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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyJeu 30 Avr 2020 - 2:03


@Joseph Keegan & @Lily McGrath ✻✻✻ Je ne pouvais pas mentir, il y avait des êtres que l’on pensait inaltérables, surtout enfant, surtout plus jeune. Il y avait des êtres que l’on pensait indéfectibles et Joseph en avait fait partie. Je m’étais laissée aller à oublier l’essentiel, à oublier l’évidence, à oublier les secrets. Nous ne comptions jamais les secrets, n’est-ce pas ? Nous ne comptions jamais les secrets lorsque l’on avait quinze ans mais je ne possédais pas cette excuse. À quinze ans, j’avais déjà les miens. À quinze ans, j’avais les miens, ceux de ma mère, ceux de mon père, ceux de mon nom et de ce qu’il signifiait sur la base militaire. À quinze ans, j’aurais dû voir ceux de Joseph. Pas les anciens, ces derniers m’avaient sauté aux yeux, presqu’aussitôt. Comme les miens aux siens, je le savais. Mais les présents, les lancinants, ceux qui l’empêchaient de dormir en se sentant en sécurité. Ceux qui avaient provoqué les autres ensuite, plus délictuels, moins acceptables de mon point de vue d’antan. Le militaire, le rationnel, l’inflexible. Et il était trop tard aujourd’hui pour lui dire que seul le premier continuait de survivre, tant bien que mal. Que les deux derniers avaient été mis à mal, ballotés par les épreuves de la vie. Il était trop tard pour revenir sur mes mots, ceux qui nous avaient forcés à construire nos vies séparément, refermant celle d’hier, celle en commun, nous jurant de ne plus y revenir. Nos vies différentes, aux antipodes l’une de l’autre. Pourtant, je ne m’éloignais pas. Je pointais du doigt, je soulevais des évidences qui n’en étaient pas pour lui, apparemment. Je le remarquais, oui, ce léger tressautement venant s’emparer de ses sourcils. Ses cils qui vinrent se rabaisser pour protéger les secrets que ses yeux ne parvenaient plus à contenir. Ses expressions évoluèrent par la suite, camaïeu d’émotions sur lequel je ne m’attardais pas car il m’aurait dissuadé de poursuivre. Parmi toutes celles-ci cependant, je notais son étonnement, presque, face au sérieux de mes paroles ou la sincérité de mon intérêt. Peut-être les deux. Je le comprenais, j’avais eu l’audace de me détourner il y a plusieurs années, de me désintéresser. Mais cela ne me paraissait guère plus condamnable aujourd’hui que tous les autres, refusant platement de le voir souffrir. Et s’il suffisait de cacher l’indicible pour ne plus subir son apparat désastreux, alors bien sûr l’avait-il fait. Bien sûr était-il resté muet trop longtemps, travestissant les sanglots de solitude en larmes de joie, désespérant que ses plaintes silencieuses ne soient astreintes qu’à s’écrire sur des murs ne lui appartenant pas. Mais peut-être y était-il pour quelque chose également, refusant de désigner quelqu’un capable de mériter ses aveux. Je n’étais pas celle-ci, il y avait longtemps que j’avais cessé de mériter quoique ce soit. Et il semblait s’en rendre compte, lui aussi.

Je l’observais, réticent et distant, ses yeux bleus fuyants les miens comme ceux du reste du monde. Comme s’il s’agissait d’une menace que d’être aussi proche de quelqu’un d’autre ou de la réalité. Je l’observais passer une paume moite sur son front sans en chasser les mèches rebelles cette fois-ci y étant pourtant retombées. Tout pour s’occulter, tout pour se soustraire. Pourtant, un instant, je capturais de nouveau ses iris glacées pour le nouer à moi comme j’avais l’habitude de le faire, l’expérience à mon actif. Suffisamment longtemps pour les voir, les ténèbres danser sur sa peau, terrain conquis qu’elles n’étaient pas décidées à abandonner. Comment auraient-elles pu ? Joseph, non plus, ne semblait même pas désirer la capitulation de l’ennemi. Je ne dénotais dans son souffle ni hésitation, ni incertitude, simplement le mouvement de sa respiration régulière et lasse venant ponctuant mon interrogation feinte. « Dans une tombe. » Et sa conclusion vint se peindre entre nous, sombre et sagittale, empreinte d’un sarcasme à peine assumé face auquel je m’empêchais de serrer les dents pour ne pas sentir l’émail se fendre. Tu ne peux pas rire de ça. Oh mais il ne le faisait pas. Pas réellement. Lui aussi était fait de lapsus et d’actes manqués, nous l’étions tous. Et ses dérobades obscures ne le protégeaient pas du poids de ses secrets car ces derniers n’en avaient presque plus lorsque le vécu se mettait à son tour à s’émietter, un peu plus à chaque nouvelle aube. « Mais si ça peut aider certains à ne pas m’y rejoindre trop tôt. » Ce serait ainsi, alors. Ce serait ainsi puisque les inflexions de sa voix ne témoignaient d’aucun signe de vie, lui préférant à la place les sillons des espoirs éteints, frappés par un impitoyable destin auquel il n’avait plus la force de tourner le dos. « Et comment ça fonctionne jusque-là ? » Ma voix s’élevait à peine dans l’espace, de plus en plus restreint, de plus en plus clos. « Tu reçois beaucoup de reconnaissance en retour ? » J’ironisais à contrecœur, les accents aussi sombres que ceux qu’il avait voulu me présenter en retour. Le nœud de mon complexe résidait là également. Dans les notions contraires de tout ce que je ne parvenais plus à ressentir. Et malgré mes faibles tentatives de l’approcher de nouveau, d’implorer une prise de conscience à laquelle je refusais moi-même de me confronter chaque jour, je me retrouvais toujours ainsi : démunie de pouvoir, de sentiment et d’émotions vivantes.

Je faisais appel aux dernières qu’il me restait, sur l’instant. Aux derniers instincts, aux dernières inquiétudes, aux dernières tentatives de ne pas l’abandonner si lui le désirait tellement, si lui s’apprêtait à le faire. Il hésita, je le vis hésiter. Je vis ses lèvres se retrousser en un réflexe qui le surprit lui-même, ses épaules s’agiter silencieusement dans un rire qui n’avait plus rien de tel, spasme incontrôlé. Je ressentis les vibrations qui vinrent animer ses phalanges également, plissai les yeux, concentrée, face à sa fébrilité et sa paume brûlante. Mais ses doigts, ressentant certainement l’étrange sensation d’être maitrisés par les miens, retenus, ne devinrent pas griffes pour autant, craintifs d’une menace inexistante. Et si j’avais hésité à aller contre mon instinct, c’était désormais la douceur de son acquiescement qui me poussa à consentir à sa demande. « Tu verras. » Cela ne voulait rien dire. Absolument rien. Je le regardais de nouveau mais demeurais immobile. Immobile, toujours, lorsque je laissais le téléphone glisser d’entre ma paume pour se réfugier dans la sienne. J’ignorais encore s’il s’agissait là de la chose à faire, entrer dans son jeu malgré sa complexité, malgré son détachement de toute raison, de toute responsabilité. Mais depuis quand était-ce devenue la mienne ? Elle ne l’était pas. Tout comme je n’avais pas été la sienne. Cela ne rendait rien de tout cela aisé mais je choisissais de rester dans le doute, de retrouver la porte pour m’éloigner de cette cellule, de m’adosser contre le mur du couloir. Au loin, le vacarme du cœur du commissariat se faisait entendre, à peine, comme étranglé par ce qui se passait en ce lieu, le silence de ce dernier ne cessant de bourdonner. Je levais les yeux vers la lumière blanche pulsatile du néon au plafond, retrouvant les cigarettes qui ne quitteraient pas leur coffret en carton, pas cette fois-ci. Je l’entendais, sa voix, à quelques mètres de moi seulement, ne cherchais pas néanmoins à déchirer le voile qu’il avait volontairement laissé s’appesantir.

« C’est pas ton avocat non plus, je présume. » Combien de minutes étaient passées entre la fin de son appel et cet instant où je m’étais laissée pénétrer de nouveau dans la salle, où mon téléphone avait retrouvé sa place entre mes doigts, où je m’éloignais déjà sans un mot car j’avais compris l’essentiel. Il n’allait plus être seul puisque quelqu’un venait. J’allais pouvoir l’être puisque quelqu’un venait. Puisque mon nom résonnait déjà de l’autre côté du comptoir au loin. Une voix féminine, désorientée peut-être, inattendue. Je rejoignais le hall, m’arrêtant à quelques mètres simplement pour lever deux doigts en l’air en direction de l’agent qui cherchait mon approbation. Laissez-la passer.

 


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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyLun 4 Mai 2020 - 21:56

Si Lily avait décroché son téléphone le plus naturellement du monde, c’est tremblante qu’elle a appuyé sur le bouton pour mettre fin à cette conversation des plus déroutantes. S’étant extirpée du lit et faufilée sur le balcon pour ne pas réveiller Matt en parlant trop fort, elle n’avait cependant plus aucune envie de bouger de là après avoir parlé quelques dizaines de secondes à peine à son aîné. La conversation comprenait autant de moments de silence que de mots arrachés les uns à la suite des autres. Ils étaient deux inconnus gênés de s’avoir au téléphone sans savoir quoi se dire. Ou presque. Joseph savait quoi dire, il savait quoi demander. Et sa cadette d’accéder à chacune de ses requêtes dans la seconde, bien sûr qu’elle y accédait. Il est stupide, elle le déteste, il est le roi des cons au pays des imbéciles, mais il reste encore et toujours son frère, son stupide frère qu’elle essaye de cacher tant par besoin de se protéger elle, et lui par la même occasion. Elle entend son coeur pulser jusque dans ses oreilles, seul son dans une Brisbane qui n’est pas même encore réveillée. Aujourd’hui elle est prête à parier qu’elle n'observera pas le soleil se faufiler peu à peu dans leur chambre par l’immense fenêtre, tout comme elle s’en veut déjà de devoir abandonner un des hommes les plus importants de sa vie pour un second. Finalement la brune s’accorde une large et dernière inspiration avant de réellement débuter cette journée qui s’annonce chaotique.

Trouvant rapidement de quoi s’habiller dans la chambre qu’elle souhaite garder dans la pénombre, elle se contente de passer ses doigts dans ses cheveux pour qu’ils aient l’air un minimum coiffés. Ou pas trop décoiffés, surtout. Ses derniers gestes sont pour Matt qui est encore miraculeusement endormi, lui dont la joue se retrouve sous les lèvres de la brune alors qu’elle lui annonce revenir bientôt. Il grogne sans répondre, ses lèvres s’attardent, ses doigts glissent dans sa nuque. Elle ferme les yeux, désolée de ne pas pouvoir tout lui raconter. C’est pour son bien à lui aussi, c’est pour le protéger lui aussi.

Joseph Keegan.
Je suis là pour Joseph Keegan.
Je voudrais parler à Joseph Keegan.

Elle s’est perdue dans la ville, la brune qui y habite depuis toujours mais qui jamais ô grand jamais n’aurait un jour cru devoir passer les marches du commissariat. Son téléphone oublié chez elle, la voilà qui a tourné en rond bien plus longtemps que de raison, les yeux au bord des larmes et le coeur prêt à exploser. Le sentiment d’impuissance l’accablait et pour une fois que Joseph demandait son aide en vingt années passées en tant qu’adulte, la voilà qui ne pouvait finalement pas accédé à sa demande. Elle a eu besoin de beaucoup de persévérance et de disputes à sens unique contre sa voiture pour qu’elle arrive finalement à l’accueil du commissariat, la voix aussi tremblante que chantante.

Elle était toujours un rayon de soleil en temps normal et aujourd’hui encore ne devait pas faire exception à la règle et quitte à porter un masque, elle s’en tiendrait à cette apparence là. Ses grands yeux bleus passent d’un agent à un autre alors qu’elle précise sa requête, appelant toujours son frère par son nom complet, comme si elle ne s’autorisait toujours pas à révéler leur lien de parenté et toutes leurs années de vie commune. Joseph Keegan. Pas Jo, pas tête d’ampoule. Simplement Joseph Keegan. Rien à voir avec elle, donc, Lily McGrath.

Ses pas se pressent le long du couloir, ses petits talons de jeune femme bien élevée claquant contre le sol et résonnant dans les lieux vide de toute chaleur. Une inconnue accède à sa requête, elle la remercie d’abord d’un hochement de tête suivi d’un battement de paupières avant de déjà s’inquiéter de nouveau du sort réservé à Joseph Keegan. “Est ce que je peux le voir ?” Les uns après les autres, elle articule doucement chaque mot et les pèse avec une minutie incroyable, ne sachant ce que l’inconnue sait ou non, ne sachant même ce que Joseph a fait. S’il s’agit encore de drogue, elle se jure déjà de le laisser pourrir dans sa cellule jusqu’à ce que ses idées soient remises en place. “Est ce que … il va … bien ?” ‘Bien’ étant un terme totalement relatif chez lui, elle se contentera sûrement de savoir qu’il est toujours en vie. Ce serait un bon début, oui.

merci de me laisser m'incruster,
si y'a quoi que ce soit n'hésitez paaas. Broken [Liv&Jo] - Page 2 873483867
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyJeu 7 Mai 2020 - 23:42


@Joseph Keegan & @Lily McGrath ✻✻✻ J’observais, sans me cacher, les mains de la jeune femme s’agiter contre le tissu de son vêtement, tentant de s’occuper entre elles pour ne pas demeurer inactives, semblables à ces papillons de nuit frénétiques et affolés, s’acharnant à se griller les ailes au contact de lumière trop vives, désireux tout de même de continuer à voler, toujours, autour de flammes trop flamboyantes. Je notais le décalage flagrant entre l’harmonie apparente que son visage tentait de dégager et ces doigts qui s’exprimaient, révélant l’angoisse étant la sienne. Si la politesse avait été de rigueur, je me serais résolue à détourner les yeux, à feindre ne pas le remarquer, à accepter de composer avec ce qu’elle souhaitait révéler. Mais la politesse n’était plus de rigueur par ici. Elle l’était rarement en ce lieu et je me trouvais dépossédée de trop d’informations aujourd’hui pour me permettre de l’embrasser totalement. Je me décalai lentement du mur contre lequel je m’étais laissée m’appuyer, décroisant mes bras de ma poitrine pour me concentrer sur l’inconnue approchant dans ma direction, les regards égarés autour d’elle, appréhendant l’espace qu’elle ne semblait avoir jamais eu l’occasion de fréquenter, d’une quelconque manière que ce soit. Je demeurais attentive néanmoins car la comédie était ce talent que de bien trop nombreuses personnes semblaient posséder, enseignement acquis avec le temps que je ne cherchais plus à ignorer. Ne sois pas si méfiante, Liv. Oh, mais je l’étais. Je l’étais avec les autres autant que je m’acharnais à le rester envers moi-même. Aujourd’hui ne faisait pas exception lorsque les évènements de la matinée continuaient de défiler dans mes songes usagés d’une nuit à travailler sans parvenir à y déceler le moindre début de réponse satisfaisante. Je savais dans le fond que mon objectivité laissait à désirer lorsque cela touchait Joseph. Que je n’arrivais plus réellement à distinguer ce qu’il avait accepté de me laisser voir de ce que j’avais composé au cours de ces dernières années en pensant à lui et à cette vie qu’il avait choisie.

« Est ce que je peux le voir ? » La voix gracile et précautionneuse de la jeune femme me parut parvenir d’un autre univers, un plus délicat, un moins prévisible, un n’ayant pas sa place dans le marasme au sein duquel elle s’apprêtait à pénétrer, et j’acquiesçai d’un signe de tête imperceptible en cillant lentement pour répondre à sa demande. Approuver d’une quelconque autre manière ne me semblait pas essentiel car l’hésitation prenait de nouveau place dans sa contenance alors qu’elle semblait chercher les mots pour sa prochaine interrogation, une plus substantielle, une moins évidente à formuler lorsque l’on craignait la réponse. « Est ce que … il va … bien ? » Je plissai des yeux. Elle attendait une réponse, n’importe quelle réponse, se préparant à toutes, je pouvais le voir à son regard un peu sévère, à son air un peu plus vulnérable. La lumière froide du commissariat semblait recouverte d’un voile opaque que la jeune femme peinait à agripper et je me décalais pour l’y aider, montrant d’un signe de tête la direction dans laquelle je m’engageais, la seconde d’après. « Par ici. » Je choisissais finalement la moins complexe de ses interrogations pour y répondre placidement. J’aurais pu lui mentir, n’est-ce pas, lui dire que tout allait bien lorsqu’elle ne me reverrait probablement plus jamais suite à cela. J’aurais pu lui mentir, également, à lui dire l’inverse, la forçant à s’imaginer toutes sortes d’horreurs alors qu'il avait su échapper à la pire, la définitive, la fatale. Elle s’en doutait, dans le fond, que la réponse était plus mesurée, plus ambivalente qu’un simple oui ou non. Elle était venue pour cela, n’est-ce pas, avait accepté de venir s’enfermer au sein d’un lieu la mettant vraisemblablement mal à l’aise afin d’obtenir les réponses de la part de Joseph, pas d’une inconnue.

Je tournais dans les dédales des couloirs, laissant mon regard parcourir les visages que nous croisions en chemin, lisant la perplexité sur certains d’entre eux car la direction que nous empruntions n’était pas celle des prises de dépositions, des interrogatoires, de quoique ce soit qu’il était possible de s’imaginer en me voyant en la compagnie de celle dont je ne connaissais toujours pas le nom mais qui ne semblait avoir ni l’apparence, ni l’attitude habituelle par ici. « Il est en cellule. » rajoutai-je après quelques secondes. Je laissai mon regard se diriger vers son profil alors que nous continuions d’avancer. « Il y a tenu. » précisai-je, coupant court aux capacités de son esprit d’imaginer les délits ayant pu être commis pour le mettre dans cette position. Lui permettant à la place de s’égarer un peu plus néanmoins. Qui pouvait tenir à être enfermé, volontairement ? Joseph. Joseph, apparemment. Et cela répondait à sa réponse, n’est-ce pas ? Il ne va pas bien, non. Et peut-être n’étais-je pas en droit de continuer. Peut-être n’étais-je pas en droit de le vouloir, même. Pas en droit de lui formuler des demandes que je n’étais pas certaine d’avoir su honorer moi-même et qui me paraissaient alors déplacées. Mais j’avais l’habitude de l’être désormais, accoutumée également au fait de ne pas respecter ce que les gens désiraient garder pour eux par ici car cela n’était jamais de bon augure. Jamais bien intentionné. Je ne savais rien de cette jeune femme, ignorais tout des maux de Joseph et de ce qu’il espérait d’elle. Nous frôlâmes le mur silencieux alors que nous tournions de nouveau à l’angle et je m’arrêtai finalement devant une porte en me tournant dans sa direction, la main apposée sur la poignée. « Je ne sais pas qui vous êtes, je veux juste savoir que ce ne sera pas pire après votre départ. » Je ne lui demandais pas son nom, pas plus que je n’avais insisté auprès de Joseph pour connaître les raisons de sa venue ici. Je l’accompagnais ici, étant prête à les laisser seuls, mais je voulais juste savoir cela. On ne feignait pas l’intention que je mettais dans mes mots. Mais si ces derniers eurent l’air fermes, mon regard, lui, parut moins abrupt que l’on aurait pu l’imaginer. Car je voulais bien croire également que l'on ne feignait pas, non plus, l’inquiétude comme elle le faisait.


 


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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyMar 12 Mai 2020 - 17:37

Le manque d’informations ne rend Lily que plus mal à l’aise encore. La question semblait simple, pourtant, et l’inconnue n’aurait eu qu’à répondre par un ‘oui’ ou un ‘non’. Oui il va bien, non il ne va pas bien. Elle serait restée digne peu importe la réponse, enfant devenue maîtresse de faux-semblants, mais maintenant qu’elle navigue en eaux troubles il n’y a plus grand chose de digne dans son attitude. « Par ici. » La brune tente de garder une attitude autant que possible impassible pourtant ses sourcils se froncent imperceptiblement et quiconque la connaîtrait un minimum saurait dire que si elle ne sourit pas c’est que quelque chose ne se passe pas bien. Finalement elle continue d’avancer sans aucune réponse, ce monde ne la rendant que toujours un peu plus méfiante à chaque nouveau pas dans l’inconnu.

Elle suit Olivia dans ce qu’il lui semble être d’interminables méandres, ses yeux bleus vissés sur l’arrière de son crâne pour ne pas avoir à regarder ni se souvenir de rien d’autre. Elle vient pour Joseph et seulement lui ; le reste n’importe pas, le reste n’a pas à être gardé en mémoire. En occultant assez de choses alors elle sera capable de continuer à faire vivre son parfait monde de faux-semblants. « Il est en cellule. » Ce détail ci, pourtant, sera bien difficile à oublier. Elle ouvre la bouche pour tenter d’ajouter quelque chose avant de se rendre compte qu’elle n’a de toute façon aucune question à poser. Ce n’est sûrement pas la première fois qu’il atterrit en prison, elle souhaite simplement savoir pourquoi cette fois-ci est tellement désespérée qu’il a dû faire appel à elle. « Il y a tenu. » Ces deux simples mots remettent en question tous les scénarios que Lily avait déjà pu essayer de créer en son esprit. Quoi ? Son masque tombe un instant et la surprise se lit sur son visage. Son Joseph à elle est un hors la loi, il se drogue et il vole, il fait tout pour ne pas retrouver une vie normale. Il fuit. Oh, il fuit bien et il fuit loin, son Joseph, alors pourquoi aurait-il voulu être enfermé ? Cela ne fait aucun sens.

La brune ravale silencieusement ses interrogations sans que cela n’ait rien de nouveau pour elle, ce rôle ayant sûrement été taillé sur mesure pour sa personne. Tout ce qu’elle désire désormais se résume à retrouver son frère et s’assurer de ses propres yeux qu’il s’agit bien de lui et non pas de son parfait sosie, stupide au point de se faire enfermer de lui même. « Je ne sais pas qui vous êtes, je veux juste savoir que ce ne sera pas pire après votre départ. » Le rire de Lily qui s’ensuit est nerveux au possible, elle même incapable de savoir si elle sera réellement en mesure d’arranger quoi que ce soit. Sûrement pas, non, sinon elle l’aurait fait il y a bien des années de ça. L’inconnue l’intrigue entre son métier qui semble lui donner un coeur de pierre et ses mots derrière lesquels elle décerne (ou souhaite décerner, tout au moins) une véritable empathie pour Joseph. Elle doute réellement qu’elle traite tout le monde de la même manière mais doute encore plus que son frère soit réellement capable de s’attirer la sympathie de qui que ce soit.

La main qui se pose sur la poignée ne lui inspire aucune confiance, l’inconnue ressemblant soudainement bien trop à leur mère laquelle interdisait à Lily de s’aventurer trop loin dans les différentes pièces de la maison pour ne pas retrouver une énième altercation entre Joseph et leur paternel. Altercation, quel drôle de mot. “Je l’espère.” Elle a déjà bien assez menti dans sa vie et ne veut pas ajouter des énièmes mots pour lesquels elle ne sera jamais sûre de rien. Elle se pense être la dernière personne à appeler pour le bien de Joseph pourtant fuir maintenant ne lui ressemblerait pas - elle doit savoir comment il va. Le bout de son index appuie sur la mince partie de la poignée de porte que la main de l’inconnue n’entourait pas, l’infirmière ravalant sa salive une dernière fois avant d’entrer dans l’inconnu.

Elle a l’impression d’avoir changé de monde et passé un portail spatio-temporel pour se retrouver elle ne sait trop où si ce n’est ailleurs. Son coeur manque un battement quand elle discerne la silhouette de son aînée derrière les barreaux en fer d’une cellule qui n’a rien d’un jeu. Il ne s’agit plus de jouer à la bagarre avec les coussins du salon tout comme il ne s’agit plus de remettre son coude à sa place sur la table de la cuisine, lui qui venait tout le temps sur le territoire de sa soeur. Ses doigts fins passent autour de deux barreaux différents, son alliance tinte contre le fer. Lily se laisse doucement glissera au sol avant de finir en position accroupie, incapable de mettre de l’ordre dans ses pensées pour trouver la bonne chose à lui dire. “T’as dit que t’avais besoin de moi …” Elle souffle à peine, la voix enrouée. Cette journée est déjà bien trop remplie en émotions. “Mais je peux rien faire pour toi, là, Joseph.” S’il a voulu être enfermé de son plein gré alors elle aura bien dû mal à se convaincre (lui autant qu’elle) qu’il est mieux à l’air libre que contrôlé telle une marionnette. C’est pour son bien.
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptySam 16 Mai 2020 - 4:24

Il n’a jamais été de ceux qui pensent avoir toutes les réponses du monde et qui agissent comme si la Terre tournait autour de leur nombril. Joseph sait que ses connaissances sont limitées et que de nombreuses informations cruciales sont passées par-dessus sa tête quand il avait l’âge d’apprendre l’essentiel. Il n’est pas aveuglé par la situation dans laquelle il est tombé trop jeune et il n’a jamais perdu sa raison pour autant. Ce qui est devenu son quotidien hante les rêves des gens qui ont réussi à lier la stabilité à leur vie. Il sait qu’il ne pense pas comme les autres et que sa vision des choses a complètement été manipulée par les expériences uniques qu’il a vécues. Très peu nombreux sont ceux qui pourraient prétendre comprendre les raisons derrière sa si faible estime de lui-même, lui qui a toujours fait passer le confort des autres avant le sien. Parce qu’il sait ce que ça fait de sentir le poids du monde sur ses épaules, il connait la sensation du ventre vide au petit-matin et de l’absence de nourriture pour le rassasier, l’odeur de l’humidité et de la rosée du matin accompagnant sa mémoire même lorsqu’il rouvre les yeux entre les quatre murs d’une maison isolée. Et que la seule chose qui pourrait le détruire davantage, c’est de savoir que les personnes qu’il aime tombent à leur tour.

Mais il n’est pas un prophète même si c’est le terme qu’utilise Olivia pour décrire son besoin sordide de préserver ses proches. Il n’a fait que taire ses propres besoin pour subvenir à ceux des autres : il a offert un sourire à une petite fille qui se recroquevillait devant son futur incertain et l’a aidée à comprendre que les mauvaises choses ne durent jamais. « Et comment ça fonctionne jusque-là ? » Il l’entend sa question rhétorique. Elle n’a pas l’intention de le croire s’il prétend bien réussir – et puis, dans l’état qu’il se trouve, personne ne pourrait confondre le mensonge et la vérité. Il est l’œuvre d’un mauvais artiste et il est le premier à le réaliser en croisant son reflet dans le miroir. Il ne sait pas ce qu’il veut, il ne sait pas ce qu’il attend de la suite. Cela fait trop longtemps qu’il a arrêté d’espérer en ouvrant une nouvelle porte. « Tu reçois beaucoup de reconnaissance en retour ? » C’est un simple gloussement faux qui s’échappe de ses narines alors qu’il détourne les yeux pour ne pas supporter davantage les reproches dans le ton de la voix de son ancienne amie. Elle essaye de lui inculquer une leçon qu’il a déjà apprise mais il serait inutile de le mentionner. Il n’a pas le cœur à se battre pour le peu de dignité qu’il lui reste. Il est bien celui qui a demandé à se faire enfermer dans une cellule parce qu’il n’y avait plus d’autres options qui s’offraient à lui. Et, maintenant, il demande à passer un appel parce qu’il y a bien une personne à Brisbane qui connait sa connerie parce qu’elle coule aussi dans ses veines. Seulement, Lily a toujours été meilleure pour ne pas se laisser manipuler par le moindre atome qui l’entoure.  

Dans le peu d’intimité qu’il lui reste, il colle le téléphone d’Olivia contre son oreille et attend naïvement que sa sœur réponde de l’autre côté du combiné. Il est encore tôt, il ne connait pas son horaire, il a peu espoir qu’elle réponde à son appel. Pourtant, elle le fait, et Joseph n’arrive pas à comprendre pourquoi sa voix arrive à le rassurer malgré la distance qu’ils ont instaurée volontairement entre eux. Ils n’ont jamais été en bons termes depuis qu’il a quitté la maison familiale à un âge précaire mais ses muscles se détendent alors qu’il ferme lentement les paupières, réalisant seulement maintenant la fatigue qui submerge tout son corps. Elle arrive. Il va pouvoir cesser de lutter. Enfin.

À nouveau seul dans cette cellule qui représente la liberté pour la première fois, Joseph se permet de reprendre place sur le simili lit en métal dans le coin de la cage. Il ne s’en rend pas compte mais, quand son poids écrase les ressorts et les fait couiner, l’arrière de son crâne vient se poser contre le mur en béton et son cou trouve enfin le support dont il avait besoin pour cesser de trembler. Bien qu’il maintienne encore une pression sur son avant-bras recouvert de sang séché, cette dernière n’est plus nécessaire. Il a l’impression de lentement tomber dans les vapes, comme si le sommeil l’entraînait de force – et cela fait des mois que ce dernier ne l’a plus accueilli correctement. Les aiguilles de l’horloge font un bond imperceptible et c’est dans un sursaut qu’il se redresse lorsqu’une lourde porte claque dans le corridor. Trop déboussolé, il n’arrive pas à savoir s’il a dormi ou si son âme a quitté son corps pour finalement se faire refuser à la fin du tunnel blanc. La vision floue, Joseph cligne rapidement des paupières pour analyser les mouvements devant lui, mais derrière les barreaux, et il reconnait enfin la silhouette d’une jeune femme. Son premier réflexe est de se lever sur ses jambes faibles mais, étourdi, il se rassoit aussitôt en grimaçant. Il ne pourra donc pas faire croire à sa sœur qu’il va bien, plus maintenant. Les faux sourires ne feront plus l’effet espéré. “T’as dit que t’avais besoin de moi …” Oui, il se souvient. L’appel téléphonique qu’il a passé il ne saurait dire quand. Il ne sait pas s’il a l’impression d’avoir loupé une année complète ou seulement quelques minutes. C’est terrifiant, comme sensation. Malgré tout, quelque chose de minuscule arrive à le souder à la réalité : ses deux yeux asséchés fixent ce petit objet à l’annulaire de sa sœur et il ne saurait réagir correctement. Il sait cependant ce que ce dernier signifie : ils ne font plus partie de la même famille. “Mais je peux rien faire pour toi, là, Joseph.” Il n’est pas surpris de l’entendre souffler ces mots lâches : ils la représentent tellement bien. Lily, la petite fille parfaite qui n’oserait jamais mettre son doigt dans la préparation de gâteau sous peine de se faire taper la main. Lily, la mauvaise sœur qui préfère fermer les yeux sur la réalité pour s’en inventer une nouvelle. « T’as toujours dit ça. » L’aîné lance sèchement sans se rendre compte de l’agressivité dans le ton de sa voix. Il se reprend pourtant rapidement avec une voix plus posée. « Attends au moins de savoir pourquoi je t’ai appelée. » Il jette ensuite un regard à Olivia et, juste avant qu’elle ne tourne les talons pour leur laisser un semblant d’intimité, il l’arrête pour lui demander d’ouvrir la cellule afin de laisser Lily entrer. Elle hésite un moment mais comprend que les intentions de Joseph ne sont pas mauvaises : elles ne l’ont jamais été. La sœur et le frère se retrouvent donc ensemble entre les barreaux et Joseph ignore complètement l’inconfort dans le visage de sa sœur : elle va finir par s’habituer à la rudesse des lieux. Sans un mot, il tapote la place à côté de lui pour l’inviter à s’installer à ses côtés : « J’voudrais pas que tu te sentes mal à l’aise, debout dans cette cellule, à ne pas savoir où poser les yeux. » Il dit sur un ton qui se veut moqueur, bien que Joseph soit trop épuisé pour mimer la moindre émotion. Et, naturellement, son regard se porte à nouveau sur l’alliance qu’elle porte à son doigt. Sa gorge se noue et ses yeux rougissent davantage – si c’est possible – mais il arrive de justesse à retenir de nouvelles larmes. Lily ne représente que le bon côté des choses, le verre à moitié plein, le devant de la médaille. Évidemment qu’il a toujours été jaloux d’elle.« J’imagine que c’était le plus beau jour de ta vie. » il tente, à propos de son mariage, bien que ça n’ait aucune importance pour lui. Elle l’a lâchement jeté et il devrait faire la même chose mais… il l’a déjà fait à quinze ans et il ne veut pas commettre la même erreur.          
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptySam 16 Mai 2020 - 22:02

« T’as toujours dit ça. » Les mots font mal parce qu’ils ne sont que pure vérité de la part de la personne qui la connaît le mieux en ce monde, sûrement. Elle a toujours dit ça parce qu’elle a toujours fuit les problèmes comme la peste, que ce soient ceux de son frère, les siens, ou ceux du reste du monde. Elle n’affronte jamais rien, Lily, parce que cela signifierait avoir une chance, même infime, de faire face à l’échec. L’échec n’est pas une issue acceptable et sûrement pas envisageable non plus. Sans problèmes ni obstacles dans sa vie, elle ne peut jamais échouer. « Attends au moins de savoir pourquoi je t’ai appelée. » Elle souffle bien plus fort qu’elle ne le voudrait, gamine résignée qui s’attend à une énième histoire de drogue, le même genre qu’elle s’invente chaque soir en pensant à lui. Elle a déjà épuisé tous les souvenirs de leur enfance alors elle a dû s’en inventer de nouveau, bien moins réjouissants.

Se serait mentir que de dire qu’elle entre dans la cellule de gaieté de coeur mais malgré tout ce qu’elle peut reprocher à Joseph, la cadette sait pourtant que jamais il ne lui ferait de mal. Pas volontairement, en tout cas. A son tour, elle remercie du regard l’inconnue qui se plie aux demandes de son frère sans que la brune n’arrive encore à comprendre pourquoi. A partir de là chaque pas de Lily est calculé tout comme le sont ses respirations, comme si l’air de la cellule était différent que celui d’en dehors, comme si elle allait mourir si elle y restait plus d’une minute ou deux. C’est le monde de Joseph, ici, certainement pas le sien. Elle n’a rien à faire ici et pourtant elle en vient à se poser à côté de lui, retenant un haut le coeur ou un sanglot ; la frontière est floue. « J’voudrais pas que tu te sentes mal à l’aise, debout dans cette cellule, à ne pas savoir où poser les yeux. » Elle penche légèrement la tête sur le côté en regardant son aîné dans les yeux, ce genre d’attitude qui signifie ‘ne commence pas’ alors qu’elle a déjà engagé les hostilités d’elle même. Ils finissent toujours par se disputer, de toute façon, et plus personne ne garde les comptes depuis longtemps.

Le matelas grince, le matelas n’a de matelas que le nom. C’est sans doute semblable aux bancs sur lesquels il a l’habitude de dormir et elle de se poser pour nourrir les pigeons lors de ses pauses à la pharmacie. « J’imagine que c’était le plus beau jour de ta vie. »C’était un bien meilleur jour que celui où tu m’as lancé cette grenouille au visage.” Oui, c’était le plus beau jour de sa vie. Non, il n’a pas besoin de savoir. Non, il ne veut même pas savoir et est sûrement trop occupé à vouloir la faire se sentir mal. C’est réussi, comme toujours. Elle esquisse un sourire, comme si leur discussion ne reposait que sur de bonnes intentions. Les yeux de Joseph se sont tournés vers sa bague, ceux de sa cadette ne voient que les plaies sur son avant-bras. Sa voix brisée hurle qu’on lui amène un kit de premier de secours, demande à laquelle elle ne peut pas s’empêcher d’ajouter une formule de politesse, toujours égale à elle même. Quelques dizaines de secondes plus tard à peine, elle la récupère entre les barreaux de la cellule et revient se poser sur le lit. Même si elle est aujourd’hui une femme dans tous les sens du terme, elle n’a pour autant pas perdu son attitude d’enfant et elle en vient à faire glisser ses pieds sous ses cuisses pour venir s’asseoir en tailleur, face à son aîné. Ses doigts glacés s’occupent de précautionneusement venir reposer son bras entre ses jambes, gestes qu’ils ont étudié pendant des années sur les différentes parties de son corps. La seule chose qui change repose seulement dans l’éclairage négligeable de la pièce. “Raconte moi ce qu’il s’est passé, Joseph.” La demande est douce, elle provient d’une personne qui ne désire que son bien même si elle a été incapable de le lui faire comprendre depuis le premier jour. “Ça va piquer.Mais j’imagine que t’as déjà connu pire. Du genre de vraies piqûres.
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyMer 27 Mai 2020 - 6:14

“C’était un bien meilleur jour que celui où tu m’as lancé cette grenouille au visage.” Il aurait aimé avoir le cœur de rire pour la vingtième fois de cette anecdote qui arrive toujours à lui voler un gloussement ou à étirer ses traits vieillis mais c’est un silence creux qui répond à Lily alors qu’elle s’installe à ses côté sur la biscotte qui fait office de lit. Elle n’a pas l’intention de partager son expérience de mariage et il faut dire que Joseph n’est pas en état de les entendre : il est plutôt rassuré de constater qu’elle préfère ravaler sa langue. Il n’est pas question de robe blanche, de bouquet de fleurs, de gâteau bien plus beau que bon dans cette cellule. L’odeur sèche qui s’élève dans la salle tairait le plus bavard des bavards. Il suffit de prendre une seule inspiration pour sentir ses poumons se faire écraser par le poids de l’ambiance. C’est étrange pour le frère de voir sa sœur ici, elle qui a toujours fui son monde en prétendant ne pas le voir.

Mais les choses ne sont pas toutes colorées, Lily. Tu as beau porter l’alliance d’un homme qui saura peut-être te rendre heureuse, ça ne change rien : tu as cassé la dernière pièce qui n’était pas brisée. J’ai fait tous les efforts du monde pour ne pas te faire honte mais tu as toujours trouvé le moyen de rappeler à la foule que je suis le diable et toi l’ange. J’espère que tu oublieras nos différences maintenant que tu découvres l’odeur de la prison. Ton parfum, je ne le sens plus. Il ne m’empoisonne plus.


Les deux yeux inquiets de Lily sont rivés sur les plaies ouvertes qui couvrent l’avant-bras du jeune homme et il ne s’en rend pas compte. Il a l’impression de flotter sur un petit nuage tellement la fatigue l’a envahi. Il fixe ce bijou qu’il ne pourra jamais offrir à personne sans comprendre sa valeur. Lily n’a jamais voulu d’un mariage arrangé : elle a refusé le premier. Joseph n’arrive pas à réaliser qu’elle a véritablement changé, après tout. Un cri que seule sa sœur arrive à pousser le sort de sa contemplation et il comprend rapidement que cette trousse de premiers secours n’est pas pour elle, mais bien pour lui. Il ne peut retenir un ricanement en la voyant entre les mains de fée de sa sœur, soit parce que cette vision lui est familière, soit parce qu’il trouve cela ridicule qu’elle puisse penser pouvoir le soigner avec des pansements et de la crème. Il faudra bien plus qu’une petite boîte blanche pour le débarrasser de cette souffrance qui l’accompagne dès qu’il ouvre les paupières le matin, s’il a réussi à dormir. Malgré tout, il laisse Lily s’occuper de lui et détourne les yeux vers le sol pour ne pas voir la réaction dans son visage quand elle observera de plus près ces écorchures qu’il s’est lui-même infligé. Cette addiction n’a jamais été une fierté et elle lui rappelle tous les jours qu’il aurait dû s’engager dans la même voie que Lily. Il pourrait mettre la faute sur ses parents jusqu’à sa mort mais sa sœur sera toujours là pour défaire ses accusations : elle est devenue une jeune femme honorable – aux yeux de la ville, du moins. “Raconte moi ce qu’il s’est passé, Joseph.” Oh, tant de choses se sont passées, si tu savais, Lily, pendant que tu partageais ta vie avec un inconnu. “Ça va piquer.” Un très léger tressaillement secoue son bras lorsque le mouchoir gorgé d’alcool se pose sur sa plaie mais la douleur est supportable. Elle l’a toujours été quand c’était sa sœur qui la lui prodiguait. Au fond, il est rassuré : il n’est plus question de marques de piqûres et d’ecchymoses bleutées maintenant que les traces de l’aiguille ont été couvertes par le passage de ses ongles. Cette simple idée arrive à le rassurer. Il n’a jamais voulu prouver à sa sœur qu’il réellement misérable, comme elle le croit. « J’ai paniqué. J’savais pas ce que je devais faire. » Il ne prend pas le temps de réfléchir avant de répondre, et seulement maintenant il revoit derrière ses paupières l’agitation dans le corps d’Alfie alors qu’il s’arrache les cheveux pour se punir d’avoir oublié les méfaits qu’a subi son meilleur ami quand il n’était qu’un gosse. Par réflexe, il jette un coup d’œil autour d’eux pour s’assurer qu’il n’y a aucune oreille curieuse prête à entendre sa version de l’histoire. Il n’y a que sa sœur qui a le droit de savoir. Aucune justice ne devait être faite parce que personne ne pourrait comprendre. Les choses ne sont ni toutes grises, ni toutes noires. « Alfie a perdu la tête. » Il souffle afin de voir la réaction de sa sœur. Il ne sait pas si elle et le concerné se voient encore de temps en temps. À voir son air perdu, il comprend qu’elle ne comprend pas. Les lèvres à nouveau tremblantes, Joseph ramène ses cheveux sales vers l’arrière et en profite pour se cacher un peu le visage derrière sa paume et ses doigts. « J’suis incapable de vivre normalement en sachant que p-personne ne sait. » Sa voix se casse à ses derniers mots et il maintient sa tête basse pour empêcher Lily de voir les nouvelles larmes qui perlent à la commissure de ses paupières. « Il n’a plus de mémoire. Sa tête est d-devenue de la compote. Il bégaye au moindre mot qui c-compte plus de deux syllabes. Il ne dort plus. » Puis, un sourire nerveux étire ses lèvres et il lance sur un ton qui ne lui ressemble pas : « Et il pense que c’est un cambrioleur qui s’est attaqué à lui. » Un ricanement d’épuisement s’en suit avant que ce dernier ne se transforme en sanglots. Il regrettera plus tard de ne pas avoir eu la force de tourner la page sans jamais admettre sa faute. Il n'a jamais été un bon criminel.
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyJeu 4 Juin 2020 - 2:11

La brune quitte sa place sur le lit de fortune pour venir s’accroupir au sol devant son frère, malheureusement bien trop habituée à ce genre de scène. L’histoire semble se répéter et cela n’a pour une fois rien de rassurant. Lily aime sa routine, ses habitudes, elle aime savoir qui préfère le chocolat noir au chocolat au lait pour mieux préparer leur gâteau favori. Elle aime tout savoir sur tout le monde, elle aime s’improviser centre de l’attention et sauveuse du monde entier. Elle aime une infinité de choses dans ce monde mais soigner son frère blessé n’a jamais fait parti de cette liste, malgré le fait que ce soit dans sa liste de tâches depuis les premières années de vie. « J’ai paniqué. J’savais pas ce que je devais faire. » Ses incisives viennent emprisonner l’intérieur de ses lèvres alors qu’elle est incapable de lui répondre quoi que ce soit. Joseph est un éternel paradoxe et elle voudrait autant tout lâcher pour le sauver que tout oublier et lui avec et le laisser s’engouffrer en Enfer sans même s’en vouloir. Si jusqu’à aujourd’hui la deuxième option a souvent prévalu sur la première, n’en reste pas moins qu’elle prend toujours de son temps pour lui lorsqu’elle sent qu’il est sur le point de franchir le point de non retour. Alors elle finit par s’exécuter en silence, passant le coton imbibé d’alcool sur les plaies de son aîné. Elle utilise toute la douceur dont elle est capable et ne se risque à aucun commentaire, ses yeux rivés seulement sur les plaies se gardent bien de croiser les iris bleutées de son frère. Elle n’ose pas poser de questions supplémentaire, la gamine à jamais bien trop effrayée d’en entendre la réponse. Paniqué à propos de quoi ? Faire à propos de quoi ? Quel moment ? Qu’est ce qu’il s’est passé ? C’est à cause de qui, tout ça ? Pourquoi t’es là, Jo ? « Alfie a perdu la tête. » La simple énonciation du prénom la fige dans ses gestes pendant une seconde, une seule avant qu’elle retourne à la tâche. Sa main gauche est enroulée autour du poignet bien trop maigre de son aîné et pour peu, elle pourrait presque lui offrir une étreinte rassurante, ses doigts glissés dans les siens. Pour peu. La seule raison à la présence de cette main reste simplement pratique, pour l’empêcher de faire tout mouvement supplémentaire alors qu’il semble déjà s’être causé assez de mal. Ce n’est pas à propos d’Alfie qu’elle s’inquiétera un jour en premier mais bel et bien son stupide grand frère.

Chaque Keegan a sa technique de lâche pour cacher l’afflux de sentiments aussi diverses que variés et ils ont sû les perfectionner et les multiplier au fil des années. Certains familles se transmettent des secrets de génération en génération mais pour eux il ne s’agit que de l’art du paraître et de la meilleure technique pour porter un masque. Ils pourraient être associés à des caméléons, des foutus caméléons qui ne passent leur temps qu’à fuir et nier l’évidence. Ils préféreraient se brûler les yeux plutôt que de l’accepter. « J’suis incapable de vivre normalement en sachant que p-personne ne sait. » Elle aurait rigolé s’il n’avait pas perdu toute contenance avant. Lily n’est plus sa confidente depuis vingt ans et elle est venue à douter de réellement l’avoir été un jour. Ils ont toujours été trop différents, trop contraires ; deux pièces d’un même puzzle qui n’étaient pas voués à s’imbriquer. Elle trouve cela ironique que ce soit finalement aujourd’hui alors qu’il est dos au mur, littéralement, qu’il trouve enfin le temps de la tenir au courant de ce qu’il se passe dans sa vie. S’il n’avait pas fait preuve de faiblesse au moment de prononcer ces paroles alors oui, elle aurait encore tenu le rôle du méchant maintenant que personne d’autre que lui ne peut l’entendre. Avec lui il n’y a plus de masque à tenir et c’est bien là le seul avantage qu’elle trouve à sa présence à ses côtés ; ça et le fait de pouvoir le surveiller. « Il n’a plus de mémoire. Sa tête est d-devenue de la compote. Il bégaye au moindre mot qui c-compte plus de deux syllabes. Il ne dort plus. » La brune écoute à moitié, ses propres pensées brouillées par les larmes de son frère qu’elle entend couler les unes à la suite des autres sur ses joues sales et creusées par la faim. Le problème d’avoir une tradition transmise de génération en génération, c’est que l’illusion ne fonctionne pas entre eux. Elle le nie souvent mais elle sait bien mieux que personne ce qu’il se passe dans la tête de Joseph … la plupart du temps, en tout cas. Lily ne sait rien dès lors que cela a un rapport de près ou de loin avec Alfie, son double et son jumeau maléfique qu’elle a cru cerner fut un temps avant de tomber de plus haut encore. Les deux ne sont qu’une suite infinie de déceptions et autres trahisons, pour autant ils sont la famille, de sang ou non, qu’elle se doit de protéger.

Tout ce qu’elle fait désormais, c’est lutter pour ne pas laisser ses émotions l’envahir tout comme elles gagnent son frère. Elle s’obstine à passer encore et encore sur les plaies désormais largement désinfectées, elle s’acharne dessus de toute sa douceur alors que ses ongles s’enfoncent doucement dans la chair du poignet de Joseph quand celui ci renifle un peu plus fort que la fois précédente. « Et il pense que c’est un cambrioleur qui s’est attaqué à lui. » Enfin les mots semblent faire du sens et elle ajoute les confessions les unes à la suite des autres, horrifiée devant le puzzle qui se dresse devant ses yeux. Elle se laisse tomber sur les fesses, ses dents rappant l’intérieur de ses lèvres alors qu’il est encore bien trop tôt dans la journée pour s’autoriser à pleurer comme le fait Joseph. Elle n’en a pas le droit et encore moins la force. Le coton devenu orange par l’action du sang est de nouveau déposé au sol alors qu’elle se refuse toujours à égarer ses yeux plus haut que nécessaire et surtout pas au niveau du regard de son aîné. Au contraire, ses doigts fins et fatigués s’activent à rapprocher les pans de son jean déchiré comme si elle avait le pouvoir de recoudre le tout et faire comme s’il n’avait jamais été abîmé. “Qu’est ce que tu veux que je te dise ?” Les mots brûlent et la détruisent elle même un peu plus, si tant est que ce soit encore possible. Son ton est fatigué et cela n’a rien à voir avec l’heure matinale, elle termine en expirant longuement. “Tu t’attaques même à ceux qui ont toujours été là pour toi.” Quoi qu’elle en pense, Alfie a toujours été le plus proche ami de Joseph si ce n’est même son seul ami. Ils faisaient d’horribles choses ensemble mais au moins ils étaient deux et ils pouvaient se protéger. Dans un sens, c’est tout ce dont elle a toujours aspiré avec lui. Elle a toujours voulu être à ses côtés, être avec lui dans ses mauvais plans et dans les pires encore, tant qu’ils restaient ensemble la morale lui importait bien peu. Elle continuait d’aller sur le bord de la rivière avec lui tout en sachant qu’il allait se moquer de ses manières et de sa peur bleue des grenouilles ; elle le faisait parce qu’au moins ils passaient du temps ensemble. Maintenant elle ne le reconnaît plus, il n’est plus que l’ombre de lui même et le Joseph de leur enfance est bien loin. La vérité, c’est qu’elle craint d’être la prochaine sur la liste infinie des dommages collatéraux qui bordent son chemin de vie. “Et maintenant que tu me l’as dit tu vas faire quoi ? Disparaître ? Te piquer ? Tu comptes me rappeler dans un an encore ?” Ce n’est qu’à ce moment là que ses yeux remontent, l’instant où l’enfant assise sur le sol relève la tête pour pouvoir observer le bleu des yeux de son grand frère, plus profonds que jamais maintenant que les larmes les révèlent. “On va jouer à ça combien de temps Jo ?” Ses mains entourent désormais ses genoux alors qu’elle se recroqueville un peu plus à chaque seconde, gardant pourtant le dos droit comme signe de sa bonne éducation. “Je peux pas me battre pour deux.” La sentence tombe alors qu’elle tente encore et toujours de capter ses yeux derrière ses mèches brillantes de sébum. Ils semblent appartenir à deux mondes différents, deux lignes qui auraient dûes être parallèles et ne jamais se croiser. “Je m’en moque de ce qui est arrivé à Alfie.” Aussi triste cela puisse être, aussi injuste cela puisse paraître, aussi évident la faute puisse-t-elle reposer sur les épaules de son frère, Alfie n’est pourtant pas de sa famille. Elle note mentalement de prendre de ses nouvelles un jour où tout semblera moins loupche mais pour l’heure encore, Joseph reste sa seule et unique priorité. Jo reste le seul qui compte, malgré qu’il soit le pire imbécile que la Terre ait porté. “Je t’ai pas invité parce que je sais que t’aurais jamais cautionné l’émission. Ni même le mariage. Parce que les parents te disaient toujours de trouver une bonne femme et que toi tu levais toujours les yeux au ciel.” C’est ce qui ressemble le plus à un pas en avant à son sens. Elle dévoile une partie de sa vie tout en se gardant bien de préciser des détails qui n’ont rien de détails, c’est à dire qu’elle a trouvé dans cette stupide émission le plus loyal et parfait mari qui soit. Ses doigts jouent de l’alliance alors qu’elle déglutit à son tour avec difficulté. Ils ont encore beaucoup de chemin à parcourir.
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyJeu 4 Juin 2020 - 21:36

Il n’a pas appelé n’importe qui. Il aurait pu composer le numéro de Deborah mais ce n’est pas ce qu’il a fait parce qu’il y a bel et bien une différence entre elle et sa sœur : il n’y a que Lily qui arrive à prendre soin de lui sans qu’il ne se replie dans sa carapace en lui assurant de bien aller. Il a toujours été réticent vis-à-vis des mains généreuses qui se tendent vers lui et il n’y a que celle de sa sœur qui arrive à mettre du baume sur ses plaies. Il garde le silence quand elle s’attelle à dissiper ses maux car c’est ce qu’il a toujours fait. Il n’y avait qu’elle pour essuyer le sang ruisselant dans son dos et qu’elle pour l’entendre pleurer en silence tellement la douleur était insupportable. Lily le sait : il n’est pas le brave type qu’il prétend être, celui qui n’a besoin de personne pour surmonter les obstacles. Il n’a jamais été un solitaire même s’il prétend être incassable. Il le joue bien, son jeu, il n’y a que Lily qui peut déjouer ses cartes.

Il a tout simplement fini par accepter qu’il ne pourrait pas porter son masque devant tout le monde. Il ne sert à rien de se camoufler derrière un faux visage devant une personne qui connait chacune de vos failles et de vos rides.

“Qu’est ce que tu veux que je te dise ?” Ce n’est pas une surprise pour Joseph quand Lily défend automatiquement son incapacité à régler ses problèmes. Elle n’est pas celle qui a mis sa main dans la flamme et jamais le garçon ne pourrait prétendre le contraire. En jouant les innocentes, elle a fini par le devenir. Oh, Lily. Tu n’as jamais rien fait. Et te voilà à recoudre les trous dans mon jean comme si tu allais en même temps refermer celui dans mon cœur. “Tu t’attaques même à ceux qui ont toujours été là pour toi.” Si seulement elle avait tort. Au fond, ça la protège : elle l’a rayé de sa vie pendant assez longtemps et l’a rejeté dès lors que les armes ont été posées pour être remplacées par une boisson Starbucks beaucoup trop sucrées. Elle n’a rien à craindre. Elle n’a jamais réellement été là pour lui. Mais qui serait-il pour juger s’il est le premier à l’avoir abandonnée. “Et maintenant que tu me l’as dit tu vas faire quoi ? Disparaître ? Te piquer ? Tu comptes me rappeler dans un an encore ?” Un tressaillement le secoue et il se pince les lèvres en la maudissant de lui avoir rappelé l’aiguille. La lutte n’est pas terminée et elle est la seule raison qui l’a poussé à s’enfermer. Oui, il a envie de disparaître une première fois, de se piquer, et de disparaître pour de bon. Pour ne plus jamais la rappeler. Mais son instinct de survie a toujours été plus fort que le reste, le rendant complètement fou de vie. C’est celui-là même qui creuse ses joues, qui noircit son regard et son âme, qui le transforme lentement en ce qu’il n’aurait jamais dû être. « N-non. » Ce mot est seulement soufflé et grugé par les tremblements. “On va jouer à ça combien de temps Jo ?” Le jeu perdure depuis plus de vingt ans, il est devenu une réalité. Fuir, hurler à l’aide, fuir, hurler à l’aide, serrer les dents, taire la vérité puis recommencer jusqu’au point de non-retour. À les voir, on ne saurait dire s’il existe réellement un amour fraternel qui les uni ou si ce n’est que la honte qui fait croiser leur chemin sans arrêt. La honte de ne pas parvenir à réparer une relation frère et sœur qui aurait dû surmonter même les plus hautes marches. “Je peux pas me battre pour deux.” Une nouvelle vague de larmes perle à ses yeux alors qu’il pense comprendre où le chemin de ses paroles la mènent. Elle n’a pas le cœur à le sauver une énième fois parce qu’elle n’y arrive tout simplement plus. L’alliance à son doigt lui rappelle que les pages du livre ont tourné. “Je m’en moque de ce qui est arrivé à Alfie.”

L’entièreté de ses membres se détend. Il fixe le vide plusieurs secondes en clignant des paupières pour nettoyer sa vision floue. Ses oreilles font peut-être défaut. Il attendait les reproches que mérite un agresseur, à des coups contre sa peau déjà marquée. Mais ce ne sont que les ongles de Lily qui pénètrent son poignet sans qu’il ne réagisse. Cela fait trop longtemps qu’il ne sent plus la douleur. « Quoi ? » Il réussit enfin à demander après avoir douloureusement avalé sa salive. Peut-être espérait-il qu’elle le dénonce à tous ces flics qui les entourent pour lui éviter de le faire. Mais elle n’a pas l’intention de dire un mot et il réalise qu’il l’a appelée pour cette raison : si même ses parents l’auraient jeté devant un juge, elle, elle ne le trahirait jamais. “Je t’ai pas invité parce que je sais que t’aurais jamais cautionné l’émission. Ni même le mariage. Parce que les parents te disaient toujours de trouver une bonne femme et que toi tu levais toujours les yeux au ciel.” Un sourire étire ses lèvres. Celui qui décore le visage d’un enfant qui reçoit le pardon de sa mère après avoir dévoré une part de la tarte avant l’heure venu. Contrairement à ce que projettent les apparences, Joseph ne fait pas partie de ces gens qui lèvent leur majeur à l’amour. Seulement, jamais il n’a eu l’occasion de faire vivre ce sentiment dans ses tripes. L’amour, c’est de prendre soin d’une personne et d’entrer dans sa chambre même lorsque l’air de cette dernière est condamné par une grippe sévère. Et c’est de savoir que cette personne fera la même chose en retour.

Seulement…

Joseph il refuse de contaminer quiconque de sa connerie.

« Lily… » Il arrive à prononcer entre deux gloussements saccadés par un mélange d’amusement et de douleur. « Je crois en l’amour. J’ai… Simplement toujours eu peur pour t-toi. Parce que, toi, tu attendais le prince. Et le premier t’a blessée. » Son regard se pose sur la plaie désinfectée à son bras et il voit pour la première fois la profondeur des éraflures. Il doit avoir pété les plombs s’il ne sent absolument pas la brûlure de la blessure. « Tu penses réellement que j’aurais interrompu ton mariage comme les c-cons font dans les films ? » Il secoue la tête de droite à gauche, les lèvres entrouvertes, unissant le bleu de ses yeux à celui de ceux de sa Lily. « Non. Jamais. Mais j’me s-serais assuré qu’il te t-traite bien. Parce que tu mérites de prendre soin de quelqu’un qui pourra le faire en retour. Tu mérites d’arrêter de f-faire semblant d’être parfaite et de trouver quelqu’un qui verra que tu ne l’es pas, comme moi j’le vois. On est des Keegan, quand même. Y’a une faille quelque part. » Il termine en ricanant mollement en essuyant ses yeux du revers de la main.
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyDim 7 Juin 2020 - 20:50

La brune exagère largement quand elle dit ne pas se préoccuper de sort d’Alfie et pour autant si elle avait à choisir entre les deux hommes, elle ne réfléchirait pas longtemps. Si elle devait mentir pour sauver son frère d’une quelconque inculpation alors elle le ferait sans hésiter et en arborant son plus beau et flamboyant masque : celui de la femme parfaite. « Quoi ? » Joseph doute et questionne, il demande une confirmation là où il n’en trouvera aucune. Ses oreilles ne lui font pas défaut et ses yeux observent bien le regard fuyant de sa cadette. Elle est la première à pointer du doigt chaque agissement se dérobant du droit chemin et de la Loi, de la Règle ou même de la Norme pour autant quand il s’agit de protéger le sang de son sang elle serait prête à tout oublier. Les apparences sont trompeuses à bien des niveaux chez les Keegan. Lily ne le répétera pas mais il sera toujours le premier qu’elle choisira ; sans doute pour être la première à pouvoir lui faire la morale juste après l’avoir sauvé de la damnation éternelle.

Par delà tous les mots, c’est le simple sourire de Joseph qui suffit à la rassurer. Il arrive entrecoupé de larmes et de soubresauts mais il a le mérite d’exister et c’est finalement tout ce qui compte, quand à son tour elle le lui rend faiblement mais de tout son coeur. Elle ne se souvient pas de la dernière fois où elle lui a souri. « Lily… » Pourtant toute conversation débutant par son prénom lui laisse pressentir qu’elle ne sourira pas bien longtemps. Ses mâchoires se rétractent par habitude, prêtes à encaisser le choc et revenir à la case départ une fois de plus. Elle n’en serait même pas étonnée, simplement encore un peu plus fatiguée et lasse de se battre pour deux alors qu’il fait toujours son possible pour retourner dans ses retranchements. Alors elle déglutit, elle attend. Son sourire disparaît et le bleu de leurs yeux se fait de nouveau face ; elle se déteste d’être assise sur le sol et d’avoir à lever la tête vers lui, cela ne lui rend la tâche que plus aisée encore. « Je crois en l’amour. J’ai… Simplement toujours eu peur pour t-toi. Parce que, toi, tu attendais le prince. Et le premier t’a blessée. » De tous les coups de grâce qu’elle s’apprêtait à recevoir, celui ci ne faisait définitivement pas parti de la liste. Il n’a d’ailleurs rien d’un coup de grâce mais tout d’un Joseph qui ose enfin s’ouvrir, comme il le faisait avant, une fois la porte de sa chambre fermée. Les souvenirs douloureux qu’il laisse remonter à la surface lui font mal, elle les a minimisé pendant bien trop d’années pour accepter d’en reparler un jour - tout est rendu d’autant plus difficile qu’elle ne se souvient bien trop amèrement de leur dernière discussion à ce propos. “C’était un malentendu.” Elle nie, elle se voile la face. La brune a élaboré un si beau et si parfait mensonge qu’elle a elle même finit par y croire. Après tout son corps n’est marqué d’aucune cicatrice et elle n’a eu qu’un bras cassé une fois mais c’est simplement parce qu’elle a trébuché dans les escaliers de leur maison de plain pied ; ce qu’elle peut être maladroite. Il ne lui a rien fait, son prince. C’est Joseph qui a mal compris, parce qu’il n’était pas là pour voir le plus beau des faux sourire sur les lèvres de sa petite soeur. Il n’était pas là, il ne peut pas savoir à quel point tout n’est que malentendu. Le sourire préconçu de la cadette Keegan tend à le lui prouver désormais, il semble emprunté à un autre monde tellement il n’est en rien en adéquation avec la cellule de prison, le manque d’aération de la pièce, le sol miteux tâchant son pantalon blanc et les larmes de son frère se faufilant le long de ses joues pour venir mourir sur ses genoux.

Lorsqu’il répond enfin au regard de Lily, la comédie devient difficile à faire perdurer pour la jeune femme qui a pourtant un don sans pareil pour le mensonge. Elle ment à tout le monde, tout le temps. Sauf Joseph. Gamine, elle a toujours été incapable de lui cacher quoi que ce soit. Adulte, elle se déteste de ne toujours pas avoir su apprendre à le faire. « Tu penses réellement que j’aurais interrompu ton mariage comme les c-cons font dans les films ? » Ses émotions viennent mourir entre ses lèvres qu’elle pince de ses dents, Joseph ayant des mots que jamais elle n’aurait cru un jour entendre de sa bouche. Il la met face à ses choix, il lui tend le pire miroir qui soit pour qu’elle puisse observer les conséquences de ses actions lorsqu’elle ne pense qu’à son propre sort. A ça elle n’a rien à répondre. Elle pourrait se défendre et expliquer toute la vérité, pleine et entière, mais ses yeux ne voient plus que les marques sur le bras de son aîné et tout ce qu’elle peut bien penser c’est que tout n’est que de sa faute. « Non. Jamais. Mais j’me s-serais assuré qu’il te t-traite bien. Parce que tu mérites de prendre soin de quelqu’un qui pourra le faire en retour. Tu mérites d’arrêter de f-faire semblant d’être parfaite et de trouver quelqu’un qui verra que tu ne l’es pas, comme moi j’le vois. On est des Keegan, quand même. Y’a une faille quelque part. » Sa langue glisse sur son palais et sur ses dents pour l’occuper à quelque chose, elle glisse pour lui rappeler qu’il n’est jamais bon d’exposer ses émotions et surtout pas celles qui la rendent faible - humaine. Elle voudrait rire mais son corps retient des larmes depuis bien trop longtemps si ce n’est toujours, elle lutte donc une ultime seconde avant de cacher ses yeux derrière ses paumes de main. Lily ne se souvient pas de la dernière fois où Joseph lui a sourit tout comme elle ne se souvient pas de la dernière fois où elle a pleuré devant qui que ce soit. Il refuse d’être un humain qui montre ses émotions positives et elle en fait de même avec les négatives, parce qu’ils sont des Keegan, parce qu’il y a une faille quelque part.

Lily remonte ses genoux jusqu’à sa poitrine pour mieux se cacher derrière, ses doigts sentent l’alcool et ils lui brûlent les yeux sans qu’elle ne s’en aperçoive alors qu’elle cherche seulement à faire cesser ses pleurs le plus vite possible de peur que quelqu’un d’autre soit témoin de la scène. Elle les trouve pathétiques, chacun à pleurer dans son coin tout en restant incapables d’avoir une conversation d’adultes. “Je voulais pas te balancer mon bonheur à la figure. C’est pour ça que je t’ai pas invité. C’était pour toi.” Elle était la plus heureuse femme du monde lors de son mariage et aujourd’hui encore, malgré les apparences, rien n’a changé. Elle nage en plein bonheur alors qu’il n’en est rien pour lui et elle ne voulait pas lui infliger ça, elle ne voulait pas la forcer à sourire sur les photos de groupe, elle ne voulait pas le forcer à dire un mot à la caméra alors qu’il n’en aurait sûrement pas eu envie. Lily sèche ses larmes du revers de la main et alors que le flot semble cesser, ce sont les hoquets qui prennent le relais. Elle a toujours le hoquet dès lors qu’elle pleure un peu trop et ce n’est pas Joseph que ça étonnera, lui qui prenait un malin plaisir à lui faire peur à l’époque sous couvert de ‘mais si Lily c’est pour toi que je le fais !!’. “Si j’arrête d’essayer d’être parfaite avec lui, promets moi que tu me laisseras t’aider.” Voilà que Matt est propulsé au milieu de promesses fraternelles alors qu’il n’avait signé que pour des vœux de mariage. Elle se promet qu’elle lui expliquera tout peu importe ce que répond son frère, le McGrath ayant rapidement gagné une importance capitale dans sa vie, bien au delà des alliances qu’ils partagent et s’amusent à laisser briller au soleil. “Et pas juste quand t’as plus personne à appeler et que t’es vraiment mal.” Reprenant contenance, le visage de la jeune mariée se durcit et elle se fait directive envers son frère. Si elle accepte de faire une aussi grosse concession qu’est l’abandon de son apparente perfection, elle souhaite qu’il en fasse de même. “Je veux pas que tu me voies comme la petite soeur à protéger.” Ce n’est plus comme avant. Leur père ne risque pas de changer de cible sur un coup de tête, son petit-ami ne risque pas de frapper le coup de trop parce qu’il aura bu la bouteille de trop allant avec. Les choses ont changé et eux aussi ; le monde avec. “Je l’aime, Jo. Je veux pas le perdre.” Aussi horrible personne son ex petit-ami avait-il pu être, elle vit avec le poids de sa mort sur la conscience. Si elle lui avait parlé il serait resté, si elle avait été meilleure il serait resté, si elle avait su être bonne pour lui alors il n’aurait jamais trouvé de raisons de s’énerver. Si elle a échoué avec lui et tous ceux d’avant, elle s’est promis de tout faire pour filer le parfait amour et la parfaite vie avec Matt, parce que lui aussi mérite d’être heureux. “Et toi non plus.” Et Jo aussi mérite d’être heureux, quoi qu’il dise et quoi qu’il pense.
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyDim 14 Juin 2020 - 5:29

Son estomac est retourné mais ce n'est pas parce que l’envie de gerber lui monte à la gorge. Joseph est plutôt confus, perdu, même, à travers tous les signaux incertains que lui envoie sa sœur. Elle évite son regard, semble honteuse – alors qu’il est celui qui devrait être bouffé par ce sentiment autodestructeur – et pas la moindre parcelle de colère noircit ses iris si bleues. Elle ne lui en veut pas. Il a commis un acte condamnable et elle réagit comme si elle était la fautive dans toute cette histoire. Pourtant, et Joseph le sait depuis seulement aujourd’hui, une place pour Alfie est réservée dans son cœur. Le frère vient peut-être de trouver une différence importante entre lui et sa sœur : sa loyauté dépasse la sienne.

Ou, alors, le sang passe avant les premiers amours.

“C’était un malentendu.” Un énième mensonge qu’elle formule comme s’il ne pouvait pas être puni. Elle a été aveuglée pendant trop longtemps et, même plusieurs années après la mort de celui qui colorait ses bras de bleu, elle continue à soigner sa mémoire. Qu’est-ce que ça pouvait bien changer qu’elle admette la vérité ? Joseph est le seul qui a vu les indices s’empiler et le seul à avoir fait quelque chose (bon, la décision qu’il a prise s’est ajoutée à la liste de toutes les conneries qu’il a faites mais personne n’a jamais su alors… Ce n’était qu’un triste accident de moto.). « Je ne comprends pas de quoi tu as peur. » Le jeune homme répond simplement, le ton désireux de comprendre. Pourquoi ne se défend-elle pas ? Elle n’a rien à perdre, seulement une victoire à récupérer. « Dix années ont passé. » Dix années qui la séparent de ce moment où elle a eu une deuxième chance alors que ce connard a perdu sa première. Dans un geste qui ne lui ressemble pas, Joseph s’était mis à serrer le bras de la jeune femme accroupie devant lui comme pour la réconforter, pour ne pas la laisser oublier qu’il est juste devant lui et qu’il ne disparaîtra pas si elle ferme trop longtemps les yeux. Elle est venue pour lui et il reste pour elle. Elle peut parler car lui, il l’a fait.  

C’est la première fois depuis l’événement Starbucks que le sujet est ramené sur la table. Ce fameux mariage auquel il n’a pas été invité. Toutes les hypothèses se sont accumulées dans la tête du rejeté. Il a d’abord pensé que Lily avait honte de lui – et il pense encore que c’est vrai. Il faut dire qu’elle n’a jamais été la première à présenter son frère avec un large sourire. Elle aurait préféré qu’il ne devienne pas ce qu’il est devenu. Elle lui en veut de s’être battu contre les règlements qu’on lui imposait quand il était trop jeune pour comprendre comment le monde fonctionne. Ensuite, il s’est dit qu’elle était assez superficielle pour penser que Joseph salirait les lieux blancs du mariage. Il fait tache dans le paysage, le délinquant. “Je voulais pas te balancer mon bonheur à la figure. C’est pour ça que je t’ai pas invité. C’était pour toi.” La réponse aurait dû lui plaire mais il ne se sent pas satisfait parce que cette dernière sous-entend que Joseph ne pourrait pas être heureux en voyant que les autres le sont. Pourtant, c’est ce qui compose son ADN. Elle n’a toujours pas compris, Lily. Mais il faut dire que le jeune homme épuise la moitié de son énergie à faire semblant de n’éprouver aucune infection envers elle parce que les émotions sont réservées pour les filles : c’est bien la seule leçon qu’il a retenue avant de quitter le foyer familial. Entre son père et le couteau qui se glissait en dessous de la peau du kangourou, il n’y avait pas de place pour les larmes. « Tu ne peux pas me p-protéger du monde entier, t’sais. Surtout pas des moments durant lesquels aucun sang n’est versé. » Il marque une pause, son nez se retrousse et il ricane mollement : « Ça fait longtemps que je n’ai pas été entouré de gens qui ne savent pas qui je suis. Ça m’aurait fait du bien d’être un inconnu pour les b-bonnes raisons. Le frère qui a les mêmes yeux que sa sœur, rien de plus. » Un léger sourire détend son visage et il déglutit pour ravaler des larmes de nostalgie. Ça lui manque d’être simplement un frère. “Si j’arrête d’essayer d’être parfaite avec lui, promets moi que tu me laisseras t’aider.” La promesse est difficile à faire. Il ne peut pas contrer son instinct si facilement. “Et pas juste quand t’as plus personne à appeler et que t’es vraiment mal.” Sa poitrine gonflée par une longue inspiration, il détache son regard du sien quelques secondes pour réfléchir. Ce n’est pas aussi simple qu’un coup de baguette magique. Mais il peut lui donner l’illusion d’aider son pauvre frère à la rue et accro au poison. Parce qu’il n’est pas réellement membre de la Ruche, non ? Il n’a pas recommencé à vendre de la merde : oh, jamais il ne ferait la même erreur. « D’accord. » Je ferai du mieux que je peux mais en faire la promesse me brûlerait la gorge. “Je veux pas que tu me voies comme la petite soeur à protéger.” Serait-ce une façon pour elle de le rassurer quant à son nouveau mari ? De lui dire que celui-ci est différent ? Qu’il n’oserait jamais faire ce que le premier a fait ? “Je l’aime, Jo. Je veux pas le perdre.” Doucement, il observe ses yeux eux aussi trempé et il tente de lire la berceuse derrière ceux-ci. Est-ce de l’amour qu’il voit ? Il ne saurait dire. Ce ne sont pas des sentiments avec lesquels il est familier. Mais, ce regard, il ne l’a jamais vu dans les yeux de sa sœur avant aujourd’hui. Il n’est pas question de peur et de silence imposé. “Et toi non plus.” Il ne s’en rend pas compte mais il serre à nouveau le bras de sa sœur, tendrement. C’est peut-être sa façon de la remercier d’avoir dit ces mots à voix haute. Il les a attendu pendant trop longtemps qu’il a fini par croire qu’ils ne seraient jamais prononcés. « Alors présente-le-moi. Et ne mens plus. Je ne suis pas ton gentil frère qui est parti cinq ans en Nouvelle-Zélande pour construire une école. J’ai fait des conneries, et je veux qu’il le sache. Je ne pourrai pas faire semblant d’être quelqu’un que je ne suis pas pour t’éviter d’avoir honte. Ce n’est pas moi qu’il a épousé. »  
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyJeu 18 Juin 2020 - 20:17

« Je ne comprends pas de quoi tu as peur. »
J’ai pas peur.” qu’elle affirme.
« Dix années ont passé. »
J’ai pas peur.” que sa voix tremblante confirme.

Ça ne change rien au fait qu’elle ait toujours autant de peur et que même mort elle craint encore et toujours de le voir passer le pas de sa nouvelle maison pour recommencer leur danse ecchymosée. Elle n’a pas peur ; ça restera toujours la réponse officielle et ce aussi longtemps qu’elle vivra parce qu’elle ne peut pas accepter que les choses puissent être différentes. Elle a appris, elle s’est ouverte, elle a partagé bien des choses. Mais pas ça. La main protectrice de son frère autour de son bras ne fait que lui remémorer de mauvais souvenirs dont elle tait l’existence. Lily ne partage pas son ex petit-ami dont elle se force encore à taire le nom, elle ne parle pas de leur enfant qui aurait dû naître il y a presque dix ans déjà. Il avait déjà un prénom ; il n’aura jamais de visage.

« Tu ne peux pas me p-protéger du monde entier, t’sais. Surtout pas des moments durant lesquels aucun sang n’est versé. » Elle le sait et pourtant elle ne cessera jamais de continuer à tenter de le faire, peu importe le prix, peu importe la manière. Elle a une façon singulière de le protéger et bien que le monde entier pourrait douter de son efficacité, Lily est bien trop butée pour accepter la simple idée d’avoir un jour fait fausse route. Elle continuera donc de le protéger contre des moulins à vent et elle le laissera seul dans les instants où il aura réellement besoin de son sang, parce que c’est ainsi qu’elle fonctionne, la guerrière lâche. « Ça fait longtemps que je n’ai pas été entouré de gens qui ne savent pas qui je suis. Ça m’aurait fait du bien d’être un inconnu pour les b-bonnes raisons. Le frère qui a les mêmes yeux que sa sœur, rien de plus. » Il pense au frère qui a les mêmes yeux de sa soeur et elle n’y voit que le frère qui n’a jamais existé. Ceux qui connaissent son existence se comptent sur les doigts d’une main dont la moitié des doigts auraient été amputés et dans ceux là aucun n’a même jamais eu connaissance de son prénom. Joseph est un mystère pour le reste du monde, à bien des niveaux. Sans doute qu’elle acceptera de le présenter quand elle aura elle même compris qui il est réellement et entièrement mais cela relève bien plus d’un rêve que d’un futur possiblement acceptable. Ils ont été élevé dans le mensonge et parmi les secrets, cela compose aujourd’hui leur ADN. Ils le transmettent à leurs proches, ils en feront part à leurs enfants. Si jamais au moins un des deux arrive à enfanter, du moins.

Quand il amène ses yeux ailleurs, le regard bleu de la cadette ne se fait que plus insistant encore. Ils mènent une bataille qu’elle n’abandonnera jamais, pas alors qu’elle sent qu’il peut basculer dans son camp à tout moment. « D’accord. » Elle souffle d’apaisement avant de se confier à son tour à propos des sentiments qui la lient nouvellement à Matt et ceux qui les ont toujours liés, eux, les deux Keegan. « Alors présente-le-moi. Et ne mens plus. Je ne suis pas ton gentil frère qui est parti cinq ans en Nouvelle-Zélande pour construire une école. J’ai fait des conneries, et je veux qu’il le sache. Je ne pourrai pas faire semblant d’être quelqu’un que je ne suis pas pour t’éviter d’avoir honte. Ce n’est pas moi qu’il a épousé. » La discussion prend un tournant plus qu’inattendu et Lily est prise de court. Elle aurait pensé préserver Matt du monde destructeur de son frère tout comme elle aurait sans doute préféré épargner à ce dernier de lui rappellera tout ce qu’elle a réussit à construire dernièrement alors que lui n’y est jamais arrivé. Elle se rassure en se disant qu’il rêve d’autres choses, sûrement, alors qu’au fond elle sait que ce n’est pas le cas. Ils rêvent différemment mais le sujet reste toujours semblable. Ils n’aspirent qu’à être heureux. “C’est son anniversaire aujourd’hui. Il a trente-quatre ans.” A son tour de perdre ses yeux dans le vide, le mur sans vie de la prison lui offre le parfait carde pour s’imaginer d’incroyables aventures avec Matt et, désormais, son frère non loin. “Je lui ai fait un gâteau hier quand il était au boulot. Il est caché dans le placard des croquettes pour les chats, parce que sinon je sais qu’il l’aurait mangé.” Les croquettes pour Flocon et Neige ont été déménagées, tout a été prévu. Tout est toujours prévu, avec Lily. Tout, sauf dévoiler un pan de sa vie privée avec son frère. Cela ne correspond pas à ses envies (son besoin obsessionnel) de protection envers tout le monde. Ses larmes sèchent seules, au contact avec l’air froid et stagnant de la cellule. “La première chose que je me suis dit c’est qu’il n’avait que quelques jours de différence avec toi.” La première chose à laquelle elle a pensé en entendant sa date de naissance à leur mariage, c’est à lui. Même quand elle fait de son mieux pour l’oublier, elle ne cesse d’invariablement revenir vers lui. “Il part avec une ardoise blanche. C’est tout ce que je te demande. T’as pas à devenir son meilleur ami, mais laisse lui sa chance.” Parce qu’il le mérite et parce qu’il n’est pas lui, le premier. Parce qu’elle rêve déjà de bien trop de choses avec Matt pour qu’il ne puisse même essayer de l’extraire de sa vie - trop tard. “Si tu veux le voir, ça veut dire que tu dois accepter de sortir d’ici.” Ce qui semble être quelque chose de facile pour elle ne le sera sûrement pas pour lui. Malheureusement elle le connaît bien assez pour en avoir conscience et c’est de nouveau un regard quasi suppliant qu’elle garde tourné vers lui.
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Message(#)Broken [Liv&Jo] - Page 2 EmptyMar 23 Juin 2020 - 19:03

Lily n’a pas peur. Elle coupe son frère avant qu’il ne puisse faire valoir son point. Pourtant, il n’arrive toujours pas à la croire parce que les mensonges ont toujours coulé dans le sang des Keegan. Sois gentil, poli, honnête, et Dieu te remerciera. Ne mets pas les coudes sur la table ou les piranhas viendront les mordre. Tiens ton dos droit sinon tu finiras dans une chaise roulante avant que tu n’aies une première ride. Prends exemple sur ta sœur, elle est parfaite. Je n’ai pas besoin d’aide, je vais bien. Je n’ai pas peur ; je n’ai jamais eu peur. Élevés dans le mensonge, les deux enfants n’avaient pour choix que de continuer à l’utiliser. Mais, s’il y a bien une personne qui sait trouver le peu de vérité dans les mots de Lily, c’est bien Joseph. Mais, bien qu’il ait envie d’insister, de lui faire admettre que cet homme avait abusé d’elle, il comprend que la jeune femme n’est pas prête. Sa voix est tremblante, probablement autant que lorsque son ancien mari levait la main devant son visage. Alors, impuissant, il ne fait que baisser la tête et serrer les dents pour contenir sa déception de la voir agir ainsi après tant d’années. Elle a peut-être peur que le passé la rattrape si la vérité tombe. Comment pourrait-il lui en vouloir de se montrer forte alors qu’il fait exactement la même chose quand il peine à rester à la surface de l’eau ?

L’instinct fraternel de Joseph ne l’a jamais quitté. Quand il voit sa sœur, il ne la couvre que d’un voile protecteur invisible. Il le guette du coin de l’œil, s’assure qu’aucun moustique ne plante sa trompe dans sa peau, même quand la tension se fait de plus en plus pesante sur leur relation. Ils ont toujours fait semblant de se détester parce qu’aucun des deux n’a jamais eu le courage d’admettre qu’il n’y a pas que leur nom qui les lie. Ils ont vécu les mêmes choses et peuvent retracer les raisons de la plus insignifiante de leurs actions. Il s’est automatiquement crispé quand il a appris que Lily se marierait avec un inconnu : l’histoire semblait vouloir se répéter. Malgré tout, l’aîné réussi à desserrer ses points et à faire une promesse silencieuse à sa sœur : il est prêt à le rencontrer, cet étranger, et il fera des efforts pour ne pas réagir comme il le fait toujours. Il y a bien une raison derrière laquelle Lily refuse d’admettre l’existence de Joseph. Il représente ce que sont réellement les Keegan, pas ce reflet enjolivé que projette le sourire pétillant de parfaite Lily. “C’est son anniversaire aujourd’hui. Il a trente-quatre ans.” Le garçon ne peut cacher sa surprise. Le hasard est incroyable. Ça fera une bonne raison pour le mari de déjà détester Joseph : il lui vole sa femme le jour le plus important de l’année. “Je lui ai fait un gâteau hier quand il était au boulot. Il est caché dans le placard des croquettes pour les chats, parce que sinon je sais qu’il l’aurait mangé.” Il n’a pas l’impression de discuter avec sa sœur. Devant lui, une inconnue raconte les anecdotes banales de sa vie banale. Et cette inconnue vient de lui apprendre que plusieurs chats trimbalent leurs poils dans sa maison. Ce ne devrait pas surprendre Joseph, au fond : Lily a toujours adoré les animaux, surtout ses poules bruyantes que son frère n’avait pas le droit d’approcher, règle formelle qui amènerait griffes et morsures si elle venait à être enfreinte. Cependant, il reconnait l’amour de la pâtisserie et il peut être à nouveau certain d’être en compagnie d’un membre de sa famille. Légèrement amusé, il esquisse un sourire pincé à l’allure fabriquée. Il faut dire que ça prendra plus de temps pour lui pour s’habituer à ce genre de discussion, lui qui était habitué à recevoir des insultes et des beignets en plein dans la tronche. “La première chose que je me suis dit c’est qu’il n’avait que quelques jours de différence avec toi.” Alors elle a pensé à lui avant tout le reste. Cette courte phrase en raconte beaucoup. « J’espère que j’aurai un gâteau moi aussi. » Il répond simplement à la suite de sa remarque, malheureusement certain que son anniversaire n’était ponctué que d’un  silence radio de la part de Lily. Joseph n’avait pas soufflé de bougies depuis trop longtemps avant que Deborah le lui en offre. “Il part avec une ardoise blanche. C’est tout ce que je te demande. T’as pas à devenir son meilleur ami, mais laisse lui sa chance.” Il cligne légèrement des paupières, inspire doucement et hausse les épaules pour finalement souffler : « Il est né le même mois que moi. Évidemment que j’vais l’adorer. » Bon, il ne peut toujours pas s’empêcher de faire du sarcasme. Mais il va faire des efforts, la volonté se lit dans son faciès Et Lily le connait assez bien pour déchiffrer facilement son visage, même lorsque celui-ci est blafard et creusé par le manque de soins. “Si tu veux le voir, ça veut dire que tu dois accepter de sortir d’ici.” Il détourne le regard à nouveau sans lâcher le bras de sa sœur, celui pour lequel l’étreinte était devenue naturelle. Ses yeux fatigués observent la monotonie des murs gris qui font remonter ses plus mauvais souvenirs et il secoue la tête : « Je sortirai ce soir. Si y’a un truc que j’ai appris, c’est que j’m’y ferai jamais, à la prison. » Il se permet enfin de redresser le dos pour le coller contre la façade dure derrière lui et offre un regard sincère à Lily avant de terminer : « Allez. Va lui donner son gâteau. Je t’écris quand je serai dehors. » Il débute une phrase qui se fait rapidement écourtée puis il reprend, sur un ton presque imperceptible – parce que ce sont là des mots difficiles à prononcer : « Merci d’être venue. »
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