« Pourquoi ? Tu préfères faire autre chose que dormir avec moi ? Je croyais que tu ramenais personne ici. » il se moque et il a le mérite de la faire rire, la gamine terrifiée dans un corps d'adulte qui tente chaque jour de se prouver à quel point elle est plus forte que tout le reste. Tente est le mot-clé, ici. « Ça arrivera jamais nous deux, te fais pas d'idées tu n'es pas l'exception qui confirme la règle Greg. » qu'elle pouffe de plus belle, ramenant même les couvertures contre elle rien que pour créer une nouvelle barrière qu'il ne verra même pas d'où il se trouve. Bien fait. « Si tu m’apportes le petit dej au lit, je vois pas pourquoi je quitterai cet appartement. On est si confortablement installé sur ton parquet. » « Tant que ça? »

Elle lui fera à manger, demain matin.
Elle lui fera même le café, c'est pour dire.
Et pour l'heure, ce qu'elle fait, c'est s'extirper de son lit pour rejoindre le dit parquet confortable, construisant tout de même une forteresse de quelques oreillers entre eux deux rien que pour que ses intentions ne soient pas vues comme autre chose qu'un simple besoin de réconfort. Dans un autre contexte elle n'aurait probablement jamais dit non à des avances venant de lui, ce soir pourtant, elle a la tête véritablement ailleurs.
Sa tête à elle finalement, qui trouve une place contre son épaule à lui.

« J'ai une question à te poser, ça va sonner con et tu vas vouloir dire de la merde, mais réponds la vérité s'il-te-plaît. » sa voix gratte dans sa gorge, l'hésitation point au bout de sa langue quand jamais elle n'en a démontré la moindre once en sa présence. Ce soir tout est différent de toute façon. « Tu m'en devras une. » s'il répond, s'il est honnête, s'il lui offre quelques miettes, quelques bribes pour qu'elle sente que là aussi, surtout, elle n'est pas seule. « T'as déjà vécu un moment où tu croyais fermement que tu allais mourir? »

« Ça arrivera jamais nous deux, te fais pas d'idées tu n'es pas l'exception qui confirme la règle Greg. » Je sais très bien que ça n’arrivera jamais nous deux, Chloe c’est un bébé, et moi, je touche pas aux bébés. Je m’attendais pas à ce qu’elle me rejoigne au sol. J’aurais préféré que ce soit moi qui la rejoigne dans son lit, on y aurait été quand même vachement plus confortable sur son matelas. Je suis sûr qu’il est moelleux et dur à la fois, pile comme j’aime, pile ce qu’il faut pour mon dos de vieux. Mieux que le parquet en tous cas. Mais Chloe a trop de fierté pour me demander de la rejoindre, elle préfère se défoncer l’épaule pour venir s’allonger par terre. Vraiment une tête de mulle celle-là. « Je pensais que t’étais juste polie quand tu m’as proposé ton lit, mais en fait t’as juste envie de dormir par terre, hein ? » Ou de se coller à moi parce que juste sentir ma présence dans son appartement, dans sa chambre même, ne lui suffit pas. « Ca va arrête ton char avec tes coussins, ils prennent plus de place que nous deux réunis sur ce morceau de couverture au sol. » Je crois que je lui ai suffisamment fait comprendre qu’on n’allait pas baiser pourtant ce soir ? Jamais même. Au final, elle a pas l’air de broncher, elle parvient à se frayer un chemin pour poser sa tête sur mon épaule. Cette fois-ci je dis rien, je mets juste mon bras derrière mon crâne pour surélever ma tête et lui laisser l’opportunité de s’installer plus correctement sur mon biceps si elle veut.

« J'ai une question à te poser, ça va sonner con et tu vas vouloir dire de la merde, mais réponds la vérité s'il-te-plaît. »

Ok bon ça part sur des conversations nocturnes sérieuses apparemment. « Je vais faire de mon mieux » que je me contente de répondre : les conneries qui sortent de ma bouche, je les contrôle pas toujours, mais si elle me le demande, c’est qu’elle a vraiment besoin d’une réponse sincère. Je sais pas ce qu’elle va me demander, ni si ça va pas me plaire, mais je me promets de faire de mon mieux, pour de vrai. « Tu m'en devras une. » C’est fou ce qu’elle s’entête. C’est elle qui pose la question mais c’est moi qui lui en devrais une parce qu’elle risque de se confier après que j’ai répondu. « T'as déjà vécu un moment où tu croyais fermement que tu allais mourir? » Oh. Bon. Ok. Peut-être que j’aurais plus d’informations concernant le mec qui lui a tiré dessus. Je prends une grande inspiration en cherchant mes mots. Des situations où je me suis retrouvé sur le terrain face à un mec qui pointait un flingue sur moi, j’en ai eu quelques une oui, mais j’ai jamais vraiment cru que j’y laisserais ma vie. J’ai toujours su que je m’en sortirai, que j’éviterai la balle de justesse parce que je suis trop fort, qu’un collègue arrivera par derrière pour me sauver, que la balle toucherait pas un organe vital. J’ai toujours su que j’allais pas crever sur le terrain. Par contre, la fois où j’ai vraiment cru que j’allais y laisser ma peau, c’était quand j’ai appris que mes parents avaient clamsé, juste après que celle que je pensais être la femme de ma vie m’avait largué pour un autre. C’est con, ça n’a rien à voir avec voir la mort en face parce qu’on est en position de vulnérabilité, mais pourtant, c’est bien à ce moment que j’ai cru que j’avais plus rien à foutre sur Terre. Mais je vais quand même pas lui sortir ça ? Je vais quand même pas lui dire que j’étais à deux doigts de me tirer une balle à cause de ça ? C’est ridicule. J’étais jeune, j’avais l’impression d’avoir tout perdu, mais c’est en aucun cas glorieux. Je peux pas lui dire ça, peu importe à quel point j’aimerais être honnête avec elle. Ca doit faire 30 secondes que j'ai pas bronché, et il faut absolument que je parle. « Non, pas vraiment. » Elle va pas y croire, je suis sûr qu’elle va me reposer la question, et là, il faudra que je me montre plus convaincant. Alors je préfère lui retourner la question en espérant qu’elle se focalise pas sur ma réponse : « Pourquoi, toi oui ? »

Je crois que je me suis un peu crispé parce que Chloe a retiré sa tête, et j’en profite pour étendre mon bras. Ca fait une éternité que j’ai pas eu ce genre de proximité avec une nana, c’est vraiment très étrange, d’autant qu’on a pas (et qu’on ne va pas) couché ensemble.