Je pose quelques questions, ce n’est pas une décision à prendre à la légère. Et, plus on avance, moins l’idée me paraît folle et impossible. Il y répond, il a l’air sincère alors je hoche la tête. Il n’a pas vraiment envie de se mettre en colocation avec sa soeur et c’est plutôt logique comme raisonnement. Il a quoi ? 30 ans ? Tu ne fais plus de colocation avec ta famille à cet âge la. Alors je continue de regarder les photos de l’appartement, avant de me retrouver à jouer à celui qui tiendra le regard de l’autre le plus longtemps. Je ne perds jamais à ce jeu, donc quand il commence à jouer je le suis et je gagne. On discute vraiment d’une colocation. L’idée devient de plus en plus envisageable et je commence à me projeter un peu. Un appartement à moi, et un peu à lui aussi. Ca pourrait être amusant.

“Sois pas trop confiant, j’ai de bien meilleurs arguments.” Vu le ton que j’utilise il peut penser que je parle de mes jambes et de ma poitrine. Mais je peux toujours faire jouer mon nom, ma réputation et celle de mes parents pour que ce soit impossible pour lui de mettre la main sur cette appartement si elle n’a pas sa chambre (la plus grande) attitrée. “Je me contente d’être belle et ça suffit.” Mon sourcil se hausse, il ne sait toujours pas qui je suis et j’en profite encore un peu. C’est vrai, je me contente de poser de temps en temps volontairement et involontairement pour les magazines, et ça suffit. Et puis, j’ai de bonnes connaissances, de riches connaissances. “Je ne sais pas ce que tu fais non plus.” On ne sait vraiment rien l’un de l’autre et ça m’amuse. “Peut-être parce que je veux que ce soit mon appartement.” Mais j’aimerais effectivement qu’il puisse prendre une des chambre. Ca ferait moins de frais après tout. J’envoie mon pied pour qu’il tape doucement l’arrière de sa cuisse alors qu’il se tourne vers la cafetière. Je fais un signe de tête pour accepter un nouveau café alors que je viens de vider ma tasse. Et il veut lancer une liste de règles, très bonne idée. J’attends qu’il parle, et j’attends aussi mon café. “Ok je suis d’accord avec les 3 premiers, surtout avec le on s’ignore pas.” Parce que je n’envisage pas la colocation pour finir par vivre seule. “4, on a toujours le droit de coucher ensemble, ce sera bien plus simple d’ailleurs. 5 pas de jalousie, mais ça rejoint un peu le 1 donc on est d’accord. 6 on a le droit de devenir ami si t’es pas trop chiant. Et la femme de ménage c’est indispensable, on pourra se débrouiller pour faire livrer les courses aussi. 7 on a le droit d’organiser des soirées mais faut que l’autre soit au courant ! T’as d’autres idées ?”

Moi je le tiens son regard, je reste à une distance indécente de ses lèvres et je souris parce que je m’amuse. Et c’est lui qui s’éloigne pendant que je lève les yeux au ciel. J’ai gagné. Mon pied part vers lui pour toucher ses cuisses alors qu’il nous prépare un nouveau café. “Peut-être que je la poserai un jour.” Mon sourcil se hausse alors que j’attends qu’il me serve une tasse. Je pourrais m’impatienter si je n’étais en en train d’essayer de me concentrer sur l’écran d’ordinateur. Je ne trouve pas de meilleur appartement, il n’y en a pas à la pelle dans ce quartier un peu miteux. Mais un bel appartement suffit, si il est à moi (et un peu à Loris). “Sois belle, toujours.” Je hoche la tête en me tournant vers lui pour lui montrer le sucre. “Tais toi c’est très peu probable.” Et je hausse les épaules avant de continuer mes recherches.

La colocation, ce n’est plus seulement une idée, ça devient un projet. Je lui ai fait comprendre que j’étais pas contre l’idée, et lui non plus. CQFD. Mais on a besoin de règles, il faut des règles dans une coloc pour que ça se passe bien pas vrai ? Des règles qu’on suivra peut-être pas toujours mais au moins on a la liste. C’est un bon début. “On s’ignore pas.” C’est certainement la règle la plus importante. Je lui lance un clin d’oeil quand il parle de la quatrième règle, je pourrai l’avoir à ma disposition et ça c’est pratique. “Je suis pas jalouse” On est pas ensemble et on le sera sûrement jamais. “Les crises de nerfs je promets rien.” Et je lève les yeux au ciel en récupérant ma tasse. “Je tombe pas amoureuse.” Je grogne un peu, ce n’est pas dans mes habitudes, il a juste de la chance que je ne me sois pas encore lassée. “Je suis d’accord.” On en parlera si un des deux déroge à cette règle. “Celui là est bien, et y’a deux pièces en plus qui sont pas des chambres ou des dressings.” Je lui montre le descriptif et attrape son téléphone pour taper le numéro. J’appelle et le rendez-vous est pris. “Cette après-midi, ils nous réservent la place en attendant qu’on le visite.” Je l’ai dit, les gens connaissent mon nom, et l’appartement sera à moi quoi qu’il arrive.