Vous connaissez l’histoire de l’os et du chien ? Quand un toutou est tout excité de trouver un os à croquer, à mâchouiller, qu’il passe son temps à s’amuser avec, à grogner aussi quand on veut le lui retirer. C’est à peu près ce qu’il se passe là. Seulement le chien est une chienne et l’os est blonde. Et il parle, l’os. Birdie glousse trente secondes en imaginant Aylin comme un os et ça lui donnerait presque envie de planter ses dents à sa cheville. Aylin est agacée et plus elle soupire, plus elle roule des yeux, plus elle parait de mauvaises grâces, plus Birdie a l’esprit de contradiction qui la pousse à continuer. Elle est complètement dans son monde, y a que la blonde allongée qui réussit à la maintenir (un peu) dans l’univers bien réel. La musique est trop lointaine, les autres personnes n’existent plus - ils n’ont jamais existé, ce ne sont que des visages dont Cadburry se fout royalement, qu’elle ne retiendra jamais, qui partiront dans les profondeurs de toutes les autres têtes qu’elle a pu croiser dans sa vie. Il y a juste celui d’Aylin qui reste incrusté, rayonnante malgré ses bougonnements, flamboyante malgré son envie de la tuer. Ce n’est pas la première fois, Birdie a l’habitude qu’on a envie de la tuer.
Par contre, jouer sur sa phobie, c’est vraiment bas et ça, ça fait bougonner Birdie. Parce que ce n’est pas fairplay - Ô sweet irony, tu n’aimes pas le fairplay, tout d’un coup, petit oiseau ? (Pas quand ça ne marche pas dans son sens, en tout cas.)
Elle n’aime pas d’ailleurs le petit sourire de Collins parce qu’elle sait qu’elle a tiré là où ça fait mal. Birdie a peut-être cette capacité de se foutre des opinions d’autrui mais elle a toujours son amour propre. Mélangé à sa fierté et dansant avec son égo. Une valse qui la booste à ne pas lâcher le morceau, à être persistante dans ses propres malgré l’incohérence de son cerveau qui s’émiette inlassablement, lui faisant oublier les serpents mais donnant l’impression qu’Aylin est Méduse. Seulement, Birdie est déjà pétrifiée depuis longtemps parce qu’elle continue à soutenir son regard, à s’amuser de ce que raconte Aylin. Comme si ce n’est qu’un joli conte pour endormir les enfants - ou soulager sa propre petite cabosse, certainement. « C’est ce qu’il t’apprenne à dire, au centre de désintox ? Ça a l’air fun. »
Déjà, Aylin fume et rien que ça, ça prouve qu’il y a quelque chose qui n’est pas encore complètement mort en elle, pas vrai ? Birdie s’accroche d’espoirs futiles, destructeurs et meurtriers mais qu’importe ; chasser le naturel et il revient au galop. Et puis, il y a le moment où Aylin se remet en contact avec le précieux sachet. Birdie se mord la lèvre, elle penche la tête, elle se dandine sur place, impatiente et curieuse de la réaction d’une ancienne junkie qui se dit maintenant propre sur elle. La tentation est à porter de main, une simple barrière plastique qui empêche les doigts de toucher et la langue de savourer. Ce n’’est rien du tout, c’est tout petit, c’est insignifiant. Allez, Aylin, on s’en fout si t’as failli en mourir, le jeu en vaut bien la chandelle, nan ?
Mais la blonde en face d’elle se montre plus persistante qu’elle aurait cru - Birdie ne croit jamais l’humain capable de résister à quoique ce soit - et lui balance le sachet qu’elle attrape au vol d’un coup de mains vachement habile pour quelqu’un de stone.
Elle veut être tentée ? Okay.
Cadburry ouvre le sachet, plante un champignon entre ses dents, fourre le reste dans l’arrière poche de son jean, se relève et se dirige à quatre pattes vers Aylin avant de s’asseoir sur ses jambes en la chevauchant, ses genoux la coinçant sous elle. Birdie prend le champignon d’une main, utilise l’autre pour remettre une mèche de cheveux blonds de Collins derrière l’oreille, leurs souffles se mélangeant étroitement comme ils ne l’ont pas été depuis des mois. « C’est un défi que j’me dois de tenter, Collins, tu m’connais. Tu m’connais sûrement mieux que personne, babe, tu t’rappelles ? » Surnom ridicule qu’elle utilisait à outrance pour se faire pardonner, pour qu’elle lui accorde son pardon, pour qu’elle laisse la toucher comme elle avait envie. Birdie passe le doigt avec le champignon sous le nez d’Aylin avant de caresser ses lèvres avant, ses perles bleutées passant de sa bouche à ses yeux.
Prenant le risque croissant de se faire encore plus détester mais tant pis. Le jeu en vaut définitivement la chandelle.
Franchement Aylin savait que Birdie était capable de tout, de tout le temps qu’elles se connaissaient la jeune femme avait souvent vu faire la blonde faire ce qu’elle voulait en se fichant des conséquences. C’était toujours quelques choses qu’elle avait admiré chez elle, n’avoir rien à faire de ce qui pouvait arriver et ce que l’on pouvait penser d’elle. Mais là, là il fallait dire la Cadburry avait joué très petit à lui mettant sous le nez un sachet de drogue. Même si il s’agit d’une des drogues qu’elle aime le moins, la tentation n’en reste pas moins forte à sa plus grande tristesse. C’est à ce moment-là qu’elle se rend compte à quel point elle est et sera toujours une addict qu’elle le veuille ou non. Elle a l’impression d’entendre des sirènes lui murmurer à l’oreille d’en prendre un et de le croquer. La pensée de se dire qu’en prendre un seul ne voudra pas dire qu’elle retombera forcément dedans. Après tout ça fait plus d’un an qu’elle se contrôle ce n’est pas un dérapage qui changera tout. Ses doigts caressent le sachet comme si elle touchait quelque chose d’inestimable. Cependant Aylin finit par reprendre ses esprits et à lancer avec difficulté, le sachet sur la miss météo. Sa conscience lui dit bien joué mais une autre partie se dit que si elle doit craquer et mettre en péril tous ses efforts ça ne sera pas pour des champis pourris au moins qu’elle se fasse réellement plaisir à ce moment-là. Par contre en voyant Birdie s’approcher d’elle à quatre pattes avec un champignon entre les dents, elle se dit que celle-ci avait vraiment mal interpréter ses propos. Au moment où elle sent la jeune femme sur elle, le contact de ses doigts sur son visage et son souffle chaud qui brûle sa peau, le cœur de la Collins rate un battement. Fuck après tout ce temps, la blonde arrive encore à lui faire de l’effet et elle ne peut que admirer son visage pourtant si innocent mais qui cache une personnalité qui l’est beaucoup moins. Ses yeux font à leur tour un va et vient entre ceux et de Birdie et ses lèvres. Elle peut sentir son haleine rempli d’alcool et le temps lui semble actuellement en suspens. Pendant un instant elle a l’impression de faire un bond en arrière et se retrouver dans une situation qu’elle a déjà vécue et dans laquelle elle avait plongé de nombreuse fois, sans se poser de question. Sauf que cette fois au moment où Birdie ouvre la bouche, le charme est brisé surtout. Au contraire elle est remplie de colère car contrairement aux autres fois Aylin ne tombera pas dans le panneau. Avec un sourire elle pose son pouce sur les lèvres de Birdie et les caresse avant d’appuyer sur le champignon pour que Birdie l’avale puis la pousse pour sortir de son emprise.
- Tu croyais vraiment que ça allait marcher babe ? Le surnom était dit avec plein de sarcasme. Les choses ont changé depuis. Aylin s’impressionnait elle-même en ayant un mental beaucoup plus important qu’elle ne l’aurait pensé. Rapidement elle se releva avec l’envie de rentrer chez elle, la blonde n’était plus du tout d’humeur à s’amuser et franchement elle sentait maintenant la fatigue pointer le bout de son nez.
- En tout cas merci d’avoir gâché ma soirée encore une fois Birdie… Enfin je devrais avoir l’habitude à force.
Sans rien dire de plus elle se tourna pour prendre la direction de la sortie, elle ne se retourna même pas pour voir la réaction de la jeune femme et ne lui dit même pas au revoir. La demoiselle passa tout de même près des personnes avec qui elle avait passé une bonne soirée avant l’ouragan Cadburry et leur proposa de se revoir une prochaine fois. La soirée ne s’était pas terminée comme elle l’avait souhaité mais Aylin avait réussi à éviter le pire.