« Tu nous donnes cinq minutes ? » J’aurais été tenté de dire non. J’aurais pu lui dire de sortir de chez moi, mais je me contente de hocher la tête. Un dernier regard adressé à Noah et je comprends que je n’ai pas ma place dans ce trio. C’est en silence que je les laisse ensemble pour aller faire un tour à l’étage. Je trouve Jill dans notre chambre. Elle range sa partie de l’armoire. Enfin… Elle froisse et elle met en boule le moindre vêtement qui a le malheur de glisser entre ses doigts. Elle fulmine et elle se contient. Elle ne m’a pas entendu et je me force à ne faire aucun bruit. Ce n’est pas le moment de lui dire qu’Auden est en bas. Ce n’est pas le moment de déclencher une dispute. Ils ont besoin de se parler tous les trois. On avancera au rythme du petit garçon quoiqu’il arrive. Ce sera toujours lui la priorité. Même quand je me demande si Auden sera à la hauteur. Même quand je réalise petit à petit qu’on se méprenait peut-être à tort. Il va falloir tout revoir, tout reprendre. Plus que jamais il est là l’espoir d’un nouveau départ.

Je n’ai aucune idée qu’en bas, le couple révèle son secret. Que Noah comprends petit à petit pourquoi sa mère est partie sans rien dire. J’ose espérer qu’il lui pardonnera, je lui fais confiance pour cela. Il a sa magie à lui, Noah. Il sait mieux comprendre, entendre et accepter que nous tous. Il sera un bien meilleur adulte que nous tous. Il aura toutes les cartes en main.

Je m’inquiète uniquement lorsque j’entends la porte d’entrée claque à nouveau. Jill se tourne à cet instant et nos regards se croisent. Je sais qu’elle ne bougera pas. Ce n’est pas le moment qu’elle voit sa sœur. « Je vais voir. » Parce que je suis incapable de rester en haut alors qu’il y a encore quelques minutes Noah ne voulait pas rentrer avec sa mère. Je ne veux pas m’imposer, mais j’ai besoin de savoir. Besoin de m’assurer que tout va bien.

« Pas ce soir. Pop’s a prévu plein de trucs cool pour demain. » Je lui avais promis une journée rien que tous les deux et ça il ne l’oublie pas le gamin. « Peut-être après ? » Il ne s’avance pas vraiment. Il ne sait pas s’il est prêt. Et je sais que Ginny ne l’obligera jamais. Je remarque qu’Auden est plus là et j’aperçois sa silhouette de nouveau à l’extérieur. Je fais connaître ma présence d’un bruit de gorge. Je ne veux rien interrompre, Gin, je voulais juste m’assurer que tout va bien. Nos regards se croisent et je sais qu’elle comprend. « Je suis content que tu sois rentré maman. » qu’il affirme le gamin alors que ses bras viennent s’enrouler autour du cou de sa mère. Il embrasse sa joue et file à l’étage probablement pour aller chercher Jill. Il sera très certainement le seul capable de la calmer. On se retrouve seul avec Ginny. Je m’excuse en silence. « On ne savait pas quand tu allais rentrer. Je lui ai promis de l’emmener avec moi pour le tournage d’un clip. » On cherchait à continuer à avancer sans toi. « S’il le veut, je te le ramène demain soir. » S’il ne veut pas alors on verra. « Je te tiendrai au courant. » Il te pardonnera, donne-lui juste un peu de temps. « Ça fait plaisir de te voir. » Merci de ne pas être parti plus longtemps.

Il assimile Noah, il a tout le temps de le faire. Il assimile quand Auden est installé à côté de nous, quand on lui fait l'historique et la chronologie, quand on négocie ses termes et qu'il reprend un peu plus de couleurs. On ne presse rien parce qu'il n'y a rien à presser, on lui parle l'un et l'autre le plus doucement et le plus simplement possible pour garder une part de candeur, une part de facile dans un monde qui a longtemps été bien trop compliqué pour sa petite tête, pour son petit coeur.

Et il inspire finalement. Il inspire, il sourit, et Auden file aussi vite qu'il est arrivé après un coup d'oeil partagé où on arrive à se dire bien plus qu'on aurait pu le faire, avec des mots. C'est qu'on a appris à se parler par le regard y'a une vie de ça, des tas de choses qu'on ne pouvait pas dire à voix haute, des tas de choses qu'on n'a pas assumées de longues années durant, rendant les paroles bien plus douloureuses et obsolètes qu'elles n'auraient jamais dû l'être, au final.

Bailey en profite pour revenir, je me doute qu'il a entendu la porte d'en bas se refermer sur la silhouette de Williams et que son timing y est parfaitement calqué. Je ne pourrai jamais lui en vouloir d'avoir essayé. « Pas ce soir. Pop’s a prévu plein de trucs cool pour demain. » j'hoche de la tête de la positive, mon coeur totalement en berne pour m'assurer que ce soit Noah et ses besoins la priorité, absolument rien d'autre. « Peut-être après ? » « Okay pour après. » je lui ai promis qu'il choisirait le tempo et je m'y tiendrai, même si j'accumule et ravale les refus comme autant de piqûres de rappel que je n'ai pas été à la hauteur pour lui, que je ne le serai probablement jamais. « Je suis content que tu sois rentré maman. » il panse les blessures Noah. Il a appris à le faire depuis le début de sa courte vie quand l'entièreté des gens qui l'entourent sont cassés. Il a appris à le faire alors qu'il n'aurait pas dû, alors qu'on devrait encore le couver mais qu'il réclame ainsi son indépendance. Ses bras passent autour de ma nuque et ils chassent les démons une seconde, au moins. « Je suis contente aussi, bonhomme. » ma voix se niche à son oreille, mes lèvres se perdent sur sa tempe. Tout ira bien, un jour.

« S’il le veut, je te le ramène demain soir. » Bailey me prend à part alors que Noah a décidé qu'il investissait à nouveau le canapé et les vivres qui y sont encore savamment accumulés. « Je te tiendrai au courant. » il tente de calmer le jeu quand il n'a absolument pas à le faire, mon sac que je repasse sur mon épaule et mes baskets que j'enfile à nouveau en m'assurant de le lui faire comprendre, d'un coup d'oeil que je tente de rendre le plus rassurant possible. « Ça fait plaisir de te voir. » un fin sourire se joint au tableau quand je le laisse se faire une place sur mes lèvres. Ça fait plaisir de vous voir, aussi, malgré tout.

Ma main trouve la sienne, la presse, en caresse le revers comme on l'a fait des tas de fois quand on avait besoin l'un l'autre de revenir à ici, à maintenant. « Merci, pour tout. » que je souffle finalement, les laissant reformer leur cocon, ne m'imposant plus dans leur confort au détriment du mien.