Les yeux curieux parcourent ma peau, ma silhouette se laisse flotter alors que ma soeur renchérit d'un « Montre. » sans aucune équivoque possible. « Ça chatouille. » je pouffe, sentant son souffle sur ma nuque alors que je la dégage pou lui montrer un premier tatouage, l'épaule qui suit pour en montrer un second. Le troisième caché pudiquement par mon maillot de bain sera pour une autre fois. « Je dois avoir peur ? » « Jamais. » ma voix la rassure d'office, les mêmes mots qu'on aurait pu utiliser pour n'importe quelle autre situation où elle comme moi ferait front, j'ai l'impression.

Y'a un moment qui passe, ils discutent, je m'isole.

« Comment tu t'appelles ? »
« Adam. »
« Tu vas rester avec nous ? »

Noah se trouve un nouveau pote en la personne d'Adam, j'échange pendant ce temps un coup d'oeil avec ma soeur en jaugeant l'inconnu de la plus silencieuse des façons. Il n'a pas l'air méchant ni intrusif, ils sont là les deux gars, l'un de 10 ans et l'autre de 10 ans d'âge mental à se lancer de l'eau au visage et à jouer avec les différents jets et autres huiles essentielles. « Je pense qu'il a mieux à faire que rester avec nous non ? » pourtant, il semble parfaitement s'amuser avec notre petit groupe, Adam.

***

Noah est resté à la chambre à se garder tout seul comme un grand, c'est-à-dire à s'endormir devant la télé emmitouflé dans nos peignoirs du spa qui sont encore infusé à l'eucalyptus et à la lavande.

L'heure du massage réservé par ma soeur est passée depuis une bonne poignée de minutes. Ma faute si on est en retard dans un monde où le temps semble être complètement arrêté ; je me suis stoppée des tas de fois dans les jardins pour mémoriser toutes les fleurs, pour en prendre des dizaines de photos. Personne ne l'aurait cru mais on finit tout de même par y arriver à la terrasse de massage, les deux lits alignés l'un à côté de l'autre sur une plateforme de bois en extérieur, bordée d'arbres, l'océan au loin. Tout est si beau ici qu'on s'y perd, qu'on contemple à chaque fois.

Mes pas suivent ceux de mon aînée quand elle s'allonge d'un côté et moi de l'autre. Et ils arrivent les masseurs, ils parlent de plein de trucs et ils listent la suite, mon regard est braqué sur l'horizon, impolie qui les écoute à peine, ma joue posée sur le matelas, appréhendant la suite en sachant à quel point tout, tout, tout me chatouille au moindre contact. D'un geste vif, je tourne la tête pour capter le regard de Jill allongée sur sa propre table, lui tirant la langue comme la gamine que j'ai toujours été rien que pour me changer les idées de la plus puériles des façons.

Ils ont tous fini par sortir du jacuzzi après quelques heures. Jusqu’à ce qu’on leur dise que ce n’était plus réservé et que des gens allaient arriver. Elles ont pris leur peignoir, Jill a promis à Noah qu’il reverrait Adam parce qu’il restait bien plus longtemps qu’elles. Il leur restait qu’un jour mais il fallait bien que Noah se décroche de l’homme qu’ils venaient de connaitre. Alors ils sont retournés dans leur maison et Noah a décidé d’y rester pendant que Jill et Ginny vont faire le massage prévu. Il a promis de ne pas sortir, il va certainement s’endormir 10 minutes après que Ginny aura fermé la porte.

Elles vont être en retard, Ginny s’arrête tous les 2 mètres pour prendre tout ce qu’il y a autour d’elle en photo. Des fleurs, de l’eau, des arbres, et Jill râle à chaque fois forcément. Mais elles finissent par arriver au bon endroit, avec du retard, mais Jill a réussi à ne pas perdre sa petite soeur en cours de route. Elles s’allongent l’une à côté de l’autre et elles attendent que les masseurs les rejoignent. Jill tourne la tête vers Ginny une seconde et elle lui tire la langue, bien évidemment Jill lui répond avant de pouffer de rire avec elle.

“Cette séance de massage est faite pour relâcher les tensions, et trouver les points de votre corps qui sont coincés.” ça a l’air très sérieux tout ça. Cette séance de massage a l’air un peu spécial, ça pourrait presque faire peur. Mais c’est pour leur bien, et tout va bien se passer. Elles ont toutes les deux un tas de raisons de vouloir se détendre et relâcher la tension. Et des mains se posent dans son dos. Elle capte de nouveau le regard de sa soeur pour lui faire un clin d’oeil, ça va aller, elles vont aller.

“Cette séance de massage est faite pour relâcher les tensions, et trouver les points de votre corps qui sont coincés.”

Sur papier, c'était exactement ce dont on avait besoin toutes les deux. Les points de tensions qui s'accumulent de ma nuque à mes épaules, les siens qui nouent son dos, sa colonne vertébrale en entier. Ceux qui se perdent sur nos omoplates, ceux qui prennent pour acquis nos tempes et nos mâchoires.

Sur papier c'était la meilleure idée possible et inimaginable, le plan dont on rêvait toutes les deux depuis la seconde où Jill m'a fait part du programme du week-end, les yeux scintillants et le sourire immense. C'était là où on s'allongerait sur d'immenses tables à massage, où on fermerait les yeux à chaque pression sur notre épiderme, où je serais l'enfer, littéralement, à pouffer de rire à chaque fois qu'on toucherait à peine à un millimètre de ma peau.

Et sur papier, j'aurais fermé les yeux à un moment, entre les pierres chaudes et l'huile à la lavande. Juste avant l'exfoliant aux fèves de cacao. J'aurais fermé les yeux et j'aurais inspiré quand on m'a demandé de le faire, expiré au même moment le plus docilement du monde.

À la place pourtant, mes yeux ne se ferment pas. Ils se remplissent de larmes, ils m'énervent et je m'énerve, à sentir ma respiration s'accélérer, ma cage thoracique se contracter. J'ignore où le masseur a appuyé pour que tout se déclenche aussi fort et aussi vite, je sais pas du tout quel point de tension s'est chargé de tout vendre, de tout débloquer. Mais ils sont forts les sanglots, ils sont forts et ils remontent et ils me brisent le coeur et je me brise le coeur aussi, de casser. Si facilement, si aisément.

J'arrive même pas à voir si Jill va bien, j'arrive même pas à la voir tout court, quand mon visage est noyé d'une peine que je n'assumerai jamais vraiment, qu'on m'oblige à avoir apparemment.

Une séance de massage. Jill voulait que sa soeur puisse se détendre, et se détendre elle aussi par la même occasion. Alors, après le spa c’était la meilleure des solution. Noah est resté dans les chambre, il doit sûrement dormir après tous les efforts qu’il a fait pour essayer de noyer Adam.

Après s’être arrêté des dizaines de fois pour observer et prendre des photos de la nature, elles ont fini par trouver la bonne salle, et les bons masseurs. Jill sourit et répond au tirage de langue de la mini McGrath, l’ambiance est légère jusque là. Jusqu’à ce que les masseurs posent leurs mains sur le corps des deux jeunes femmes. Une séance pour relâcher les tensions, et c’est bien différent d’une simple séance pour se détendre. Ils les trouvent les points sensibles, les points spécifiques qui font mal. Les minutes passent et Jill ne comprend pas très bien ce qu’il se passe. Il appuie au milieu de son dos et elle se met à angoisser. Elle est au bord de la crise d’angoisse quand elle entend sa soeur pleurer à côté. Toujours aussi brisées les soeurs McGrath. Mais cette fois, elles l’affrontent ensemble, et pas l’une contre l’autre. C’est une victoire en soi. Et la main de Jill se tend vers celle de sa soeur alors qu’elle tente de calmer sa respiration.

“Laisse toi aller Gin.” Laisse toi aller Jill. Il n’y a personne pour les juger ici, pour demander ce qu’il se passe. Elle est triste Ginny, elle est brisée, elle est en mille morceaux. Et c’est pour ça qu’elles sont là, qu’elles sont venues jusqu’ici ensemble. Elles ont le droit de se laisser aller, de pleurer, de hurler, de faire absolument tout ce dont elles ont besoin. Et elles ont peut-être besoin de plus de temps, peut-être qu’un simple week-end ne suffira pas. “Je crois qu’ils sont forts pour trouver les points de tension.” Elle tente de sourire un peu Jill alors qu’elle aussi est à deux doigts de se mettre à pleurer quand il pose ses mains sur un autre endroit que son dos. “Ca va aller.” C’est un promesse. Elles doivent passer par là pour aller mieux.

“Laisse toi aller Gin.” et tout sort, tout, de plus petit trouble aux plus grands, de plus minimes doutes à ceux qui en sont devenus suffocants. Au point où j'en suis épuisée, au point où mon corps lui-même en devient fatigué. Ce sont des mois et des semaines et des jours et des années, ce sont tant de non-dits qui tapissent mes joues de larmes au point où je ne sais même plus ce que je pleure tant tout se mélange, tant tout se renchérit. Ma cage thoracique presse et mon souffle avec, et pourtant mes yeux trouvent ceux de ma soeur, elle qui semble lutter si fort à son tour, elle qui retient tout alors que je n'en ai même plus la force.

“Je crois qu’ils sont forts pour trouver les points de tension.” et elle tente de sourire mon ainée, un sourire qui me brise le coeur au point où les larmes se relancent de plus belle. Mon bras s'allonge pour attraper la main de Jill et la couver de la mienne, la prochaine expiration fait plus mal que la précédente, et pourtant je ne pense qu'à elle désormais. Qu'à elle et ses propres démons, qu'à elle et tout ce qu'elle tente si stoïquement de garder à l'intérieur quand j'ai abandonné bien trop tôt et bien trop vite pour qu'elle puisse même concevoir en faire de même. On a été conditionnées à prendre soin de l'une lorsque l'autre craque, l'équilibre est ainsi impossible à brusquer si c'est moi qui a le rôle de la brisée.

“Ca va aller.” et pourtant ma main serre la sienne. Et pourtant je ne suis pas rassurée. Et pourtant je sais qu'elle ne l'est absolument pas, elle non plus. « Tu crois? » ma voix se casse d'être restée muette si longtemps, elle gratte et se bloquerait presque. Mes yeux eux, ne quittent pas ceux de Jill, pas une seule seconde. Tu crois? Parce que moi pas.

Elle essaie de parler Jill, certainement pour tenter d’oublier toutes les émotions qui sont en train de la submerger elle aussi alors qu’elle est allongé sur le ventre au côté de sa soeur. Cette séance va être épuisante, Jill est essoufflée alors qu’elle est allongée. C’est terrifiant de voir à quel point les soeurs McGrath sont capable de garder leur tristesse et leur angoisse en elle pendant des semaines, des mois, des années même. Et c’est Ginny qui craque la première, elle se met à pleurer à chaude larme et Jill a le coeur brisé de ne rien pouvoir faire. Mais c’est le mieux à faire, elle doivent lâcher prise, et Jill devrait le faire aussi, elle devrait être dans le même état que sa soeur si elle n’était pas en train de lutter de toute ses forces pour retenir les larmes et la crise d’angoisse qui va avec.

Elle ne sent presque plus les mains dans son dos tellement les points de tension ont l’air nombreux. Elle respire tant bien que mal, c’est compliqué mais elle arrivera certainement à tenir le coup encore quelques minutes. Elle garde la main de sa soeur dans la sienne elle la serre tant qu’elle le peut, elle ne veut pas la lâcher comme elle essaie de ne pas lâcher ses yeux quand elle se retourne vers elle. Elle essaie de se rassurer, de la rassurer par la même occasion mais c’est difficile.

“Tu crois ?” La voix de la petite soeur McGrath se brise, le coeur de Jill aussi quand elle laisse couler une première larme sur sa joue. C’est trop, tout est trop. Comment des personnes normalement constituées peuvent survivre à ce genre de vie, à toutes ces épreuves. Elle pince les lèvres, rien n’est jamais allé bien longtemps pour eux. Mais elle ne peut pas dire ça à sa soeur, pas alors qu’elles sont là pour aller mieux. “On est là, toutes les deux.” C’est que déjà il y a quelque chose qui va mieux dans leurs vies. Leur relation va mieux, et Jill a envie de se raccrocher à ça pour y croire un peu.

Rien ne va, absolument rien ne va. Rien ne fait de sens, tout déborde, tout blesse et tout m'épuise. Mon corps ne sert plus à grand chose qu'à expier tout ce qui fait mal, tout ce qui restait à l'intérieur quand jamais je n'aurais pu penser un jour avoir les forces de laisser sortir quoi que ce soit. Ça remonte à Londres et ça remonte à bien avant, ça remonte à un univers en entier de démons qui se chevauchent et qui prennent toute la place. L'espace restant est dédié à mes joues noyées de larmes que je déteste autant qu'elles soulagent.

“On est là, toutes les deux.” et c'est à ça que je me raccroche. C'est à sa main et à ses prunelles, c'est à sa peau bouillante et c'est à son affirmation aussi chambranlante que l'est ma silhouette que je me rattrape. Bien après le massage et ses milliers de points de tension trouvés pour mieux les enclencher fatalement.

Le reste de la journée m'épuise tout autant. Le calme de la chambre m'accueille à la seconde où je passe l'immense porte de bois, Noah est déjà calé dans les coussins du canapé. Lui qui se blottit contre moi et lui qui sait parfaitement que rien ne va. Il ne dit rien le gamin, il ne fait que replacer mon bras autour de ses épaules pour laisser ma joue se nicher contre ses mèches et mon souffle se perdre dans ses cheveux. C'est pour lui, que j'inspire doucement, c'est pour lui que je laisse mes doigts s'enrouler autour des siens, c'est pour lui, que je souris finalement. Jill viendra nous rejoindre une poignée de minutes plus tard, et les trois lits seront abandonnés pour laisser place au divan pour la nuit.

***

« Bon matin. » ma voix est rauque, mais mes yeux sont secs. La nuit a été si longue à mon sens alors que dehors, le soleil se lève à peine. On n'a pas bougé du moindre millimètre, les trois collés, les trois encore relativement endormis. Noah m'entend parler et grogne, me sent bouger et grogne encore. Il m'arrache un rire bref mais un rire tout de même. Et ça, Jill le sait autant que moi, c'est une véritable petite victoire.

Elle ne sait pas si ce massage les détend ou les enfonce encore plus dans leurs peines. Il y en a des tas des points de tension sur lesquels appuyer pour que les soeurs se détendent, pour qu’elles se lâchent enfin. Et tout ça ne peut que les rapprocher, les aider à aller mieux. Elle l’espère en tout cas. Elle espère que sa soeur ne pleure pas autant pour rien, que elle elle ne se mord pas les joues pour rien non plus. Malgré tous les efforts, quelques larmes coulent sur le visage de la brune. Elle devait être forte pour Ginny, c’est elle qui va mal, c’est elle qui a besoin de tout lâcher après tout ce qui lui est arrivé. Jill a tendu sa main et Ginny a enlacé ses doigts à ceux de sa soeur. Et elles se rassurent comme ça, elles sont deux dans la même galère. Deux a avoir toujours tout caché au monde entier, deux à avoir bien plus de secrets qu’on ne peut l’imaginer. Les McGrath portent des masques, et les soeurs en ont toute une panoplie, bien différents les uns des autres. Et Jill regretterait presque de ne pas avoir vu avant à quel point elles étaient semblables.

Elles finissent par rentrer au chalet, après des minutes, des heures, peut-être même des jours. Jill ne saurait pas le dire tant elle a l’impression d’être épuisée moralement et physiquement. Noah est plongé dans les coussins et Ginny se blottit contre lui. Personne ne parle, il sait Noah, il a toujours été bien plus intelligent que tous les adultes réunis dans cette famille. Jill finit par les rejoindre en ramenant un nouveau plaid et quelques trucs à grignoter. Les plaids et la nourriture sont des piliers de la famille. Et elle s’allonge. Ils sont là les uns pour les autres, et c’est rassurant à cet instant. Ils sont tous fatigués, et sans que Jill ne s’en rendre vraiment compte, elle finit par s’endormir entre les bras de sa soeur et de son filleul. Quoi de mieux pour se remettre d’autant d’émotions ?

***

Le soleil se lève à peine quand Jill est tirée de son sommeil par la voix plutôt calme de Ginny. Noah grogne et la brune fait la même chose. Ils ne sont pas de la même famille pour rien ces deux là. Jill remonte quelques minutes le plaid sur leurs deux visages en attendant que Ginny s’en aille pour les laisser dormir juste un peu plus. Mais le rire de sa soeur la réveille, elle se sent vraiment un peu mieux Jill, ses épaules sont moins tendues, mais il y a encore beaucoup de travail pour l’une comme pour l’autre. “C’est presque pas le matin, le soleil est même pas complètement levé.” Elle sort juste ses yeux par dessus le plaid. Il est bien trop tôt, et elle a déjà l’impression de manquer de sommeil. Et ils en auraient bien eu besoin pour survivre à toute cette nouvelle journée.

Elle se lève enfin et part rejoindre sa soeur sur la terrasse. “On a de nouvelles activités aujourd’hui.” Elle sourit un peu Jill. Elle ne demande pas si ça va ou si elle a bien dormi, elle les connait déjà ces réponses là. Alors elle prépare son programme. “On est pas obligé de les faire, on peut rester ici jusqu’à ce qu’on parte…” Elle ne sait même pas ce qu’elle veut vraiment faire Jill, mais cette activité là elle la redoute depuis qu’elle l’a vu sur la brochure. “C’est une discussion à trois avec une psy.” Pas besoin d’en dire plus, elle le sentira rien qu’à sa voix qu’elle est terrifiée. Et pourtant, ils en auraient vraiment besoin, tous les trois.

“C’est presque pas le matin, le soleil est même pas complètement levé.” j'entends la voix de ma soeur à l'intérieur, elle qui résonne entre deux grognements que je l'imagine dédier à Noah qui lui aussi a hérité du côté lève-tôt de la famille. Dehors, la brise est fraîche mais les couvertures replacées sur mes épaules lui font barrière de la plus douce et confortable des façons. Elle a raison, quand elle dit que le soleil est à peine levé. Elle a raison et pourtant je ne bouge pas du moindre centimètre pour rejoindre mon lit, trop concentrée à analyser toutes les teintes de jaune, d'orange, de rouge et de rose dans un ciel qui semble s'étendre sur l'éternité.

Les pas de Jill sur le parquet qui craque de la terrasse de bois reliée à la maison la trahissent. C'est là où je me redresse docilement pour attraper son regard au vol quand elle est à portée, pour tenter de voir si dans ses prunelles se cachent les mêmes démons qu'au creux des miennes. “On a de nouvelles activités aujourd’hui.” ma tête cède tranquillement sous un hochement de la positive, mes mèches partent sûrement dans tous les sens après une nuit à tourner d'un côté comme de l'autre sans jamais arriver à véritablement fermer l'oeil. “On est pas obligé de les faire, on peut rester ici jusqu’à ce qu’on parte…”

J'inspire, quittant son regard rien que pour laisser mes prunelles filer par-delà l'horizon. C'est étrange, comment tout est calme à l'extérieur, quand à l'intérieur tout brûle, tout bouille encore. « Je veux rester. » que je souffle, imperceptible, d'abord bien plus pour moi que pour qui que ce soit d'autre. « Je vais bien. » j'insiste, sans savoir qui je rassure vraiment. « Mais il faut que je reste, encore un peu au moins. » il le faut et elle le sait définitivement autant que moi, autant qu'elle en a besoin elle aussi.

Le soleil se lève à peine quand Ginny et Noah s’affairent déjà partout dans le chalet. Elle roule quelques minutes entre les plaids avant d’ouvrir vraiment les yeux pour observer sa petite soeur sur la terrasse. Ce week-end est difficile, aussi horrible que bénéfique pour les McGrath présents. Elle se lève et se retrouve derrière elle. Elle la regarde quelques secondes avant de parler et de lui demander si elle veut rester. Elle pourrait vouloir s’enfuir. Elles n’ont pas reparlé de ce qu’elles ont vécu lors du massage. Mais est ce qu’elles seraient capable de poser des mots sur tout ça ? Certainement pas. Jill a toujours du mal à comprendre ce qu’il a bien pu se passer. Une seconde tout allait bien, et l’autre elles étaient en train de pleurer et d’imploser. Elles vivent trop de choses les McGrath, trop de moments forts dans leurs vies. Elles ne sont pas faite pour rester tranquille. Et pourtant, Jill se demande comment ça se serait passé si elle était tombée dans une famille normale, ou si elle n’avait pas été malade.

“On reste alors.” Le temps qu’il faudra. Un week-end, une semaine, un an. Elle sait que Ginny a beaucoup de choses enfouis, tout comme elle. Elles ont besoin d’une pause. Une vraie pause, loin de tout. Elle ne va pas bien mais ça ne sert à rien que Jill essaie de la faire parler. Elles ne sont pas là pour ça quand elles sont toutes les deux. Elles ne parlent pas beaucoup, elles n’en ont pas besoin. On va rester et c’est tout ce qu’on devait savoir. Si elle était partie, Jill l’aurait suivi. Mais elle va essayer d’être forte, et de profiter de ce moment pour parler et se rapprocher de sa soeur et de son neveu. Ca s’annonce encore éprouvant, mais elles en ont besoin.