« Notre monde à tous, que tu l'acceptes ou non. » Bien sûr qu'il tente de rationaliser Sebastian. Pour lui, tout semble normal. Il n'a connu que cela, ne sait jamais ouvert à autre chose. On impose un mariage et personne ne bronche. Violent retour en arrière de cinquante ans, mais une normalité effrayante au sein de la bourgeoisie londonienne. Lui il a accepté depuis si longtemps et il faut croire que bientôt, je deviendrais à mon tour un fantôme derrière mon père.

J'ai besoin de savoir pourquoi ce n'est pas Sebastian qui a été choisi pour épouser Virginia. Après tout, il est l'aîné de la famille. C'est à lui que revient en premier l'honneur d'amener une descendance au nom de famille, un mariage propre sur toute la ligne. C'est son rôle d'aîné. Il prend tellement de temps à me répondre que j'ai soudainement l'impression de voir notre père dans son reflet. Épuisé, je m'assois sur le rebord de la baignoire. À cette hauteur seul nos regards se croisent dans le miroir. « J'ai juré de n'accepter aucune offre d'emploi, de consacrer ma vie au label, d'être là où le travail le demande, de ne pas me laisser distraire. En échange, j'ai le droit de ne jamais me marier. » Un rire nerveux m'échappe, c'est plus fort que moi. Pourtant, il n'a jamais été aussi sérieux mon frère. « C'est si triste. » À en mourir... Il n’est pas fait pour cette vie Sebastian. Il devrait être à la tête d'un Opéra, d'une galerie d'art, pas dans l'ombre de notre paternel, à attendre qu'on lui cède enfin la place. « Tu mérites bien plus que d'être le petit toutou de papa, Seb. » Et je n'ai jamais été aussi franc avec mon frère. Mais il n'entendra rien de tout cela, dans une minute, il aura déjà oublié.

Pourtant, il me tend la main, une fois encore. « Est-ce que je n'ai pas passé ma vie à le faire ? » Tel un gamin, je baisse la tête. Nos conflits sont perpétuels, mais parfois, je sais le reconnaître : il joue son rôle de grand-frère. « Je vais bâtir un dossier sur Virginia McGrath. Est-ce que tu voudras que je te le transmettre ? » J'aurais dû m'en douter. Il agit toujours de cette manière. « Seulement si tu estimes que je dois être au courant de quelque chose. » Je préfère apprendre à connaître Virginia par moi-même. « Et quoique tu trouves, laisse-la tranquille. » que j'ajoute précipitamment. « Elle n’a rien voulu de tout ça. » Déjà, je la protège alors que je me souviens à peine de son visage. Elle est comme moi, elle n’a rien demandé. On lui impose, pour le bien de la famille.

« Tu as une semaine pour faire la fête. Profites-en. » Et enfin, je le reconnais mon frère. L’espace d'un instant, il laisse tomber le masque et je lui souris. « Tu devrais en faire de même, tu sais. » que je souffle en douceur. « Profité de ta vie, je veux dire. » Je sais qu'il ne fera pas les mêmes choses que moi, mais il pourrait se sortir de ce carcan dans lequel il s'enferme depuis si longtemps. « On pourrait faire quelque chose ensemble. » que je propose alors pleins d'espoirs. Foolish of me.