On se retrouve habituellement à mi-chemin pour pouvoir faire notre footing quotidien, mais cette fois-ci j’avais décidé d’aller lui bouger le cul en pointant mon nez chez elle. Elle fait la morte, Chloe, elle ne prend même pas la peine de répondre à mes messages ni de me prévenir quand sa silhouette n’apparaitra pas au point de rencontre habituel. Elle va pas se foutre de moi bien longtemps cette petite hein, je vais pas l’attendre comme un con pendant quinze minutes tous les jours sans avoir la certitude qu’elle viendra. Je sais pas trop ce qui se passe avec elle actuellement, mais ça ne lui ressemble pas. On est plutôt du genre à se motiver mutuellement quand il y a une baisse de moral, c’est un peu ma bouffée d’air frais ces moments de course avec elle quand le boulot devient trop imposant dans ma vie, ça me permet de vraiment décompresser et de ne penser à rien à part à mes contractions musculaires.

J’avais laissé Doowap à la maison pour aujourd’hui, et pris la voiture pour me rendre chez Chloe. Putain, trente minutes pour me rendre là-bas quand même. A cette heure-ci, le trafic est plutôt fluide, et j’arrive à bon port avec quelques minutes d’avance. Arrivé sur le parking, je lui envoie un message pour lui signifier que je suis en bas de chez elle et que je vais pas la laisser procrastiner. Je me faufile en dehors de ma voiture et claque la portière, puis trottine jusqu’à l’immeuble de ma sportive préférée pour lui en mettre une si jamais je la vois affalée sur son canapé en pyjama. J’en ai rien à foutre de savoir si elle sort d’une mauvaise passe ou qu’un beau garçon a brisé son cœur, pas d’excuses pour le footing quotidien, pas avec moi en tous cas. Une jeune femme sort de l’immeuble, me permettant d’y rentrer sans avoir à sonner à l’interphone. Sourire courtois, remerciements, puis je me précipite vers la cage d'escaliers pour grimper les marches quatre à quatre jusqu’à sa porte, certain que je serai en train de libérer mes endorphines dans la course dans moins de quinze minutes, juste le temps de la motiver et de la tirer de sa lassitude.

Arrivé devant sa porte, je reprends rapidement mon souffle avant de tambouriner à sa porte en rythme, j’arrêterai pas tant qu’elle aura pas levé son cul pour venir m’ouvrir. « CHLOOOOOOOE » Je l’appelle d’une voix un peu trop joviale, suffisamment fort pour qu’elle m’entende mais aussi pour que tout le voisinage sache que je suis là. A moins qu’elle ne soit pas chez elle, elle risque de se dépêcher pour m’ouvrir pour me fermer ma grande gueule si elle ne veut pas se taper une grosse honte devant ses voisins. « Tu m’ouvres ou quoi ? J’en ai marre de t’attendre, faudrait pas que ça devienne une habitude oh ! » Je continue de gueuler dans le couloir, j’entends l’aboiement aigu du chien du voisin, certainement un caniche ou une petite merde du genre, parce qu’il a bel et bien remarqué ma présence, mais c’est pas ça qui va m’arrêter.

@Chloe Cohen

« CHLOOOOOOOE » il hurle, il hurle et déjà il l'a fait sur son portable il y a une bonne poignées de minutes quand maintenant il se charge de faire savoir à tout le voisinage qu'il est là. Elle, elle lui envoie un message, elle, elle tente de calmer les hostilités, mais elle ne peut s'empêcher de sourire Chloe, elle s'amuse de l'entendre s'égosiller.

Les secondes où elle sourit ces jours-ci sont rares, minces. Elle prend ce qui passe en l'entendant grimper les escaliers, anticipant que sa prochaine étape sera de débouler à son adresse (la connaît-il, seulement?), de marteler à sa porte comme si leurs vies à tous en dépendaient. « Tu m’ouvres ou quoi ? J’en ai marre de t’attendre, faudrait pas que ça devienne une habitude oh ! » le thé est presque prêt, elle lui en prépare une tasse maintenant que la sienne attend sagement sur le plan de travail. Il pourra frapper sur le bois travaillé et menacer la Terre entière en attendant, il pourra lui dire à quel point il rage de l'injustice d'un silence qui ne devrait pas lui faire le moindre pli, il pourra faire tous les temps mais elle sait bien la brune, que lorsqu'elle ouvrira la porte il sera encore là. Si ce n'est rien que pour râler une dernière fois avant de partir, si ce n'est que pour lui gratter le bonheur d'avoir le dernier mot aussi. Elle le connaît à force Greg, ils sont fait du même bois au fond.

« Ça m'a l'air d'être devenu une habitude, déjà.  » qu'elle raille la Cohen, quand elle ouvre enfin sa porte, et lui tend sa tasse de earl grey le plus naturellement du monde. Et elle attend la maligne, elle attend patiemment qu'il reprenne son souffle parce qu'assurément, il a dû le perdre entre tous ses cris, tous ses bruits. « Entre, mais t'arrêtes de hurler. » elle se dégage de l'entrebaillement, lui fait signe que s'il veut arrêter de se mettre tous ses voisins à dos c'est pas mal le meilleur moment. Mais en se décalant, elle l'oublie sa blessure, elle l'oublie parce qu'elle en a fait un boulot impeccable de faire comme tel dès la seconde où la balle est passée d'un côté à l'autre de sa chair encore marquée, encore traumatisée.

« C'est pas aussi pire que ça en a l'air. » qu'elle justifie Chloe, le bleu sur son épaule transparaissant de sous son t-shirt, elle qui ravale de justesse son rictus de douleur avant de refermer la porte derrière eux.

Alors que je suis en train de tambouriner à sa porte, je reçois trois sms : c’est Chloe qui menace de ne pas m’ouvrir si je me calme pas. Au moins elle est pas morte, c’est toujours ça de pris. Je fais mine de ne pas avoir notifié les messages et continue mon cirque jusqu’à ce qu’elle m’ouvre, à quoi bon perdre deux minutes à pianoter sur mon portable alors que je suis sur le pas de sa porte ? Malgré le fait qu’elle sache que c’est moi derrière la porte, elle prend tout son temps pour m’ouvrir, et je commence à m’impatienter. Elle n’a pas l’air de se soucier de ses voisins, ou alors sa porte est blindée et elle n’entend pas les aboiements de la mini crotte qui fait office de chien chez le gars qui habite en face de chez elle. Si ça continue, je risque de me faire voir pour un agresseur ou pour son vieux mec pas très intelligent qui vient la menacer chez elle, et d’un côté je me dis que c’est pas plus mal si un de ses voisins venait à sortir. Ca prouverait qu’il y a un minimum de solidarité dans cet immeuble, et que si jamais il arrivait une couille, ils fermeraient pas juste leur gueule par lâcheté mais ils viendraient aider Chloe. « Allez ouvre bordel Chloe, j’commence à me lasser là. T’es vraiment pas drôle. » que je finis par sortir, toujours en tambourinant contre le bois de sa porte.

« Ça m'a l'air d'être devenu une habitude, déjà.  » Elle finit enfin par m’ouvrir avec ses airs victorieux parce qu’elle voit bien que je suis saoulé, et me pose directement dans les mains une tasse de thé. « Merci pour l’hospitalité, mais j’suis pas venu ici pour boire le thé, je viens juste pour te bouger le cul. Mais merci, papi a besoin de sa tisane. » Mon ton se fait tout de même plus léger, il ne servirait à rien de s’énerver tout de suite. Après cette tasse de thé, je suis certain qu’on ira cavaler en bord de mer. « Entre, mais t'arrêtes de hurler. » Elle ouvre un peu plus sa porte et se décale pour me laisser passer, mais son visage se crispe alors qu’elle semble avoir une douleur à l’épaule. Mon regard vient alors se poser par réflexe sur l’endroit qui semble lui faire mal, et j’aperçois un énorme bleu qui se dessine sur sa peau blanche en dessous de son t-shirt.  « C'est pas aussi pire que ça en a l'air. » Elle essaie de faire passer ça pour une égratignure, mais aux vues de sa douleur, ça ne me semble pas être rien. « Putain mais c’est quoi ça Chloe ? » que je lâche sans forcément attendre de réponse de sa part, un peu plus alarmé que ce que j’aurais voulu. « Pourquoi tu m’as pas dit que t’étais blessée ? Qu’est-ce qui s’est passé ? » Je ne la connais pas vraiment Chloe, mais je la vois mal se caillasser la gueule au point d’en ressortir avec un bleu énorme sur le bras. Je finis par rentrer penaud, ma tasse à la main, et me débarrasse de mes baskets pour rentrer dans son appartement. Je n’y suis jamais venu, on n’avait pas développé ce genre de proximité pour qu’elle m’invite à venir juste pour y passer une soirée banale. L’intérieur est décoré avec élégance, c’est soft et cosy à la Chloe, mis à part le canapé qui semble être investi de façon plus intense avec les restes d’emballages qui trainent sur la table basse. « Ca fait combien de temps que t’es pas sortie ? » que je finis par sortir, un ton sourire taquin sur mes lèvres.

@Chloe Cohen

Elle ne manque pas une seule seconde de son spectacle même si elle s'amuse comme une gamine à la veille de Noël de simplement le voir se mettre dans cet état alors qu'elle ne lève le petit doigt que pour choisir son thé à sa place. « Merci pour l’hospitalité, mais j’suis pas venu ici pour boire le thé, je viens juste pour te bouger le cul. Mais merci, papi a besoin de sa tisane. » elle éclate de rire, bien sûr qu'elle se moque, la tasse qu'elle lui tend et sa silhouette qui se hisse sur la pointe des pieds au fil des mots qu'elle lâche, éternelle espiègle en sa présence. « Tu m'étonnes. Ce sont de nouveaux cheveux blancs là, ou ils y étaient la dernière fois? » ses doigts se perdent dans les mèches brunes désordonnées de celui qui est arrivé chez elle en hurlant comme personne d'autre avant. Les voisins en reparleront, mais elle n'y accordera pas la moindre importance, vivre dans sa propre bulle lui suffit amplement.

« Putain mais c’est quoi ça Chloe ? » et elle est là la chute, elle rage de ne pas l'avoir vue venir plus vite. Ses lèvres se pincent, ses gestes la chassent hors de son champ de vision, elle est passée maître dans l'art de camoufler Chloe, pourtant il est vif Greg et elle n'en bouille qu'encore plus. « Pourquoi tu m’as pas dit que t’étais blessée ? Qu’est-ce qui s’est passé ? » « Je t'ai pas dit parce que c'était clair que t'allais réagir comme ça. » au taquet qu'elle répond, ses prunelles qu'elle tient au passage parce qu'elle n'a certainement pas besoin d'une figure autoritaire de plus autour d'elle, qu'elle n'a certainement pas envie de s'expliquer non plus. Elle fait fi de ses bonnes intentions quand ça la concerne trop, elle déteste qu'on la mette au centre d'un quelconque univers ou d'une quelconque conversation ; jugeant qu'ainsi, on s'attend à ce qu'elle fasse de même pour autrui. « C'est rien, c'est arrivé au boulot, j'ai rempli une déposition, ils ont toutes les infos sur le tireur. Et du calme papi, tu vas te faire mal au coeur à t'emporter encore. » elle dédramatise, elle statue les faits, elle disperse en croyant que ça suffira.

Mais ça ne suffit pas.

« Ca fait combien de temps que t’es pas sortie ? »
« Ce sont mes parents qui t'envoient, c'est ça? »

Elle n'a pas besoin d'être autant sur la défensive l'australienne, et la seconde qui suit elle secoue la tête, secoue ses idées avec, laissant son éternel sourire en coin venir à nouveau se nicher sur ses lèvres, ses fossettes se manifestant le plus naturellement du monde au creux de ses joues. « Parce que ça m'en a tout l'air. »

Du calme Chloe, on ne mord pas, on ne montre pas les dents non plus. « On part, ou il te reste d'autres sujets à propos desquels tu veux me crier dessus à nouveau? Pas que ça me dérange, fais juste me dire quel est ton plan, je m'adapte en conséquence. » celle qui refusait de sortir et qui refusait ses messages qui attrape maintenant sa veste et son trousseau de clés. La conversation qu'elle juge terminée.

« Tu m'étonnes. Ce sont de nouveaux cheveux blancs là, ou ils y étaient la dernière fois? » Elle glisse ses doigts fins dans ma chevelure en me taquinant, et ce genre de proximité peu familière ne me plait pas vraiment habituellement, mais je sais que Chloe me pousse juste au plus loin dans mon agacement, pour voir jusqu’où je tiendrais. « Fais gaffe les arrache pas, c’est ce qui fait tout mon charme. Le nombre de nanas qui tombent amoureuses grâce à ce poivre et sel parfait que j’ai, tu serais étonnée. » que je lance en ponctuant ma phrase d’un clin d’œil. Je m’aperçois alors qu’elle est blessée – et pas qu’un peu vu son rictus de douleur – et je peux pas m’empêcher de lui demander pourquoi elle ne m’en a pas parlé. « Je t'ai pas dit parce que c'était clair que t'allais réagir comme ça. » Un point pour elle, mais je vais certainement pas en rester là : mon regard plus appuyé lui fait comprendre que j’ai besoin d’en savoir plus. « C'est rien, c'est arrivé au boulot, j'ai rempli une déposition, ils ont toutes les infos sur le tireur. Et du calme papi, tu vas te faire mal au coeur à t'emporter encore. » Mes yeux s’ouvrent en grand, j’arrive pas à croire ce qu’elle me dit. « Que… QUOI ? Un tireur ? » Je finis quand même par rentrer dans son appartement, conscient qu’elle cherche à dédramatiser et que j’aurais certainement du mal à obtenir davantage d’informations en restant planté sur son paillasson. Son appart est en bordel et je doute fortement qu’elle soit sortie ces dernières quarante-huit heures. « Ce sont mes parents qui t'envoient, c'est ça? Parce que ça m’en a tout l’air. » Je me retourne en soupirant pour lui faire face, une mine exaspérée, et je me contente de boire une gorgée de la tasse qu'elle m'a tendue à l'entrée. Lui répondre maintenant ne servirait à rien. « On part, ou il te reste d'autres sujets à propos desquels tu veux me crier dessus à nouveau? Pas que ça me dérange, fais juste me dire quel est ton plan, je m'adapte en conséquence. » Un rire moqueur s’échappe cette fois de ma gorge, et je faillis m’étouffer avec le thé brûlant. « Parce que tu crois que tu peux courir dans ton état ? T’arrives déjà à peine à ouvrir une porte sans avoir mal, dans quel état tu seras quand tu vas descendre les marches pour arriver en bas de l’immeuble ? » Faire du sport dans cet état, ce serait une torture pour elle. Je me retrouve bien embêté quand même, parce que j’étais venu la tirer hors de chez elle pour qu’elle vienne courir avec moi, mais elle en est clairement incapable. « Tu sais quoi ? Je finis ma petite tisane pendant que tu me racontes comment en tant qu’assistante sociale on peut se faire tirer dessus, et après je me ferais un plaisir de traîner ton cul en dehors de ton appart. Parce que c’est quand même la raison principale pour laquelle je suis là, même si j’apprécie l’attention. » que j’affirme en levant la tasse dans sa direction comme je le ferais avec un verre de vin pour trinquer. « Et y’a pas de non qui tienne, qu’on soit d’accord. C’est moi le chef, l’oublie pas. » A mon boulot oui, pas forcément avec Chloe. Mais la phrase sonnait plutôt bien.

@Chloe Cohen

« Que… QUOI ? Un tireur ? »
« Respire, c'est sous contrôle. »

Ça l'était pas, bien sûr que ça ne l'était pas. Bien sûr qu'elle arrivait à peine à se gratter quelques heures de sommeil chaque nuit, la brune. Qu'elle ressassait, et se détestait de le faire. Mais la situation ne pouvait pas lui permettre d'avancer si elle s'y confinait, les événements n'avaient absolument aucune chance de se régler pour elle si toujours elle y revenait. « Parce que tu crois que tu peux courir dans ton état ? T’arrives déjà à peine à ouvrir une porte sans avoir mal, dans quel état tu seras quand tu vas descendre les marches pour arriver en bas de l’immeuble ? » elle lui lance un regard noir qu'elle arrive à peine à intercepter sur la fin. « Arrête, t'en rêverais de me porter jusqu'à la ligne d'arrivée et de me le mettre sous le nez pendant des années. Ou alors je me confonds avec tes nanas et ton poivre et sel? » qu'elle raille Cohen, en se disant que la scène est bien irréelle. Ils sont potes et encore, elle ne se fâcherait pas qu'il l'oublie dans la liste de ses meilleurs amis au prochain BBQ qu'il organiserait. Ils avaient des tas de points en commun et tout autant de traits similaires, n'en restait que même avec sa famille elle avait gardé le secret. La voilà qui se pince les lèvres la brune, qui a envie d'en parler, mais qui se maudirait de le faire.

« Tu sais quoi ? Je finis ma petite tisane pendant que tu me racontes comment en tant qu’assistante sociale on peut se faire tirer dessus, et après je me ferais un plaisir de traîner ton cul en dehors de ton appart. Parce que c’est quand même la raison principale pour laquelle je suis là, même si j’apprécie l’attention. » il ose, il ose et elle le déteste autant qu'elle l'aime de le faire. « J'ai le choix? » « Et y’a pas de non qui tienne, qu’on soit d’accord. C’est moi le chef, l’oublie pas. » comme s'il avait prévu la contre-attaque avant même qu'elle n'ouvre la bouche, il mâche sur ses mots, il lui coupe la parole, il l'empêche de négocier et il lève sa tasse de thé vers elle, aussi. Si elle n'avait pas eu peur qu'il associe ça à un traumatisme quelconque qu'elle n'assume pas encore, elle sortirait le vin direct pour en remplir leurs tasses après avoir jeté les tisanes au fond de l'évier. « Tes chevilles, elles vont bien? » alors elle se braque sur leur sens de l'humour qui dans leurs bons jours est piquant, mais l'est à peine pour l'instant.

« C'était à l'hôpital, un père complètement perdu et en psychose. Il a été maîtrisé hyper rapidement et j'étais juste au mauvais endroit au mauvais moment. » et elle se pose dans un canapé, Chloe. Elle investit le salon, le laisse prendre la place qu'il veut, où il veut, se gardant tout de même une bulle en remontant ses jambes le long de son torse, encore mieux si elle se recroqueville suffisamment pour cacher les bribes de blessures d'apparaître, à nouveau. « Il était furieux qu'on l'ait séparé de son enfant. Le bébé était couvert d'hématomes et pleurait sans arrêt. C'est horrible comme situation, mais c'est pas la première fois ni la dernière. » elle relate les faits durement, toutefois sa voix est douce. Elle comprend, ne justifie en rien et pardonne encore moins, mais elle relie les points entre eux, les motifs aux conséquences.

L'inspiration fait plus mal qu'elle ne le montre. « J'étais pas visée. C'est pas particulièrement contre moi, qu'il en avait. » et si elle le croyait, ça, et si elle arrêtait de stupidement vouloir le convaincre lui et tenter de s'en convaincre elle, tout irait pour le mieux.

On n’est pas si proches que ça avec Chloe, la preuve j’étais jamais venu dans son appartement. Mais c’est pas pour autant que je m’inquiète pas pour elle, pour cette blessure qu’elle a eue au boulot. J’ai l’impression qu’elle est pas sortie de chez elle depuis plusieurs jours et pourtant elle n’a qu’une hâte maintenant, c’est d’aller courir. Ma remarque sur son incapacité à descendre des marches sans gémir de douleur ne la fait apparemment pas sourire, c’est un regard noir qui me fusille. « Arrête, t'en rêverais de me porter jusqu'à la ligne d'arrivée et de me le mettre sous le nez pendant des années. Ou alors je me confonds avec tes nanas et ton poivre et sel? » De me foutre de sa gueule jusqu’à la fin, oui sans doute, ça m’étonnerait pas de moi. D’utiliser ce prétexte pour la séduire avec mes cheveux poivres et sel, certainement pas. « Nah, tu sais bien que j’préfère les plus vieilles ma p’tite Chloe. » que je rétorque en lui faisant un clin d’œil provocateur. Parce que Chloe était un peu trop jeune pour moi, je dis pas qu’elle est pas attirante, juste… Trop jeune. Je propose une trêve, et elle comprend bien qu’elle n’a pas le choix. Elle ne se retient pas en revanche de me charrier sur mon ego regonflé en m’affirmant chef, et je crois qu’elle se détend un peu. C’est plutôt bon signe. « Te préoccupe pas de mes chevilles va, t’as suffisamment à faire avec ton épaule. » Elle sait très bien que lorsqu’elle m’attaque, elle s’attendra forcément à ce que je réponde derrière. Je tire une chaise de sous la table pour m’asseoir pendant qu’elle investit le canapé et qu’elle commence enfin à m’expliquer ses péripéties. « C'était à l'hôpital, un père complètement perdu et en psychose. Il a été maîtrisé hyper rapidement et j'étais juste au mauvais endroit au mauvais moment. » Je commence à voir le topo, je me demande quand même toujours ce que le flingue vient faire dans l’histoire. S’il a été maîtrisé, pourquoi est-ce qu’elle s’est pris une balle alors ? « Il était furieux qu'on l'ait séparé de son enfant. Le bébé était couvert d'hématomes et pleurait sans arrêt. C'est horrible comme situation, mais c'est pas la première fois ni la dernière. » Elle me dit ça sur un ton calme, comme si elle avait l’habitude de ce genre de situation. Enfin, oui, elle avait l’habitude de voir des familles explosées, des gamins en pleurs, des parents aussi, mais ça n’en reste pas moins surprenant quand elle en parle. Ca doit certainement faire le même effet quand je parle des psychopathes qu’on a arrêtés, c’est mon quotidien, on sait que ça existe, mais c’est pas moins choquant pour les autres. « J'étais pas visée. C'est pas particulièrement contre moi, qu'il en avait. » Presque détachée de l’histoire, elle raconte ça avec beaucoup d’empathie pour le père, moi j’en aurais juste voulu à ce taré qui apparemment frappait son môme et qui venait flinguer tous ceux sur son passage. « Putain… » que je souffle pendant que je cherche mes mots. Qu’est-ce qu’on dit dans ces moments-là ? « Je suis désolé. Ca a dû être traumatisant pour tous ceux qui ont assisté à la scène, mais surtout pour toi. » finis-je par dire. « Et toi, est-ce que ça va ? Je veux dire, vraiment… Est-ce que tu vas bien ? » Mon ton railleur est complètement enfoui sous mon inquiétude, c'est pas rien ce qui lui est arrivé.

@Chloe Cohen

Elle déteste sentir son regard la détailler. Elle déteste être dévoilée, quand bien même elle n'a qu'à peine exhibé qu'une bribe de blessure qu'il a bien pu voir. Elle sait qu'il ne lui veut pas de mal Greg, elle sait que peu importe leur dynamique éternellement basée sur la compétition, il ne jouera jamais au jeu du plus fort à se régaler de la voir perdre dans ce genre de situation. Pourtant, elle est pudique la brune, quand elle remonte son cardigan de laine autour de ses épaules, et qu'elle dégage une seconde de plus une seconde de trop ses prunelles des siennes. Elle suffoque, comme toujours ces temps-ci.

« Te préoccupe pas de mes chevilles va, t’as suffisamment à faire avec ton épaule. » si elle s'esquive maintenant ce n'est que pour une poignée de minutes à peine. Le temps d'aller ouvrir la fenêtre et d'ainsi se donner l'impression que la brise australienne soulagera sa cage thoracique compressée, ses poumons oppressés. « Gère tes chevilles, je gère mon épaule, et on oublie le reste? » elle sait bien que c'est un coup d'épée dans l'eau, mais elle ose tout de même. L'oeil brillant et la moue boudeuse qui en sortent évidemment bredouilles.

Il ne lâchera pas le morceau, et elle l'aime autant qu'elle le déteste d'agir de la sorte. « Je suis désolé. Ca a dû être traumatisant pour tous ceux qui ont assisté à la scène, mais surtout pour toi. » ses sourcils se froncent un temps à la brune, refusant qu'il soit désolé de quoi que ce soit. Personne ne lui a fait d'excuses depuis, personne pas même le père enragé de l'histoire qu'elle a raconté avec les mots les plus aseptisés qu'elle avait en banque. Elle ne veut pas d'excuses, elle ne veut pas de pitié non plus. C'était un accident. « Et toi, est-ce que ça va ? Je veux dire, vraiment… Est-ce que tu vas bien ? » et si elle déteste cette question, elle en déteste encore plus la réponse.

« Je dors pas très bien. » qu'elle s'entendra souffler Cohen, une seconde plus tard. Elle ne parle pas des cauchemars qui remontent, de l'anxiété qui garde ses prunelles vissées au plafond. Elle ne parlera pas des réveils en sursaut et des sueurs froides qui viennent avec. Mais mentionner une possible insomnie, ça, elle s'en sent la force. « Le reste, je m'adapte. » les élancements dans l'épaule, le fait de devoir user de l'autre bras en tout temps sous peine de se rappeler de mauvais souvenirs au passage, les lèvres serrées la douleur ancrée. Elle soupire à nouveau, se passe une main distraite dans les cheveux, redresse le menton pour retrouver ses yeux. Sa relance qu'elle espère suffisante à l'interrogatoire qu'il improvise, qu'elle le laisse étonnamment diriger. « Mais j'ai pas eu une vraie bonne nuit de sommeil depuis des jours. » semaines.

« Gère tes chevilles, je gère mon épaule, et on oublie le reste? » Elle semble sur la défensive Chloe, je cherche pourtant pas non plus à jouer le rôle du mec hyper paternel avec elle, juste à en savoir plus. Elle finit tout de même par m’expliquer ce qui lui est arrivé, et je reste la bouche entrouverte sans savoir quoi dire pendant plusieurs secondes. Ce sont finalement des excuses qui sortent, parce que je savais pas quoi dire d’autre ni comment réagir, et que j’ai certainement aucune légitimité pour lui gueuler dessus et lui dire de faire plus attention. Et puis de toute façon c'est en rien sa faute, faire attention à quoi au juste ? A la place, je me contente de lui demander comment elle va, c’est mieux que rien. Je pourrais peut-être y faire quelque chose à ça au moins. « Je dors pas très bien. » Je comprends. Ca m’arrive aussi quand des cas trop lourds viennent hanter mes esprits jusque dans mes rêves. Bien trop souvent d’ailleurs, plus que ce que je ne voudrais avouer. Les psychopathes c’est passionnant, mais vraiment flippant. « Le reste, je m’adapte. » Je comprends aussi. Elle cherche à ne pas s’attarder sur le sujet tout de même, elle minimalise le truc parce qu’elle a pas envie de s’étendre dessus, elle veut juste passer à autre chose et me donner le minimum d’informations pour que je la laisse tranquille. Je compte pas la travailler plus que ça de toute façon, c’est pas mon job. Si elle veut discuter de ça, elle sait qu’elle le peut avec moi, et que je pourrais en partie comprendre certaines de ses peurs, c’est pas si difficile de faire le parallèle avec mon quotidien, mais je vais pas non plus insister pour qu’elle me sorte plus de détails. Elle le fera d’elle-même si elle en ressent le besoin, et puis de toute façon je suis certain que sa famille et ses proches ont déjà dû l’assaillir de questions. « Mais j'ai pas eu une vraie bonne nuit de sommeil depuis des jours. » Au moins elle m’avouait avoir du mal à dormir, c’était déjà un grand pas, je suis pas sûr que j’aurais fait mieux que ça. « Hm… T’as essayé de prendre des trucs pour dormir ou ça te fait flipper ? Parce que je sais que ça marche pas mal. » que je dis en connaissance de cause. Certaines fois, les somnifères sont bien le seul remède pour pouvoir dormir un peu et ne se souvenir de rien au petit matin, les anxiolytiques ça fonctionne aussi, mais ça risque de la coucher pour de bon, et c’est pas forcément le mieux non plus. « Si t’es crevée, on est pas obligé de sortir. Ou alors on peut sortir pour te crever encore plus, et comme ça tu passeras peut-être une meilleure nuit. » que j’affirme en toute innocence, je sais très bien que ça marche pas comme ça. « Et si ça peut te rassurer, j’peux rester dormir sur le canapé ce soir si tu veux, demain c’est le week-end et y’a personne qui m’attend au bureau. » Je propose, des fois que ça puisse lui donner quelques heures de sommeil en sachant qu’un lieutenant veille dans son salon : parfois, la simple présence d'un homme pouvait suffire à apaiser.

« Hm… T’as essayé de prendre des trucs pour dormir ou ça te fait flipper ? Parce que je sais que ça marche pas mal. » elle inspire, doucement. La solution facile, celle qu'elle chassait du revers de ses inquiétudes l'australienne. Elle est persuadée qu'elle en deviendrait bien plus vite accro qu'à tout le reste. Elle se connaît sous pression la brune, elle se sait capable de tout endurer, d'être en contrôle de ses émotions et de ses gestes ; et pourtant, elle sent qu'une béquille de ce type l'aiderait bien trop vite à apprécier un lâcher prise forcé. « Le vin, ça compte? » le vin dont elle rêve maintenant. Un bon rouge corsé et boisé, derrière lequel elle cacherait une lampée à la fois son regard qui change, qui se voile, qui se braque au fil d'une conversation qu'elle abjecte autant parce qu'elle lui fait du bien et du mal à la fois.

Greg qui entre en mode solution ; et elle ne lui en sera jamais autant reconnaissante. Elle déteste parler d'elle Chloe, elle déteste mettre des mots sur des émotions qu'elle n'arrive pas à expliquer quand bien même tout ne s'explique pas dans la vie. « Si t’es crevée, on est pas obligé de sortir. Ou alors on peut sortir pour te crever encore plus, et comme ça tu passeras peut-être une meilleure nuit. » l'un des scénarios lui va plus que l'autre, elle attend de voir où il s'aligne avec ses explications et ses suggestions avant de réitérer de ses propres envies, bien plus des besoins à ce point. « Et si ça peut te rassurer, j’peux rester dormir sur le canapé ce soir si tu veux, demain c’est le week-end et y’a personne qui m’attend au bureau. »

Elle a roulé des yeux, et pourtant elle a finit par céder.

Entre la bouteille de pinot ouverte au fil de la conversation, et la pizza qu'ils ont commandé après s'est disputés quinze fois et quinze autres sur le choix des garnitures. Elle a cédé Chloe et a accepté sans jamais le dire à voix haute qu'il dorme sur le canapé. Les couvertures qu'elle a lâchement empilées au coin du fauteuil sans mot dire, elle qui finit de se brosser les dents une poignée de minutes plus tard. Elle regagne le salon simplement pour s'appuyer dans l'embrasure de la pièce. La soirée est passée comme un claquement de doigts à voir à quel point autant sur un terrain de footing qu'en lieu clos comme son appartement à elle, ils finissent toujours par brûler une quantité phénoménale de cartouches et de minutes à s'obstiner sur tout et surtout sur rien.

« Ça va passer. » qu'elle s'entend souffler, alors qu'il se prépare à aller dormir, qu'elle laisse une distance volontaire entre eux le temps de respirer un peu, d'expirer surtout. « N'est-ce pas? » la question lui brûle les lèvres, lui brûle la gorge aussi. Si elle se hait de montrer la moindre faiblesse, elle hait encore plus le trémolo qui casse sa voix sur la fin. Son visage de porcelaine se ferme, son regard se voile. Ça va passer, n'est-ce pas?

J’ai jamais vécu de très gros traumatismes avec mon boulot, je me suis jamais fait tirer dessus et j’ai pas encore expérimenté le fait de voir ma vie défiler à toute allure en sachant que j’allais bientôt crever. Je crois qu’on peut appeler ça de la chance, ou alors de la lâcheté, je sais pas. J’ai toujours réussi à m’en sortir indemne, même quand j’étais sur le terrain et que c’était chaud pour mon cul. Les autres étaient bien plus courageux, le même genre qui prendrait une balle pour leur coéquipier. Ils pouvaient pas se vanter d’avoir le même partenaire dévoué en se retrouvant avec moi. Enfin, c’est pas parce que j’ai jamais failli crever que je dors toutes les nuits sur mes deux oreilles. Depuis que j’ai intégré cette section avec tous les psychopathes, je suis pas serein. Je me fais des films tout seul, et ces connards de tueurs en série viennent me hanter une nuit sur deux, à voir toutes les horreurs qu’ils commettent.

« Le vin, ça compte? »

Les demi bouteilles de whisky que je me suis enfilées certains soirs m’ont carrément aidé à pioncer, le vin est moins fort mais ça fait de l’effet aussi. Je souris en relâchant les muscles de ma nuque, ma tête rebondissant alors de haut en bas. On se ressemble pas mal et moi au fond. « Fais péter la bouteille de vin, j'ai fini ma tisane. » que je finis par annoncer avant d’enchaîner sur la suite du programme pour la soirée. On n’a pas bougé de son appart au final, c’était bien plus amusant de se bouffer le nez pour lui prouver que j’ai toujours raison sur tout, commander une pizza qui compense les calories non-éliminées, et rester vautré dans son canapé jusqu’à ce qu’elle se décide à me filer des couvertures. C’est la première fois qu’on passe du temps ensemble de cette façon, et j’avoue que ça m’a fait presque autant de bien qu’un footing. Je suis sûr que c’est pareil pour elle. Je me retrouve en calbute dans sa salle de bain, une brosse à dent jetable dans la bouche et la porte grande ouverte. Je crois qu’il n’y a même pas de gêne. Moi j’en ai pas en tous cas.

« J’espère que ton canapé sera confortable au moins, je suis vieux j’te rappelle. » que je gueule en sortant de la salle de bain pour aller dans le salon. Mais Chloe semble s’être refermée, bouffée par… La peur de dormir ? Elle marmonne un truc que je saisis pas totalement, mais le regard qu’elle me lance m’informe tout de suite sur son état d’être. Doucement, je me rapproche d’elle pour poser une main sur son bras sain, et bascule ma tête sur le côté pour capter son attention. « Eh… Ca va aller, ok ? Je suis là je bouge pas. » Je suis pas très doué dans ce genre de situation, je suis bon qu’à faire rire moi. On fait quoi dans ce cas-là généralement ? Faudrait quand même pas que je la prenne dans mes bras ? Ce serait carrément bizarre. Surtout que je suis en calbute. « Tu as besoin de quelque chose ? Dis-moi ce que je peux faire. »

« Fais péter la bouteille de vin, j'ai fini ma tisane. »
« De la musique à mes oreilles. »

Elle n'a rien d'alcoolique Chloe. Pourtant, elle a besoin de noyer doucement ses pensées volatiles. Elle a besoin de se donner l'impression éphémère que tout va, que tout a le potentiel d'aller. Elle est lâche et elle le sait, elle se l'autorise aussi parce qu'il est là et parce qu'il la dédouane sans même qu'elle n'en doute une seule seconde. Cohen qui peut enfin souffler après des jours à tout ravaler ; et jamais elle n'aurait cru pouvoir le faire en la présence de Greg, leur chorégraphie déjà si bien échafaudée que leurs égos prenaient éternellement toute la place. Ce soir, elle est elle-même et lui aussi. L'authenticité fait du bien.

La douche aussi, autant pour elle que pour lui. « J’espère que ton canapé sera confortable au moins, je suis vieux j’te rappelle. » il tente de se moquer et elle rirait, promis qu'elle rirait. Si son coeur ne s'était pas immanquablement serré au reflet que son épaule lui renvoyait dans la glace embuée par le jet d'eau bouillante duquel elle s'est affligée. « Eh… Ca va aller, ok ? Je suis là je bouge pas. » Chloe, elle déteste qu'on lui demande comment elle va, qu'on lui dise que ça va aller. Elle déteste la question autant que l'affirmation, et elle déteste encore plus la réponse. « Tu as besoin de quelque chose ? Dis-moi ce que je peux faire. »

Le silence ne fait pas de bien, lui. Le silence dans lequel elle se complait si naturellement d'office donne froid. Et il y a un frisson, indicible et glacial, qui se casse le long de sa colonne vertébrale. « Apporte les coussins. » du menton, elle pointe ceux qui couvrent le canapé comme ceux qui le constituent. Elle ne dit rien de plus la brune, espérant qu'il comprenne, espérant que ce soit bel et bien ses pas qu'elle entend derrière elle maintenant qu'elle fait le chemin inverse du salon jusqu'à sa chambre. « Et prends le lit. » elle souffle, s'aménageant un cocon de fortune au sol désormais. Elle veut simplement une présence dans la pièce, elle n'en veut pas de sa chaleur et de sa silhouette en contact avec elle. Elle veut juste entendre sa respiration qui la couve, lui qu'elle dédie à son matelas quand elle se contentera du parquet. « T'es vieux, je te rappelle. » une dernière moquerie. La couverture qu'elle ramène contre son épaule et l'élancement qu'elle ravale de plus en plus durement.

Je sais pas vraiment comment me comporter avec Chloe, j’ai pas l’habitude de cette dynamique entre nous. Les railleries habituelles sont bien loin, elle semble figée et je l’ai jamais vue comme ça. Je m’essaie au ton rassurant et protecteur, c’est pas gagné non plus. Elle répond pas à ma question, elle répond pas à mes tentatives d’apaisement, elle se tait. Bon, ok, je peux rester là sans rien dire aussi, mais je suis vraiment plus aussi confortable que quelques secondes auparavant pendant que je me brossais les dents en calbute. Je me sens tout nu tout à coup, tout seul à essayer de faire en sorte que ça aille mieux, tout con de pas y parvenir. En même temps, avec un mec comme moi, c’est peine perdue. « Apporte les coussins. » Sa voix grave vient finalement briser le silence avant de nous replonger à nouveau dans une ambiance morbide. Pourquoi je dois apporter les coussins ? En quoi ça l’aiderait ? Peut-être qu’elle a besoin d’être surélevée quand elle dort, mais je comprend pas bien comment ça peut l’aider à dormir sans angoisse par contre. Je m’exécute alors comme un enfant à qui on a donné un ordre, et lui emboîte le pas, trois coussins sous le bras. On sait jamais, peut-être qu’elle a besoin de tout ça. « Et prends le lit » AH. Je tilte enfin. « T'es vieux, je te rappelle. » Elle me prend les coussins des mains alors que je reste comme un con debout, et s’active pour se faire un semblant de lit par terre avant de s’y allonger et de gémir de douleur quand elle remonte la couverture sur elle. Elle a agi tellement vite que j’ai pas eu le temps de répondre quoi que ce soit, limite si elle dort pas déjà. « Non mais ça va pas toi, vieux ou pas vieux je dors pas dans ton lit. Viens-là je vais t’aider à te relever. C’est moi qui dors par terre. » Face à son scepticisme, j’ajoute finalement : « Je dors pas dans des draps où t’as certainement baisé avec des gens. » Et avant qu’elle n’ait le temps de me répondre, je m’accroupis près d’elle pour la soulever le plus délicatement possible. Elle est pas lourde Chloe, et puis je fais le double de sa taille, j’ai aucune difficulté à la foutre dans son lit (avec délicatesse bien sûr). « Ben tu vois, même si c’est pas jusqu’à la ligne d’arrivée, je t’aurais quand même portée. Ton rêve se réalise, tu vois ce que ça fait que d’être dans mes gros bras de beau gosse aux cheveux poivre et sel. » que je lance en souriant narquoisement avant d’aller éteindre la lumière et de me foutre dans le pseudo lit made in Chloe au sol. Je suppose qu'elle a besoin que je reste dans sa chambre, que le fait que ma présence dans le salon ne lui suffit pas. Ca va pour cette fois, je m'étonnerais presque d'être aussi gentil.

Elle déteste la scène. Elle déteste le silence qui plane après l'affirmation qu'elle pose du bout des lèvres, elle déteste le regard de Greg qu'elle fuit la seconde d'après. Elle déteste entendre ses pas qui la suivent sans qu'il n'oppose sa traditionnelle résistance de gamin faussement rebelle, et elle déteste encore plus s'accrocher à l'écho de ses talons à lui sur son parquet qui craque à elle. Elle déteste ça, et pourtant elle en a bien plus besoin que jamais elle ne le dira.

« Non mais ça va pas toi, vieux ou pas vieux je dors pas dans ton lit. Viens-là je vais t’aider à te relever. C’est moi qui dors par terre. » il râle et elle soupire, doucement, rassurée. Les coussins qu'elle éparpille sans délicatesse aucune, et le regard de Greg qui brûle sa nuque quand elle fait comme si tout allait. Rien ne va Chloe, rien ne va du tout, et tout est okay si tu lui montres juste cette fois-là. Juste. « Je dors pas dans des draps où t’as certainement baisé avec des gens. » « Je ramène personne ici. » qu'elle s'entendra dire, souffler plutôt. Elle qui en a fait une règle, elle qui s'y tient, elle qui ne fait confiance à personne au final. Ou alors à très, très peu de gens. Elle a peine à affirmer la suite qu'il se charge de lui couper le souffle. Et elle grogne Cohen, elle grogne et grommelle, ses mots se perdant dans ses mèches emmêlées, son corps qui rebondit sur son matelas qu'il a renié. « Ben tu vois, même si c’est pas jusqu’à la ligne d’arrivée, je t’aurais quand même portée. Ton rêve se réalise, tu vois ce que ça fait que d’être dans mes gros bras de beau gosse aux cheveux poivre et sel. »

Dommage, que la lumière de la chambre soit fermée et qu'il ne voit pas le magistral roulement d'yeux qu'elle lui dédie. Dommage aussi, que la lumière soit fermée et qu'il ne voit pas le fin, le doux, l'étonnant sourire en coin discret mais bien présent à la commissure de ses lèvres. C'est pas beaucoup et c'est pathétique, qu'elle en ait autant besoin. Mais ils n'en diront rien. « Tu ronfles? » qu'elle demandera, une seconde après l'avoir entendu finalement trouver ultimement une posture de laquelle il ragera à peine des courbatures demain. « Parce que si tu dis oui on change de plan finalement je peux dormir seule. » et on y est, de retour à ce qu'elle déteste, de retour à ce qu'elle hait. Dépendre de quoi que ce soit, de qui que ce soit. Qu'il ronfle ou pas, ça ne la dérange même pas. C'est pas ça qui la gardera réveillée cette nuit encore, à fixer le plafond comme s'il compilait toutes les réponses du monde. « Juste cette nuit. T'éternises pas demain matin, même si je fais les meilleures omelettes que t'auras jamais mangées. » si ça sonne comme un merci, c'est que c'en est un.

« Je ramène personne ici. » Je suis donc privilégié. Je l’installe, je m’installe, j’éteins la lumière et je remonte le draps sur mes épaules. Sur le dos et les mains croisées derrière ma nuque, je me doute que je vais avoir du mal à m’endormir malgré l’alcool : je suis pas chez moi, je dors sur un truc pas du tout confortable, et Chloe a pas l’air au top. Une sacré belle nuit en perspective. « Tu ronfles ? » Elle a pas l’air de vouloir dormir tout de suite non plus. Un petit sourire vient se poser sur mes lèvres en attendant de voir ce qu’elle compte dire de plus. Ma respiration n’est pas aussi régulière que celle qu’une personne qui dort devrait avoir, elle doit se douter que j’ai encore les yeux grand ouverts. « Parce que si tu dis oui on change de plan finalement je peux dormir seule. » Je laisse un rire s’échapper. Elle ment, elle a besoin que je sois là. Ca lui a suffisamment coûté de me demander de venir dans sa chambre, elle a aucune envie de me voir en partir. « Juste cette nuit. T'éternises pas demain matin, même si je fais les meilleures omelettes que t'auras jamais mangées. » Comme si elle voulait me montrer qu’elle a pas besoin de moi, mais qu’elle est quand même contente que je sois resté. C’est vrai, c’est pas évident de demander de l’aide quand on a l’habitude de s’en sortir seul. « Pourquoi ? Tu préfères faire autre chose que dormir avec moi ? Je croyais que tu ramenais personne ici. » que je lâche finalement, l’espièglerie dans ma voix. « Si tu m’apportes le petit dej au lit, je vois pas pourquoi je quitterai cet appartement. On est si confortablement installé sur ton parquet. » J'ai pas envie de dormir tout de suite non plus, et lui lancer encore et encore des piques, c'est ce que je fais de mieux.