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 Everything I've missed [Laoise&Raphael]

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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyMar 10 Mar 2020 - 20:09

La musique s’arrête en même temps que son corps. Il garde les yeux fermés et arrive tout de même à garder son équilibre, les deux bras tendus vers le ciel pour attraper le plafond et la respiration coupée par l’effort. Il déglutit difficilement en éternisant le moment parce que c’est la neuvième fois qu’il se dresse ainsi devant trois juges au visage impassible. Il n’arrive plus à ouvrir les paupières parce qu’il a peur de découvrir la même réaction que toutes les années auparavant. Alors il attend, synchronisant le rythme de son essoufflement aux battements de son cœur effrénés dans sa poitrine. Il arrive pendant quelques secondes à s’imaginer seul. « C’est bon, monsieur Elly. » Sa gorge se noue machinalement lorsque la voix du seul juge masculin s’élève dans la salle. Il doit se battre contre lui-même pour rabaisser les bras et la tête afin de poser son attention sur ceux qui restent silencieux en griffonnant la feuille de papier placée devant eux. Raphael s’humecte les lèvres, déshydraté davantage par le stress que par la danse et il décide de fixer ses pieds, incapable de supporter la pression. « Vous vous êtes amélioré depuis l’année passée, et depuis celle d’avant. Mais vous ne prenez plus de cours, n’est-ce pas ? » Effectivement, le jeune homme n’a pas assisté à un cours de danse depuis des années, étant lui-même devenu professeur. Il se doit de dire la vérité alors il hoche légèrement la tête en inspirant profondément. Les prochains mots qui s’échappent de sa bouche sont pâteux. « Non, pas depuis cinq ans. » Les juges acquiescent comme s’ils comprenaient soudainement la raison derrière son niveau et la femme à la droite à l’allure sérieux mais sévère replace ses lunettes sur le bout de son nez, un geste qui accompagnera la décision finale : « Vous n’êtes pas encore assez bon. Revenez l’année prochaine et songez à reprendre des cours. Vous commencez à stagner. Vous savez que vous êtes un des rares candidats qui approche la trentaine ? » Incapable de répondre, il ne fait que se pincer les lèvres en enfonçant ses mains dans les poches de son pantalon. « Merci d’être venu. » que la dame conclu alors que Raphael a envie de lui balancer toutes les insultes du monde : mais ça ne changerait rien. Humilié, il se contente d’hocher la tête et de tourner les talons sans oublier de récupérer sa radio qu’il coince en dessous de son bras en changeant de pair de chaussures sans prendre le temps de s’asseoir. « Merci à vous. » il souffle finalement entre deux explosions volcaniques dans son ventre pour finalement disparaître hors de la salle. Dans le corridor, il croise des artistes plus jeunes que lui ainsi que des adolescents encore couverts d’acné et d’huile faciale. Ne voulant pas se faire dévisager trop longtemps, Raphael fonce vers la sortie sans accorder un regard à personne, certain que tous ces gamins sont là pour rire de son énième échec.

« Putain de pute de merde de putain merde… Putain ! » Il s’attaque à la façade de l’établissement à coups de pieds rythmés. Il n’y peut rien : même lorsqu’il est en colère, son corps garde la cadence. Ses souliers de danse lassés autour de son cou se balancent dans tous les sens et ses paumes viennent accompagner ses pieds, tapant dans le mur de briques eux aussi. Il se fiche complètement des regards posés sur lui maintenant qu’il ne se trouve plus dans l’antre intimidante de l’école de danse professionnelle. Que le monde entier voit sa colère, ça lui est égal. Pendant de longues secondes il se défoule sans remarquer que ses joues se noient sous les larmes et, entre deux mouvements incontrôlés, sa précieuse radio glisse de sa prise et s’écrase lourdement contre le béton, envoyant valser la plaque en métal qui renferme les piles. Choqué, il plaque sa main sur sa bouche, les yeux écarquillés, observant l’engin électronique gisant sur le sol comme un vulgaire déchet. Il lui suffit d’un souffle pour réaliser qu’il vient peut-être de tuer son ami qui l’accompagne depuis dix ans. « Nononononononon… » Il s’agenouille près de l’appareil et tente de le mettre en marche en enfonçant son index à plusieurs reprises dans tous les boutons mais rien ne vient à bout de la bête. Encore une fois, les usagers du trottoir à seulement quelques mètres de lui sont invisibles à ses yeux. « Non… Ne me fais pas ça. » Soudainement tétanisé à l’idée d’avoir perdu sa radio, il passe nerveusement sa main dans sa tignasse claire et tire quelques mèches pour se sortir de ce cauchemar.
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyJeu 26 Mar 2020 - 22:43

L’épaule appuyée contre la vitre de l’autobus, Laoise regarde le paysage défiler et se transformer en un vortex de couleurs floues chaque fois que le véhicule accélère. Depuis qu’elle s’est installée dans son nouveau logement, elle s’est créé une petite routine. Elle se réveille tôt, habituellement avec les premières lueurs de soleil, et elle va s’installer dans son atelier – la seule pièce qui est complètement terminée – pour profiter de la lumière naturelle du matin pour peindre. Quand la faim se fait trop sentir ou qu’elle fatigue, elle mange un morceau avant de partir explorer la ville. Juste pour le plaisir de découvrir un nouvel endroit, de s’asseoir sur un banc en profitant du soleil ou d’observer les promeneurs et de collectionner leurs traits dans son esprit pour ses prochaines toiles. Elle songe distraitement que ce n’est pas si mal, le bus, quand on n’a nulle part où aller et aucune heure précise pour y arriver. Elle choisit d’ailleurs un arrêt au hasard une fois que le véhicule s’est enfoncé dans le quartier qui l’intéresse. Les mains enfouies dans les poches du cardigan ample dans lequel elle s’est enroulée avant de partir, elle laisse son regard errer sur le paysage qui l’entoure. À une centaine de mètres devant, de l’autre côté de la rue, se trouve un marché couvert qui pique sa curiosité. Après avoir soigneusement étudié la circulation, elle traverse sans attendre le feu vert. Elle pousse la porte du marché quelques minutes plus tard. À l’intérieur, il y a moins de monde qu’elle ne l’imaginait, même si l’endroit est tout de même assez occupé. Fascinée par le mélange d’odeurs et de couleurs qui assaille ses sens, elle parcourt les étals lentement, s’arrêtant de temps en temps pour inspirer le parfum des fruits ou pour apprécier quelques œuvres artisanales. Lorsqu’elle est fatiguée d’avoir trop marché, elle s’arrête le temps de manger sur le coin d’une grosse table en bois verni la pâtisserie qu’elle s’est achetée.

L’envie de retrouver la chaleur du soleil la pousse à sortir du marché. Rêveuse, elle songe à s’arrêter dans la petite librairie qu’elle a remarquée peu avant de descendre du bus. Elle aurait bien besoin de quelques nouveaux romans, même si elle en a déja quelques-uns sur sa table de nuit. Cependant, une série de bruits sourds entrecoupés de jurons attire son attention. Curieuse, elle s’arrête et se tourne vers la source de la commotion. Elle n’a pas à chercher très longtemps, elle remarque aussitôt le jeune homme qui s’acharne contre le mur de briques à grands coups de pied et de main, comme si c’était lui le responsable de tous ses maux. Elle devrait peut-être s’inquiéter de le voir se déchaîner aussi violemment à quelques pas seulement d’elle, mais le grand blond l’attendrit plus qu’autre chose. Il a l’air trop seul, tellement perdu dans sa détresse qu’il ne remarque même pas les regards curieux ou outrés que les passants lui lancent. Elle fait un pas dans sa direction, par instinct, sans vraiment savoir elle-même ce qu’elle compte faire, quand il suspend brusquement son geste. La radio qu’il tenait vient de s’écraser au sol. L’air horrifié, il se laisse tomber sur le ciment pour ramasser l’objet. Elle aurait envie d’aller s’agenouiller à côté de lui pour le réconforter mais, paralysée, elle n’ose bouger. C’est alors qu’elle sent quelque chose heurter sa ballerine. Elle baisse machinalement la tête pour voir de quoi il s’agit. Surprise, elle constate qu’une pile a dévalé la pente douce du trottoir pour se rendre jusqu’à elle. Comme si c’était le signe qu’elle attendait, elle retrouve ses mouvements. Elle se penche et ramasse le petit cylindre avant de s’avancer vers le jeune homme. Vaguement nerveuse, elle essuie ses paumes moites sur le tissu de son pantalon avant de s’agenouiller à côté de lui. Le blond ne la remarque pas tout de suite. La tête penchée sur sa radio, il appuie frénétiquement sur les boutons, sans succès. « Non… Ne me fais pas ça, » murmure-t-il d’une voix brisée. Repoussant derrière son oreille une mèche sombre qui a glissé sur son front, elle s’éclaircit légèrement la gorge pour attirer l’attention de l’inconnu. Deux grands yeux bleus remplis de larmes se posent sur elle. Gênée, elle lui sourit. « Je pense que ça pourrait t’aider, » dit-elle en lui tendant la pile. Devant son air vaguement confus, elle désigne d’un petit coup de menton l’appareil qui reste résolument muet. « Pour ta radio. » Il attrape enfin la pile entre le pouce et l’index. Laoise laisse retomber sa main sur ses cuisses. Elle devrait sûrement se relever et s’éloigner maintenant que sa mission est accomplie, mais elle ne bouge pas. La tête légèrement penchée sur le côté, elle scrute le visage pâle du jeune homme d’un regard perçant. « Ça va aller? » demande-t-elle finalement d’une voix douce.


Dernière édition par Laoise McLoughlin le Mer 8 Avr 2020 - 21:35, édité 1 fois
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptySam 28 Mar 2020 - 19:37

Ça y est : il a perdu le contrôle sur lui-même et il ressemble dorénavant à un gamin de huit ans en pleine crise qui harcèle sa maman pour qu’elle lui achète les friandises désirées. Autour de lui, le monde continue à tourner et il ne s’en rend plus compte. Les échecs, il n’arrive plus à les supporter de façon matures tellement il en a marre : marre d’être ignoré, marre de ne pas avoir le talent ni la patience de se relancer pour de bon. Il stagne depuis trop longtemps, Raphael, et il ne suffit que de jeter un coup d’œil aux autres candidats pour se rendre compte qu’il est dix ans trop tard pour lui. Mais le jeune homme n’arrive pas à abandonner, pas après tant de temps à danser dans son salon à s’en péter les doigts sur les coins des meubles et à trébucher dans les tapis. Pourtant, il lui manque quelque chose pour réussir : il lui suffirait de mettre son égo de côté pendant un instant pour se rendre compte qu’il n’a pas la technique de danse que les critères de sélection recherchent. Raphael danse avec ses émotions, pas en suivant les normes qu’on lui a apprises quand il était trop jeune pour prendre ses propres décisions. Alors il danse encore avec ses émotions à l’extérieur de l’immeuble qui l’a encore rejeté, balançant ses pieds dans les briques en espérant calmer ses ardeurs.

Catastrophe : il échappe sa radio, son bien le plus précieux, et cette dernière ne semble plus avoir de dernier souffle. Il a beau s’acharner sur les boutons, aucun d’eux ne donne de signe de vie. Alors il panique, se met à respirer rapidement au point de s’en irriter la gorge et il devient trop aveugle pour réaliser qu’une femme s’est agenouillée près de lui. Il souffle des prières en dernier espoir, tâte chaque recoin de l’appareil électronique et remarque au dernier instant que, là où se placent les piles, sont doigt peut facilement s’enfoncer. Au moins même, la voix de l’inconnue s’élève et il redresse lentement la tête pour voir la petite batterie cylindrique dans sa main. Il est trop choqué pour comprendre l’utilité de ce machin qu’elle tient – et il a l’air stupide pendant un moment, les yeux gorgés d’eau, le teint blafard et les joues rougies – mais il finit par l’attraper rapidement sur un dernier souffle. Maladroitement, il glisse la pile à son emplacement, près de sa voisine de même taille, et il retourne la radio sur elle-même afin de tenter à nouveau d’appuyer sur tous les boutons existants. Enfin, cette dernière émet une sorte de grincement avant que des notes légèrement brouillées s’échappent de ses enceintes. « Ça va aller? » Sans regarder la femme qui l’interroge, il hoche doucement la tête de bas en haut, redevenant lui-même maintenant qu’il sait que sa radio n’a pas été condamnée par sa colère. « Ouais… Ouais je crois. » Il déglutit, renifle et soulève enfin ses yeux clairs pour croiser ceux de la dame, foncés. La timidité reprend ses droits et le jeune homme se recule aussitôt de quelques centimètres pour augmenter le nombre de centimètres qui les sépare. Une fois sa bulle respectée, ses pensées se remettent à creuser trop loin et sa gorge se noue à nouveau, humidifiant ses yeux qui n’avaient pas eu le temps de sécher. C’est un réflexe pour lui de secouer la tête de droite à gauche alors que les souvenirs de son énième défaite récente reviennent le marteler. « Non, pas vraiment. » Il expire fortement, les lèvres tremblantes, et il passe nerveusement sa main dans ses cheveux pour replacer ses bouclettes. Il se relève ensuite sur ses longues jambes et coince la radio entre lui et sa poitrine, le regard intrigué. Il a l’impression que c’est la première fois qu’il discute avec une femme plus âgée que lui, si on ne compte pas les enseignantes qu’il a côtoyées durant son enfance. En fait, depuis qu’il a terminé ses études, il ne parle plus à beaucoup de gens. « Je… Vais m’en remettre, comme d’habitude. » Il dit pour se rassurer lui-même, ne pensant pas qu’il serait dans l’intérêt de l’étrangère de l’entendre parler de la raison de sa colère transformée en tristesse depuis que sa radio a frôlé la mort. Bien qu’il en ait extrêmement envie, n’ayant jamais trouvé personne pour le supporter dans ses échecs depuis que ses pères ont arrêté d’afficher de l’intérêt pour sa carrière artistique. Mais elle a probablement quelque chose de plus intéressant à faire de sa journée.   
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyMer 8 Avr 2020 - 23:15

Elle ne se lasse pas de l’observer, ce jeune homme au regard fuyant et à l’air paumé. La mélodie embrouillée, presque métallique, qui s’échappe de la petite radio le soulage visiblement, mais pas assez pour l’arracher complètement à l’emprise de ses idées noires. La question de Laoise non plus. Elle le tire juste assez longtemps de ses pensées pour qu’il hoche doucement la tête. « Ouais… Ouais je crois. » Il relève la tête. Ses iris bleus, rendus encore plus bleus par les larmes qui lui ont rougi les yeux, croisent enfin le regard de l’artiste peintre. Comme s’il la voyait pour la première fois, il recule brusquement. Il ressemble presque à un petit animal effarouché. Comprenant son besoin d’espace, elle n’essaie pas de combler la distance qu’il a créée entre eux. Elle pose plutôt ses mains à plat sur ses cuisses et espère secrètement que ce mouvement l’aidera à garder l’équilibre. C’est qu’elle se fatigue vite, Laoise, depuis ses traitements. Et même s’il y a quelques mois déjà qu’elle ne se laisse plus empoisonner dans l’espoir de guérir, elle n’a jamais retrouvé l’énergie inépuisable qu’elle avait avant. Elle essaie de ne pas trop y penser. Elle essaie d’oublier que c’est un autre morceau d’elle-même qu’elle a perdu. Pour se distraire de cette fatigue qui lui gruge les muscles et la ferait presque vaciller sur place, elle se concentre sur la mine déconfite du jeune homme devant elle. Elle détaille ses traits fins du regard, se demande quel âge il peut bien avoir. Il ressemble à un grand enfant un peu perdu, surtout avec les larmes qui recommencent à monter et ses lèvres qui tremblent sous la pression des sanglots qu’il semble retenir de peine et de misère. « Non, pas vraiment, » souffle-t-il enfin. Le cœur serré, elle songe que c’est une réponse beaucoup plus honnête que la première à la question qu’elle lui a posée. Il se lève. Elle le suit du regard, fascinée par son aise. Elle lui trouve une certaine grâce, comme si ses muscles avaient l’habitude de bouger harmonieusement. Soulagée de pouvoir libérer ses jambes de la tension qui les faisait souffrir, elle imite le jeune homme et se met debout à son tour, avec un peu moins de légèreté, sans doute, mais sans trébucher. Un vertige léger l’accueille quand elle se redresse. Elle s’habitue mal à la chaleur de l’Australie, à son soleil qui plombe toute la journée et transforme les rues de la ville en fournaise. Elle passe une main sur son front pour chasser la sueur qui le recouvre et camoufler son malaise. « Je… Vais m’en remettre, comme d’habitude. » Elle croise les bras sur sa poitrine en le dévisageant. Cette intonation, elle la connaît trop bien, elle l’a trop souvent utilisée. Ce n’est pas elle qu’il essaie de convaincre, mais lui-même. « Si tu le dis… » laisse-t-elle échapper d’un ton vaguement songeur. Dans le court silence qui suit, elle se dit une fois de plus qu’elle devrait probablement le laisser tranquille. De toute évidence, il vit quelque chose de difficile. Pourquoi voudrait-il la compagnie d’une parfaite inconnue ? Il a sûrement des amis, de la famille, vers qui se tourner. Et comme tout à l’heure, elle ne se résout pas à s’éloigner. Tout à coup, l’idée d’aller se perdre dans une libraire lui paraît beaucoup moins alléchante. Pourquoi aller chercher entre les pages d’un bouquin une histoire fictive sur laquelle s’émouvoir quand une histoire bien vivante se trouve juste devant elle ? Au fond, que peut-il lui arriver si elle ose ? Au pire, il l’enverra promener et elle n’insistera plus. Convaincue, elle décide de se lancer. « Je m’appelle Laoise. Si tu as envie de parler, je veux bien t’écouter. » Elle a du mal à décrypter l’expression qui vient de se peindre sur les traits du jeune homme. Un peu nerveuse, légèrement embarrassée, elle resserre les pans de son cardigan contre sa poitrine. « Je sais qu’on ne se connaît pas, mais… ça peut faire du bien, parfois, de se confier à quelqu’un qu’on ne connaît pas. » Elle hausse légèrement les épaules. « On pourrait aller s’asseoir là-bas, » propose-t-elle en désignant d’un coup de menton un banc libre à quelque pas d’eux. Sans attendre sa réponse, elle se met lentement en marche, tentée autant par la possibilité de se reposer un instant que de se mettre à l’abri du soleil, sous le grand arbre feuillu qui inonde d’ombre le siège.
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyMer 15 Avr 2020 - 13:04

Réagir normalement, Raphael ne peut pas le faire. Devant cette inconnue qui s’est accroupie devant lui comme s’il était un membre de sa famille ou un ami de longue date, il se sent comme un ver qui a perdu sa pomme. Il a envie de se cacher, de disparaître d’un coup de baguette magique et, pourtant, il ne bouge pas d’un centimètre alors que la femme se redresse à son tour pour arriver à sa hauteur. Nerveux, comme toujours, il maintient sa radio contre sa poitrine, seul objet familier dans les alentours. Il s’y accroche pour ne pas se sentir réellement seul devant l’étrangère qui s’est inquiétée pour lui alors qu’ils ne se sont jamais croisés auparavant. Elle aurait pu être la dame à côté de laquelle il s’assoit dans l’autobus, celle qu’il salue devant la caisse juste avant de sortir son argent pour payer son épicerie, ou celle qui vient chercher l’un de ses élèves à la fin des cours de danse du soir. Mais, à moins que la mémoire de Raphael se soit atrophiée en raison de sa colère profonde, il ne l’a jamais vue cette femme. C’est donc naturellement qu’il lui répond qu’il ira bien, parce qu’il n’a pas l’impression d’avoir le droit de se plaindre à une inconnue. Il ne veut pas déranger, l’éternel adolescent, car ça voudrait dire que l’attention est rivée vers lui et il ne désire que ce scénario lorsqu’il sera debout sur scène dans les plus grandes salles de spectacle. « Si tu le dis… » Les lèvres pincées, il baisse le regard en se disant qu’elle va probablement tourner des talons et faire comme si rien ne s’était passé. Son cœur s’agite dans sa poitrine alors qu’un silence inconfortable s’installe, lui qui n’a qu’une seule envie : s’attaquer au mur jusqu’à ce que ses briques se cassent. « Je m’appelle Laoise. Si tu as envie de parler, je veux bien t’écouter. » Muet, il s’humidifie les lèvres, remarquant sa salive pâteuse. Il se permet de redresser la tête pour croiser le regard de cette fameuse Laoise qui lui offre une oreille pour parler. Il observe ses pupilles une à une, déboussolé, et il s’apprête à secouer la tête de droite à gauche, trop mal à l’aise pour voler le temps d’une inconnue, mais elle renchérit. « Je sais qu’on ne se connaît pas, mais… ça peut faire du bien, parfois, de se confier à quelqu’un qu’on ne connaît pas. » Effectivement, elle marque un point. C’est bien à cela que servent les psychologues : à garder un secret. « Je… » Les mots manquent à l’appel. Raphael n’a jamais été un bon parleur, et encore moins lorsqu’il se sent aussi minuscule malgré ses six pieds de hauteur. « On pourrait aller s’asseoir là-bas, » Il suit son regard, découvre le banc dont il est question. Il est plongé à l’ombre, une localisation alléchante pour un jeune homme couvert de sueur. Avant qu’il ne puisse répondre, Laoise entreprend les premiers pas et Raphael observe sa démarche, sceptique. Elle ne semble pas apprécier les rayons du soleil australien qui tape sur le haut de son crâne : elle ne supporte pas bien la chaleur, mais qui est-il pour élaborer des hypothèses qui s’avéreraient probablement fausses ? « D’accord. » Il souffle enfin avant de la suivre, jetant un coup d’œil nerveux autour d’eux comme s’il se sentait épié. La colère n’est plus là pour lui faire oublier les rues achalandées. Laoise s’installe sur le banc avant lui et il hésite un moment avant de s’asseoir à son tour, posant machinalement sa radio entre leurs deux silhouettes pour s’inventer un mur protecteur : c’est complètement mental. « Je ne suis pas très bon pour parler. » La raison pour laquelle il s’exprime davantage en exécutant des pas de danse. Dans un soupir, il appuie sa carrure épuisée contre le dossier du banc et il pose méthodiquement ses mains sur ses genoux afin d’être complètement symétrique. Les deux yeux rivés vers l’avant, incapable de rendre le regard à Laoise, il marmonne : « Je sors d’une audition. Ça fait neuf fois que je tente d’entrer dans cette école. » Réalisant seulement après qu’elle ne pourra probablement pas comprendre par elle-même la discipline qu’il pratique, il désigne les souliers qui pendent à son cou avant d’ajouter : « Une école de danse. Pas de bowling. » Il esquisse un mince sourire, conscient que ces chaussures ressemblent fortement à celles que portent les joueurs de bowling. Une semelle lisse et une apparence cuivrée. Ayant l’impression d’avoir déjà trop dit, il porte son index à sa bouche et ronge nerveusement le bout de son ongle en adressant un faux intérêt aux passants.    
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyVen 1 Mai 2020 - 22:24

En l’entendant souffler timidement son assentiment, elle sourit. Elle est sincèrement heureuse qu’il ait accepté de la suivre, de lui parler. Elle a envie de l’aider, même si elle ignore totalement ce qui a pu le mettre dans cet état et si elle pourra vraiment faire autre chose pour lui que lui offrir une oreille attentive. Elle pénètre dans la zone d’ombre et pousse un soupir de soulagement en sentant la fraîcheur qui en émane. Il fait si chaud qu’elle serait presque tentée de retirer son encombrant cardigan, mais le souvenir de ce qu’il dissimule l’en dissuade. Elle se contente donc de remonter ses manches pour découvrir ses avant-bras en s’assoyant. Son compagnon l’imite. Il se pose à l’autre extrémité du banc, sa radio placée entre eux. « Je ne suis pas très bon pour parler, » confie-t-il d’une voix sourde. Laoise ne répond rien, mais elle pivote légèrement en direction du blond, une jambe repliée sur le banc devant elle. Comme ça, elle arrive à mieux le regarder et elle ne risque pas de se donner un torticolis. Elle espère aussi que ça lui démontre qu’il a toute son attention. En attendant patiemment qu’il fasse le tri dans ses idées, elle l’observe. Il a l’air tendu, presque coincé. Même la pose carrée qu’il a adoptée n’a pas l’air confortable. « Je sors d’une audition. Ça fait neuf fois que je tente d’entrer dans cette école. » Neuf fois? Légèrement perplexe, elle se demande si elle devrait être impressionnées par sa persévérance ou s’inquiéter de son incapacité à reconnaître que parfois, il vaut mieux abandonner une avenue pour en explorer une autre. Mais elle ne laisse rien paraître et s’assure de garder une expression neutre et poliment attentive pour ne pas perturber le jeune homme, qui est visiblement nerveux. Après tout, personne n’aime se sentir jugé. Au moins, à défaut de savoir pour quelle raison il a passé une audition, elle comprend maintenant la raison de sa détresse. Comme s’il avait senti sa confusion, toutefois, le blond éclaircit le mystère. « Une école de danse. Pas de bowling, » précise-t-il en pointant les chaussures qui pendent à son cou et auxquelles elle n’avait pas porté d’attention particulière jusqu’à maintenant. Elle lui sourit. « J’aurais été étonnée d’apprendre qu’il existe des écoles de bowling. J’ai toujours pensé qu’on était doué ou pas pour ça. » Et, comme la majorité des gens, elle tombe dans la catégorie de ceux qui ne se débrouillent qu’à moitié à ce jeu. « Ça doit être une véritable passion pour toi, la danse, » dit-elle d’une voix douce. Elle peut comprendre sa douleur. Sa passion à elle, c’est la peinture. Elle n’a jamais essayé d’entrer dans une école d’art prestigieuse, se contentant du diplôme qu’elle a obtenu à Dublin à la fin de ses études et de ce qu’elle a appris par elle-même à grands coups d’essais et d’erreurs quand elle a repris les pinceaux. Mais elle sait que, si elle avait été à la place du jeune homme, elle aurait tout donné pour réaliser son rêve elle aussi. « Je suis désolée que tu n’aies pas réussi. » Ça ne changera rien et elle le sait très bien, mais elle espère quand même qu’il sentira que la compassion dans sa voix est sincère et bien réelle. En revanche, elle ne lui dit pas que ça ira sûrement mieux la prochaine fois parce qu’elle ignore s’il y aura bel et bien une prochaine fois dans les circonstances. Après neuf tentatives ratées, personne ne lui en voudrait de baisser les bras. Du reste, elle a toujours détesté ce genre de commentaires qui ne réconfortent pas du tout quand on se retrouve face à un échec. Elle observe un instant ses traits fins. Il est encore jeune, elle en est certaine, et pas juste à cause de son air de gamin paumé. S’il essaie d’être accepté dans cette école depuis presque dix ans, il a probablement plus d’années d’expérience en danse qu’elle n’en a en peinture. « Tu danses depuis que tu es enfant? » hasarde-t-elle. Il a toujours l’air si coincé… Elle n’a plus qu’à croiser les doigts et à espérer que cette question sur l’un de ses intérêts évidents réussira à le détendre un peu.
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyMar 5 Mai 2020 - 23:25

Il l’a suivie jusqu’à l’ombre sans se poser de questions. Il a emboîté ses pas en observant sa démarche soignée sans qu’une cloche ne vienne titiller ses tympans. Il n’a pas l’impression que cette femme attend quelque chose de lui en retour : et puis, de toute façon, il n’aurait rien à lui donner. Pourtant, elle lui offre l’occasion de parler comme il ne l’a jamais fait. Ce ne sont pas à ses pères qu’il aurait le courage de discuter de ses peurs, de ses craintes et de cette tristesse qui le suit tous les jours quand il pense à ce qu’il aurait dû devenir. C’est probablement pour cette raison que son inconscient a décidé de faire confiance à une étrangère au doux sourire. Il a enfin une chance de s’exprimer sans avoir peur de représailles parce que, au fond, il ne la reverra probablement plus jamais, pas vrai ? « J’aurais été étonnée d’apprendre qu’il existe des écoles de bowling. J’ai toujours pensé qu’on était doué ou pas pour ça. » La répartie de Laoise lui arrache un léger sourire timide. Il est vrai que le bowling est un sport plutôt unique mais il requiert, selon lui, autant de pratique que tous les autres. « Oh, je ne sais pas. Je crois que ça s’apprend, de ne pas lancer une boule dans l’allée voisine. » Il répond en posant ses yeux sur ses propres mains jointes sur ses genoux, l’air d’un enfant amusé éclairant quelque peu son visage jusqu’à présent gris de remords. Il n’en ajoute pas plus à ce sujet parce qu’il n’y connait rien en bowling. La dernière fois qu’il a mis les pieds dans une salle consacrée à ce sport, il était vêtu d’un ridicule costume de clown et il amusait les gosses qui couraient à travers la salle en avalant trop de bonbons. Ce n’est jamais ce qu’il a voulu faire de sa vie mais, au moins, ce ne sont que les riches parents qui engagent un amuseur de foule pour un événement aussi peu important que le passage de la troisième à la quatrième année du petit Timmy qui suce encore son pouce. Ça paye bien. « Ça doit être une véritable passion pour toi, la danse, » À la simple évocation de ce sport qu’il chérit plus que tout, une lueur traverse ses iris et il redresse légèrement la tête pour acquiescer d’un mouvement de la tête. Mais il sent à nouveau la sensation fraîche des larmes séchées sur ses joues et il se rappelle son énième échec. Certes, la danse la passionne mais il n’arrive toujours pas à ne vivre que pour elle, comme il aimerait faire. « Je suis désolée que tu n’aies pas réussi. » Léger sourire, lèvres pincées, gloussement discret. Cette phrase, il aurait dû l’entendre de la bouche de ses proches, pas de celle d’une étrangère qui, aujourd’hui, avait le cœur sur la main. « C’est gentil. » Qu’est-ce qu’il pourrait dire de plus ? Il ne comprend toujours pas pourquoi Laoise a été poussée à aider un mec qui s’attaquait à un pauvre mur innocent. « Tu danses depuis que tu es enfant ? » Il se revoit, vingt-cinq ans plus tôt, devant un miroir plus grand que ses rêves. Il se hisse pour la première fois sur la pointe de ses orteils sans que son poids ne s’affaisse. « Oui. C’est ma mère qui m’a transmis cette passion. Mais je ne me souviens qu’un d’un moment durant lequel je dansais avec elle, près de l’arbre de Noël. Quand elle est partie, j’ai continué. Pour avoir l’impression de ne pas l’avoir perdue. » Raphael ? T’es malade ? Ça va ? Tu viens de raconter à voix haute l’un de tes souvenirs les plus enfouis, un souvenir que tu pensais même avoir effacé de ta mémoire tellement il t’a trop longtemps fait souffrir. « Eum… » Il se racle la gorge, réalisant qu’il en a dit plus à cette inconnue qu’à ses propres amis. « Peut-être que vous pourriez comprendre. » Il la regarde enfin : son teint est plutôt pâle mais son regarde semble maternel. « Vous avez des enfants ? »  
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyMar 12 Mai 2020 - 23:04

Le regard du jeune homme se perd dans le vide. Ça lui arrive souvent, Laoise commence à s’en rendre compte. Elle se demande si c’est sa façon de se protéger de ce qui l’entoure. Sauf que cette fois, il ne regarde pas les passants ni les voitures qui circulent sur la rue. Il semble s’être replié à l’intérieur de lui-même. Elle connaît cet air douloureusement rêveur. Il se concentre sur un souvenir. « Oui. C’est ma mère qui m’a transmis cette passion. Mais je ne me souviens qu’un d’un moment durant lequel je dansais avec elle, près de l’arbre de Noël. » Ses paroles font naître un sourire attendri sur les lèvres de l’artiste. Elle imagine un gamin blond déjà mince et élancé qui danse, ses petites mains tendrement étreintes par celles d’une femme tout aussi blonde que lui qui le guide, devant un immense sapin verdoyant et rempli de minuscules lumières multicolores. « Quand elle est partie, j’ai continué. Pour avoir l’impression de ne pas l’avoir perdue. » Le sourire se fane aussi vite qu’il est apparu. La gorge de Laoise se noue douloureusement. C’est à son tour de se replier à l’intérieur d’elle-même. Vers les souvenirs flous de cet enfant qu’elle a tenu quelques minutes à peine. Quelques minutes pour toute une vie. Elle veut les repousser. Elle essaie de se dire qu’elle a fait ce qu’il y avait de mieux pour son fils. Qu’au moins, elle ne lui a pas offert sa présence pendant quelques années avant de disparaître, comme l’a fait la mère de ce grand jeune homme à l’air malheureux, en ne lui laissant que du vide et des bribes de souvenirs flous pour combler l’absence. Mais ça ne fonctionne pas vraiment. « Eum… Peut-être que vous pourriez comprendre. » Elle ramène son attention vers le blond, soulagée d’avoir une raison de s’arracher à ses pensées désagréables. Sauf que plutôt que de lui servir de bouée, sa prochaine question la renvoie directement dans l’océan tumultueux de sa mémoire. « Vous avez des enfants ? » C’est une question à double-tranchant. Si elle répond non, elle lui ment. Mais si elle répond oui, elle lui ment tout autant. Car ce qu’il cherche à savoir, ce n’est pas si elle a déjà donné la vie. Non. Il veut savoir si elle a déjà été le centre de l’univers d’un petit être qui apprenait à connaître le monde. Si un bambin lui a déjà tendu les bras, les yeux brillants de larmes après s’être blessé, certain de trouver le réconfort dans son étreinte. Si un adolescent s’est déjà tourné à contre-cœur vers elle pour recevoir des conseils sur la vie. Elle est peut-être mère, mais elle n’a jamais été une maman. La bouche asséchée par la chaleur, elle passe une langue râpeuse sur ses lèvres. « Je n’ai pas eu ce bonheur, malheureusement. » Elle aurait pu le connaître, sûrement. Sauf qu’elle ne se l’est jamais permis après son premier échec. « J’ai donné naissance à un garçon, il y a longtemps. J’étais adolescente, presque une enfant moi-même. » Ça ne l’a pas empêchée d’aimer de tout son cœur ce petit être qui grandissait en elle. Elle s’est bercée pendant des heures en caressant son ventre arrondi, en lui chantant des berceuses ou en lui racontant des histoires. Mais cet amour ne compte pour rien. Son fils le lui a bien fait comprendre. Elle entend encore sa voix coupante à l’autre bout du fil, l’accent irlandais qui durcissait chacune de ses syllabes tandis qu’il lui intimait de ne plus jamais entrer en contact avec lui. « Je l’ai donné en adoption. » Elle ignore totalement comme cette confidence a franchi ses lèvres. Normalement, elle ne parle jamais de cet évènement. Peut-être espère-t-elle secrètement que ce jeune homme qui a lui aussi connu l’abandon de sa mère se montrera plus clément que son fils perdu ne l’a été. Que risque-t-elle au fond ? Un échec de plus ou de moins quand on cherche l’absolution pour ses manquements depuis des années, ça ne change presque rien. Ça fait un peu mal et c’est tout. Si ça se trouve, elle est même à la recherche de cet échec. Au fond, elle espère peut-être qu’il se montrera méchant et dur lui aussi, qu’il réussira à éteindre une bonne fois pour toute la petite flamme d’espoir qui refuse de mourir en elle. « C’est un beau souvenir. » Le fait-il souffrir, ce souvenir ? A-t-il parfois envie de se taillader le cœur pour l’exorciser ? « Est-ce que tu aurais préféré ne jamais l’avoir vécu ? »


Dernière édition par Laoise McLoughlin le Jeu 28 Mai 2020 - 20:06, édité 1 fois
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyMer 20 Mai 2020 - 18:51

La question s’est échappée de ses lèvres naturellement. Il ne pensait pas avoir la curiosité d’interroger une inconnue quant à sa vie personnelle mais cette dernière semble posséder des yeux maternels et il serait prêt à parier qu’elle sait s’y prendre avec les enfants. Elle est venu l’aider, lui, adolescent en pleine crise, alors que tous les autres passants ont préféré éviter de se mêler à ce qui ne les regarde pas – et avec raison. Raphael ne se serait pas laissé approcher par n’importe qui et on dirait bien que Laoise a su traverser la frontière sans trop l’ébranler. Alors il veut savoir si ce corps qu’elle possède a déjà accueilli un enfant parce que son instinct lui hurle qu’une histoire de famille a été écrite par ses fins doigts. « Je n’ai pas eu ce bonheur, malheureusement. » La surprise se lit dans le regard de Raphael qui fronce les sourcils. Il dresse même son dos, légèrement inconfortable d’avoir tant cru à sa théorie concernant ses yeux maternels. Pourtant, il attend la suite de ses explications car il a entendu son souffle : il ne s’est pas encore tu. « J’ai donné naissance à un garçon, il y a longtemps. J’étais adolescente, presque une enfant moi-même. » Les traits du jeune homme se détendent alors qu’il comprend finalement ce qui se cache derrière les rides de fatigue de cette femme qui a connu la maternité. Il fait les liens par lui-même avant qu’elle ne révèle la raison derrière l’absence d’enfant dans sa vie malgré tout. Ces histoires de mères trop jeunes, il les a déjà entendus, ne serait-ce que lors de ses cours de sexualité au secondaire dans lesquels son professeur insistait sans arrêt sur l’utilisation d’une méthode contraceptive avant de faire une connerie. « Je l’ai donné en adoption. » Il se refuse de répondre trop rapidement. Il a l’impression que cette annonce mérite une minute de silence. Le ton de sa voix a trahi la douleur qu’elle a éprouvée durant ses jeunes années. Malgré tout, une nouvelle question perle au-dessus de la surface de l’eau : « Et vous n’avez jamais eu envie d’en avoir un second ? Quand vous étiez prête, je veux dire. » Quand sa vie se prêterait à une telle expérience, quand elle aurait le courage de surmonter le premier échec et quand elle aurait tout le temps du monde à consacrer à une petite âme criarde qui tend les mains vers le haut pour s’accrocher à tout ce qui glisse entre ses doigts.

« C’est un beau souvenir. » Il n’avait jamais songé aussi longtemps à cette danse partagée au pied du sapin de noël décoré du tronc jusqu’aux épines. Habituellement, il préfère chasser ce souvenir en s’en créant un nouveau. Il danse seul en espérant oublier ce que ça fait de tenir la main d’un partenaire. « Est-ce que tu aurais préféré ne jamais l’avoir vécu ? » Un gloussement gonfle sa poitrine alors qu’un sourire forcé étire ses lèvres. Il secoue la tête de droite à gauche, incapable d’exprimer son véritable ressenti vis-à-vis de cette image qui l’accompagne encore dans ses rêves, comme dans les bons, comme dans les mauvais. À vrai dire, il ne sait pas quoi répondre. Il a toujours vécu avec ce souvenir et n’a jamais osé se demander ce que serait sa vie s’il n’avait jamais vu les yeux de sa mère ou entendu son rire. S’il le faisait, il trahirait sa propre mère : et, même si elle ne mérite probablement pas mieux, jamais il ne se résignerait à sauter le pas. Il lui a toujours laissé le bénéfice du doute. La raison de son départ a toujours été inconnue et il a cessé d’interroger ses pères à l’âge de comprendre que les choses ne sont pas toutes roses et sucrées. « J’en sais rien. Je préfère ne pas me poser cette question. Un bon psychologue dirait probablement que je devrais me séparer du passé pour enfin avancer mais… J’ai peur de regretter. Vous savez, je ne suis pas vraiment un garçon spontané qui saute à pieds joints dans un trou sans savoir ce qu’il y a en bas. J’aime ma routine et je pense que ma mère en fait partie, d’une façon ou d’une autre. » Et plus qu’il ne le pense. Il n’a jamais réalisé que son admiration pour les femmes provient de ce manque qu’il ressent tous les jours. « Et vous ? Auriez-vous préféré ne jamais donner naissance ? » Il est conscient que cette question ne fait pas le même effet quand il la renvoie. Le sujet est plus sensible, il s’agit tout de même de donner la vie et de faire des sacrifices. Mais, c’est le seul moyen qu’il a trouvé pour dévier le sujet, lui qui déteste être le centre du monde.  

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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyJeu 28 Mai 2020 - 20:43

Bêtement, elle n’avait pas pensé que sa confidence ferait naître des questions chez son interlocuteur. Celle qu’il lui pose lui fait l’effet d’une gifle retentissante. « Et vous n’avez jamais eu envie d’en avoir un second ? Quand vous étiez prête, je veux dire. » Pour camoufler la douleur qu’elle ressent, elle laisse un petit sourire triste s’étirer sur ses lèvres. Elle hoche lentement la tête, songeuse, en laissant son regard errer par-delà le jeune homme, vers les passants qui se pressent à l’entrée du marché couvert de l’autre côté de la rue. « Mon mari aurait voulu avoir des enfants, mais… je n’ai jamais été prête. » La honte remonte, toujours aussi vive malgré toutes ces années. Celle d’avoir sérieusement penser à avorter, assez du moins pour trouver le nom d’un médecin qui opérait clandestinement. Celle d’avoir menti à son mari, de lui avoir laissé croire qu’elle était infertile pour ne jamais avoir à revivre ce cauchemar. Pour chasser les souvenirs, elle se concentre sur celui que le grand blond lui a raconté. Il sourit lui aussi, d’un sourire aussi mécanique que celui de Laoise. Visiblement, la question qu’elle lui a retournée l’affecte autant que celle qu’il lui a posée. « J’en sais rien. Je préfère ne pas me poser cette question. Un bon psychologue dirait probablement que je devrais me séparer du passé pour enfin avancer mais… J’ai peur de regretter. » Elle le comprend un peu trop bien. Machinalement, elle porte la main au médaillon qu’elle porte toujours autour du cou, celui dans lequel se trouve la petite mèche sombre que l’infirmière a coupée sur la tête de son bébé avant de le lui enlever pour toujours. Elle n’a jamais réussi à s’en départir. Ni quand sa mère menaçait de le faire disparaître, ni quand Padraig cherchait à comprendre pourquoi elle y était aussi attachée, ni même quand son fils l’a froidement rejetée. Elle non plus n’a jamais su se séparer du passé. « Vous savez, je ne suis pas vraiment un garçon spontané qui saute à pieds joints dans un trou sans savoir ce qu’il y a en bas. » Elle observe d’un œil amusé la façon dont il se tient toujours aussi, le dos bien droit, l’air presque guindé. Personne ne le prendrait pour un gamin irréfléchi et impulsif. « J’aime ma routine et je pense que ma mère en fait partie, d’une façon ou d’une autre. » Étrangement, sa réponse la réconforte. Peut-être parce qu’elle n’est ni toute blanche, ni toute noire. Pas vraiment une bénédiction, mais pas vraiment une condamnation non plus. Malgré la douleur que sa mère lui a assurément causée en l’abandonnant, il chérit toujours les souvenirs qu’il garde d’elle. « Et vous ? Auriez-vous préféré ne jamais donner naissance ? » La question la met mal à l’aise. D’un coup, elle n’est plus trop certaine de savoir comment elle s’est retrouvée dans cette situation. Elle cherchait seulement à consoler ce jeune homme… Elle n’avait certainement pas prévu de raconter sa vie en détails ni d’aborder des sujets aussi difficiles. Et pourtant, ses propres paroles lui reviennent en tête. Je sais qu’on ne se connaît pas, mais… ça peut faire du bien, parfois, de se confier à quelqu’un qu’on ne connaît pas. La gorge nouée, elle baisse la tête, se mord l’intérieur de la joue. « Peut-être, » finit-elle par avouer tout bas. Elle se détourne, pivote sur son siège pour ne plus avoir à regarder le jeune homme en face. Elle imite sa pose, les jambes bien droites devant elle, les mains posées à plat sur ses cuisses. Elle se concentre sur le ballet des fourmis qui déambulent sur les dalles à quelques pas de leur banc. L’une d’entre elles transporte une miette. « Je ne sais pas vraiment ce que la maternité m’a apporté à part beaucoup de larmes et de culpabilité. » Ébranlée, elle croise les bras. « J’ai toujours espérer retrouver mon fils. J’ai réussi d’ailleurs, il y a quelques mois. Mais il ne veut pas me connaître. » C’est seulement la deuxième fois qu’elle prononce ces mots à voix haute. Il n’y a que Maud, sa compagne de chimiothérapie aux yeux lumineux, qui a réussi à lui arracher la vérité. « J’ai souffert pendant des années en me disant que tout s’arrangerait le jour où je pourrais serrer mon enfant contre moi. » Elle hausse timidement les épaules. « Maintenant, je me demande à quoi ça rime. J’aurais certainement moins souffert si je n’avais pas donné naissance à mon enfant. » Paradoxalement, elle ne peut s’empêcher de songer qu’elle serait certainement devenue une tout autre personne. Aurait-elle réussi à s’émanciper du joug étouffant de sa famille, à quitter son mariage malheureux ? Aurait-elle trouvé l’amour de sa vie, sa passion pour l’art qui la sustente depuis des années, même dans les moments les plus difficiles ? Impossible de le savoir avec certitude, mais elle est presque convaincue que non. Avec un soupir, elle tourne à nouveau la tête vers le jeune homme. « Tu dois avoir une jolie opinion de moi. » Normalement, elle ne se soucie pas trop de ce que les autres pensent d’elle. Elle a passé l’âge d’essayer de plaire à tout le monde, après tout. Mais cette fois, elle a comme un pincement au cœur à l’idée qu’il puisse croire qu’elle est une mère indigne et sans cœur, même si ce n’est peut-être pas si loin de la vérité, au fond. Étrangement, elle aurait préféré qu’il se souvienne simplement d’elle comme de la femme un peu étrange qui l’a écouté raconter ses problèmes sur un banc de parc, par un après-midi un peu trop chaud.
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyMer 3 Juin 2020 - 22:23

Deux âmes ont besoin de se libérer d’un poids. Les questions s’enchaînent et déferlent  et les réponses sont obtenues sans trop de réflexion de la part de ni Laoise, ni Raphael. Peut-être ont-ils l’impression d’être anonyme en face de l’autre et qu’ils en profitent pour se débarrasser de vieux démons qui s’attachent à leurs jambes depuis trop longtemps. « Mon mari aurait voulu avoir des enfants, mais… je n’ai jamais été prête. » La phrase cache un second sens que le jeune homme note au fond de sa tête. Il comprend qu’il a été question d’un mari mais plus maintenant. Inutile de se lancer tout de suite dans les déductions fautives. Hébété, ce n’est qu’avec un sourire pincé qu’il répond en hochant la tête. Qui est-il pour la blâmer de ne pas vouloir réaliser le rêve de nombreuses femmes. Jamais on ne lui a dit d’être plus viril et de retenir ses larmes quand elles veulent couler. L’homme n’est pas qu’homme et la femme n’est pas que femme. Raphael a compris cela dès qu’il était assez jeune pour réaliser que ses deux parents laissaient tous les deux pousser leur barbe. Il n’a jamais suivi la norme sociale et ne forcera personne à le faire. Même si, jusqu’à présent, il arrivait bien à détourner le sujet pour ne pas être le centre du monde – bien qu’il est celui qui hurlait en se battant contre un mur quelques minutes plus tôt – il se voit à nouveau obligé de parler de celle dont il a toujours évité le sujet. Il ne parle que trop rarement de sa mère même si cette dernière n’a jamais quitté ses pensées. Mais, sur ce banc, à l’ombre d’un arbre et des regards, il exprime des mots qu’il ne pensait pas pouvoir formuler et, quand il remarque la moindre fissure dans le fil de la conversation, il s’y glisse et renvoie la balle dans l’autre camp. Les deux yeux posés sur la femme assise à sa  gauche, il attend alors qu’il voit la tristesse dans son regard. « Je ne sais pas vraiment ce que la maternité m’a apporté à part beaucoup de larmes et de culpabilité. » Elle croise ses bras sur sa poitrine : protection contre le reste du monde.  « J’ai toujours espérer retrouver mon fils. J’ai réussi d’ailleurs, il y a quelques mois. Mais il ne veut pas me connaître. » Il devrait probablement se sentir mal mais il ne peut s’empêcher de penser que, si Laoise a réussi à retrouver son sang, il pourrait lui aussi. Mais l’ambition n’a jamais été carburée. « J’ai souffert pendant des années en me disant que tout s’arrangerait le jour où je pourrais serrer mon enfant contre moi. Maintenant, je me demande à quoi ça rime. J’aurais certainement moins souffert si je n’avais pas donné naissance à mon enfant. » À son tour ébranlé, Raphael expire doucement en posant son regard sur la ligne d’horizon cachée par les boutiques qui encadrent les rues. C’est plus facile pour lui d’assimiler l’information quand il oublie qu’il est accompagné dans sa réflexion. Il n’arrive pas à se faire une opinion car il a l’impression d’être si loin de la femme, à la fois si près. Il est le fils abandonné et elle la mère disparue accablée par les remords. Mais, lui, jamais il n’aurait rejeté un retour à la maison. Il a toujours espéré que sa mère avait de bonnes raisons pour partir et a fini par croire à sa version construite. « Tu dois avoir une jolie opinion de moi. » Ramené sur Terre par sa voix, il secoue vivement la tête, réalisant que son silence aurait pu porter à confusion. « Non, non non non, ce n’est pas ça. » Il affirme fermement en soulevant sa main devant lui. Loin de lui l’envie de la vexer alors que les mots qui se sont échappés de ses lèvres semblaient tabous jusqu’à aujourd’hui. « En fait, j’étais en train de me demander ce qui aurait pu le pousser à fermer la porte. Je… Jamais je n’aurais rejeté ma mère si elle m’avait retrouvé. Mais j’imagine que ton fils et moi ne partageons pas les mêmes expériences. » À cours de mots, il s’humecte les lèvres et son visage s’étire en une moue contrariée. « Je suis le genre de mec qui ne refuse jamais d’améliorer les choses. » Il redresse son regard pour le poser dans celui de son interlocutrice. « J’ai l’impression que tu es comme moi, enfin, sur ce point. Tu veux semer des graines et attendre de voir les fleurs pousser mais… Il y a malheureusement des gens qui ne voient pas les choses de la même façon. Ils préfèrent arracher les racines avant qu’une première bouture n’apparaisse. Ils ont peut-être peur de ne pas apprécier la couleur de la fleur, ou son parfum. » Il termine en haussant les épaules, comme si ses paroles étaient aussi simple que noir et blanc. Il a toujours apprécié de parsemer ses discussions de métaphores car il ne trouve jamais les vrais mots pour expliquer sa pensée. « Moi, j’aime bien toutes les fleurs. Même si certaines me font éternuer. » Léger sourire. Ses yeux baissent toutefois rapidement et il se remet à contempler l’asphalte.
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptySam 13 Juin 2020 - 0:19

Le grand blond hoche la tête avec véhémence et l’assurance derrière son geste réconforte Laoise. « Non, non non non, ce n’est pas ça. En fait, j’étais en train de me demander ce qui aurait pu le pousser à fermer la porte. » Excellente question… Elle ne sait pas exactement pourquoi il l’a repoussée. Leur conversation n’a pas duré assez longtemps pour qu’elle apprenne à quoi a ressemblé sa vie. Elle sait qu’il a été adopté par une famille de Galway. Sur papier, ils avaient l’air tout ce qu’il de plus parfaits. Mariés depuis des années, incapables d’avoir un enfant, ils s’étaient tournés vers l’adoption. Elle ignore s’ils ont révélé à leur fils qu’il était adopté quand il était tout petit ou plus tard. A-t-il grandi en se demandant pourquoi sa mère biologique l’avait abandonné ou en ne sachant même pas qu’elle existait ? Quoi qu’il en soit, le fantôme de ses mots durs la hante. Après un long silence aussi chargé de sens que lourd de malaise, il lui avait demandé pourquoi elle avait décidé de reprendre contact avec lui à ce moment-là. Elle lui avait parlé de sa maladie, qui l’avait poussée à faire un examen de conscience et à vouloir réparer ses torts au cas où elle ne s’en sortirait pas. Elle ne sait pas ce qu’elle espérait exactement en lui parlant de cette épreuve, mais ça ne l’a pas amadoué. Au contraire, il l’avait plus ou moins accusée d’utiliser son cancer pour le manipuler. J’suis pas là pour apaiser ta conscience. Même que j’en ai absolument rien à foutre. Me rappelle plus jamais. La gorge nouée, elle se concentre sur les paroles du grand blond, qui tente encore d’expliquer le fond de sa pensée. « Je… Jamais je n’aurais rejeté ma mère si elle m’avait retrouvé. » Elle a un peu mal de le voir si compréhensif, si ouvert. Elle aurait aimé que son propre fils ait une réaction semblable à celle de ce jeune homme. Et pourtant, ça lui met aussi de baume au cœur de songer que cette femme, si elle le souhaite un jour, pourra peut-être apaiser ses regrets en retrouvant son enfant qui, semble-t-il, est prêt à l’accueillir à bras ouverts. « Mais j’imagine que ton fils et moi ne partageons pas les mêmes expériences. » Elle se retient de hausser les épaules – elle n’en sait rien après tout, elle connaît à peu près autant de sa vie à lui que de celle de l’enfant qu’elle a donné en adoption –, se permet de hochet lentement la tête. « Non, probablement pas… » acquiesce-t-elle d’une voix un peu absente. Car sa curiosité s’est réveillée, piquée par une question qui vient de lui traverser l’esprit. À quoi a ressemblé la vie de ce jeune homme après le départ de sa mère ? « Je suis le genre de mec qui ne refuse jamais d’améliorer les choses. » Ses grands yeux bleus profonds capturent ceux de Laoise, qui n’arrive plus à détourner le regard, comme aimantée. « J’ai l’impression que tu es comme moi, enfin, sur ce point. Tu veux semer des graines et attendre de voir les fleurs pousser mais… Il y a malheureusement des gens qui ne voient pas les choses de la même façon. Ils préfèrent arracher les racines avant qu’une première bouture n’apparaisse. Ils ont peut-être peur de ne pas apprécier la couleur de la fleur, ou son parfum. » Une dose d’affection totalement inattendue se déverse dans la poitrine de Laoise pour ce grand danseur un peu maladroit et son âme sensible et poétique. Elle a subitement envie d’ébouriffer tendrement sa tignasse ou de lui offrir une étreinte chaleureuse. Mais elle se retient. Parce que même s’il s’est légèrement détendu, elle ne pense pas que ce serait le genre de chose qu’il apprécierait. Et elle ne veut pas le mettre mal à l’aise. « Moi j’aime bien toutes les fleurs. Même si certaines me font éternuer. » Interdite, elle le dévisage un court instant avant d’éclater d’un rire franc qui lui dénoue les tripes et expulse la tristesse qui est venue lui alourdir les poumons pendant leur discussion un peu trop sérieuse. Elle reprend son souffle, enveloppe le grand gamin d’un regard peut-être un peu trop affectueux mais bien sincère. « J’aime bien toutes les fleurs aussi. Surtout quand elles éclosent et qu’on voit les couleurs… » Après la richesse des visages humains, c’est celle de la nature dans toute sa splendeur qu’elle préfère peindre. « Tu sais, j’ignore pourquoi ta mère est partie, mais je pense qu’elle serait fière de toi si elle voyait ce que tu es devenu. » Consciente que sa réflexion pourrait être mal reçue – qui est elle après tout pour parler au nom d’une femme qu’elle n’a jamais rencontrée ? – elle esquisse un sourire contrit. « Ce n’est pas tout le monde qui écouterait les radotages d’une vieille dame comme moi. » L’autodérision est bien évidente dans sa voix. Elle n’est pas si âgée que ça et elle le sait, même si elle a déjà frôlé la mort d’un peu trop près. « Surtout quand c’est ton moral qu’on devait remonter, pas le mien. » Ramenée à le sujet d’origine, elle arque un sourcil. « Tu vas retenter ta chance ? » demande-t-elle en désignant d’un léger coup de menton les chaussures de danse qui pendent toujours au cou du jeune homme.
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyJeu 18 Juin 2020 - 17:41

Il se surprend à parler plus que d’habitude, Raphael. Il est habituellement le garçon qui évalue toutes les phrases possibles avant de prononcer la plus simple, la moins longue et la plus compréhensible. Il veut éviter de se faire mal comprendre pour répéter une seconde fois et ainsi perdre plusieurs autres millilitres de cette faible quantité de carburant qu’il traîne avec lui. Pourtant, il n’a pas pu : ce n’est que l’alcool qui arrive à lui délier la langue et à le transformer, parfois en une bombe de sentiments, parfois en un connard qui oublie qu’il n’est pas le nombril du monde. Aujourd’hui, il se pourrait que ce soit la situation plutôt unique qui l’encourage à s’emporter dans la discussion sans compter les points, les virgules, les pauses, les reprises. « J’aime bien toutes les fleurs aussi. Surtout quand elles éclosent et qu’on voit les couleurs… » Il ne sait pas s’il s’agit là d’une métaphore, au même titre que celle que Raphael a faite en premier. Est-elle du genre à apprécier de sortir de sa zone de confort ou, plutôt, vient-elle seulement de lui faire savoir que la nature possède une place importante dans son cœur ? En vue de la discussion, Raphael assume qu’il s’agissait bel et bien d’une métaphore et que, comme lui, Laoise apprécie d’être surprise par la couleur inattendue des pétales : la tournure imprévisible d’une relation. « Tu sais, j’ignore pourquoi ta mère est partie, mais je pense qu’elle serait fière de toi si elle voyait ce que tu es devenu. » C’est le rose qui monte à ses joues alors qu’il accueille difficilement ce compliment qui lui tord les tripes de tristesse mais aussi de gratitude. Il aurait aimé l’entendre de la bouche de sa mère, même si la plupart des mamans sont certaines d’avoir mis au monde la plus belle perle, celle qui se différencie des autres. « Ce n’est pas tout le monde qui écouterait les radotages d’une vieille dame comme moi. » Le jeune homme redresse la tête en esquissant un sourire, les lèvres entrouvertes et les yeux plissés pour se protéger des rayons aveuglants du soleil. Ses rides familières délimitent ses paupières et se tendent jusqu’à ses tempes. « Oh, tu n’es pas si vieille. » Il commence pour la rassurer, conscient que l’âge fait partie des complexes des femmes qui craignent de perdre leur fleurissante jeunesse. « Je n’ai pas eu le réflexe de te vouvoyer alors tu as encore beaucoup de temps devant toi avant que tu ne sois considérée comme une vieille dame. » Il ne saurait pas donner un âge à ce visage mais il est certain que Laoise n’a pas dépassé la cinquantaine. Elle est probablement plus jeune que sa mère, elle dont il n’a jamais pu observer la peau lisse avant que les rides ne se mettent à creuser sa surface. « Surtout quand c’est ton moral qu’on devait remonter, pas le mien. » Ses sourcils se froncent machinalement : on dirait bien qu’il avait réussi à oublier ces chaussures nouées autour de son cou. La douleur dans ses mains légèrement égratignées se rallume et il appuie instinctivement sur ses muscles endoloris en revoyant dans le fond de son crâne le mur de briques sur lequel il s’est défoulé. « Tu vas retenter ta chance ? » Long silence : Raphael a retrouvé son habitude de comparer toutes les phrases possibles avant de poser son dévolu sur l’une d’elles. « Je… Me suis toujours dit que j’y arriverai un jour. Et que ce ne serait qu’après cette réussite que je pourrai enfin arrêter de me battre pour une place dans cette école. » Sa posture s’affaisse à nouveau quand ses yeux se posent sur le sol en béton. « Mais j’approche la trentaine et ce ne sont que les jeunes qui se font accepter. Je pense que j’aurais dû arrêter d’essayer il y a bien longtemps. » Il serre l’une des chaussures dans sa main en se pinçant les lèvres, une lueur nostalgique traversant ses pupilles humides. « Je devrai y réfléchir. » Il se force à sourire en relevant la tête pour croiser le regard de Laoise. Il hausse instantanément un sourcil et demande sur un ton peu rassurant : « Tu es toute blanche. C’est la chaleur ? » Il n’a pas l’habitude de jouer les ambulances mais il ne faut pas détenir un diplôme en médecine pour remarquer que le teint de Laoise n’est pas normal. Il a bien remarqué qu’elle a choisi un coin à l’ombre pour s’asseoir mais il a tout de suite cru que ce n’était que le réflexe d’un être humain normal qui ne souhaite pas terminer sa journée cloué au lit à cause d’une insolation.
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyJeu 9 Juil 2020 - 22:51

« Oh, tu n’es pas si vieille. Je n’ai pas eu le réflexe de te vouvoyer alors tu as encore beaucoup de temps devant toi avant que tu ne sois considérée comme une vieille dame. » Ça pourrait ressembler à une flatterie, mais il y a tellement de sincérité dans la voix du grand blond que Laoise se prend à lui sourire. « C’est gentil… » Et puis, poussée par son envie de comprendre son interlocuteur, elle lui demande s’il a l’intention de repasser l’audition. L’expression du jeune homme s’assombrit tandis que ses sourcils se froncent au-dessus de ses grands yeux. Elle regrette presque de lui avoir posé la question. Pendant un instant, il semblait avoir oublié ses sourcils, mais voilà qu’ils sont revenus au galop, ravivé par la curiosité de Laoise. Malgré le silence qui s’étire, elle ne s’impatiente pas. Elle a tout son temps après tout. Même si la tête commence à lui tourner, sans doute à cause du soleil qui plombe et l’étourdit, même dans leur petit coin d’ombre. Elle a l’impression que le banc sur lequel ils sont assis tangue comme un bateau malmené par les vagues. Quand la voix du grand blond s’élève enfin entre eux, elle lui parvient d’un peu loin, comme s’il lui parlait du fond d’un tunnel. « Je… Me suis toujours dit que j’y arriverai un jour. Et que ce ne serait qu’après cette réussite que je pourrai enfin arrêter de me battre pour une place dans cette école. » Elle ne sait trop quoi penser de cette révélation. Un peu confuse, elle plisse les yeux. Essaie-t-il d’obtenir une place dans cette école juste pour se prouver quelque chose, sans pour autant avoir véritablement envie de suivre les cours qui y sont offerts ? C’est peut-être parce qu’elle a senti la mort tout près, mais il lui semble qu’il perd son temps et gaspille sa vie à courir ainsi après cet objectif presque inatteignable. Il y a fort à parier qu’il ne serait pas plus heureux même après l’avoir réussi. « Mais j’approche la trentaine et ce ne sont que les jeunes qui se font accepter. Je pense que j’aurais dû arrêter d’essayer il y a bien longtemps. » Elle regrette aussitôt sa pensée. De toute évidence, obtenir une place dans cette école est véritablement important pour ce jeune homme, quelle que soit la raison. Qui est-elle pour juger de la futilité potentielle de son entreprise ? Après tout, elle n’est pas dans sa tête. Et, malgré ses confidences, elle le connaît très peu. Elle ne connaît même pas son prénom. « Je devrai y réfléchir. » Elle devrait dire quelque chose. Elle sent qu’elle pourrait lui offrir un conseil quelconque, mais elle a du mal à mettre de l’ordre dans ses pensées brumeuses. Elle scrute le visage pâle du grand blond, s’étonne distraitement qu’on puisse avoir le teint aussi laiteux et survivre en Australie sans ressembler à un homard.

Le sourire timide qu’il lui offre se fige sur ses lèvres tandis qu’il la dévisage, un sourcil haussé. « Tu es toute blanche. C’est la chaleur ? » Par réflexe, elle porte mollement une main à son front, le trouve humide de sueur et étonnamment chaud contre le bout de ses doigts glacés et engourdis. « Oh ce n’est rien, » souffle-t-elle pour le rassurer. « C’est la chaleur probablement, comme tu dis. Je n’ai pas l’habitude. » Ni les étés tempérés de Dublin, ni ceux de Vancouver, tout aussi agréables, ne l’ont préparée à la brutalité du climat australien. Malgré tout ses efforts, le blond ne semble pas convaincu. Elle songe qu’il a de l’instinct après tout. Parce qu’il a raison de doute. Elle sait bien que la chaleur n’est pas la seule responsable de son état. « Ou alors c’est le cancer. » Elle ne prend conscience de ce qu’elle a dit qu’une fois que les mots ont dévalé de ses lèvres et que le visage de son interlocuteur s’allonge comme si elle venait de prononcer une malédiction. Elle la connaît, cette expression un peu trop neutre que les gens vous renvoient pour masquer les pensées désagréables qui les assaillent en apprenant la désagréable nouvelle. « Ne fais pas cette tête-là voyons. Je ne suis pas sur le point de crever, je suis en rémission. » Une petite victoire à la fois, elle a réussi à gagner la guerre. Après des centaines de batailles, la maladie a fini par agiter le drapeau blanc. Une demande de trêve, pour battre en retraire, la queue entre les jambes. Ou aller reprendre des forces et revenir plus puissante que jamais. Laoise n’a aucun moyen de le savoir avec certitude. Elle ne peut que prier et espérer. C’est ce qu’elle fait. Elle s’accroche à cet interlude de paix au milieu de la tempête et vit un jour à la fois pour ne pas perdre la tête. Consciente d’avoir été un peu abrupte, elle soupire et presse sa paume contre son arcade sourcilière. « Désolée, c’est un sujet… sensible. » Un qu’elle n’aborde presque jamais d’ailleurs. Va savoir pourquoi son secret s’est échappé aujourd’hui. Sûrement que leurs confidences précédentes ont ouvert la porte à cette révélation. « Je pense que j’ai besoin d’un peu d’air frais. Tu sais s’il y a un resto ou un café avec la climatisation dans le coin ? » Elle n’arrive pas à décoder son expression, outre qu’il a l’air un peu incertain. Elle se sent mal de le prendre en otage comme ça, mais elle sent qu’elle n’aurait pas la force déambuler toute seule sur la rue jusqu’à ce qu’elle trouve une petite oasis de fraîcheur. Pour camoufler le fait qu’elle a sincèrement besoin de lui, elle esquisse un sourire en coin. « Si tu m’accompagnes, c’est moi qui paie, » lui propose-t-elle, une lueur sûrement un peu trop suppliante au fond de ses yeux verts.
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Message(#)Everything I've missed [Laoise&Raphael] EmptyVen 17 Juil 2020 - 14:15

Habituellement, Raphael n’est pas bien observateur. Cependant, le teint blême de Laoise l’avait automatiquement alerté. Un visage rosé ne devient pas aussi blanc en l’espace de quelques secondes à moins qu’il y ait un véritable problème derrière cette métamorphose. C’est pour cette raison que le jeune homme, perplexe, fait rapidement savoir à son interlocutrice que tout ceci le laisse à croire que quelque chose d’anormal est en train de se produire. « Oh ce n’est rien, » que répond pourtant cette dernière après avoir doucement tâté son front de ses fins doigts. « C’est la chaleur probablement, comme tu dis. Je n’ai pas l’habitude. » Il est difficile pour un australien de ne pas avoir l’habitude de la chaleur du sud. Même Raphael, qui est blanc comme un drap en temps normal, semble supporter bien plus facilement l’atmosphère dense qui se condense contre le béton qui les entoure. En ville, la chaleur est bien plus pénible qu’en campagne : voilà une piste qui pourrait peut-être éclairer le jeune homme qui ne comprend pas pourquoi Laoise est soudainement couverte de sueur. Il allait lui poser la question, l’interroger davantage quant à cette affirmation mais elle reprend sur un ton plus… surprenant. « Ou alors c’est le cancer. » Surpris par l’annonce, Raphael entrouvre les lèvres et, évidemment, son regard trouve refuge dans un coin plus réconfortant : le sol. Celui qui ne peut pas juger sa réaction car… il n’est pas un élément doté de vie. C’est à ce moment qu’il doit demander plus de renseignements sur la nature de son cancer ou il est préférable qu’il se taise pour ne pas raconter n’importe quoi ? Il ne sait pas trop, à vrai dire. La maladie est une peste noire qu’il n’a jamais côtoyée. Ses pères ont une santé de fer et ses quelques amis, que l’on peut compter sur les doigts d’une main, se portent à merveille – du moins, il croit, peut-être que certains lui cachent des choses. « Ne fais pas cette tête-là voyons. Je ne suis pas sur le point de crever, je suis en rémission. » Enfin, il redresse la tête en affichant un doux sourire, rassuré. La malade se trouve donc dans la phrase où l’espoir est plus fort que le reste. C’est une bonne chose : il n’aurait pas su quoi dire si elle devait se rendre à son énième traitement de chimiothérapie en fin de journée. « Oh ! Je suis content de l’apprendre. » Sa voix est sincère et ses yeux brillent joliment. « Pas pour le cancer, mais pour la rémission ! » Il précise rapidement, bien que Laoise ait probablement compris par elle-même qu’il ne lui souhaite pas du malheur. « Désolée, c’est un sujet… sensible. » Il glousse nerveusement en passant sa main dans sa crinière bouclée, ramenant ses cheveux collants de chaleur vers l’arrière. Il est vrai que, même à l’ombre, un australien devrait toujours se trimbaler avec une bouteille d’eau, ce que Raphael a omis de faire. À moins qu’il ait oublié cette dernière dans l’école de danse, à la suite de son audition ratée ? C’est probablement le cas mais il a l’impression de ne pas se rappeler de ce détail, comme si son échec avait effacé sa mémoire pour le préserver une année de plus. « Je pense que j’ai besoin d’un peu d’air frais. Tu sais s’il y a un resto ou un café avec la climatisation dans le coin ? » Aussitôt, ses yeux se mettent au travail et parcourent les alentours. Son radar à restaurant scanne chaque bâtiment et il trouve finalement une sorte de petit café servant sandwichs et salades, à première vue. Il le pointe avec son doigt, rabaissant rapidement sa main sur sa radio une fois que Laoise a tourné la tête vers le petit restaurant qu’il désignait. « Je ne connais pas le coin comme le fond de ma poche mais ce petit café semble… agréable. » Il hausse les épaules, se sentant comme le pire des guides touristiques. Il faut dire que le jeune homme ne sort que très rarement, préférant vivre sa solitude chez lui plutôt qu’en public. « Si tu m’accompagnes, c’est moi qui paie, » C’est à ce moment que son instinct d’antisocial aurait pris le dessus sur ses paroles mais le garçon capte le regard suppliant de Laoise. Il se mord la lèvre inférieure, soudainement compréhensif, comme s’il avait lu dans ses pensées. Il sourit doucement et hoche la tête, se relevant dans le même mouvement. D’une main, il tient précieusement sa radio, puis il tend l’autre en direction de sa compagne pour l’aider à se relever – si, bien évidemment, elle a besoin de son soutien pour un acte aussi banal.  

Rapidement attablés à l’intérieur, à la demande de Laoise qui préfère se poser sous le courant d’air de l’air climatisé du café, les deux se retrouvent face à face. Déjà, le visage de la femme retrouve ses couleurs. « C’était quel genre de cancer, alors ? » Il ose demander, bien qu’on entende une certaine retenue dans le ton de sa voix, comme s’il laissait la possibilité à Laoise de répondre à la question ou de la balayer du revers de la main. Bientôt, une jeune serveuse les rejoint à leur table et prend leurs commandes. Ayant très peu d’appétit – et voulant éviter de prendre l’item le plus cher sur la carte – Raphael ne commande qu’une limonade.  
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