Olivia faisait partie de ces personnes qui n’exprimaient pratiquement jamais leurs émotions avec facilité, et si Hannah n’avait jamais su déterminer s’il s’agissait là de pudeur ou simplement de froideur naturelle, ça ne l’avait pas empêchée de créer un lien fort avec la brune puisqu’elle-même ne débordait pas exactement de l’allégresse qui définissait par exemple d’autres membres de sa famille, tel que Lucia. Mesurée dans ses actes comme dans ses paroles, la jeune femme s’était immédiatement sentie à l’aise en compagnie de Liv, trouvant en elle des points communs qui lui semblaient importants afin de développer une réelle amitié, même si leur rencontre n’avait jamais été un indicateur de la façon dont leur relation était pourtant amenée à évoluer. Un simple échange de patient à médecin, une June accablée par la fièvre comme conducteur d’une discussion qui avait très rapidement mené à d’autres entrevues, menant peu à peu les deux jeunes femmes à se découvrir au-delà du rôle dans lequel elles s’étaient préalablement présentées l’une à l’autre ; le médecin urgentiste et la mère inquiète. Les années passant, leur amitié s’était renforcée, mais la perte de June avait été l’élément déclencheur d’une lente descente dans les abimes de la solitude et si le dialogue n’avait jamais été rompu, ce dernier avait perdu de sa profondeur pour peu à peu se transformer en un échange de banalités qui ne leur ressemblaient pourtant pas. La brune s’en était rendu compte mais avait tenu à laisser de l’espace à Liv, ce qu’elle regrettait désormais en constatant ce que cet éloignement avait provoqué. Le médecin n’avait pas la vanité de se croire capable d’une quelconque influence sur son amie, mais une part d’elle ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur la possibilité d’une autre alternative à son comportement actuel, si seulement elle s’était montrée davantage présente pour elle. « Et tout ça en qualité de quoi, Hannah ? » La question était insidieuse et la brune tourna vivement le regard vers le visage impassible de Liv, froissée qu’elle puisse jouer la carte de la psychanalyse alors qu’elle était à mille lieux de tenter la moindre analyse. Il était évident qu’elle se mette en quête d’une explication après ce à quoi elle venait d’assister, mais elle n’aurait jamais volontairement enfilé sa casquette de médecin face au désarroi de son amie, sauf si elle le lui demandait. La frontière entre les conseils d’une amie et ceux de la psychiatre était fine, presque impalpable, et pourtant Hannah ne se serait jamais permise de considérer Liv à la façon d’une patiente, même s’il lui paraissait évident qu’une aide extérieure lui serait favorable. Cette conclusion, cependant, resta coincée entre ses lèvres et refusa de se matérialiser par des mots, la brunette jugeant que le moment n’était guère opportun. En dépit de son calme apparent, Liv était sur la défensive et probablement dans l’expectative d’un indice de sa part quant à ce qu’elle ferait de ce qu’elle avait vu et entendu dans cette salle d’interrogatoire. « En qualité d’amie, Liv. Mais je suis disponible pour t’offrir mes services si tu en ressens le besoin. » Ajouta-t-elle en se retenant tout juste d’ajouter que le caractère secret de ses entretiens ne ferait probablement pas de mal, mais elle préféra s’abstenir. Le secret professionnel avait lui aussi ses limites et quelque chose lui disait que Liv frôlait dangereusement celles-ci, raison pour laquelle elle n’avança pas cet argument dans sa proposition. Son amie changea de sujet en l’interrogeant sur son stage, et si Hannah devinait une intention derrière la question, elle lui répondit tout de même sur un ton affable, soulagée que la conversation reprenne l’aspect de la normalité et en profitant pour l’interroger à son tour sur les rapports qu’elle entretenait avec Morton, son maître de stage. « Sur des affaires, oui. Sur le terrain, rarement. » Logique, la majeure partie de son travail était dans l’analyse et donc forcément, au milieu de la paperasse et des dossiers. Hannah hocha la tête en signe d’assentiment et s’empara à son tour d’une tasse, imitant les gestes de Liv tout en observant le liquide sombre s’écouler dans l’objet en céramique marqué d’une phrase humoristique qui ne lui tira pourtant pas le moindre sourire. « Si nous sommes amenées à nous croiser autrement qu’autour d’une tasse de café, il est probable que cela se passe au cours d’auditions de profils plus complexes nécessitant votre analyse afin de mener l’interrogatoire de la plus … efficiente des manières. » Liv remettait sur le tapis le sujet des interrogatoires, probablement consciente de l’ironie de la situation dans laquelle elles se trouvaient désormais puisque Hannah allait se retrouver à empiéter sur les interrogatoires incombant également à la flic aux méthodes frisant l’irraisonnable, comme elle avait malheureusement pu le constater par elle-même. « Le reste du temps, notre cheminement demeure, dans la grande majorité des cas, plus parallèle qu’autre chose, tu peux être rassurée. » Rassurée, l’était-elle réellement ? L’inquiétude n’avait pourtant pas quitté un seul instant ses prunelles et lorsqu’elle les posa sur son amie, l’appréhension qui était la sienne ne fit que se renforcer. Sans doute aurait-elle préféré se retrouver dans une position l’obligeant à coller aux basques de la brunette, mais elle la connaissait depuis assez longtemps pour savoir que Liv aurait fait preuve d’inventivité pour se débarrasser d’elle et de sa présence de la manière la plus rusée qu’il soit. « Les deux départements sont complémentaires, je m’en doutais. Cela dit, je doute que l’on soit amenée à se croiser très souvent toi et moi. » Constata-t-elle, presque à regret, énonçant à voix haute une vérité qui aurait de toute façon été amenée d’une façon ou d’une autre par une Liv peu désireuse de voir Hannah traîner dans les parages lorsqu’elle faisait son boulot. « Et puis pour l’instant, je suis cantonnée au rangement des dossiers, le temps qu’il trouve quoi faire de moi. » Lança-t-elle dans une tentative discrète de plaisanterie, n’étant que trop consciente de la lourdeur qui pesait sur leur discussion. « Les dossiers sur lesquels votre expertise est demandée figurent parmi les plus compliqués, tu le savais sûrement avant de postuler. » Effectivement, même s’il paraissait évident que Hannah ignorait dans quoi elle mettait les pieds ; dans tous les sens du terme. « C’est autre chose de s’y retrouver confrontée réellement mais tu ne te laisseras pas démonter, n’est-ce pas ? » Récupérant à son tour la tasse de café fumante, la brunette releva le menton vers son amie, ne sachant que répondre à cette question déguisée. L’idée d’amener Liv au bûcher après ce qu’elle avait traversé n’était même pas envisageable, mais sa nonchalance et son absence de culpabilité ne l’aidaient pas vraiment à se sentir en paix pour la suite, au contraire. La jeune femme n’avait pas tenté de la persuader d’un quelconque revirement de comportement, ce qui la poussait à croire qu’elle comptait bien continuer sur cette voie, intimement persuadée de faire ce qui était juste pour parvenir à ses fins, au but qu’elle semblait s’être fixé pour obtenir la justice qui lui avait autrefois fait défaut. « Je ferai de mon mieux. » Souffla-t-elle, évasive, pas encore certaine de ses prochaines décisions pour la suite. Cela dépendrait de beaucoup de choses, et elle avait besoin de se retrouver seule avec ses pensées et ses doutes afin de faire le point sur ce qu’elle avait vu et entendu. Il y avait trop de choses en jeu, trop pour qu’elle puisse consentir à la discrétion que lui demandait implicitement son amie sans s’interroger sur le bienfondé d’une telle décision.
Olivia Marshall & @Hannah Whitemore (nov. 2018) ✻✻✻ « En qualité d’amie, Liv. Mais je suis disponible pour t’offrir mes services si tu en ressens le besoin. » Je me minéralisais, à la manière des falaises en bord de côtes que jamais rien n’atteignait. Même pas les mots qu’elle laissait exsuder de ses lèvres et qui portaient le goût amer de son cynisme. Car cela en était, n’est-ce pas, de rebondir en me proposant ses services, en suggérant que je puisse en avoir besoin. Je n’avais pas besoin de thérapie, j’avais besoin de ma fille. Et Hannah ne s’y prenait pas de la bonne manière si elle espérait m’atteindre et me ramener à sa cause en menaçant la seule et unique chose sur laquelle il me paraissait encore avoir le contrôle aujourd’hui : mon travail. Je laissais mon regard olive lire son visage à la recherche d’indices sur ses manœuvres à venir. Hannah était intelligente, et plus que cela, maline. À quoi s’attendait-elle, précisément ? Elle avait eu l’occasion de me surprendre derrière la vitre sans tain, m’observer mettre à mal mon adversaire momentané sans que sa souffrance n’occasionne chez moi le moindre sursaut de conscience, la moindre révolte, le moindre remord. Un autre qu’elle comme témoin indésirable et sans doute aurais-je même poussé le vice à faire semblant de m’en flatter pour justifier mes actes, comme si ces instants de trahison menant à la résolution m’exaltaient. Mais Hannah n’était pas les autres et je m’étais abstenue pour ne pas la heurter plus qu’elle ne semblait déjà l’être. J’étais restée sobre également car je ne ressentais pas le besoin de feindre quoique ce soit supposé me sauver, en sa présence. Ma placidité ne jouait pas en ma faveur, je m’en rendais compte alors que le regard de la jeune thérapeute demeurait vrillé sur moi, grave et incertain, comme si elle ne me reconnaissait pas ou qu’elle n’aimait pas ce qui se présentait à elle. Bienvenue au club. Où était-elle ces huit derniers mois ? Où était-elle lorsque, la douleur accablante, je n’avais pas eu d’autres choix que celui de revêtir ce visage, ce masque semblant se figer un peu plus jour après jour mais nécessaire pour faire face au reste du monde ? Où était-elle lorsque, incapable de me montrer aussi forte et résistante que ce que tout le monde n’avait de cesse d’espérer, j’avais fini par opter pour le plus détaché, le plus désensibilisé ? À l’extérieur, ils pouvaient croire que la mithridatisation avait commencé si cela pouvait les rassurer ; à l’intérieur, l’hémorragie poursuivait son chemin. Et il y avait Hannah, à présent ; Hannah se rendant compte que ce masque en cachait un autre, Hannah continuant tout de même d’espérer qu’une conversation avec une amie ou une séance avec une psychothérapeute suffirait à me relever. Elle m’imaginait brisée mais pas détruite, espérait que le ressort distendu n’empêche pas la résilience salvatrice de faire son travail. Et je ne répondais pas, me contentant de la guider au travers des couloirs du commissariat comme si rien ne s’était passé, comme si June était encore là, comme s’il s’agissait du premier jour de stage d'Hannah et qu’il était de mon devoir, en tant qu’amie, de lui fournir toutes les clés nécessaires pour le bon déroulement de ce dernier. Sauf que des droits avaient été bafoués par mon fait, que June n’était plus là, et qu’il ne s’agissait pas de son premier jour en ce lieu, simplement le premier où elle avait réussi à me mettre la main dessus.
Je soupirais en retrouvant l’amertume du café sur mon palais, dégageant derrière mon oreille les quelques mèches ambrées se dévouant pourtant pour dissimuler de leur mieux mes yeux soulignés d’un trait d’obscurité prouvant que je n’avais pas assez dormi cette nuit encore, que je ne dormais plus. Peut-être m’avait-elle surprise pour cela également par ailleurs, la fatigue s’accumulant et mon attention s’effritant. Cette dernière m’était nécessaire pourtant, et dans son entièreté pour faire face à la jeune femme à présent, pour obtenir les réponses que je désirais entendre afin de poursuivre ma journée et les nombreuses en commun nous attendant au fil des prochaines semaines. Combien exactement, avait-elle paru me demander de la plus naturelle des manières. Peu, mais déjà trop nombreuses à mon goût désormais. « Les deux départements sont complémentaires, je m’en doutais. Cela dit, je doute que l’on soit amenée à se croiser très souvent toi et moi. » Le regret à peine dissimulé dans le fond de sa voix confirmait mon impression, celle selon laquelle Hannah n’était pas prête à laisser tomber et à oublier. Celle selon laquelle elle aurait sans doute préféré pouvoir garder un œil sur moi, même de loin, à présent qu’elle avait eu un avant-goût de mes savoir-faire. Tu voudrais me surveiller, Hannah ? Même mon supérieur n’y parvenait plus, ce n’était pas à elle que j’allais en laisser l’opportunité. Elle y parviendrait sans doute mieux ceci dit et peut-être était-ce cela qui m’agaçait autant. Hannah me connaissait, quoique j’en dise, et me connaissait bien. Plus que cela, je lui avais toujours reconnu ce sixième sens étant le sien pour déceler l’indicible, dénicher la fêlure. Sous son regard avisé, la mienne ne tarderait pas se révéler imprimée, marquée au fer rouge par la maternité m’ayant été ôtée. Je ne voulais pas d’elle dans les parages, non, et refusais avec plus de fermeté encore qu’elle puisse faire planer son indécision vis-à-vis de mes actions comme une menace au-dessus de ma tête dans les mois à venir.
« Et puis pour l’instant, je suis cantonnée au rangement des dossiers, le temps qu’il trouve quoi faire de moi. » J’abaissai ma tasse en l’observant ne plus savoir me parler, en entendant ses mots devenir creux, vains, plus gênés qu’ils ne l’avaient jamais été en ma présence, même au fil de ces derniers mois. Allait-elle réussir à passer outre ? À ne pas compliquer nos affaires ? Et par nos affaires, j’entendais les miennes, égoïstement. « Je ferai de mon mieux. » Un léger sourire s’empara de mes lèvres, un qu’elle ne comprendrait peut-être pas mais que je ne retins pas tant l’idée qu’elle puisse penser que cela me suffirait me paraissait crédule, amusant. « J’ai toujours prêté de l’attention à ton opinion, tu le sais. On est amies et c’est pour cette raison que ça compte pour moi. » À l’extérieur. J’avais souri, oui, et ce sourire s’estompait en prenant son temps puisque tout ne semblait plus être qu’une mauvaise pièce de théâtre depuis son arrivée dans la salle des interrogatoires et que le café que nous partagions à présent embaumait la pièce d’amertume et de non-dits. « Mais il s’agit de mon boulot, ici. » Si elle comptait le mettre à mal ou le menacer d’une quelconque façon, j’attendais d’elle qu’elle sache me le dire en face. « Et tu l’auras compris, je ne cherche pas ton approbation. » Le sourire s’était évanoui désormais car il ne fallait pas qu’elle s’y trompe. Je demeurais peut-être impassible, peut-être même désinvolte si elle désirait le penser, je n’en demeurais pas moins extrêmement impliquée lorsque l’on touchait à mon poste, déterminée à le poursuivre de la manière dont je l’entendais. « Tu sais où me trouver si ton mieux se révèle insuffisant. » Ou s’il commençait à lui poser des cas de conscience. Je trempais de nouveau mes lèvres dans ma tasse, élevant légèrement cette dernière dans sa direction, feignant ainsi de la saluer amicalement. Elle n’y verrait pas d’inconvénient lorsque, l’instant d’après, je tournai les talons pour quitter la pièce, la laissant à sa journée pour poursuivre la mienne. L’ambition était cette qualité que nous avions en commun. Poussée à l’extrême, elle pouvait devenir défaut mais la mienne n’était pas vouée à me faire gravir les échelons, sa finalité désormais bien plus grande que celle-ci.
Il lui paraissait évident que Liv n’aurait pas dû se renfermer à la mort de June, et à ce stade la brune ignorait si son refus de demander de l’aide était dû à sa fierté ou simplement au déni, mais le triste résultat était là à présent et les deux jeunes femmes allaient devoir composer avec les conséquences de celui-ci. Enfin, une plus que l’autre. Olivia ne semblait guère vouloir s’embarrasser de culpabilité et pire, elle avait l’air d’être persuadée de mener sa barque comme il le fallait. Pour Hannah, le dilemme était déjà bel et bien présent dans son esprit et une part d’elle en voulait à son amie de l’avoir poussée dans ce coin, dos au mur, obligée de prendre une mauvaise décision, quelle qu’elle soit. Car parler de ce qu’elle avait vu à un tiers risquerait de mettre fin à une amitié ainsi qu’à une carrière, et c’était la dernière chose dont elle avait envie pour Liv, surtout après ce qu’elle avait déjà traversé. Déjà même lorsque June était encore en vie, son travail représentait tout pour elle, et nul doute que celui-ci lui avait permis de garder la tête hors de l’eau lorsque l’innommable était arrivé. La perte de celui-ci entraînerait forcément la brune vers le fond, et le médecin ne voulait pas que ça arrive. Cela dit, garder ce qu’elle avait vu pour elle mettait à mal tous ces foutus principes qui faisaient d’elle le genre de personne à laquelle elle faisait face dans le miroir sans détourner le regard. Cette omission allait briser quelque chose en elle et ça, la brune ignorait si Liv s’en rendait compte. Ou si elle en avait quelque chose à faire d’ailleurs, mais c’était un autre problème. Pour l’heure, son amie restait résolument insensible à ses tentatives de communication, et ni l’amie ni la psy ne semblaient trouver grâce à ses yeux. Que faire ? Pour la première fois depuis longtemps, Hannah était au pied du mur et ignorait quoi faire pour désamorcer la bombe qui s’apprêtait à exploser entre elles, le décompte s’opérant lentement, insidieusement alors que son regard cherchait à capter celui de son amie qui demeurait désespérément fuyant. Le silence s’installa, pesant, et la brune comprit que celui-ci était la réponse tacite que lui offrait Liv, à savoir qu’elle pouvait garder ses conseils pour elle, que ceux-ci viennent de l’amie ou de la psychiatre. Plissant légèrement les lèvres, elle se contenta donc de lui emboîter le pas sans trop savoir où allait bien pouvoir mener la suite de cette entrevue qui n’avait plus rien à voir avec celle de deux amies se retrouvant pour boire un café sur leur lieu de travail. Et pourtant, Hannah fit en sorte de ne pas jeter un froid duquel elles ne pourraient revenir, préférant jouer la carte de la banalité dans cette discussion qui n’était qu’apparence, camouflant à peine le malaise qui était le sien et les questions que Liv se retenait sûrement de lui poser. Est-ce que tu vas cafter, Whitemore ? Elle l’imaginait sans peine prononcer ces mots et elle passa une main nerveuse dans ses cheveux tout en tâchant de chasser cette image de son esprit, préférant se concentrer sur la version réelle de son amie qui, si elle demeurait impassible, avait au moins le mérite de ne pas lui poser d’ultimatum menaçant. La pièce où se trouvait le café tant attendu tranchait par sa banalité de la pièce d’interrogatoire où elles se trouvaient quelques minutes auparavant, permettant à la brune de se détendre quelque peu même si son regard restait accroché aux traits de son amie, cherchant les signes imperceptibles d’une conversation houleuse à venir. Mais comme à son habitude, Liv préféra la douce subtilité des sous-entendus à l’attaque de front, poussant Hannah à se remettre sur la défensive sans pouvoir lui apporter la réponse qu’elle devait forcément attendre. La brune se fendit d’un sourire qui désarçonna quelque peu le médecin, même si elle s’efforça de ne rien montrer. « J’ai toujours prêté de l’attention à ton opinion, tu le sais. On est amies et c’est pour cette raison que ça compte pour moi. » Etrangement, la brunette n’en croyait pas un mot et commençait à se demander où tout cela allait mener. « Mais il s’agit de mon boulot, ici. Et tu l’auras compris, je ne cherche pas ton approbation. » Effectivement, elle avait fait en sorte de lui faire comprendre qu’elle continuerait d’agir ainsi, en toute impunité. Et le problème était là, finalement. Pas de culpabilité, seulement un sentiment de rendre justice là où les autres échouaient en suivant les procédures, la loi. La fin justifiait désormais les moyens, et Hannah ne savait que faire de cette information. Le doute se lisait forcément dans ses yeux et elle décida de ne rien dire de plus, restant à son tour impassible face au brusque changement d’attitude de Liv qui avait laissé tomber son sourire pour révéler à nouveau la froideur dont elle s’enrobait comme d’une seconde peau. « Tu sais où me trouver si ton mieux se révèle insuffisant. » Relevant la tasse dans sa direction comme dans un salut amical qui n’en avait pourtant que l’aspect, la brune tourna les talons et abandonna Hannah à ses questions sans réponses et au cas de conscience que son amie avait provoqué mais qu’elle ne regrettait pourtant pas. Dans un soupir, elle écoula ce qu’il restait du liquide noir dans l’évier, la gorge désormais trop nouée pour avaler une gorgée de plus, et reprit la route de son propre département, s’efforçant d’effacer l’image de Liv de son esprit même si elle savait déjà que ce qu’elle avait vu la hanterait nuit et jour jusqu’à ce quelque chose soit fait. Mais la même question demeurait ; que faire ?