les images directement aux endroits qui nous intéressaient, les connaissant par cœur déjà, trop vite. « Il finit par en sortir au bout d’une heure, rentre dans le motel et on le perd de vue, quelques minutes. Puis il ressort, monte dans sa voiture et disparaît. » L’homme avait l’air alerte, empressé, passablement échauffé également mais je zoomais sur le prépayé glissé dans la poche arrière de son pantalon, le même que celui oublié dans la chambre. « La plaque nous donne une identité. Agressions sur femmes et mineurs, fraude, coercition, … Jamais incriminé mais des relations avec le Club évoquées à plusieurs reprises dans son dossier. » Ce dernier justement, déjà imprimé, que je fis glisser jusqu’à lui en reprenant finalement mon souffle, lui permettant de reprendre le sien également, l’imaginais-je. « Je ne sais pas pourquoi le rapport du légiste n’est pas consigné, ça n’a pas de sens. Hormis de confirmer que tes intuitions sont sans doute les bonnes, Amos. » J’aurais aimé ne pas être celle qui le lui confirme. J’étais reconnaissante, parallèlement, d’être celle à le devoir. Pas un parfait inconnu. J’étais désolée mais les mots ne s’échappaient pas, c’était tout mon regard qui le hurlait à leur place. Il ne m’avait pas interrompue, sans doute n’aurais-je pas pu continuer de cette façon s’il l’avait fait, sans doute n’aurais-je pas trouver le courage de lui énoncer tout cela sans faillir. Mais j’attendais à présent, nous permettais un répit avant qu’il ne doive, à son tour, me faire part de ses recherches.



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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyDim 1 Mar 2020 - 13:28




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Bien sûr, c’est un aveu de faiblesse. C’est d’une lâcheté sans nom que de confier les derniers instants de ma fille, de ma vie heureuse, à cette amie aussi malade que je ne le suis. Je n’en subis aucune gêne cependant. De ma survie dépend cet abandon. Si je l’ouvrais, ce maudit dossier d’enquête, si je me replongeais dans le souvenir du corps de mon bébé sans vie, je succomberais à l’envie d’en finir. Combien de fois, dans la grange de mes parents où j’ai élu domicile après que Sarah m’ait préféré ailleurs qu’auprès d’elle, n’ai-je pas observé les poutres avec, en tête, des plans de pendaison ? Combien ne me suis-je pas vu, en songe, en train de nouer la corde et finalement renoncer par manque de courage ? Plus rien ne me retenait à cette existence merdique si j’étais privé de Sofia, mais je n’agissais jamais. À quoi bon ? Je l’aurais ratée, ma mort. Je n’avais jamais rien fait de grand ou de remarquable. J’étais un gars moyen, enfermé dans une vie moyenne, qui n’a su honorer le cadeau d’un Dieu auquel je n’ai jamais cru. Elle valait mieux que moi, mon bébé. Elle était rieuse, spontanée, sensible et altruiste également. Elle jouissait d’un cœur qui m’avait toujours manqué si bien qu’à maintes reprises, je suppliai à genoux le sort de la ramener d’entre les morts et de m’emporter à sa place. Je trouvais le deal acceptable.

L’étape du marchandage fut longue pour moi, la plus longue qui soit, sans doute parce que l’alcool engourdissait ma raison. Je ne discernais plus vraiment. Je ne m’en souviens pas, mais mon épouse prétendit, dans l’espoir de m’ancrer à nouveau à la réalité, que je tenais parfois des discours incohérents. Je n’ai jamais osé lui demander ce qui sortait de ma bouche quand la détresse me collait au corps comme une seconde peau. Bien souvent, la honte partage le lit de la culpabilité. Elles font deux amantes redoutables. Je veillais donc à me tenir éloigné de leur couche, même si dans le fond, je savais. Je savais que j’étais pathétique, ridicule, plus proche du déchet que de l’être humain. Je n’avais pas besoin que ma femme le confirme à l’époque. Sur l’heure, j’ai juste envie de partir à la rencontre de Mitchell Strange. De lui, je veux tout apprendre et tout savoir. Je désire lire les témoignages de ses victimes éventuelles, de ses détracteurs, les réponses qu’il formula au cours de ses interrogatoires. J’aspire à la deviner, l’apprivoiser, être capable de penser comme lui et, dès lors, de l’anticiper. C’était le plus important désormais parce qu’il appartient au futur, à mes projets. Il n’est pas, comme Sofia, voué à ce passé qui m’assomme, qui restera inchangé. Je n’ai plus de prise sur ce dernier, mais l’avenir, lui, il est à pied. Je peux y puiser en rédemption. J’ai l’intime intuition qu’elle est là, sous mes yeux, semés çà et là à travers ce porte-folio. Et je m’y plonge grâce à Olivia et ses contacts, grâce à Olivia et sa loyauté qui, malgré son amour pour ma fille, ont tacitement accepté de se charger de la lecture approfondie la plus ingrate, celle que mon cœur de père n’est pas encore prêt à affronter à bras le corps.

Interrompu dans ma propre enquête par un grognement de mon estomac, j’ai brisé notre silence à peine dérangé par le bruit des feuilles qui se tournent pour lui proposer de commander de quoi nous sustenter. Comme moi, elle n’avait rien avalé de la journée et, à mon image, elle a apprécié que nous égarions un peu de notre concentration en taquinerie. Elle m’a houspillé par rapport à nos mauvaises habitudes. Je lui ai décoché un sourire et je me suis risqué à évoquer un souvenir heureux datant de l’époque où nous allions bien. Nos mariages respectifs étaient solides. Ma fille grandissait sous l’aile bienveillante de Sarah et moi. Cette ère bénite paraissait si lointaine qu’en rire était synonyme de légèreté. Nous ne sommes pas allègres et en proie à l’hilarité. Mais je soupçonnais que ces éclats de voix résonnaient comme l’autorisation de nous détendre pour mieux échanger sur nos trouvailles. Alors que ma compagne de galère essuya une larme avant qu’elle ne roule sur sa joue, j’ai regretté de l’entraîner avec moi vers cette folie. De telles émotions réveillent systématiquement des sensations contraires. On se souvient qu’il ne sera plus donné à nos défunts d’en faire autant. Pourtant, je n’ai rien dit. Je n’ai pas regardé ma partenaire avec, au cœur, un soupçon de pitié. J’ai ignoré son émoi pour ne pas ranimer le mien. Je me suis contenté de baisser les yeux sur mon téléphone pour commander thaïlandais sans m’enquérir de son choix. Je le connaissais lui aussi. Tout comme je n’ignorais pas que seul le travail gommerait sa peine.

Mon gadget dans ma poche, je nous ai donc ramené à l’essentiel : notre enquête. Elle avait trouvé quelque chose, Olivia. Ses doigts nerveux serrant son verre plein en témoignaient et moi, je me suis armé de tout le détachement dont je pouvais faire preuve. Ce n’était pas le moment de flancher, de penser comme un parent, mais bien comme un homme de terrain. Elle y veilla d’ailleurs. Elle avait écarté les photographies les plus glauques, celles où apparaissait le corps sans vie et famélique de mon oisillon tombé du nid. « Et personne avant toi n’y a prêté attention ? Il n’y a rien sur le sujet ? » me suis-je inquiété tandis que me narguait la voiture désignée par mon équipière. « On voit la plaque ? » J’ai procédé à un arrêt sur image. On n’apercevait quelques chiffres, mais rien de probant, à moins d’avoir envie de se fatiguer à analyser des listes entières de véhicules et à chercher une concordance avec la marque et la couleur de cette voiture : une berline de luxe, Allemande si j’en crois sa ligne et noire, on ne peut plus discrète. D’instinct, j’ai envisagé que le travail avait été bâclé, mais Olivia m’a aussitôt détrompée. Ils avaient une identité : Erik Thompson.

Ce type, dont les traits étaient difficilement perceptibles sur la vidéo, avait un nom commun, un prénom qui l’était tout autant. Il avait déjà interpellé par les forces de l’ordre, mais jamais il n’avait été inculpé malgré son lien évident avec le Club et, plus précisément, Mitchel Strange. J’ai sorti, de mes propres recherches, une photo où je crus le reconnaître. « Tu crois que c’est lui ? Même corpulence. Cheveux coupés à ras. Large carrure. » Celle d’un boxer ou, en tout cas, un amoureux de la musculation. « Quand bien même mes intuitions sont les bonnes, il n’y aucune raison pour que le rapport d’autopsie ne soit pas joint au dossier de Sofia. Tout ça me donne l’impression qu’on touche à de la criminalité en col blanc. Qui est le procureur qui a dirigé l’enquête ? » Question rhétorique. Il m’a suffi de tirer le document d’en tête pour statuer sur une conclusion : « Le même qui a géré l’enquête sur Mitchell Strange. Le même qui a commis assez d’erreurs pour qu’il soit relâché sans avoir à croupir en prison. » J’ai pointé les deux noms du doigt. « Quand on drague un si gros poisson, on n'en fait pas. On ne prend pas le risque de se tromper dans un délai. Ce procureur, c’est quel genre de type ? » ai-je demandé, décidé à enquêter à son sujet. « Est-il du genre à accepter des pots-de-vin ? » Je n’en doutais pas vraiment, si bien que j’ai enchaîné. « C’est comme cette fille. Blackwell. Raelyn Blackwell. On la voit sur plus de la moitié des photos du dossier Strange. » Je les ai étalées devant moi. Et il n’y a rien, pas un interrogatoire n'est retranscrit. « Si elle a été entendue, ça n’apparaît nulle part. Tu la connais ? » Sait-on jamais… les commissariats de police sont victimes des ragots. Les bruits de couloir vont bon train. « Est-ce qu’il y aurait un dossier à son nom ? Je ne comprends pas comment ces enquêtes ont été menées. Quelque chose m’échappe. » Et l’agacement me gagne. Dieu que j’admire le détachement de ma partenaire. « Quelque chose qui me conforte dans l’idée qu’elle a été prise au piège malgré elle, qu’elle a été manipulée et qu’elle n’a pas su comment se sortir de ce merdier dans lequel elle a mis les pieds. J’ai aussi le sentiment qu’on n’obtiendra jamais gain de cause. » Sous-entendu, vérité et vengeance. « En nous fiant à la police. » Ainsi se dessina dans mon esprit la possibilité d’infiltrer ce Club si, d’aventures, j’arrive à approcher d’une quelconque manière.



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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyMar 3 Mar 2020 - 16:51


Olivia Marshall & @Amos Taylor ✻✻✻ Il y en avait eu d’autres, des soirées passées en sa compagnie. Une multitude d’autres, que nous avions cessé de compter, que d’autres auraient préféré nous voir rejouer à la place de celle-ci. Celles où nous nous retrouvions dans nos bivouacs, traînant ces derniers à la belle étoile, comptant ensemble les minutes qui nous séparaient de l’aube, nous confiant en riant car, ainsi, la rudesse de la vie sur le terrain retrouvait de sa saveur, de sa lumière. Celles où nous avions donné vie à des dîners joviaux, en compagnie de nos conjoints, discutant de tout et de rien, un peu de tout et surtout de rien, autour d’une bouteille de vin que nous étions censés garder pour les grandes occasions avant de nous rendre compte qu’elle ferait bien l’affaire, ce soir-là. Et toutes les autres, également. N’importe laquelle à vrai dire qui nous aurait évité de nous plonger dans les méandres de l’horreur que la vie nous avait infligé. Mais n’importe laquelle n’aurait pas eu cette nécessité. N’importe laquelle n’aurait pas fait naître cette lueur dans le regard d’Amos, une que je n’avais pas su lire en son sein depuis de bien trop nombreux mois. Celle qui lui faisait penser qu’il y avait encore quelque chose à faire, quelque chose qui valait la peine, de vivre, de s’accrocher. Peut-être était-ce de celle-là précisément dont il avait besoin pour penser, peut-être, finalement, être capable de recoller les morceaux de sa vie, reprendre pied. Même dans la vengeance, même dans la colère. S’il lui fallait cela afin d’accumuler l’élan nécessaire pour s’arracher à cette douleur poisseuse qui nous clouait tous deux au sol depuis déjà trop longtemps, alors je le soutiendrai. Alors, je me garderai de me montrer hésitante, de faire preuve de prudence qu’il ne demandait pas, pour ne rejouer qu’une scène, une que nous avions déjà vécu milles fois aux côtés de l’autre, dans nos songes, notre mémoire et notre réalité décousue aux parfums saturés des villes en guerre que nous avions investies. Celle d’avancer, épaule contre épaule, au cœur du chaos, ne doutant pas du soutien de l’autre, car les flottements ou le manque de confiance pouvaient se révéler tout aussi dangereux que l’ennemi à combattre. Le premier que je lui présentais à présent semblait d’ailleurs réveiller ses interrogations, sa concentration. « Et personne avant toi n’y a prêté attention ? Il n’y a rien sur le sujet ? » Bien entendu qu’il s’indignait, déjà, qu’il demandait des précisions, des explications. N’était-ce pas là le fondement même de ce qui le rongeait, de ce qui nous empêchait de dormir la nuit. L’idée que le sort réservé à nos filles resterait ainsi, réduit au silence, réduit à la malchance, aux mauvais choix, aux mauvaises décisions. Et le silence qui régnait autour de cela était le plus cruel support de nos courroux, celui-là même que je pouvais percevoir en lui, à l’affut. « Tu crois que c’est lui ? Même corpulence. Cheveux coupés à ras. Large carrure. » J’apposai la photographie aux côtés de celle que je venais de lui tendre, fronçai les sourcils en distinguant les traits. « Il en a tout l’air, oui. » finis-je par acquiescer sobrement.

« Tout ça me donne l’impression qu’on touche à de la criminalité en col blanc. Qui est le procureur qui a dirigé l’enquête ? Le même qui a géré l’enquête sur Mitchell Strange. Le même qui a commis assez d’erreurs pour qu’il soit relâché sans avoir à croupir en prison. » Lancé, il ne pouvait être arrêté. Je le savais, ne trouvais aucune raison de le faire en outre, récupérant un à un les dossiers qu’il me tendait, les comparant à mon tour, m’arrêtant sur le nom de l’homme en question, celui dont il mettait l’éthique en question sans prendre de pincettes, sûr de lui, sûr de l'impair devant lequel nous nous trouvions. « Quand on drague un si gros poisson, on n'en fait pas. On ne prend pas le risque de se tromper dans un délai. Ce procureur, c’est quel genre de type ? Est-il du genre à accepter des pots-de-vin ? » La question était-elle réellement posée ? Ou la sanction d’ores et déjà tombée ? « J’ai déjà eu affaire à lui, je n’ai jamais eu aucun problème. » m’entendis-je nuancer, moins par soucis de calmer ses soupçons que d’honnêteté jugée utile. Mais cette dernière avait perdu de sa pertinence depuis longtemps, désormais. Je m’étais mise à en douter également. « Mais plus rien ne me surprendrait réellement, je demanderai autour de moi ce qu’il se dit à son sujet. » Les enquêteurs ne perdant jamais une occasion de remettre en cause le travail du procureur en charge de leur affaire, ralentissant cette dernière, compliquant les démarches, je ne doutais pas de leur disposition à s’épancher à la simple évocation d'un nom. Rien ne m’étonnerait, dans le fond. Je n’essayais plus de comprendre les rouages de ce corps corrompu, acceptais d’appartenir à cette vaste entité rouillée, brisée, délaissée si cela pouvait servir mes intérêts, ceux des causes que je continuais de défendre. « C’est comme cette fille. Blackwell. Raelyn Blackwell. On la voit sur plus de la moitié des photos du dossier Strange. » Je retournai l’un des clichés pour l’amener devant mes yeux avant de me pencher au-dessus de la table pour observer les autres, éparpillés. « Si elle a été entendue, ça n’apparaît nulle part. Tu la connais ? » De nom, de nouveau. Assez pour que le fait qu’Amos se soit retrouvé confronté à ce dernier au cours de ses investigations solitaires ne me surprenne pas plus que cela. « C’est une proche des Strange, elle ne s’en cache pas. Elle a été arrêtée également en 2015. Sans que ça n’ait rien donné. » À tort aurais-je eu envie de préciser, l’enquête aurait mérité d’être approfondie, de ce côté-là également, mais Amos poursuivait déjà.  « Est-ce qu’il y aurait un dossier à son nom ? Je ne comprends pas comment ces enquêtes ont été menées. Quelque chose m’échappe. Quelque chose qui me conforte dans l’idée qu’elle a été prise au piège malgré elle, qu’elle a été manipulée et qu’elle n’a pas su comment se sortir de ce merdier dans lequel elle a mis les pieds. J’ai aussi le sentiment qu’on n’obtiendra jamais gain de cause. » Je relevai mon regard dans sa direction, juste à temps pour apercevoir l’expression déterminée dont il peignit ses traits alors qu’il précisa : « En nous fiant à la police. » Mes bras vinrent se croiser sous ma poitrine, lentement, et je me redressai sans dire un mot. Sur ce dernier point, je ne trouvais rien à redire, rien à tempérer, rien à défendre. Cela n’aurait pas été le cas, dans une autre vie, à l’époque où mon rôle était encore défini, simple, clair. À l’époque où j’avais fait du travail de ma vie que celui d’assurer les arrières de ceux qui marchaient à mes côtés, à l’armée, comme dans la police. Mais les choses étaient devenues compliquées, ternies des mêmes ressentiments que ceux qui coloraient la voix de mon ami. À présent, ma loyauté ne prenait qu’une seule nouvelle direction ; celle du cœur.

Ce n’était pas cela qui éveillait mon besoin de discernement, pas sur cela que je décidais de m’attarder, les sourcils froncés. « Méfie-toi, Amos. » Je posai mon index sur le plus proche cliché de Raelyn Blackwell, attentive une seconde avant de préciser, l’air sérieux. « De cette propension à placer les femmes en victimes sous l’emprise d’hommes plus puissants. La vérité est qu’elles sont tout autant à se révéler bourreaux, si tu veux mon avis. » Quels étaient les éléments en sa possession lui permettant de l’absoudre, déjà, de la disculper ? De justifier son implication plus que certaine lorsque rien ne me semblait présager être en présence d’une jeune femme démunie. De choix, de perspectives, de pouvoir, elle aussi, à son niveau, quel qu’il soit. Je n’avais aucune preuve de ce fait, non plus, mais si nous ne remettions en cause la réelle connivence d’aucun des hommes présents sur ces photographies, sur ces dossiers amassés, je ne voyais aucune raison de ne pas en faire de même pour elle, au prétexte du genre. « Je pense simplement qu’il te faut garder l’œil ouvert. Sur la police, le Club. Sur elle aussi. » Sur elle surtout. S’il se confortait déjà dans l’idée de son innocence, elle ne ferait que compliquer sa tâche, son désir d’obtenir la vérité. Cette dernière n’apparaissait pas si l’on se décidait aveuglé. Je décroisai mes bras et retrouvai finalement l’accoudoir de son canapé sur lequel je me laissais aller à me reposer. « C’est quoi ton plan ? » Finalement. Simplement. Il l’avait déjà, je pouvais le voir. Dans ses yeux, dans son attitude, sa posture alors qu’il s’était redressé, à son tour. Et que j’étais prête à l’entendre, quel qu’il soit.



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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyVen 6 Mar 2020 - 12:26




Standing there, killing time, can't commit to anything but a crime
Je suis exaspéré par l’incompétence des flics et je m’emporte. Je ne suis pas chagriné, mais révolté que sur l’espace d’une moitié de nuit, Olivia et moi sommes parvenus à rassembler plus d’informations sur le Club et sur le coupable direct de la mort de Sofia en utilisant leurs documents, ceux qu’ils ont en leur possession. Comment avait-il pu louper ces évidences ? Comment n’avait-il pas remarqué la présence étrange de cette bagnole passe-partout sur le parking à proximité de l’hôtel où l’on retrouva ma gosse ? Comment ? À l’intérieur, mon sang bouillonne dans mes veines. J’ai chaud, mes joues rougissent, mes pupilles s’assombrissent. J’ai envie de hurler, mais je me retiens. Olivia n’en peut rien. Elle n’a pu être en charge de l’affaire à cause du conflit d’intérêt évident. J’aurais aimé pourtant. J’aurais eu le sentiment d’avancer et je n’en serais pas là, en train de marchander avec le diable, de lui vendre mon âme à fomenter les plans de mon piège. Je ne serais pas réduit à chercher réconfort dans un simple signe de la tête quand il me semble devenir fou. La photo tirée de l’extrait vidéo de la caméra de surveillance est floue. L’autre, issue du dossier de Strange, est plus nette. Je m’abîme les yeux à trouver à deux des hommes des traits communs. Ça relève presque de l’exploit, mais Olivia acquiesce et je me sens moins isolé. Elle ne proteste pas face à mon indignation. Elle réagit à peine et me laisse insulter ses collègues sans broncher sans que j’en sois réellement étonné. Sont-ils sa famille ? L’ont-ils jamais été ? Peut-elle seulement rivaliser avec celle que nous formons depuis tant d’années ? J’en doutais, sincèrement et inconsciemment, je l’en remerciais. Je la remerciais d’être à mes côtés, de récolter avec moi des indices plus petits que des cailloux et de répondre franchement à la moindre de mes interrogations, même si elle sait, par avance, que certains aveux ne me plairont pas. Évidemment que j’aurais préféré que le procureur en charge de l’instruction soit corruptible. J’aurais eu une piste supplémentaire à explorer, une dont je me serais chargé moi-même pour ne pas la griller dans son milieu et en empruntant des chemins illégaux. La résolution du mystère Sofia Taylor aurait pris moins de temps. Une petite visite au magistrat avec des preuves solides pour moyen de pression et j’aurais obtenu tout ce dont j’avais besoin pour exiger de la police qu’il fasse enfin leur boulot. Je n’aurais pas eu à me mouiller et à me salir les mains. Je n’aurais pas à me pencher sur le cas de Raelyn Blackwell.

D’après Olivia, elle n’était pas une inconnue pour les autorités. Elle avait un dossier à son nom, dossier que j’ai réclamé instamment. La famille Strange ne lui était pas étrangère et, de surcroît, elle semblait estimer que sa place était sous les verrous, et non pas en liberté. Moi, j’ai rapproché le cliché et je l’ai détaillée. Petite, sportive, la trentaine, les cheveux platine, les traits sévères trahissant du caractère, elle était plaisante à regarder. Elle avait l’air d’une poupée de porcelaine qu’on veillerait à ne pas serrer trop fort de peur de la casser. Sans doute était-ce son physique son principal atout. Selon mon point de vue, graviter aussi étroitement avec un criminel sous-entend qu’on est capable de l’endurer au minimum sexuellement. Au contraire, elle était forcément dotée d’une paire de testicules plus lourde que les siennes. Aucune de ses hypothèses ne me paraît complètement folle. J’ai envisagé de ce qu’il était probable que ça soit elle qui mène véritablement la barque du Club. D’instinct, elle prit les traits de l’autre ennemi à abattre, peut-être même le premier d’entre tous. Dans ma tête, mille idées s’entrechoquent. Une kyrielle de suppositions que j’ai formulées à voix haute. Le discours est décousu. Je m’adresse autant à Olivia qu’à moi-même, mais il ne fait pas un pli que chaque allusion à l’innocence est une référence à mon enfant. Aussi, ai-je observé mon amie, interloqué, surpris par ce qu’elle me demande de me méfier. De qui ? De la représentation peut-être un peu trop lisse et parfaite de Sofia ? De cette Raelyn Blakcwell ? Je fronce les sourcils. « Qu’est-ce que tu sais sur Sofia que tu ne me dis pas, Olivia ? » Qu’a-t-elle appris durant la lecture de ce dossier ? Qu’a-t-elle observé de sa vie à Brisbane ? « Je ne place pas les femmes en victime. » Au contraire, j’aurais tendance à m’en méfier plus que les hommes. Mettez un groupe de filles dans la même pièce et un conflit surviendra. Elles provoqueraient des batailles entre des montages. Les plus perfides font de leur courbe enjôleuse une arme redoutable pour ceux les aimeraient un peu trop. « Je constate simplement que Sofia n’a été le bourreau de personne. Est-ce que… ? » ai-je hésité alors qu’à présent je sais l’ampleur de la méprise. « Est-ce que tu penses que je te parle de cette fille ? » Je l’ai désigné de l’index. Il s’est écrasé sur son visage et un sourire narquois a rehaussé mes lèvres. « Elle, ça doit être sa maîtresse à lui. » Mon doigt court sur le papier glace jusqu’à la carrure de Strange. « Et peut-être même celle de ton procureur. » ai-je remarqué, animé de malice.

Bien entendu, je ne suis certain de rien, mais je n’avais plus eu les idées aussi claires depuis longtemps. « Et, si je peux entendre qu’elle soit un bourreau, je te garantis que si le Club doit dérailler, ce sera à cause d'elle. » J’en suis intimement persuadé parce que c’est une femme justement. Le beau sexe, le faible, dans ce genre d’organisation, n’a jamais été aussi loin de cet adage. Pour se tailler la part du lion, elles se comportent comme si pendait entre leurs jambes une parure trois-pièces. Sauf qu’elles ont en plus des attributs qui tendent aux confidences. Dieu seul sait ce qu’elle détient en secret sur Mitchell Strange et c’est eux qui m’intéressent. Comment je m’y prendrais pour les obtenir ? C’était flou. Ça méritait que j’y réfléchisse, avec Olivia. « Je n’en sais rien encore. Je sais que je dois me rapprocher du Club d’une manière ou d’une autre. » L’idée de les infiltrer me parut idéale, mais profondément risquée également. « Sans mêler les flics évidemment. Par contre, il faut aussi les avoir à l’œil. Tout comme le procurent. On ne va pas se voiler la face. Si le Club a survécu jusqu’ici, c’est parce qu’ils ont su graisser les bonnes pattes et, car ils doivent sans doute avoir quelques lieutenants de police sous leur coupe. Ils doivent bien travailler avec des gens qu’il me serait facile d’infiltrer, que je puisse me faire une idée de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Il doit bien avoir des indics parmi les criminels qui auraient besoin de quelqu’un pour renforcer l’équipe par exemple. Tu pourrais me dégoter ces infos-là ?  »



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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyLun 9 Mar 2020 - 18:37


Olivia Marshall & @Amos Taylor ✻✻✻ Ma gorge se serrait à intervalles réguliers sans que je ne parvienne à la détendre, jamais plus entièrement. Je sentais les effluves de l’alcool se mêler à la surface altérée de ma chair mais ce n’était pas ça. Les goûts se confondaient sur mon palais depuis des mois déjà, aucun que celui du whisky ou d’une eau de vie quelconque n’aient encore réussi à atténuer :  le chagrin, l’amertume, l’injustice, la hargne. Toutes ces émotions faisaient partie de mes routines quotidiennes et, si j’apprenais à les dompter non sans mal, elles ne se résignaient à me laisser respirer qu’en la compagnie d’Amos, ce frère que l’armée avait amené dans ma vie il y avait presque vingt ans, déjà. Vingt années qui nous permettaient de nous comprendre sans avoir à nous regarder, de nous entendre sans avoir à nous exprimer, de nous soutenir sans jamais avoir à douter de l’inverse possibilité. Je comprenais ses allusions qui n’en étaient plus, d’ailleurs, sur ma profession. Il avait toujours exprimé ses opinions avec assurance, j’avais compris depuis la mort de son enfant que cette dernière n’ait eu d’autre choix que de se transformer en véritable véhémence. Puis, c’était ma fille qui avait succombé, ma fille qui avait rejoint la sienne et, à présent, il s’agissait de l’entièreté du système que nous méprisions à travers ses élans enflammés et mes silences bouillonnants. Ceux que je laissais s’exprimer à ma place pour répondre à ses jugements dévoilés, préférant le mettre en garde sur autre chose puisque ce sujet-ci ne souffrait, de notre part, d’aucune ambiguïté, d’aucun désaccord. Ce nouveau conseil, en revanche, éveilla en lui une crispation, un froncement de sourcils et je perçus sa perplexité avant qu’elle ne s’exprime. « Qu’est-ce que tu sais sur Sofia que tu ne me dis pas, Olivia ? » Ses yeux balayèrent mon visage, silencieux, en alerte toujours, peut-être soucieux de connaître la suite de mes récits mais je ne voyais pas. Je ne voyais pas ce qui pouvait l’amener à penser qu’il y en avait une, une que je ne lui aurais pas déjà révélée, une que je lui aurais sciemment dissimulée jusqu’à présent, depuis le début de la nuit, ou plus longtemps encore. « Qu’est-ce que tu veux dire ? » Qu’il doutait, peut-être, qu’il avait parcouru ces dossiers, en long, en large, avant de recommencer le lendemain, puis le jour d’après jusqu’à ce que ceux-ci ne perdent leur parfum de nouveauté et ne semblent plus avoir aucun sens, aucune logique. Qu’il craignait à présent que je ne lui en révèle une qu’il n’était pas prêt à entendre. Mais ce n’était pas le cas. Je ne lui aurais rien caché. Pas même à ce sujet. Surtout pas à ce sujet.

« Je ne place pas les femmes en victime. Je constate simplement que Sofia n’a été le bourreau de personne. Est-ce que… ? » Je fronçai les sourcils, secouai lentement la tête, suffisant sans doute ainsi pour nous faire réaliser, simultanément, que nous faisions fausse route. « Est-ce que tu penses que je te parle de cette fille ? » Mon regard n’eut pas besoin de suivre la trajectoire de son doigt accusateur pour répondre, sans attendre, consciente de la confusion. La nuit avait été longue, douloureuse, éreintante. Qu’il n’y en ait pas eu avant était un exploit, à mon sens, mais à ce sujet, de cette manière, je m’empressais de la corriger à mon tour, l’air concentré. « De qui d’autre ? Sofia ? Jamais ... » Peu importe les mystères, peu importe ce qu’il restait à découvrir, peu importe les images qui ne s’effaceraient jamais de mon esprit, celle d’une jeune femme ayant rendu son dernier souffle sous les battants d’une poitrine fatiguée de garder les secrets qu’elle n’avait su confier. Il y avait des raisons, des motifs, des explications après lesquelles Amos courait à perdre haleine, qu’il finirait par trouver et qui n’effacerait pas ce qu’on savait de Sofia car on la connaissait. Son portrait serait complété, nuancé, vu dans son ensemble mais ne serait pas effacé, remplacé par un autre, antagoniste, certainement pas par celui que je venais de dresser de Raelyn Blackwell. « Elle, ça doit être sa maîtresse à lui. » Je n’avais eu à jauger le cliché sur lequel elle apparaissait qu’un instant pour me faire mon opinion. Il exhalait en effet d’elle un charme étrange comme une étincelle d’argent. Une aura qui, il l’avait vu aussi, attirait certainement les hommes vers les limites du raisonnable. Elles le faisaient toutes. « Et peut-être même celle de ton procureur. » Et ils tombaient tous dans le piège. J’arquai un sourcil et acquiesçai de la tête. Je n’estimais ni les unes, ni les autres. Je les jugeais probablement tous avec la même rancœur, colorée seulement de quelques nuances de mépris pour les plus corruptibles, les plus vaniteux. « Tu penses ? » soufflai-je, insistant sur l’ironie de ma question. « Qu’est-ce qui m’écœure le plus ? Les femmes qui assurent leur place de cette manière ou les hommes aveuglés, incapables d’en voir le danger ? » La question était rhétorique, échappée d’entre mes lèvres sans réel destinataire. « Et, si je peux entendre qu’elle soit un bourreau, je te garantis que si le Club doit dérailler, ce sera à cause d'elle. » Je m’appuyai sur mes jambes en retrouvant les rebords de son canapé qui avait dû, réduit au silence, entendre les prémisses de ses objectifs bien avant moi. Je n’en voyais les contours que sur l’instant. Faire dérailler le Club. Et ensuite ? Quand il y sera parvenu, s’il y parvenait, quand son désir de vengeance viendrait à bout de l’organisation criminelle la plus implantée de Brisbane, si, quand les souffrances que faisait subir la pègre à ces jeunes femmes dénuées d’espoir ne seraient plus que lointains souvenirs, si. Si, si, si. Alors, quoi ? Alors, il resterait seulement, le deuil, pur, le deuil, accablant, mais le deuil, simplement.

Était-il normal que je le comprenne, instantanément ? Que l’idée de soulever des interrogations ne m’effleure pas, même l’ombre d’une seconde ? Normal, peut-être pas. Mais nous ne fonctionnions plus ainsi, lui et moi. Il n’y avait rien de normal dans ce que nous traversions. « Je n’en sais rien encore. Je sais que je dois me rapprocher du Club d’une manière ou d’une autre. » Je dégageai mes cheveux, sans y penser, inspirant simultanément car il les prononçait maintenant, ces mots, mais que je les avais devinés il y a plusieurs minutes. Cela ne changeait rien, les entendre éveillait en moi les ombrages, les tourments. « Sans mêler les flics évidemment. Par contre, il faut aussi les avoir à l’œil. Tout comme le procurent. On ne va pas se voiler la face. Si le Club a survécu jusqu’ici, c’est parce qu’ils ont su graisser les bonnes pattes et, car ils doivent sans doute avoir quelques lieutenants de police sous leur coupe. Ils doivent bien travailler avec des gens qu’il me serait facile d’infiltrer, que je puisse me faire une idée de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Il doit bien avoir des indics parmi les criminels qui auraient besoin de quelqu’un pour renforcer l’équipe par exemple. Tu pourrais me dégoter ces infos-là ? » Je laissai mes doigts s’égarer lentement sur mes lèvres closes, plusieurs secondes, le temps d’une réflexion nécessaire, non pas sur la possibilité de lui dévoiler l’identité de mes indicateurs, de les mettre en danger, eux, lui aussi pour de multiples raisons, moi, dans une moindre mesure, la plus minime néanmoins. Mais sur une solution à lui soumettre à la place. « Je ne peux pas te donner un de mes indics, Amos. » finis-je par répondre, simplement, tirant de nouveau mon téléphone de ma poche en même temps pour enchaîner sans plus attendre car il ne s’agissait pas de jouer de suspens. « Un de mes anciens par contre … » Je haussai les épaules en parcourant mes fichiers, ma liste de contacts. « Il a disparu de nos registres quand j’ai quitté mon ancienne brigade, je suis toujours en contact avec lui mais ça n’a plus rien d’officiel. Et il n’y a pas grand-chose qu’il ne serait prêt à faire si on le paie. » Je réfléchissais à voix haute. Il n’y avait pas besoin de duplicité avec tous. Aligner les billets pour obtenir ce que l’on désirait marchait tout aussi bien. « Y compris doubler le Club, si tu y mets le prix. Je veux le voir cette semaine avant de te confirmer quoique ce soit. » finis-je en relevant mon regard vers lui, sondant son assentiment. Il y avait autre chose. Je passai mes doigts sur le rebord avec lenteur, mes ongles effleurant à peine le tissu usé. D’un côté, la certitude de le suivre dans ses convictions, dans ses besoins, de l’autre, le reflet de mes pensées soucieuses, les quelques rares restantes pour les quelques rares personnes à perdurer dans ma vie, dans mon cœur. « Inutile de te demander d’être prudent, pas vrai ? » finis-je par laisser échapper en plissant les yeux. Inutile parce qu’il savait l’être, qu’il avait les épaules, le vécu, la solidité. Inutile parce qu’il n’avait pas besoin de se préoccuper de mes demandes mais que je ne pouvais m'empêcher de les formuler, tout de même. « Mais ne me laisse pas dans le flou, c’est le seul moyen pour que ça ne travaille pas trop là-haut. » Mon index se leva dans l’air pour venir tourner distraitement aux abords de ma tempe. Le seul moyen pour que je respecte ma promesse, également, sans penser faillir à mon devoir d’être à ses côtés.




solosands
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Message(#)(Olivia & Amos #1) ► STANDING THERE, KILLING TIME, CAN'T COMMIT TO ANYTHING BUT A CRIME EmptyMer 11 Mar 2020 - 16:22




Standing there, killing time, can't commit to anything but a crime
La question est claire. Qu’a-t-elle appris dans ce dossier où, avant sa mort, durant son absence, lorsque je la croyais en sécurité à Brisbane parce qu’entourée de gens qui l’aimaient, ceux que je tenais en partie pour responsable de la déchéance de Sofia ? Tous auraient dû voir qu’elle allait mal, qu’elle se ternissait, qu'elle s’éteignait. Olivia avait joui d’un statut différent au milieu de mon jugement. Elle n’était pas de son sang. Elle l’aimait du fond du cœur. Je n’en avais jamais douté. Mais, sur la longue liste de ceux qui endossent avec moi ma culpabilité, elle stagnait en fin de peloton. Ma rancœur est faible à son égard. Elle grimperait jusqu’au paroxysme du supportable si elle avait remarqué quoi que ce soit qu’elle tut à l’époque et qu’elle cache encore aujourd’hui. Elle s’en doutait, Liv. Elle le déchiffrait dans mon regard. Il est rude, froid, d’acier. Le bleu à virer au sombre et au noir. Il y demeure une once d’affection, mais à me préparer au pire, elle abandonne peu à peu sa place à d’autres émotions, plus néfastes, moins aisément gérables. J’entends à peine sa propre question. Je suis tout à la mienne. Mes pupilles sondent les siennes, elles les scrutent sans vergogne, elles les déshabillent, que ses yeux soient à nu, qu’ils crachent la vérité, que son âme soit incapable de se retrancher derrière des faux-semblants. Ai-je douté de sa sincérité ? Peut-être, un moment durant, si bien que je précisai le fond de ma pensée. Son silence était-il lié à un souci de gain de temps ? Cherchait-elle la parade idéale pour se dérober ? Difficile à dire. Son regard n’évite pas le mien. Elle fronce au contraire les sourcils et j’en déduis qu’elle tente d’appréhender tout le sens de mon discours, qu’elle apprivoise que je sombre peu à peu dans les travers de la méfiance jusqu’à ce qu’elle me détrompe. Il ne s’agissait que d’un malheureux quiproquo, un de ceux qui, s’il n’est pas détecté et soigné à temps, peuvent coûter une amitié. Je soupirai de soulagement tant parce que j’avais fait erreur la concernant, mais que mes hypothèses n’en étaient pas encore une. Elle tenait toujours droit. C’est un mur porteur fragile sur lequel elle repose, mais il accuse bien le choc et c’est tout ce qui m’importe. Je me laisse donc aller à des présomptions autour de Raelyn Blackwell, de sa relation avec Mitchell Strange et d’un autre que je lui supose avec le magistrat en charge de l’affaire.

En bon incrédule, je ne me fie pas davantage au Très Haut adoré par ma famille dans sa plus large amplitude. Ma mère le vénère. Ma femme lui a consacré sa vie. Leur révérence m’échappait puisque je suis à peine convaincu par le hasard et les coïncidences. J’étais dès lors persuadé que ma théorie n’était pas l’œuvre d’un fou endeuillé prêt à tout pour préserver l’image de son bébé. Je parle donc sans retenue et sans honte. Je m’épanche parce que je suis à l’abri de tout jugement. À aucun moment Olivia n’a roulé des yeux dans ses orbites et ça me conforte dans le postulat que je tiens le bon bout. Je suis une piste, sérieuse, pour la première fois depuis les cinq mois que compte mon installation à son actif et je respire enfin plus librement. Je me sens avancé quand, pendant longtemps, je marchai à reculons. Assis dans mon sofa, tandis que j’imprime les visages et les noms, que j’invente à mes ennemies des habitudes – ils en ont tous – qui m’aideront à les débusquer, le soutien indéfectible d’Olivia me requinque. J’en souris, ce qui était définitivement rare et, gorgé d’espoir, mon corps pivota entièrement vers le sien. « De toi à moi, les femmes auraient tort de se priver de leurs atouts. » Et je m’en croyais à l’abri, loin d’imaginer que je succomberais à l’appel de la chair et de la luxure. Sur l’heure, je jurerais de mon amour incommensurable pour Sarah qui, malgré son comportement, me reviendra tôt ou tard. Là encore, en aurais-je mis ma main au feu qu’elle n’aurait pas brûlé. Sauf que j’oubliai qu’il ne faut jamais dire : fontaine, je ne boirai jamais de ton eau. En attendant, je suis sûre de moi. Je renoue avec les restes de ma confiance en moi, entraîné par une Olivia qui cherche des solutions, qui réfléchit, qui m’arrête avec bon sens. « Je ne t’en demande pas tant. » Je ne l’exigerais pas non plus, même si parmi ses félons, l’un d’entre eux appartenait au Club. Son travail est sa dernière planche de salut et notre affection mutuelle ne justifierait pas, à elle seule, que je scie sciemment la branche sur laquelle elle tient à peine en équilibre. Par chance, comme elle n’est pas démunie, elle m’offre une autre porte d’entrée. « C’est bien. Je patienterai. Je ne suis plus à quelques semaines près. » ironisais-je bigrement grave cependant. Tout vient à point à qui sait attendre et on ne fomente pas un tel plan sur un coin de table et le ventre vide. Ça se prépare et, pour être efficace, il faut rassembler toutes les données, en ce compris celles qui relèvent de l’argent. « Combien ? À ton avis et à la grosse louche ? » J’avais des économies, certes, mais elles ne sont pas extensibles. J’étais prêt à me séparer de mes biens pour mon entreprise. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Je m’étais néanmoins promis de ne pas toucher au capital engagé par Sarah à travers la maison par exemple. Nous avions investi ensemble. Elle y vivait sans que je ne lui réclame un seul loyer, mais je ne l’en priverais pas. Elle détenait trop de souvenirs de Sofia pour que je l’oblige à s’en séparer, nous en séparer.

Je m’apprêtais à la rassurer lorsque l’interphone me fit sursauter. Je n’étais plus aux considérations humaines comme la faim ou la soif, hormis celle qui conduit mon verre d’alcool régulièrement à ma bouche. J’avertis mon interlocutrice que je n’en avais pas pour longtemps et, récupérant mon portefeuille dans la poche de ma veste – elle traînait sur une chaise - je remontai près de cinq minutes plus tard. Je retrouvai ma compagne de galère perdue dans ses pensées et je ne lui fis pas l’affront de l’interroger sur ce qui la tracassait. Je savais. Elle l’avait claironné un peu plus tôt sans s’encombrer de pudeur. « Liv. Évidemment que je serai prudent. » Est-ce que ça signifie encore quelque chose ? Je le serai selon les limites que nos pertes nous ont imposées. Autrement dit, juste ce qu’il faut pour survivre, pas assez pour ne pas atteindre mes objectifs. « Et je te donnerai des nouvelles, régulièrement. Ensemble, Liv. Toujours ensemble. » claironnais-je en déballant le contenu du sac plastique. Nul doute que ces quelques mots feraient écho aux souvenirs de nos collaborations. « De toute façon, qu’est-ce que tu veux qui m’arrive ? Je suis préparé à ce genre de truc. Je sais être discret, me faire oublier et rester à l’écart des autres. Et là, je suis toujours en train de me demander comment on approche quelqu’un comme elle, comme Blackwell. Je suis sûr que c’est la pierre angulaire de toute cette merde. Je ne serais même pas surpris que ça soit elle qui décide et que Strange soit son homme de paille. Je ne peux pas m’avancer sans les avoir approchés, mais… ce ne serait pas totalement idiot. Franchement un gars comme ça, à la tête d’une telle organisation. » Les crimes à leur actif auraient fait pâlir des nonnes de honte face à si peu de vertu. « Arrêter par les flics ? Normalement, il aurait dû tout cadenasser autour de lui. On n’aurait pas pu remonter jusque lui, comme il est difficile de remonter jusqu’à elle ou, tout du moins, de la coincer pour de bon. Tu me suis dans le raisonnement ? » Je plantai ma fourchette dans le carton, mais je ne l’ai pas engouffrée malgré la sensation qui tiraille mon estomac. « Qu’est-ce qui peut bien faire vibrer une fille comme elle ? Et, qu’est-ce qu’elle fait au Club exactement ? Tu le sais ? » Ou peux-tu obtenir l’information, m’évitais-je d’ajouter. La question coule de source.



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