En même temps, avec pour prénom "Ariane", elle ne pouvait qu'avoir un caractère bien trempé, commenta la brune d'un air pensif et presque attendri. Cela se voyait dans les yeux de son ami que cette nouvelle relation lui faisait le plus grand bien, et tant mieux. Nul doute, au vu du portrait, même mince, tiré de la soeur de Timothy, que celle-ci devait le bousculer et lui enseigner à penser un peu à lui, à prendre des risques pour le meilleur. Elle l'écouta parler de l'entourage des jumeaux, qui était clairement plus fourni du côté de leur mère que de leur père. Heïana sourit, et assentit à être la première outsider du côté Decastel: Il va falloir que je fasse bonne impression alors, ricana la métisse d'un air comploteur. Il faut attendrir tout ce petit monde, mais à coup de quoi ? Cookies ou brownies ? Telle est la question. Partant dans un petit délire personnel, dans des perspectives d'avenir, elle ajouta: Quand les enfants viendront chez moi - elle espérait bien que ce jour arriverait - je leur présenterai Juanita. C'est la tortue d'Elwyn, mon mari, et il faut avouer qu'elle est plutôt mignonne. La brune nota bien le côté "super gâtés" des enfants que lui annonça son ami, et décida dans un coin de sa tête qu'ils deviendraient juste "hyper gâtés"; la nuance serait si fine qu'on y verrait que du feu, non ? Déjà, des idées s'amoncelaient dans son esprit, et n'attendaient que de passer de concept à réalité.

La brune ne s'était pas attendue à ce que Timothy se montre aussi démonstratif, enfin, si poser sa main sur la sienne l'était, bien entendu. Comme quoi il avait probablement grandi et mûri, depuis le temps. Elle apprécia l'attention à sa juste valeur. Mon avantage, c'est que le "tout le monde" se résume à ma soeur, décréta la Polynésienne. Mes oncles tahitiens sont bien trop occupés à gérer les mariages de leurs propres enfants. Alors ça va, je n'ai pas trop de pression, conclut-elle sur un ton oscillant entre amusement et soulagement. Nul doute que si ses parents avaient vécu, ils auraient tout fait pour la pousser dans les bras d'un riche et prometteur jeune paon, soit un héritier d'une quelconque rente immobilière, soit un leader politique, ou le PDG d'une multinationale, si possible. Cet enjeu du mariage aurait promis de riches disputes entre les aînés Brook et leur première fille, et pourtant, Heïana aurait tout donné pour les vivre. On ne sait à quel point on apprécie quelque chose seulement lorsque celle-ci disparaît. Mais à tout ceci, elle ne pensait même pas; il ne s'agissait que des divagations d'une lointaine réminiscence de l'adolescente de dix-huit ans qu'elle avait été. La Heïana actuelle, celle de vingt-six ans, pouffa de rire lorsque son ami remit sur le tapis le sujet de son camarade de camp, à Kapooka. Comment s'appelait-il déjà ? Nicolas ? Je ne l'ai pas trouvé si lourd que tu le dis, déclara la brune, dubitative. A moins que... un rictus malin se fraya le chemin au fur et à mesure que son intuition guidait ses mots, tu ne m'aies pas dit à quel point il était insistant ? Elle imaginait bien Timothy en preux chevalier essayant de la préserver un maximum des assauts de son rustre collègue.

A l'invitation du brun, Heïana se leva et s'étira, doigts joints et paumes tournées vers le ciel. Quand elle se détendit, elle répondit: Je suis partante pour discuter en marchant ! Il y a sûrement plein d'autres jolis coins à découvrir. Ils partirent donc vers de nouveaux paysages, alors que la maïeuticienne reprenait le fil de leur discussion. Qu'entends-tu par "je panique un peu tout seul" ? C'est par rapport aux enfants ?

@Timothy Decastel

Tim avait encore bien du mal à réaliser tous les changements qui s'enchaînaient ces derniers mais il savait que c'était pour le meilleur, pour qu'enfin il trouve un chemin qui lui sied réellement. On parlait tout de même d'un garçon qui avait passé sa vie au beau milieu d'un cimetière à attendre une heure raisonnable pour rentrer chez lui, tout cela pour recommencer le cycle dès le lendemain. Cette fois, il était question de trouver un équilibre, une façon de faire qui permettrait à ses enfants de s'épanouir car ils étaient vite devenus la priorité, même s'ils n'avaient pas été désirés de prime abord. Alors, qu'il sente qu'Heïana était déjà en train de préparer un plan pour les avoir dans la poche lui faisait sourire, il n'y avait qu'elle pour penser à de bonnes recettes, se disant qu'ils avaient tout de même plus de chance de mieux manger avec la marraine de Willow qu'avec leur père. Timothy ne rechignait pas à la tâche et il était patient par dessus le marché mais la cuisine n'était pas autant son domaine que les fleurs. La maîtrise d'un art à la fois, c'était déjà fort suffisant. "Je sens qu'il y en a qui vont réclamer à dormir chez marraine Heï tous les quatre matins si tu les achètes avec leur ventre! Une tortue, vraiment? C'est rare comme animal de compagnie mais c'est marrant, tiens, et moi, j'aurais le droit de la rencontrer?" Qu'est-ce qu'il pourrait bien échanger avec une tortue? Timothy n'en savait rien mais c'était suffisamment exotique pour qu'il s'y intéresse et puis, on ne pouvait pas se leurrer, il pensait avant tout à la sécurité des jumeaux en servant comme une barrière entre eux et le monde face au moindre danger. En la matière, le brun n'avait pas beaucoup de mal à assumer ce rôle, il avait toujours eu un sens du sacrifice et de l'honneur exacerbé, ce qui lui jouait parfois de sacrés tours. "Maintenant que j'en ai une, je peux te dire qu'une soeur, c'est déjà pas mal de pression, pas besoin de tout le reste de la famille." Ariane et son tempérament de feu allait toujours à mille à l'heure, à vouloir partir en vacances à l'autre bout du monde alors que Tim voulait juste mettre les doigts de pied en éventail à la plage alors, il arrivait aisément à imaginer que la soeur de Heïana avait pu s'amuser avec cette histoire de mariage surprise. "Nicolas, c'est ça... Disons qu'il me parlait de toi constamment en me répétant à quel point j'avais de la chance d'avoir une copine aussi belle. C'est limite s'il essayait pas de voler mes lettres pour voir s'il y avait pas des moments croustillants à vivre par procuration, t'as évité le pire, je t'assure." En réalité, Decastel avait beaucoup rigolé avec cet ami lointain: il l'avait énormément soutenu et ses tentatives foireuses de faire de l'humour avaient souvent permis à Tim de calmer une crise à venir. Il n'en ferait plus, il n'avait plus aucune raison pour, n'est-ce pas? La marche reprenait, les deux jeunes gens voguant entre la flore locale, Tim faisant attention de libérer les passages étroits pour ne pas risquer la sécurité de la tahitienne, on ne le changeait pas décidément. "J'ai envie d'être à la hauteur pour eux mais je sais pas si je vais y arriver, tu vois. J'ai tellement de traumatismes, Heï, et je sais même pas si je serai capable de faire de nouveau confiance à quelqu'un pour m'aider à surmonter tout ça. On peut dire que les dernières semaines ont été révélatrices de tout ce que je garde au fond de moi et c'est plus viable... Ma mère, les souvenirs, la solitude, ça fait partie de moi et il faut que je l'accepte pour ne pas risquer de blesser mes petits." Et ce n'était pas simple, il ne savait pas si la brune le comprenait, Tim se tournant vers elle avec ses yeux brillants d'une certaine émotion. On retournait quelques mois en arrière où tout ce que Decastel faisait consistait à se perdre en espérant que Heïana serait là pour le cueillir.

Oh, ne t'en fais pas pour eux. Ils auront autant le droit aux cookies qu'à de la salade composée très équilibrée, indiqua Heïana d'un ton sans appel, un rictus indiquant qu'elle savait que ce genre de choses risquait de moins leur plaire; sauf s'ils y étaient habitués dès le début, bien sûr. Bien que très gourmande et sachant profiter des plaisirs de la vie, le cordon bleu était avant tout très consciente de l'équilibre alimentaire nécessaire pour bien vivre. Elle savait se faire plaisir, mais mangeait très sain au final, et ceci ne tenait qu'à une chose: elle n'achetait quasiment rien d'industriel; à part quelques tablettes de chocolat et autres schokobons, à la limite. Ses pâtes à tarte ? Maison. Les plats cuisinés ? Par elle-même. Voir, en France, pays de la gastronomie, des hachis parmentiers  déjà préparés ou des lasagnes surgelées lui avait crevé le coeur, la fois où elle avait pu visiter un petit bout de la métropole. Il s'agissait de choses simples, et bien meilleures quand c'est fait avec amour ! Sans parler de la liste des ingrédients, bien plus courte et claire. Bref, chez les Brook (car oui, la femme mariée vivait encore avec sa soeur), c'était le paradis du petit cuistot et des plats frais du jours, ou de la veille. Heïana haussa les épaules, d'un air d'évidence: Il n'y a pas de raison qu'il refuse que tu voies Juanita. J'espère que tu pourras le rencontrer lui aussi d'ailleurs. Elle rit intérieurement à cette idée: Elwyn et Timothy, ce serait vraiment la rencontre de deux univers. Son mari, modèle même de suractivité et de surexcitation par excellence face au principe même de la tranquillité incarnée par le brun à ses côtés. La rencontre ne pourrait qu'être... intéressante. La brune hocha assez vivement la tête pour marquer son approbation face aux paroles de Tim : une soeur, ça pouvait être vraiment épuisant, parfois. Plus petite que soi-même, encore plus. J'ai l'impression que nos soeurs se ressemblent étrangement. Pour elles, on va éviter de provoquer une rencontre, commenta Heïana dans un petit rire évocateur. Deux tornades, deux tempêtes de feu se rencontrant... Aouch. Rien de plus à dire. L'évocation de Nicolas fit sourire la Tahitienne, elle se rappelait s'être beaucoup amusée des réactions de celui-ci, dont elle prenait connaissance par l'intermédiaire de Timothy, obligé de faire attention à leurs lettres et de les protéger des tentatives de vol de son compagnon de chambre. Elle, de loin, avait vu cela d'un oeil rieur et en avait même été un peu flattée, il faut le dire. Recevoir des compliments est toujours agréable, et d'autant plus surprenant de la part d'un étranger.

Alors qu'ils avaient reprit leur marche depuis quelques minutes, Timothy se confia. Il craignait de mal faire, à cause notamment des traumatismes de son passé. La brune savait ce qu'il sous-entendait par "sa mère": un ensemble de mauvais souvenirs, de traitements totalement incroyables qu'il avait subi. A son stade, c'était une chance qu'il soit aussi stable aujourd'hui; beaucoup auraient fini en hôpital psychiatrique à sa place. Après tout, sa génitrice l'avait toujours pris pour une fille, et aurait voulu qu'il se considère comme tel ! Tout cela, il le lui avait raconté, bien avant son départ pour Kapooka, une fois qu'ils discutaient alors que la jeune femme était de passage au cimetière, et qu'elle l'avait trouvé particulièrement triste, yeux éteints, nuque courbée, épaules affaissées. Alors, elle comprenait tout ce qu'il voulait dire par ces quelques mots. Ses yeux verts forêt captèrent le regard bleu azur de son ami. Un sourire, et de nouveau, un frôlement, évocation physique d'un soutien moral total. Tu seras forcément à la hauteur, Tim. Tu sais pourquoi ? Elle laissa planer un instant de silence devant sa question rhétorique, puis reprit: Car tu te poses la question. Tu te sens concerné, et tu remets en cause le modèle éducatif que tu as eu, car tu sais qu'il n'est pas sain. C'est suffisant pour savoir que tu y arriveras. Heïana parlait d'expérience: parmi tous les cas de familles qu'elle avait pu voir au cours de sa carrière jusque-là, les malheureux exemples de maltraitance, de très mauvaise éducation ou de délaissement venait de la part de parents ne se remettant clairement pas en question. Et puis, tu es bien entouré, argumenta-t-elle avec un sourire, faisant référence aux différents parrains et marraines des jumeaux, et à tous ceux que Timothy voudrait bien inclure dans l'addition. On sera là pour te soutenir. Alors qu'ils avançaient à travers les bois, un bruit assez intense, quoiqu'un peu lointain, vint à leurs oreilles. Un clapotis, mais intense, comme... Une cascade ! s'extasia Heïana en accélérant le pas. Oh, ça ne ressemblerait pas à celles qu'on pouvait trouver plus au Sud, dans les parcs nationaux; mais rien que la perspective de trouver une si jolie création de la nature enthousiasmait la Tahitienne. Son instinct ne la trompa pas, et moins de trois minutes plus tard, ils arrivaient à l'orée du point d'eau en question. La vision de cet endroit sembla faire exulter la brune. Oh, ça me donne une idée ! Quand ils seront plus grands, j'amènerai les jumeaux en Polynésie. Il faut absolument qu'ils découvrent les Îles du Vent !

La cascade !:

@Timothy Decastel

Il ne pouvait que penser à l'avenir, à ce qu'il pourrait construire pour ses enfants car ils étaient devenus l'essentiel de son existence du jour au lendemain. Désormais, Tim ne s'inquiétait plus du tout pour lui et ce, malgré ses angoisses permanentes, il appréhendait tout ce qu'il pouvait rater avec eux. Après tout, on parlait d'un homme qui n'avait pas eu une éducation normale. C'était Sam, son grand frère, qui l'avait sauvé du néant à ce sujet car sa mère avait déjà bien trop sombré dans la folie pour inculquer la moindre règle ou la moindre valeur à son rejeton. Alors, les deux Decastel avaient dû tout apprendre tout seuls, à la dure et ce n'était pas quelque chose que Tim désirait faire vivre à ses progénitures: il voulait être présent pour tous leurs meilleurs moments et les pires bien sûr car c'était à cela qu'un parent servait également, à nous remettre sur pied lorsqu'on chutait. Les jumeaux feraient certainement des erreurs mais Timothy s'était juré de les laisser tout apprendre, en leur donnant seulement les conseils nécessaires et ce serait à eux de créer leur propre chemin lorsqu'ils seraient prêts pour cela. En attendant, le brun comptait bien profiter au maximum de ses petits bouts, tâchant de faire tenir leur innocence le plus longtemps possible puisque lui n'avait pas eu cette chance de son côté. Heïana avait raison cela dit, elle serait présente pour leur cuisiner des petits plats, pour leur répéter qu'ils n'avaient beau qu'avoir qu'un père et une mère, ils avaient aussi tout un tas d'autres personnes qui seraient là pour les épauler et les guider au besoin. Tim exposait ses angoisses face à tout cela justement, mais la sage-femme le rattrapait au vol avant qu'il ne commence à penser n'importe quoi parce qu'il n'avait pas eu un parcours comme les autres. "J'espère, oui, que ce sera toujours le cas. C'est pas simple quand on a pas eu de modèle, tu vois... J'ai peur de répéter les vieux schémas de mes parents inconsciemment et ce, même si j'ai les meilleures intentions au monde." Et c'était légitime puisque les enfants avaient tendance à prendre les pratiques de leurs parents, c'était la base même de l'éducation. Cela dit, Timothy ne put que se mordre l'intérieur de la joue en réfléchissant, l'air hagard quelques secondes avant que Heïana ne s'écrie pour qu'il prenne garde au paysage autour d'eux. Ils avaient une chance inouïe d'observer quelque chose d'aussi magique qu'une cascade en pleine nature, là où personne ne venait déranger sa quiétude. Instantanément, Tim déposa son sac par terre et commença à retirer ses vêtements superflus. "Ce serait triste de voir quelque chose d'aussi merveilleux et paisible sans en profiter, non?" Il lança un sourire et un clin d'oeil à Heïana avant de rejoindre l'eau et s'y prélasser, le meilleur moyen de calmer son rythme cardiaque à l'agonie depuis le matin même. "Viens. Il y a aucun monstre sous l'eau, promis. Et ça te rappellera peut être les criques de chez toi, celles où t'emmèneras les petits dans quelques années." Ils auraient de la chance si Heïana les emmène vers sa terre natale, c'était une évidence, Tim mettant la tête sous l'eau quelques secondes, remontant doucement après avoir profité de ce silence sous-marin.

La jeune femme hocha la tête lorsque Timothy lui parla de son manque de repères familiaux, entraînant sa crainte de mal faire. Il s'agissait d'une réflexion tout à fait cohérente, mais il ne fallait pas qu'il laisse celle-ci empiéter sur son envie de bien faire. Le principal étant, au final, qu'il soit proche des enfants et qu'il fasse au mieux. Bien évidemment qu'il y aura des erreurs, des étourderies, des mots plus hauts que les autres. Cependant, il ne devait exister aucune famille où tout était rose. La maïeuticienne lui répondit: J'imagine ton trouble. Rien n'est impossible. Regarde: Moana et moi avons grandi avec des parents souvent absents; finalement, le jour où ils ont vraiment disparu, et où j'ai décidé de les remplacer auprès de ma petite soeur, je crois n'avoir jamais été plus présente que dans ce rôle de "maman" de substitution. Elle lui sourit avec indulgence; Heïana elle-même savait comme il pouvait être compliqué d'envisager l'éducation d'un enfant. Et encore, sa propre situation était bien différente; elle avait élevé sa petite soeur et non un enfant qu'elle aurait eu, ce qui changeait encore la donne. Pour autant, je ne pense pas avoir été parfaite dans ce rôle. Et même si c'est dur de l'accepter, c'est ok. Personne n'est exempt de bévues.

Alors même qu'ils discutaient éducation, la jeune femme entendit le bruit familier d'une cascade. Ravie, elle les rapprocha de ce tintement de l'eau tombant en rafale délicate dans un petit étang. Finalement, ils aperçurent la crique, et avaient même la chance d'arriver par son point le plus bas. Ils auraient été sur les hauteurs que ça aurait été plus difficile de rejoindre le point d'haut. Immédiatement, Timothy posa son sac à terre; apparemment, il était aussi enthousiaste que la brune à l'idée d'avoir trouvé cet endroit paisible. La métisse ne s'était pas attendue à ce qu'il se dévêtisse si rapidement, et bien qu'elle ne rougisse pas, elle se sentit presque gênée un instant. Certes, Heïana l'avait déjà vu torse-nu, lorsqu'à Kapooka, elle avait essayé de panser ses plaies d'un onguent connu sous le nom de "baume du tigre", et qu'elle l'avait également utilisé pour dénouer ses muscles surtendus par l'entraînement et le stress. Le contexte avait cependant eu une connotation tellement teintée d'inquiétude, à l'époque, que la brune n'avait même pas fait attention à la demi-nudité de l'homme. Peu habituée à être confrontée à la nudité d'autrui - en dehors des tāne polynésiens lors de leurs danses traditionnelles - la demoiselle n'était pas tout à fait à l'aise avec cela, sans rien y trouver de choquant pourtant. Elle outrepassa pourtant rapidement sa gêne, dès lors que Timothy l'invita à le rejoindre.

La brune retira son short en jean, qui serait très désagréable à porter s'il était mouillé; en revanche, elle conserva le débardeur lâche qu'elle portait. Pudique, Heïana ? Il fallait bien avouer que oui. Chacun sa relation à la nudité, après tout. Elle prit un élastique qu'elle portait au poignet pour attacher ses longs cheveux bruns en un chignon bas. La brune rejoignit finalement l'étendue, et frissonna en y pénétrant. Brr, elle est plus froide que le lagon polynésien, reconnut-elle d'un air contrit et amusé à la fois. Elle réunit son courage et, pour ne pas subir trop longtemps cette désagréable sensation de fraîcheur, piqua une tête dans le lac. Ah, cette vive morsure du froid ! Mais, comme escompté, il ne dura qu'une seconde, et lorsqu'elle réapparut à la surface, la Tahitienne n'était plus qu'un poisson dans l'eau. Timothy venait aussi de surgir à la surface, et la brune s'approcha de lui avec un air prédateur. Au fait, je ne t'ai pas dit... Elle lui sauta soudainement dessus pour le faire basculer dans l'eau dans un éclat de rire, timidité envolée par la perspective du loisir à venir : Notre jeu préféré avec Moana, en Polynésie, c'était la lutte aquatique !

@Timothy Decastel

Il oubliait souvent que Heïana avait eu ce rôle de parent avant lui. C'était idiot puisque Tim aurait pu lui demander mille conseils sur la manière dont elle avait géré l'éducation de sa petite soeur. Certes, les circonstances étaient différentes mais il s'agissait d'un enfant en tous les cas donc, qu'importait les liens de parenté. Il se rendait compte de la force de la sage-femme, encore plus aujourd'hui que la veille car elle avait survécu à tant et Timothy s'était montré fortement égoïste en ne faisant pas plus attention aux traumatismes du passé de la jeune femme que des siens. La brune devait avoir besoin d'une oreille pour l'écouter, Tim se promettait de l'être, à n'importe quel moment à l'avenir. "C'est vrai que tu me parles jamais de ta famille en dehors de Moana... De tout ce qui s'est passé, tu sais que je suis là si t'as besoin d'en discuter. Je sais pas si je serai de bon conseil mais je suis toujours présent pour t'écouter." Le jeune homme ne s'était pas franchement montré à la hauteur ces derniers mois mais cela ne voulait pas dire qu'il continuerait sur cette lancée dans les semaines à venir. Il avait l'air de s'apaiser au fur et à mesure de la balade en tout cas, certainement plus heureux qu'il n'osait l'avouer de retrouver son amie après autant de temps. Ils avaient, en plus, une chance inouïe de pouvoir se baigner en pleine nature et Timothy s'y empressa sans la moindre gêne, sûrement parce que Heïana l'avait déjà vu aussi peu habillé. C'était différent avec les autres parce qu'il détestait montrer les quelques cicatrices qui marquaient sa peu mais la brune les connaissait, elle les avait traités et adoucis une à une l'été dernier. Alors, il l'attendit patiemment dans l'eau, la regardant se comporter comme la grande timide qu'il avait toujours connu, un sourire élargissant ses lèvres alors qu'elle le suivait finalement. "Ton coeur et ton corps ne quitteront donc jamais ta Polynésie." Il lui fit un clin d'oeil amusé, il aurait aimé être comme elle, aimer autant ses racines devait être agréable. Ce n'était pas son cas mais il remontait à la surface de l'eau tiède en évacuant la moindre de ses incertitudes. De toute manière, il n'eut pas franchement le temps de s'y attarder alors que Heïana l'attaquait. "Où est le fair play? Tu m'as pas expliqué les règles, Heï, mais peut être qu'il y en a pas, c'est ça..." Il l'attrapa par les hanches pour lui faire prendre l'eau à son tour, qu'ils soient deux à se noyer sous la cascade vive, voilà une perspective agréable puisqu'il ne la lâchait plus, du moins jusqu'à ce qu'il remonte à la surface pour constater que le combat pourrait être rude avec une femme comme elle, ne l'ayant pas lâchée pour autant. "J'ai l'impression qu'on joue pas à armes égales, tu t'es entraînée, ça se voit. Et puis, tu savais qu'avant Kapooka, je savais même pas nager?" Il y avait tant que Tim ne savait pas faire avant ce moment charnière de son existence, comme sourire à une femme sans rougir. Il s'améliorait mais c'était si naturel pour lui d'être content de la présence de la brune à ses côtés qu'il ne faisait plus réellement attention à tout cela.

Timothy était vraiment un ange de sollicitude et d'attention. La brune lui sourit alors qu'il amenait le sujet sur sa famille, et elle répondit: C'est gentil de ta part. Mais réellement, je ne suis pas certaine qu'il y ait grand-chose de plus à dire que ce que tu sais déjà. Le fait que leurs parents soient morts dans un accident de voiture, et que seules les deux filles du couple avaient survécu à cette tragédie. Que de cet instant, avait découlé une relation bien différente entre les deux filles Brook que cela aurait jamais pu être imaginé. Pour le meilleur et pour le pire, elles étaient passées de soeurs attachées l'une à l'autre à une situation de mère et fille sans l'être vraiment. Au moins ne s'en étaient-elles pas trop mal sorties, apparemment.

Finalement, les deux amis avancèrent dans l'eau, et Heïana ne put que retrouver du coin de l'oeil les cicatrices que portait le brun, marques évidentes de son dur entraînement à Kapooka. Elle avait la chance, pour sa part, de n'être que peu marquée par la vie, et seule une assez grosse cicatrice sur sa cuisse droite, partant du dessus de la jambe pour partir vers l'intérieur, était assez détonante sur son corps jeune et tonique. Là aussi, héritage de l'accident qui avait changé sa vie du tout au tout. La Polynésienne n'y portait cependant plus du tout attention; elle avait eu des années pour se faire à l'idée qu'elle la porterait avec elle jusqu'à la fin, comme un rappel vif du souvenir de ses parents, et de la cause de leur perte. Souvent, elle ressentait comme une impression de manque, non pas lié à leur absence, mais plutôt à une sorte de causalité qui lui échappait. Elle chassait alors cette pensée de sa tête, en se disant qu'elle essayait de rationaliser quelque chose qui ne pouvait l'être, en l'occurrence un bête incident de la circulation. J'aime autant l'Australie que la Polynésie, répondit Heïana avec un sourire. Je suis chanceuse d'avoir pu grandir entre deux cultures. Lorsqu'elle se jeta sur Tim, elle réussit à lui mettre la tête sous l'eau mais bien rapidement il remonta, lui reprochant faussement son manque de fair-play. Ma stratégie, c'est la ruse, minauda la brune avec un sourire enjoué alors qu'elle lui échappait une fois ou deux. L'étreinte du brun finit cependant par fondre sur elle, et, l'attrapant par les hanches, il réussit à dominer leur jeu, au moins le temps de leur faire piquer une nouvelle tête. Lorsqu'ils remontèrent, le brun annonça qu'il la trouvait bien entraînée, ce à quoi elle rit de bon coeur : Des années d'expériences, avec pour coach la tornade du nom de "Moana". Très efficace. Elle écarquilla les yeux en apprenant que Timothy ne savait pas nager il y a encore peu de temps; elle avait du apprendre à faire le poisson presque en même temps qu'on lui inculquait la marche sur ses deux pieds. Eh bien, tu t'en sors plutôt très bien dans ce cas !

Il la tenait toujours, et l'eau de la cascade tombait juste derrière eux. Voilà l'heure de la revanche. La Tahitienne profita d'être déjà prisonnière pour mieux vaincre, et elle passa ses mains derrière la nuque de Tim tout pendant qu'elle se laissait tomber, pour l'entraîner sous l'eau avec elle. Jackpot. Quand ils remontèrent, séparés cette fois, un sourire victorieux et malicieux fendit ses lèvres. Tu laisses trop de failles, soldat, qu'annonça la demoiselle dans un petit éclat de rire. Finalement, elle se laissa doucement tomber à la surface, faisant la planche. Les rayons de soleil baignaient l'endroit, en faisant un véritable petit coin de paradis. Tu as vraiment eu une superbe idée avec cette promenade. Finalement, après quelques minutes passées à bavarder, les deux amis sortirent de l'eau et se rhabillèrent. Après tous ces mois passés sans se voir, le lien était enfin renoué. Avec une promesse: celle de ne plus laisser la vie les séparer aussi longtemps.

@Timothy Decastel