| Everything I've missed [Laoise&Raphael] |
| | (#)Mer 5 Aoû 2020 - 3:34 | |
| D’abord, Laoise pense qu’il va refuser. C’est que son hésitation est écrite partout sur son visage, de ses dents qui s’enfoncent timidement dans sa lèvre à son regard légèrement fuyant. Elle ne pourrait lui en vouloir si c’était le cas. Malgré leurs confidences, ils ne se connaissent pas vraiment et, surtout, ils ne se doivent rien. Et puis ses yeux clairs reviennent se poser sur Laoise et quelque chose semble se détendre chez lui, comme s’il venait de prendre une décision. Bientôt, un sourire apparaît sur ses lèvres tandis qu’il hoche la tête. À son tour, elle lui sourit sans même essayer de cacher son soulagement. « Merci, » souffle-t-elle en acceptant la main qu’il lui tend pour se lever. Elle n’est pas trop déséquilibrée, mais elle a les jambes molles et elle est heureuse de pouvoir s’appuyer sur son bras tandis qu’ils avancent lentement jusqu’au petit café qu’il a remarqué de l’autre côté de la rue. Quelques minutes à peine plus tard, ils sont installés l’un en face de l’autre à une petite table placée juste en dessous du climatiseur, gracieuseté de la jeune femme à l’accueil qui avait eu l’air particulièrement alarmée par le teint crayeux de Laoise. Les yeux entrouverts, l’artiste savoure le souffle d’air frais qui lui redonne des forces et éclaircit ses pensées embrouillées. « C’était quel genre de cancer, alors ? » La question met brutalement fin à ce moment de quiétude. Vaguement mal à l’aise, elle ouvre les yeux et se redresse dans sa chaise en ramenant machinalement les pans de son cardigan sur sa poitrine. Elle n’aime pas parler de sa maladie. Pourtant, elle sait très bien qu’elle a ouvert la porte aux questions du jeune homme en mentionnant son cancer. Au fond, elle aurait très bien pu se contenter de blâmer la chaleur pour son malaise sans entrer dans les détails. Sauf qu’ignorer une situation ne la fait pas disparaître pour autant. Ça n’aide pas à la surmonter non plus. Il faudra bien qu’elle accepte sa nouvelle réalité un jour, ce n’est pas comme si elle avait le choix de toute façon. Une étape à la fois. Et s’ouvrir un peu sur le sujet lui semble un point de départ comme un autre. Surtout qu’il n’y a pas de curiosité vorace et déplacée dans le ton du jeune homme. Qu’un intérêt poli, délicat, juste assez intéressé sans devenir envahissant. C’est sûrement ce qui lui donne finalement le courage, une fois la serveuse repartie avec leur commande, d’inspirer profondément et de finalement répondre à sa question. « Du sein. » Elle appuie ses bras croisés sur la table, scrute le motif multicolore de la nappe. « J’ai été chanceuse, il n’était pas très avancé. » Ça n’avait pas empêché une terreur glaciale, abjecte, de l’envahir dans ce petit bureau tout blanc, désespérément stérile, quand le médecin lui avait sobrement annoncé le diagnostic. C’est qu’elle avait encore en mémoire la silhouette émaciée de sa mère dont elle s’occupait alors qu’elle se mourait à petit feu d’un cancer des poumons avait fini par l’emporter. Elle se voyait déjà prendre le même chemin. Elle relève la tête, croise le regard de son compagnon. « Les médecins ont pu le traiter facilement. » Elle tait ce que ces traitements lui ont véritablement coûté : sa féminité qu’elle a dû sacrifier sur l’autel de sa survie. Elle ne mentionne pas ces cicatrices qui marquent sa poitrine maintenant plate et qu’elle ose à peine regarder dans le miroir. Ni ses cheveux qui ont commencé à tomber par poignées et qui, un an et demi après la fin de son cauchemar, recommencent à peine à retrouver la force et la douceur soyeuse qui ont toujours fait sa fierté. Ça lui fait trop mal, c’est trop personnel pour qu’elle s’engage sur ce chemin. Heureusement, la serveuse revient, interrompt le silence avant qu’il ne s’étire en déposant une limonade devant le grand blond et un thé glacé devant Laoise ainsi que l’assiettes de petits biscuits qu’elle a commandée. Tandis que la jeune femme s’éloigne, Laoise s’éclaircit la gorge pour chasser l’émotion et attrape l’un des biscuits. « Sers-toi si tu en veux, il y en a trop pour moi, » propose-t-elle en se reculant à nouveau dans sa chaise pour grignoter son dessert à petites bouchées. « Au fait, comment tu t’appelles ? » S’il y a une véritable curiosité derrière cette question, c’est aussi l’envie farouche de changer de sujet qui la motive. Elle s’est déjà beaucoup plus confiée qu’elle ne l’aurait pensé et elle préfère s’arrêter avant que ça ne devienne vraiment trop inconfortable. Alors elle tente de ramener la discussion vers un sujet plus léger. |
| | | | (#)Ven 21 Aoû 2020 - 3:08 | |
| Raphael ne sait pas gérer ce genre de situation. Aucun membre de sa famille n’a été frappé par ce monstre nommé le cancer. Il faut dire que lui-même a une santé de fer – probablement parce que son régime consiste à trop de légumes et de la viande en quantité raisonnable. Cela fait des années qu’il suit le même régime parce que c’est ce qui fonctionne le mieux pour le danseur qu’il est. Il reste fort mais mince, exactement comme les professionnels. Seulement, il lui manque la partie « contrat » dans l’équation pour se qualifier comme les autres. Complètement perdu devant cet univers qui s’ouvre à lui, il ne sait pas vraiment comment s’y prendre mais la curiosité lui chatouille le bout de la langue. C’est ainsi qu’il demande à la dame la sorte de cancer qui s’en est pris à elle. « Du sein. » Lèvres pincées, il hoche la tête. C’est le cancer dont on entend souvent parler, illustré par un petit bandeau rose. Ce n’est pas pour autant qu’il en connait assez sur le sujet pour en faire une présentation orale. « J’ai été chanceuse, il n’était pas très avancé. » C’est un réflexe pour lui d’observer la coiffe de Laoise comme s’il s’attendait à découvrir qu’il s’agit en fait d’une perruque brune qui repose sur son crâne. Pourtant, tout semble complètement naturel. Soit il n’y connait absolument rien en cancer, soit les perruques sont devenues aussi naturelles que les vrais cheveux qui poussent sur sa tête à lui. « Les médecins ont pu le traiter facilement. » Léger sourire aux lèvres, on peut voit dans ses yeux une légère brillance. S’il affiche difficilement ses émotions devant les gens qu’il ne connait pas, il ne peut pas cacher la joie d’entendre la nouvelle. C’est une information bien plus rassurante que celle d’apprendre l’existence d’une maladie en phase terminale. « Je suis content pour toi. C’est encourageant, j’imagine. » Il l’interroge de façon rhétorique juste avant de porter son regard vers la serveuse qui vient prendre leurs commandes. Il ne prend qu’une boisson fraîche alors que Laoise se fait plus aventureuse en penchant pour une assiette de biscuits en tout genre. « Sers-toi si tu en veux, il y en a trop pour moi, » Ses yeux curieux analysent la forme des biscuits, leur grosseur, leur couleur, puis leur texture. Il faut dire que Raphael est assez minutieux lorsqu’il s’agit de son alimentation. Depuis qu’il est petit garçon, il a l’impression que c’est mal de manger du sucre avant le plat principal. C’est une connerie encrée dans sa tête, il ne sait pas pourquoi ça l’observe depuis toujours. « Merci mais… L’appétit n’est pas vraiment là. » qu’il répond finalement, un air désolé sur le visage, avant d’enrouler la paille de sa limonade avec ses lèvres – oui, non, les boissons sucrées ça ne compte pas dans son régime mental, il ne faut pas chercher à comprendre ça ne fait aucun sens ni pour la science, ni pour la logique. « Au fait, comment tu t’appelles ? » Il fronce les sourcils, réalisant seulement maison qu’il ne lui a effectivement jamais donné son nom. Il y avait peut-être quelque chose de thérapeutique dans cette discussion anonyme qu’il a eue avec elle. Malheureusement pour lui, le mystère ne le reste pas bien longtemps. « Raphael. » Il formule finalement après avoir réfléchit quelques secondes. Une personne de plus connait son nom à Brisbane, ça lui fait toujours bizarre de penser à cela puisqu’il se sent minuscule dans cette ville immense.
Tous les deux passèrent une petite heure à discuter de tout et de rien tout en se forgeant lentement un lien plus fort que de simples connaissances. Juste avant de quitter le café un peu plus vide qu’à leur arrivée, Raphael avait finalement coincé entre ses doigts un biscuit pour le déguster sans trop penser à cette règle inventée qui ne fait que l’empêcher de mordre dans les petits bonheurs de la vie. Ils se sont échangés leur numéro leur téléphone sans que Raphael ne comprenne pourquoi il avait soudainement été capable de formuler des phrases de plus de cinq mots.
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