| the truth is that I never shook my shadow (yele) |
| | (#)Sam 7 Mar 2020 - 5:34 | |
| « T'arrives exactement au bon moment. » elle est drôle l'ironie, quand il ne passe jamais au même moment, ni même me garantit de passer tout court.
Mais il a pris ses marques à l'atelier Yelahiah. Il a commencé par y venir une fois ou deux, errer simplement dans la grande salle à regarder les toiles et les photographies, à poser bien plus de questions qu'à faire autre chose au final. Il est aussi venu un peu plus souvent pour un café, pour une sieste. Il est venu et revenu parce qu'il n'avait aucun autre endroit où aller et parce que je lui avais implicitement offert de passer autant de fois dont il avait besoin, si besoin il y avait. Fallait pas le brusquer, je l'avais compris au fur et à mesure de ses passages, tantôt de quelques minutes à peine, d'autres bien plus longs, plus exhaustifs.
Il n'était pas méchant, encore moins menaçant Yelahiah. Il avait simplement pris les mauvaises décisions aux mauvais moments, et même si jamais je n'avais pris le risque de lui demander ce qui l'avait rendu à ce point abîmé par la vie, n'en restait que s'il trouvait ici une bribe de confort, le moindre repère dans son chaos existentiel, c'était bien le peu que je puisse faire. C'était un inconnu de base, devenu ami par la force des choses, les éléments qui rendaient la situation si désarticulée n'en restaient pas moins aussi clairs qu'évidents pour moi.
Et donc, il arrive au bon moment. Au bon moment pour m'aider à déplacer la table de travail, l'immense, celle que j'ai calée près de la fenêtre et qui finalement serait beaucoup mieux dans le coin opposé de la pièce, là où on a beaucoup plus de place pour créer. « Pourrais-tu juste - » que je commence, lui pointant du doigt l'endroit où j'aurais besoin qu'il se poste pour m'aider à bouger le meuble. Mais mes mots, ils se stoppent dans l'élan, quand je lève les yeux vers la silhouette de Yelahiah, pour croiser son regard bouffi, rougi, son visage qui semble encore abîmé des drames qu'il garde pour lui depuis bien trop longtemps à mes yeux. « Qu'est-ce qui s'est passé? » j'ose, à demi-mot, presque assurée qu'il me rejettera dans mes retranchements pour filer dans les siens. Mais je ne me pardonnerais jamais de ne pas avoir essayé, au moins. |
| | | | (#)Jeu 12 Mar 2020 - 1:08 | |
| Il est encore fourré à l'atelier Yelahiah. C'est pas pour peindre ou pour observer les dessins qui sont affichés un peu partout. C'est surtout pour boire du café, beaucoup de café. Et aussi pour squatter le canapé de temps en temps. Et puis il a sympathisé avec Ginny, elle est gentille, et elle ne le juge pas. Elle lui propose même tout le temps de repasser si il est fatigué ou en manque de caféine. Ce qui arrive plutôt souvent finalement. « Je sais que t'es toujours contente de me voir Ginny. » Il hoche la tête en souriant. Elle lui dit ça à chaque fois qu'il pousse les portes de l'atelier. Mais il s'intéresse un peu à ce qu'il se passe dans ces salles maintenant. Il aime apprendre Yelahiah, alors il emmagasine une tonne d'information, pleins de détails inutiles pour le commun des mortels. Mais des choses qui resteront dans la tête de Yele pendant un très long moment.
Il est arrivé et le mec brun de la dernière fois, Auden, était encore dans les parages. Il est souvent dans les parages quand Yele est là. Mais cette fois-ci, il a embrassé Ginny, a lancé un regard noir à Yele et est parti dans un autre atelier. Qu'il soit là ou pas ça revient au même de toute façon, il n'est pas vraiment utile. Elle voit ses yeux, ils échangent un regard et elle voit Ginny. Elle voit qu'il va mal, qu'il n'a pas dormi plus de 8h depuis 3 jours. Il fronce les sourcils. « Tu veux pas juste qu'on déplace le meuble ? » Il la rejoint et se pose de l'autre côté de ce truc qu'il ne peut pas vraiment identifier. Il sait qu'il ne peut pas échapper aux explications. Même si il commence à la connaître Ginny, il sait qu'elle ne demandera rien de plus, elle est patiente. Et en même temps, il n'a personne d'autre à qui se confier. Il décale le meuble vers le lui indiqué, et il s'assoit sur le canapé. « Je dors pas beaucoup c'est tout, rien de grave Ginny. » et ses yeux évitent ceux de la brune pendant quelques instants. |
| | | | (#)Jeu 12 Mar 2020 - 2:11 | |
| « Tu veux pas juste qu'on déplace le meuble ? » « Oui, faisons ça, t'as raison. »
Et j'insiste pas. Pas mes affaires, pas mon combat. Jamais je n'oserais être intrusive au point de lui mettre une pression supplémentaire sur les épaules. Yele a choisi de venir ici parce qu'il s'y sent à l'aise, je ne bousillerai absolument pas le maigre cocon de confort qu'il trouve à l'atelier pour satisfaire une curiosité mal placée et tout sauf justifiée. Il n'a pas à me troquer sa confiance contre un canapé.
La table à croquis qui grince au sol, les grincements qui auraient fait rager Auden s'il n'avait pas fermé la porte de son atelier dans un élan de génie que je ne soulignerai jamais pour le bien-être de ses chevilles. « Je dors pas beaucoup c'est tout, rien de grave Ginny. » il s'ouvre un peu, juste un peu. Il n'a pas besoin, il le voit bien au regard que je lui lance que je l'aurais laissé rester silencieux aussi longtemps qu'il l'aurait voulu sans avoir osé reposer les mêmes questions, aborder les sujets qui font mal. « Si je te nourrissais pas qu'au café, tu aurais peut-être des nuits plus calmes. » alors je dédramatise, un sourire espiègle de gamine aux lèvres qui n'en décolle pas une seule seconde.
Il évite mon regard, j'attends qu'il relève les yeux pour tenter d'attraper ses prunelles au vol. Le meuble est bien à sa place, et mes deux paumes s'affairent distraitement à ramasser les crayons et pinceaux qui traînent au sol autour pour les y amasser. « Je sais que t'as sûrement mille personnes à qui en parler, et je suis désolée d'insister mais - » j'inspire, la lueur d'amusement n'ayant pas quitté mes prunelles une seule seconde trahissant la suite avant même que j'en ai ajouté une couche. « - mais si tu veux je connais des tas de bonnes techniques pour cacher les cernes à la perfection. » on n'en parle pas Yelahiah, on en parle pas si tu ne veux pas. |
| | | | (#)Jeu 12 Mar 2020 - 2:59 | |
| « J'ai tout le temps raison ! » Le sourcil de Yele remonte un peu, un sourire malicieux qui se dessine légèrement sur son visage. Ça change de sujet un peu, et il change d'ambiance aussi. Il arrête d'avoir sa mine de déterré qui n'a pas dormi depuis des jours. Il la suit, il se tait et il soulève ce truc qui pèse une tonne. Mais qu'est ce que c'est que ce truc ? Pourquoi ils ont besoin d'un truc aussi lourd dans cet atelier ? Ils sont pas censé pouvoir dessiner n'importe où et n'importe quoi tant qu'on leur donne du papier et un crayon ? Apparemment non, ils ont besoin de meuble et de pièces gigantesques aussi. Mais il ne dit rien Yele, pas tout de suite en tout cas. Parce qu'il sent le regard rassurant de Ginny, elle a des questions la brune, elle pourrait le harceler de questions si elle le voulait, mais elle ne le fait pas. Elle l'écoute, et elle entend seulement ce qu'il a envie de lui confier. « Pourquoi tu sais cuisiner en plus de faire un des meilleurs café de Brisbane ? » Il abuse sur le un des. Parce qu'il a quand même déjà goûté de meilleurs cafés. Bon peut-être pas mais il sait juste que ce détails peut faire tiquer Ginny si elle l'écoute vraiment. Il ne la connait pas beaucoup encore, mais Ginny est une amoureuse du bon café, et ça, n'importe qui pourrait le remarquer.
« Je dirais pas mille personnes. » Il dirait plutôt 0, parce qu'il ne peut plus compter sur personne à l'heure actuelle. Et c'est pour ça qu'il est autant dans cet atelier depuis quelques jours. Et là il soupire Yele, parce qu'il a peur qu'elle cherche à en savoir vraiment plus, parce qu'il veut bien parler, mais il veut y aller à son rythme. Mais elle arrive à le faire sourire, alors il lève de nouveau les yeux vers elle. « Mes cernes me rendent encore plus beau. » Il hoche la tête avec un air sérieux. Parce qu'il en est persuadé.
Il s'avance un peu pour l'aider à ramasser les feuilles qui sont au sol. Et il reconnaît ces croquis, il a déjà vu ces dessins quelque part, mais impossible de s'en souvenir. « C'est quoi ça ? » |
| | | | (#)Jeu 12 Mar 2020 - 3:24 | |
| L'atmosphère aurait facilement pu devenir bien plus lourde si j'étais restée accrochée à ses lèvres trop longtemps. Alors j'inspire, j'use de mon humour de bac à sable, ajoute un sourire et un rire à la palette de nuances avec laquelle on travaille. Et il sourit à son tour. Mieux, beaucoup mieux. « Pourquoi tu sais cuisiner en plus de faire un des meilleurs café de Brisbane ? » « Mon riz trop cuit et mes gâteaux calcinés font partie du top 5 des meilleurs de la ville aussi, tu savais pas? » les relances remontent, et je le vois à ses épaules qui se détendent et à sa mâchoire qui se relaxe qu'il n'a pas envie de parler. Parfait pour moi, si ça l'est pour lui.
« Je dirais pas mille personnes. » il en faut juste une Yelahiah, que je pense, que je garde pour moi. J'aime pas l'imaginer seul à ressasser son mal-être, secouant légèrement la tête et mes mèches rebelles avec pour reprendre mes esprits et arrêter d'imposer, de forcer quoi que ce soit. « Mes cernes me rendent encore plus beau. » il me rend la tâche facile là, à me faire éclater de rire. Je pouffe devant son air trop confiant et ses sourcils qui dansent avec une condescendance trop forcée pour qu'il n'exagère pas. « Tes chevilles font dire salut. » chevilles que je pointe du menton, aussi malicieuse que possible.
Les pinceaux ont déjà taché mes mains, personne ne s'en étonne. J'ai le regard qui dérive vers les différents carnets à aligner sur le bureau, la voix de l'anglais qui résonne dans mon dos m'arrête dans l'élan. « C'est quoi ça ? » je fais volte-face, prête à répondre à l'une de ses énièmes questions. Il en pose des tas au fur et à mesure qu'il prend ses aises à l'atelier, et à chaque fois je lui réponds au mieux, partageant tout ce que je sais de bon coeur, partageant tout sur tout - tout sur tout, sauf sur ça. « Finalement la table à dessin irait mieux là-bas. » la tactique Blythe que je tente, avant de me pincer les lèvres, d'inspirer profondément aussi. Ça fait quelques jours déjà Ginny, accepte le désastre veux-tu.
« C'est le croquis d'un projet sur lequel j'ai travaillé un moment. » des mois, pour être exacte. De la première idéation aux premiers coups de pinceaux, des dizaines d'heures passées seule et de toutes celles passées avec toute l'aide de tas de gens précieux à créer une murale aussi belle, aussi imparfaitement parfaite que possible. « La version papier est plus belle que celle grandeur nature. » il tient entre ses paumes une petite partie de moi qui a été bousillée dans les rues de Brisbane, j'espère que je détournerai le regard assez vite du sien pour qu'il ne le réalise pas. |
| | | | (#)Jeu 12 Mar 2020 - 19:27 | |
| Il va certainement encore passer son après midi à trainer dans l'atelier. Poser des tonnes de questions à Ginny pour la gêner pendant qu'elle essaie de travailler et de dessiner. Mais là, pour une fois, le sujet est tout autre. Elle essaie d'engager un sujet plus sérieux, mais elle ne connait pas sa vie à Yele, elle ne sait pas encore qu'il vit dehors, qu'il ne veut plus voir son frère, et qu'il déteste le monde entier. Ça elle ne l'a peut-être pas encore remarqué, parce qu'elle n'a pas l'air de voir le mauvais côté des gens Ginny. « Je pense que tout le monde doit payer cher pour manger du riz trop cuit ! » Il hoche la tête, sans beaucoup de conviction mais ça permet de changer de sujet pendant un temps. De gagner quelques minutes avant qu'il ai envie de dire à Ginny ce qui se passe encore dans sa vie.
Il la fait rire, et il est content parce que c'était le but de la manœuvre. « tu préfères regarder mes chevilles plutôt que mon beau visage cerné ? » Les yeux de Yele papillonnent avant qu'il se mette à rire un peu de nouveau. Ses chevilles auraient déjà explosées depuis bien longtemps si elles gonflaient en fonction de l'ego. Il aide Ginny à ramasser ses papiers et ses crayons, et il tombe sur des dessins qu'il connait, qu'il a déjà observer il y a peu de temps. « C'est donc une table à dessin. » c'est noté dans un coin de sa tête.
Elle a un air triste, et il le voit Yele même si elle évite son regard. Ces croquis sont importants pour elle, et il est bien moins patient qu'elle. « ça t'a pris combien de temps ? » Il cherche, il cherche les images dans sa tête. Il regarde chaque feuille et la mémoire commence à lui revenir petit à petit. La voix de Yele est un peu enrouée. « Grandeur nature ? » La fresque, la dessins dans la ruelle. Les dessins qu'il a détruit avec Tobias. Et là, c'est lui qui évite le regard de Ginny. |
| | | | (#)Jeu 12 Mar 2020 - 21:28 | |
| « C'est donc une table à dessin. » il me fait sourire quand il est comme ça. Quand il répète ce que j'ai dit, quand il l'enregistre aussi. Je vois l'information qui se niche dans sa tête, je le vois qui fait le même et éternel rictus de concentration le temps de tout mémoriser. Il m'a jamais dit il était comment à l'école - et cette information est totalement obsolète et ridicule, j'oserai jamais la lui demander. Mais je l'imagine premier de classe. Je l'imagine avoir réponse à tout, avoir la main éternellement levée. Et lorsqu'il bloque sur quelque chose, passer des nuits entières à chercher la seule et unique solution qui lui convient.
« Et à café. » je laisse mon sourire vivre sur mes lèvres maintenant que mon index pointe les taches de café au coin du bois. « Et une bibliothèque. » les livres que j'ai ramassés au passage que j'y aligne les uns à côté des autres. "Aligne" est un bien grand mot, quand ils ne font que s'éparpiller sur la table plutôt que de s'éparpiller au sol. « Et un début très approximatif de toile. » là, ce sont les traits de pinceaux et autres fusains que je pointe, fièrement, la grande majorité étant tirés de ma propre palette à moi.
L'une des différences entre nous que je vois un peu plus clairement à chaque nouveau passage du Blythe à l'atelier, est que si je laisse aller ses silences, lui il se fait un devoir de provoquer mes paroles. « ça t'a pris combien de temps ? » « Longtemps. » je réponds du tac au tac, ma voix pas nécessairement sèche, mais suffisamment directe pour espérer qu'il me donne un peu de leste. « Grandeur nature ? » mes yeux fuient, les siens aussi. Il me manque le Yelahiah qui babillait pendant des heures à me demander pourquoi j'avais choisi de l'huile plutôt que de l'aquarelle. J'ai presque envie de le traîner de force dans la chambre noire pour lui expliquer tout ce qu'il faut savoir sur le développement de films de caméra argentique en long et en large et avec le plus complexe des jargons pour m'en sauver. T'es lâche, Virginia.
« C'est une fresque. Des dessins, dans une ruelle. » j'explique, dans un soupir, sans aucun sourire. « C'était. Ça a plus d'importance, là. » c'est toujours. Et c'est pour ça que je ne lui accorde plus d'importance. Parce que c'est détruit, aussi. Surtout. |
| | | | (#)Ven 13 Mar 2020 - 3:08 | |
| Cet objet inconnu n'était plus si inconnu que ça à cet instant. Ça avait un nom, enfin, une utilité parce que Ginny continuait de rajouter des fonctions à cette fameuse table. « Une table à bordel ça lui irait bien comme nom. » Il sourit Yele en regardant tous ces trucs qui tombent parce qu'il y a bien trop d'objets. « Tu devrais l'appeler la table Ginny. » Parce que Ginny est bordélique, elle laisse toujours tout trainer partout. Ça doit être pour ça que cette table multifonction est dans sa partie de l'atelier. Et c'est certainement toutes ses affaires qui débordent d'ailleurs. Il va visualiser cette table comme la table Ginny, c'est acté dans sa tête maintenant, et il continue de sourire, il se détend un peu tant que le vrai sujet ne revient pas sur la table, tant que tous les deux arrivent à éviter encore un peu.
Il reconnaît enfin ces dessins, la fresque, tout ce qui était dessiné sur le mur. Tout ce qu'il a détruit pendant cette longue nuit. Le sujet a l'air compliqué, elle devait vraiment y tenir. Là il commence à se sentir un peu mal, pourtant ce n'est pas son genre. Il regrette rarement ses actes. Mais Ginny, c'est particulier, elle est gentille, elle ne le juge pas, et il ne veut pas casser tout ça. Parce qu'il aime être là, au milieu de cet atelier à la regarder travailler. Qu'est ce qu'il doit faire ? Est ce qu'il doit lui dire que c'est lui ? Ou lui mentir le temps qu'il faudra ? Il réfléchit, son regard se perd dans le vide et il pose les croquis sur la table Ginny. « Elle a été détruite. » C'est même pas une question parce qu'il le sait très bien. « Faut que je te dise un truc important Ginny, tu veux pas t'asseoir ? » |
| | | | (#)Ven 13 Mar 2020 - 4:22 | |
| L'étendue du bordel qui vivait jadis au sol prend maintenant en ampleur toute la place sur la table. Et il s'amuse Yele, il suit chacun de mes gestes des yeux avec son sourire qui ne fait que grandir au passage. « Tu devrais l'appeler la table Ginny. » « Je sais pas comment le prendre alors je le prendrai comme un presque compliment. » qu'il ridiculise l'étendue de mon chaos ne me fait pas un pli, au contraire. Quand mon rire n'est que plus communicatif, quand la lueur dans mon regard ne fait que briller un peu mieux au fur et à mesure de mes méfaits à saveur de carnets barbouillés et de pinceaux imbibés.
« Elle a été détruite. » « Oui. » et c'est étrange. Comment on passe d'une conversation où les piques volent gentiment à ce sérieux-là. Je ne le reconnais pas quand il est comme ça Yelahiah, quand il retourne dans sa tête, quand il se ferme. Je ne le connais pas beaucoup certes, mais ce que j'ai vu de lui jusqu'à maintenant n'a rien à voir avec cet air-là, avec ces silences-là aussi. La dernière et seule fois où je l'ai vu ainsi, c'était le premier matin, alors qu'il était endormi sur le palier de l'atelier. « Faut que je te dise un truc important Ginny, tu veux pas t'asseoir ? » je ravale, chasse les mauvaises impressions, chasse les dizaines de centaines de questions qui voudraient remonter mais dont je me garde de le bombarder. « Je - okay. »
Mes paumes m'aident à hisser ma silhouette sur la table Ginny, jambes ballantes et regard rivé sur lui. « C'est pas une autre de tes séances express de questions, hen? » la dernière et seule fois où je l'ai vu ainsi, c'était le premier matin, alors qu'il était endormi sur le palier de l'atelier. |
| | | | (#)Ven 13 Mar 2020 - 15:34 | |
| La table Ginny. C'est sympathique ce nom, et ça représente plutôt bien le peu de choses qu'il connait d'elle pour l'instant. « T'as certainement raison ! » Parce que c'est juste une observation, il ne disait pas ça juste pour lui montrer qu'il avait remarqué qu'elle était bordélique. « J'ai créé un meuble à ton nom c'est un super compliment ! » Il hoche la tête, il regarde encore une fois tout autour de lui et il ramasse deux ou trois trucs pour les étaler sur la table. Bientôt il y a même plus de place pour caler un seul feuille de dessin.
Mais la conversation change, ça devient bien plus sérieux parce que les souvenirs remontent chez Yele. Il se perd dans sa tête, et ça, c'est jamais très bon. Parce qu'il se pose des questions, il se demande si il doit avouer, si il doit juste essayer de comprendre comment il pourrait l'aider à être un peu moins triste. Parce que d'habitude, il s'en fiche. Mais là, il se sent mal de voir Ginny dans cet état. Elle ne se plaint pas, elle ne veut même pas en parler en réalité, c'est Yelahiah qui arrive à lui tirer les vers du nez. Il pose des questions, peut-être indiscrètes, mais tant pis. Il est comme ça et c'est pas à son âge qu'il va changer.
Il lui dit de s'asseoir, parce qu'il va en parler. L'ambiance change, il évite son regard, mais il va avouer. Et tant pis pour ce qu'elle finit par penser de lui. « C'est moi qui ai détruit la fresque. » Simple, direct, il n'y a pas de place pour l'interprétation. « J'étais défoncée, et c'est pour ça que j'étais endormi devant l'atelier la dernière fois. » Il reste assis à regarder dans le vide. Il attend juste qu'elle lui demande de partir pour ne plus jamais revenir. « Je te connaissais pas, je suis désolé. » |
| | | | (#)Ven 13 Mar 2020 - 16:20 | |
| « C'est moi qui ai détruit la fresque. »
C'est moi qui ai détruit la fresque. C'est moi qui ai détruit ta fresque.
Les mots résonnent dans ma tête comme si je le savais déjà alors que je n'avais rien, absolument rien pour me glisser le moindre doute à l'oreille. Il l'avoue si vite et si clairement que je me redresse de suite, mes jambes qui cessent de se balancer, ma poitrine qui cesse de remonter au fil des inspirations saccadées. Il l'avoue avec évidence, il le dit sans laisser place à aucune incompréhension et même si la confession me secoue bien plus que mon corps immobilisé dans l'élan le montre, n'en reste que son honnêteté est rassurante, dans un sens bien malsain j'en conviens.
« J'étais défoncée, et c'est pour ça que j'étais endormi devant l'atelier la dernière fois. » il ajoute des justifications, il complète le tableau, les éléments qui me reviennent les uns les autres, son réveil sur le pallier, le café qu'il s'était gratté, la sieste sur le canapé, la première d'une longue lignée. « Je te connaissais pas, je suis désolé. » ses yeux ont depuis longtemps évité les miens, quand ses excuses viennent enfin, qu'il semble aussi soulagé de les dire que moi de les entendre. Mettre un visage, mettre une raison même si peu bancale, mettre les éléments les uns à côté des autres pour m'expliquer les zones grises est tout ce qu'il me reste ; je compte bien m'en contenter au mieux.
« Je- » mes mots se bloquent, je cherche lesquels veulent prendre la place dans un silence partagé aussi lourd que nécessaire. Je ne suis pas fâchée, je ne suis pas hors de moi. Je ne suis pas rancunière, je ne suis pas en colère non plus.
Si je suis quoi que ce soit, dans l'instant, c'est inquiète. « Tu viens juste de t'en rendre compte, n'est-ce pas? » les plans qu'il a laissés de côté sur la table trônent à côté de ma cuisse, ils le narguent lui qui s'en est éloigné comme si le papier lui avait brûlé les paumes. La rage et la sensation suffocante d'injustice viendront après, lorsque je serai seule, sûrement. De l'impuissance de ne rien pouvoir changer à ma fresque bousillée, je passe à celle de voir à quel point il est en détresse, à quel point son vandalisme tout sauf dirigé sur moi était en fait fort probablement un cri à l'aide. « Est-ce que c'était la première fois? Que tu perdais la carte, que tu t'endormais dehors, que tu étais aussi abimé que ça? » |
| | | | (#)Dim 15 Mar 2020 - 0:14 | |
| La conversation a vraiment changé de ton. Le regard de Yelahiah est toujours un peu plus fuyant. C'est pas vraiment son genre d'être intéressé par ce que pense les gens. Parce qu'il fait toujours absolument ce qu'il veut sans se soucier de quoi que ce soit ou qui que ce soit. Mais là il se sent mal à l'aise, il n'a pas envie de mentir à Ginny, après tout il la connait à peine. Si elle le vire de son atelier il ne mettra pas trop longtemps à s'en remettre non ? Il l'espère, parce qu'il a vu que ça la touchait. Que ça la touchait vraiment. Elle pourrait hurler, avoir envie de le frapper, ça représentait apparemment des mois de travail. Qu'il avait mis moins d'une nuit à détruire.
Elle met du temps à réfléchir Ginny, elle ne parle pas et elle ne le regarde pas non plus. Il ne la connait pas bien Gin, il ne peut pas savoir comment elle va bien pouvoir réagir. Peut-être que Ginny est une fausse calme, qu'en réalité elle est rancunière. Ou peut-être même qu'elle va aller voir Auden pour lui dire de le virer de cet endroit. Il se lève, il s'apprête à partir pour éviter de revenir un jour.
Mais elle parle Ginny, et il n'y a aucun reproche dans sa voix. Elle n'a même pas l'air énervé. Il fronce les sourcils Yelahiah, il se demande pourquoi elle n'est pas déjà en train de hurler. Ginny était vraiment trop gentille pour ce monde. « Oui. » Il n'avait pas fait le rapprochement avant. Il reste debout, il répondra à ses questions mais il ne se souvient pas de tout. Cette soirée reste particulièrement floue. Elle pose encore des questions, et c'est exactement à ce genre de questions que Yele ne répond pas en général. Parce qu'il préfère mentir, ou il préfère retourner la conversation. « Non, c'était bien loin d'être la première fois. » Il souffle. « Je dors dehors depuis quelques semaines (pour ne pas dire mois). Et il tique sur le mot abîmé, est ce que c'était une personne abîmée ? |
| | | | (#)Lun 16 Mar 2020 - 3:06 | |
| J'ignore comment j'aurais réagi s'il n'avait pas répondu un « Oui. » clair et assumé à ma question. S'il ne m'avait pas si facilement confirmé qu'il venait tout juste de le réaliser, que tout ça n'était pas prémédité, que depuis la première fois où il a passé la porte de l'atelier il le savait. Pourtant, de l'entendre confirmer qu'il vient à peine de le capter et de suite qu'il s'est confessé suffit à soulever un poids de mes épaules, à faciliter un peu plus l'inspiration suivante, et la prochaine.
Je prends le risque de lui en demander plus, je prends le risque de gratter plus d'informations qu'il ne m'en a jamais donné. Pas parce que je suis impolie, encore moins parce que je crois que le fait qu'il ait détruit ma fresque me donne le droit de le bombarder : simplement parce que je veux comprendre. Je veux savoir ce qui l'a motivé, je veux savoir si mes mauvaises impressions sont véridiques, je veux savoir, et il répond, il n'hésite même pas une seconde de plus. « Non, c'était bien loin d'être la première fois. » je ne lui reprocherai pas toutes les fois qui ont précédé. Je ne jugerai pas ce qu'il a pu faire, ce qu'il a pu démolir, ce qu'il a pu multiplier comme mauvais choix et mauvaises décisions non plus.
« Je dors dehors depuis quelques semaines. » qu'il finira par me dire, ajoutant une couche d'informations supplémentaires à tout ce qu'il m'a déjà dit, et dont je doute partager le secret avec quelqu'un d'autre. Il est calme Yelahiah, il ne se braque pas, il attend simplement sa sentence, et à mes yeux, le simple fait de voir un voile de trouble et de culpabilité noyer ses prunelles suffira longtemps à assouvir une rancune que je n'ai même pas, ni envers lui, ni envers qui que ce soit.
« Qu'est-ce qui s'est passé, Yele? » mes jambes remontent sur la table Ginny, je m'installe en tailleur le temps de rattacher mes cheveux en un chignon désorganisé qui laisse s'échapper quelques mèches au passage. Il peut répondre ce qu'il veut - il peut me parler de son passé, il peut me parler de ses raisons, il peut me parler juste de cette nuit-là, il peut même ne pas me dire quoi que ce soit. Pourtant, mes yeux ne le lâchent pas, l'attente que je ne brusque pas non plus. |
| | | | (#)Lun 16 Mar 2020 - 3:36 | |
| Il ne fait qu'attendre Yelahiah. Il utilise des phrases courtes, parce qu'il n'a pas besoin de justifier quoi que ce soit, ni de rajouter des informations que Ginny ne voudrait pas entendre. Elle doit certainement chercher toutes les raisons qu'elle pourrait avoir de le détester. Mais elle continue de poser des questions, et plus ils avancent plus elle pose des questions sur Yelahiah. Comme si la fresque avait été oublié, comme si elle n'allait lui faire aucun reproche. Comme si elle allait rester exactement la même Ginny qu'avant alors qu'il vient de lui annoncer qu'il a détruit des mois de travail. Yele n'aurait jamais pardonné une telle chose. Il aurait certainement tué la personne en question. Mais ils sont bien différents sur de nombreux points, c'est à se demander pourquoi ils s'entendent aussi bien. Yele se le demande réellement, pourquoi elle ne l'a pas laissé dormir dehors sur les escaliers de l'atelier la première fois qu'elle l'a vu comme une personne censée l'aurait fait. Comme lui même l'aurait fait.
Elle s'assoit sur la table Ginny, elle plie ses jambes et elle s'attache les cheveux. Et Yele ne doit pas lui cacher ce qu'il se passe dans sa vie. Mais elle sera la première au courant, même son grand frère ne connaissait pas toute l'histoire. Il n'avait jamais trouvé personne qui aurait eu la possibilité de mériter qu'il se confie, qu'il ait confiance. Mais il a confiance en Ginny depuis la première fois qu'elle l'a vu, et ça, ça ne s'explique pas. Alors il s'assoit et il passe ses mains sur son visage, sans même savoir par où commencer. « T'es sûre ? Parce que c'est vraiment une histoire longue. » Il la regarde et il comprend qu'elle attend juste qu'il soit prêt, qu'il parle de ce dont il a envie. Elle attend, elle est toujours patiente Ginny.
« Je dors dans la rue depuis quelques longues semaines, mais c'est moi qui ai rendu mon appartement. » Il y a tellement de choses avant ça, tellement de facteurs qui l'ont emmené ici. « J'étais chirurgien plastique il y a quelques mois, mais j'ai fait une erreur médicale. Et j'ai été radié. Donc depuis je cherche quoi faire, mais en attendant je bois souvent, et j'aime jouer au poker aussi. Ça m'occupe. Et j'ai vendu ma voiture aussi donc je peux pas dormir dedans. Mais on s'habitue. » Il en manque des détails, il manque beaucoup d'explications. Il continue de réfléchir Yelahiah, parce que c'est compliqué de s'ouvrir, parce qu'il ne fait jamais ça en temps normal. « J'ai eu une relation avec une fille quand j'allais avoir mon diplôme et après l'avoir eu. Chloe. Mais c'était compliqué, elle était mariée, et moi je voulais juste être avec elle sans avoir à toujours penser à ce qui se passait autour. Mais un jour elle est partie sans explications, et j'ai bu longtemps, et trop. Je suis arrivée avec un peu trop d'alcool dans le sang dans le bloc opératoire et une des infirmières a appelé le gérant de l'hôpital. Et j'ai été viré, je pourrais plus jamais exercer ce métier. » |
| | | | (#)Lun 16 Mar 2020 - 20:37 | |
| « T'es sûre ? Parce que c'est vraiment une histoire longue. » « J'ai tout mon temps. » l'atelier est vide, Auden est disparu, le prochain cours est dans plusieurs heures, Noah est à l'école, Robin butine comme elle seule sait le faire. Et mes prunelles elles, ne le lâchent pas d'un millimètre.
« Je dors dans la rue depuis quelques longues semaines, mais c'est moi qui ai rendu mon appartement. » mes sourcils ne se froncent pas, même si j'en sens l'impulsion que je réprime au dernier moment. Je me suis promis de ne rien juger, de ne pas poser la moindre question, de le laisser parler autant qu'il le voudrait et le pourrait - je ne pointerai donc pas le potentiel curieux de cet élément-là. Parce que je veux tout entendre, déjà. « J'étais chirurgien plastique il y a quelques mois, mais j'ai fait une erreur médicale. Et j'ai été radié. Donc depuis je cherche quoi faire, mais en attendant je bois souvent, et j'aime jouer au poker aussi. Ça m'occupe. Et j'ai vendu ma voiture aussi donc je peux pas dormir dedans. Mais on s'habitue. » de tout ce qu'il dit, je note les détails. Je note qu'il a fait médecine, je note aussi qu'il devait être franchement doué s'il a tout appris dans ses livres comme il tente de tout apprendre ici. Je l'imagine au poker à compter les cartes, à tout rafler, me rattrape en additionnant un point et un autre au sujet de l'argent qui manque, de l'appartement cédé, de la voiture vendue. « J'ai eu une relation avec une fille quand j'allais avoir mon diplôme et après l'avoir eu. Chloe. Mais c'était compliqué, elle était mariée, et moi je voulais juste être avec elle sans avoir à toujours penser à ce qui se passait autour. Mais un jour elle est partie sans explications, et j'ai bu longtemps, et trop. Je suis arrivée avec un peu trop d'alcool dans le sang dans le bloc opératoire et une des infirmières a appelé le gérant de l'hôpital. Et j'ai été viré, je pourrais plus jamais exercer ce métier. » il parle Yele, il parle et il ne s'arrête plus, au point où j'ai oublié de respirer à un moment tellement il confie tout sans le moindre filtre, sans le moindre masque.
« Viens. » je descends de la table, laisse mes cahiers et ma tasse de thé et l'entièreté de mes affaires dans mon sillege quand je lui fais signe de me suivre, l'entraînant dans le couloir de la galerie, celui où nos ateliers personnels sont alignés les uns à côté des autres. Ma paume se pose sur la poignée de la pièce qui m'appartient, celle qui est la plus petite certes, mais qui a la plus grande fenêtre. En parlant de ça « Je verrouille jamais la fenêtre. » je pointe les carreaux du menton, l'ouvrant pour aérer un peu. Un canapé trône dans un coin, une bibliothèque remplie à en déborder à côté. C'était ici que je m'isolais entre deux classes, ou quand un vernissage s'éternisait un peu plus longtemps que prévu. Le reste du temps, j'errais beaucoup trop dans la galerie pour que mon atelier ne me serve autant qu'il serait utile, pour lui. « Il y aura toujours du café prêt, et si tu choisis tes journées il restera peut-être même des biscuits. » j'ai installé une machine piquée chez Matt il y a de ça des mois, elle est toujours en marche. Pour ce qui est des biscuits, c'est marche ou crève mais il doit s'en être rendu compte depuis ses quelques visites.
Ma silhouette fait volteface, mes prunelles retrouvent naturellement les siennes au passage. « Tu peux être en sécurité ici autant que tu veux le temps que tu te remettes sur pied. » j'insiste sur la dernière partie de l'accord tacite, de l'espoir silencieux. « Mais va falloir que tu me promettes d'utiliser ce temps pour réfléchir à ce que tu vas faire ensuite, Yele. » je lui tends une main là où je comprends que personne ne l'a fait. Mais je ne suis plus aussi naïve que j'ai été jadis ; ce n'est pas parce que je veux vraiment avoir confiance en la personne qu'il est au-delà de ses frasques que je pourrai, s'il ne met pas du sien. « Tu peux faire ça tu crois? » qu'il soit honnête avec moi comme il l'est depuis le début ; c'est tout ce dont j'ai besoin. |
| | | | | | | | the truth is that I never shook my shadow (yele) |
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