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{the smartest of them all | octobre 2019}
crédit/ (crackshipforya) ✰ w/ @Edge Price

"Hey, c'est pas moi que tu dois draguer, je te rappelle." Si elle avait voulu souffler dans sa clarinette, ça aurait fait belle lurette qu'ils auraient mis les voiles. Jo s'abstint de lui faire remarquer, ravalant ses métaphores musicales pour ne pas en dévoiler de trop sur ses centres d'intérêts. Après tout, elle était son type avait-il confirmé juste après son analyse du dimanche. Un petit battement de cils et l'affaire aurait été réglée ; deux – allez trois pour dire d'être sympa – coups de reins à l'arrière de la voiture qu'il lui vendait comme le carrosse de ses rêves et ils n'en auraient plus reparlés. Emballé, c'est pesé.
Dans un autre univers peut-être, là où elle accepterait de faire la charité aux vieux briscards du quartier. Et quand elle pensait vieux c'était dans le premier sens du terme. Denzel avait au moins dix ans de plus qu'elle, peut-être même plus que ça encore. Aussi, en attendant de prendre la première fusée qui l'emmènerait pour un aller-simple vers l'ailleurs, là où les poules avaient des dents – ce que lui n'aurait plus encore pour très longtemps, d'ailleurs –, elle reprit "Qu'est-ce que ça t'avanceras de le savoir de toute façon ?" Franchement, qu'est-ce qu'il essayait de faire au juste ? Si elle était toujours charmante ? Devait-elle lui demander de définir exactement ce qu'il entendait par là ? Parce que des adjectifs pour qualifier Josephine Ophelia Carter, il y en avait des tas… étant donné son ego qui refusait les antonymes aux qualités qu'elle se trouvait, charmante faisait évidemment partie de la liste. Enfin… à vrai dire non, c'était probablement l'une des premières fois qu'on osait la désigner de cette façon et pour cause : c'était un peu trop élégant pour elle, il fallait dire les choses telles qu'elles étaient.
Peut-être faisait-il preuve d'ironie, et elle n'avait pas su le comprendre à la seconde où il avait ouvert à nouveau la bouche pour la questionner davantage ? Et pourquoi, hein ? N'était-il pas établi, même si ce n'était basé que sur un accord passé plus ou moins tacitement, qu'ils n'étaient que deux inconnus consentants qui avaient partagé un agréable moment au milieu des poltrons et des cruches du vendredi ? Elle ne comptait pas en faire son meilleur ami – bien sûr, elle honorerait leur pari, s'octroyant le passe-droit de sa future victoire en l'obligeant à la traîner d'un coin à l'autre de la ville… mais c'était tout. Du coup, à quoi ça lui servirait d'en savoir plus à son sujet ?
A absolument rien. En plus, il était peut-être le type de tout le monde, il n'était pas le sien. De ce fait, il pouvait remballer sa rhétorique de kéké des plages ; il n'obtiendrait d'elle qu'un ticket direct pour date-land… pour ne pas dire autre chose puisque ce qui l'intéressait à ce moment-là, ce n'était clairement pas les roses et les bonbons en chocolat.
Elle arqua un sourcil, éludant la curiosité qu'elle décela soudain dans ses yeux bruns. Lui faisant reporter son attention sur la jeune femme qu'elle avait repéré au loin, et qui semblait à deux doigts de s'endormir sur place, ce fût avec un coup de menton dans sa direction qu'elle lâcha "Garde ton énergie pour cette cruche là-bas. Je suis flattée que tu t'intéresses à ce qui passe entre mes jambes… sauf que palabrer sur des évidences, ça a jamais été mon délire." N'empêche qu'il l'avait peut-être mieux cerné qu'elle ne le pensait. Toujours était-il que pour l'heure, elle ne voulait pas en savoir davantage sur lui. Il devait accepter la même chose de son côté, et ravaler ses méthodes de flic archetypé sorti tout droit d'une série télé.

Un pep talk plus tard, et le clin d'œil qu'il lui lança lui indiqua que ça y était, la partie était lancée. L'excitation était réelle, et un léger saut sur un tabouret, installé devant le comptoir de Dina, la fit se mettre dans le rôle du juge. Un comble, ce renversement de situation, elle qui avait été à la place du jeune homme à peine quatre ans plus tôt tandis qu'elle avait laissé son avenir au bon vouloir d'illustres inconnus. Enfin pas tout à fait, chacun des juges qui avaient décidé de la faire intégrer l'émission à laquelle elle avait participé avait une notoriété évidente aux quatre coins du globe… mais tout de même, elle n'avait pas élevé les cochons avec eux.
En parlant de cochon. La méthode d'approche de Denzel était simple, mais efficace. Doucement, mais sûrement, il s'approcha de la jeune femme avec toute la décontraction qu'il avait pour lui, ses muscles roulant sous le tissu léger de sa chemise prête à craquer à la moindre respiration prise trop profondément ; envisager de s'habiller à sa taille l'aurait rendu moins séduisant, c'était un fait. Elle n'entendait pas grand-chose d'ici, mais les basses de sa voix rauque vibrèrent jusqu'à elle autant que le sample d'un titre de Diana Ross remixé par Ray, assez tout au moins pour qu'elle se concentre dessus et oublie un instant le bruit des alentours, tout comme la poursuite de son service auquel elle avait mis un stop net et massif. Certes, elle en aurait attendu davantage d'un homme avec une prestance comme la sienne, seulement elle savait que faire dans les basiques avait une espèce d'attrait pour le commun des mortels – ça rassurait, d'être alpagué dans la simplicité. Elle, elle ne serait pas laissée avoir par une entame aussi minable. Mais elle ne faisait pas partie du commun des mortels, alors bon.
Du haut de son Olympe – ou plutôt, de son tabouret de bar –, Josephine jaqueta, répondant à la sollicitation du jeune homme au loin en lui répondant par un signe qui termina en doigt d'honneur quand il retourna à ses petites affaires… qui ne prirent pas le tournant espéré. Elle le vit, l'air de novice dont se para son visage à la seconde où la jeune femme le rembarra avec toute la douceur dont elle était détentrice. Elle avait des chaussures de paysanne aux pieds, mais dans le fond, c'était une grande dame. Respect, aurait dit Aretha.
Il n'était pas habitué à se faire éconduire, et même s'il se sentit probablement plus qu'idiot d'envisager de revenir vers elle avec la queue entre les jambes – littéralement –, il n'insista pas ; un bon point de plus pour Denzel, même si la réaction de Jo fût celle-ci. Un énorme éclat de rire s'échappa de ses lèvres qui s'élargirent tellement qu'il y avait une vue imprenable sur ses amygdales inexistantes, celles qu'elle s'était faite retirées à sept ans. Il lui fallut un sacré moment avant de retrouver un semblant de sérieux – parce que si elle pouvait très bien imaginer combien il était déçu, l'idée qu'un homme aussi sûr de lui se soit fait renvoyer au panier, ça avait quelque chose de tordant… et de vaguement familier aussi, mais elle ne s'arrêta pas sur ses pensées, trop occupée à pouffer pour monter un petit comparatif bidon entre l'échec cuisant de sa carrière et celui de Denzel qu'elle pointa du doigt.
"Attends, attends… j'ai besoin d'une minute." l'accueillit-t-elle, une main posée sur sa poitrine secouée par son hilarité. Pour ceux qui avaient l'honneur de la côtoyer, la voir rire autant, c'était un petit miracle que ce bon vieux barbu n'aurait pas été capable d'accomplir. Denzel avait au moins réussi quelque chose ce soir, gloire à lui. Elle ferma sa bouche, la pinçant pour contenir le reste de son rire, quand elle ajouta enfin "T'avais qu'une seule chose à faire et t'as même pas été foutu de le faire correctement. C'est un fail magistral, mon grand." C'était de bonne guerre. Elle laissa un très léger rire la reprendre, et pendant qu'elle essuyait une larme au coin de son œil bordé d'un trait d'eye-liner aussi aiguisé qu'un couteau, elle fit "Je te laisserai pas utiliser tes autres essais, c'était beaucoup trop beau pour que je prenne le risque de te voir gagner. Comment elle t'a envoyé bouler, j'aurais pas acceptéééé !" Toujours assise sur son tabouret, elle lui posa une main sur l'épaule dans une tentative détournée de le réconforter ; pas vraiment en vérité, c'était juste pour se rééquilibrer lorsqu'elle se leva pour observer l'expression de son visage "Si tu voyais ta tête… ça t'étais jamais arrivé ?" Elle ne le laissa pas répondre, faisant danser sa queue de cheval par-dessus son épaule et affirmant la mine victorieuse qui était sa mine ordinaire, malgré les échecs qu'elle avait connus tout au long de sa vie – paraître, c'était ce qu'elle faisait de mieux et ce qui lui permit, de sa voix roucoulante, de lui demander "Ça te fait quoi de réaliser que tu vas être à mon service pendant trois jours, beau gosse ?" Parce qu'elle pouvait le faire, parce que provoquer faisait partie de son ADN, elle fit danser ses sourcils impeccables sur son front à la manière des femmes fatales qu'on ne voyait qu'au cinéma. Il ne lui manquait plus que le porte-cigarette pour parfaire le tout.

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{the smartest of them all}
crédit/ (jorjasmithgf /tumblr) ✰ w/ @Jo Carter

Draguer, flirter, peu importe, dans une boite de nuit, tout ça pour impressionner une parfaite inconnue ne faisait pas parti du programme de ta soirée. Et en même temps… tu n’avais pas vraiment de plans précis, tu n’avais même pas décidé si tu allais rentrer chez toi tout seul ou pas avant de te lancer dans ce pari complètement stupide et enfantin. Et tu n’as même pas l’excuse de l’âge pour te dédouaner de ta responsabilité, non, comme l’a très bien dit la brune, tu es un grand garçon, tu assumes chacun de tes choix et chacune de tes bêtises. Tu le fais depuis longtemps et ce malgré ce que semble penser une certaine infirmière, sauf que tu continues de te retrouver dans les mêmes bars, à boire les mêmes verres, soir après soir, sans vraiment le réaliser et sans vraiment chercher à arrêter le cercle vicieux. D’un côté, c’est parce que tu ne fais pas d’efforts, tu as tes petites habitudes et pour toi, il est normal de se détendre après une très longue journée de boulot, ou quand on a quelque chose de lourd qui pèse sur les épaules. Et si la détente arrive avec des shots de tequila ou un verre de whisky, c’est tant mieux, cela aide à faire passer l’amertume, à se sentir un peu plus léger et à se faire des nouveaux amis et des nouveaux horizons.
Et puis de l’autre… tu sais que tu es dans une tangente, tu sais qu’un jour tu dépasseras le point de non-retour et pourtant, tu ne peux pas vraiment te forcer à faire demi-tour. Un cliché typique de fêtard et d’irresponsable, probablement. La seule personne que tu connaisses qui puisse vraiment comprendre est Ariel, et depuis qu’elle a décidé de se lancer sur la trace de son paternel, vos échanges se font de plus en plus rares. Parce que tu ne comprends pas vraiment ce qu’elle recherche et que tu es bien incapable de lui mentir, donc autant l’éviter. Quoi qu’il en soit, cette soirée n’est pas particulièrement inhabituelle pour toi et c’est ça le plus triste dans le fond. Alors peut-être que le sourire que tu offres est un peu faussé, pas assez travaillé, trop mécanique, de même que la ligne et le degré d’honnêteté, mais tu t’es déjà retrouvé dans cette situation. C’est sûrement cela que la serveuse et langue de vipère devait prendre pour de l’assurance et de l’arrogance, juste l’habitude, et le fait que tu as déjà porté ses chaussures-là.
Ou pas. La femme qui se trouve à côté de toi prend le temps de considérer ce que tu viens de lui dire, et quand elle reprend la parole, tu es tellement sûr de ton coup, qu’il te faut un léger temps pour comprendre ce qu’elle vient de réellement te dire. "Ouais. Ou pas. T’es sympa, mais je vais retourner avec mes amies. Bonne soirée, hein." Hein ? Tu n’as pas le temps d’en placer une, elle t’adresse un léger rire avant de se diriger vers un groupe de danseuses, celui indiqué il y a un peu plus tôt, et tu clignes des yeux plusieurs fois avant de réaliser ce qui vient de se passer. Okay… visiblement, tu viens de te prendre un vent, et de perdre le privilège de conduire librement ta Mustang pour les trois prochains jours alors. Tu étais vraiment ailleurs et tu hausses les épaules, faisant le chemin en sens inverse, pour rejoindre l'autre. Et oui, tu roules des yeux en voyant que ta camarade de jeu du soir est très amusée par la situation, un peu trop. Mais elle a sans doute raison, c’était un essai un peu ridicule et complètement mauvais maintenant que tu y penses et loin de pouffer comme elle, un vrai sourire trouve place sur ton visage tandis que vos regards se croisent de nouveau et qu’elle t’accueille dignement. Quelque chose te dit que tu viens de faire sa soirée, et rien qu’à sa réaction, tu n’es pas si déçu que cela d’avoir loupé ton coup.
"… T’as fini ?" Que tu lances dans un premier temps, cependant tu poses la question, amusé, pas vraiment sérieux et connaissant déjà la réponse. Elle en rajoute, s’attire le regard d’autres clients, toi aussi et tu te contentes de hausser les épaules pour expliquer que non, ce n’est pas toi, mais vraiment elle et tu finis par reporter ton attention sur elle. Est-ce que c’est déjà arrivé ? Bien sûr que oui, tu n’es pas narcissique au point d’effacer les échecs de ta mémoire et de prétendre que tu réussis toujours à obtenir ce que tu veux et de qui tu veux. Non, certaines ont un peu plus de jugeotte que d’autres, ou ne sont tout simplement pas d’humeur ou pire, tu n’es pas leur type. Et oui, cela est tout à fait possible. Sauf qu’il est hors de question que tu avoues cela maintenant, face à elle donc tu te contentes de soupirer lourdement, une nouvelle fois, prétendant te défendre, comme tout bon idiot qui se respecte. "Hmm… ça ne compte pas vraiment, j’ai vraiment été distrait et ce n’est même pas moi qui ai choisi la demoiselle alors … je n’étais pas investi et… j’ai dit que j’ai été distrait ?" Un argument très faible et même toi tu n’y crois pas. "Mais hein… Vas-y continue de rigoler, je t’en prie. Ravi d'être ton divertissement ce soir."
Pour le coup, tu es sincère, un peu plus sincère que tu ne le laisses transparaitre, et puis, elle ne te connait pas assez pour savoir quand c’est de la frime et quand tu es sérieux au possible. Et ce n’est pas pour cela que vous êtes là, pas vrai ? Vous avez commencé tout ça parce que vous vous ennuyiez vraiment, et pas pour autre chose. "Pff… tu crains. Mais, je suis beaucoup de choses, définitivement pas un mauvais perdant je connaissais les termes, donc tu auras un chauffeur pour trois jours, no questions asked and all of that." Car tu connais certains hommes qui l’auraient mal pris, l’échec cuisant et la réaction de la serveuse, définitivement pas toi, oui ton ego est grand, pas mal placé, c’est la grande différence. Tu lui adresses donc un autre sourire, te demandes si c’est le moment de lui demander un autre verre, histoire de sceller tout ça, mais tu décides que non et te poursuis tout simplement :  "C’est le moment où tu me passes ton téléphone portable pour que je te donne ton numéro, parce que je ne lis pas encore dans les pensées, faut que tu me dises où et quand…" Tu étais sérieux, tu prends les paris très au sérieux, c’est de cette façon-là que tu t’es retrouvé avec ta Mustang d’ailleurs. Tu étais le perdant ce jour-là aussi mais quand on connait ton attachement au véhicule, on peut dire que c’est une petite victoire, donc … tout comme ce soir, tu n’as pas vraiment de regrets sur ce point-là.
Et puis, tu verras demain matin, ou quand tu devras faire le taxi dans tout Brisbane, ce sera à ce moment-là que tu te diras que tu aurais mieux fait de te taire. Pas maintenant. Prenant la décision pour vous deux, tu finis par extirper ton téléphone portable d’une autre proche, le lui tendant. "Vas-y, je commence." Tu ponctues ta phrase par un clin d’œil, parce que tu peux, et que ce n’est pas parce que tu vas devoir t’occuper tout seul ce soir que tu vas cesser d’être toi-même, grand dieu non, la laissant ainsi faire ce qu’elle veut de ton portable. Peut-être pas une bonne idée ? Qu’est-ce que tu as de plus à perdre de toute façon ? Ta dignité n’est plus présente dans le club, tu en es convaincu. "C’est Edge au fait… pas Denzel, juste Edge." Tu te sens obligé de l’ajouter, tu ne sais pas pourquoi, peut-être parce qu’il serait stupide qu’elle t’appelle par ton surnom loin des lumières du club, de l’alcool et de la musique forte à souhait. Oui, quelque chose comme ça. "Tu as un prénom aussi je suppose… ? ça sera plus pratique si je te sers de taxi. Et non, je refuse catégoriquement de deviner, je n’ai pas ton talent pour les surnoms, malheureusement."

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{the smartest of them all | octobre 2019}
crédit/ (crackshipforya) ✰ w/ @Edge Price

Si on lui avait dit qu'elle passerait un bon service ce soir, elle ne l'aurait pas cru. Jo avait vite compris que sa vie en tant qu'employée de l'Electric Playground se résumerait à devoir supporter les choses sans émettre d'avis, bons ou mauvais. Mac lui avait bien fait comprendre que s'il l'avait engagée, ce n'était pas pour son talent inné à garder en équilibre, talons de 16 centimètres sans plateforme aux pieds, un plateau rempli de verres aux formes diverses et variées. En gros : sois belle et tais-toi, Josephine. Le plus important dans tout ça, c'était la paye, n'est-ce pas ?
Seulement, c'était particulièrement mal la connaître que d'espérer d'elle qu'elle laisse les choses couler sans essayer de les rendre un peu plus vivables. Parce que c'était bien beau de se remplir l'assiette et le porte-monnaie, elle comptait bien garder la haute-estime qu'elle avait d'elle-même quand tous les matins, elle jetait dans le miroir un regard à son reflet. Aussi, c'était la première fois qu'elle se laissait aller à sympathiser avec un client dans l'idée d'enjoliver sa soirée. Une entreprise encourageante, pourtant elle ne le referait plus jamais.
Combien de chances avait-elle de retomber un jour sur un type comme Denzel de toute façon ? A Sydney peut-être. Elle en avait d'ailleurs rencontré pas mal des jeunes hommes de sa trempe, assez imbus de leur personne pour le prendre pour cible et tenter de la ramener à la maison. Elle ne parlait même pas des pseudos-groupies qui faisaient le pied de grue après les enregistrements de The X Factor, convaincues dans toute leur naïveté de pouvoir se faire sauter le bouchon par le premier crève la dalle de la promotion. Mais #MeToo était passé par là. Les balbutiements de la révolte féministe grondant en sourdine, elle attendait sagement de faire son entrée fracassante dans les médias pour détruire tous les porcs en cravates qui agissaient dans l'ombre depuis des décennies. Alors du coup, tout le monde s'était tenu sage et elle aussi d'ailleurs, gardant tous à l'esprit que commencer une carrière sur un scandale sexuel, ce n'était plan marketing qui valait qu'on s'y attarde – et puis en plus, ça ne se faisait clairement pas de profiter de la situation enfin, voyons. Ce connard de Roman aurait pourtant eu toutes ses chances pour lever la première fermière qui lui proposait un petit tour de calèche, de quoi lui raviver sa mémoire de bouseux… il s'était abstenu, ce qui lui valait encore aujourd'hui d'être vu comme le gendre idéal et ce, juste parce qu'il avait su la garder dans son pantalon. La. Blague.
Mais à Brisbane ? A vrai dire, Jo ne sortait pas assez pour monter un comparatif, trop centrée sur Nana pour ressentir le besoin d'aller fureter dans les recoins de la ville. La seule chose qu'elle savait vraiment, c'était qu'entre les murs de l'établissement dans lequel elle bossait, Denzel était le premier spécimen qui méritait qu'on lui accorde un peu d'attention ; chose qu'elle avait faite avec un enthousiasme débordant, une innocence relative aussi, ses piques restants à la limite du bon-enfant, ne lésinant par sur la rhétorique pour à lui aussi, lui faire passer un bon moment.

Son rire s'amenuit doucement quand, s'attirant les regards des clients, elle passa au-dessus comme l'habituée notoire de l'attention d'autrui, et n'en fit pas toute une histoire. Elle aimait trop ça pour s'en offusquer, toute concentrée sur le reste des paroles de son divertissement du soir pour daigner dire à tout ces imbéciles de retourner siroter leur alcool coupé au premier jus exotique bon marché et dans lequel Dina avait sûrement craché pour tout pimenter.
Josephine pointa le jeune homme du doigt, des fossettes se creusant dans ses joues qui devinrent un peu douloureuses, trop peu habituée à sourire autant en l'espace d'aussi peu de temps "C'est toi qui crains." se rebiffa-t-elle, un reste de rire s'échappant de ses lèvres charnues et son cou s'agitant au rythme de ses paroles tranchantes "Tu m'as vendu du rêve, j'ai eu droit à pas grand-chose." Pour le coup, elle n'exagérait pas ; arnaque en vue, rem-bour-sée "Je suis à ça de te traiter de gros mytho." Et par ça, elle lui désigna l'espace qu'elle ajusta entre son pouce et son index et qui se réduisait à vraiment pas grand-chose "Mais je veux aussi te forcer à me balader dans toute la ville comme la reine que je suis, alors je vais m'abstenir de piétiner encore plus ton ego… même si c'est très tentant." lui fit-elle en faisant papillonner ses longs faux cils et en flattant sa queue de cheval sans une once de modestie.
Elle s'affirma d'ailleurs lorsqu'il lui parla d'échanger leurs numéros pour respecter le pari qu'ils avaient passé un peu plus tôt – et qui, elle lui rappellerait sans doute la prochaine fois qu'elle le verrait, il avait perdu. Loser, criaient ses grands yeux marrons "Je suis pas encore assez débile pour bosser avec mon téléphone sur moi." lui dit-elle d'abord, montrant d'un coup de menton ce qu'il tenait dans les mains "File, tu m'enverras un texto pour que je récupère le tien." Elle ne lui laissa pas le temps de lui donner son téléphone. Jo le prit sans délai, tapotant sur l'écran et l'éteignant aussi vite pour qu'il ne sache pas tout de suite par quel prénom elle s'était désigné. Jo, tout simplement, suivi d'un emoji de bombe sur le point d'exploser ; parce que ça collait bien, parce qu'à choisir entre ça et un petit cœur transpercé par une flèche, le choix était vite fait.
Elle lui rendit, un sourcil arqué avec résolution "T'as pas tout perdu on dirait." Il s'en sortait avec le numéro de la seule qui valait vraiment le coup d'être regardée, alors il pouvait s'estimer heureux – tant qu'il pensait à quelqu'un d'autre qu'elle quand il tenterait désespérément de se débarrasser de sa frustration, ça lui allait. Certes, il n'aurait plus de ses nouvelles pendant des mois… mais elle, elle n'oublierait pas que quelque part dans les rues de Brisbane, le prince pas très charmant attendait qu'elle tape du pied pour débarquer sur son cheval blanc.
En attendant, elle pencha la tête sur le côté pour affronter ses yeux sans craindre quoi que ce soit "Que soit clair entre nous ; espère même pas qu'on fasse copain-copine. Je vais juste me servir de toi, c'est le deal." Une précision qui se valait et qu'elle conclut par un dernier regard posé sur la silhouette robuste du jeune homme avant de se retourner pour retourner à ses petites affaires. Toutefois, elle prit le temps de lui dire dans la foulée, un léger sourire en biais remontant malicieusement une de ses joues redessinées par un maquillage chargé "Je préfère Denzel." Et ce serait de cette manière qu'elle le désignerait dans son répertoire téléphonique. Edge devrait s'y faire.