Tim avait toujours cherché des figures parentales autour de lui, en dehors de son frère. Leur relation avait forcément changé après que Sam eut obtenu la tutelle de son petit frère et rien n'était encore clair alors que le temps avait passe et que le grand Decastel n'avait plus à assumer la charge de son cadet. Leur histoire n'était franchement pas très glorieuse et Timothy n'avait pas franchement envie de la partager, surtout pas à ses enfants alors, récemment, il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour exorciser ce qui lui rongeait l'âme. Les travaux étaient encore en cours, forcément, mais le jeune homme espérait retrouver la plénitude sous peu. En attendant, il appréciait réellement cette conversation avec Cian, peut être parce qu'il était son opposé parfait ou juste parce que Charlie lui avait tellement parlé de lui qu'il était heureux de pouvoir se faire une toute petite place dans son univers au cours de cette journée. De toute manière, les deux hommes étaient désormais obligés de se côtoyer car il y avait les enfants entre eux, les deux marmots qui ne nourrissaient en laissant un silence paisible régner sur la pièce de vie. Timothy appréciait juste le moment alors qu'il écoutait le récit des souvenirs de Atwood, lui qui avait eu sa nièce comme point de repère lors des moments les plus pénibles de son existence et Tim se disait qu'elle avait eu de la chance d'obtenir ce privilège pour qu'on l'aide à tenir le cap. "Crois moi, elle mesure la chance qu'elle a de t'avoir dans sa vie. L'oncle cool dont elle est gaga même vingt ans plus tard, il y a franchement pire comme rôle, hein?" La vie n'était pas simple et leur mode de vie respectif devait être aux antipodes l'un de l'autre mais Decastel aspirait à ce que cette différence devienne une force dans ce lien naissant qu'ils partageaient. "J'ai pas d'inquiétude à ce sujet. Enfin, je pense pas quitter Brisbane de mon côté. Je sais pas les plans de Charlie mais lâcher son oncle, je suis pas sûr que ça lui aille donc à moins que tu t'en ailles à l'autre bout du monde pour toujours, Ailis aurait toujours la possibilité de hurler sur Gabriel quand il la chasse et de jouer avec Willow dans sa chambre. Je demande que ça pour mes enfants en tout cas, qu'ils ne soient pas seuls comme j'ai pu l'être." Son enfer personnel, cette enfance à laquelle il pensait beaucoup ces dernières semaines et qui faisait toujours briller ses yeux. Il tâcha de ne pas le montrer en observant le bébé qui terminait son biberon dans ses bras, Tim berçant le petit corps contre lui en souriant. Il avait au moins cela, cet amour qu'il vouait aux jumeaux et qui ne se tarirait jamais.

Si au départ, je me méfiais de Timothy, désormais, je dois avouer qu'il est assez sympathique de pouvoir discuter avec lui. Nous avons passé l'étape des formalités d'usage. J'ai usé de ma carte d'oncle et parrain protecteur, désormais, je ne suis plus qu'un simple homme au même niveau que le brun. Et je vois qu'il est curieux, qu'il cherche à en savoir plus. Je décèle autre chose également dans son regard, dans son ton, mais je ne saurais mettre le doigt dessus. Il écoute attentivement les souvenirs que je partage et ça me touche que malgré les tensions qui semblent exister entre Charlie et lui, il souhaite connaître tout cela. Il sera un bon père Tim. Je le sens dans sa manière d'être et au fur et à mesure de notre conversation. « Crois moi, elle mesure la chance qu'elle a de t'avoir dans sa vie. L'oncle cool dont elle est gaga même vingt ans plus tard, il y a franchement pire comme rôle, hein? » Un rire m'échappe alors que je hoche la tête tel un gamin qui approuve. « C'est le meilleur des rôles même. » J'ai eu peur parfois, que notre relation s'effrite avec Charlie, mais il faut croire que notre lien est capable de survivre à bien des montagnes.

Dans le creux de mes bras, Willow rejette la tétine du biberon de la main. « Tu as fini ? » Je leur parle toujours comme s'ils allaient me répondre, en évitant au possible les voix idiotes. Elle comprend ce que je lui dis, j'en suis certain. Encore plus, lorsqu'elle pousse à nouveau le biberon de sa petite main potelée. Je pose le biberon à côté de moi et redresse la petite pour l'aider à digérer, alors que l'on parle de l'avenir avec son père. « J'ai pas d'inquiétude à ce sujet. Enfin, je pense pas quitter Brisbane de mon côté. Je sais pas les plans de Charlie, mais lâcher son oncle, je suis pas sûr que ça lui aille donc à moins que tu t'en ailles à l'autre bout du monde pour toujours, Ailis aurait toujours la possibilité de hurler sur Gabriel quand il la chasse et de jouer avec Willow dans sa chambre. Je demande que ça pour mes enfants en tout cas, qu'ils ne soient pas seuls comme j'ai pu l'être. » Une nouvelle fois, je hoche la tête. Je ne m'inquiète pas vraiment à ce sujet non plus. Ils grandiront ensemble les enfants. « On fera tout pour conserver ce lien entre eux, c'est certain. » que j'affirme alors qu'enfin, je comprends une chose. Timothy était si curieux parce qu'il n'a jamais connu tout cela visiblement. Une enfance solitaire, peut-être qu'il était enfant unique. Je sens ma propre curiosité prendre le dessus, mais je ne voudrais pas dépasser les limites. « Tu n'as pas de frère et sœurs ? » C'est rien ça, c'est une question banale pour une conversation banale. Je ne me lancerai pas sur le sujet des parents, je connais à quel point cela peut être tabou. « Tu sais... Même si vous êtes séparé avec Charlie, la famille, c'est important. » que j'affirme alors que je ne parle plus à ma propre sœur et que j'évite mes parents. « Il y a des choses qu'elle ne voudra pas répéter. » Et je ne sais pas vraiment ce qu'a pu lui raconter Charlie alors je n'épilogue pas plus. « Ils seront bien entourés et tu seras toujours le bienvenu. » Parce qu'il est leur père et qu'on ne répétera pas les erreurs du passé.

Tim ne savait franchement pas où il allait mais il tâchait d'y aller doucement. Pas à pas, ne pas se précipiter, prendre le temps de faire table rase du passé avant de se concentrer pleinement sur l'avenir. Ce n'était pas un des moments les plus aisés de sa courte histoire: ces dernières semaines avaient vu un certain nombre de chamboulements prendre forme dans son existence mais le brun savait que c'était pour la bonne cause. Mine de rien, il était en train de se construire, pour la première fois de sa courte vie, il n'avait plus à être le pantin de ses souvenirs. Decastel y pensait encore souvent bien sûr parce qu'on n'abandonnait pas du jour au lendemain les années les plus tragiques de son destin mais il commençait à avoir moins mal en y pensant. Ce renouveau, il ne le devait qu'à la naissance des jumeaux car sa perspective avait instinctivement changé dès lors qu'il était devenu père. Certes, l'angoisse de ne pas être à la hauteur de l'événement avait aussi crû de manière exponentielle mais Timothy savait que cela n'avait rien à voir avec les mauvais traitements qu'il avait reçus lors de son enfance. Désormais, il pensait à Gabriel et Willow avant tout, eux qui commençaient enfin à se rassasier, à croire qu'ils étaient plus gourmands encore que leurs parents. Tim ne pouvait donc qu'en sourire en regardant Cian s'occuper de la petite alors qu'ils reprenaient le fil doux de leur conversation. Le libraire relâcha le biberon de son côté et le posa sur la table basse alors que Gabriel commençait sa digestion en somnolant d'ores et déjà sur son buste, un vrai comédien. "Oui. Je tiens à ce que les jumeaux soient toujours entourés. C'est important de se construire dans son rapport aux autres, je le sais mieux que personne." Lui avait échoué dan cette tâche parce qu'il avait eu peur des autres durant toute son enfance puis son adolescence. Ses débuts dans l'âge adulte n'avaient pas été plus fructueux par ailleurs et maintenant, il était question d'empêcher la réitération de ses erreurs, même si c'était dur de les considérer de la sorte quand c'était ses parents qui avaient provoqué ses réactions solitaires. "Si. J'ai un frère aîné mais il a dû être mon père pendant pas mal de temps et j'ai découvert il y a peu que j'avais une petite soeur. Rien de très normal, il faut le dire." Son histoire n'avait rien de banal pour sûr mais Tim n'allait pas créer les mêmes soucis à ses enfants, pas quand Cian avait l'air aussi déterminé à faire perdurer ce nouveau lien familial entre tous les protagonistes concernés par les jumeaux. "Merci. J'espère, oui, qu'on gérera comme il faut parce que ces enfants, il y a rien de plus important et quand on a pas eu de famille... C'est important de se dire que c'est peut être pas trop tard pour changer les choses." Il avait dépassé la trentaine mais Tim avait la sensation qu'il se trouvait peu à peu, grâce à l'aide précieuses de personnes comme Atwood. Ceux qui avaient vécu et qui savaient partager leur expérience.

« Oui. Je tiens à ce que les jumeaux soient toujours entourés. C'est important de se construire dans son rapport aux autres, je le sais mieux que personne. » Une fois encore, je comprends que Tim n’a pas eu une enfance facile. Cela se ressent dans chacune de ses paroles et je dois dire que cela me serre le cœur. Il a l’air vraiment cool comme gamin et personne ne mérite de se sentir si seul durant son enfance. Je suis toujours le premier à me plaindre de mes parents, mais on a eu une enfance cool. C’est le décès de Leah qui a tout chambouler chez nous et on n’a jamais été capable de réparer quoique ce soit. Au moins, je comprends que Tim ne laissera pas ce genre de chose arriver. Il a l’ambition d’offrir la meilleure des vies à ses enfants et c’est tout ce qui compte pour moi. « Si. J'ai un frère aîné mais il a dû être mon père pendant pas mal de temps et j'ai découvert il y a peu que j'avais une petite sœur. Rien de très normal, il faut le dire. » « Je comprends. » Et surtout, je n’insiste pas pour qu’il m’en dise plus. Cela ne me regarde pas. Je comprends que ses parents ont clairement été absents et il a probablement beaucoup souffert de cela. « Tu es déjà un bon père Tim. » que je m’oblige à lui rappeler, parce que cela me paraît nécessaire au vu de notre conversation. J’en profite également pour lui faire savoir que de mon avis, il fait parti de la famille, qu’importe sa situation avec Charlie. Bien entendu, ma nièce viendra toujours au premier plan, mais j’ai la sensation que Tim mérite juste d’être connu et qu’il a besoin d’un peu d’attention parfois. « Merci. J'espère, oui, qu'on gérera comme il faut parce que ces enfants, il y a rien de plus important et quand on a pas eu de famille... C'est important de se dire que c'est peut-être pas trop tard pour changer les choses. » Je lui souris quelque peu. « Garde cet état d’esprit surtout Tim. » Je redresse Willow dans mes bras alors qu’elle gazouille. « Ils t’en seront à jamais reconnaissant. » J’en suis certains et cela devrait être le plus important à ses yeux. « Hein, il est génial papa ? » que je demande à Willow et la petite gazouille encore plus fort m’arrachant un rire.

On passe le reste de l’après-midi à surveiller les terreurs en discutant de tout et de rien. Et si Charlie rentre pour nous trouver en pleine partie de jeux vidéo, ce n’est que parce qu’elle a mis trop longtemps avec Léo.