| (jamie) — the night is still young |
| | (#)Dim 5 Juil 2015 - 0:38 | |
| the night is still young... Hannah sortait encore une fois de scène épuisée. Pièce centrale de l'Antigone de Sophocle, elle avait encore une fois, effectué son role à la perfection. Ce n'était pas de la vanité et elle était loin d'être du genre à s'envoyer des fleurs mais elle le savait, elle s'était oubliée sur la scène et avait récité ses lignes avec une précision folle. Personne ne pouvait croire qu'avant cela, elle était dans les coulisses, avec sa tenue de scène et les cheveux tirés dans un chignon parfait, à réciter l'alphabet à l'envers pour pouvoir maitriser sa respiration. Cela avait beau être la dixième fois qu'elle se produisait sur scène pour jouer ce rôle si particulier, Hannah était toujours nerveuse. Chaque nuit était une première et à chaque fois, le trac et le stress s'emparaient d'elle. Elle avait appris à les dominer, pour elle ce n'était pas les répétitions ou autre qui marchait, non, elle seule était maitre de son art et elle seule était maitre de son stress. Les applaudissements lui avaient arraché un sourire ce soir, une chose nouvelle. Hannah préférait de loin rester complètement silencieuse et se contenter d'une petite courbette. Mais elle savait que son père n'était pas présent ce soir.
Nathan Siede était un père protecteur et il mettait un point d'honneur à voir sa fille sur scène le plus souvent possible. Il avait cependant dû annuler pour ce soir, à cause un petit contre temps. Elle avait vu son message avant de monter sur scène et elle avait pincé les lèvres, sachant que la présence de son géniteur lui manquerait. Oh elle savait ce que certains pensaient, à trente ans, c'était pathétique d'avoir besoin de son père à ce point, mais Hannah se moquait bien de ce qui était normal. Peut être qu'elle pouvait le rejoindre pour le reste de la soirée et lui demander comme s'était passé ce fameux meeting. Tel qu'elle connaissait son père, il serait plus qu'enclin à partager un verre d'alcool et à maudire celui qui l'avait empêcher de voir sa petite fille sur scène. Le sourire d'Hannah s'agrandit, elle savait bien de qui elle tenait ce fameux caractère et elle se rendit de nouveau dans les coulisses. Les mines étaient plus joyeuses et les acteurs parlaient avec insouciance. "Des plans pour ce soir? Oh oui pas de doute, encore une performance réussie, on va faire la fête! ... Hannah tu te joins à nous?" Hannah était la petite nouvelle de la troupe, oui, meme si elle s'était joint à eux il y a près de deux ans, elle était encore considérée comme la nouvelle. Il s'agissait d'une troupe établie longtemps, ce n'était pas le premier rôle principal d'Hannah mais toujours comme à chaque fois, les autres membres ressentaient le besoin de la surprotéger et de l'inclure dans toute leur activité. Hannah savait d'où venait cette gentillesse... Ils l'avaient vue pleurer, ils l'avaient vue hurler et se mettre dans des états impossibles pour différents rôles et tous savaient qu'elle ne délivrait jamais une seule ligne si elle n'y croyait pas. Elle ne jouait pas Antigone, non, elle devenait cette femme, elle devenait une cause et les autres acteurs devenaient famille et ennemis, juste pour elle. Ils s'étaient très vite rendu compte qu'Hannah n'était pas juste une belle brune avec un peu de talent et un compte en banque, non c'était plus que ça.
"Un autre soir peut être... Je crois que je vais aller veiller son mon vieux père." livra tout simplement Hannah dans un sourire avant de s'asseoir en face de son miroir. Ses collègues hochèrent la tête et les conversations reprirent lentement tout autour de la jeune femme qui lentement se démaquillait, défaisant son chignon et redevenait elle-même. La vraie Hannah fit surface, quelques secondes plus tard, mais juste pour quelques instant. Juste quelques instants avant que la brune ne se maquille de nouveau, un peu plus elle-même à présent. "Hannah? Hannah?" L'intéressée tourna la tete en direction de son collègue, son crayon toujours à la main. "Je crois qu'il y a quelqu'un pour toi, un certain Jamie." "Alors comme ça on a un admirateur? Il était temps!" commenta le metteur en scène, ce dernier passant certainement dans les coulisses pour voir comment se portait les acteurs. Hannah ne fit aucun commentaire mais elle souriait bien. Jamie Keynes n'avait rien d'un admirateur. Il était différent, Hannah ne savait pas encore dans quelle catégorie le ranger mais elle n'avait aucun doute que voir l'homme là tout de suite était une très bonne idée. Avait-il apprécié la performance? Bonne question, un sourire, vrai et sincère, se dessina sur le visage d'Hannah tandis qu'elle s'activa, passant dans les vestiaires afin de se changer. Elle abandonna sa tenue de scène pour une robe noire, le tissus fluide et léger. La jeune femme récupéra son sac et dit discrètement au revoir à ses collègues avant de sortir des coulisses.
Jamie fut très facile à repérer, pourtant, Hannah prit son temps et elle sortit l'unique cigarette qu'elle avait dans son sac pour la porter à sa bouche et s'avancer vers lui. "Bien le bonsoir étranger, vous auriez du feu?" Elle eut un autre sourire. "Oubliez ça Jamie, je crois que vous n'êtes définitivement pas le genre d'homme à avoir un briquet sur lui... Ou peut être que je me trompe?" D'une main experte, elle tira sa cigarette de ses lèvres pour la ranger derrière son oreille. "Vous avez apprécié le spectacle?"
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| | | | (#)Dim 5 Juil 2015 - 18:25 | |
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« Si je péris avant le temps, je regarde la mort comme un bienfait. Quand on vit au milieu des maux, comment n’aurait-on pas avantage à mourir ? » Les mots prononcés avec une précision et une justesse extraordinaire serrent ma gorge et attrapent mon coeur entre des doigts invisibles afin de l'empêcher de battre. Mes dents se serrent, je déglutis. Je sais que ce sont ce genre de pensées qui ont maintes fois traversé l'esprit de mon frère, et qui se sont immiscées en lui lentement avant de se gangrener, le grignoter, et le faire passer à l'acte. Je me demande si le soir où nos parents nous ont emmené voir Antigone pour la première fois n'a pas été la graine semée dans son esprit. Lui, comme l'héroïne, ont toujours été rebelles dans l'âme, entièrement dévoués à ce qui leur semble juste, à leur devoir. Dotés à la fois d'une incroyable force de caractère, et d'une profonde sensibilité. J'ai du mal à penser qu'Oliver a choisi de se pendre par hasard, alors qu'il y a tant de manières possibles de mettre fin à sa vie de manière moins douloureuse. Moins théâtrale. La maison ne manquait pas de cachets à avaler en nombre pour s'assurer une descente en douceur dans l'obscurité. Ou de lames diverses. Quelque part, il souhaitait être trouvé ainsi, au fond de la grotte qui lui servait de chambre, dans la fumée d'un ultime joint, pendu à ses vêtements. Apparaissant bien plus sobrement qu'au gala où nous nous sommes rencontrés, Hannah délivre une touchante et puissante version de ce grand nom de la tragédie grecque. Je la vois disparaître peu à peu sous les traits de l'Antigone qui épouse les siens, mêlant doucement les deux femmes sur la scène, à cette fascinante frontière entre la réalité et la fiction. J'avoue que mon regard ne la quitte pas à chaque instant où elle apparaît dans la lumière ds projecteurs, traversant les décors, acte après acte. Depuis le troisième rang, je scrute avec attention son visage émacié et toute la subtile palette d'émotions qui traverse son regard noisette ; sa silhouette terriblement fine, presque androgyne dont transpire toutes les convictions du personnage. Elle éclipse avec facilité les autres acteurs de la troupe. Sûrement parce qu'ils sont encore trop acteurs, alors qu'elle a quitté leur dimension de jeu pour les surplomber. Je comprends toute l'admiration que son père lui porte et qui m'avait frappé l'autre soir. J'y adhère sans chercher à opposer de résistance à la fascination que la jeune femme exerce sur moi. Lorsque le rideau se baisse et que les lumières éclairent la salle, mes mains sont légèrement rougies par les applaudissements. Je suis loin d'être le seul à avoir apprécié la pièce, et les critiques que j'entends murmurer dans les couloirs du théâtre en passant près des conversations des spectateurs sont dithyrambiques. Je sors du bâtiment et en fait rapidement le tour, souhaitant réussir à voir Hannah avant qu'elle ne s'en aille. L'entrée est artistes et si discrète que je passe une première fois devant sans même la remarquer. C'est avant de frapper que je me rends compte que j'aurais sûrement dû apporter quelque chose, ne serais-ce que des fleurs, pour féliciter la demoiselle. J'oublie rarement ce genre de détails. Mais il est trop tard pour ça, il n'y a plus grand-chose d'ouvert à cette heure-ci à part les restaurants et les bars. Je frappe donc à la porte et demande Hannah à l'homme qui m'ouvre. Je ne suis pas autorisé à entrer, toute la troupe se change, ça serait inconvenant. J'attends donc quelques instants à l'extérieur. La jeune femme ne tarde pas à apparaître. Bien plus ressemblante à celle que j'ai rencontré. Je ris doucement à sa plaisanterie, fourrant mes mains dans mes poches, légèrement nerveux. « Non, vous avez vu juste, je ne fume pas. » Elle ne le devrait pas non plus, c'est une vilaine habitude. Mais c'est le genre de remarques que je me garde bien de prononcer à haute voix. C'est sûrement assez sûre de son talent qu'elle me demande si j'ai apprécié la pièce. « Énormément, oui. » je réponds très sincèrement. « Antigone est ma pièce préférée. Je crois que je ne vous aurais jamais pardonné si vous l'aviez massacrée. » j'ajoute avec un sourire joueur. Elle pourrait forcer mon admiration uniquement pour son interprétation, s'il ne fallait pas ajouter sa personnalité féline. « Je… J'ai été très impressionné, je l'avoue. » Je me retrouve un peu penaud, à ne pas trop savoir quoi dire. Impressionné, dans tous les sens du terme.
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| | | | (#)Lun 6 Juil 2015 - 0:07 | |
| Hannah avait déjà imaginé sa prochaine rencontre avec Jamie. Une autre soirée, un autre gala, et lui encore une fois, avec Joanne à son bras, le couple superbe et inaccessible. Elle serait allée les saluer bien évidemment, coupe de champagne à la main, avant de leur souhaiter une bonne soirée et de passer à autre chose. Ni plus, ni moins. Mais Jamie était là ce soir et si elle avait été seule, elle se serait laisser aller à un sourire facile et innocent. Il était tellement facile de se dire qu'il était là pour elle, parce qu'il était véritablement intrigué. Hannah se savait proche de la vérité, pourtant, Jamie ne serait pas dans cette catégorie d'hommes qu'elle considérait jetable et qu'elle ne voulait plus jamais revoir. Non, il se distinguait du lot, elle ne savait pas encore comment, elle n'avait pas encore mis le doigt sur ce qui le rendait précisément unique mais... Hannah était patiente, elle avait tout son temps pour trouver et apprendre à connaître l'homme en face d'elle.
Bien sûr qu'il ne fumait pas, avait-il seulement un seul vice? Hannah avait envie de lui en trouver pourtant elle ne releva pas, sachant déjà qu'elle avait raison avant même de poser sa question. C'était juste pour la beauté du geste. Juste pour lui montrer que non, il n'avait jamais rencontré une femme comme elle et non, il n'était pas prêt de réussir à la déchiffrer ou même de la comprendre. Ou du moins, il était encore trop tôt pour le dire. Jamie avait apprécié la performance, là encore, une question dont elle connaissait déjà la réponse. La confession suivante fut une surprise et Hannah le détailla rapidement, sachant automatiquement qu'il livrait une partie importante de lui-même. Il en perdait même ses mots et elle se félicita intérieurement, cette nuit ne faisait que commencer semblait-il. "Venant de votre part, je ne peux qu'être ravie alors." souffla Hannah, acceptant sans aucune gêne le compliment. Pas de doute, Jamie ne savait vraiment pas à qui il s'adressait, certes, Hannah raffolait des compliments, comme n'importe qui, mais dans son monde à elle, les hommes ne les donnaient que pour une seule et unique chose. Tout ceci était terriblement nouveau et elle fixa Jamie pendant une longue minute, décidant de la marche à suivre avant de faire un pas dans sa direction. "Si je vous dis que ce n'était pas ma meilleure performance, est-ce que vous allez être déçu? Quoi qu'il en soit, il faut que nous allions fêter ça puis que vous ne m'avez même pas ramené de fleurs. Une autre femme se serait vexée pour moins que ça mon cher..."
Elle haussa les épaules et soupira, soudainement mauvaise actrice alors qu'elle faisant semblant d'être dérangée. Hannah ne l'était pas et à dire vrai, elle n'aurait sans doute pas accepté des fleurs de sa part. C'était tellement cliché et impersonnel, non, il allait lui offrir quelque chose de bien plus précieux et ils seraient quitte tout simplement. "Mais vous pouvez peut être vous racheter..." commença lentement la brune de nouveau joueuse. Son visage si expressif sur scène l'était encore une fois pour Jamie et il était difficile même maintenant de savoir si elle jouait la comédie ou si elle était sincère, c'était lui le seul juge de sa performance encore une fois. "Si vous promettez de me consacrer votre soirée et de ne pas me faire faux-bond... Je vous pardonnerai!" Hannah avait énoncé ses conditions avec un certain détachement alors qu'elle jouait avec les boutons de la veste de Jamie. Un geste enfantin pour refléter la nature de sa requête. Mais une requête néanmoins, Jamie lui avait déjà glissé entre les doigts une fois, son regard rivé sur une autre femme. Hannah, en très bonne joueuse, savait comment et quand se retirer. Comme elle l'avait dit à Joanne, elle avait rarement vu un homme regarder une femme avec autant d'intensité. Un simple regard pour comprendre ce que les deux représentaient l'un pour l'autre. Mais... Ce soir, pas de Joanne en vue, Jamie était venu seul et ils auraient sans doute la conversation qu'ils auraient du avoir ce soir là. Hannah avait hâte. Tellement hâte qu'une fois ses conditions exposées, elle dépassa l'homme pour s'élancer dans la nuit.
"... Vous venez?" demanda Hannah en s'arrêtant soudainement et se tournant vers Jamie. Il pouvait encore dire non et rentrer chez lui passer une nuit tranquille, pas besoin d'Hannah pour tout chambouler après tout. |
| | | | (#)Lun 6 Juil 2015 - 19:55 | |
| Je retiens un mouvement de recul, surpris par le pas qu'effectue Hannah en ma direction. Je garde rarement mes distances avec les personnes qui m'entourent, je n'ai pas d'espace vital à défendre bec et ongles, ma bulle prenant forme uniquement dans mon esprit quand cela est nécessaire. Le reste du temps, ma nature tactile me pousse, de moi-même, à m'approcher de mes interlocuteurs, toucher leur bras, leur épaule. Je ne suis pas avare en accolades, en bises. Alors je ne m'explique pas cet élan que je refrène. Quoi qu'il en soit, je ne bouge pas, et laisse la jeune femme réduire l'espace entre nous, s'incruster sans gêne dans mon espace. M'inclure sans hésitation dans le sien. Sa moue boudeuse trahit des paroles qu'elle ne pense pas. Je souris, amusé, et hausse les épaules. « Déçu ? Non. Ca me poussera à revenir, encore et encore, jusqu'à assister à votre meilleure performance. » je réponds, faussement enjôleur. Je ne doute pas qu'une actrice avec un tel caractère aime jouer en permanence, passant d'un rôle à l'autre avec une extrême facilité, la rendant aussi versatile que mystérieuse. Intrigante. Pour ma part, je ne me suis jamais caché d'apprécier faire jouer les quelques talents de comédien que m'ont fait acquérir toutes les années passées à être quelqu'un d'autre, à enfiler tous les matins la peau de mon frère par dessus la mienne pour le faire subsister quinze années après sa mort. Tous les mécanismes mis en place afin de jouer ce rôle avec autant d'assiduité que possible sautent facilement à mes yeux. Et rendent insupportables toute fausseté de la part de mes interlocuteurs. Malheureusement, les masques tombent rarement. « Je suis sûr que vous recevez largement assez de fleurs pour ne pas remarquer l'absence d'un malheureux bouquet. » j'ajoute, sans douter qu'Hannah puisse crouler sous les admirateurs, les fleurs, les lettres d'amour anonymes. Les hommes qui, comme moi, se postent à la porte de l'entrée des artistes pour la voir, la féliciter, et, certainement, tenter de lui faire des avances. Au fond, l'absence de bouquet prouve bien que mes intentions sont autres. Hannah, malicieuse, propose que je me rachète de cet oubli. Je souris en coin, un sourcil arqué, curieux de savoir comment. « Je vous écoute. » Mon regard ne lâche pas le sien, essayant de faire abstraction de ses mains jouant avec les boutons de ma veste. Cette proximité qui, étrangement, est aussi étrange qu'agréable. J'ai beau tenter de ne pas me laisser décontenancer, comme lors du gala, la jeune femme me désarme facilement. Je suppose que tant que je ne l'aurais pas plus cerné, je n'aurais pas les armes pour me dresser face à autant de confiance en soi. Passer la soirée avec elle, c'est sa réclamation. Mon sourire s'élargit. « Vous venez de deviner le plan que j'avais en tête pour la soirée. » Nous avions beau parler pendant des dizaines et des dizaines de minutes au gala, le temps avait filé à toute vitesse, et au final je n'avais l'impression que d'avoir découvert une infime parcelle de la comédienne. Son père et leur relation très forte dont j'avais pu faire l'expérience, ses voyages, quelques uns de ses rôles. Parler théâtre m'absorbe rapidement. Depuis, ma curiosité frustrée à son sujet m'a pas cessée de me titiller, jusqu'à ce soir où j'ai pu trouver le temps de tenir ma promesse, la voir sur scène. Néanmoins, je ne comptais pas m'en tenir à quelques félicitations avant de repartir. Hannah n'attends pas plus longtemps et prends les devants. Je la rejoins en quelques foulées et me poste à sa droite pour l'accompagner. Je ne sais pas ce qu'elle a en tête -si elle a quoi que ce soit en tête. Pour le moment, nos pas ne mènent nulle part. « J'ai été surpris de ne pas voir votre père ce soir, j'avais cru comprendre qu'il viendrait. » Je vais rarement au théâtre seul, et sachant que M. Siedes serait là, je n'avais pas hésité. Mais finalement, il avait été retenu. Rien de grave, au final, j'aurais bien été incapable de lui adresser la moindre seconde d'attention pendant la pièce. « Vous avez de la chance d'avoir un tel fan. » j'ajoute, sans cacher mon envie. Pour ma part, je n'ose même pas imaginer l'enfer que me fera vivre mon géniteur lorsqu'il recevra la lettre envoyée depuis l'ambassade anglaise en Australie faisant officiellement part de mon souhait de ne pas être un pair héréditaire. Son dernier fils refusant le titre de Lord. L'orage est proche. Mon regard se baladant d'un bâtiment à l'autre, je repère l'entrée du parc. Spontanément, j'attrape le poignet d'Hannah pour l'attirer à l'intérieur. « Venez. La nuit est belle, ça serait dommage de nous enfermer dans un bar. » Je la mène jusqu'à un kiosque sur le point de fermer, demandant un thé pour moi et laissant la jeune femme de la boisson qu'elle souhaite se faire offrir. Cela fait, qu'importe la hauteur de ses talons, je la traîne dans l'herbe et m'assied là, arbitrairement, quelques mètres plus loin. « J'avoue que depuis le gala, la mystérieuse Hannah m'intrigue beaucoup. »
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| | | | (#)Mer 8 Juil 2015 - 19:25 | |
| Hannah avait-elle un nouvel admirateur? Elle en doutait très sincèrement, Jamie n'aurait pas d'autographe, ça c'était certain. Pourtant, la brune savait qu'elle allait laisser son emprunte sur lui. De quelle manière? Ça c'était la question mais s'il y avait bien quelque chose qu'Hannah avait retenu d'années d'aventures sans lendemain, c'était qu'il existait des dizaines de façons de toucher le coeur d'un homme. Ils étaient pour la plupart plus pragmatiques que la grande majorité des femmes et voyaient les choses d'une façon bien singulière. La femme qu'ils aimaient étaient toujours précieuses mais cela ne voulait pas dire qu'ils ne pouvaient pas avoir de liberté en dehors de leur couple. Ça, c'était pour les plus droit et les plus intègres. Hannah avait déjà eu quelques femmes à la dérive ou même quelques hommes mariés, elle avait déjà partagé les draps des gens qui se prétendaient être amoureux et elle n'avait rien dit. Cela ne la concernait pas, elle n'offrait que son corps, jamais son coeur. Ça, c'était pour la scène, c'était pour elle, c'était pour son père. La brune savait faire la part des choses et elle savait très bien jouer le rôle de la maîtresse, ne jouant pas sur la culpabilité ou même les faux-semblants. C'était la vie tout simplement et pourtant, ce n'était pas ça avec Jamie. Elle en était persuadée, rien qu'en le fixant, lui et son air troublé.
Elle aurait presque pu en rire, il n'avait jamais vu un femme comme lui ça c'était certain. Oh, au moins, songea Hannah, il ne se languirait pas de Joanne en sa compagnie, elle serait une très bonne distraction. Oui, une distraction, comme un programme télévisé ou comme ces cigarettes qu'Hannah affectionnait tant. Peut être qu'elle allait devenir son bâton personnel de nicotine et qu'elle allait se laisser brûler pour la beauté de la chose... Elle pouvait, vraiment. "Vous n'êtes certainement pas mon premier fan et pas le dernier non plus, j'en suis persuadée." déclara t-elle, Hannah haussa les épaules. Tellement sûre d'elle-même, pas une seule once de doute présente. Jamie lui demanda où était son père et la comédienne ne put s'empêcher de sourire car il avait remarqué. Ses mots n'étaient donc pas tombés dans l'oreille de sourd. Un très bon point pour lui. "Il a été retenu par le travail, un comble selon moi, mais pour l'instant la soirée ne s'annonce pas si mal." Non, Hannah n'était jamais généreuse quand elle devait donner des compliments à son tour. De toute façon, même si dans le fond elle avait beaucoup d'admiration et de respect pour Jamie, ce n'était pas elle de le dire de but en blanc. Et il ne l'avait pas encore mérité. Il surprit Hannah cependant en suggérant de ne pas aller dans un endroit un peu plus privé. La brune cacha son hésitation, parfaitement bien, et le sentiment fut remplacé par un sourire tandis qu'il s'emparait de son poignet. Elle le suivit, elle n'envisageait plus de passer sa soirée autrement mais il était bon de savoir un minimum désirée.
Du thé pour Jamie et une bouteille d'eau minérale pour elle et la nuit pour eux deux semblait-il. C'était un très bon compromis et s'ils se connaissaient un peu plus, Hannah lui aurait demandé de venir avec elle pour continuer de marcher dans Brisbane, tout au long de la nuit en se laissant bercer par son propre poids et par ses propre pas. C'était un très bon exercice qui permettait de ne pas réfléchir et de juste observer le monde aux alentours. Mais non, au lieu de cela, au de livrer cette étrange confession, Hannah marcha dans l'herbe pas du tout dérangée par son nouvel environnement. À ce stade, ses talons n'étaient qu'une extension de ses jambes tant elle y était habituée. Elle sourit encore face à son honnêteté et elle s'installa elle aussi dans l'herbe. Mais Hannah ne prêta pas attention à Jamie pendant quelques instants. Il était encore un invité dans son monde et il n'avait pas encore son attention complète. Hannah enleva donc rapidement ses talons et remonta sa robe qui lui paraissait soudainement trop longue jusqu'à ses genoux. Ses mains s'affairèrent alors vers son sac, elle avait demandé du feu à Jamie pour le provoquer elle en avait elle-même. Elle préférait les allumettes, c'était très précis mais elle aimait bien le son, l'odeur. La cigarette trouva un chemin entre ses lèvres, l'allumette craqua et la brune produisit un léger nuage de fumée. Enfin, elle se tourna vers Jamie.
"Eh bien pour nos prochaines rencontres vous devez savoir que je préfère largement la nuit, ne me donnez surtout pas rendez vous pour le déjeuner, j'ai vraiment une sainte horreur de ce genre de bêtises." Là, elle était un minimum sincère et une expression froide passa sur son visage avant qu'Hannah ne soit secouée d'un léger rire, rejetant légèrement la tête en arrière. "Vous êtes certain de vouloir parler de moi? Je suis flattée, croyez le bien ... Mais vous pourriez être surpris." Hannah avait conscience du regard des autres et comment ils la percevaient. Il était alors facile de devenir celle que tout le monde attendait. Au gala, elle était en train de jouer, bien évidemment, elle jouait pour son père la parfaite petite fille. Mais ce soir Jamie n'attendait rien semblait-il, la vérité pourrait peut être l'intriguer ou le surprendre. "Vous savez tout ce qu'il y a savoir sur ma relation avec mon père et certainement sur mon penchant pour la cigarette. Vous pouvez ajouter à cela mon penchant pour l'alcool et les bons romans. Dans cette ordre." Elle tira lentement sur sa cigarette avant d'ajouter: "Mais avec modération, je suis une gentille fille après tout..." Et très franchement, s'il avalait ce dernier mensonge, il ne méritait pas ce petit entretient. |
| | | | (#)Ven 10 Juil 2015 - 18:32 | |
| Ayant grandi dans l'opulence, j'ai gardé de ma vie à Londres un certain goût pour les belles choses, le majestueux, tout ce qui est « trop ». Trop cher, trop luxueux, trop grand. Je suis le premier à craquer pour un costume sur mesure de manière complètement compulsive. Je ne m'en cache pas vraiment. Et, paradoxalement, je n'ai jamais cessé d'aspirer à plus de simplicité. Je me souviens avoir montré mon lieu préféré de la capitale anglaise à Joanne, qui s'avère être un parc au bout de Camden Town, où j'avais l'habitude de déjeuner un bol d'une spécialité sud américaine provenant d'un modeste petit stand dans la rue multicolore. Ici, à Brisbane, j'aime la plage plus que n'importe quel autre endroit de la ville. Je suis tombé sous le charme de cette grande part de nature qui réside ici. Alors, malgré mon rang, malgré la renommée d'Hannah, nos fortunes respectives, il n'est pas étonnant de me voir proposer de s'installer, basiquement, dans l'herbe d'un parc, à la lumière des réverbères. Il est aussi question de pouvoir découvrir la jeune femme dans un autre environnement que celui où nous nous sommes rencontrés -et où elle semble être plus à l'aise que moi. Je trouve que le lieu d'une discussion influe irrémédiablement sur le ton de celle-ci. Un gala rempli de personnes aux masques invisibles, de coupes de champagne, dans un cadre noble, inspire immédiatement une attitude plus classieuse, parfois superficielle, calquée sur le monde aux alentours. Ici, j'espère réussir à pousser Hannah vers plus d'authenticité. Au moins autant que ce que l'endroit saura lui inspirer. La jeune femme craque une allumette et grille délicatement le bout de sa cigarette avant de prendre la parole, spécifiant pour l'avenir qu'elle est une parfaite noctambule. « Qu'est-ce qui vous dit qu'il y aura une prochaine rencontre ? » je demande avec un sourire joueur avant de porter mon thé à mes lèvres. Je me permets d'être taquin, de la provoquer un peu, sentant que je peux me le permettre. Elle, elle ne m'épargnerait pas. « Il en faut vraiment beaucoup pour me surprendre. » je lui réponds en haussant les épaules. Je m'avoue volontiers insensible face à beaucoup d'excentricités qui peuvent choquer le commun des mortels. Pas par indifférence, mais plutôt par lassitude. A force de voir tout le monde avoir la volonté de se démarquer, d'être plus intéressant que son voisin, ces personnes cherchant d'originalité de fondent dans le décor et disparaissent dans la masse de ceux qui cherchent à attirer l'attention, et deviennent d'un ennui terrible. J'ajoute, afin de traduire ma pensée ; « En général, plus les gens s'annoncent comme des personnes surprenantes, moins elles le sont. » D'ailleurs, s'annoncer comme tel d'entrée de jeu est le meilleur moyen de casser tout effet de surprise, puisque désormais je m'attends à tout -et donc, à rien. « Et puis, il n'y a rien à dire à mon sujet, je préfère parler de vous. » Mon sourire ne me quitte pas, à la fois sincère et légèrement mutin. J'écoute Hannah faire un résumé aussi incomplet qu'imprécis de sa personne, lapant de temps à autre une gorgée de thé, l'observant tirer sur sa cigarette avec nonchalance. A ce stade, nous n'avons strictement rien en commun. La cigarette, l'alcool. Encore moins les bons rapports familiaux. Même nos caractères semblent s'opposer en de nombreux points. C'est peut être ce qui m'attire le plus vers elle. « Une gentille fille, hm ? » J'arque un sourcil. « Et c'est tout ? Hannah se résume à une fille à papa qui sait lire, fumer et boire ? » |
| | | | (#)Sam 11 Juil 2015 - 16:23 | |
| Hannah ne jouait pas les intéressantes, non, c'était le genre de rôle qu'elle n'assumait pas très bien. Elle était dans son monde et elle laissait les gens choisir. S'ils voulaient franchir la barrière et tenter de la comprendre ou pas. Il y en avait beaucoup qui abandonnaient ou bout de la première tentative, ou qui venaient simplement prendre ce dont ils avaient besoin et qui repartaient. Hannah n'avait pas d'autre trésor à garder à part elle-même, aussi, au fil des années, elle était devenue de plus en plus attentive et encore plus mystérieuse et secrète. La vraie Hannah faisait des apparitions très brève dans la pièce de théâtre qu'était la vie de Miss Siede. Elle fixait Jamie, se demandant pensive, ce qu'un rapprochement entre eux pouvait lui apporter. Sûrement rien, c'était cela qui était rafraichissant dans un sens. Enfin quelque chose de pur dans ce monde de faux semblants. Peut être qu'Hannah avait besoin d'une pause après trente ans. Avoir au moins une personne sur qui elle pouvait compter en dehors de son père, c'était une terrible pensée aussi, elle la chassa bien loin avant de lancer à Jamie: "Oh je ne devinais pas, je sais que nous allons nous revoir tout simplement." L'autre homme devait savoir qu'elle était joueuse aussi et qu'elle n'allait pas juste hocher la tête et se laisser se séduire. Non, en amour, comme amitié, comme affaire et même en matière de haine, c'était Hannah qui faisait la séduction et qui finissait par laisser tomber les gens. C'était elle qui décidait où et quand et c'était bien mieux ainsi. Elle ne pouvait pas vivre selon les règles de quelqu'un d'autre, ça ce n'était pas elle...
Jamie évitait les questions sur lui mais Hannah ne l'entendait pas de cette oreille, elle fronça les sourcils et le fixa tout en sortant un cendrier de poche de son sac pour écraser sa cigarette. La brune était toujours bien équipée. "Ne vous vendez pas comme quelqu'un qui n'est pas intéressant, je ne serai pas là ce soir si c'était réellement le cas. Vous l'êtes, j'en sais peu sur vous au final et ça m'intrigue d'autant plus." révéla Hannah en finissant par rager ses affaires dans son sac pour ouvrir sa bouteille d'eau. Son regard s'attarda sur Jamie et elle poursuivit "Je suis certaine qu'un rédacteur en chef comme vous doit avoir des tas d'anecdotes. Et vous semblez bien loin de votre pays natal vous aussi. Et puis vous avez les épaules larges, quelque chose me dit que vous n'êtes pas le genre d'hommes qu'on embête comme ça. Ou alors on risque de le regretter juste après. " Hannah faisait des suppositions et émettait ses hypothèses à voix haute, elle était douée pour analyser les gens autour d'elle. Elle lisait bien les visages car elle avait dû apprendre à contrôler le sien afin d'imiter n'importe quelle émotion. Jamie Keynes cachait bien son jeu mais Hannah sentait bien que même s'il avait grandi dans le luxe, au final, cet homme là pourrait être heureux s'il finissait sa vie dans une maison à la campagne avec sa promise. Une vie aussi simple que cela.
Le paradoxe était grand et Hannah voulait en savoir plus. "Vous n'êtes pas juste un homme qui fonce tête baissée, vous avez quelque chose de plus, amoureux d'art, de théâtre, des belles femmes..." Elle faisait référence à Joanne et elle adressa un clin d'oeil à Jamie. "Mais pardon, pardon, parlons de moi!" Elle eut un autre rire, d'autant plus joueur. "Ajoutez bonne actrice à la liste! " |
| | | | (#)Lun 13 Juil 2015 - 17:01 | |
| La jeune femme ne semble pas manquer d'estime d'elle-même. Il m'arrive de me penser parfois bourré d'ego, et pourtant, je suis bien forcé de constater que je suis loin d'être le pire de mon entourage. L'assurance d'Hannah me fait sourire. Elle n'est visiblement pas du genre à accepter la compagnie d'une personne qui ne lui semble pas méritante. Je suppose que je dois me sentir flatté d'être en mesure de l'intriguer. Mais l'habitude de côtoyer ce genre de personnalités exigeantes -car il y en a pléthore autant dans les domaines artistes qu'en politique, et tous défilent dans les studios d'ABC- les rend bien moins impressionnantes. Et puis, j'ai vu et connu trop de personnes utilisant cette méthode de filtrage du monde qui les entoure pour ne pas savoir qu'il s'agit d'un mécanisme de défense comme un autre. Je me contente de sourire à la jeune femme, terminant peu à peu mon thé en l'écoutant donner quelques uns des critères qui ont retenu son attention à mon sujet. Dans un coin de mon esprit, je note que le métier arrive en première position. Je devrais sûrement garder une marge de méfiance envers Hannah pour ce détail. Après tout, jusqu'à présent, rien ne me prouve qu'elle est n'est pas qu'une actrice cherchant à faire ami-ami avec un rédacteur en chef pour son propre profit. Qui n'aime pas les médias lorsqu'ils peuvent aider à se mettre en lumière ? Cela ne serait pas la première fois qu'on essayerait de me prendre pour le dernier des imbéciles. « Oh, j'ai l'air si terrible que ça ? » je demande en riant lorsqu'elle évoque la menace de ces larges épaules. Je m'efforce de ne plus être la personne que l'on craint pour son penchant pour la violence physique comme cela a été le cas ces dernières années. Retrouvant, comme on me l'a appris à Londres, la force des mots et de l'influence pour seules armes. Pour le moment, c'est une réussite. Ces deux outils m'ont permis de récupérer Joanne, puis d'avoir la démission du supérieur qui l'accompagnait au gala de l'autre soir. Avec le temps, je comprends pourquoi mes parents apprécient autant cette forme de pouvoir -et pourquoi ils en abusaient à longueur de temps. La tentation est énorme. Hannah me dépeint comme un amoureux d'art et de belles femmes. « Et de thé. » j'ajoute en terminant le mien avant de poser le gobelet dans l'herbe. J'hausse les épaules. « Voyez ? Vous savez déjà tout ce qu'il y a à savoir. » Dans les grandes lignes. Tout le reste est terriblement complexe, et si mon passé est nécessaire pour me comprendre et espérer me cerner, j'estime qu'en connaître la trame est une chose qui se mérite. Raison pour laquelle mon cercle d'amis est des plus restreints, et le nombre de personnes pouvant se vanter de me connaître, encore plus. D'ailleurs, même moi je n'en fais pas partie. Cette pensée me fait soupirer. Soudainement moins joueur « Et est-ce que vous comptez me faire perdre mon temps à discuter avec l'un de vos personnages ? » je demande en captant le regard d'Hannah. « Parce que je sors de trois heures de théâtre, ça me suffit pour ce soir. » C'est assez étrange pour moi d'être face à une personne qui a délibérément choisi de passer d'un masque à l'autre. Pour ma part, je n'ai pas eu le choix -je ne me le suis pas laissé- et j'ai passé quinze ans à jouer un rôle. Maintenant que j'en suis débarrassé, je me bats tous les jours pour avoir le droit d'être moi-même et empêcher qui que ce soit d'en décider autrement. Je me demande si Hannah serait en mesure de comprendre cette période de ma vie, cette dizaine d'années pendant lesquelles j'ai disparu au profit de quelqu'un d'autre. Ou si elle, comme moi à l'époque, me jugera simplement bon à enfermer. « Vous ne vous fatiguez jamais, à jouer des rôles ? » |
| | | | (#)Mer 15 Juil 2015 - 23:10 | |
| Tout savoir? Absolument pas. Hannah ne savait rien de Jamie et il ne savait rien d’elle mais elle ne releva pas se disant qu’il n’était pas encore prêt. Pas encore prêt pour les confidences et pour les secrets. Il était tôt dans le fond alors autant se cacher derrière des faux semblants et des élans de politesse. C’était frustrant mais c’était ainsi que le monde marchait. Oui, Hannah ne pouvait pas juste passer ses mains dans les cheveux de cet homme-là et lui demander de quoi il était fait réellement. Qu’est-ce qui le faisait véritablement bouger, qu’est-ce qui pouvait vraiment le faire hurler, pleurer, rire… C’était des questions tellement importantes et essentielles pour Hannah, c’était ainsi qu’on pouvait vraiment apprendre à connaitre quelqu’un et savoir si on avait envie de passer un peu plus de temps avec lui ou pas. Elle ne savait pas, Jamie était indéchiffrable pour le moment et cela était quelque peu agaçant. Hannah ne savait même pas pourquoi c’était si important pour elle dans le fond, était-ce les quelques compliments qu’il lui avait adressé en début de soirée? Non, ça devait être autre chose, ça remontait à plus loin. Peut être le fait qu’il parte avec Joanne ce soir-là et non avec elle. Ce n’était pas de la jalousie, non, Hannah n’avait plus vingt ans, elle n’avait plus rien à prouver, c’était très facile de voir qu’un homme n’était pas pour elle, Jamie ne l’était pas. Il n’aurait pas su comment l’aimer ou comment la tenir, elle en était certaine. Ça aurait été bancale et raté et juste… désastreux au possible. Et puis elle, elle l’aurait rendu triste, elle aurait continué d’aller voir ailleurs, de trouver un peu de bonheur dans les bras d’un autre ou d’une autre et cela l’aurait forcément rendu triste lui qui ne voulait qu’une femme qui était à lui et uniquement à lui.
Hannah pouvait voir tout ceci d’un simple regard et elle fixait encore Jamie qui passait du rire à la surprise, comme si cela n’était rien dans le fond. La brune tourna la tête à ses questions, soudainement ennuyée. Il ne pouvait pas s’y mettre lui aussi, d’abord Kelya et maintenant lui. Ce n’était pas juste un rôle, ce n’était pas juste des excuses, c’était une partie d’elle-même dans le fond, une toute partie d'elle qu’elle leur montrait et tant pis si cette part là était exubérante et arrogante au possible. Cela faisait parti d’elle. « Qui vous a dit que je jouais la comédie en ce moment? » Le ton était dur et cassant, toute l’ombre d’un sourire ayant disparu du visage d’Hannah. Elle se mordit la lèvre inférieure, stoppant le flot de paroles qui menaçait de lui échapper. Cela ne servait à rien d’être grossière, ce n’était que de sa faute à lui s’il ne comprenait pas vraiment où elle voulait en venir. Oui, elle voulait vraiment qu’il soit différent mais peut être qu’elle l’avait sur-estimé. Pour se distraire, Hannah fouilla dans son sac, elle avait besoin d’une cigarette, un autre cigarette, pourquoi est-ce qu’elle n’en avait qu’une seule par jour déjà? La brune poussa un soupir de frustration en refermant son sac, forcée de constater que Jamie était toujours là. « … Vous êtes un homme, vous êtes forcément impatient pas nature, vous pensez sans doute que vous allez tout obtenir juste parce que vous m’avez fait un sourire et que vous vous montrez un minimum galant. » Elle laissa retomber dans l’herbe la bouteille d’eau achetée par ses soins, pas de doute, Hannah aurait préféré avoir des fleurs là tout de suite. Histoire de se faire mal avec les épines et avoir une source de distraction. Elle n’en avait pas, il n’y avait qu’elle et Jamie. « Je joue depuis des années monsieur Keynes, depuis longtemps, trop longtemps, j’aimerais tellement vous m’expliquer à quel point il est facile de se perdre dans son propre esprit mais… » Mais elle ne voulait pas l’ennuyer comme il l’avait si bien fait et Hannah se mordit la lèvre, encore une fois, plus fort, préférant lever la tête pour observer le ciel étoilé.
Ça c’était une vision reposante, une vision pure et unique que personne ne pouvait toucher et que personne ne pouvait ruiner, c’était tout simplement impossible. « Je ne veux surtout pas vous faire perdre votre temps. » souffla enfin Hannah. Elle ne détourna pas son regard du ciel, trop perdue dans ses propres pensées. Qu’il reste ou qu’il parte, tant pis, s’il ne voulait pas la croire, c’était le problème de Jamie, pas le sien. |
| | | | (#)Ven 17 Juil 2015 - 17:28 | |
| La jeune femme se referme dans la seconde. Toute cette aura, forte et envahissante, semble se rétracter en elle-même comme pour ne plus se laisser ni entrevoir, ni atteindre. Elle tourne la tête, ennuyée. Soudainement particulièrement froide. Visiblement agacée. Je plisse les yeux, scrutant le profil qui est la seule chose qu'elle m'offre, son regard ayant disparu hors de ma vue. L'écoutant fulminer, je détourne le regard à mon tour et pote une main près de mon visage pour mordiller mon pouce, frustré par ses paroles. Et ne sachant pas vraiment quoi dire pour me faire pardonner. « Hannah… » je murmure, cherchant je ne sais quelle phrase toute faite qui puisse la stopper dans son flux de mots glacials. Mais mon intention reste suspendue dans l'air, inachevée, alors qu'Hannah reprend de plus belle. Je retiens un soupir, coupable, et passe mes dents sur mes lèvres, continuant de cogiter. Je sais bien que je suis on ne peut plus maladroit lorsque j'essaye de m'approcher de quelqu'un. Ce qui est déjà une chose rare en soi. Je suis plus occupé à jouer les huîtres, cloîtré dans une épaisse coquille qui ne se devine que lorsqu'on y regarde de plus près. J'ai toujours laissé entrevoir une petite partie de qui je suis, comme pour donner un avant goût, exposant quelques qualités et défauts dans une vitrine invisible, rendant tout le reste inatteignable. Je suppose que cela rend ma compagnie frustrante. Je laisse trop peu de gens approcher. Et même ceux qui en gagnent le droit se retrouve dans cette épaisse porte qui garde tout ce qu'il y a de plus important. Le problème, c'est que personne ne s'attache à une vitrine. Je ne le veux pas, d'ailleurs. De mon côté, je trouve trop d'intérêt pour les Hommes de manière générale que j'en oublie de me pencher sur les individus. J'attends qu'on vienne capter mon attention. Paradoxalement à tous ces mécanismes ne pouvant que renforcer un certain isolement, je ne supporte pas la solitude. Je ne sais pas s'il existe plus capricieux en matière de rapports humains que moi, au final. « Je suis désolé, je ne voulais pas vous vexer. » dis-je en toute sincérité, posant ma main sur celle d'Hannah. Même si elle ne m'adresse pas un regard, elle ne pourra pas ignorer ma présence par ce geste. J'ai toujours pensé que les contacts physique créent une connexion entre les interlocuteurs, permettant de passer les émotions d'un corps à l'autre avec moins de mots, un peu comme un circuit électrique. « Je suis terriblement mauvais pour me faire des amis, et… » Je n'ai eu que deux amis notables en plus de trente ans. Et une psy. C'est une bonne preuve de mon rejet de l'attachement facile. J'hausse les épaules, cherchant les mots. « Disons que je n'ai jamais vraiment cherché à en avoir jusqu'à présent. » Mais tout change, et moi en particulier. Tout le temps. Une entité en constante mutation. Un enfant cherchant encore qui il veut être quand il sera grand. J'ai repris toute mon évolution là où je l'avais laissée après la mort d'Oliver ; à l'état de mes quinze ans. Je reconstruis tout depuis le début, brique par brique. Et je fais des erreurs. Une montagne d'erreurs. Je me prends des baffes, je tombe, je me relève, je fais des erreurs de plus belle. C'est ainsi, lorsqu'il y a absolument tout à apprendre. « Je sais ce que c'est de se perdre dans son propre esprit. » dis-je en retirant ma main de la sienne. Je ne le sais vraiment que trop bien. Mon regard observe la jeune femme, attendant qu'elle daigne ou non tourner la tête vers moi et cesser de m'ignorer. Ou ne serais-ce que pardonner ma maladresse. |
| | | | (#)Mar 21 Juil 2015 - 17:05 | |
| Hannah pouvait être têtue, elle pouvait être bornée mais ce n’était pas son genre de ne pas écouter lorsqu’on semblait avoir besoin d’elle. Elle prit une profonde inspiration et écouter Jamie se confier lui aussi. Ils étaient pareils dans le fond, c’était sans doute pour cette raison que leurs chemins ne pouvaient que se croiser. Ils étaient pareils, Hannah en était presque certaine et elle avait été contente de sentir la paume de Jamie contre la sienne. Presque comme s’ils avaient déjà fait un bout de chemin ensemble en fait, seulement deux rencontres mais c’était peut être des années et des années de conversations qui venaient d’être gagnées. Oui, la comédienne en était certaine, Jamie la comprendrait un minimum, il ne froncerait pas inutilement les sourcils et elle pourrait sans doute le laisser rentrer dans son monde. Pas forcément celui où absolument tout brillait, non, il faisait déjà parti de cet univers là, non, l’autre partie un peu plus paisible, où il n’y avait qu’elle et ses romans et ses doutes et ses véritables souries. Un endroit très privé un somme, et rare étaient les personnes qui y avait accès. Hannah pouvait dire avec certitude qu’elle n’avait jamais eu ce degré d’intimité avec son père, c’était certain, c’était beaucoup trop privé et lorsque la brune cessa enfin de contempler les étoiles pour porter son attention pour Jamie, il y avait un fin sourire sur son visage.« Là je sais que vous êtes vraiment honnête… » dit-elle enfin, redescendant sur terre. Elle n’allait pas vivre toute sa vie dans les nuages pas vrai? Hannah aurait pu, sans aucun soucis, sans la compagnie de personne, cela l’aurait bien réconforté. Mais Jamie était là et il était sincère alors oui, Hannah n’allait pas lui claquer la porte en pleine figure et lui mentir. Il méritait quand même plus que les autres aussi elle prit une profonde inspiration avant d’avouer:
« Je n’ai pas beaucoup d’amis, très peu même, je crois que personne ne peut supporter mon caractère. Je suis terrible, je le sais croyez moi. » Les derniers mots auraient pu la faire sourire, Hannah avait parfaitement conscience de son caractère, rien n’était laissé au hasard chez la comédienne, tout était absolument très travaillé et très bien soigné… Tout, absolument tout. De ses sautes d’humeur aux cigarettes qu’elle fumait très sporadiquement, tout. C’était une vie à petite dose pour ne pas s’éteindre. Parce qu’elle se savait capable du pire et capable de tout, capable de trop aimer et de ne pas être en mesure de laisser tomber. Et ça l’effrayait dans le fond de ne rencontrer qu’un mur quand elle était capable elle de tout donner, sans aucune limite, sans vraiment savoir où était la limite entre ce qui était bien et ce qui était mal. « Mais il faut bien que je me protège non? » dit Hannah en appuyant son menton contre son épaule. Elle songea un instant à poser sa main sur celle de Jamie mais elle réfréna son envie se disant qu’il était encore trop tôt pour le faire. Au lieu de quoi, elle lissa les pans de sa robe, cherchant des sujets de conversations neutres. Pas de doute qu’elle avait des tas d’histoires futiles à raconter mais ce n’était pas vraiment ce que voulait Jamie. C’était un exercice difficile pour elle qui n’avait pas vraiment été sincère en face d’un parfait inconnu depuis longtemps. Car oui, Jamie était encore cela dans le fond, un étranger, quelqu’un qu’elle ne connaissait qu’en surface. « J’adore ma vie, j’adore mon art mais… se plonger dans la tête de quelqu’un d’autre, penser comme cette personne, respirer comme lui et bouger comme lui, c’est épuisant. » confia l’actrice. C’était la première fois qu’elle prononçait ces mots-là à voix haute, ce n’était pas juste de la fatigue physique, c’était aussi moral, il fallait qu’elle se fonde dans la peau de quelqu’un d’autre complètement. S’approprier une nouvelle identité était quelque chose de brutal, très brutal.
« Alors quand je sors de scène, j’ai bien peur qu’il ne reste plus rien. » souffla enfin Hannah. Elle était drôlement mélancolique… sans doute parce qu’elle était sobre. Oh pas de doute que la prochaine fois, elle trainerait Jamie pour boire un verre.« Mais pas de doute que j’aurais bien besoin d’un ami… » Hannah eut un éclat de rire. « Non mais regardez nous, quelle belle bande de bras cassés, on s’est très bien trouvé je crois… Peut être qu’on va finir les meilleurs amis du monde…Enfin pour ça, un seul moyen de le savoir. » Hannah tapa dans ses mains, soudainement de bien meilleure humeur. Et oui, la brune passait des rires aux larmes et vice versa sans aucun soucis. « Dites moi quelque chose sur vous que personne ne sait et je dis bien personne, et j’en ferai de même. Ça peut être quelque chose d’anodin ou même gênant mais promis je ne dirai rien. Et je crois qu’on ferait bien de se tutoyer aussi. » |
| | | | (#)Sam 25 Juil 2015 - 19:30 | |
| Enfin, Hannah pose son regard sur moi, souriant de nouveau. Elle a raison ; pour une fois, je suis parfaitement honnête avec quelqu'un. Quelqu'un que je connais à peine. Et je me sens comme libéré d'un verrou supplémentaire. Un de ces innombrables verrous qui ont toujours bloqué tout ce que je suis dans un immense coffre métallique, au fond de la réserve, de l'autre côté de l'épaisse porte cachée par la vitrine. Les faire sauter prend des années. Depuis quelques mois, Joanne s'y attelle avec une incroyable patience et doit s'adapter à toutes les mutations qui vont avec chacun de ces déverrouillages. Je lui suis toujours terriblement reconnaissant d'avoir constamment l'esprit assez ouvert et souple pour me supporter dans toute ma complexité. Même si cela est loin d'être simple tous les jours. Je me demande si la jeune femme sur laquelle j'ai jeté mon dévolu afin qu'elle devienne mon amie, Hannah, pourrait faire preuve de la même sagesse. Pour le moment, c'est difficile à dire. Elle non plus n'a pas un grand nombre d'amis. « Vous ne m'avez pas l'air si terrible que ça. Seulement… farouche. » dis-je en haussant les épaules, comme si cela n'avait rien de grave, au contraire. Avoir un caractère fort, déterminé et indépendant n'a rien d'une maladie. Elle tripote sa robe, cherche ses mots, avant d'évoquer sa vie d'actrice et le caractère épuisant de celui-ci. Sa peur de disparaître quand le rideau se baisse, de ne jamais se retrouver. Autant de sentiments que je connais par coeur et me la font regarder avec compassion. Très vite, et de manière assez déconcertante, Hannah retrouve le sourire. Une belle bande de bras cassés, c'est bien vrai. L'idée me fait rire. Et si tous nos points communs nous destinaient à être amis ? J'ai envie de le croire. Je sens quelque chose m'attirant irrémédiablement vers cette belle brune, et je résiste rarement à ce genre d'instincts, préférant les suivre et chercher à comprendre ce qui se cache derrière l'intuition qu'elle fera partie de ma bulle un jour. « Quelque chose que personne ne sait… » je répète en murmurant, réfléchissant. Je n'ai pas une montagne de secrets ; mon enfance médiatisée m'a fait abandonner l'idée d'en avoir depuis longtemps. En fait, il n'y en a que deux. Le premier concernant mon aventure avec Kelya ne convient malheureusement pas à la demande d'Hannah, puisque quelques personnes sont déjà au courant de ceci, dont Joanne et Madison. « Je crois qu'il n'y a qu'une seule chose, et elle est très loin d'être joyeuse. Je ne pense pas que je… » Le regard de la jeune femme est inquisiteur et refuse de me laisser m'échapper derrière une pirouette dont j'ai l'habitude. C'est bien le but de l'exercice : être parfaitement honnête. « Bon, très bien. » Je mords ma lèvre inférieure. Faire factuel. C'est le seul moyen que je connais pour évoquer tout ceci sans finir complètement détruit à la fin du récit. Je mets une distance entre les événements et mes émotions ; ainsi ma voix ne tremble pas, et j'articule les mots sans trop de peine. « Quelques personnes savent pour mon frère, Oliver. Il s'est suicidé très jeune après des années passées à noyer la pression familiale dans l'alcool et s'évader dans toutes les drogues qui lui passaient sous la main. » L'histoire triste d'un garçon triste parti trop tôt. Mon frère, mon monde, mon tout. Je soupire, glissant les émotions qui viennent serrer mon coeur dans l'air que j'expire. « Un cercle de personnes un peu plus restreint sait qu'après sa mort, j'ai été obligé de jouer son rôle. Je n'avais plus le droit d'être Jamie, le mauvais fils turbulent. J'ai renié tout ce que j'étais, je me suis complètement effacé, et puis je suis devenu Oliver. A partir de mes quinze ans, j'étais quelqu'un d'autre. » Je crois que personne ne comprends vraiment ce que je veux dire par là quand j'en parle. Ou plutôt, qu'ils ne s'autorisent pas à y réfléchir, à gratter, à deviner ce qu'il se cache derrière ceci. Et je ne les y incite pas. Je garde le bizarre et le malsain pour moi. Maintenant, je le partage avec Hannah. « Ce que personne ne sait, c'est que pendant toutes ces années, je n'étais pas seulement en train de montrer une façade ressemblant à mon frère pour faire plaisir à mes parents. » Ce qui est le petit scénario dont le monde se contente. Je souffle à nouveau, baisse mon regard sur l'herbe qui plie sous le vent. « J'avais l'impression d'être une marionnette pour un mort. Il utilisait mes bras et mes jambes, et moi, j'étais spectateur. J'entendais littéralement sa voix dans ma tête me dire absolument tout ce que je devais faire, dire et penser. Je me suis complètement perdu. Je n'existais plus. J'étais lui. » C'est assez dingue qu'en quinze ans de thérapie, même Kelya n'ait jamais su cela. Mais sa présence avait réussi à me forcer à me battre juste assez pour me souvenir qui j'étais, et ne pas devenir complètement fou. Il n'y avait qu'en sa présence, dans ses bras, une heure une fois par semaine, que je bâillonnais Oliver pour exister un temps soit peu. « J'ai complètement occulté son décès. Pendant quinze ans, j'ai refusé d'admettre son suicide. Et dès que quelqu'un me parlait de lui comme d'un défunt, quand on essayait de me faire avouer qu'il n'était plus là, je pouvais me retrouver cloué au lit pendant des jours avec une énorme migraine parce que mon corps entier et mon esprit rejetaient cette réalité. » Ce qu'il reste de tout ceci, ce sont quelques maux de crâne lorsque je dois entrer dans un hôpital. « Je ne sais même plus ce qui a créé le déclic qui a fait que tout s'est arrêté. La fatigue, je crois. J'étais épuisé par tout ça. » Quinze ans à respirer comme quelqu'un d'autre, c'est étouffant. Au final, les années passaient, m'éreintaient, et j'avais simplement été incapable de me réveiller en tant qu'Oliver un matin. Le même jour où j'ai décidé de partir. « Je suis venu en Australie il y a quatre maintenant pour gagner le droit d'être moi-même. » Mais concernant Oliver, je n'ai pleinement accepté sa mort qu'il y a quelques mois, lors de cette semaine passée en Angleterre avec Joanne. Notre détour par le cimetière, pour enfin lui dire un adieu que je n'avais jamais prononcé. « Je n'en parle jamais parce qu'il est assez évident que personne ne veut d'un cinglé pareil dans son entourage. Je n'ai jamais donné tous ces détails à Joanne, d'ailleurs. » Mais elle semble s'en douter un peu plus que toutes les autres personnes avec qui j'ai évoqué ces années à vivre comme quelqu'un d'autre. Je n'en sais rien, à vrai dire. C'est un sujet que nous n'avons vraiment évoqué qu'une seule fois. « Voilà. Si tu ne décides pas de partir en courant, je crois que c'est à ton tour de me dire quelque chose que personne ne sait. »
- Spoiler:
vraiment désolé pour l'attente...
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| | | | (#)Dim 26 Juil 2015 - 14:45 | |
| Hannah voulait tout entendre. Tout savoir sur lui. Elle ne savait pas vraiment comment les amitiés se formaient en d’autres circonstances. Elle s’en moquait, ils n’étaient pas normaux, ainsi donc, les règles ne s’appliquaient pas à eux. Aussi elle attendit, son regard braqué sur Jamie, voyant quel genre de secret il pouvait lui livrer. Oui, elle voulait savoir de quoi était fait Jamie. Et elle ne fut pas déçue. Hannah l’écouta parler d’Oliver, des années de mensonges et de sa libération. Elle avait l’impression de s’entendre, il décrivait tout ce qu’elle ressentait quand elle était sur scène. Jamie avait tout renié, vécu pour son frère, le rendant tellement réel que forcément, il devait exister, il ne pouvait pas être mort, c’était une contradiction, un paradoxe car sa mort impliquait automatiquement celle de Jamie et cela ne pouvait pas être ainsi pas vrai. Hannah pouvait comprendre, tout comprendre dans ce récit qui était bien plus vrai que n’importe quel roman qu’elle dévorait toujours dans sa grande bibliothèque. Elle ne tint plus en place et elle se mit à genoux, portant une main sur le front de Jamie, puis une autre sur sa joue, les mots coincés dans sa gorge. Elle avait envie de lui dire qu’il avait le droit, il avait gagné son droit d’exister, de rire, de pleurer, d’être heureux avec Joanne et de construire une vie dont Oliver aurait été jaloux dans le fond. Mais elle ne dit rien de tout ceci et les mains d’Hannah finirent pas s’écarter du visage de Jamie..
« Partir en courant? Je crois que tu me sous estimes vraiment. » Commenta Hannah en se rasseyant enfin. « C’est … admirable. Tu es un bien meilleur acteur que moi dans le fond et je me doute que cela n’a pas du être facile tous les jours. » Elle était sincère, ce n’était pas juste des mots pour rassurer Jamie non, ce n’était pas le genre d’Hannah de réconforter les gens, elle montrait son admiration à cet instant précis.« Ce qui est remarquable c’est que tu arrives encore à tenir debout et que tu as eu la volonté de t’en sortir Jamie. Tu es un battant et ça se voit en toi et je crois que c’est bien pour ça que tu fascines autant de personne… Moi la première, mais ça, tu devais déjà le savoir. » Hannah n’avait pas la même force de caractère. Elle se relevait, après avoir quitté la scène, mais elle ne menait pas une vie aussi honorable que la sienne. Peut être dans quelques années, quand elle aurait enfin trouver sa voix, la sienne et pas des lignées couchées sur du papier qu’on lui donnait à réciter pour qu’elle donne la vie à quelqu’un d’autre. Hannah lâcha un léger rire à cette ironie, oh s’il savait vraiment… Mais Jamie lui avait retourné la question, c’était à son tour d’être honnête à présent. « Mon père et moi nous partageons tout comme tu le sais, mais il n’est pas au courant de ça alors oui je suis honnête. » commença lentement Hannah. Elle marqua une pause, il n’y avait pas vraiment de bonne façon de le dire, alors autant commencer par le début.
« Quand j’avais vingt trois ans, j’ai eu un accident de cheval, rien de très grave, au final, ni pour moi, ni pour l’animal. Mais j’ai quand même fini à l’hôpital et j’ai du rester plusieurs jours de suite dans le service médical. » Hannah se souvenait de tout et avec une précision folle, son numéro de chambre à l’hôpital, l’affreux uniforme médical qu’on lui avait fait enfilé, l’odeur immonde de l’alcool. Et cette question qui revenait sans cesse: pourquoi est-ce qu’on ne me laisse pas pas partir je vais bien. « Je ne comprenais pas vraiment, je veux dire, j’avais juste quelques points de sutures mal placés. J’ai même interdit à mon père de venir me voir. » Elle esquissa un léger sourire. Nathan avait été furieux d’apprendre que sa petite princesse était à l’hôpital, il avait menacé de faire abattre l’animal ainsi que son professeur d’équitation. Mais Hannah avait réussi à la calmer depuis son lit d’hôpital, changeant les pensées de son père et le forçant à se concentrer sur sa prochaine affaire. « Au bout d’une semaine, j’ai eu la réponse. Les médecins sont venus me voir, ils avaient quelques tests supplémentaires et … » Et la sentence était tombée. Hannah n’avait pas compris tous les termes médicaux, on avait évoqué une malformation, un taux d’hormone trop bas et des choses qu’elle avait fini par comprendre un peu plus tard en effectuant ses propres recherches. « Je ne peux pas voir d’enfants, Jamie. » C’était la première fois qu’Hannah le disait à voix haute. Les médecins de l’époque lui avaient proposé de faire de la thérapie, pour se remettre du choc mais Hannah avait haussé les épaules et avait demandé à sortir de cet hôpital. Une thérapie pourquoi? Avoir des enfants ne faisait pas parti de ses plans à l’époque, sept ans plus tard, elle en était toujours au même point. « Je ne rentrerai pas dans les détails de pourquoi du comment mon corps ne peut pas mais c’est comme ça. Je ne peux juste pas donner la vie, c’est impossible. Et je ne sais pas si ça me rend triste ou joyeuse, je ne me suis toujours pas posée pour y penser à dire vrai, c’est juste quelque chose qui m’a été arraché, comme ça. » Dramatique au possible, Hannah claqua des doigts pour illustrer son propos.
Tout le problème résidait là. Elle ne savait même pas si elle voulait des enfants, elle n’avait pas eu le temps de songer à combien, au sexe de ses enfants ou qu’elle genre de mère elle voudrait être, non, la possibilité avait disparu aussi soudainement qu’elle était arrivée. « Alors oui, je sais qu’il y a d’autres moyens l’adoption tout ça mais ce n’est pas pareil. » Enfin pour elle, ce n’était pas pareil, il était plus facile de se dire qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfants plutôt que d’espérer rêver. « Voilà, tu sais maintenant. » Elle reporta enfin son attention sur Jamie. « Et pas de pitié s’il te plait, je ne suis pas cette pauvre Hannah, je suis juste Hannah et tu es juste Jamie. Rien de plus, rien de moins.» |
| | | | (#)Mer 29 Juil 2015 - 16:15 | |
| Quelque part, je me doutais qu'Hannah ne partirait pas. Pas après avoir eu tout ce qu'elle voulait. Un récit qu'elle semblait être la seule à pouvoir parfaitement comprendre, à mes yeux. C'est peut-être réducteur de penser que seule une actrice aussi investie dans ses rôles peut être en mesure de voir tout ce qui se cache derrière cette histoire, ces années passées à jouer la comédie. Mais c'est à elle que j'ai décidé d'en parler en premier. La seconde précédente, nous nous connaissions à peine. Maintenant, elle sait tout. Je sens un poids en moins peser sur mon coeur, mes épaules plus légères de ce secret que j'ai toujours été complètement seul à porter. La jeune femme pose ses mains sur mon visage un instant, et nous restions silencieux. Au bout de quelques secondes, je ferme les yeux et souris. Sa paume contre ma joue a quelque chose de réconfortant. Lorsqu'elle se rassied, mon regard retrouve le sien. Je reste parfaitement muet, armé d'un simple rictus reconnaissant au coin des lèvres, pendant qu'elle revoit son estime pour moi grandement à la hausse. De toute manière, je ne vois pas quoi répondre à l'avalanche de compliments qui s'abat sur moi. Je ne me vois pas lui confirmer que ces années ont été difficiles, que j'étais plus d'une fois persuadé que Jamie n'arriverait pas à refaire surface, que j'allais tout simplement disparaître corps et âme dans une vie qui ne n'aurait jamais été la mienne. Je ne vais pas souligner le combat que c'est de devoir se construire aujourd'hui, tout recommencer à zéro, découvrir ce que c'est d'avoir le droit d'exister. Je pense qu'elle le voit bien, et que cela suffit amplement. Hannah avoue que je la fascine -ce que je suis censé savoir. Flatté, mes dents passent furtivement sur ma lèvre. « Eh bien, maintenant je le sais. » dis-je en haussant légèrement les épaules. Vient son tour de me livrer un secret. De la part de la jeune femme, je ne sais absolument pas à quoi m'attendre. Du tragique, du grotesque. Je ne sais pas, et j'avoue être curieux et impatient de savoir dans quel fer est forgé Hannah. C'est aussi excitant de savoir que même son père, malgré leur relation fusionnelle, en saura un peu moins que moi au sujet de sa propre fille. Elle me raconte donc cette hospitalisation après un accident de cheval, et cette nouvelle lâchée au bout d'une semaine d'attente. Ainsi, Hannah n'est pas en mesure d'avoir des enfants. Je ne peux pas m'empêcher de penser à Joanne, à son souhait si grand d'avoir une famille un jour, et cette maladie qui l'en a toujours empêché jusqu'à présent. Rien ne dit que la belle blonde verra son rêve se réaliser un jour. Pas de la manière dont elle le souhaite. A ce sujet, je me considère comme un simple homme. Je n'ai pu entrevoir la peine que cela peut causer de ne pas pouvoir avoir d'enfant que lorsque Joanne m'a avoué son avortement de cet embryon qui n'était pas viable, et qui aurait du être notre enfant. Hannah, elle, ne s'était jamais penchée sur la question lorsqu'elle a appris cette nouvelle. Je suppose que ce n'est pas plus mal. Après tout, un espoir brisé me semble bien plus cruel qu'un espoir tué dans l'oeuf. Je souris lorsqu'elle me demande de ne pas lui montrer de pitié. Ce n'était sûrement pas dans mes intentions. « J'ai toujours détesté les gens désolés, qui s'adressent à toi avec un regard trop compassionnel. » dis-je pour lui faire comprendre que je ne suis pas de ceux-là. J'appuie mes paumes dans l'herbe, afin de me pencher un peu en arrière. Mon regard se pose un instant sur le ciel. « Je n'ai jamais compris l'intérêt d'être « désolé » à propos d'une chose sur laquelle personne n'a d'emprise. Mon frère, ta stérilité. » Demander pardon pour une faute qui a été commise, oui. Mais cet éternel « je suis désolé » que le monde articule par automatisme face à ce genre d'histoires m'a toujours rendu malade. « Je suis désolé », disaient-ils à l'enterrement d'Oliver, alors que personne n'avait cherché à l'aider ; ils étaient désolés, maintenant qu'il n'y avait plus rien à faire. « Ils se sentent coupables de ne rien savoir dire, de ne pas savoir quoi faire. Mais ils ne sont pas désolés. Ils cherchent seulement à se défausser de leur sentiment de culpabilité. Si tu leur pardonne leur incapacité à faire quoi que ce soit pour toi, alors ils se sentent mieux, et tout va bien à nouveau. » Trois mots les plus égoïstes qui soient à mes yeux. « Alors qu'il n'y a rien à dire. Rien à faire. Des centaines de regards plein de pitié ne me rendront pas mon frère, et ne te permettront pas d'avoir des enfants. » Alors ils n'ont pas la moindre utilité. Mon regard se pose de nouveau sur Hannah. « Je pense qu'on peut être très heureux sans enfants. Jusqu'à il y a peu de temps, j'étais moi-même persuadé que je n'en aurais jamais, et ça semblait parfaitement me convenir. » A vrai dire, j'avais un jour décidé qu'il était hors de question que je fasse un jour pulluler plus de Keynes sur la planète, et que c'était la seule chose à faire. Je n'ai jamais remis cette idée en question. Jusqu'à ce que la paternité me frôle. Mon sourit s'élargit petit à petit alors qu'une pensée absurde me traverse l'esprit, jusqu'à ce qu'un petit rire ne m'échappe et que je me décide à la partager ; « Je suppose qu'après tout ça, tout ce qu'il nous reste à faire c'est partager une cuite et prendre un bain de minuit complètement nus, ainsi nous n'aurons définitivement plus aucun secret l'un pour l'autre. » Finalement, je me relève, ôte quelques brins d'herbe de mon pantalon, puis tend une main à Hannah afin qu'elle se remette sur ses jambes à son tour. « Marchons un peu. A ton tour de m'emmener où tu veux. » |
| | | | (#)Ven 31 Juil 2015 - 23:36 | |
| Hannah se sentait libérée dans un poids dans un sens. Quelqu’un d’autre savait. Ce n’était plus son petit secret, plus quelque chose qu’elle devait porter sur ses épaules en attendant le bon moment pour pouvoir en parler. La brune n’en parlait pas, elle discutait de possibles enfants avec tout le monde comme si cela pouvait lui arriver. Son talent d’actrice reprenait toujours le dessus et Hannah arrivait à trouver la bonne émotion et arrivait à donner le change sans aucun problème. C’était toujours ça avec elle, donner le changer, offrir aux gens une version d’Hannah dans laquelle ils voudraient bien croire et investir en quelque sorte. Elle le faisait avec son père, sur la scène, avec ses amants d’un soir mais … Pas avec Jamie. Elle regarda le vide elle aussi, songeuse alors qu’il reprenait la parole. Non, pas d’excuse ni de faux semblant entre eux, c’était reposant dans un sens de se dire qu’elle ne lui devait rien du tout en fait. La brune avait choisi de dire la vérité de son plein gré tout comme lui d’ailleurs, il aurait pu refuser la requête, l’actrice ne lui en aurait pas voulu. Après tout, ce n’était pas très intéressant si elle devait littéralement lui soutirer toutes les informations. Non, elle ne voulait pas que Jamie se force ou quelque chose d’autre, s’il choisissait d’être à ses cotés pour certains soirs, pour quelques heures, cela lui suffisait du moment qu’il était honnête. Hannah n’allait jamais rien demander de plus, elle savait se contenter de peu, oui, il devait forcément le savoir, il ne lui en fallait pas beaucoup pour rêver ou meme pour s’envoler.
Elle lâcha un rire alors que Jamie changeait de ton, soudainement plus léger. Elle lui lança un regard joueur à son tour. « Tu sais que maintenant que tu l’as dit ça va forcément devoir arriver hmm? » Et très franchement, se retint d’ajouter Hannah, si une telle occasion devait se présenter, elle ne serait pas vraiment désolée… S’ils devaient être amis, soit, elle acceptait mais elle n’allait pas prétendre que Jamie était désagréable à regarder alors que c’était tout le contraire. Oh dans une autre vie, peut être qu’ils auraient fait un très beau couple. Mais si Hannah savait être rêveuse, elle savait également vivre dans le présent. « Ou alors c’est juste une excuse pour me voir dans le plus simple appareil, hmm Keynes? Promis je ne le dirai pas à Joanne. » La brune gratifia Jamie d’un clin d’oeil avant de prendre sa main pour se redresser. Elle vérifia elle aussi qu’elle n’avait pas abimé sa robe, bien que dans le fond ce n’était qu’une robe qu’elle pouvait facilement remplacer. Hannah se pencha enfin pour récupérer ses chaussures dans l’herbe, elle ne les remit pas à ses pieds néanmoins, tant pis si elle perdait quatorze centimètres de plus, elle n’avait pas vraiment besoin de paraitre plus grande là tout de suite. Jamie lui laissait néanmoins le choix du reste de leur soirée. Un bar aurait été tentant, très tentant en vérité, surtout pour lui ne semblait pas avoir une aussi bonne descente qu’elle, une première pour un homme qui fréquentait Hannah.
La brune savait s’adapter et elle lança un bref: « Et tu m’as ôté toute envie de boire, allons donc nous promener. » avant de tirer Jamie encore une fois. « Cette ville est magnifique la nuit. » souffla Hannah, un nouveau sourire sur les lèvres. « C’est comme si… comme si on découvrait un autre univers, surtout à pied, il y a tout de suite beaucoup moins de monde, et que les gens intéressants. Je sais qu’il y a un joueur de guitare qui n’apparait qu’à une heure du matin précise dans le quartier sud et … on peut aller voir la plage artificielle, plus personne à cette heure ci et je connais le vigile et non, je ne dirai pas comment cette histoire implique de la tequila et des sous vêtements que je ne reverrai plus jamais mais… quoi qu’il en soit, tu ne risques pas de t’ennuyer. » déclara Hannah avec un grand sourire. Et oui, elle était pleine de ressources et surtout, il l’avait surprise au bon moment. La nuit, c’était son élément et là où beaucoup voulait retrouver leur lit et leur petit confort, Hannah ne faisait que commencer sa journée, elle pouvait s’enfiler un café et continuer la suite de sa soirée sans absolument aucun effort. « Donc je crois que tu vas décider parce qu’au final j’ai trop d’idées. » Car oui dans le fond la nuit ne faisait que commencer. - Spoiler:
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| | | | | | | | (jamie) — the night is still young |
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