| efflorescence (lola&grace) |
| | (#)Mar 28 Avr 2020 - 2:05 | |
| "Look, I asked you to come with me to Iceland and we weren't even a thing back then." Lola sentait une agressivité dans la voix de Grace, et elle se demanda si elle l'imaginait ou si c'était vraiment là. Elle avait la tête qui tournait de tant d'allers et retours dans cette conversation. Elle n'était vraiment pas faite pour les disputes, et pourtant n'était-ce pas une partie inhérente des relations ? Etait-elle destinée à être une ermite dans une montagne ? "And I did it knowing what it could mean. It meant that I cared about you enough to do such a difficult thing with you. I had feelings for you and I wanted you to know that." Lola ne bougea pas de son refuge sur le lit, où elle tentait de se concentrer sur sa respiration, sur le contact de son corps avec le matelas, sur le très léger courant d'air (d'où venait-il, d'ailleurs ?), sur la forme de Kim Possible qui se déplaçait dans l'appartement, inlassablement.
"I know that's not what you expected. And that's not what I expected either. Jesus -- do you really think I planned on falling in love that fast after getting my heart broken?" Non, sans doute pas. Ce n'était pas prévu, ce n'était pas planifié, mais elles y étaient, et Lola ne savait pas quoi penser de cette cascade de révélations qui venaient la heurter. Elle tentait de devenir rocher, de se refermer, mais la voix de Grace perçait jusqu'à elle. "I'm just– I need time to think things through." Le coeur de Lola s'arrêta, car cette phrase résonnait en écho comme un arrêt de mort, la fin d'un chapitre, d'une histoire. Comme un je-ne-sais-pas qui se transforme en je-ne-veux-pas. Et Grace se levait et marchait, et Lola s'attendait à ce qu'elle lui montre la porte. Elle partirait, elle rentrerait chez elle, elle se cacherait sous sa couette, et elle n'en ressortirait que pour des allers-retours à la salle de bains, à la cuisine, et à la galerie. Oui, quand on est adultes avec un métier, même le coeur brisé on doit aller au travail.
"But I'm not going anywhere. It doesn't mean I'm going to bail first thing and sleep with someone else just because I'm scared of being...tied down, or something. That's not who I am." C'était pourtant ce qu'elle avait dit, ce qu'elle avait suggéré : c'était ce vers quoi tendait toutes ses réponses à la révélation de Lola. Tout avait été comme un aveu d'échec avant l'heure. Et Lola restait immobile et silencieuse sur le lit. Elle écoutait. Elle essayait d'entendre, de comprendre. "I'm not a cheater. I'm not someone who runs away when things get hard. That's precisely why I'm telling you all this, right now – so you know things might get confusing, and choose whether to stay or not." "I've already told you I'm staying. Ball's in your court." Et sa voix était fatiguée et lasse. Sa vérité n'avait pas changée, mais son attitude était diamétralement opposée à leur découverte de l'espace d'exposition, à la sensation de se réveiller dans un bonheur absolu, au premier baiser avec Grace ce matin-là.
Grace s'approchait et s'assit près d'elle. "I’m sorry I was harsh." Elle prenait sa main, et Lola laissait faire, et elle serra un peu plus qu'elle ne l'aurait aimé, mais c'était ça ou pleurer, et elle se refusait à pleurer. Elle ne pouvait pas se transformer en dessin animé de larmes à chaque fois qu'une conversation était difficile. Il était temps qu'elle grandisse. "I want to try my best. I really do." Lola acquiesça sans répondre, et Grace s'allongea et l'invitait à la rejoindre. Sans une hésitation, la peintre se glissa dans les bras de la photographe, et y prit une profonde inspiration. "I know you probably don’t want to, but you can stay here tonight. We can watch cartoons." Elle n'avait pas de voix, de mots, ou d'énergie pour répondre. Elle voulait juste être là, exister sur ce lit, dans cet appartement, dans ces bras. Elle ferma les yeux et obligea sa respiration à ralentir et s'apaiser peu à peu. "I hated this conversation", murmura-t-elle tout bas, et ce n'était pas un reproche du tout, c'était juste un constat, un partage. "I'm scared."
Elle se releva, et ce n'était pas clair si elle partait ou restait. Ses yeux se dirigèrent vers la porte d'entrée, restèrent là quelques secondes, puis se tournèrent vers la cuisine. Elle sortit du lait, des céréales, deux bols et deux cuillères, posa le tout sur un grand plateau, et l'amena sur le lit. "Family Guy or Pokemon?" Deux salles, deux ambiances. L'un était de la comédie sociétale où elle retrouverait Stewie et Brian et voyagerait dans le temps avec eux. L'autre était l'aventure régressive où elle s'écrierait Pikachu à chaque fois qu'il apparaîtrait à l'écran. Quel que soit le choix, elle retrouverait bientôt les bras de Grace, et ne la lâcherait qu'à l'heure de se réveiller.
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Mar 28 Avr 2020 - 19:51 | |
| Le coup d'orgueil part et Grace se sent rentrer en elle-même, refusant d'en ressortir et de poursuivre la conversation. Un moment, qui lui semble durer des heures mais ne dépasse sans doute pas les deux minutes, le silence revient et elle lutte avec elle-même pour le briser. S'enfermer sous sa carapace n'est pas une solution, non plus. C'est un réflexe à combattre. Elle n'a aucune raison de se vexer, pas alors que c'est elle-même qui a poussé la conversation jusqu'au point de non-retour, ni d’en vouloir à Lola de réagir avec autant d’appréhension. "I've already told you I'm staying. Ball's in your court." Mais pourquoi ? Grace a envie de lui renvoyer la question, mais c'est ce qu'elle fait depuis tout à l'heure. La réponse est certaine, sans appel : Lola reste parce qu'elle veut rester. Qu'importe ce que Grace a pu lui confier, son choix est fait. Elle sent qu'elle pourrait pousser encore, si elle voulait vraiment la faire partir – c'est là que vient la question : en a-t-elle vraiment envie, elle ? Comment faire le distinguo encore l'envie et la pulsion de peur qui la pousse à tout mettre à distance ?
Elle repousse tout le bruit qui a envahi son esprit et fait quelques pas pour retrouver une clarté relative. Plusieurs respirations profondes et par réflexe, quelques étirements. Il lui reste du chemin, avant d’être prête - beaucoup. Parce qu’elle vient à peine de réaliser qu’elle n’a jamais rien tiré au clair avec Alexandria, s’est contentée de faire traîner la rupture en longueur avant de disparaître du jour au lendemain pour emménager à Brisbane sans prévenir, et que maintenir le statu quo n’est qu’une manière de se détourner des problèmes fondamentaux de leur relation, de ses peurs et de sa difficulté à digérer la fin d’un chapitre qu’elle pensait voir durer bien plus longtemps. Elle s’est réfugiée dans ce flou pour s’empêcher de souffrir davantage encore et, du même coup, elle s’est empêchée de s’ouvrir à la possibilité d’autre chose. Lola l’a réveillée, cette possibilité, cet embryon d’idée selon laquelle elle pouvait retomber amoureuse, reprendre un tel risque sans que ça ne lui soit fatal. Inconsciemment, elle l’avait acceptée. Maintenant que ça remontait à la surface de la conscience, c’était la panique qui prenait le dessus. Tout ce qui était passé sans qu’elle ne s’en formalise nécessitait maintenant des mots précis, et le processus faisait se rendre compte à Grace qu’elle ne savait pas du tout où elle mettait les pieds. Comme remonter sur un vélo après dix ans : le corps sait faire mais l’esprit vient tout foutre en l’air. Oh, comme elle aurait voulu reprendre dans l’autre sens et laisser l’inconscient guider.
Au lieu de quoi elle s’excuse, rejoint Lola sur le lit et se laisse chuter en arrière. Retrouve un semblant de calme, enfin, quand Lola vient se blottir près d’elle. "I'm scared." Elle aussi, mais elle n’a pas envie d’y penser pour le moment. Demain viendront les questionnements. Demain, elle se permettra de prendre le recul suffisant pour régler ce qui la bloquait, ou du moins espérer pouvoir le faire un jour. Demain, elle s’accordera quelques jours, jusqu’à leur prochaine entrevue, pour accepter ses sentiments et les examiner, à la loupe s’il le fallait. Pour ne plus reproduire ce fiasco. “Me too”, confie-t-elle enfin, parce que lui dire que tout irait bien serait mentir : elle n’en avait aucune idée. Rien n’était plus sûr, si ce n’était l’assurance qu’elles étaient deux. Alors Grace ne rechigne pas quand Lola quitte ses bras et se lève, se tend à peine en la voyant faire face à la porte d’entrée. Pas plus qu’elle ne montre la vague de soulagement qui l’étreint quand Lola opte plutôt pour la cuisine et en sort des plateaux avec des céréales. Serrées l’une contre l’autre, elles oublient le passage du temps devant Family Guy, et quand une Lola épuisée s’endort contre son épaule, elle accepte toutes les émotions qui passent en elle jusqu’à ce que son coeur manque de sortir de sa poitrine : l’heure n’est plus à la fuite. @Lola Wright |
| | | | efflorescence (lola&grace) |
|
| |