Début mars

Un café pour un rendez vous de boulot, c’est ce que tu préfères. Les repas ça dure généralement trop longtemps et tout dépend avec qui t’es, c’est plus ou moins fun. Quand c’est trop sérieux tout le côté business ça te saoule grave pour dire la vérité même s’il faut. T’as de la chance d’être pote avec les plus gros artistes avec qui t’as déjà bossé jusqu’à maintenant donc ça se fait comme un rien. Mais faut mettre la main à la patte si tu veux d’autres opportunités avec du gros poisson. Tu te donnes toutes les occasions possible pour aller plus loin, voir de nouveaux horizons. Les gens te mettent souvent dans une boîte parce que la plupart des albums que t’as produits sont du rock et du métal. Sauf que depuis que t’as sorti ta chanson qui n’a rien à voir avec ce genre de musique là, y’en a d’autres qui se réveillent et qui commencent à répondre à tes messages privés ou emails quand t’as réussi à choper cette info via des contacts à toi. Et ça ça fait très très plaisir. On te considère un peu plus dans ce monde de musique et tu sais très bien que t’as plus d’une corde à ton arc, eux ne le savait pas jusqu’à récemment.

Cet aprem malheureusement ça fait une heure et demi que tu poireautes dans ce café super chic et tu as déjà bu deux cafés. Tu jures clairement dans le décor avec tout tes tatouages. Tu portes une chemise à motifs avec deux boutons ouverts au niveau du col. T’as un jeans bleu clair et tes vans favorites, celles qui te portent habituellement chance, mais pas aujourd’hui. Ca sent pas bon du tout cette affaire et pas de messages de la personne concernés.

« Motherfucker… » Tu dis ça mais si jamais il apparaît par miracle tu diras que des trucs gentils à son encontre. Parce qu’il serait là. Mais il ne l’est pas et t’en as marre d’attendre. Ca fait presque deux heures. Tu demandes la note et tu te tires, ouvrant l’app Uber parce que t’as pas envie de perdre de temps dans les transports pour rentrer chez toi. T'es super loin tu vas mettre 2h en bus. T’es grave déçu de l’issue de ce meeting. Pas du tout ce qui était prévu. There will be other opportunities. Ouais ouais mais quand même, t’es déçu. Ton Uber commandé, tu ranges ton téléphone et regarde un peu autour de toi. L’air extérieur te fait du bien. Au bout d’un moment tu sors ton tel parce que pas de nouvelles notif à propos de ton chauffeur et tu vois que le temps est monté à 15min avant qu’il arrive.

« That’s a joke… » Tu soupires et tu attends… Jusqu’à ce qu’il annule. « Of course. » C’était sûr. Tu soupires de nouveau et attends de voir le prochain chauffeur qui te seras associé. Ca met grave de temps à trouver. « What the fuck is going on today ?? » Y’a tout le monde qui te la fait à l’envers. T’es en train de jurer à l’écran de ton téléphone.

@Obaid Attar

Cela ne faisait qu’une semaine que tu avais commencé ce nouveau travail, mais déjà, t’en as marre. C’est clairement pas une ambiance que tu aimes, ce café. C’est rempli de bourges, de gens qui te regardent de haut, ou qui pensent que tu leur appartiens et qui te traitent comme de la merde. En ces quelques jours de travail, il n’y a qu’une personne qui t’a marqué par sa gentillesse, et encore, t’as dû baisser tes attentes assez bas par rapport à d’autres jobs que t’as fait. D’habitude, même si les gens sont pressés, ils sont aussi plus agréables, et tu peux te taper quelques délires avec des clients. Ici, c’est loin d’être le cas. Tout le monde tire la gueule, tout le monde ne s’inquiète que de sa propre personne, et être entouré de ce genre de personnes toute la journée, ça te plombe un peu le moral, parce que toi, t’es loin de ce monde-là. T’en as jamais fait partie, et même si t’en avais l’occasion, t’aurais aucune envie d’être un des leurs. Bien que tu ne dirais pas non à une partie de leur compte en banque.

Aujourd’hui, pourtant, un client a attiré ton attention. T’es habitué à voir des gens en costard cravate, ou en tailleur pro, de couleurs assez neutres et fades, accompagnés de leur mallettes de travail, mais ce mec-là, il est différent. Déjà, il a l’air tatoué de la tête aux pieds, si t’en crois le haut de son torse qui dépasse de sa chemise, mais aussi de ses bras. D’ailleurs, à chaque fois que tu passes à côté de lui, tu essaies discrètement de jeter un oeil aux dessins sur sa peau, parce qu’artistiquement parlant, ils ont l’air sympa. Bien sûr, t’essaies de pas te faire remarquer du tout, histoire de pas passer pour un stalker. Autre différence chez cet homme : son look. Déjà, il est en jean, et il doit être la première personne que tu as vu ici qui ne portait pas un pantalon à pinces. Sans parler des Vans, qui va à l’encontre des semelles rouges qui défilent sur le sol de ce café. Puis franchement, il est plutôt mignon, même si t’es pas du genre à aller draguer un client de la sorte. Du coup, tu l’observes un peu pendant ton shift, et il a l’air d’attendre quelqu’un, quelqu’un qui n’a pas l’air de vouloir venir par contre.

Bientôt, tu te rends compte de l’heure qu’il est, et tu viens de finir de travailler. Tu oublies alors le blondinet au look intéressant, et tu te rends jusqu’aux vestiaires pour laisser ton tablier, enlever tes vêtements qui ne te ressemblent absolument pas, afin d’enfiler un bon jean troué, et un gros pull à capuches. Tu attrapes ensuite ta veste de moto, et tu sors par l’arrière, rejoignant ta moto qui est garée devant le café. Alors que tu es en train de ranger tes affaires dedans, tu entends quelqu’un qui grogne à côté de toi, et tu relèves la tête, te trouvant presque nez à nez avec le tatoué. Tu l’observes alors un instant, et tu ne peux retenir un petit rire. « Someone is having a shitty day. », dis-tu en ricanant, alors que tu es en train de mettre ta veste. « Is that what trouble in a rich dude's life looks like ? Damn, must be hard. », rajoutes-tu d'une petite voix sarcastique, récupérant ton casque dans le petit coffre de ta moto.

« Someone is having a shitty day. » Tu lèves la tête pour voir qui parle. La voix est proche, ça peut être pour toi vu que t’es là comme un connard à dire plein de gros mots à ton écran. Tu le reconnais le gars. Il est effectivement en train de te parler à toi. Lui et ses putains d’yeux bleus. Tu les as bien remarqué un peu plus tôt même si tu t’es pas attardé non plus dessus. Il bosse au café que tu viens de quitter et apparemment il a envie de te taper la conversation.  « Is that what trouble in a rich dude's life looks like ? Damn, must be hard. » Ou il a envie de te casser les couilles lui aussi.

« Yeah, don’t make fun of me. Today was supposed to be a good one. A really good one. » Tu soupires. Tu sais que y’a d’autres trucs beaucoup plus grave mais tu peux pas t’empêcher d’être très déçu par la tournure des choses. Tu fermes les yeux, te passe les doigts sur les paupières pour essayer de te calmer. Mais quand tu regardes de nouveau ton téléphone et que ton deuxième chauffeur annule sa course aussi, tu crises de fou.

« Oh my god, why is there no Uber coming this way ? Is this some kind of alternative street in another universe they can’t reach? What the fucking fuck ??? » Tu comprends pas, t’es outré. T’es saoulé de fou. Si tu prends un taxi dans la rue ça va te coûter une blinde. Tu veux pas gaspiller ton fric. Si tu commandes un taxi à la réception du café, ce sera la même merde hors de prix. Y’a des trottinettes électriques disponibles un peu plus loin. Tu les vois. Mais nope. Tu conduis pas cette merde. Tu conduis pas tout court.

« I guess i’m going to finish my life here. » T’es si dramatique Jordan. Mais t’es encore en train de regarder ton app qui est en train de chercher un nouveau chauffeur à t’assigner. Seriously what the fuck?

Bon, t’as peut-être un peu abusé dans tes remarques, mais tu ne pouvais tellement pas t’en empêcher. Il avait l’air complètement désespéré sur son bord de trottoir, à s’énerver contre son téléphone qui n’avait rien demandé, lui. Et t’as pas pu te retenir de faire une remarque, comme à ton habitude. Bon, y a moyen que tu aies fait perdre un client au café en te fouttant ouvertement de sa gueule, mais c’est pas comme si le café allait arrêter de tourner si un client arrêter de venir. « Yeah, don’t make fun of me. Today was supposed to be a good one. A really good one. » En entendant ses mots, tu roules des yeux sans même pouvoir te retenir. Il vient de boire deux cafés dans un des meilleurs cafés de la ville, qui est aussi l’un des plus chers, et il se plaint parce qu’il s’est fait poser un lapin. Et maintenant, quoi ? Il va retourner dans son chateau et boire des litres de Moët & Chandon pour se consoler. God.

« Oh my god, why is there no Uber coming this way ? Is this some kind of alternative street in another universe they can’t reach? What the fucking fuck ??? » Quand tu l’entends, t’es bien content d’avoir ta moto. De toute façon, c’est pas comme si t’avais la thune de te déplacer en Uber tous les jours. Mais faut croire que lui, il l’a. Alors, quand il continue à râler parce qu’il n’arrive pas à obtenir un chauffeur, tu ricanes encore un peu dans ta barbe. C’est vraiment des problèmes de riche.



« I guess i’m going to finish my life here. » Ok, là, tu peux plus te retenir. Ce mec est vraiment extra, et t’as jamais vu des réactions aussi excessives de ta vie. « You really are a drama queen, uh ? You know there are actually people sleeping in the streets here because they can’t afford a home, food, or a Uber ? » Tu lèves les yeux à nouveau, et alors que tu grimpes sur ta moto, une idée te vient en tête. Après tout, si tu peux te faire du fric en plus, tu vas pas cracher dessus, si ? Ton attention se reporte sur le blondinet, et, ton casque en main, tu lui adresses de nouveau la parole. « Ok, where you goin' ? I’ll take 4$ a km. »

T’as cru qu’il avait continué sa life de son côté pendant que tu faisais ton drama queen de ton côté mais non. Il est encore là. Il t’écoute. Il a l’air de t’accorder beaucoup trop d’attention à ton goût. « You really are a drama queen, uh ? You know there are actually people sleeping in the streets here because they can’t afford a home, food, or a Uber ? » I am a drama queen if I want to. Tu t’identifies en tant que drama queen. Ou plutôt on t’a identifié de la sorte depuis bien longtemps et ils n’ont pas eu tort tes potes. Tu rebondis pas sur ses mots, tu sais qu’il a raison et il faut vraiment que tu remettes les choses en perspectives. Tu bosseras jamais avec Dua Lipa Jordan. Fuck you don’t say that. Tu essaies si fort depuis ces derniers mois et y’a jamais rien qui aboutit, rend toi à l’évident. I was so close here… Eh oui… Mais non. T’es grave triste en fait. T’avais tellement d’espoir en ce meeting. T’étais si proche de ce rêve qui est dans tes pensées depuis si longtemps. Tu essaies de te donner tous les moyens mais ça ne suffit toujours pas. Pas encore. Next time…  « Ok, where you goin' ? I’ll take 4$ a km. »

« What ? » Tu tournes les yeux vers lui et tu comprends ce qu’il vient de te dire après avoir repasser la phrase dans ta tête. « No fucking way I get on that bike. » Mais sinon tu vas rester ici toute ta vie Jordan. Tu baisses les yeux sur ton tel et le troisième chauffeur a annulé la course.

« This is a joke… » Tu soupires et tu regardes de nouveau le gars. Reconsidérant. Tu peux peut être faire face à ta peur pour la bonne cause que tu vas pas rentrer chez toi avant de très longues heures sinon.

« How long have you been driving that thing ? Do you have an extra helmet? » Tout de suite tu peux peut être faire des concessions. Peut être. Pas sûr. T’es pas rassuré du tout en moto en plus le gars il a l’air d’en avoir rien à foutre de ta gueule de mec qui a de la tune. « Isn’t this your way of killing a sad rich guy? »

Tu sais pas pourquoi tu continues à parler à ce mec, surtout vu comment il se comporte. T’es le genre à détester les riches, et pourtant, t’es là à réagir à ses faits et gestes. Peut-être parce que ses petits problèmes pourris te saoulent tellement que t’es obligé de dire quelque chose. Mais maintenant que t’as réfléchi, tu te dis que tu peux profiter de cette situation pour te faire un peu plus de fric. Après tout, il est riche, il est désespéré, et on t’a toujours dit de profiter de ce genre de situations pour te remplir les poches. Si les riches profitent des pauvres en temps normal, il faut toujours savoir quand renverser l’ordre des choses. Alors, tu lui proposes de l’emmener où il veut, sur ta moto. « What ? No fucking way I get on that bike. » En plus, il fait le difficile. Tu le regardes alors, tu lèves les yeux au ciel, et tu commences à mettre ton casque. « I hope you like walking. » Tu lui fais un clin d’oeil, alors que tu enfiles tes gants.

T’es prêt à partir, mais t’entends la voix du tatoué qui s’adresse à toi. « How long have you been driving that thing ? Do you have an extra helmet? » Tu reposes tes deux pieds au sol, alors que t’es sur ta moto, et tu le regardes. Tu remets la béquille pour ne pas la faire tomber, et tu retires ton casque, glissant une main dans tes cheveux pour les remettre en place. C’est un tic, ça, mais t’aimes tellement tes cheveux que t’as pas envie d’être mal coiffé. « I don’t, but you’ll take mine. » Ok, tu te mets en danger en faisant ça, mais t’as bien besoin de cette thune, et t’es prêt à tout pour qu’il accepte. Il continue avec ses questions, et la dernière t’arrache un léger sourire. Léger, hein, parce que t’es pas du genre à sourire à pleines dents. « Isn’t this your way of killing a sad rich guy? » Le regardant toujours, tu lui tends le casque, l’incitant à accepter et à te rejoindre sur cette bécane. « Dude, if I wanted to kill you, I would wait to be on your testimony. So, you comin’ or what ? » Tes beaux yeux bleus ne le quittent pas, et t’espères que ton regard va le convaincre d’accepter. Allez beau blond, grimpe derrière moi, penses-tu. En plus, il pourra même profiter de s’accrocher à toi. Enfin, encore faut-il qu’il aime les mecs, mais ton radar te laisse penser que oui. Lui, par contre, il doit pas se douter de grand chose.

Il était sur le point de partir mais il reste en t’entendant de nouveau. Il enlève son casque et tu ne loupes pas son petit geste envers ses cheveux. « I don’t, but you’ll take mine. » Mais. Ok. What ? Le gars il est prêt à te filer son casque. Tu comprends pas trop. Il a pas peur de mourir pour conduire un total étranger à l’autre bout de la ville ? Tu comprends pas pourquoi il est tant investit mais ok. Faut juste que t’arrête de réfléchir et devenir Parano Jor. Soit Reckless Jor. C’est ça qu’il te faut comme mode là parce que cette putain de moto elle te terrifie en vrai. T’aimes pas ça du tout et t’es encore en train de douter si tu vas monter dessus ou pas. Tu pourrais appeler un pote qui est sympa ou tu pourrais faire ta pute et appeler une de tes potes meuf que tu sais être entiché de toi. Elle viendrait c’est sûr. Tu le fais sourire avec ta dernière phrase mais t’étais sérieux en plus. « Dude, if I wanted to kill you, I would wait to be on your testimony. So, you comin’ or what ? » Mais apparemment il n’a pas envie de te tuer et il est impatient.

« Wait. How much you said ? $4 per km? » C’est marrant comme t’es en train de trouver des excuses tangibles pour ne pas monter derrière lui. Ca va revenir super cher son affaire là; « Listen, I’m very scared to get on that thing I’m not gonna pay more than a regular cab to get a panic attack mid-way. » Tu fais non de la tête. T'es pas dérangé de dire la vérité de la situation. T'as vraiment peur et c'est pas une blague la crise de panique éventuelle qui pourrait en découler.

« Thanks anyway. I appreciate you gave me the option. » Parce que t’es toujours grave reconnaissant pour les gens qui prennent de leur temps pour toi. Il sait même pas où t’habites le gars. Il est peut être en train de changer absolument tout ses plans de l’après midi pour te rendre service. Tu sais que y’a des sous au milieu et tu comprends sa motivation de ce côté là mais quand même. Y’a des trucs qui sont plus important que de l’argent. Le temps. Le temps tu le récupères jamais.

« Wait. How much you said ? $4 per km? » Bon, ok, t’as peut-être abusé sur le prix, vu que les taxis prennent légèrement moins que 2 dollars par kilomètres. Mais après tout, il est riche, il est dans la merde, il sait pas comment faire, et tu peux bien profiter de ça, non ? Puis, honnêtement, cette course, ça représenterait rien sur son compte en banque, surtout s’il a pu se payer deux cafés dans l’établissement qui est juste derrière toi et dans lequel tu travailles. « Listen, I’m very scared to get on that thing I’m not gonna pay more than a regular cab to get a panic attack mid-way. » Oh, donc c’est un trouillard. Bon, faut dire, t’inspires pas vraiment la confiance vu comment tu lui parles depuis tout à l’heure. Tu te fous de sa gueule, tu ris de ses malheurs, et t’as même été sur la défensive en parlant des gens qui dorment dans la rue, puisque ça peut être ton cas, en plus. « I’ll be gentle. », tu réponds, avec un léger sourire en coin qui nait sur ton visage. T’es plutôt content de ta blague, et en vrai, tu te rends compte que tu ne peux pas t’en empêcher, de te moquer un peu.

« Thanks anyway. I appreciate you gave me the option. » Il est coriace, le petit blanc, et il a vraiment pas envie de monter sur ta moto. Néanmoins, il se montre reconnaissant, mais t’as décidé de sortir une dernière carte, histoire de mettre toutes les chances de ton côté pour te faire ce fric. « As you wish. But I guess Uber is telling us that there’s a lot of traffic right now. You know how a taxi works, right ? $3 as you get inside, then allegedly around $3 a kilometer, and I know you’ve already seen that their price meter keeps counting even when you’re not moving. With that traffic going on, you’ll end up paying a lot and I don’t even know when you’ll get home. » T’enfonces un peu le couteau dans la plaie, pour lui faire croire qu’il est vraiment dans la merde, et qu’il ne va pas retrouver l’intérieur de sa baraque avant bien longtemps. Et puis, tu assènes le coup de grâce. « I don’t get stuck in traffic. » Sur ton visage, ça se voit que t’es satisfait de toi, et que tu sais que t’as raison. Ton casque est toujours tendu vers lui, et t’attends une dernière réponse. S’il refuse, tant pis, tu te barres.

« I’ll be gentle. » Ton visage se fend en un sourire très amusé. Is he hitting on me at the same time? Mais ça va pas le faire du tout cette histoire. T’aurais pu te retrouver collé à son dos pour qu’il puisse kiffer sa vie de te sentir contre toi mais non. T’es pas en train de bluffer quand tu dis que t’as peur. « As you wish. But I guess Uber is telling us that there’s a lot of traffic right now. You know how a taxi works, right ? $3 as you get inside, then allegedly around $3 a kilometer, and I know you’ve already seen that their price meter keeps counting even when you’re not moving. With that traffic going on, you’ll end up paying a lot and I don’t even know when you’ll get home. » Fucking hell… Il a raison. T’avais pas pensé à ça. Tu regarde l’heure sur ton téléphone. T’as prévu des trucs que t’as laissé le dernière minute à faire de part ta flemme ces derniers jours. De part ton esprit qui est occupé par d’autres trucs dont le dossier que tu devais traiter aujourd’hui dans ce café. Le gros poisson que tu n’as pas encore pêché. Que tu n’as même pas encore vu de loin. Tu t’es mis en retard dans le reste de ton travail pour rien du tout car rien n’a été aboutit. T’as presque plus de batterie sur ton téléphone parce que t’as passé 2h dans ce café à pianoter dessus. Tu pourrais même pas bosser sur ton tel en étant dans un bus qui mettrait 2h de plus avant que tu sois chez toi.  « I don’t get stuck in traffic. » Plutôt 3h de bus vu le traffic effectivement. Tu fermes les yeux. Tu soupires. T’en as marre. Tu vas devoir monter sur cette putain de moto.

« I hate that you’re right. »

Mais t’as pas honte de l’avouer en même temps. Tu fais un pas vers lui, tu tends le bras pour qu’il te donne le casque. Chill Jordan, il veut certainement pas mourir aujourd’hui, il va conduire correctement. Ca n’empêche que tu vas pas bien vite pour t’installer derrière lui une fois le casque sur ta tête. Tu veux reculer l’échéance alors qu’il faudrait juste en finir. Tu passes tes bras autour de sa taille, trouvant le geste tellement intime alors que le gars tu le connais pas du tout. He hot tho. Ouais. T’es proche de son visage et tu sais que vous allez bientôt démarrer.

« Go slowly. I haven’t ridden for a while. »

« I hate that you’re right. » Est-ce que c’est un signe de faiblesse ? Est-il en train de capituler ? Est-il sur le point de monter sur ta moto et accepter le deal que tu lui as fait ? Il s’avance, et il finit par attraper ton casque, et intérieurement, tu sautes de joie. À toi le fric de ce petit blanc riche ! Et si à l’intérieur de ta tête, t’es en train de sautiller dans tous les sens, tu ne fais qu’afficher un léger sourire sur ton visage, un sourire de satisfaction. Bon, par contre, il prend son temps, le gars. Tu vois qu’il n’est pas serein, qu’il flippe vraiment de monter sur ta moto, et ça te fait un peu rire. Parce que même s’il veut se donner un petit style de bad boy avec ses Vans, et ses tatouages partout, un rien semble le terroriser. Toi, tu t’installes tranquillement sur la moto, retirant la béquille, et tu attends qu’il vienne prendre place derrière toi, t’avançant un peu sur ta bécane pour que vous deux fessiers soient à l’aise sur le siège.

« Go slowly. I haven’t ridden for a while. » Alors que t’entends cette phrase, un sourire s’affiche à nouveau sur ton visage. Bien sûr, il ne peut pas le voir, puisqu’il est derrière toi, mais cette phrase ne fait que confirmer tes suspicions sur ce mec. Si dans le café, ton radar s’était un peu affolé, tu savais maintenant qu’en reprenant ton jeu de mots d’un peu plus tôt, et en y répondant par cette phrase, il venait clairement de te faire comprendre qu’il était gay. Ou bi peut-être, peu importe. Mais que les mecs le laissent pas indifférents. Toi, tu ne donnes aucun signe de réponse pour autant, mais t’es satisfait de savoir que t’avais raison.

« What’s your address ? », demandes-tu, et une fois que tu as ta réponse, tu démarres et commences à rouler. T’as pas besoin de GPS, tu connais plutôt bien la ville. Après tout, t’as fait partie d’un gang qui règne sur la ville, alors tu connais tous les recoins, même les quartiers riches où t’as pu déjà voler quelques trucs. Tu slalomes alors entre les voitures, ne voulant aller trop vite pour pas qu’il se mette à paniquer. Parce que s’il panique et se met à faire des faux mouvements, ça peut être très dangereux pour vous deux. « What’s your name, by the way ? », demandes-tu, une fois que vous êtes arrêtés à un feu rouge.

« What’s your address ? » Ah. Oui. Information importante effectivement. Que tu aies oublié ce détail primordial montre bien que tu as la tête complètement ailleurs. Tu flippes. T’es pas serein du tout.

« Fortitude Valley. James Street. » Et tu fermes les yeux, tes bras le serrant mais t’essaie de pas t’agripper tant non plus. Genre tu veux pas lui faire mal. Tu veux pas qu’il flippe de voir que tu flippes mais en fait c’est pas possible de pas s’en rendre compte parce que t’es muet comme une carpe. Immobile aussi. Tes yeux se ferment plus ou moins fort en fonction des accélérations ou des virages. Breathe Jordan. Non vraiment les motos ça ne t’a jamais plu et encore moins après tous tes potes qui sont morts sur deux roues. La route de manière générale ça te fiche la trouille et sur une moto t’es le plus vulnérable qu’il peut être. T’es pas tranquille du tout.

« What’s your name, by the way ? » Tu ouvres les yeux parce que vous êtes à l’arrêt. T’as envie de voir ce qui vous entoure et la vérité c’est que y’a grave de traffic indeed.

« Jordan. » Tes bras qui se remettent bien autour de lui. T’es pas bavard du tout. Limite tu te demande si tu devrais pas te mettre tes écouteurs avec de la musique pour oublier que t’es sur une moto. Mais non. Tu n’as pas confiance aveugle en ce gars même si tu peux rien faire là. C’est lui qui est en contrôle de tout. Tu as besoin de quand même sentir les éléments qui t’entourent même si c’est pour te faire plus ou moins peur.

« And you? And your address ? » T’as envie d’être au même niveau que lui niveau info échangés. Tu sais rien sur lui à part qu’il a une moto. And he has some damn abs. Ouais. Tu les sens bien au travers de ses vêtements. C’est bien ferme tout ça.

« Fortitude Valley. James Street. » Ok, là, tu ne t'attendais pas du tout à cette réponse-là de sa part. T'aurais pensé qu'il vivait à Bayside, dans une grande baraque au bord de l'océan, avec un accès à la plage direct de son jardin, juste à côté de la piscine à débordement qui te donne une vie imprenable sur la baie. Ou alors, un énorme loft en plein centre ville, avec de larges baies vitrées qui te donnent une vue imprenable sur tout Brisbane. Mais non, il vit à Fortitude Valley, et ça, tu t'y attendais pas du tout. « You're in luck, I was going there to grab a drink. » Tu sais même pas pourquoi tu lui donnes cette information, mais bon, il a pas l'air très réceptif à la conversation, vu qu'il est archi muet pendant tout le trajet.

C'est quand tu t'arrêtes à un feu rouge que tu relances la conversation, histoire quand même qu'il pense à autre chose qu'à son stress de la route et de la moto. Alors, tu lui demandes son prénom, et il finit par te répondre. « Jordan. And you? And your address ? » Un léger rire s'échappe d'entre tes lèvres en entendant ses questions. Du moins, surtout la deuxième. Et tandis que tu t'apprêtes à répondre, tu sens ses bras qui se resserrent autour de ta taille. Soit il est en manque de câlins, soit il est vraiment flippé par la route. « I'm Obaid. Why do you need my address though ? » Tu éclates un peu de rire, parce que tu ne sais pas trop quel est l'intérêt de lui donner cette information. De toute manière, c'est pas comme si t'avais une adresse à lui donner, vu que t'es à la rue. Du coup, tu préfères esquiver la question. Par chance, le feu passe au vert, et tu reprends ta route.

Une quinzaine de minutes plus tard, les roues de ta moto pénètrent à l'intérieur de James Street. Tu commences à ralentir, et alors que t'es au feu rouge tout en haut de la rue, tu tournes la tête vers le blondinet derrière toi. « So, where do I drop you off ? »

« You're in luck, I was going there to grab a drink. » Tu l’écoutes que d’une oreille, toujours aussi perturbé par ce voyage à deux roues. Mais ça va, le gars est réglo. T’as pas vraiment de grosses frayeur pendant le trajet. Même pas du tout. Mais faut dire que t’as commencé à faire des exercices de respiration en chemin, ton torse collé à son dos. Il a dû s’en rendre compte forcément. Tu sais comment gérer les attaques de panique, t’es rodé depuis les années, mais c’est vrai que ça fait bien longtemps que t’en as pas eu une belle. Alors là, tu respires comme si t’en avais une, mais tu fais ça en mode prévention plus qu’autre chose. Ca te rassure. Ca t’apaise. Tu gères. Tu essaies de te vider la tête. Les yeux fermés ça aide aussi. Sentir son corps si proche aussi paradoxalement. If he hit something he’ll get hurt too. C’est ça qui t’aide à maintenir cette proximité sans être trop dérangé. Si tu meurs il meurt aussi. Nope, people on the back have more chances of survival. T’es tellement un flippé, tu fais attention à ça et tu te démerdes toujours dans les transports, avions ou bus, ou voiture, pour être le plus à l’arrière possible. They’ll be hit before me. Tous les gens devant. Mais tu prends bien garde à ne pas penser si jamais vous vous êtes percuté par l’arrière.

« I'm Obaid. Why do you need my address though ? » Obaid. C’est quoi ce prénom ? T’as jamais entendu ça. C’est pas commun. T’as des questions. Mais pas maintenant. Toujours en mode stress à fond. Et puis il s’arrête et tu remarques que t’es dans ton quartier. Tu te sens bien mieux. Tu te redresses un peu, les yeux qui restent ouvert à présent.

« So, where do I drop you off ? »

« Number 5, it’s further up. »

T’as grave hâte de toucher le sol de tes deux pieds. Il reprend la route pour les quelques mètres qu’il reste. « It’s the next one. » Et te voilà enfin libre de te décoller de son corps. Libre d’enlever ce casque qui te compressait la tête. Libre de respirer, libre d’être chez toi. Tu te sens si soulagé. Tu fermes les yeux un instant avant de te tourner vers Obaid. « Thanks man. I can offer you a drink or a thousand. » Si seulement tu plaisantais. Tu es vraiment reconnaissant qu’il t’ait ramené sans te tuer. Sans te faire plus de frayeur que celles que tu avais tout seul à cause de la route et la circulation. Le seul truc, c’est que tu dis pas que s’il prend les 1000 verres, ça sera le paiement. Tu oses espérer qu’il va le comprendre tout seul. Il a l’air intelligent.

« Number 5, it’s further up. » Ok, t'es pas très loin du coup. Quand le feu repasse au vert, tu redémarres, et tu roules à vitesse réduite, afin de ne pas louper sa baraque. « It’s the next one. » Tu avances encore un peu, et quand tu vois le numéro 5, tu t'arrêtes, posant un pied à terre après avoir freiné, et mettant ta moto sur la béquille. Ta tête se tourne vers sa baraque, et t'es complètement choqué. Tu t'attendais à un petit truc, vu que les baraques par ici, normalement, c'est assez modeste, mais le mec a la maison la plus stylée du coin. En gros, il veut faire le mec qui a pas de fric en vivant dans ce quartier, tout en gardant son petit confort de riche. Toi qui avais repris un peu foi en lui, voilà que sa maison a tout cassé. Il retire alors son casque et te le file, et tandis que tu descends de ta moto, tu jettes un oeil vers lui.

« Thanks man. I can offer you a drink or a thousand. » Donc il veut déjà te bourrer la gueule, le blondinet ? Et bien, il se laisse pas abattre. En vrai, tu te demandes qui a le plus besoin de boire un coup là. Toi après ta journée de merde, ou lui après avoir surmonté une de ses peurs en montant sur ta bécane. « A thousand wouldn't be responsible, I'm driving, and I ain't driving that thing drunk. », réponds-tu en le regardant, tandis que tu ranges le casque dans le petit coffre sous le siège de ta moto, enlevant au préalable la chaine. Tu t'abaisses alors, bloquant la roue de ta moto pour ne pas te la faire voler, et au même moment, tu lèves la tête vers lui et reprends. « But I won't refuse one. Plus, you owe me 72 dollars.  » T'as vraiment envie de voir à quoi ressemble l'intérieur de sa baraque, en vrai, donc c'est aussi pour ça que t'acceptes le verre. Et puis, si tu peux lui glisser ton numéro s'il a besoin d'un chauffeur attitré... Ou autre.

« A thousand wouldn't be responsible, I'm driving, and I ain't driving that thing drunk. » Un fin sourire se forme sur tes lèvres en l’entendant. Il est responsable le gars, t’aurais pas tant cru aux premiers abords mais ce ne sont que des préjugés. Tu ne sais absolument rien de lui. « But I won't refuse one. Plus, you owe me 72 dollars.  »

« It’s a multiple time offer. You know where I live. » Tu commences à marcher vers chez toi pour entrer dans ta propriété. Tu sors tes clés de ta poche. « $72 is a lot. Show me your maths. I say I won’t pay more than a regular cab. You’d win more if you take the thousand drinks. » Tu ouvres ta porte qui donne sur un petit couloir, des escaliers d’un côté, une porte de l’autre. Tu prends naturellement la direction des escaliers parce que ton espace de vie est à l’étage entièrement.

« What’s your favorite drink? » Alors que tu lui poses cette question, tu te souviens d’un truc alors que tu arrives chez toi, dans le salon directement. Salon qui est mélangé avec ta cuisine dans le fond. Très grand espace, c’est ta pièce principale de vie. Un canapé d’angle avec une télé que tu regardes quasiment jamais. Ton MacBook Pro qui est posé sur la table basse. Y'a une grande table avec 4 chaises entre le salon et la cuisine. T'as aussi une jolie terrasse qui se laisse deviner. T'as un mur qui pourrait être comparé à une bibliothèque mais avec uniquement des CDs et des Vinyls classés par ordre alphabétique et ordre chronologique par artistes. T’as quelques cadres aux murs. Principalement des affiches de concerts. La plus ancienne une de Parkway Drive à Brisbane qui date de 2007, la plus récente, celle de Bring Me The Horizon et leur First Love tour en Australie en Avril 2019. Y’a aussi un meuble avec beaucoup de photos. Photos de gens que tu aimes, on peut y voir une photo de ton mariage, une photo de toi et Rosa quand vous étiez jeune mais on ne voit que le visage de ta chère et tendre. C’est d’ailleurs pour ça que t’aimes cette photo, parce qu’on te voit pas. Elle est dans tes bras et elle regarde droit l’objectif. Y’a quelques photos de la famille Mendez aussi. Des souvenirs du Mexique. Une photo de ta mère caché un peu derrière. L’endroit est bien rangé, ta cuisine est toute équipé même si c’est pas toi qui t’en sert le plus.  

« You did not tell me your address. Was just asking because I want to have the same amount of information about you that you have about me. It’s just fair. » En plus tu trouves ça important comme info de savoir l’adresse de quelqu’un. C’est utile. T’es pas parano pro pour rien mon petit Jordan. Tu surveilles tes arrières en demandant en retour. Tu sais très bien qu’il peut mentir s’il veut. Tu sais aussi que tu vas pas aller frapper chez lui pour vérifier, mais tu garderas cette info dans un coin de ta tête ça c’est certain. Tu te diriges vers la cuisine pour lui servir un truc à boire comme convenu.