“I'm not givin' up. Even when I'm down to my last breath”
En quelques mots Alex parvient à tout gâcher. Une phrase franchement pas utile qui n’est là que pour me rappeler sa relation tenue qu’elle entretient avec ma sœur, comme si elle prenait un malin plaisir à vouloir me le rappeler sans cesse. Elle ose dire que Prim ne sera pas heureuse d’apprendre la grossesse sauf que je sais très bien que ce n’est pas vrai. Elle sera contente je le sais je n’en doute pas une seule seconde sauf qu’elle se permet de parler en son nom et je déteste ça. Sa réflexion m’a énervée je n’hésite pas à lui faire savoir et je comprends tout de suite qu’elle ne s’attendait pas à ce que je réagisse, elle pensait sûrement que j’allais m’écraser comme je le fais peut-être un peu trop souvent. Sauf que cette fois je réagis, peut-être pas de la meilleure des manières mais je réagis quand même. « Laisse tomber. » C’est tout ce qu’elle a à me dire, sérieusement ? Agacé, je soupire une nouvelle fois, tout en m’asseyant au fond du fauteuil mais cette fois je ne lui réponds pas parce que je ne veux pas me disputer avec elle et je sais très bien que si je rebondis sur ces deux petits mots, une dispute serait tout à fait possible. Certainement pour essayer de se rattraper elle me parler de ma mère en me disant que l’on devra sûrement lui demander des conseils. Oui sûrement mais une nouvelle fois je reste silencieux parce que je n’ai pas vraiment envie de lui parler, là maintenant tout de suite. « Excuse moi j'aurais pas du dire ça. C'était injuste, et totalement puéril de ma part. Regarde moi stp. » Comme elle me l’a demandé, je lève les yeux vers elle mais je ne lui réponds pas tout de suite. Non elle n’aurait pas dû dire ça et oui c’était totalement puéril, au moins on est d’accord là-dessus. «Je voulais pas te blesser. Oublie ce que j'ai dis stp, c'était con, en plus je suis sûre qu'elle sera heureuse pour toi. » Elle ne m’a pas blessé, elle m’a juste énervé. Silencieux, je la regarde encore de longues secondes sans trop savoir si je devrais passer l’éponge aussi facilement mais je me souviens surtout à quel point je n’ai pas envie de me disputer avec elle. « Oublions ça. » Je lui réponds, très simplement avant que la conversation ne dévie sur mes parents. En temps normal si elle m’avait donné le feu vert pour leur parler de la grossesse c’est sans aucune hésitation que je l’aurais fait. Sauf que maintenant les choses sont différentes, un bébé sur les trois a perdu la vie et j’ai vraiment peur que l’histoire se répète pour un ou les deux autres bébés alors par précaution je décide de n’en parler à personne avant le début du deuxième trimestre. « Je crois que tu devrais en parler quand même. Au moins à tes parents, de tout ça. Des jumeaux, de ce qu'il s'est passé cette nuit. » Non. C’est tout ce que j’ai envie de lui répondre. Non, ils ne sauront rien avant le troisième mos, ma position n’a pas changée. « Non, je préfère attendre le deuxième trimestre. » Je lui répète une seconde fois. « Et j’ai franchement pas envie de leur parler de la fausse couche. » À eux ou à qui que ce soit d’ailleurs je ne vois pas l’intérêt de leur dire qu’initialement ils auraient dû avoir trois petits enfants mais qu’un a perdu la vie alors qu’ils n’en auront que deux. « Si tu as envie d'en parler, tu peux. J'ai vu comme tu étais heureux quand je te l'ai annoncé et je veux pas que ça change. J'ai peur aussi, de ce qu'il peut arriver, mais ils sont là, tu les as entendu, tu les as vu, et tu as le droit d'être heureux et d'avoir envie d'en parler. » Non. Encore une fois je pourrais me contenter de cette réponse mais au final je ne dis même rien. Oui, moi aussi je les ai vu sur l’écran de contrôle, moi aussi j’ai entendu les battements de leur cœur mais ça ne suffit pas à me rassurer sur une potentielle autre fausse couche sauf que pour éviter de l’angoisser encore plus qu’elle ne l’est déjà, je préfère ne pas faire part à nouveau de cette angoisse et quand elle me propose de la rejoindre dans le lit pour me reposer c’est sans hésiter que je le fais. Je m’allonge et après lui avoir dit que je l’aime je m’endors très vite. Je sens Alex qui se colle à moi alors que je commence petit à petit à sombrer dans un sommeil profond et ça me fait tellement du bien de pouvoir dormir. Vraiment dormir. Après une nuit entière à rester debout, éveillé tant bien que mal pour permettre à Alex de dormir sans être angoissée à l’idée que quelque chose puisse se passer de nouveau. Je ne sais pas pendant combien de temps je me suis endormi mais quand je sens Alex me réveiller, j’ouvre difficilement les yeux et après plusieurs minutes à les écouter parler je parviens enfin à me redresser et à réellement ouvrir les yeux et c’est à peu près au même moment qu’il commence à nous expliquer un peu plus en détails ce qu’il s’est passé hier soir et la suite des événements pour la grossesse. Il nous confirme qu’effectivement le risque de fausse couche était encore présent et cette information suffit à me stresser encore plus. Et ça ne s’arrange pas quand il prononce « grossesse à risque. » J’ai presque l’impression que mon cerveau se déconnecte pendant quelques secondes et quand je redescends réellement sur terre, un silence de quelques secondes règne dans la chambre jusqu’à ce que le médecin tende à Alex une photo de l’échographie réalisée hier. Mes yeux sont comme attirés immédiatement par ce cliché qu’Alex tient entre ses doigts. « Je veux juste sortir d'ici. » J’entends Alex me parler mais je ne lui réponds pas, je ne relève même pas les yeux vers elle. Pas parce que je lui en veux encore pour cette histoire avec ma sœur mais simplement parce que je suis réellement hypnotisé par ce cliché d’échographie que je lui prends pour le regarder d’un peu plus près. Ils sont si petits qu’imaginer que dans quelques mois ils viendront au monde en ayant une taille de bébé normal c’est assez dingue. Les yeux toujours rivés sur le cliché ce n’est qu’une seconde prise de parole d’Alex qui me sort de mon monde pour me ramener à la réalité. « On peut aller chez toi pour quelques jours ? » Enfin, je décroche mon regard de la photo pour regarder Alex. « Si tu veux, oui. » Je l’embrasse sur la joue et une dizaine de minutes plus tard une infirmière arrive pour nous expliquer les prochains examens qui seront à faire et elle nous signale que le médecin a signé le bon de sortie ce qui signifie que nous pouvons enfin quitter cet hôpital et avant qu’elle ne parte pour s’occuper des autres patients du service je la remercie. Prêts à partir mon estomac commence à crier famine, ce qui n’est pas réellement étonnant quand on sait que je n’ai pas pris de petit-déjeuner et que je n’ai pas pu manger hier soir. « Une pizza, ça te tente ? » Je connais déjà sa réponse et c’est main dans la main que nous quittons cet hôpital, cet endroit qui comme pour beaucoup est un endroit qui ne me laisse que de très mauvais souvenirs sauf qu’aujourd’hui j’en ressors en apprenant que je vais avoir deux enfants et même si c’est terrifiant, ça me comble également de bonheur.