Elle prononce le “zéro” quand même avec tout le courage d’une guerrière amazone et cela impressionne réellement Swann qui ne s’attendait pas à ce qu’elle termine son décompte un jour. Elle est d’une patience et d’une gentillesse à toute épreuve et ce même avec les clients les plus détestables qu’il ait pu croiser mais Matt a ce super pouvoir bien à lui de donner des ailes à quiconque pourrait lui en vouloir. Il a aussi ce super pouvoir extraordinaire que de donner des raisons à tout le monde de lui en vouloir, ce qui boucle la boucle assez rapidement. Son frère affiche cependant une moue désolée lorsqu’elle semble se résigner et comprendre qu’il n’ouvrira pas la porte. En effet, il hoche la tête de la négative, connaissant bien trop son aîné pour se douter qu’il prépare une mauvaise blague sous l’emprise de bien trop de grammes d’alcool dans le sang. Le pire dans tout ça c’est qu’il sera incapable de lui en vouloir parce que même s’il les a enfermés, il leur a laissé la nourriture et les boissons en libre accès pour autant de temps que nécessaire. Son frère n’est donc qu’un semi-monstre.

”Promis Matt a juste salivé sur les gâteaux dans ses rêves, il n’y a pas touché.” Ils ont peut être cédé pour lui accorder un gâteau-test aux goûts farfelus mais ils n’auraient jamais pu céder à l’idée de laisser le Mcgrath cuisiner seul. Il a des idées et parfois il en a même de bonnes mais il est bien meilleur dans son rôle de chauffeur de salle que de cuisinier - et ça tout le monde le sait sauf lui. Il aurait sûrement mélangé sel et sucre si qui que ce soit l’avait laissé approcher des gâteaux et le tout aurait été un massacre sans nom duquel il aurait même sûrement été fier, renommant le tout par un autre nom pour cacher la misère de la situation. C’est aussi pour ça qu’il l’aime, Matt, pour sa capacité qu’il a à ne jamais abandonner et à toujours se battre pour ce qu’il croit être juste et le mieux à faire. Parfois il a raison, parfois il a tort, mais il croit toujours en ses idéaux. Penser ainsi du futur marié le laisse rêveur et souriant, il observe Lucia approcher des gâteaux à petit pas pour ensuite se laisser tenter à l’idée de goûter le tout. Ses yeux se posent tantôt sur sa fourchette et tantôt sur son visage alors qu’elle s’applique avec minutie pour ne pas laisser une seule trace de son passage, comme si quelqu’un allait réellement leur en vouloir d’avoir eu faim alors qu’ils étaient enfermés dans les cuisines. Elle est d’une douceur incomparable, Lucia, et même s’il l’a remarqué dès le premier jour cela ne cesse de l’impressionner depuis. ”Caramel, chanceuse.” Il a perdu la liste des ingrédients dans le fond de sa pensée mais s’il sait bien une chose, c’est qu’il y a beaucoup de ratés dans le lot et que sa chance incroyablement inexistante va le faire tomber sur un de ceux là à coup sûr.

Sa fourchette s’avance prudemment sur le second gâteau alors qu’il sourit quand Lucia ose reprendre un peu du premier. Il prend une portion légèrement plus grande, assez pour goûter, trop peu pour s’étouffer s’il tombe sur le Gâteau Maudit. Quand elle énonce avoir besoin de trois mois avant de reprendre le surf, il fronce doucement des sourcils à cause de l’incompréhension ? ”Trois mois ? Tu me laisserais regarder ? Ton bras. Ou les radios. Ou les deux, comme tu veux. Ca me semble très long et ce serait dommage que tu rates la meilleure période.” Matt lui a inculqué l’importance qu’a le surf dans cette région du monde et même s’il perd toute sa patience chaque année à tenter de garder Swann en vie sur une planche sans jamais réellement y arriver, ce dernier comprend ce que la jeune femme ressent. Il aimerait pouvoir lui apporter une bonne nouvelle une fois dans sa vie au moins, et si cette dernière ne compromet pas sa santé et lui permet de s’amuser sur les vagues alors ce serait le parfait combo à ses yeux. ”Je suis kiné, au fait, pas un monsieur-je-sais-tout hypeeer ennuyant.” Plus habitué les autres qu’à parler de lui même il se souvient soudainement ne jamais avoir énoncé ce détail (détail qui reste quand même son métier et qui occupe la majeure partie de son temps) à la jeune Whitemore.

Il est au moins rassuré de savoir que son bras ne la fait plus souffrir et ça suffit pour lui donner l’impulsion et le courage nécessaire pour goûter le gâteau choisi par Matt. Il affiche rapidement une moue songeuse, un sourcil levé, avant de gober la part de gâteau sans même prendre le temps de la mâcher. Indécis par excellence, il reprend finalement une seconde part avant de faire moins de mélodrame autour de sa dégustation cette fois ci. La troisième part qu’il découpe du gâteau est destinée à Lucia, à qui il tend la fourchette au niveau de sa bouche. ”Violette. J’arrive pas à savoir si c’est bon ou pas à vrai dire.” La violette n’est pas un mauvais choix, mais la violette au milieu d’un aussi gros gâteau … c’est une autre paire de manche et le tout est relié à Matt et ses goûts atypiques. La brune en revient d’ailleurs à lui assez rapidement et ce n’est pas un sujet que Swann rechigne à aborder, il la suit donc avec un sourire sur les lèvres - jusqu’à ce qu’elle émette l’hypothèse de leur entente approximative durant leur enfance. Enfance qu’ils n’ont jamais vécu ensemble. ”Matt fait toujours tout en décalé, je pense qu’on savait tous qu’il en serait de même pour son mariage et on ne savait juste pas … comment.” Il ne pose pas de jugement sur les choix du McGrath, même quand ces derniers sont réalisés avec autant d’alcool dans le sang. Si les experts lui choisissent une femme qui saura le supporter alors ce sera déjà une grande victoire et tant que Matt est heureux, Swann le sera aussi. ”On … On n’a pas grandi ensemble, en fait. C’est mon demi-frère.” Il garde une expression aussi positive que possible mais cette simple évidence est encore difficile à accepter pour lui, même si Matt le traite comme s’il était réellement son frère et même si depuis toutes ces années les cicatrices ont commencé à se refermer. N’en reste pas moins que le tout lui fait encore plus mal qu’il ne le dira jamais. ”Mais c’est pas grave, tu ne pouvais pas savoir. On ne le précise jamais.” Matt est son frère, Ginny et Jillian ses soeurs. Levi son cousin. Rien ne changera jamais cela, pas même des tests adn qui n’auraient pas lieu d’être. Ils sont une famille et désormais ils sont réunis, c’est tout ce qui compte. ”En plus, il fait toujours ça maintenant, tu sais. Il vole le verre de certains clients et en accuse d’autres, il drague des inconnues et se vante pendant une éternité qu’elles lui aient souri … il saute dans les flaques d’eau, ouais, et il accuse le chien de Charlie de s’être secoué sur lui.” Finalement il n’a rien manqué de son enfance puisque le patron du DBD a oublié de devenir un adulte. ”T’as le droit de ne pas être d’accord avec son choix pour le mariage. Je comprends que ça puisse ne pas plaire à tout le monde et lui aussi il comprendrait, il a beaucoup de défauts mais il ne t’en voudra pas pour ça.” La gêne de Lucia est palpable alors Swann fait encore et toujours de son mieux pour tenter de concilier tous les partis, jouant de son sourire comme s’il allait réellement pouvoir arranger la situation dans la seconde.

Beaucoup auraient paniqué à l’idée d’être coincé dans une pièce sans issue mais il faut croire que Swann a rapidement appris certaines choses en devenant un McGrath à part entière et, parmi elles, la capacité à tout relativiser. Quelqu’un va avoir faim et les libérer de là, c’est certain. Entre temps il n’a qu’à rassurer Lucia à ce sujet et tout ira bien. « Mais y’en a combien des différents ? » C’est la question à un million qui le fait éclater de rire sans que ce ne soit réellement drôle. ”Trop, beaucoup trop.” Il a déjà oublié le nombre exact mais le fait même qu’ils aient dû s’y prendre à trois fois pour tout compter et s’assurer n’avoir oublié aucun gâteau chez le traiteur prouve bien qu’il y a quelque peu d’excès.

La conversation glisse doucement sur le sujet de son bras, important aux yeux de Swann qui s’inquiète pour la santé de jeune femme et tente au mieux de répondre à ses interrogations. « Bien sûr, pourquoi pas. Maintenant ? » Son cou s’étend et se tourne dans tous les sens pour jeter un rapide coup d’oeil aux alentours (comme s’il ne connaissait pas déjà par coeur les cuisines). Il finit par hocher doucement de la négative, peu convaincu par l’idée. ”On verra ça demain, ou plus tard. Les fauteuils du cafés seraient plus confortables.” Rien ne presse et rien n’est non plus chaleureux dans l’arrière salle du magasin, où tout est froid est métallisé. Chaque chose en son temps, la priorité du moment est devenue de trouver le moins pire de tous les gâteaux et un jour prochain il pourra peut être lui annoncer une bonne nouvelle et lui donner du baume au coeur, avec un peu de chance. Le blond aimerait être le porteur de bonnes nouvelles sans avoir à mettre sa santé en péril, c’est certain. « Tu fais du surf ? » Il transperce doucement le gâteau de sa fourchette avant de la retirer et recommencer le processus un peu plus loin, enfant contaminé par Matt et s’occupant d’un rien. ”J’arrive à garder l’équilibre quand on est sur la plage, après … c’est plus compliqué. Mais Matt est sur le coup.” C’est presque si la première fois qu’ils se sont rencontrés ils se sont contentés de dire “je suis ton frère - oui okay ça marche tu m’apprendras à surfer”. Depuis, l’aîné use de toute sa patience pour apprendre les rudiments du sport à Swann sans que les résultats ne soient réellement excellents - euphémisme pour dire qu’il est un danger ambulant armé d’une planche. ”Tu surfes seule ? Tu fais des compétitions ?” A contrario, il sait déjà qu’elle sait manier les vagues et les questions sont davantage ciblées sans pour autant être, il l’espère, trop intrusives. Il a toujours admiré tous ceux sachant surfer. ”Avant de te faire mal, je veux dire.”  me innocente dénuée de doutes sur le reste du monde, il relève les yeux du gâteau pour lui sourire simplement.

« Vous avez des plages en Angleterre ? » La question le fait sourire encore un peu plus avant qu’elle ne se reprenne. « Je veux dire, des plages pour pratiquer le surf ? » ”On en a plus qu’on pourrait le penser mais le sport n’est pas aussi répandu qu’ici.” Si seulement la Reine d’Angleterre pratiquait le surf alors le sport dépasserait aussitôt le polo en nombre d’adhérents. ”C’est pour ça que je n’en avais jamais fait avant de venir ici.” Il s’était testé à des dizaines de sports différents, la plupart étant des jeux d’équipe, mais jamais il n’aurait cru un jour avoir à se lancer sur des vagues, encore moins sous un ciel sans nuages.

Le parfum violette est finalement rejeté par l’assemblée de testeurs (que c’est étonnant, tiens) et Lucia émet de nouveau doutes quant à la capacité de Matt à se gérer seul ce qui fait rire le blond. Elle a réellement de quoi douter, il faut dire, et son frère ne fait jamais dans la facilité. ”Facile : il aime vraiment tout ça.” Il s’est improvisé expert dans la connaissance de Matt mais ce dernier n’est pas là pour réfuter aucun de ses propos, ce qui est autant une bonne nouvelle qu’une mauvaise. Il pourrait sûrement dire n’importe quoi que la brune continuerait à boire ses réponses, les yeux pleins d’étoiles ; et lui l’aveugle continuerait à parler de surf comme si ça intéressait réellement qui que ce soit.

« Pour être décalé c’est décalé. J’arrive pas à savoir ce qui est le plus inhabituel entre ça ou un mariage à Vegas sous l’emprise de l’alcool. » Il aurait pu s’offusquer qu’on juge ainsi l’aîné McGrath mais n’étant pas réellement bien placé pour le lui reprocher, il prend au contraire sa remarque avec un sourire. ”Lui donne pas trop d’idées, tu le connais, il serait capable de coupler les deux.” Il le fera sûrement un jour, cet espèce d’imbécile, et même qu’il inviter un sosie d’Elton et que lui sera déjà lourdement alcoolisé et vêtu d’un tutu rose pour son mariage partie deux. Il préfère penser à toutes les frasques qu’il pourrait commettre à l’avenir plutôt que tout ce qui a pu les séparer par le passé, ce qu’il aurait voulu épargner à Lucia mais dont il est encore incapable malgré toute sa bonne volonté. Une main gêné se pose autour de son poignet alors que son sourire reprend doucement consistance. « Framboise et chocolat. T’as vraiment pas de chance en fait, c’est moi qui devrait choisir ton prochain gâteau. » Et ça serait une merveilleuse idée, Lucia, sinon il risque de terminer la soirée avec une intoxication alimentaire à ce rythme là.

Doucement, point par point, elle explique au blond pourquoi elle ne peut pas être aussi enjouée à l’idée qu’il puisse se marier. Lui a abandonné sa fourchette pour n’écouter qu’elle, impliqué, voyant toujours là où elle veut en venir. Le mystère autour d’elle semble s’éclaircir peu à peu lorsqu’elle lui conte son enfance, ses valeurs, ses parents. Il sourit en l’écoutant, encore, toujours, un peu trop. ”Je suis de ton avis.” Il finit par avouer, le pragmatique dans l’âme, celui qui n’a jamais raté un seul discours de Noël de la Reine, celui qui a religieusement prié chaque dimanche. Le chemin de vie que suit Matt n’aurait jamais pu être le sien et c’est une raison de plus pour lui de l’admirer, de le regarder des étoiles plein les yeux alors qu’il vit de ses rêves et de ses impulsions sans ne paraître rien craindre. ”On m’a élevé avec les mêmes principes.” Elle lui confie beaucoup, il souhaite lui montrer qu’il n’a rien à lui cacher en retour. Elle fait partie de la famille elle aussi, il n’y a pas de raisons. ”Il a fait comme tout le monde en amour et il a été déçu. Je pense que cette fois-ci il n’avait rien à perdre et tout à gagner. Ca doit être le cas pour tous ceux qui s’inscrivent, même si ce n’est pas vraiment romantique comme impulsion.” Swann, psychanalyste officiel de son frère quand il prend des décisions en étant sous l’emprise de l’alcool. On ne se refait pas. « Et puis bon, je suis pas non plus un exemple en la matière alors, qui suis-je pour juger ? » Un sourire compatissant plus tard, il admet: ”Il n’y a pas de bon exemple quand il s’agit de sentiments.” Ni elle, ni lui, ni personne. Elle n’a pas à s’en vouloir.

Elle lui fait part de la manière dont tout devrait idéalement se passer, il se crée des images mentales de l’événement en chassant l’affreux goût de violettes encore collé à ses papilles. ”Tu t’inquiètes pour lui ?” Il note, souffle à peine, commençant déjà la réponse à cette question qui n’en a que le nom. Son frère est un sacré imbécile mais il semble savoir s’entourer des bonnes personnes, il peut au moins lui accorder ça. ”Il va être super. Et nous on pourra toujours ré-imaginer tout l’aménagement si ça ne nous plaît pas, t’en dis ?” Ils retoucheront les photos sur Paint, se pensant déjà les nouveaux professionnels de l’informatique et de l’illusion. ”Après le mariage, je veux dire. Tu y vas sans doute accompagnée. Ou tu n’y vas peut être même pas, à cause de ton travail ou … peu importe.” A trop vouloir concilier tout le monde il se perd souvent dans ses mots et les mille et une possibilités possibles qui feraient qu’elle a bien mieux à faire que de lui faire part de ses idées d’organisation à l’oreille. Le problème, c’est qu’il trouve réellement vital à la conversation que de citer toutes les raisons qui pourraient l’empêcher de venir. Oh, Swann, stupide Swann aveugle.

Elle rougit et il se croit déjà la cause de son inconfort, ou alors c’est peut être le chauffage (inexistant, en plein été australe, oui, disons qu’il est encore sur le climat anglais). « Je suis organisatrice de mariage. Enfin assistante organisatrice de mariage, pas juste une insupportable romantique ennuyeuse. » - ”Je sais.” Ca a tout de louche, qu’il réponde aussi vite et avec autant de vigueur à cette annonce pourtant si neutre. ”Parce que Matt râlait de pas pouvoir t’embaucher pour son mariage, justement.” Heureusement qu’il ne sait pas mentir et qu’il ne s’est pas non plus aventuré dans de plus sombres explications. Le plus simple qu’il essaye et le mieux que ce sera. Il lui tend même sa fourchette pour tenter de passer à autre chose, peu fier de son intervention. ”La santé de mon palais repose sur toi. Sans pression, bien sûr.” Il faut qu’il se rende à l’évidence : le hasard ne lui réussit pas et il a encore beaucoup de mal à accepter les goûts de son frère, même avec son palais d’anglais nourrit à la gelée. ”Assistante organisatrice de mariage et romantique, c’est le parfait combo.” Il raye insupportable tout comme il fait de même avec ennuyeuse, trouvant ces deux adjectifs peu appropriés pour la personne qu’est Lucia. ”Si un jour je me marie tu seras la première au courant et c’est sûr qu’on va se battre pour la couleur des chemins de table parce que j’ai les mêmes goûts que Matt - en moins pire quand même n’abusons pas. Désolé.” Oh, Swann. Il sourit, naïf, heureux, prêt à manger sa part de gâteau à la poudre de perlimpinpin.

Il découvre Melbourne à travers les mots de la jeune femme, prêtant particulièrement attention aux détails et aux côtés de la ville qu’elle choisit de mettre en avant par rapport aux autres. Le street art arrive sur la première place du podium et ça lui laisse un sourire confiant sur le visage, persuadé que Lucia est bien tombée en se retrouvant au DBD. Elle va peut être jongler entre tous les problèmes liés à la famille McGrath mais en découvrir par la même occasion toutes les facettes aussi. Si elle s’approche de Ginny un jour, nul doute que cette dernière lui montrera tout son art et la prendra sous son aile en retour, comme elle le fait toujours avec tout le monde. A son tour, il promet d’un jour tester le Luna Park de la ville avant de se lancer dans une description exhaustive de sa ville natale, ne se focalisant à son tour que sur le street art et les jardins variés qui la composent. Au moins en Angleterre l’herbe est bien verte, qu’il précise, amusé, joueur.

Ses réflexions à propos de l’organisation des post-it, des gâteaux ou même des possibles allergies des convives font encore une fois sourire un peu plus le benjamin McGrath qui se rend peu à peu compte à quel point il avait sous estimé toute l’organisation autour d’un mariage. « Je vais pas mentir et dire que j’ai pas déjà une idée exacte à quoi ressemblera ma robe ce jour là. » Elle est une rêveuse, cela ne fait aucun doute. Ca lui plaît que de rêver avec elle quand ça ne lui coûte rien de le faire et qu’il a tout à y gagner.

C’est finalement et le plus naturellement du monde qu’ils passent tous deux derrière le bar, bien décidés à profiter d’au moins quelque chose pendant le temps que durera leur confinement. Dans leur malheur ils ont la chance d’avoir accès à toute la cuisine, ce qui est autant une bonne qu’une mauvaise chose lorsqu’on connaît les talents de cuisinier du McGrath, couplé à ses racines anglais qu’il a du mal à renier. Il se fait pourtant rapidement remettre à sa place, d’une tape sur la main octroyée par la cadette. « Minute, faut se laver les mains avant ! » Si elle se cache de gêne, lui, au contraire, occupe l’espace de son rire franc. ”Compris chef.” Loin d’être vexé, il retrousse ses manches en attendant d’avoir à son tour accès au robinet d’eau. « Oh, je suis désolée. » Ces mots là sont à peine audibles mais il les devine rapidement, entre l’aide de ses lèvres et de la gesture de son corps tout entier. Naturellement, la paume de sa main se pose sur l’épaule de Lucia alors qu’il se ravise à la dernière seconde, ne l’effleurant finalement qu’à peine. ”Ne t’excuse pas. L’hygiène avant tout.” Même s’il sait que le fond du problème ne réside pas là, il dévie volontairement la conversation pour ne pas la rendre plus mal à l’aise encore.

« Les ingrédients sont validés en tout cas ! Tu penses à quoi ? » ”On va faire des crêêêêêê -” « Si c’est des crêpes je peux pas te laisser faire ça, pas si on trouve pas du chèvre et du miel. » Il se pensait roi du monde et de l’improvisation, voilà qu’elle le ramène bien rapidement sur Terre. C’était si prévisible que ça, alors, les crêpes ? Il pourrait se dérober et opter pour des pancakes fluffy mais le connaissant ça se terminera seulement en un amas de farine immangeable. Va pour les crêpes au chèvre et au miel donc, un savant mélange qu’il n’aurait jamais cru faire mais s’il peut ravir Lucia alors il le ravira lui aussi tout autant. « Tu peux regarder dans le frigo ? On doit bien garder ça quelque part... » Les tâches sont réparties, l’enquête digne d’un épisode de Sherlock débute et - et c’est pas du tout logique ça, Matt, qu’est ce que tu fais dans tes cuisines. ”J’ai le miel. Je crois.” Il est gelé, ne bouge même pas d’un seul millimètre quand Swann retourne le pot et fait en même temps une moue plus que dubitative. Mouais. ”Tu … aimes quand même si y’a que du fromage de chèvre ?” Il sourit, hausse un sourcil, fait le clown avec ce qu’il peut le temps de trouver une alternative au repas proposée par la jeune femme maintenant qu’il semble tomber à l’eau de la manière la plus louche qui soit. Même ranger les aliments correctement s’avère être une épreuve pour son frère, apparemment.

”J’ai trouvé des colorants. Si on les mélange tous ça fera genre des mermaids toast mais qui seront en fait des mermaid crêpes ? Ou … quelque chose dans le genre.” Il est bien plus convaincant sur le terrain de sport à motiver les troupes plutôt que dans une cuisine trop grande pour lui dans laquelle il ose à peine ouvrir des oeufs, l’athlète. ”Ok je devine ton jugement mais faut pas. Je suis anglais : si ça a l’air trop comestible c’est louche. Cqfd.” Ses gênes qu’il utilise comme une excuse dès que l’occasion se présente, il en rigole bien plus que de raison quand c’est à nouveau son rire qui ponctue sa phrase. Swann a appris à tout dédramatiser avec le temps, tentant ainsi de se préserver au mieux des véritables affres de la vie. ”Tu veux que j’essaye d’appeler Deklan pour qu’il nous ouvre ? J’espère que personne ne t’attendait chez toi, ils auraient eu le temps de se faire mille scénarios catastrophe. Tu pourras toujours leur ramener la plus belle crêpe qu’on fera, si tu veux.” La plus belle ou les quinze plus belles, peu importe, tant que ça sauve un minimum la vie de la jeune femme alors il saura en être heureux. ”Ils préfereraient orange ou vert, pour aller avec le violet ?” Tout le monde se serait douté que les couleurs allaient se mélanger pour former un marron difforme mais l’esprit de Swann est ailleurs en ce moment, trop occupé à sourire qu’il s’en fait mal aux joues, l’imbécile.

Elle sauve son hygiène et elle sauve aussi un pauvre pot de miel qui n’avait pourtant rien demandé de la fin certaine que venait de lui promettre Swann sans le vouloir. Il n’y a finalement nuls doutes possibles sur le sujet : Lucia est désormais devenue sa sauveuse attitrée aux mille visages. Même si le nom est long il n’en reste pas moins super cool, raison pour laquelle Swann préfère en être fier plutôt que de se morfondre sur lui même pour les petites erreurs qu’ils semble enchaîner dès lors qu’on le pose derrière des fourneaux. Il a toujours réussi à exceller dans les domaines dans lesquels il s’impliquait et autant dire que pour la cuisine il s’agissait seulement de ne pas s’empoisonner lui même ce qui, pour le moment, a plutôt bien réussi (sauf cette fois quand les oeufs étaient périmés depuis longtemps et qu’il a fait un concours de la plus grosse omelette avec son colocataire de l’université mais … c’était une autre époque okay ?). Désireux de faire au mieux, il s’exécute une fois les ordres de la jeune femme donnés, même si, à vrai dire, son ton était bien plus doux que n’importe quel ordre qu’il a un jour pu recevoir dans sa vie. Le super pouvoir de Lucia réside aussi dans le ton délicat qu’elle utilise peu importe les circonstances, toujours ou presque mêlé à une gesture allant avec. Il voit bien ses joues rougir pour un rien et il rejette la faute sur la gazinière qu’il allume, il la voit bien qui sourit naïvement dès qu’il est dans les parages et il rejette la faute sur ses cheveux en bataille qui doivent la faire rire, il voit tout autant tous les gestes qu’elle fait petit à petit vers lui et il les range dans la mauvaise case, incapable de différencier l’amitié du reste.

« Ça fera comme les jolies photos sur Intagram ? » Son corps tout entier hésite entre hocher vivement la tête ou se figer sur place avec comme seule réaction un ‘O’ formé par ses lèvres. Ne sachant faire de compromis, il ressemble à un trentenaire en pleine crise de tremblements / hystérie / on ne sait trop quoi pendant quelques secondes avant d’enfin se reprendre en main et prononcer un “Oui !” venant du fond du coeur. Après, de savoir s’ils vont réussir à faire comme les jolies photos sur instagram, ça, … C’est un autre sujet dont il ne vaut mieux pas parler pour le moment.

Les rôles s’échangent d’ailleurs rapidement quand vient le tour de Swann de s’excuser pour pas grand chose et Lucia de faire de son mieux pour le rassurer la seconde qui suit, s'empressant d’annoncer qu’il n’a aucune raison de s’excuser. La dynamique entre eux se complète petit à petit, pour le plus grand des petits bonheurs de l’anglais. « On peut quand même mettre ce qu’on veut dedans hein ? » Sa question l’amuse et le fait sourire, laissant de nouveau largement apparaître les fossettes sur ses joues. Ses yeux s’abaissent un instant sur la brune alors qu’il fait au mieux pour ne brûler personne avec l’eau bouillante de la casserole et il finit par statuer : “Absolument !” Ce qu’il y a de bien des les règles des mermaids toasts / crêpes, c’est justement qu’il n’y en a aucune. « J’ai déjà vu des photos de ces trucs-là, tu sais les faire comme en photo ? » “Ouaiiiis.” Il assure, d’abord avec sa voix de conquérant puis petit à petit avec sa voix bien plus naturelle, bien plus tremblante aussi alors qu’il se rend très rapidement compte que la seule chose qu’il pense faire c’est ajouter deux gouttes de colorant bleu et une de rouge et prier très fort pour que le résultat soit à peu près correct, encore plus maintenant qu’il vient de le promettre à Lucia. Il est hors de question de la décevoir maintenant alors qu’elle a des yeux brillants et qu’il la trouve plus adorable que jamais.

Pourtant, McGrath dans l’âme, il a ce don inné pour tout casser. Si métaphore de cuisine on devait utiliser, autant dire qu’il vient de faire retomber les blancs en neige. Le problème avec Swann, c’est qu’il ne savait même pas qu’il était en train de monter des blancs en neige ou même faire quoi que ce soit de particulier : il occupe le temps de la plus pure et normale manière qui soit pour quelqu’un enfermé dans des cuisines avec une coéquipière de fortune rapidement devenue essentielle à ses yeux pour ne pas commettre d’impairs dans cet univers qu’il ne maîtrise pas. « Oh pourquoi, tu t’ennuies déjà ? » “Non non, bien sûr que non !” Il tente de se rattraper du mieux qu’il le peut, toujours franc dans ses paroles. La situation est loin d’être idéale, certes, mais il ne s’en plaint pas pour autant. Ils s’apprêtent à faire les meilleurs crêpes de tout instagram, en plus.

Heureusement, aussi peu doués l’un que l’autre dans l’art de mener une conversation sans quiproquos, c’est à son tour à elle de se perdre les pinceaux en expliquant sa situation actuelle, étant en colocation. Il sait qu’elle est plus jeune que lui mais la différence ne s’étend que sur quelques années, jamais il n’aurait pu croire qu’elle soit mineure mais le fait qu’elle en doute le fait de nouveau sourire alors qu’il s’affaire à sortir tous les ustensiles nécessaire des différences placards. Dans l’ordre tout sauf logique des choses, ils décident du choix des colorants avant même de réaliser la pâte. « Je peux dire… Rose et bleu ? » Ses doigts parcourent les tubes pour sortir du lot les deux décidés par Lucia. “J'espérais secrètement qu’on prenne du bleu. C’est ma couleur préférée.” Il ajoute pour l’anecdote, personnification même des enfants à qui il suffit de peu pour être heureux. Il aura des crêpes bleues et roses et il est le plus heureux des hommes, Swann.

« On procède comment ? J’écoute chef. Je peux faire la pâte à crêpes déjà, je maîtrise plutôt bien. » Il hoche vivement de la tête et la nomme cheffe des crêpes pour la soirée, venant trouver une vieille couronne de carton sur laquelle il inscrit son nouveau titre avant de la lui poser méticuleusement au sommet du crâne pour ne plus jamais qu’elle s’en défasse. « Personne va t’attendre toi ? T’habites dans le coin ? » “La gardienne de l’immeuble va me faire passer un sale quart d’heure quand je lui dirai que j’ai encore oublié mes clés quelque part ici, mais ce n’est pas le genre de attendre auquel tu pensais sûrement.” Simone, 65 ans, t’as rien à craindre Lucia, ses yeux ne brillent que d’horreur quand c’est elle qu’il regarde. ”J’habite à Fortitude Valley à vrai dire. J’ai emménagé là-bas en arrivant en Australie et depuis je n’ai pas changé. Je m’y plais.” Swann se sent pousser des ailes à raconter des bribes de sa vie comme si cela intéressait réellement quelqu’un. En parallèle il fait de son mieux pour ne pas que ce soit Lucia qui prépare tout toute seule, raison pour laquelle il casse les oeufs tout en veillant à ne laisser aucune coquille à l’intérieur. ”Vous habitez vous, toi et tes coloc’ ? Ca se passe bien ? Vous êtes nombreux ? Est ce que vous avez des codes secrets pour vous parler qu’entre vous, genre quand personne veut cuisiner et que vous passez en mode soirée pizza improvisée ?” Ca sent le vécu, oh que oui ça sent le vécu.

Les deux colorants en main (mains ayant d’ailleurs pris des allures d’arc en ciel, la faute à ses doigts qui trituraient sans doute un peu trop les bouchons peu étanches), il commence déjà à faire chauffer à feux doux une poêle pour ne pas perdre de temps. Après tout, lui aussi commence à avoir faim. ”Tu sais les faire sauter ?” Ca sonne comme un défi, ça prouve une nouvelle fois qu’il ne partage pas le même sang que Matt pour rien, quand n’importe quel geste de la vie quotidienne devient sujet à un stupide concours. ”Oh attend, on peut rajouter du rhum. Ca se sentira juste à peine, si jamais tu bois pas. Ou on peut ne pas en mettre, en fait, si jamais tu bois pas. Euh … tu bois ?” Il a l’air d’un imbécile, Swann, les colorants toujours dans une main, la bouteille fièrement brandie dans l’autre et au milieu seul perdure son air d’ahuri qui ne sait plus où donner de la tête. ”... Tu veux le colorant rose ou bleu ?” La tactique du changement de sujet express est soudainement privilégiée.