Le plan était censé être parfait, si ce n'est qu'on ne le tiendra jamais.

Pourtant on avait de bonnes intentions, ou du moins pour ma part, je savais que j'allais pas avoir le choix de tout suivre à la lettre pour m'assurer que la vie soit plus facile à vivre après son passage chez moi. C'est étrange, de dire qu'il vient chez moi d'ailleurs. C'est pas l'Académie et c'est pas la salle, c'est pas le café en bordure du campus et c'est certainement pas chez lui non plus après qu'il a dégainé toutes les excuses possibles et inimaginables pour qu'on ne révise pas là. En soit, je sais même qu'il n'y a aucune chance qu'il veuille vraiment réviser ce soir, et que je devrai bosser doublement pour mémoriser les informations en vue du test de demain mais aussi pour le motiver à faire le moindre effort et au moins ne pas bousiller ma concentration s'il veut juste errer à retenir les différentes informations de son choix sur mes flashcards.

Parce que oui, j'ai des flashcards.
Et des graphiques.
Et des pages entières de notes, calligraphiées de ma plus belle plume. (si on oublie les marques d'encre que ma paume gauche a traînées avec elle au fil de ma transcription)

J'ai tellement tout bien préparé et aligné sur la table de la cuisine que ce serait presque un drame, que le plan ne se déroule pas comme prévu. Mes parents sont partis à un énième conseil d'administration d'un des énièmes organismes pour lesquels ils sont bénévoles. Jill dort chez Scarlett - ce qui veut dire qu'elle ne passera pas la porte de la maison pour les deux prochains jours parce que dormir chez Scarlett signifie empiler les bêtises jusqu'à ne plus pouvoir mettre un pied devant l'autre. Matt est en voyage scolaire - ce qui veut dire qu'il fait un marathon de beer pong à la fraternité sans aller à ses cours mais que comme ça il a une excuse pour ne pas répondre aux appels des parents "parce qu'il est hors du pays".

Et tout irait bien, vraiment, si Auden était pas parti à la recherche des toilettes depuis mille ans déjà, et que je venais pas de le réaliser que maintenant. Il erre dans la maison tout seul et ça va pas ça, parce qu'il pourrait tomber nez à nez avec des photos horrifiantes de moi gamine, ou pire avec l'un ou l'autre de mes parents qui aurait décidé d'abréger leurs bourgeoisies du soir.

Un bref coup d'oeil par la fenêtre de la salle à manger me confirme que la voiture de papa n'est pas dans l'allée, et je pars un peu plus rassurée à la recherche du Williams dans la maison. « Auden, reviens tout de suite. » c'est presque excédée que je le gronde, pouffant de rire entre deux râlements parce que de toute façon, je sais que de chercher une pointe d'autorité que je n'ai jamais ne le forcera qu'à faire pire. « Fais pas exprès. » une lueur sous la porte au fond du couloir aurait tout pour le trahir, mais je ralentis le pas tout de même, parce que ça pourrait facilement être un piège dans lequel je serais à quelques mètres à peine de tomber.

« Auden, reviens tout de suite. » Il est grand, il est immense mon sourire du gars qui attend dans l’armoire du couloir depuis au moins une vie, entre les chaussures qui me rentrent dans la chair et les blousons encore mouillés sont les gouttes perlent sur mon front (comme le supplice qu’ils pratiquent à Guantanamo, vous voyez, exactement. la. même. chose.). Pourtant je ne bouge pas et je ne dis rien et je ne fais rien non plus parce que c’est là tout l’intérêt du jeu, de cette partie de cache cache improvisée que j’ai décidé à la dernière minute parce que je lui avais promis qu’après avoir préparé les cookies on irait réviser mais je mentais. Bien sûr que je mentais.

Et elle rentre dans mon jeu aussitôt, la gamine. « Fais pas exprès. » Elle avance à pas de loup et elle chuchote comme s’il y avait réellement qui que ce soit d’autre dans la maison, elle ressemble à quelqu’un qui aurait peur de se faire prendre quand bien même elle ne fait rien de mal. Je reconnais la cadence ralentie de ses bas de l’autre côté de l’armoire, je me fie à son souffle pour jauger de son évolution et ne pas risquer de lui ouvrir les battants en bois sur elle - non pas que j’ai peur de lui faire mal mais après elle va passer sa soirée à se plaindre et ça sera l’enfer.

Le minuteur de mon téléphone sonne et ainsi débute la fin du monde.
« LES COOKIES SONT PRÊTS JE GOÛTE EN PREMIER. »

Les battants de porte de l’armoire souffrent avec fracas, je jette la première veste venue sur ses cheveux déjà en bataille pour gagner un peu plus de temps et mes pas rejoignent hâtivement la cuisine, sans même glisser sur le carrelage. Admirez le talent. Je jongle avec les réglages du four comme s’il était le mien, trouve en un temps record des chiffons pour éviter de me brûler les mains et finit par sortir les précieux cookies fourrés aux M&Ms encore bouillants. Même si finalement il ne reste plus beaucoup de M&Ms, vu qu’elle en a mangé la majorité. Quoi qu’il en soit je les fait tous glisser dans une seule et même assiette, la plus belle qui soit, et suis désormais prêt à protéger mon bien contre n’importe quelle sorte d’envahisseur barbare. « Essaye de trouver une seule bonne raison qui ferait que t’aurais peut être le droit de manger de mes cookies. » J’anticipe ses attaques de chatouilles sauvages, l’assiette déjà en l’air là où elle ne pourra pas l’attraper, un sourire de winner sur les lèvres.

« LES COOKIES SONT PRÊTS JE GOÛTE EN PREMIER. » non, non, non, non, non. C'est pas comme ça que c'est censé se passer, pas quand il sort du placard comme s'il y avait toujours été caché, pas quand il s'élance vers la cuisine comme s'il savait le chemin par coeur pour s'y rendre les yeux fermés lui qui n'est jamais venu chez moi avant aujourd'hui.

Il évolue jusqu'à la cuisine Auden, il fouille partout et il investit placards et four, il fait comme s'il était dans ses affaires. Par tous les moyens j'essaie d'attraper un des cookies entre ses brèves manoeuvres, mes doigts se brûlant sur la plaque puis sur le chocolat fondant et fondu. La veste est à mes pieds parce que je l'ai traînée sur ma tête jusqu'à la cuisine, allez savoir comme j'ai réussi à me faire si peu d'ecchymoses, à peine sur les mollets et presque pas sur les bras. C'est quasi de la triche.

Et lui aussi d'ailleurs, il triche. « Essaye de trouver une seule bonne raison qui ferait que t’aurais peut être le droit de manger de mes cookies. » l'assiette pleine qu'il lève au-dessus de ma tête comme si j'étais une gamine de 1000 ans sa cadette et de 1000 centimètres plus petite que lui. Mon bras s'allonge et je sautille d'un côté comme de l'autre, oubliant totalement toute trace de dignité, tout besoin de réviser aussi. Auden qui a lancé un jeu, qui a lancé un combat ; et j'ai prévu que je gagnerai tout, il le sait autant que moi.

« Mes ingrédients. » alors je commence mon plaidoyer, me reposant docilement sur mes talons, plantant mon regard dans le sien comme si ça pouvait ultimement augurer quelque chose de bon. « Mes M&M's. » le chocolat encore collé au coin de mes lèvres fait office de preuve ultime, il ne peut pas le nier. « Mon idée. » ça par contre, c'est discutable, quand mon idée signifie surtout et presqu'exclusivement d'avoir été celle qui lui donnait tous les bonbons et toutes les sucreries et tout ce qui risquait de nous provoquer autant un mal de coeur qu'un mal de dents pendant qu'il préparait des biscuits comme il croyait qu'ils devaient être faits, sans même de recette écrite, juste de mémoire, juste en improvisant selon ce qu'il savait apparemment sur le bout de ses doigts. « Mon assiette. »

Là par contre, j'esquive, quand à l'argument qui conclut ma joute s'additionne une feinte ou un semblant de. Je saute en l'air pour lui piquer l'assiette des mains, mais dans l'élan je ne fais que la faire tomber au sol sans grande surprise pour qui que ce soit. Et elle éclate, bien sûr qu'elle éclate, sur le plancher en marbre de la distinguée cuisine des McGrath. « Oh. »

Au sol, y'a des tas d'éclats de céramique partout, y'a des biscuits encore relativement intacts dieu soit loué, d'autres en moins bon état. Et y'a ma silhouette qui se penche sans y penser à deux fois, qui s'y installe le plus confortablement du monde à même le sol alors que le confort reste ici plus que relatif. Parce que même si je dois départir la vaisselle en miettes des miettes de cookies, la chasse au trésor se porte parfaitement bien pour moi. « Si t'en veux va falloir que tu t'abaisses au niveau du peuple, j'ai bien peur. » que je pouffe, lui tendant même une part en guise de bonne foi, après avoir validé des dizaines de fois et de tous les côtés qu'il n'aurait rien pour râler qu'un bout d'assiette s'est faufilé dans son dessert maison.

Ses arguments s’accumulent mais aucun ne soulève mon attention, je continue donc de faire la moue de mes lèvres retroussées et d’hocher la tête de la négative pour l’intimer à toujours trouver mieux que de simples faits ennuyants à souhait. Mon corps tout entier se méfie de toutes les tentatives qu’elle pourrait tenter et bien sûr que dans l’unes d’elles contenait celle faisant d’un un sorte de kangourou improvisé qui pensait réellement arriver à agripper l’assiette. J’arrive à l’éloigner encore un peu plus d’elle en tout cas, mais pas assez pour la garder dans ma main puisqu’elle se fracasse au sol la seconde suivante.

La brune revient sur ses pieds et elle a dû prier bon nombre de Dieux pour ne s’être mis aucun bout de verre dans les pieds au moment de reposer ses talons au sol. « Attention. » Elle reçoit un coup de ma main dans les côtes sans que je n’ai eu le temps d’essayer d’adoucir mon geste, mes yeux seulement occupés à dévisager le bout de rêve qui avait glissé sur le sol, lequel elle allait finir par s’asseoir dessus. Qu’on se le dise : je n’ai pas fait ça pour la sauver elle mais plutôt pour me sauver moi, parce que si jamais elle s’était réellement blessée alors elle aurait été plus qu’insupportable. Elle en arrive à retrouver un équilibre instable en se rattrapant de son coude et je la laisse se redresser seul alors que je m’assois à mon tour sur le sol, cette fois-ci en veillant à avoir un périmètre de sécurité autour de moi. Ginny m’avait lancé ce qui sonne comme un défi, de toute façon, parce qu’en même temps qu’elle m’annonçait que « Si t'en veux va falloir que tu t'abaisses au niveau du peuple, j'ai bien peur. » ses yeux brillaient de malice, à la gamine. J’attrape le cookie tendu comme s’il était la dernière denrée nutritive de l’univers, attrapant au vol son sourire et ses yeux plissés, bien trop fière d’elle.

Loin d’avoir réellement envie de l’aider, je la regarde rassembler les morceaux de verre sans même se couper - quel exploit - alors que je déguste mon cookie lequel est finalement le meilleur du monde. Ce n’est que lorsque j’ai entièrement dégusté ce dernier et qu’elle a presque entièrement retrouvé tous les morceaux de la défunte assiette que mon bras se relève pour tâter le dessus du comptoir de la cuisine et y trouver la boite en plastique pour y mettre tous les morceaux de cookie rescapés. Loin de moi l’idée de l’aider mais c’est seulement que je n’avais pas prévu de rester toute la journée assis sur le sol de sa cuisine, aussi cher soit-il. C’est là la seule raison pour laquelle je décolle enfin ma tête des placards sur laquelle je l’avais posé et que j’arrête aussi de sourire dans le vide comme un con à simplement la laisser faire et trier les cookies (ses ingrédients, ses M&Ms, son idée) du reste (son assiette). « Ginny, real talk. » Okay, ouais, j’aiderai plus tard. Là je me suis redressé vers elle, le dos droit, l’allure sérieuse, mes yeux qui cherchent les siens pour qu’elle les décolle enfin du parterre. J’ai essuyé toute trace de cookie, j’ai lâché ceux que je détenais en otage dans mes mains pour les poser dans la boîte. « Faut vraiment que je te dise un truc ... » Aucun sourire, aucune blague, pas même un quoi que ce soit de rien du tout qui pourrait détendre l’atmosphère alors que je m’approche de son oreille comme pour lui murmurer un secret que seuls nous deux pourrions connaître. « T’as de tes M&Ms sur la joue. » Ma tête vrille et mon sourire renaît quand je pose finalement ses yeux sur la tâche bleutée barrant la moitié de sa joue depuis plusieurs minutes déjà. Elle avait presque une allure de guerrière avec ça, l’artiste. Mes yeux se concentrent sur la tâche qui est maintenant incrustée dans sa peau, j’y ajoute de la bave sur le bout de mon pouce pour en venir à bout tel le lourd que je suis. Et la seconde d’après il se passe un quelque chose, un je ne sais quoi qui fait que mes yeux se posent sur sa bouche, une seconde avant que ce ne soient mes lèvres qui viennent à leur rencontre.

Rien n’était prévu, rien n’était anticipé, rien n’était planifié si ce n’est le fait de faire absolument tout sauf réviser mais jamais l’embrasser n’a été dans le plan, jamais oser franchir la ligne rouge n’a une seule fois été réellement envisagé. J’y ai pensé des dizaines et d’autres centaines de fois, mais je lui avais fait une promesse. Mais finalement je la tiens, là. Je jure que je la tiens, je jure que j’ai tout oublié, je jure qu’elle n’est qu’une fille parmi des milliers que j’embrasse simplement parce que je le peux et que j’en crève d’envie. Sauf qu’avec elle seules mes lèvres restent posées sur les siennes pendant de longues secondes avant que je n’ose plus, sorte de gamin que je redeviens dès lors qu’elle rentre dans l’équation. Une de mes mains se pose dans sa nuque alors que je ne souhaite plus arrêter ce baiser, la réponse qu’elle pourrait avoir que je crains réellement. J’en ai des milliers de mensonges pour elle et si elle en a besoin d’un millier d’autres je saurai les lui trouver, celui ci le premier. « Et t’avais de tes ingrédients là. » Elle ne ressemble plus à un cookie taille humaine et on pourra faire comme si de rien n’était si c’est ce qu’elle souhaite. On est parfaits dans ce rôle là.

Il s'installe par terre et je râle bruyamment, le soupir pitoyablement exagéré parce que le plan c'était de le garder le plus loin possible le temps que je puisse en 15 minutes (secondes) arriver à manger la majorité des biscuits sans me lacérer le palais avec le moindre éclat d'assiette. Mais qu'il soit à la hauteur du peuple, là par contre, ça complique les choses, surtout quand il s'affaire à ranger le tout dans un contenant de plastique que je ne savais même pas appartenir à notre cuisine.

« Ginny, real talk. »
« Et puis quoi encore. »
« Faut vraiment que je te dise un truc ... »
« ... arrête, t'es louche là. »

Et ce qui est louche surtout, c'est son pouce que je vois, bien baveux et bien proche, à la seconde où je redresse le menton et plante à nouveau mon regard dans le sien. Il était à presqu'un mètre de moi Auden y'a même pas une minute de ça, et je le sais parce que je suis passée maître dans l'art de compter les pas qui nous sépare, le nombre de dix étant parfait parce qu'il me garde toujours de me faire tirer les cheveux par ses doigts rageurs, ou de lui tomber dessus et de le rendre lui rageur.

« T’as de tes M&Ms sur la joue. » ma joue qu'il investit avec son doigt humide et puant et dégueulasse et chaud, bouillant, son souffle avec. Mes iris suivent le mouvement à défaut d'être capable de tenir son regard qu'il dérobe de toute façon. Et c'est rien, c'est stupide, c'est juste Auden qui m'embête et c'est juste une scène de plus dans un environnement différent mais avec les mêmes acteurs. On est doués à jouer des tas de scénarios avec la même finalité, on est parfaitement à l'aise autant aujourd'hui qu'on le sera demain, on l'a peaufiné le spectacle et il est proche, il est vraiment proche, genre juste là, à un millimètre à peine, ils sont où les dix pas, ils sont où les dix pas de base Ginny, pourquoi tu recules pas? Pourquoi tu chuchotes à la place? « Ça le dit, les miens, touche pas ou sinon je - »

Ou sinon quoi, mhm?
J'ai pas le temps de répondre, bien sûr que j'ai pas le temps de rien ajouter, quand ses lèvres dérivent de son sourire de conquérant pour venir envahir les miennes, contrites en un sourire tout sauf assuré, figé. Y'a son front sur lequel le mien se pose, y'a toute la douceur du monde quand il goûte le chocolat et que je jure que je me souviens de l'avoir vu garder les meilleurs cookies que pour lui et mettre les plus laids et défaits dans la boîte qui traîne sur le comptoir. Comptoir qui nous cache, la poignée d'une armoire lamba s'enfonçant dans mon crâne à laquelle il contrebalance en lovant sa main contre ma nuque de la plus douce des façons.
Oh, Auden. On l'avait dit, on l'avait promis.

« Et t’avais de tes ingrédients là. » je pouffe de rire, il est lourd, il est tellement lourd et il est parfait et ça faut jamais, jamais, jamais qu'il sache. « T'as de mes M&M's ici. » à moi, à mon tour, le mien et rien que ça, quand ma langue se charge de noyer ma paume gauche et de l'étaler avec drame et horreur sur sa joue à lui. « Là aussi. » ma salive qui s'étale sur mon index maintenant, et qui bariole son front puis sa mâchoire. « Mais c'est dég comment t'as fait pour te mettre de mes ingrédients là. » mes rires de gamine que j'arriverai jamais à maîtriser tellement j'anticipe le pire des regards horrifiés qu'il me renverra à la seconde où mes prunelles trouveront les siennes. On a juste besoin de souffler là, on a juste besoin de se rappeler ce qu'on est censés être, à défaut de s'autoriser à se rappeler de tout ce qu'on s'est promis d'oublier.

Pourtant, je les ai oublié les dix pas.
Et je l'ai oublié, le mètre de sûreté.
Et elles goûtent plus le chocolat, ses lèvres, quand j'y dédie les miennes.
Et ses joues elles, elles sentent ma salive et ça c'est véritablement dégoûtant.

« On révisera pas, hen? » le drame que j'étouffe dans une nouveau rire. Mes pauvres flashcards qui ont été faites pour rien.

« T'as de mes M&M's ici. » A mon tour de sourire naïvement, figé dans une expression digne d’un Beta en puissance. Elle joue à la dure en reproduisant la même scénario, je râle encore plus quand c’est sa propre bave qu’elle étale le long de mes joues lesquelles sont parfaitement propres. « Là aussi. » Ça serait mentir que de dire que ne ne tends pas la tête un peu plus en avant, juste pour lui faciliter la vie pendant une seconde avant de redevenir le pire partenaire de devoir à la maison que le monde n’ait jamais connu. Une seconde de répit pour une vie d’ennuie, je crois que les proportions sont plutôt bonnes. « Mais c'est dég comment t'as fait pour te mettre de mes ingrédients là. » Je cache mon sourire en repliant mes lèvres entre mes dents, mes yeux qui ne quittent pas les siens alors qu’elle est trop occupée à chercher de fausses parcelles de ma peau à nettoyer. J’en viens pourtant à terminer le jeu prématurément, coinçant son poignet entre mes mains pour qu’elle arrête d’étaler sa bave de partout. Elle est fine, Ginny, et mes doigts n’ont aucun mal à l’entourer. Elle est fine et elle ne se bat pas, elle ne résiste pas non plus alors que sa main reste en l’air et qu’elle n’a plus d’excuse en réserve.

Sans doute qu’elle n’a jamais eu besoin d’excuse pour quoi que ce soit. Encore moins quand il n’y a plus que nous deux, encore moins quand on a déjà brisé la promesse une fois et qu’on peut de nouveau le faire sans que cela n’ait aucun impact supplémentaire. On oubliera en passant le pas de la porte ; on définit une nouvelle porte et on oublie de nouveau. J’oublierai la douceur de sa peau sous mes doigts, j’oublierai ses lèvres, j’oublierai son souffle qui se mêle bien trop naturellement au mieux. J’oublierai ça et bien plus encore, tel que le rire qu’elle étouffe dans mon cou dès que notre baiser se rompt. « On révisera pas, hen? » Je baisse la tête tout en rigolant à mon tour, ma main toujours posée à la base de sa nuque. « On peut appeler ça des révisions. » L’idée grandit doucement dans mon esprit, le sourire de merde allant avec que je n’essaye même plus de cacher désormais.

Je n’étais pas venu chez elle pour ça. Je n’étais pas venu chez elle dans le but de l’embrasser et de jouer avec le feu. Je n’étais pas venu chez elle avec aucune idée derrière la tête si ce n’est continuer à jouer au plus con, ce que je fais déjà à longueur de journée et ce peu importe où on se retrouve. Il n’y avait rien d’anticipé, rien de prévu. « On peut réviser de savoir si ça chatouille davantage là » Mes lèvres se posent sur sa nuque alors que j’en décale momentanément mes doigts « ou là. » pour finalement se poser juste au dessus du creux formé par ses clavicules, là où je peux encore accéder sans être gêné par son indémodable hoodie. « Ou on peut réviser la recette des lasagnes pour ce soir mais t’as interdiction de manger toute la pâte avant qu’elle soit au four. » Je me redresse enfin, sérieux au possible, le travail quelconque pour l’Académie étant désormais la dernière de mes priorités.
Peu importe son choix, on sait tous les deux que cela ne fait que rendre les choses plus difficiles encore.

« On peut appeler ça des révisions. » mes sourcils se froncent et ma tête suit le mouvement, le refus qu'elle annonce en s'agitant de gauche à droite sans la moindre intention de lui laisser carte blanche pour ça. Ça a rien de révision quand il sourit comme il le fait fièrement, parce qu'à chaque fois que je dégaine les livres il rage et il se ferme et son expression est presque identique à celle qu'aurait une roche si on tentait de discerner le moindre de ses traits.

Et ça a encore moins à voir avec des révisions quand son expiration annonce une nouvelle salve de proximité, le baiser qu'il dédie à ma nuque qui en soit est presqu'aussi pire que le murmure qu'il fait remonter à mon oreille. « On peut réviser de savoir si ça chatouille davantage là » « 8, clairement 8 sur 10, 8.5 même. » j'essaie, j'essaie vraiment fort. J'essaie d'y mettre des chiffres et des variables et des rires et de la distance, distance qui se compte à peine en millimètres quand je la vois, sa tête qui erre, qui poursuit sa balade, ses lèvres qui finissent par élire domicile à la naissance de mon épaule. « ou là. » « 10, 10, 10, arrête, non là c'est 10 ascendant 12. » c'est rare qu'il ne râle pas parce que j'ai volé son hoodie et qu'il ne me noie pas sous les dizaines de menaces au cas où je ne le lui rende jamais, même si on sait tous les deux que non, je le lui rendrai jamais, et que c'est même plus le sien maintenant, c'est devenu le mien je l'ai taché plus de peinture que lui de sang du coup c'est le mien, je l'ai dit. Et la vraie réponse, c'était 10, ascendant 1000 plutôt. Oula.

Il se relève et je souffle, j'expire, je respire, je grogne un peu aussi, je crois. « Ou on peut réviser la recette des lasagnes pour ce soir mais t’as interdiction de manger toute la pâte avant qu’elle soit au four. » là, c'est un vrai de vrai grognement que j'affirme, me redressant à mon tour, sa silhouette qui file de son côté et la mienne du mien comme si c'était normal. Comme si les miettes qui traçaient les ombres d'où on était posés au sol y'a une bribe de minute de ça valaient pour les pires comme les meilleures preuves. Mon pied les balaie en passant dessus, ni vu ni connu.

« C'est quoi le premier, premier truc que t'as cuisiné? » je finis par m'installer fidèle à moi-même sur l'îlot de travail, piquant des morceaux de tomate à la seconde où il détourne les yeux en sachant très bien que peu importe où il regarde il m'a vue. Il me voit toujours. « C'était bon? » dans la version officielle, c'est sûr que ça l'était. Que c'était béni des Dieux, qu'il a vu une auréole descendre du ciel même à la seconde où il a déposé le plat terminé au centre d'une table où des dizaines de milliers de gens étaient venus assister à son succès. Lui, il était venu les rejoindre après avoir passé à travers une immense haie d'honneur. « Ou t'as tout raté et c'est devenu un secret d'état? » je pouffe, malicieuse de bac à sable, m'attaquant au fromage râpé maintenant et en mettant partout sur le comptoir sans que ça n'étonne personne.

Ma silhouette s'allonge le temps d'attraper un linge pour ramasser mon dégât, il passe à proximité pour me gronder ou juste pour se moquer, je prends pas la chance, quand le tissu censé nettoyer ma scène de crime finit sur sa nuque à lui, ma main sur son poignet avec une douceur infinie. « Là, ça chatouillera pas comme ça. » il est chaste, il est naïf, il se pose à travers le coton qui fait office de barrière contre mes lèvres et sa peau, le baiser. Mais il chatouillera pas, pas comme ça, et en un sens, j'ai gagné, je crois.

« C'est quoi le premier, premier truc que t'as cuisiné? » « Un tiramisu. » C’était Saül.
« C'était bon? » « Succulent. » Immangeable.
« Ou t'as tout raté et c'est devenu un secret d'état? » « Je rate jamais rien. » Sauf quand ça nous concerne.

Elle évolue à mes côtés, la gamine amusée d’un rien. Elle mange les tomates et je vais me plaindre qu’il nous en manque, bientôt, tout comme je me plaindrai de tout le reste simplement pour le plaisir de râler un peu plus fort qu’elle encore. Impossible qu’elle me vole la vedette sur ce sujet là, je ne le permettrai pas. Elle a le monopole de la dégustation de nourriture en tout genre, je l’ai à propos des grognements et autres manières de râler. Toutes les manières de râler.

Je ne dis rien, pourtant, quand elle joue une scène qu’on avait jamais répété jusqu’à maintenant, toute sa maladresse amenant au baiser qu’elle perd dans mon cou, sauvé par un simple chiffon. Le geste que je n’aurais même pas remarqué prend une toute autre signification maintenant que je sais qu’elle en est la seule instigatrice, mon poignet qui se fige alors qu’elle l’effleure à peine et mon corps tout entier qui vient de se mettre en pause pour une mise à jour système. « Là, ça chatouillera pas comme ça. » Ma respiration se bloque pendant un instant, j’ai l’air d’une adolescente et je déteste cette impression. On ne doit pas aller par là, elle le sait autant que moi. Elle en sait tout autant que moi, elle le sait pourtant. On s’embrasse une fois et on passe à autre chose ensuite, on oublie, personne n’aborde le sujet et tout le monde fait comme si de rien n’était. C’est devenu normal, logique, naturel, vital.

Elle ne suit pas le plan, là. Et j’ai du mal avec les plans d’habitude, j’ai beaucoup de mal même. Mais celui là j’y tiens, j’y tiens vraiment fort que ce soit pour elle ou pour moi. Cela ne m’empêche pas de me retourner vers elle dès la seconde suivante, pourtant. Trop vite, trop fort, trop brusque, comme si je ne faisais qu’attendre que l’occasion se présente pour de nouveau venir l’embrasser. Ca chatouillera pas non plus, je promets que ni mes mains posées sur ses joues ni la profonde inspiration que je prends n’iront la chatouille en quelque moment que ce soit. « Comme ça non plus. » Mes mains descendent sur ses hanches sans ne plus en bouger alors que mon front garde toute sa proximité avec elle, collé au sien, attendant un miracle qui ne viendra pas avant bien longtemps. On ne devrait pas, c’est un fait, mais qu’elle ne compte pas sur moi pour le lui répéter. C’est une gamine qui sait faire ses choix et qui les fait tous, elle n’a besoin de personne pour lui dicter ses actions. Surtout pas moi. Tout le monde sauf moi.

Ma tête se recule d’un centimètre à peine, bien assez d’espace pour me laisser la marge suffisante pour dégager ses cheveux de gamine en arrière, bouclés par la sueur, tâchés par la peinture, coincés entre mes doigts. « On cuisinera pas, hein ? » Sa question que je reprends, adaptée aux nouvelles circonstances.

J’aurais dû savoir, j’aurais dû mille fois m’en douter. J’aurais dû craindre la suite, la nôtre, à la seconde où il me laisse dérober autant de morceaux de tomate que je veux sans rien dire, lui qui dit toujours quelque chose. Il occupe les silences comme personne Auden, il parle de tout et de rien et surtout de rien, il est un moulin à paroles quand il le faut et surtout quand il ne le faut pas. Et il ne faut pas, là, pas ça, pas le linge à vaisselle sur sa nuque et pas mes lèvres avec. Il ne faut pas parce qu’il fonctionne pas comme ça, et parce que je fonctionne pas comme ça non plus. Il faut pas parce qu’on est pas ça, qu’on est pas comme ça, qu’on l’est ensemble mais qu’on l’est pas devant qui que ce soit d’autre, et que ça doit être un signe que justement, c’est pas censé être. Il me faudra une éternité d’années pour réaliser à quel point j’ai été aveugle, stupide, lâche un peu, aussi. Pour réaliser aussi que justement, c’était l’inverse. Que c’était quand on était ensemble que vraiment, on était nous-mêmes – au moins, aujourd’hui, on sait.

Mais là, à ce moment précis, on savait pas.
« Comme ça non plus. »
« Non, t’avais tort, ça a chatouillé un peu quand même. »

On savait pas, quand son souffle se mélange au mien, quand ses paumes sont posées sur mes joues et que mes yeux ont pas lâché une seule seconde les siens. On savait pas mais on faisait comme si, on faisait comme si c’était clair et évident et qu’on maîtrisait toutes les variables quand justement, on les connaissait même pas encore, on avait défini que des règles qui se cassaient les unes les autres au fur et à mesure, la plus cruelle des demie-mesures. « On cuisinera pas, hein ? » ma tête se secoue de gauche à droite au ralenti, le sourire qui vient se nicher sur mes lèvres n’en est pas un éphémère, il reste, il est toujours là, parfois un peu plus espiègle, parfois un peu plus rageur, quand Auden est là. Toujours. « Mais il faudrait, parce que j’ai faim en vrai, c’est la catastrophe. » ça, c’est juste pour râler, ça c’est juste pour ne pas retrouver ses lèvres trop vite, pour ne pas m’y rattraper la seconde d’après quand au final c’est bel et bien ce qui arrive. Stupidement, si stupide Ginny qui s’accroche pas, qui s’attache pas non, qui joue, on fait que jouer là, non? Oui. Non. Pas du tout.  

« Auden je voulais te demander un truc. » ma voix est forcée, sérieuse, trop pour que je le sois vraiment. Mais il verra pas, la lueur d’amusement dans mon regard, quand mon front s’est ancré au sien et qu’il restera là aussi longtemps que je voudrai jouer les gamines espiègles de bac à sable. C’est sa faute, il m’a fixée trop longtemps, il a dégagé mon front d’une mèche volage, il l’a cherché le moment, il l’a amené quand ça on se l’est toujours refusé. Depuis Pago, depuis ses mots, depuis les miens. « C’est sérieux, fais pas cet air-là, écoute-moi. » j’insiste, j’étire, et je sais absolument pas de quelle force intérieure je me nourris pour ne pas éclater de rire. « À quel point tu me trouves dégoûtante si je dis que j’ai envie d’essayer de faire un mix entre les restes de pizza qu’on a au frigo, et la lasagne que tu vas cuisiner-parce-qu’en-vrai-réviser-non-on-révisera-pas-mais-cuisiner-ça-on-a-pas-le-choix? » il est là, le rire enfantin, il est là l’éclat que je retenais si fort, qui monte dans une cuisine où on est que nous deux, où on aurait dû, être que nous deux.

Aurait dû, donc.
Le moteur de la voiture de mes parents que j’entends, fort, indicible, assuré, arriver dans l’allée. Mes paumes le repoussent en quatrième vitesse, la piqûre de rappel qui me fait bondir en bas du comptoir sans me fouler ou me casser quoi que ce soit et ça, c’est un miracle je vous assure. Mes yeux croisent les siens, y’a toutes les excuses du monde qui s’y faufilent, une infinité de supplications avec.

« Ma chambre est en haut. Monte, le garde-robe, vite. » je le presse, je me dégage aussi, prétextant mille trucs à ranger dans la cuisine et surtout, surtout, le moindre signe qu’il était là, que j’étais pas seule. Que j’ai menti à mes parents, mais surtout, qu’au final ; je me mens à moi-même.

Elle est sérieuse pendant une seule seconde et je panique comme un con, le listing de tout ce que j’ai pu lui dire ou lui promettre pendant ces derniers mois qui défile vitesse éclair dans mon esprit alors que finalement aucun de mes mots ne peut en rattraper un autres, tous aussi misérables et faux et mensongers. Elle sait quand je mens, parce que je ne le cache pas, parce que je souris trop, parce que mes yeux ont une lueur de défi, parce que le mot “mensonge” est même inscrit sur mon front tellement c’est évident. Tout comme l’inverse est vrai quand je suis sérieux, quand les paroles qui ont l’air d’avoir été lancées à la va-vite ont pourtant été au préalable mûrement réfléchies. C’est à dire tout ce que j’ai bien pu lui dire pendant ce voyage, tout ce que je ne regrette absolument pas même si je préfère qu’on n’en reparle pas. “Et tu peux pas juste manger la pizza puis les lasagnes ?” Y’a un attentat à la gastronomie là, j’y peux rien si j’affiche l’air le plus outré du monde alors que finalement on sait tous les deux à quel point tout ceci n’a aucune sorte d’importance, mes mains refusant de se déloger d’elle et mon visage restant encore et toujours dangereusement proche du sien.
On s’était promis, pourtant, et on sacrément merdé.

L’instant d’après c’est elle qui me force à me reculer, ses gestes saccadés ne laissant aucunement le temps d’y ajouter explications alors qu’on sait tous les deux pourquoi elle agit ainsi. Ma présence dans sa maison reposait uniquement sur l’absence totale de chaque membre de sa famille, absence remise en cause par le bruit de moteur se rapprochant dans l’allée. Si la situation ne me fait pas le moins du monde paniquer, il en est totalement l’inverse pour Ginny qui divague déjà de tous les côtés comme si elle avait réellement fait quoi que ce soit de mal. « Ma chambre est en haut. Monte, le garde-robe, vite. » J’expire bruyamment, mes yeux ne la lâchant pas du regard alors qu’elle n’a pas le temps d’en faire de même. Mon sourire revient peu à peu, bien plus compatissant que quoi que ce soit désormais. Je retiens l’information qu’elle me donne à la volée sans pour autant écouter les ordres qu’elle me donne - mais ça, ça n’étonnera personne.

Ma main l’attrape à la volée et se bloque et se pose au niveau de ses hanches alors que je réclame une seconde de son attention, une seule avant qu’elle ne recommence à courir de partout en faisant tout et son contraire. « On a une pizza à réchauffer avant. » Je ne pars pas et je ne fuis pas non plus, aussi saugrenue et inadapté que cela puisse paraître. Le moteur s’est tût et la porte d’entrée s’est ouverte, ma main se dégage d’elle sans un mot de plus puisqu’il existe tout de même des limites à tout. Quand il y a des gens autour, tout est différent. Tout est différent quand nous ne sommes pas que nous deux et on ne sera sûrement jamais capables d’expliquer pourquoi, seulement de le vivre. « Vous voulez de la pizza ? » J’improvise à la dernière minute et même si j’avais prévu un seul plan pour la soirée, jamais je n’aurais cru devoir y ajouter monsieur et madame McGrath. Pour d’horribles harpies, je les imaginais finalement bien plus terrifiants que ça - ce n’est pas pour autant que je vais me mettre à leur dire bonsoir et leur faire des courbettes, n’abusons pas. Leur proposer de la nourriture (qu’ils vont s’empresser de refuser) était déjà un bon début et si je ne précise pas comment leur fille a occupé son voyage à Pago Pago alors tout devrait bien se passer. Je souris même, profitant d’un instant de silence pour allumer le micro onde et y mettre la pizza sans jamais quitter la famille des yeux et surtout pas Ginny.

« On a une pizza à réchauffer avant. » mais il reste. Il reste et si le monde entier tourne autour de ma silhouette qui zig zag de panique dans la cuisine sans jamais trouver le moindre ancrage, la main d’Auden sur mes hanches me fait l’effet d’un point de chute où je me raccroche instinctivement à la seconde où il m’arrête dans l’élan. « Non, Auden, je -  » il est calme, il est tellement calme, personne n’est calme avec mes parents, personne n’est zen quand ils sont là et surtout pas quand ils sont proches, et personne ne veut les rencontrer et personne ne peut y survivre et ses yeux à Auden. Ses yeux et son sourire avec, et il bouge pas et il est stable aussi, stoïque. « - okay. » mes doigts serrent une fraction de seconde les siens avant qu’il ne les retire de ma silhouette. Tout va bien aller, on a une pizza à réchauffer.

Ils entrent et c’est comme si de suite l’ambiance était devenue glacée, glaciale. Maman ralentit tout mouvement lorsqu’elle passe le pas de la porte et fixe son regard direct et d’office sur Auden. Papa lui, semble complètement en pleine mesure de ses moyens. Il pose le trousseau de clés sur l’îlot sans constater à voix haute le bordel des ingrédients et des biscuits, l’assiette en morceau empilés sur le comptoir à côté. « Vous voulez de la pizza ? » « Virginia? » les prunelles acérées de Marianne se braquent désormais dans les miennes après avoir fait état de la situation, les explications qu’elle demande ainsi, brusque. Papa n’a toujours rien dit, comme à son habitude, il jauge, il juge. « Heeey. » ma voix est rauque mais je tiens ses iris, j’ai rien à me reprocher, absolument rien, quand je remonte docilement le bras, pointe de l’index la table à manger recouverte de livres ouverts, de notes gribouillées, de tous mes graphiques empilés. Regardez, « On révisait. » je vous jure qu’on essayait.

Le four micro-ondes en marche est le seul bruit qui comble le silence pesant, maintenant que ni maman ni papa ne semblent vouloir partir. L’immense cuisine des McGrath, la plus grande pièce de la maison qu’ils veulent rassembleuse, là où on devrait se sentir accueillis, où on devrait recevoir famille et amis. Qui n’est en fait qu’un ramassis de marbre et de bois vernis, où l’ambiance est plus lourde au fil des secondes.

« Vous avez passé une belle soirée? » je tente, j’essaie vraiment fort, mes doigts qui se triturent les uns les autres et mon coup d’œil qui passe de l’un à l’autre en évitant soigneusement celui d’Auden même si ce n’est que le sien dont j’aurais besoin pour réapprendre à respirer normalement. « Comment c’était, à l’encan? » « Virginia. » « Il se fait tard. Ton invité devrait partir. » ils travaillent en duo maintenant, en trio, si je compte la sonnerie du four micro-ondes qui annonce la fin de la cuisson à retardement. « Oui, je sais. » que je cède, lâche, crève-cœur. À la seconde où mes prunelles trouvent le profil d’Auden par contre, c’est là où j’espère que les séances de mimes dans les cours à l’Académie vont servir, c’est là où j’espère qu’il sait lire sur les lèvres, qu’il saura lire le trust me que j’articule doucement, qui glisse, inaudible, dans le plus dramatique des silences.

Papa fait un pas pour l’escorter, je dérive entre eux deux le temps de poser ma main sur le bras d’Auden, l’attirer moi-même et moi seule vers la sortie en pressant le pas. Mes mots qui remontent d’un murmure un seul, à la seconde où l’immense porte d’entrée massive grince assez fort sur ses pentures ouvertes pour cacher mes paroles. « 4e fenêtre à gauche. Je vais allumer la lumière. »

4e fenêtre à gauche, lumière allumée.
Ils sont en bas à avoir jeté la majorité des ingrédients qu’il a touchés.
J’ai monté à l’étage les restes de pizza sauvés, sous leurs regards courroucés.
Si à chaque bruit de branche d’arbre qui craque j’étire la nuque, je ne lui avouerai jamais par contre.
J’attends, j’ignore s’il viendra, mais j’attends quand même.
J’ai tout mon temps.

Bien loin de perdre toute contenance face à une quelconque famille qui n’est pas la mienne, j’observe plutôt la scène avec un sourire en coin, appuyé contre leur plan de travail qui doit valoir tout aussi cher que ma propre vie. Ginny lutte avec les explications, je tente au mieux de cacher mon amusement pour ne pas l’enfoncer encore un peu plus dans sa détresse. Une main qu’ils ne verront pas finit par le so loger dans son dos alors qu’ils s’en tiennent aux interactions les plus courtes. Ils n’ont définitivement rien de drôle et pour sûr qu’à partir de maintenant je passerai mes journées à les imiter, eux et leur gestuelle de pseudo-aristocrate.

On me reconduit vers la sortie presque manu militari alors que si je l’avais voulu j’aurais simplement pu faire un écart et laisser la tête de son paternel tomber contre le mur ou contre le rebord d’un de leurs milliers de meubles. Ca aurait été simple et ça aurait été efficace, mais Virginia avorte rapidement ce plan en venant se glisser entre nous deux. Mon sourire de winner (celui qu’aucun père ne souhaiterait voir affiché sur un homme si proche de leur fille) le toise un instant alors que j’ai l’impression d’avoir gagné tout ce qu’il y avait à gagner en ce monde. Il n’a pas vu ses lèvres bouger, lui. Il n’a pas vu ses yeux se raccrocher aux miens, lui. Ce n’est pas à lui qu’elle se raccroche non plus, la gamine qui a désespérément besoin d’un ancrage alors que pour une fois je ne force absolument rien. « 4e fenêtre à gauche. Je vais allumer la lumière. » J’hoche la tête rapidement, l’information précieusement annotée dans un coin de mon cerveau alors que j’utilise mon précieux temps pour saluer ses parents de la manière la plus formelle et surtout la moins crédible qui soit.

* * *

J’ai les mains rouges et l’empreinte de l’écorce de l’arbre à jamais ancrée sur ma paume. Ça n’a rien à voir avec les moments où je peins parce que depuis longtemps ma peau s’est habituée à la présence du pinceau à des endroits clés et les ampoules n’apparaissent que lorsque je franchis réellement la limite désormais. Cela n’a rien à voir non plus avec les moments où je me bats parce que ce sont mes jointures qui en pâtissent seulement, le dos de ma main qui compte les cicatrices en tout genre par dizaine sans que je ne sois capable d’associer la bonne histoire rocambolesque à chacun d’eux. Ça n’a rien à voir avec d’habitude, là, quand je fais tous les efforts du monde simplement pour revoir Ginny, quand bien même on passera la journée qui suit ensemble et celle d’après aussi. « Je pense qu’ils voulaient pas de pizza. » J’annonce d’un air théâtral et conquérant, parle trop fort sans même chercher à le faire. Mon sourire est immense et il y a des milliers de raison à cela, je ne prends donc pas la peine de les rechercher dans mon cerveau.

Un pas et un autre et j’entre réellement dans sa chambre, son antre qu’elle gardait secrète jusque là sans que cela ne m’ait jamais posé aucun problème. Je ne la quitte pas les yeux alors qu’elle sent la pizza et que cela n’est finalement qu’une énième raison pour moi de sourire, sourire qui ne meurt pas même lorsque j’en viens à de nouveau déposer mes lèvres sur les siennes la seconde qui suit. « On n’avait pas terminé. » L’excuse qui suit toujours ce genre de comportement, la raison inventée à la va-vite pour qu’on puisse repousser la seule vérité à une décennie plus tard. Mes lèvres n’emprisonnent les siennes que quelques secondes à peine, pas longtemps, vraiment pas longtemps. Je ne cherche qu’à trouver une conclusion qui en vaille la peine à défaut de ni réviser, ni cuisiner. Rien d’autre. « Tu te rends compte que je vais passer mon temps à t’appeler Virginia, maintenant ? Hein Vivi ? » Le secret de son prénom dévoilé, elle savait qu’elle allait forcément devoir en faire les frais. Pour le moment encore je garde mon stock de blagues de merde à son sujet, préférant m’installer sur le lit pour y voler une part de pizza encore fumante. « Vivi la rebelle, ça veut dire que si j’ai faim y’a que toi qui va pouvoir descendre à la cuisine ? Donc si je te dis que là je rêve de pâtes au fromage, t’es obligée d’aller m’en chercher ? » Je dédramatise la situation, me plie pour une fois aux règles en ne parlant qu’à voix baisse et en ne déplaçant aucun meuble par pure envie de me faire remarquer. « Enfin je peux y aller sinon, je suis certain que ton père m’adore. » Mon sourire grandit encore, fier et con.

« Je pense qu’ils voulaient pas de pizza. » « Chuuuut – tu… » tu rien, absolument rien, quand il investit ma chambre en deux pas deux seuls Auden. Sa voix porte et ma paume vient se loger sur ses lèvres bien trop tard, bien trop hilare aussi. Personne ne l’a entendu monter, papa est enfermé dans son bureau, maman erre au salon avec la bouteille de brandy. Je ne le réalise qu’une seconde plus tard, qu’ici on est bel et bien en sécurité. Mes doigts quittent son visage avec empressement, la crainte qu’il les morde au passage toujours bien présente, seule constante dans une situation qui n’a rien, mais alors absolument rien de commun.

Personne ne monte à ma fenêtre, personne n’en avait l’invitation, personne n’en avait l’envie aussi. Avant. J’ai l’impression qu’on est dans une mauvaise série télé où les ados sont des rebelles inavoués, je pouffe de rire quand il lorgne sur la pizza, ravale mon amusement quand ses lèvres se chargent de couper court à toute discussion en trouvant les miennes naturellement. « On n’avait pas terminé. » « Techniquement, on avait rien commencé. » ç’aurait pu faire mal, ça, si j’avais su à quel point y’avait un double sens derrière ces mots-là, comme derrière tout ce qu’on se dira. À la place, j’affiche le regard le plus brillant que j’ai en banque, l’air le plus espiègle avec. La seule chose qu’on a à commencer maintenant que les révisions comme la cuisine sont abandonnées, c’est une part de pizza commune. Non?

Et j’avoue, il est horrifié le temps d’une fraction de seconde mon coup d’oeil, quand je le vois aller s’installer sur mon lit, à portée d’un journal intime de gamine que je vole, je cours, j’attrape et je cache le plus loin possible de la moins subtile des façons. « Tu te rends compte que je vais passer mon temps à t’appeler Virginia, maintenant ? Hein Vivi ? » okay, il a rien vu, il était trop occupé à manger tout le fromage de la croûte et à se moquer. Bien, bien. « Au moins ils ont pas dit mon nom au complet. Oh, non, oublie, oublie tout, c’est tout, c’est ça mon nom au complet. » de pire en pire Virginia Mary Elisabeth, quand je lui donne toutes les cartes de la plus naïve des manières. Il a toujours eu tout le jeu sans la moindre restrictions, de toute façon.

« Vivi la rebelle, ça veut dire que si j’ai faim y’a que toi qui va pouvoir descendre à la cuisine ? Donc si je te dis que là je rêve de pâtes au fromage, t’es obligée d’aller m’en chercher ? »
« À tes risques et périls. » il cuisine je goûte, l’inverse est insensé.
« Enfin je peux y aller sinon, je suis certain que ton père m’adore. »
« C’est juste parce qu’il rencontre jamais mes amis. » parce que j’en ai pas, presque pas, voilà pourquoi.

J’en ai quelques-unes, des connaissances, des noms familiers, des visages avec, qui me saluent dans les couloirs de l’Académie. Mais mis à part Auden, y’a personne de récurrent autour de moi, ni maintenant ni depuis toujours au final. Ils ne restent pas, ils restent jamais, ils se greffent pour mieux partir. Sauf lui, éternellement.

« Et encore moins des garçons. » et encore moins toi, que je garde pour moi, grimpant sur le coin à l’opposé de lui sur le lit, piquant comme un vautour les dernières bribes de pizza avant qu’il ne s’y attaque lui-même. « Te fais pas d’idées, c’est pas parce qu’ils te rencontrent en premier que t’es spécial ou important ou quoi que ce soit d’autre et de différent ou d’unique et je parle trop hen? Oui, je parle trop. » je parle trop et j’ai la bouche pleine et je m’emporte, bien sûr que je m’emporte, changeant de sujet au passage, en attrapant mon appareil, l’argentique qui traîne toujours pas loin. Les négatifs que j’en sors pour les ranger entre eux comme si ma vie en dépendait.

La quête de son prénom complet est devenu à la seconde même quelque chose d’aussi important que de trouver le Saint Graal si ce n’est plus encore. Elle a su garder son passeport loin de moins lorsqu’on a passé les douanes à Pago Pago mais je prends pour acquis qu’un jour elle baissera sa garde et à ce moment là, la vérité pleine et entière sera révélée à ses yeux. Qu’on se le dise, cela ne lui donnera certainement aucun accès pour qu’à son tour elle connaissance mon nom complet, les mélanges d’italien et d’américain au milieu de tout ça. « C’est juste parce qu’il rencontre jamais mes amis. » J’écoute sans trop écouter, trop occupé à me plaindre dans mon esprit du manque de sauce piquante qui aurait donné une seconde vie à la pizza. Je le vois très bien, le pot, posé à côté de millier d’autres qui ne doivent jamais leur servir. Je le vois et j’entends les talons de sa génitrice, elle qui réduit à néant tout mon plan. « Et encore moins des garçons. » La nuance est faible mais bien présente et cette fois ci je l’écoute et l’entend. Pour peu, j’hoche presque de la négative pour lui rappeler qu’on n’a pas le droit d’aller vers là. C’est écrit dans notre esprit, dans l’accord tacite qu’on a passé ce premier jour et cette dernière nuit ou peut être les mille moments au milieu j’en sais rien on s’en fout. On ne va pas vers là. On ne parle pas de ça. C’est la seule règle que j’applique vigoureusement dans toute mon existence et elle en fait autant. C’est mieux comme ça.

C’est mieux comme ça, elle le sait et elle s’en rend compte trop tard, elle rétropédale, elle panique et elle s’emballe, la gamine. Même la pizza qui tâche d’huile ses doigts n’arrange rien à son malaise. « Te fais pas d’idées, c’est pas parce qu’ils te rencontrent en premier que t’es spécial ou important ou quoi que ce soit d’autre et de différent ou d’unique et je parle trop hen? Oui, je parle trop. » Mon coeur se sert mais j’en fais fît, j’agis comme s’il n’y avait rien de nouveau dans ce qu’elle raconte là. Elle est minuscule à l’autre bout du lit, Ginny. Elle prend un peu plus de place en tendant le bras pour attraper son appareil et les photos allant avec, elle gratte quelques centimètres entre nous en commençant à disposer les photos alors que pour moi l’ordre des priorités n’a pas changé.

Je repose mon bout de nourriture dans l’assiette avant de me relever de nouveau simplement pour m’approcher d’elle sans avoir à abîmer ses photos, quémandant son attention alors que je pose une main contre son épaule. Mon visage bascule vers elle de nouveau et je dérobe ses lèvres et son attention, technique de triche que j’ai pris bien trop rapidement et bien trop aisément l’habitude d’utiliser. C’est juste pour aujourd’hui, c’est juste pour la faire taire. Bientôt on aura tout oublié, bientôt j’arrêterai de croire qu’elle représente un quelconque ancrage alors que je personnifie le putain de Radeau de la Méduse. « Tu parles carrément trop. » En attendant, l’accord tacite stipule qu’on ne doit pas parler de ça, tout comme les petits caractères à la fin du contrat précisent que lorsqu’il ne s’agit plus que de nous deux on a le droit d’abaisser les barrières physiques. Ce n’est qu’un baiser pour la faire taire, de toute façon, cela ne signifie absolument rien. « T’es pas spéciale non plus, t’es pas différente et t’es pas unique. » Mon index sous son menton l’oblige à relever la tête et je lui affirme le tout calmement, dans un sourire qui n’a rien de faux même s’il devrait l’être. C’est ma manière à moi de la rassurer, de lui dire que les apparences sont trompeuses et que ce n’est pas ce que ça a l’air d’être.

Tout s’efface la seconde d’après, quand je fais un pas en arrière puis un autre, mes mains que je colle contre son mur, dos à la fenêtre qui apaise mon dos brûlant. « C’est lesquelles de photos ? » Des shootings ensemble on en a fait des milliers, je me suis improvisé mannequin en me plaignant qu’elle ne choisisse jamais mon bon profil, je l’ai accompagné partout dans la ville et surtout dans les recoins les plus crades et les plus sombres parce qu’ils étaient aussi les plus beaux à nos yeux. Je les connais par coeur avant même qu’elles soient développées, ses photos, mais on a simplement besoin de s’occuper à autre chose, à défaut de réviser ou cuisiner.

Je le vois approcher bien avant qu’il ne soit proche, quand ses lèvres à la pizza et aux M&M’s reviennent et repassent, coupent la parole et ressassent. « Tu parles carrément trop. » je parle trop parce que c’est la seule chose que je sais faire, quand il est là. C’est la seule chose qui soutienne les entre-deux et les sous-entendus vaseux. C’est la seule chose qui nous sauve, quand plus on parle plus on ridiculise, plus on minimise. J’ai jamais autant maîtrisé les blagues nulles que depuis que je tente de me convaincre de la plus involontaire des manières que ça, tout ça entre nous, c’est rien, rien du tout.

« T’es pas spéciale non plus, t’es pas différente et t’es pas unique. »
« Merci. »

Je pouffe de rire contre ses lèvres, son sourire qui rassure le mien et l’inverse est toute aussi vraie. C’est rien que les autres ont besoin de savoir, c’est rien qu’on a à souligner. Ce sont que des habitudes prises qu’on arriverait facilement à arrêter si on se disait que c’était le bon moment pour le faire. À la place, on dérive, moi à travers les coussins et lui vers la fenêtre. Il prend toute la place Auden, il investit tout comme s’il était déjà venu des tas de fois dans ma chambre, quand je fais tout en mon pouvoir pour dédramatiser le fait que non, c’est rien ça aussi, qu’il soit le premier à y passer la porte – la fenêtre. « C’est lesquelles de photos ? » « La plage, quand Thomas a – quand on jouait avec les feux de Bengale. » mes mots s’immobilisent, mes doigts avec, le moment qui reste encore partiellement un mystère que je ne préciserai jamais et encore moins avec lui. C’était une soirée où Thomas avait trop bu et où il était tactile avec tout le monde, où il avait erré trop autour de moi sans que je n’arrive à vraiment entièrement le chasser, où il avait fini par disparaître sans que je ne pose la moindre question, sans que je ne gratte le moindre détail ni à ce moment-là, et encore moins aujourd’hui. « Ça a fait un truc super cool regarde. » on se raccroche à ça alors. Aux clichés avec des tracés lumineux incroyables, à la nuit noire qu’on a illuminée de quelques étincelles de toutes les couleurs en misant sur leur mouvance.

« Y’a des feux d’artifices à Bayside pour la nouvelle année. » ça me fait penser, d’ailleurs. « Et c’est genre le mieux que je puisse faire pour ton anniversaire. » mes yeux l‘évitent, pas parce que je ne veux pas rendre le tout trop sérieux ni même trop réel, simplement parce que mes prunelles sont trop occupées à scruter les négatifs et les allées de couleurs pour se redresser et se plonger dans les siens. « J’avais pensé pour ton cadeau de te trouver une chèvre à transformer en offrande satanique, mais dans ma tête je l’ai déjà nommée Biquette-Cannoli Sanders et même si elle existe pas vraiment jamais je survivrais à ce que tu la sacrifies. » j’éclate de rire, presque attendrie par ma propre niaiserie, avant de finir par redresser le menton et trouver ses prunelles dans l’angle. Mon bras est encore tendu pour lui laisser le loisir de scruter lui-même les photographies à traiter tendues vers lui. « C’est le 31, et c’est con oublie. » un soupir de plus, un sourire de moins. Il a sûrement mille autres trucs au programme, de toute façon.