| memories burn like a forest fire (willer) |
| ÂGE : des milliers d'années, mais je suis bien conservé. STATUT : marié au hasard. MÉTIER : occupé à pimenter vos vies, et à vous rendre fous (a). LOGEMENT : je vis constamment avec vous, dans vos têtes, dans vos esprits, et j'interviens de partout, dans vos relations, dans vos joies, vos peines. POSTS : 31459 POINTS : 350 TW IN RP : nc PETIT PLUS : personne ne sera épargné, c'est promis les chéris. AVATAR : je suis tout le monde. CRÉDITS : harley (avatar), in-love-with-movies (gif) DC : nc PSEUDO : le destin. INSCRIT LE : 15/12/2014 | (#)Sam 25 Avr 2020 - 23:10 | |
| Le membre ' Ariane Parker' a effectué l'action suivante : Lancer de dés
'dé action' : |
| | | | (#)Dim 26 Avr 2020 - 0:49 | |
| « Ma main est occupée à s'assurer d'enlever toutes les puces de sable qui sont accrochées à ton cuir chevelu sérieux c'est deg tu devrais aller voir un médecin j'pense. » « Oh t'es trop aimable. »
N'empêche qu'il ira voir un médecin quand même, au retour, juste pour être sûr. Le retour - le retour quand, d'ailleurs ? Combien de jours gagnera-t-elle, combien de pages grappillera-t-il par dessus le marché ? Le sable dans les cheveux, est-ce une souffrance qui fait mériter les pages de plus ? Pas qu'il ne bouge pour autant, le fier italien ensommeillé, occupé à se concentrer pour ne pas juste se laisser glisser de son siège feutré jusqu'à la toute toute fin des crédits. Mais la lumière revient, brûle ses rétines, alors que Ariane est déjà prête à filer à nouveau. Elle a déjà les clefs à la main et Saül a abandonné l'idée d'essayer de comprendre quand et d'où elle les a volé. Elle est trop peu stressée, quand lui angoisse de mettre un pied hors de la salle. C'était un peu une bulle en fait, parfaite pour faire la sieste. Et maintenant, il faut affronter ce qu'il y a derrière les portes - aka des gens qui n'ont probablement pas dans l'optique d'appeler la police sur leurs heures de travail. « Ça c'est si je te tire pas par le toit ouvrant au premier ronflement. » « Je dormirai quand même. », qu'il souffle contre la peau du cou de Ariane. Le dernier mot, toujours, même si le précédant piquait plus, bien plus que les baisers échangés juste là, dans la lumière naissante.
L'interlude prend fin en même temps qu'il se lève, l'italien. Son dos craque, grince, geint sous l'effort considérable. « Comment ça c'est de la triche. » « C'est demander deux fois la même chose, donc c'est de la triche. » Les pages, ce n'est pas pareil. Lui a raison, de toute façon, et quand il a raison elle a toujours tord. C'est la règle. Et elle fait un boucan d'enfer, la trentenaire. Elle lui tue les oreilles, détruit tout son espoir de se tirer de ce traquenard en vie - voyez l'onde de panique, dans ses yeux, quand la porte qui mène au couloir avant d'arriver vers la sortie dans le cinéma gronde, craque, grince, hurle sous sa main d'homme d'affaires. « Deux jours? » « Pourquoi tu ne viens pas travailler pour moi, sérieusement, ce que t'es tenace en affaires. », qu'il chuchote en sortant de là, les yeux furibonds. « Quatre? » « C'est dans l'autre sens que ça fonctionne, les négociations. » En attendant, c'est elle qui a les clefs. En attendant, il n'est pas du tout en mesure de négocier, parce que tout le judo du monde ne lui assurera pas la victoire contre Ariane la voleuse de clefs. Avec un peu plus d'entraînement, peut-être que... « J'fais ça pour toi, rajouter des jours, t'as une gueule d'enterrement. » « Ta faute. » D'abord la plage, après la sieste. La prochaine étape, c'est de l'empêcher de dormir dans la voiture - mais elle a déjà dévoilé son plan. Au pire, il n'a qu'à la laisser sur le parking du cinéma. Au pire, elle peut rentrer à pied avec son bus qu'elle a tant l'air de aimer. Jeune ingrate.
C'est l'heure du restaurant. C'est l'heure des esprits qui crient famine. C'est l'heure de ne pas s'endormir, surtout, de rester en vie jusqu'à la prochaine bouchée d'un truc, n'importe quoi, même des pizzas froides et louches. « Tu devrais prendre des vacances, des vraies. » C'est l'étonnement qui accueille la remarque de Ariane. Saül oublie même que la seconde porte gronde, craque, grince, hurle et menace de détruire leurs derniers espoirs de passer incognitos. « Sans personne pour te crier dans les oreilles. » « Qui te dit que j'en ai besoin ? » Des vacances, pas de quelqu'un pour crier dans ses oreilles. Quelqu'un rempli déjà ce rôle avec une drôle d'application. Ses vacances ressemblent toujours à du travail de toute façon, rien de neuf sous le soleil. En attendant, là, son ordinateur est resté parfaitement rangé dans le coffre de la voiture. « Ou je t'enregistre des audios mais juste pour le réveil. Tu peux pas dire que je pense pas à t- » Et elle allait presque le dire, leur petite bénédiction de merde qui pique, pleine de sarcasme.
Sauf qu'il y a un type, grand dadais, qui a repéré le subterfuge. Sauf que le type s'avance, le regard torve, prêt à les égorger pour sûr et que le cœur de Saül fait dix bonds, trois loopings et autant de sauts en parachute dans le néant.
« - dégage, va par là. » Son épaule se disloque - au moins, quelle drama queen - rien que parce que Ariane prend la sentence pour elle. L'anxiété le tétanise un peu, loin, dans son couloir tordu. Environ dix fois, il pense à en sortir comme un gosse qu'on à assez cherché à cache-cache. Dix autres fois, il compte ce qu'il lui reste en liquide dans son portefeuille, pour garnir les poches du dadais histoire qu'il les laisse tranquilles. Cinq autres fois encore, il s'apprête à juste partir dans l'autre sens pour trouver une sortie de tricheur - une fenêtre, ça fait bien sortie de tricheur - mais Ariane et lui ne trichent pas. Une fois, juste une, il pense à feindre l'évanouissement et la résurrection à la Jésus Christ - je vous assure je vais bien, haha, pardon du dérangement, je pense que votre salle n'est pas aux normes, laissez nous sinon j'appelle mes avocats et je coule votre cinéma merdique. Les menaces de mort ne font pas partie des options.
Sauf si elles sont tournées vers Ariane qui se met à courir vers la sortie. Pas une sortie de tricheur, en plus, la sortie la vraie, celle qui fait ahaner Saül et qui lui donne envie de reprendre rendez-vous chez le cardiologue.
« Dis merci. » « La prochaine fois je te tue. » Voilà, mieux que merci, ça. Beaucoup plus sincère. « Dis rien d'autre. » « Ne me dis pas quoi faire. Roule. » Un ordre contre un autre. En fait, elle en retient deux contre lui, qui se masse l'épaule, l'air dramatique. Il lui faudra au moins une séance de siège massant de vieux riche, avec cette péripétie. Son cœur se calme, un peu, aussi. L'adrénaline redescend doucement. Trop vite à son goût. « Je choisis le resto. C'est ça que je gagne. » « Tu choisis le restaurant. J'ai le droit à mon résumé. » Qu'elle ne se défile pas. Malgré l'épaule disloquée et malgré le cœur qui vit présentement le pire instant de son existence, c'est le moment qu'il choisit de lui rappeler qu'il a gagné cette fois-ci. Pas entièrement, mais quand même plus qu'elle. Ça compte.
« Si la prochaine étape c'est d'aller jouer tout l'argent qu'on a dans une cave louche, tu feras ça sans moi. » Non, la prochaine étape c'est de tourner trop longtemps en voiture sans trouver de restaurant. C'est là qu'il fronce les sourcils, Saül, et qu'il braque ses yeux sur la conductrice. « Tu joues sans moi parfois ? » C'est une vraie question, même pas sur un ton offusqué. Lui, ça fait quelques temps qu'il n'a plus joué tout seul. Bien sûr qu'elle joue sans lui, c'est certain, qu'il est idiot. Mais peut-être pas aux même endroits. Saül voudrait qu'elle soit moins efficace, qu'elle ne gagne rien, jamais. Et puis, juste après, il se dit aussi qu'il s'en fiche, après tout. C'est juste du poker, ce sont juste des colliers.
Dans quel enfer ont-ils mis les pieds, d'ailleurs, alors qu'ils ont tout cet argent à dépenser - l'argent qu'ils n'ont pas mis dans le cinéma, évidemment - qui déborde de leurs poches ? « Je vais prendre pareil qu'elle. A emporter. » L'endroit est horrible, pire que le cinéma si c'est possible. Le sol pégue, les murs transpirent l'huile, les néons clignotent affreusement. C'est le genre d'endroit que Saül ne regarde même pas, habituellement. C'est le genre d'endroit dont il avait oublié l'existence. Les manches remontées, il récupère leurs sandwichs et s'éclipse vite hors de la boutique en y jetant des regards mauvais. « Je te déteste presque autant que le sable que j'ai dans les cheveux. », qu'il souffle à Ariane en se dirigeant vers la voiture. Garée sur le parking, face à la mer, derrière le restaurant crasseux, elle donne l'impression d'être sortie d'un film. « Ne mets pas un pied dans la voiture avec ça. » Le gras sur les sièges, en plus du sable - rien que d'y penser, il hyperventile, Saül. Lui élit domicile sur le capot avant de la voiture, face à l'océan. « On ne trouvera jamais d'hôtel, dans ce coin. Je ne dors pas dans un truc comparable à ça. », qu'il fait en désignant du nez le restaurant duquel ils sortent. « Les sièges chauffants sont cools. » Elle s'en moque trop, mais c'est presque une proposition. Il sait qu'elle va regretter son sable. Qui embête plus qui, dans le coup, au final ? « Elles sont cools aussi, tes vacances. », qu'il marmonne en avalant un morceau de son sandwich qui goûte le papier de verre. « Non, oublie. » Non, n'oublie pas. |
| | | | (#)Dim 26 Avr 2020 - 7:57 | |
| Les négociations s'envolent et s'oublient, comme ses baisers et les miens, quand on abandonne derrière la salle de cinéma éternellement délaissée au profit du hall où y'a pas plus d'âmes qui vivent. C'était fun, un temps, de pointer sa panique et de ridiculiser chaque soubresaut qu'il se provoque lui-même. Comme s'il était la pauvre blonde pourchassée dans un slasher d'horreur qui l'empêcherait de dormir la nuit rien que si on lui lisait le synopsis, pour sûr. Tiens, ça lui ferait un bon résumé à avoir, ça.
Si on me demande j'ai cassé le cou de l'employé qui voulait mon fric et/ou nos preuves de billets achetés. Si on me demande, j'ai pilé sur son cadavre avec des bottes qui avaient des lames cachées dans les semelles et il était qu'un paquet de chair fraîche et déchiquetée quand je l'ai lâché. Si on me demande, j'ai absolument pas pris la faute pour l'équipe ni même pour lui, je l'ai pris simplement parce que ce que j'aime le plus quand je reçois des coups, c'est d'avoir ainsi l'occasion d'en redonner. « La prochaine fois je te tue. » « Oh t'es trop aimable. »
Je sais pas qui de nous deux raille le plus et je sais encore moins qui de nous deux a la première place au compteur de la personne la plus emmerdante à tout répéter comme si chaque mot, chaque détail, chaque élément et chaque moment avait été appris par coeur, mais dans l'instant, je m'y applique sur ma vie. « Ne me dis pas quoi faire. Roule. » c'est qu'il est pressé de jouer les Clyde le gars, quand j'allume son siège chauffant au maximum rien que pour m'assurer qu'il s'y brûle avec violence. La clé file dans le contact et ma paume claque direct la sienne une seconde après. « Blablabla arrête de replacer les rétroviseurs je les ai mis comme ça pour une raison. » oh, grondé. « Tu choisis le restaurant. J'ai le droit à mon résumé. » « Ton quoi? » le déni est devenu mon état d'âme préféré, je le maîtrise comme je l'ai jamais maîtrisé.
« Si la prochaine étape c'est d'aller jouer tout l'argent qu'on a dans une cave louche, tu feras ça sans moi. » « T'as abandonné ton sens du risque et de l'aventure en même temps que t'as abandonné ta dignité quand j'ai géré seule l'autre idiot? » finalement, je l'aime la version où c'est moi qui est le héros de l'histoire. Je l'aime la version où je l'ai poussé et où j'ai pris tout le blâme, où j'ai pas fait la trouillarde de merde dans un couloir, où j'ai assumé nos actions - toutes et entières. Y'en faut bien un de nous deux qui le fasse. La voiture tourne en rond, les signalisations m'énervent, sa radio en sourdine m'agresse et ses paroles aident pas. « Tu joues sans moi parfois ? » là, y'a mes sourcils qui vendent la réponse, quand ils se froncent direct, entre l'incompréhension et l'agacement. Ah bon, juste l'agacement finalement. « Je gagne pas, sans toi. » qu'il en déduise ce qu'il veut, qu'il m'imagine avoir faussement dit oui comme avoir honnêtement dit non, quand la vérité est bien simple et évidente : j'aime pas perdre. Et sans lui, je gagne pas. Il est pas con, il fera l'addition.
Le casse-croûte lui donne le plus évident et pathétique des hauts-le-coeur, je jubile de le regarder évoluer dans un monde qui est tout sauf le sien. Le distributeur à serviettes de papier est collant, je le glisse contre sa manche de chemise. Les sacs sont gommés par le gras, je les pose sur son portefeuille, sur ses cartes, ses clés, la totale. Y'a des miettes sur le comptoir que je lui renvoie une par une, des pailles de plastique sale qui traînent et qui en viennent à rouler vers lui par ma faute. C'est comme Noël, mais en mieux. « Je te déteste presque autant que le sable que j'ai dans les cheveux. » « T'en a dans ton début de barbe de type qui dort dans la rue aussi. » il a l'air du gars qui rêve de prendre un bain dans la javel à la seconde où il sera hors du périmètre de danger à l'huile avariée. « Ne mets pas un pied dans la voiture avec ça. »
« Et une main? » son avertissement est merdique, j'ai déjà entré ma main et le sandwich au creux de ma paume par la fenêtre entreouverte. « Et un bras? » jusqu'à l'épaule que je glisse, le sourire qui est immense, chiante au possible et si fière de l'être. « Eeeet... » et il est nul Saül en vrai, quand il fait juste s'installer sur le capot de la voiture à regarder l'océan, quand il me laisse faire ma merde et qu'il enrage même plus à m'interdire de tout faire. Le soupir est long et exagéré, je roule des yeux et monte le rejoindre non sans râler autant que possible pour tout et pour surtout rien. « On ne trouvera jamais d'hôtel, dans ce coin. Je ne dors pas dans un truc comparable à ça. » quel gamin en vrai, et le non rageur que je fais de la tête n'en est que l'énième confirmation. « Chaque fois que j'ai l'impression que t'es autre chose qu'un bourgeois chiant tu le redeviens aussi vite la seconde d'après. »
« Les sièges chauffants sont cools. » c'est que ça sonne presque comme une proposition à dormir à l'intérieur de sa précieuse voiture, ça. « Depuis quand tu les partages? » mon index s'associe à mon pouce pour lui piquer un bout de son sandwich, je vais prendre pareil qu'elle, mais ses trucs sont toujours meilleurs que les miens il l'a vu venir à des kilomètres que j'allais me servir dans ses affaires qu'il fasse pas son choqué. « Elles sont cools aussi, tes vacances. » la bouchée que je mâche au ralenti, le sourire en coin qui nargue, qui remonte, qui ne fait qu'empirer quand lui il joue les fillettes effarouchées. « Non, oublie. » « Bien sûr qu'elles le sont. T'es con d'avoir douté. » ma voix qui conclut, catégorique, la conclusion à laquelle j'ajoute son bras. Bras que je force autour de mes épaules rien que parce qu'il prend mille fois trop de place sur le capot et que j'enrage d'avoir son foutu coude de merde dans mes côtes à chaque fois qu'il respire.
« Il était cool ton film nul. » on reprend le même lexique, on le reprend le temps qu'il basse sa garde. « Du moins ce que j'ai pu comprendre quand tu ronflais pas comme un déchaîné. »
« Je vais pas travailler pour toi. » on reprend la critique aussi. « Je passerais mon temps à mettre en place les pires dossiers pour te faire tomber et prendre ta couronne, tu le sais aussi bien que moi. » on la reprend rien que parce que c'est un autre dernier mot que j'abandonnerai pas derrière, parce que c'est fun aussi, d'entretenir le mythe que je suis là rien que pour prendre sa place sur le podium. Mais c'est emmerdant de terminer première quand il est pas dans les parages pour le voir, pour que je m'en vante jusqu'à ce que ses tympans lâchent. Je gagne pas, sans toi.
J'ai fini son sandwich et le mien, oups. « C'est de la fiction. » la part du contrat que je crache d'un soupir, le résumé le plus résumé de l'histoire de l'humanité. « Y'a un personnage principal et y'a d'autres gens qui gravitent autour. » mes ongles se chargent de tracer des sillions invisibles sur son avant-bras à la chemise remontée. « Ça se passe la nuit, et des fois les matins. » la version édulcorée sonne quand même relativement cool, quand on y pense.
Dernière édition par Ariane Parker le Dim 26 Avr 2020 - 18:10, édité 1 fois |
| | | | (#)Dim 26 Avr 2020 - 16:46 | |
| « Ton quoi? » « Mon trophée. » Mieux que tous les colliers de la planète.
La route est longue quand c'est elle qui conduit, surtout lorsqu'il n'y a rien autour de plus déprimant que des restaurants miteux; lesquels Saül refuse même de regarder. « T'as abandonné ton sens du risque et de l'aventure en même temps que t'as abandonné ta dignité quand j'ai géré seule l'autre idiot? » « T'as pas du tout géré l'autre idiot, arrête. J'aurais pu, si tu m'avais laissé le temps de le faire. » Mais même avec dix minutes de plus, Saül ne serait probablement pas sorti de son couloir. Le sujet n'est évidemment clôt que s'il n'en a le dernier mot. La bataille peut durer longtemps tant elle est pareille, Ariane. Et entre temps, ils auront passé dix restaurants probablement plus propres que celui vers lequel ils se dirigent. « Je gagne pas, sans toi. » Et il ne trouve rien à y redire, l'italien, sur l'instant. Juste un regard vers la route, un sourire en coin planqué derrière ses doigts, alors qu'il croise les bras et écrase le menton sur son poing. Lui non plus, ne gagne pas sans elle. Lui dira-t-il ? « Je sais. » Probablement pas. Presque, presque.
L'endroit est glauque à souhait, tout le monde les dévisage comme s'ils sortaient tout droit d'un autre monde. C'est qu'il ne leur porte pas une once d'attention, Saül. Toutes ses prières mentales - ses insultes - sont tournées vers Ariane, qui prend trop de temps à commander ce qu'elle veut manger. C'est pire que n'importe quoi. Saül ne sait pas pourquoi il a accepté de s'arrêter là, dans ce boui-boui, surtout lorsqu'il voit la tête qu'ont leurs sandwichs. Rien de très avenant. Même le caviar-fraise serait meilleur. « T'en a dans ton début de barbe de type qui dort dans la rue aussi. » D'une main empressée, l'intéressé vient tâter ses joues, dévisageant d'un œil mauvais Ariane qui file déjà vers la voiture. A l'arrière du restaurant, sur le parking, tout est calme. Le soleil de fin de journée est doux. Le vent apporte les embruns de l'océan, qu'on aperçoit au loin. Quelques courageux ont encore l'audace d'affronter les vagues.
Pas dans la voiture, blablabla, Ariane fait tout l'inverse, qui est vraiment étonné ? « Et une main? » Lui s'installe paisiblement sur le capot de sa voiture, en essayant de ne pas penser aux gouttes crasseuses qui glissent sur ses sièges de voiture impeccables. « Et un bras? » « Ariane. » Toujours sans décrocher ses yeux de l'océan, il soupire, Saül. Pas la force d'aller se battre ce soir, ça serait lui faire trop plaisir. « Eeeet... » Et elle va abandonner. S'il ne bouge pas, elle va abandonner. Non sans se retenir de jeter des coups d’œil inquiets à l'habitacle, il ne dit plus rien, l'italien. Elle va abandonner. Son sourire à lui pue la victoire lorsqu'elle vient s'installer à ses côtés. Les yeux de l'homme d'affaires se posent sur l'océan, déserté par les derniers courageux. « Chaque fois que j'ai l'impression que t'es autre chose qu'un bourgeois chiant tu le redeviens aussi vite la seconde d'après. » Là, Saül braque ses yeux dans ceux de Ariane, pas vraiment offensé par la définition qu'elle fait de ses manières. « Parfois, j'oublie que tu n'es qu'une jeune ingrate. Mais ce n'est pas grave, je n'oublierai plus, désormais. » Et dans la seconde, il a déjà oublié.
Pas d'hôtel ? Pas de plage. Couper la poire en deux et vite, avant qu'elle ne trouve encore à négocier. Elle est douée pour trouver la brèche et s'y enfoncer jusqu'à la garde, Ariane. « Depuis quand tu les partages? » Saül ne tente de lui empêcher l'accès à son sandwich juste pour la forme. L'odeur qui émanait du restaurant lui a définitivement coupé l'appétit de toute façon. « Depuis que je sais que tu vas trouver un moyen de m'obliger à le faire de toute façon. » A-t-il arrêté de se battre pour aujourd'hui dans le cinéma ? Ou au matin sur la plage ? Les vacances sont douces, en tout cas. « Bien sûr qu'elles le sont. T'es con d'avoir douté. » Elle sourit trop pour la situation, Ariane. Saül le remarque du coin de l’œil. Il n'a pas encore décidé si cela l'irrite ou si cela l'amuse. « Mes vacances sont toujours plus cools. » Les dernières remontent au tout début de l'année, avec Elise. Tout sauf cools, si on demande son avis à n'importe qui d'autre que lui, mais ça jamais Saül ne l'avouera, pas même sous la torture. Ses vacances à lui ne laissent jamais de place à des moments comme ceux-là whatsoever. Son bras, il le laisse sur les épaules de Ariane juste parce que c'est plus pratique pour lui voler des morceaux de sandwich. Juste.
« Il était cool ton film nul. » « Pas grâce à ton acteur français. » Pas grâce à elle non plus, non non. Saül se souvient encore vivement de la lumière de son téléphone, de sa sieste avortée et du reste. « Du moins ce que j'ai pu comprendre quand tu ronflais pas comme un déchaîné. » « Tu étais plus concentrée sur mes ronflements que sur le film ? Je suis flatté. » A retirer les grains de sable de ses cheveux, peut-être ? Ou était-ce le moment juste avant, quand elle comptait ses siècles d'existence en se basant sur l'année de sortie du film ? Un moment dans ces eaux là, avant qu'il ne sombre, la tête appuyée sur l'épaule de Ariane.
« Je vais pas travailler pour toi. » « Quel dommage. » Ils formeraient probablement l'équipe la moins productive, à se battre pour rien qui ne compte pour les autres, tout le temps. « Je passerais mon temps à mettre en place les pires dossiers pour te faire tomber et prendre ta couronne, tu le sais aussi bien que moi. » « J'ai déjà des gens qui bossent pour moi et qui tiennent cette exacte fonction. » Des requins, tous autant qu'ils sont. Sur l'épaule de Ariane, sa main bouge assez pour attraper une mèche de ses cheveux de feu. « Tu n'es pas originale. Comment c'était déjà ? » Son index bloque sur un nœud, alors qu'il se penche à l'oreille de Ariane, grand sourire aux lèvres. « On va devoir travailler sur ta créativité, là c'est pathétique. » Elle ne travaille pas avec lui, mais elle ne gagne rien sans lui non plus. Ils forment une équipe quelque part, pour un autre jeu. Dans une autre vie.
« C'est de la fiction. » Les doigts de Saül ont arrêté de faire des nœuds dans les mèches de Ariane. Le voilà qui prête l'oreille, le ventre toujours aussi vide. Le sandwich-papier-de-verre aura été le seul gain qu'il n'a pas rechigné à céder à Ariane sans même faire semblant de lutter. « Y'a un personnage principal et y'a d'autres gens qui gravitent autour. » Il pourrait lever les yeux au ciel dix fois, déjà, tant son résumé ne dit rien. Saül s'en contente pourtant, le regard fixé sur les petits croissants de lune qui se forment sur sa peau à mesure qu'Ariane y laisse ses doigts. « Ça se passe la nuit, et des fois les matins. » « Et ils jouent au poker ? », qu'il hasarde. Mais elle n'a pas dit que ça se déroulait aussi le soir, si ? L'ours grincheux marche sur des œufs, pas très sûr de pouvoir exiger autre chose du résumé. Moins piquant à la nuit tombée. « Si je te demandais les noms des personnages, tu me les donnerais ? » Ce n'est même pas une exigence pour une fois. Pas de ton de fausse tyrannie. De la curiosité, peut-être, un peu. Un trophée de plus, si on lui demande à lui.
S'il a des frissons sur les bras, Saül, c'est parce que l'air se rafraîchit. Parce que le soleil est tombé, aussi, presque. Les derniers rayons s'étirent paresseusement sur son bras qu'il n'a toujours pas bougé de l'épaule d'Ariane, le même bras au bout duquel la main a distraitement continué d'emmêler les cheveux de la jeune femme, comme si de rien n'était. « Je prends la banquette arrière. Ce n'est pas négociable. » Ses lèvres trouvent encore la peau de Ariane, pour ponctuer les négociations qui n'en sont pas. « Si tu vas devant, tu ne mets pas tes pieds froids sur le tableau de bord. » Si tu, parce qu'elle peut aussi rester là, dans le froid, alors que lui s'éloigne pour rejoindre la banquette arrière, non sans avoir laissé traîner ses doigts glacés dans la nuque de Ariane au passage. Quelque part, peut-être depuis une enceinte sur la plage, Far Caspian chante Let's go oustide. « Demain, on ne se fait pas de ciné. Non pas de saut en parachute non plus, je te vois venir. » Comme s'ils faisaient dans la routine de toute façon.
C'est bientôt le jour de plus. J'ai pas envie de partir. Lui non plus. |
| | | | (#)Dim 26 Avr 2020 - 19:40 | |
| « Ariane. » c'est qu'il est presque autoritaire, l'italien. « Massimo. » je jubile et je rigole et j'éclate de rire encore - de l'intérieur, que de l'intérieur, quand j'imagine dans le plus grand des calmes, silencieuse et stoïque, sa tête à tenter de faire le calcul. À essayer de savoir sur quelle carte, sur quel papier, sur quel document j'ai bien pu voir son nom d'avant.
« Parfois, j'oublie que tu n'es qu'une jeune ingrate. Mais ce n'est pas grave, je n'oublierai plus, désormais. » « Fais gaffe c'est la mémoire qui saute en premier après les articulations. » mes mots volent aussi naturellement que possible vers lui, mes doigts s'assurent de dérober ce qui semble le moins dégoûtant dans son sandwich à lui sans jamais lui tendre le mien en échange. Ses yeux piquent aussi, il insulte mais à peine, ça en devient notre dynamique parmi des tas d'autres. Une qui s'ancre un peu trop à mon goût sans que je ne dise rien, sans que je ne critique non plus. Je critique ailleurs, à la place. « Depuis que je sais que tu vas trouver un moyen de m'obliger à le faire de toute façon. » « T'apprends vite, c'est presque touchant. » on y verrait un mécanisme d'auto-défense que ce serait aussi stupide que chiant, que véridique aussi.
La joute qui reprend sans jamais s'être vraiment terminée, entre une bouchée de pain trop sec et de légumes difficiles à identifier tant ils sont dégueulassement ramollis. « Mes vacances sont toujours plus cools. » je souffle, il souffle aussi, y'a mes cheveux qui se rebellent contre ses doigts, je me dégage pas et lui non plus, apparemment. « C'est facile à dire quand t'as tes quinze assistantes qui planifient tout pour toi. » je pouffe, dégage l'emballage quand il tente de reprendre son dû. C'est presque comme si à nouveau je reprenais la faute tant je suis persuadée qu'il prétextera la pire indigestion du monde si je me sacrifie pas à tout manger à sa place. Grande âme que je suis. Deuxième ronde, plus fun encore, parce qu'elle me rappelle la tête de trouillard qu'il avait au cinéma y'a ce qui me semble être une vie déjà. « Pas grâce à ton acteur français. » « Pas grâce à ton drama italien non plus. » et c'est facile, c'est naturel et il m'emmerde là, voilà, ça y est, le troisième tour c'est le bon, third's time a charm. « Tu étais plus concentrée sur mes ronflements que sur le film ? Je suis flatté. » ouais, ouais, flatte-toi toi-même aussi. « T'avais pas pris la même chose que moi? J'avais pas de tomate dans le mien. »
Et non, je lui ferai pas le malheur de travailler pour lui, même s'il a lâché le tout dans la plus ridicule des fausses offres. Je m'en voudrais bien trop toute ma vie de lui démolir l'égo en prouvant en une journée être mille fois meilleure que lui et ces cent ans de carrière. « Quel dommage. » blablablabla cache ta joie de gagner cette manche-là. « J'ai déjà des gens qui bossent pour moi et qui tiennent cette exacte fonction. » oh, ok. De nouvelles cibles à abattre dans ce cas, quand je les imagine un par un les requins, avec leurs dents blanches de merde et leurs costards trop cintrés et leurs blagues de beaufs et leurs sourires de magouilleurs qui mériteraient des coups directs sous leurs ceinture en or brodé les enflures. On disait? « Tu n'es pas originale. Comment c'était déjà ? » et il s'égare Saül, il s'égare dans ses souvenirs qui devraient pas en être, dans des moments qui sont finis et terminés et qui servent à rien d'être rappelés. « On va devoir travailler sur ta créativité, là c'est pathétique. » il s'égare sur ma peau aussi, son souffle et sa chaleur, et il presse et je soupire, fort, à en décoiffer ses mèches qui partent dans tous les sens de toute façon. « Fuck you. » est le seul et unique argument qu'il me reste, quand mes paupières se ferment à son contact et que ma voix n'en est que plus rageuse. Fuck you, very much.
Un deal est un deal. « Et ils jouent au poker ? » Mais il a pas dressé la liste des petits caractères, sa faute. « J'ai oublié. » « Si je te demandais les noms des personnages, tu me les donnerais ? » il exige une question sans le faire, c'est probablement ce qui le sauve pour cette manche. « Yep. » mais il l'a pas posée, la question. Qu'il se considère privilégié que je lui donne quand même une réponse.
Le soleil a depuis un moment commencé sa course vers l'horizon, les vagues n'en sont que plus bruyantes quand le bruit de la ville lui, il s'endort sans l'aide de personne. « Je prends la banquette arrière. Ce n'est pas négociable. » « Ton nerf sciatique espère que ça soit négociable, lui. » mes paumes grasses que j'essuie sur mon jeans à défaut de pouvoir le faire sur le sien, lui qui se tire vers son royaume de banquette arrière comme un pauvre prix de consolation. Y'a un hôtel pas mal à une poignée de kilomètres à peine d'ici, 4 étoiles et assez propre pour pas qu'il râle comme un con jusqu'au petit matin. Mais on dirait que j'ai oublié de lui mentionner les recherches que j'ai faites prompto dans les toilettes pendant qu'il attendait notre menu de merde tantôt. Trop dommage, Ariane, si seulement tu t'en étais rappelée avant de le suivre vers la voiture le pas nonchalant. « Si tu vas devant, tu ne mets pas tes pieds froids sur le tableau de bord. » les sièges se baissent, il prend possession de son monde quand j'appuie sur tous les boutons colorés que m'offre le mien. « Mes pieds seront pas froids, j'aurai tous les sièges chauffants du monde pour moi. » trop, dommage.
J'ai entrouvert la fenêtre, un peu pour allonger mes jambes et laisser mes pieds se refroidir dans la nuit, surtout pour qu'il râle de la brise trop fraîche qui viendra le faire frissonner dans 3... 2... 1... « Demain, on ne se fait pas de ciné. Non pas de saut en parachute non plus, je te vois venir. » demain on le mentionne pas, demain, il existe pas, encore. « On verra bien, demain. » demain, c'est juste un autre jour de plus sans vraiment l'être, qu'il gâche pas ça en s'habituant à une routine qui elle non plus, n'existe pas. « Tu veux faire quoi, pour le jour de plus? » ma question qui fait écho à la sienne, et ma tête se détourne sur l'appui. Il a investi la banquette arrière quand les sièges d'avant sont couchés au point où il a le côté gauche le con, et moi le droit. Je le déteste, et je détesterai encore plus s'il répond pas. « Pourquoi tu veux lire? » la page, le résumé, les personnages, mes mots, la page d'après, mes idées, toutes les pages, au complet. Non, oublie. « Ça parle pas d'économie internationale ni de domination mondiale. » |
| | | | (#)Mar 28 Avr 2020 - 4:46 | |
| « C'est facile à dire quand t'as tes quinze assistantes qui planifient tout pour toi. » « Je planifie tout moi-même. », qu'il se défend, Massimo, quand il sait lui-même que c'est un mensonge. Quand bien même aurait-il l'occasion et le temps de le faire n'en trouverait-il pas l'envie. Et puis, Elise se débrouille très bien elle même, pour trouver les endroits qu'elle veut visiter.
Le film était presque agréable. Presque, s'il avait pu faire sa sieste sans qu'Ariane n'interfère. Plus agréable en tout cas que ce sandwich rêche qu'elle s'obstine à essayer de lui voler. Elle ne fait pas qu'essayer, d'ailleurs. Saül lutte un temps, juste pour la forme. De toute façon, il n'en avalera pas une miette. « Pas grâce à ton drama italien non plus. » « Mon drama italien est un classique du cinéma. T'aurais préféré Toy Story ? » La résultat aurait été le même. Ce n'est qu'une question de "qui aura le dernier mot", encore. Toujours. « T'avais pas pris la même chose que moi? J'avais pas de tomate dans le mien. » Son petit sourire en coin le trahit, l'espace de quelques secondes. Juste un écart, le temps de se dire que si elle n'a pas répondu à sa question, ce n'est que parce qu'elle ne l'a pas relevée. Rien d'autre.
Elle ne travaillera pas pour lui, jamais. Dans quelle case pourrait-elle rentrer, de toute façon, Ariane ? L'univers de Saül - l'autre, d'avant la route - est trop rangé. Trop plein de boîtes. C'est mieux si toutes leurs discussions à ce propos ne leur servent que de support à piques, à blagues, à chamailleries. « Fuck you. » C'est un autre sourire qui s'installe, juste au dessus de la peau d'Ariane, sur les lèvres de l'italien. « Ouh. Tu enrages. J'ai gagné. » Peu importe le trophée, c'est l'idée de la victoire qui prime, même si cette règle là n'a jamais été établie. Le résumé, ça, par contre, c'est tangible. Là Saül sait ce qu'il gagne, sait ce qu'il perd. C'est moins du flou. C'est plus rassurant, aussi, que de nager en eaux troubles, que d'établir des règles qu'Ariane et lui ne suivent même pas.
« J'ai oublié. » « Si tu as oublié, c'est qu'ils ne jouent pas au poker. » Comment peut-on oublier une chose pareille ? Elle n'oublie pas. Elle ne lui cède juste aucune part de son terrain à elle. Pas même le tout petit morceau de terre qui concerne les personnages de son mystérieux livre. « Yep. » Les yeux de l'homme d'affaires se plante un instant dans ceux d'Ariane. C'est là qu'il voudrait pouvoir ressortir toutes ses armes de grand requin blanc. Là qu'il reste parfaitement silencieux, aussi, encore quelques secondes. « Je gagnerai ça à la régulière. C'est trop facile, là. Tu te ramollis. » C'est presque un avertissement, une invitation à ne pas baisser sa garde à elle, quand lui a déjà cédé l'entrée illégale au cinéma, la voiture pleine de sable et son sandwich fade. Saül ne cédera pas la banquette arrière, en tout cas. « Ton nerf sciatique espère que ça soit négociable, lui. » « Arrête dire que je suis vieux. » Il n'est pas vieux, pas vrai ? Même si les premiers cheveux blancs piquent sa nuque, même si les pattes d'oie lui rendent la vie compliquée, même s'il a remarqué sa course rapide et soutenue à elle, quand lui n'a retenu de la sienne propre que la sensation de ses poumons enflammés.
« Mes pieds seront pas froids, j'aurai tous les sièges chauffants du monde pour moi. » « Même mes sièges chauffants n'auront pas raison des glaçons que tu as à la place des orteils. » Sur la plage, ils étaient à égalité, au moins. Lorsque Saül cherche à se faire une place sur la banquette arrière, les jambes douloureusement repliées contre son torse, Ariane triture l'intégralité des boutons sur le tableau de bord. Demain, le tableau de bord affichera du Polonais à la place de l'Italien.
« On verra bien, demain. » Demain, le jour de plus. Et ensuite, reprendre la route en sens inverse. Se taire sur le trajet, probablement. Même pas il ne râle, Saül, quand elle ouvre sa fenêtre. Pas tout de suite. « Tu veux faire quoi, pour le jour de plus? » Même pas Saül n'y a songé. Si demain n'a sa place nul part, on ne réfléchit pas à son existence. « Rien. Tout. » A son tour d'ouvrir la fenêtre, juste pour copier Ariane - et parce que ses jambes lui hurlent qu'elles ont besoin de s'étendre - et pour lui montrer aussi que non, il n'a pas froid du tout, quand la chair de poule envahit jusqu'à ses omoplates.
« Pourquoi tu veux lire? » Pourquoi est-ce qu'elle demande ? « Je n'ai pas le droit de vouloir ? » « Ça parle pas d'économie internationale ni de domination mondiale. » « Tu juges encore, arrête de tenter de prédire mes goûts de lecture, t'y connais rien. »
C'est autant de piques qui meurent la seconde d'après d'un baiser sur ses lèvres à elle, juste quand il bouge assez pour l'atteindre de l'autre côté du vide froid qui les sépare. Est-ce tant écrit que cela sur son visage à lui, qu'il ne lit rien de très créatif, rien de très original ? Que les chiffres bercent jusqu'à son sommeil étriqué d'homme pressé ? « C'est dommage que ça ne traite pas de domination mondiale. J'en attendais un peu mieux de toi. », que Saül ricane encore en se laissant tomber sur le dos. De Ariane, il attendrait presque des pamphlets enflammés sur la meilleure manière de les envoyer au tapis, tous, les autres. « Pas que tu me doives quelque chose de toute manière. » Oh, non, on ne va pas par là, même pas pour rire. Surtout quand la plaisanterie n'est pas drôle, surtout pas si elle est maladroite. Surtout pas si on la sent venir. « On n'est pas mariés. » Pour la première fois depuis de très longues heures, c'est là qu'il la sent à nouveau, l'alliance qui brille à son annulaire. Elle est froide, dure, pas glacée comme la peau de Ariane. Elle est désagréable, envahissante, toujours pas comme la peau de Ariane. Sans s'en rendre compte, Saül la triture, cette alliance, alors que son regard s'est fixé au plafond de l'habitacle.
« Je ne gagne pas sans toi non plus. » Peut-être qu'elle dort déjà. C'est mieux, si elle dort, Ariane. « Au poker. » Juste. « Demain, je veux un collier de perles. » Chouette concordance des temps. Mais il serait peut-être temps de s'y laisser glisser, vers demain. L'italien sait qu'à peine aura-t-il vraiment fermé les yeux, à peine se sera-t-il endormi. Mais peut-être aussi qu'il n'en a pas envie. Demain est peut-être un peu effrayant. « Et je ne veux pas que tu m'appelles Massimo, aussi. » Peut-être ou beaucoup, même. |
| | | | (#)Mer 29 Avr 2020 - 17:05 | |
| « Ouh. Tu enrages. J'ai gagné. » « T'as rien gagné du tout, t'abuses du lexique là. » et il abuse de ses lèvres sur ma peau, il fait exprès le gars, il insiste et il passe là, juste là. Exprès là où il faut, pas.
Je m'attendais sincèrement pas à ce qu'il pose la moindre question de plus, autrement que pour accumuler des merdes d'indices et d'informations sur mon livre, le mien, mon pan rien qu'à moi qui ne lui appartient pas. « Si tu as oublié, c'est qu'ils ne jouent pas au poker. » et pourtant il revient et il renchérit, ça serait presque flatteur si j'étais pas en train de lui chercher la moindre critique à lui coller en travers de ses questions pas curieuses pour qui que ce soit mais trop curieuses pour lui. « Ou qu'ils en ont pas envie. » comme j'ai pas envie de glisser sur cette pente-là, comme j'ai pas envie de mélanger les univers comme ça. Qu'il se contente d'une page et d'un résumé et d'un potentiel listing des prénoms, qu'il se contente de plus que n'importe qui à ce stade, et on en sortira aussi confortablement lâches sans avoir à jongler avec le malaise de l'un qui en sait trop sur l'autre pour une fois. « Je gagnerai ça à la régulière. C'est trop facile, là. Tu te ramollis. » « Ouais, ouais, reporte ta défaite à plus tard. » sa voix est trop douce, la mienne lui fait écho, douce, trop. « Arrête dire que je suis vieux. » « Continue de dire que je suis ingrate. » la seconde d'après, j'actionne tous les boutons entre la climatisation et le chauffage. La trame de fond sonore et forcée qui chasse les dernières notes d'une chanson jouant par la plage, qui soulage l'ambiance une seconde, une seule, suffisamment, mais jamais assez.
« Je n'ai pas le droit de vouloir ? » « J'ai posé la question en premier. » et ça me donne tous les droits de savoir. C'est dans les petits caractères du millième contrat de la journée, qu'il retourne valider. « Tu juges encore, arrête de tenter de prédire mes goûts de lecture, t'y connais rien. » « Okay, éduque-moi, dis-moi tout ce que je connais pas sur l'avide lecteur que t'es. » et que ça, dis-moi juste ça, rien d'autre, absolument rien d'autre que ça.
Il capitule Saül, sous ses lèvres qui trouvent les miennes. Il capitule et je souris parce que s'il m'embrasse, c'est que j'ai gagné. Il goûte le sable et la sueur, il goûte le jour de plus bien plus que le jour de moins. « C'est dommage que ça ne traite pas de domination mondiale. J'en attendais un peu mieux de toi. » je souffle contre sa peau, soupire au passage, il s'esquive un peu après que je me sois attardée à mordre là, la commissure de ses lèvres qui s'échappe de moi et lui tout autant. « C'est pour la suite ça, je place que les cartes de base dans celui-là. » je place aussi mon hoodie-oreiller sous ma tête et elle seule, il aura des traitements de faveur que quand j'aurai décidé parce qu'après tout, faudrait pas l'y habituer. « Pas que tu me doives quelque chose de toute manière. On n'est pas mariés. » elle pique celle-là, elle pique surtout parce que mes prunelles se braquent directement sur son annulaire une seconde et une seule, une seconde à valider ce que je déteste de toutes mes forces, une seconde à confirmer un double-sens que jamais j'assumerai, qui ajoute une mâchoire serrée et des dents qui le sont tout autant derrière mon visage absolument impassible. On est pas mariés, ensemble. Lui il l'est, ailleurs. « Encore heureux. »
« Je ne gagne pas sans toi non plus. » je sais. « Au poker. » juste. « Demain, je veux un collier de perles. » demain. « Et je ne veux pas que tu m'appelles Massimo, aussi. » « J'aime mieux Saül de toute façon. » Pourquoi t'as changé? « Ça fait moins chauvin. »
La minute d'après se passe à m'assurer que ma nuque trouve l'angle parfait, impeccablement stable entre les tissus ramenés égoïstement sous son arche et son épaule de merde que j'arrive pas à bien replacer pour m'y caler. Sa fenêtre ouverte est plus grande et son rebord est plus confortable que celui sur la mienne, mes jambes s'y allongent comme ses homologues. Et je soupire, pour aucune raison et pour toutes les raisons du monde. « Un chapitre. » elle grince, elle gratte, elle capitule pas ma voix, elle propose juste. « T'as jamais parié un chapitre. » et je sais pas, je sais vraiment pas pourquoi je les écarte toutes ses foutues cartes de triche de bâtard, lui qui ajoute des annexes et des précisions, des lignes doubles et des notes de bas de pages à chaque nouvelle négociation. « Un chapitre entier pour deux jours de plus. » ma tête se décale pour se tourner vers son profil, il dort pas parce qu'il ronfle pas, et s'il dort je m'assure de le réveiller d'un baiser de plus, pressant, pressé, la morsure à la clé. « Et promis y'aura de la nourriture qui a pas été touchée par des blattes, et un hôtel qui sent pas le vieux cuir de riche comme tes sièges qui chauffent t'as vu c'est le cuir qui est vieux pas toi. Je fais du progrès râle pas. » |
| | | | (#)Mer 29 Avr 2020 - 20:02 | |
| « Ou qu'ils en ont pas envie. » « Parce qu'ils ont envie d'autre chose ? » Ses yeux à lui interrogent, se font corrosif, à essayer de gratter sous la surface. Là, juste là où il faudrait ne pas s'aventurer. Mais c'est le livre, c'est du livre, dont ils parlent. N'est-ce pas ? Et la joute continue. La joute empire, en fait. « Ouais, ouais, reporte ta défaite à plus tard. » « Je te fais une fleur en te laissant tranquille. » Deux minutes, juste le temps de retourner faire tout l'inverse. Le temps de remonter un peu la pente, de se rappeler de quoi ils discutent vraiment. Quel bon samaritain, une grande âme. « Continue de dire que je suis ingrate. » « Je ne comptais pas arrêter. » Juste parce que c'est important, d'avoir le dernier mot. Et aussi parce qu'elle est vraiment une jeune ingrate, Ariane. Elle pique presque plus que lui. Si Saül la laisse gagner, c'est juste par générosité d'âme. La fatigue, la nuit tombée, blablabla. C'est peut-être mieux de s'arrêter là. C'est probablement mieux si elle se laisse glisser dans les bras de Morphée, qu'elle reste de son côté sur les sièges chauffants de vieux riche, la jeune ingrate.
C'est mieux de revenir sur le livre, de se laisser distraire un instant par les petites lignes du contrat pour se détourner du pourquoi. C'est mieux, plus raisonnable. « J'ai posé la question en premier. » « Je suis l'aîné, c'est moi qui pose les questions. » Et maintenant, retourner les piques contre elle. Quand Saül endosse son costume de vieux sage, et qu'il la cantonne au rôle de jeune ingrate. C'est mieux s'ils restent dans ces façades là. Et non, il ne cédera pas. Non, il ne se creusera pas la tête pour trouver des mots, et les poser sur la raison qui le pousse sur la pente de la curiosité. Jamais, jam- « Je veux lire parce que je veux mesurer à quel point ta Sophie s'est trompée en te confiant un contrat avec tant d'argent à la clef. » Ce n'est pas qu'il capitule, l'italien. Ce n'est même pas une vraie raison, c'est juste une pique de plus. Tout va bien. Tout va bien, jusqu'à ce qu'il tente de mettre fin au débat une bonne fois pour toute. Tout va bien, jusqu'à ce que Ariane relance. « Okay, éduque-moi, dis-moi tout ce que je connais pas sur l'avide lecteur que t'es. » « Non. », qu'il souffle contre la peau de Ariane, avant de taire ses potentielles protestations d'un baiser. Avant de se taire lui-même, pour éviter de franchir la ligne de plus, la ligne de trop, et toutes les autres qui suivent. Toutes les autres pires qui suivent, les questions sur eux qui ne tournent pas autour de trucs idiots comme est-ce que t'aimes le caviar. « Ça ne t'intéresse pas. », qu'il statue, avec, pour une fois, une pointe d'hésitation dans la voix. Juste une, avant de se retrancher à nouveau de son côté, le lâche.
« C'est pour la suite ça, je place que les cartes de base dans celui-là. » « J'espère. » C'est toujours mieux, les livres qui parlent de domination mondiale, même si Saül n'en a pas lu un seul.
Elle ne doit rien. Pas mariés. Grand silence, le temps qu'il frôle de ses doigts son alliance. Qu'il se lance dans la contemplation du plafond, aussi, pour éviter de croiser le regard de Ariane, où qu'il se trouve. Tout, mais pas vers lui. Tout, pourvu que ça soit de l'indifférence qu'il trouve, si jamais leurs yeux venaient à se croiser. « Encore heureux. » « Encore heureux. » Ça sera de l'indifférence pour lui aussi, même si elle sonne faux comme les raisons qui l'ont poussé à épouser Elise, il y a déjà vingt ans. Déjà. Ce que le temps passe vite, quand on s'amuse. Ce que le temps passe vite aussi, quand on a oublié d'en profiter. Un soupir s'échappe d'entre ses lèvres, comme un léger rire nerveux. Encore heureux.
« J'aime mieux Saül de toute façon. » Tu n'es pas supposée le faire, Ariane. « Moi aussi. » La version officielle, c'est parce que c'est un prénom qui porte des accents de religiosité. L'autre version, c'est parce qu'il fallait absolument remplacer Massimo. Massimo est resté en Italie. Massimo s'y est perdu. « Ça fait moins chauvin. » « C'est le but. » Chauvin. Mais il l'aime, son pays, Saül. Parfois, il lui manque. Juste quelques minutes, avant de ne trop penser à Massimo et aux soirées de l'été italien.
L'instant qui suit, les jambes glacées de Ariane lui arrachent un soupir excédé. Elle ne retient rien à ce qu'on lui raconte, la gamine. L'ingrate. Saül lui fait de la place, pourtant, presque sans râler, presque sans la dévisager, presque sans se plaindre qu'elle est chiante. Sans faire de remarque, non plus. « Un chapitre. » Quoi, un chapitre ? Ses yeux ne lâchent plus Ariane. Son bras élance, écrasé contre elle. Il ne bouge que pour l'en soulager, pas parce que le mouvement lui permet d'atteindre les cheveux crépusculaires de Ariane, du bout des doigts. « T'as jamais parié un chapitre. » Les traits sur le visage de l'italien se chargent d'un sourire en coin, léger. Parce que que mettrait-il en retour, contre un chapitre ? Combien de terrain serait-il prêt à céder, pour un chapitre, juste un chapitre ? « Un chapitre entier pour deux jours de plus. » « Ariane. », qu'il souffle. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. D'habitude, c'est lui qui les met en jeu, ses pages à elle. L'inverse n'existe pas. « Et promis y'aura de la nourriture qui a pas été touchée par des blattes, et un hôtel qui sent pas le vieux cuir de riche comme tes sièges qui chauffent t'as vu c'est le cuir qui est vieux pas toi. Je fais du progrès râle pas. » « Ariane. », qu'il répète encore, plus bas.
C'est le silence, encore, pour quelques trop lourdes secondes. « Je suis sûr que tu as des tonnes de trucs plus intéressants à faire que de te traîner le vieux riche deux jours de plus. » Dis oui, dis que j'ai raison. Ses lèvres se posent partout où les cheveux de Ariane ne les en empêchent pas. « Comme... renégocier ton contrat avec Sophie. Elle te prend trop d'argent là où elle ne devrait pas. » Pas comme si Saül avait de toute façon lu un traître mot des détails de son contrat cette fois là, mais toute raison est bonne à prendre, pas vrai ? « Et ma voiture ne supportera pas longtemps ta conduite terrible. », qu'il murmure en souriant contre la peau de son cou. C'est qu'il les veut aussi, ces jours de plus. Mais il n'y a rien qu'eux pour les vouloir.
« Deux chapitres. » Déjà prêt à capituler, jamais prêt à résister de toute façon. « Deux chapitres, et tu me laisses les fraises de toutes les prochaines fois. » Parce qu'il est supposé y en avoir ? Ses lèvres se posent finalement sur celles d'Ariane, pressantes, pressées. « Deux jours. Tu auras ma peau. » Et le reste avec. |
| | | | (#)Jeu 30 Avr 2020 - 0:19 | |
| Quand ça l'arrange, que quand ça l'arrange d'être le vieux riche de service. « Je suis l'aîné, c'est moi qui pose les questions. » « Pose autant de questions que tu veux, je suis l'ingrate je choisis quand je réponds. » quand ça m'arrange, que quand ça m'arrange d'être la jeune butée impolie.
Les façades sont belles et fausses, si fausses, les rôles avec, les masques sont de sortie et il me ferait presque y croire, à son air de requin des finances. « Je veux lire parce que je veux mesurer à quel point ta Sophie s'est trompée en te confiant un contrat avec tant d'argent à la clef. » lui pourrait juste arrêter de faire chier le monde entier avec ses remontrances et fouiller une bonne fois pour toutes dans mon sac pour y trouver le manuscrit, le contrat avec. « C'est toi qui devrais travailler pour moi. » qu'il fouille, que je rage, qu'il arrête de négocier quand je fais pareil, qu'on passe à autre chose quand c'est qu'un paquet de feuilles qui parlent des mornings after, qu'un ramassis d'histoires à moi et d'histoires à d'autres, de gens qui ponctuent les vies et les nuits pour disparaître quand l'aube prend toute la place. Fouille allez, tu fous quoi à t'intéresser. Je dirai rien, je râlerai juste, et on aurait un élément de plus à cocher sur la liste de ce dont on ne parle pas pour des tas de raisons évidentes, et d'autres qu'on nie à la perfection.
Alors je nargue, et il embrasse. Il passe à gauche, je souffle à droite. « Non. » et puis quoi encore, il tend une perche Saülssimo, il se retire aussi vite qu'il est arrivé et c'est tout sauf à son honneur si je ne le prends pas au sérieux, bien trop occupée à relancer ses baisers, mes dents qui complètent le travail, et le sourire qui remonte avec. « Ça ne t'intéresse pas. » c'est de la chair de poule, là, sur ma peau. « Parle pas pour moi. » et c'est ma nuque qui accueille ses lèvres et c'est sa mâchoire qui reçoit mes mots. Mes paumes qui le gardent loin une seconde et proche la suivante.
L'armature des bancs me lacère le dos, c'est la merde derrière, il aurait dû nous ramener à la plage et il aurait dû nous ramener à Brisbane tout court, mais à la place il parle de ma nouvelle et il parle de mariage et il parle trop et je le hais, je le hais de le faire. Je nie évidemment, le plus volontairement du monde, tout un volet de sa vie qui me sert à rien parce que j'y ai pas ma place, et parce que je ne la veux pas là non plus. Elle m'emballe pas sa vie actuelle, celle qu'il fuit pour être ici. Elle m'intéresse pas et c'est pas elle que je désire, surtout pas, quand ni son alliance ni ses soupirs ni ses regards braqués sur le toit de la voiture ni son prénom changé pour des raisons qui sont pas les miennes ne promettent du rêve. Rien ne promet quoi que ce soit ici, circulez, y'a rien, absolument rien à voir.
Sauf qu'il y a tout, bien sûr qu'il y a tout. Y'a la bulle qu'on s'est faite sans même forcer. Y'a le retour qu'on abjecte sans oser y penser. Y'a ses silences et mes rires avec. On veut rester.
« Ariane. » « Tu fais exprès. » je raille, pouffe contre ses lèvres. Parce que ses menaces sont bien meilleures quand elles se complètent des miennes. « Massim- » « Ariane. »
Un chapitre, c'est rien un chapitre. C'est à peine une dizaine de pages, c'est même pas mémorable. Je lui donnerai celui le moins engageant, celui qui résonne à rien, absolument rien que des mots les uns à la suite des autres. « Je suis sûr que tu as des tonnes de trucs plus intéressants à faire que de te traîner le vieux riche deux jours de plus. » « Des tonnes. » c'est facile, de piquer à son oreille, c'est simple quand il est là, juste là, ambiant, qu'il dérive et mes caresses avec. « Comme... renégocier ton contrat avec Sophie. Elle te prend trop d'argent là où elle ne devrait pas. » il les verra pas, mes yeux qui roulent encore et encore, mais il le saura, il sait tout Saül. Il sait tout d'un coup d'avance, il est à même de tout prévoir et de tout sentir, mais il recule là, il évite. « Et ma voiture ne supportera pas longtemps ta conduite terrible. » ce serait mentir de dire que c'est uniquement l'effet de contradiction qui motive le reste. Ce serait facile de dire que si je renchéris, que si j'ajoute quoi que ce soit, c'est exclusivement pour avoir le dernier mot encore une fois. « Tu te cherches des excuses et c'est pathétique. Embrasse là. » ma nuque que j'allonge, ses baisers que j'y force, les miens qui se dirigent là où je veux bien plus que je peux.
« Deux chapitres. » « Quatre jours. » « Deux chapitres, et tu me laisses les fraises de toutes les prochaines fois. » « Un chapitre, deux jours. Deux chapitres, quatre jours. Et je veux le hublot à l'aller et au retour. » « Deux jours. Tu auras ma peau. » « Pas si t'as la mienne en premier. »
J'ai perdu le compte, des jours, des pages. J'ai perdu le compte des baisers avec, des râles surtout. J'ai perdu. Lui aussi. Pourquoi ça sonne comme si on avait gagné.
*** « Viens. » il râle, il ronfle, je pique sa veste, il rage encore plus. « T'es lent, c'est lourd. » il se réveille à peine et le cadran indique des chiffres interdits en vacances, des chiffres qui flirtent avec le trop tôt, avec le trop tôt tout court, avec le trop tard aussi, ta gueule Ari. Les fenêtres de la voiture sont embuées et je sens des muscles le long de ma colonne vertébrale qui me feront regretter la nuit et ses dommages collatéraux en courbatures pendant des millénaires. Jamais il saura ça par contre, le rôle de vieux sage qui reste qu'à lui, juste lui. « Viens. » mais je pars déjà. Les supplications qui n'en sont pas vraiment, l'impression de pouvoir, de vouloir le laisser derrière qui sert à rien parce que dans les faits je suis là, je bouge pas, j'attends juste. Viens.
Dehors y'a le soleil qui se lève et y'a les vagues à perte de vue. Y'a les surfeurs qui ont repris possession des vagues au loin. Et y'a le joint que j'ai acheté dans une ruelle crade y'a une vie de ça, qui traîne dans ma poche, que je sais pas si j'étrennerai là ou jamais avec ou sans lui, non plus. Je verrai, j'y penserai, je m'y raccrocherai aussi. Énième distraction qui éloigne le compte à rebours, le décompte à l'envers. Jour de plus, jour de moins. |
| | | | (#)Ven 1 Mai 2020 - 3:19 | |
| Elle peut toujours courir, pour avoir la liste de ses livres de chevets. Elle peut toujours courir parce que ça ne l'intéresse pas. Elle va juste rire, railler, moquer sa pile. Et elle aura un petit morceau de terrain en plus. Le deal n'est pas envisageable. « Parle pas pour moi. » Elle n'a qu'à arrêter de poser des questions et il arrêtera d'en devancer les réponses.
En attendant, l'air de l'extérieur est moins insupportable. Même s'il voudrait râler, la pousser parce qu'elle prend trop de place sur cette banquette minuscule, même si elle enfonce son coude dans ses côtes et qu'il manque de mourir noyé sous ses cheveux, Saül ne bouge pas. Enfin, à peine, juste pour la forme. Il souffle un peu, aussi. On mettra le tout sur la fatigue, sur les crampes qu'il a déjà dans les épaules à force de dormir n'importe où à cause d'elle. « Tu fais exprès. » Lui se contente de répéter son prénom à elle, encore, trop sérieux pour l'instant alors qu'elle se fend de trop de légèreté. Ils ont oublié comment fonctionne l'entre-deux. « Massim- » « Ariane. » Silence. Pour une poignée de secondes de plus.
Il est temps de dérouler à la jeune femme la liste des justifications pour lesquelles les jours en plus sont tous aussi déraisonnables que des caprices d'enfant. Elle doit avoir à faire, dans sa vie de trentenaire. Elle doit avoir des endroits où courir, des fêtes, encore. Des contrats à signer partout, d'autres livres à écrire, trois tours du monde, trop de séances de cinéma plus intéressantes que celles qui comportent Delon et ses vieux homologues. Elle doit avoir d'autres plans, des plans qui le feront renchérir lui. C'est comme ça que ça fonctionne. « Tu te cherches des excuses et c'est pathétique. Embrasse là. » Ses yeux capitulent en même temps qu'il souffle un rire contre la peau d'Ariane l'empressée, les baisers comme un millier de jolies signatures calligraphiées.
« Quatre jours. » « T'es trop dure en affaire. » Les fraises reviennent encore sur le tapis, entre deux baisers. « Un chapitre, deux jours. Deux chapitres, quatre jours. Et je veux le hublot à l'aller et au retour. » « Pourquoi tu négocies encore. » Pourquoi t'essayes, même quand t'as déjà gagné ? C'est une histoire de dernier mot, c'est juste une histoire de dernier mot. Elle aura sa peau. « Pas si t'as la mienne en premier. » Cette fois-ci, il le lui laisse, le dernier mot. Juste pour cette fois. Juste.
✵ « Viens. » Il y a juste un grognement, pour répondre à la jeune femme, alors que Saül ne daigne même pas ouvrir les yeux. Les cheveux de Ariane lui donnent à frissonner, alors qu'elle s'agite trop. L'italien a froid, soudain, quand elle lui arrache leur couverture commune. Quand elle s'arrache elle même de sa silhouette encore un peu endormie. « T'es lent, c'est lourd. » « Toi, t'es lourde. Laisse moi. » Un coup d’œil à la montre indique que le compte à rebours est lancé. Que la course à la fin du jour de plus l'est tout autant.
« Viens. » « Ne me dis pas quoi faire. »
Le voilà qui s'extirpe de la banquette, frissonne. L'air est frais, même ici. Le bras tendu, l'italien attrape un pull jeté sur la lunette arrière quand ils étaient sur le départ. Le soleil perce à travers les vitres, de ses rayons paresseux. Tout le corps de l'homme d'affaires est engourdi de froid et d'autre chose.
Les doigts glacés de l'italien se posent dans la nuque de Ariane, lorsqu'ils ont enfin pris le chemin de la sortie, de l'effrayant extérieur. Du parking de film. Les yeux de Saül se posent sur la ligne d'horizon, alors qu'il inspire un grand coup. « On mérite une douche. » Ils ne méritent rien du tout, les presque-vacanciers à l'allure de vagabonds. « Surtout toi. », qu'il ajoute encore, en rompant le contact pour aller s'appuyer contre la voiture. Des courageux s'agitent déjà dans l'océan, entre les vagues. « Ta vision du voyage est cool, j'admets. » Blablabla pas des vacances, blablabla c'est pas un voyage ça, calme tes envies de grandeur. « Tu détesterais mes voyages à moi. », qu'il lâche enfin, un sourire en coin contre les lèvres. Lui aussi il les déteste, de toute façon. Les hôtels, les gens, le simple fait d'aller autre part, de laisser son foyer qu'il ne regrette pas non plus pour autant. Aller partout, aller nul part. « Ils mettent toujours trop de caviar partout. » Et pas assez de fraises ?
Penser au prochain voyage l'ennuie. Ses yeux tournent vers Ariane, la jaugent un instant. « Pour combien je peux avoir le livre en entier ? » Le livre, tous les chapitres, le résumé, la page de garde, toutes les pages. On arrive au bout des négociations. A la fin de la course - ou au début d'un nouveau marathon. « Combien de jours ? » Prêt à parier, toujours, à renchérir, encore. Prêt à l'amadouer, aussi, en se penchant juste assez pour embrasser son épaule. Juste une fois.
« Je prends le reste du livre. » C'est mieux de tout masquer avec leur langage à eux, d'encore utiliser des phrases qui sonnent comme des lignes de contrat, au risque qu'elle réplique encore qu'il n'a pas à faire ces choix là à sa place. C'est mieux que le livre soit une partie de ce qu'elle donne elle, comme si tout était parfaitement en ordre, comme d'habitude, comme s'il s'agissait qu'une partie de plus. Si elle ne veut pas céder le livre, lui cédera le reste quand même. Le côté gauche compris.
« Viens à Paris avec moi. » |
| | | | (#)Ven 1 Mai 2020 - 18:15 | |
| « Toi, t'es lourde. Laisse moi. » je fais que ça gars, regarde comment je te laisse derrière, regarde comment je suis partie de la voiture là, avec tes fenêtres embuées et l'impression qu'il y fait mille fois plus froid qu'en Sibérie quand sa silhouette bouillante est pas lovée contre moi. « Bouhouhou ta gueule tu vas tout manquer. » je le laisse derrière, mais pas tant que ça. Quand mes Converse jouent avec des cailloux à portée, les détestant pour tous les crimes qu'a pu poser l'humanité, les butant loin le plus loin possible comme tant de projectiles, versatiles. J'ai de la rage inavouable à passer. « Ne me dis pas quoi faire. » « Tu manques tout. » je précise, menton relevé et air de défi qui teinte mes prunelles bleutées. Il manque tout, et il le sait, mais il arrive, bien sûr qu'il arrive, et que je pique son pull à la seconde où il espère l'enfiler.
Le frisson qui brûle ma nuque est juste à cause de ses doigts. « On mérite une douche. » et je grogne d'abord, enserre les coupables de ma paume diffuse ensuite. « Surtout toi. » « Dis ça à tes cheveux. » j'ai pas besoin de tourner la tête vers lui pour savoir que ses mèches sont un chaos sans nom. J'en ai rien à faire, mais pour lui la planète entière arrêtera de tourner à la seconde où il va jeter un coup d'oeil dans un miroir à portée. Le calvaire de voyager avec une poupée de porcelaine fragile comme lui - tu voyages pas Ariane, c'est pas un voyage ça, c'est rien c'est qu'u- « Ta vision du voyage est cool, j'admets. Tu détesterais mes voyages à moi. Ils mettent toujours trop de caviar partout. » « Je pensais que c'était toi qui les planifiais, tes voyages. » et pas ses quinze assistantes, et pas ses pro-caviar, et pas ses anti-fraises. Un détail que j'ai retenu parmi mille autres, un détail qui retourne dans la boîte de Pandore de la plus efficace et bancale des façons. Il se pose contre la voiture parce qu'apparemment les courbatures ont décidé de lui rappeler que de tenir debout sur ses jambes après les avoir recroquevillées sous les miennes durant toute une nuit n'était gage que de stupidité absolue.
Il prend son temps Saül, ses prunelles marquent ma peau à distance à défaut que ce soit la sienne qui s'en occupe pour une fois. « Pour combien je peux avoir le livre en entier ? » « T'es pas assez dur en affaire. » l'intonation dans sa voix qui est trop facile à gratter, mon sourire en coin qui répond mille secondes d'avance à celui qu'il tient. « Combien de jours ? » « Pourquoi tu négocies encore. » mes cartes sont jetées et il sait, il sait tellement. Il sait quand il plante ses iris dans les miens et il sait quand il cale ses lèvres contre ma peau. « Je prends le reste du livre. » et il sait, je le déteste de savoir, je le hais d'en jouer. Il sait.
« Viens à Paris avec moi. » « Me dis pas quoi faire. »
*** « Je viens juste parce que le vin ici est abjecte. » et qu'il a été acheté au supermarché glauque où tous les items sur les tablettes étaient recouverts d'une poussière non-identifiée qui suggérait que la date de péremption était depuis longtemps touchée.
Le vin d'ici qui est servi dans des verres de plastique volés à la réception d'un hôtel censé être 4 étoiles mais qui au final tire sur le 2 avec sa carpette piquante où on a élu domicile appuyés contre un lit inconfortable mais un lit tout de même, à cumuler les mauvais shows à la télé. Le jet d'eau chaude est passé au froid puis a fait l'inverse trop de fois en trop peu de minutes pour que la douche prise y'a une vie ait servi à quoi que ce soit.
Et le vin, ouais j'y reviens au vin, le vin qu'on a songé pendant une seconde une seule à diluer dans du coca pour se donner l'impression d'être en voyage en Espagne avec ça. À Granada. « Et parce que tes clients de merde doivent apprendre c'est quoi perdre au poker, pour vrai. » il en avait parlé, des français qui voulaient jouer, du poker qu'ils avaient mentionné. Il en avait parlé et je m'en rappelle rien que parce que j'avais allongé la nuque pour voir ce qu'ils arboraient comme prix, comme bijoux, comme richesse à parier - et pas parce que c'était avant, juste avant la grande envolée. C'est pas un voyage, c'est pas des vacances, y'a pas de fraises et encore moins de caviar. La truffe est oubliée, c'est que pour le poker et les colliers.
Je viens juste parce que j'aurai le hublot. Je viens juste parce que ses voyages sont à chier et qu'il faut bien que quelqu'un le lui dise. Je viens juste parce que c'est tous frais payés. Je viens juste parce que Paris me manque. Je viens juste parce qu'il y aura des jours de plus. Je viens juste parce que je déteste les jours de moins. Je viens juste. Je viens. |
| | | | | | | | memories burn like a forest fire (willer) |
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