Redescendre sur Terre est difficile et, si elle veut être honnête, totalement surfait. Sa main droite, distraite et malhabile, s’attarde un instant dans les cheveux de la jeune femme, trace les traits de son visage. Un sourire effleure ses traits, d’abord tendre, puis rapidement teinté d’une taquinerie évidente : “Merde pour les photos, hm ?” Elle est presque sûre que très peu d’entre celles-ci sont réellement potables, mais à l’instant rien ne lui importe moins : le souvenir l’intéresse plus que la qualité. Elle se redresse sur un coude, laisse ses doigts parcourir distraitement la silhouette de la jeune femme. Leur nudité, prestement acceptée malgré toutes ses résolutions précédentes, n’a plus rien d’une gêne. “C’est nouveau, ça ?” s’enquit-elle finalement, désignant d’un coup de menton le tatouage qui orne la hanche droite de la jeune femme. “Je t’aurais pas pensé du genre à te faire tatouer.”

Tu la laisses redescendre doucement, la berçant de baisers comme volés sur sa peau découverte et tu prends place à ses côtés sur ce canapé trop petit pour vous accueillir toutes les deux. Mais vos corps se touchent, incapables de se décoller comme pour te rassurer que tu n’es pas en train de rêver. « Merde pour les photos, hm ? » Tu laisses échapper un petit rire à cette taquinerie. Ton regard se pose sur l’appareil photo oublié sur la table basse et tu secoues la tête. « On pourra toujours en reprendre demain si besoin. » Tu ne savais pas si Grace voulait d’autres photos, si elle voulait se prêter de nouveau à l’exercice mais c’était possible si besoin. « J’ai peur que tu aies besoin de garder ces quelques clichés pour ton usage personnel. » Ne pus-tu t’empêcher de la taquiner à ton tour. Ces photos te feront certainement rougir mais jamais tu ne demanderas à Grace de les supprimer, pas quand elles auront immortalisé le désir intense qui t’a traversé et dont tu veux te souvenir absolument. Il y a quelque chose de très intime dans votre position et tu laisses les doigts de Grace parcourir ton corps nu en soupirant d’aise. « C’est nouveau, ça ? Je t’aurais pas pensé du genre à te faire tatouer. » Elle avait raison, tu n’étais pas du genre à te faire tatouer mais tu l’avais fait cette fois pour te rappeler. Pour te rappeler que l’amour pour l’autre n’est pas toujours suffisant et n’est pas toujours la réponse. Que la personne que l’on aime et qui vous aime en retour peut vous faire mal sans le vouloir … « Je l’ai fait quelques mois après mon retour à Brisbane. Ce coquelicot c’est ma relation avec Abel. Magnifique, passionnelle mais destructrice. » Vous ne savouriez certainement jamais mais vous vous étiez fait plus de mal que de bien dans les derniers temps. Lui avec ses rêves de tournée et de musique, toi avec ta fille et ta carrière en stand-by. « Des fois je me dis que c’est un miracle qu’on soit arrivé à devenir les personnes que l’on est aujourd’hui rien que pour notre fille. » Tu avais du mal à y croire la plupart du temps. Déposant un baiser sur l’épaule de Grace, tu te lèves du canapé pour aller chercher le paquet de tabac posé à quelques mètres sur la table extérieure. Tu ne cherches pas à t’habiller, tu n’as jamais été pudique et tu ne vas pas commencer maintenant. Tu reprends rapidement ta place près de Grace mais tu ne roules pas de suite une cigarette. Ton regard se perd sur le corps à côté du tien et tu lui dis : « Merci. » Sous le regard surpris de Grace, tu baisses la tête et te met à rouler la cigarette avant d’ajouter : « J’avais vraiment besoin de retrouver cette partie de moi et le fait que ce soit toi, ça rend le moment que plus spécial. » Tu le pensais réellement, tu ne disais pas cela pour lui faire plaisir.


@Grace Coughlin

Sa tête retombe sur le haut du canapé alors que toute énergie l’a quittée, ses doigts se perdent sur les courbes de Jessian et étudient sa peau sans un mot, comme par peur de briser le moment. Comme par peur que la jeune femme à ses côtés réalise qu’elle avait fait une immense connerie et qu’elle devait absolument retourner à Brisbane - à moins qu’elle ne le fasse en premier. Mais rien, pourtant : rien ne vient perturber la bulle dans laquelle elles se sont perdues, comme si aucune n’avait envie d’en sortir. La désillusion en désastre qu’elle attend ne vient pas, alors elle s’autorise à se détendre, vraiment, pour la première fois depuis trop longtemps. C’est enfin elle qui rompt le silence, consent à les sortir de leur nébuleuse sur une moquerie qui masque à la perfection toute la nervosité qu’elle a réussi à étouffer. « On pourra toujours en reprendre demain si besoin. » Un sourire étire ses commissures, ses sourcils se haussent : “J’aurai le droit au même extra ou pas ?” Façon à elle, sans pudeur ni gêne, de demander s’il y aura une prochaine fois, tout en détournant le regard de manière désintéressée pour ne pas que Jessian se sente obligée de répondre. Quand la jeune femme parle de l’usage personnel qu’elle ferait des photos, elle la gratifie d’un rire facétieux : “Tu crois vraiment que j’ai besoin de photos pour m’en souvenir ?” Ses mains sont désormais remontées sur ses clavicules, qu’elle trace du bout des doigts, avec toutes les précautions au monde. Elle est bien, là, près de ce corps avec lequel elle avait tant partagé ; loin de tout ce qui serait susceptible de la tracasser.

Elle ne tarde pas à remarquer le tatouage et, interloquée, soumet son interrogation à Jessian. « Je l’ai fait quelques mois après mon retour à Brisbane. Ce coquelicot c’est ma relation avec Abel. Magnifique, passionnelle mais destructrice. » Sans retourner un mot, Grace hoche lentement la tête, une moue désolée sur le visage : la tristesse qui voile brièvement le regard de la jeune femme lui fait presque regretter sa question. Ses yeux transmettent le message pour elle : tu en as vraiment souffert, n’est-ce pas ? Elle aurait été incapable d’y compatir ou même de se glisser à sa place ; elle ne pouvait qu’imaginer de loin. Elle qui s’était toujours tirée avant de devoir souffrir n’avait appris sa leçon que trop tard, avec Alexandria, sans que rien pourtant ne vienne les déchirer avant son dernier refus...la fameuse rencontre avec ses parents, avortée aux derniers moments sur une crise de larmes. Je suis désolée, mais j’y arrive pas. Sur ces mots s’étaient conclus près de quatre ans à construire un couple, presque toute une vie ensemble. “Comme quoi, on peut toujours ressortir du positif des pires situations.” Elle-même avait perdu cette faculté, mais elle était confiante que ça reviendrait.

Jessian se relève du canapé, délicatement, comme pour ne pas la gêner, et Grace en profite pour s’étirer. La vision de Jessian nue qui s’éloigne sans la moindre pudeur attire son regard alors qu’elle prend le temps d’observer ce corps qu’elle avait un jour connu par coeur, dans ses moindres recoins et faiblesses. Quand la jeune femme surprend son regard, paquet de tabac à la main, elle ne fait pas le moindre effort pour détourner son regard, avec cet air innocent qu’elle sait si bien prendre. “Merci, pour le tabac. Tu me sauves.” Jessian se réinstalle près d’elle et Grace se redresse à nouveau, prête à se saisir du paquet. Le joint l’avait presque vidée de son énergie ; elle trouvait le sexe sous cannabis particulièrement plus taxant dans son intensité, davantage encore depuis son AVC. Et une Grace fatiguée est une Grace sensible à la nicotine. « Merci. » Le merci sort de nulle part ; la photographe dévisage son amante avec des yeux ronds, regard voguant entre le paquet de tabac et son visage maintenant baissé, toute absorbée par la tâche de rouler la première cigarette. « J’avais vraiment besoin de retrouver cette partie de moi et le fait que ce soit toi, ça rend le moment que plus spécial. » La précision est tout ce qu’il lui faut pour fondre un peu plus, ses yeux se fermant presque dans son sourire. Pour toute réponse, elle se contente de caresser le ventre de la jeune femme du bout des doigts. “T’as vraiment pas couché avec d’autres femmes depuis ton mari ?” s’étonne-t-elle. Elle y a parfaitement cru la première fois que Jessian l’a dit, mais dans son extase elle aurait cru à n’importe quoi. Elle prend le paquet dès que Jess a fini de rouler sa cigarette puis s’occupe de la sienne, de doigts experts et en besoin imminent de tabac, s’aidant du rebord du canapé. Jessian allume sa cigarette et elle approche la sienne pour la soumettre au même feu, relâche la première taffe dans un soupir d’aise en direction du plafond. “Je crois que j’avais besoin de ça”, conclut-elle à son tour. Elle n’élabore pas tant le ça se suffit à lui-même : du non compliqué, de l’évident, quelque chose contre quoi elle ne risquait pas de s’enfuir. Le visage de Lola lui revient en tête, suffisamment longtemps pour que ses lèvres se tordent en un rictus, et elle décide de prestement chasser cette pensée : “Ca te dit de tester le jacuzzi, ou tu préfères rester là ?” Parce que personnellement, elle n’a rien contre l’idée de rester sur le canapé encore quelques heures.

Peut-être que vous vous berciez d’illusions. Peut-être que cette sensation de lâcher prise, de bonheur sans responsabilité, sans attente n’est qu’un leurre mais c’est un leurre que vous viviez toutes les deux et duquel vous n’aviez pas envie de vous réveiller. C’était la première fois depuis longtemps qu’après la plaisir partagé, les caresses continuent. Ces dernières années t’avaient habituée à du rapide, des moments de plaisirs volés dès que tu pouvais te le permettre et ce besoin de ne jamais s’éterniser ou de l’autre de ne jamais s’éterniser. Sentir les doigts de Grace se promener sur ton corps alors que tu en reprends petit à petit possession maintenant que le désir l’a quitté est plaisant. Très plaisant. Tu blottis ton visage dans son cou et respire son odeur si rassurante. On t’avait toujours dit qu’en amour comme dans le sexe, il ne fallait jamais revenir en arrière. A cet instant précis, tu te demandais pourquoi parce que tu ne pensais pas pouvoir regretter d’avoir ressenti cette plénitude que tu ressentais actuellement. Les photos peuvent attendre, peuvent être continuées demain si besoin. « J’aurai le droit au même extra ou pas ? » Un sourire apparaît sur tes lèvres et l’air désintéressé de Grace ne te trompe pas. Elle peut jouer la désintéressée, tu sais qu’elle ne l’est pas et que si la question a franchi ses lèvres, c’est qu’elle se la pose. Grace n’a-t-elle toujours pas compris que tu ne pouvais rien lui refuser ? A l’époque déjà, lui dire non te semblait insurmontable. Et encore aujourd’hui, tu en étais incapable. « Si tu en as envie. » Murmuras-tu doucement contre la peau de son cou avant d’y déposer un baiser. Juste si elle en avait envie. « Tu crois vraiment que j’ai besoin de photos pour m’en souvenir ? » Tu frissonnes sous son toucher mais tu ne dis rien. Tu espères que la réponse à cette question est non mais tu sais aussi que dans quelques années, vos vies seront différentes et peut-être qu’une image sur papier pourra vous aider à vous souvenir de ces moments. La question de Grace sur ton tatouage ne te surprend pas. Personne ne s’attend à le trouver sur ta peau. Il est caché dans la plupart de tes photoshoots et ce n’est pas ton genre de te faire tatouer. Tu aimes les tatouages sur les autres mais tu n’as jamais été attiré par cela sur ta propre peau. Pourtant, ce tatouage avait été nécessaire pour toi. Les quelques mots que tu prononçais semblèrent suffirent pour que Grace comprenne à quel point ta relation avec Abel avait changé des choses pour toi. Tu avais perdu encore un peu de ton innocence et ce n’était pas anodin. Tout comme sa dernière relation l’avait marquée à elle d’après ce qu’elle t’en avait confié. « Comme quoi, on peut toujours ressortir du positif des pires situations. » Le positif qui était ressorti de ta relation avec Abel, c’était Morgane. Il n’y avait aucun doute à ce sujet. Est-ce que ce tatouage était du positif ? Tu n’en savais rien. Mais malgré les plaies que cette relation avait ouvertes, tout n’avait pas été un désastre et Abel et toi vous étiez réellement aimés. « Ne l’oublie pas. » Ne pus-tu t’empêcher de dire en tapotant tes doigts sur la tempe de Grace. Elle semblait aimer que les autres voient le positif dans leurs histoires mais pas elle dans la sienne. Pourtant, tout ne pouvait pas être que colère, tristesse et larmes.

Tu te lèves et tu vas chercher du tabac. C’est une habitude que tu avais prise avec Abel, de fumer après avoir fait l’amour. Cette cigarette là t’a toujours semblé meilleure et plus appréciable. Tu ne fumes pas en temps normal mais tu as déjà brisé toutes les règles que tu t’imposes d’habitude avec Grace alors pourquoi ne pas en briser une de plus ? Tu ramènes le paquet et reprends ta place comme si de rien n’était. Tu prépares ta cigarette, Grace prépare la sienne et le silence règle. Il n’est pas pesant, il est agréable alors que vous vous remettez petit à petit des émotions qui vous ont submergées. Tu as encore du mal à réaliser leur intensité, cela faisait tellement longtemps que tu n’avais pas trouvé une telle symbiose avec quelqu’un. Grace est surprise par tes remerciements pourtant, elle ne devrait pas l’être. Tu la laisses toucher chaque parcelle de ton corps qu’elle désire et tu finis de rouler ta cigarette alors qu’elle te demande : « T’as vraiment pas couché avec d’autres femmes depuis ton mari ? » Tu secoues la tête. Il y a des explications à cela mais ce n’est pas parce que tu attendais que Grace entre de nouveau dans ta vie. Tu ne pensais pas que cela arriverait à vraie dire. « Mes trois premières années à Brisbane, je n’ai couché avec personne. Avec Morgane qui avait besoin de moi constamment et la relance de ma carrière de mannequin, je n’avais même pas le temps d’y penser. Et puis ensuite c’était plus simple. Mes parents ne savent pas et je pense que dans un coin de mon esprit, je me suis toujours dit que je n’avais pas envie qu’ils le découvrent par les commérages de la ville. Alors c’était plus simple. » Mais maintenant que tu avais recommencé, tu n’avais pas envie d’arrêter. Parce que tu avais oublié à quel point c’était différent d’être touchée par une femme. Et ça l’était encore plus quand c’était Grace qui te connaissait par coeur, même après toutes ces années. « Je crois que j’avais besoin de ça » Vos deux cigarettes allumées, vous commenciez à les fumer tranquillement. Une taffe après l’autre, vos corps comme entremêlés sur ce canapé à peine assez grand pour y rentrer à deux. « Ca te dit de tester le jacuzzi, ou tu préfères rester là ? » Tu es tentée de rester là, de ne pas bouger mais le jacuzzi te tend les bras et te donnait envie d’essayer autre chose. Tirant la dernière taffe de ta cigarette, tu te levais pour l’écraser dans le cendrier sur la table. Une fois debout, tu tends la main à Grace qui s’en empare et tu l’entraînes vers ce jacuzzi qui vous tend les bras alors que le soleil commence à se coucher. C’est le moment parfait pour en profiter. Une fois devant, tu trafiques les boutons quelques minutes pour le mettre en marche, laissant Grace entrer à l’intérieur. Vos muscles sollicités plus tôt vont pouvoir se reposer de nouveau. Alors que les bulles commencent à apparaître, tu rentres à ton tour dans le jacuzzi en poussant un soupir d’aise. L’eau chaude te fait du bien et te relaxe immédiatement. Grace est déjà en train de profiter des différents jets et tu photographie dans ta tête son visage totalement relaxé. Tes lèvres vinrent se poser sur sa bouche légèrement ouverte mais c’était un baiser volé. Tu sens son corps se crisper, presque malgré elle mais ça, il en était hors de question. « Détends-toi Grace. » Tu ne veux pas qu’elle soit tendue, pas dans ce week-end dont le but est avant tout de profiter et de vous détendre loin de tout. Ton corps frôle le sien alors que tu prends place à ton tour dans ce jacuzzi laissant les jets te masser le corps.


@Grace Coughlin

De la détente extrême, la conversation dérive à nouveau sur leur passé à l’écart l’une de l’autre quand Grace interroge Jessian sur le tatouage qui orne sa hanche. Elle a tôt fait de regretter sa curiosité, un air d’excuses dans les yeux alors que la douleur commence à poindre dans ceux de sa vieille amie - elle détourne le sujet, rapidement, mais pas suffisamment pour que ça échappe à Jessian. « Ne l’oublie pas », lui retourne cette dernière. Et elle essaie, Grace. Elle essaie de ne pas oublier, de remettre les choses en perspective pour se sortir de sa vision qu’elle sait et sent bornée et injuste envers Alexandria. Bien souvent, c’est plus facile de lui en vouloir de manière déraisonnée que d’essayer de faire la part des choses et elle essaie, malgré tout, malgré son orgueil souvent démesuré, malgré sa douleur encore trop fraîche pour être si facilement épongée, parce qu’elle ne veut pas ruiner quatre ans de sa vie dans des et si auxquels elle n’aura jamais de réponse. Pour celle qui a toujours vécu dans l’instant T, le rappel constant du passé est complexe et pourtant inévitable et sa fameuse technique de l’autruche a fait son temps. Elle hoche la tête, simplement, se blottit un peu plus près de la jeune femme auprès d’elle : elle ne l’oublie pas, il y a du bon partout. Elle a simplement besoin de temps pour le voir et l’accepter pleinement.

Le tabac lui fait du bien, après les joints, le sexe et la prise de tête personnelle - en cet instant tout lui fait du bien, du contact de la peau de Jessian aux rayons de soleil qui commencent à traverser la fenêtre à mesure que le jour baisse et la discussion s’allège. « Mes trois premières années à Brisbane, je n’ai couché avec personne. Avec Morgane qui avait besoin de moi constamment et la relance de ma carrière de mannequin, je n’avais même pas le temps d’y penser. Et puis ensuite c’était plus simple. Mes parents ne savent pas et je pense que dans un coin de mon esprit, je me suis toujours dit que je n’avais pas envie qu’ils le découvrent par les commérages de la ville. Alors c’était plus simple. » Petite moue compréhensive, l’air de dire oui, ça se tient. En vérité, elle ne connait pas suffisamment Jessian en-dehors de leur liaison pour lui prêter une libido plus ou moins élevée, mais elle-même n’aurait pas pu. Si Grace n’avait pas une libido plus élevée que la moyenne, ça restait un de ses moyens d’expression préférés et au fil du temps, des rencontres, les partenaires n’avaient pas manqué. Sa séparation d’avec Alexandria avait marqué une période de creux durant laquelle elle avait eu du mal à se laisser sortir, à faire confiance à son propre corps qui l’avait trop trahie. Puis peu à peu elle avait retrouvé ses marques, repris confiance, appris à faire avec un bras valide en moins.

Elle propose le jacuzzi, enfin, et elles s’y rendent sans s’occuper de remettre des vêtements. Grace s’y glisse rapidement, laissant échapper un soupir de détente - Brisbane semble si loin de tout, loin de ses pensées, qu’elle se glisserait presque dans un coma confortable pour ne plus en sortir. Le contact des lèvres de Jessian sur les siennes lui extirpe un sourire alors qu’elle garde les yeux fermés, le soleil tapant sur ses paupières closes et ses taches de rousseur. “On pourrait pas allonger le week-end de quelques semaines ?” gémit-elle, l’air plaintif alors qu’elle passe son bras gauche autour des épaules de Jessian, l’attirant plus près d’elle. Leurs gestes semblent naturels, dégagés de toute gêne, comme si les années de séparation n’avaient absolument rien effacé - et elle l’aime, cette idée, Grace, autant qu’elle apprécie infiniment cette possibilité de ne penser à absolument rien d’autre que Jess ce week-end. “Hé, je me suis inscrite à une émission. Sur un coup de tête.” Ca sort de but en blanc alors que sa tête est toujours renversée, ses paupières toujours closes et ça n’a pour effet que de l’agiter un peu : elle se redresse, caresse la nuque de la jeune femme, se décide à élaborer davantage : “C’est une course jusqu’à Perth qui est filmée et retransmise. Les participants sont mis en binôme et suivis sur six semaines.” Le flyer Race of Australia avait circulé un peu partout en ville et elle avait envoyé un courrier sans s’attendre à aucune réponse, n’avait pas plus réfléchi à la perspective de tout quitter pour six semaines (où irait son chat ? que dirait-elle à Ella ? à Jeremy ? à son employeur ?). Et pour cause, elle était presque sûre que ça n’aboutirait à rien. Elle hausse les épaules pour communiquer son apathie : “C’est con, hein, mais j’ai besoin de quitter la ville, de me changer les idées. Peut-être qu’être loin de tout, ça m’aidera à y voir plus clair. Un peu une bonne résolution en retard, on va dire.” Son regard reste distant, levé au ciel qui s’assombrit, pris d’assaut par des nuages rosés. “J’ai pas encore de réponse de la prod. Je suppose qu’ils seront pas intéressés par une handicapée, mais au moins, si je disparais pendant un temps, tu sauras pourquoi.” Sourire en coin : “En fait, tu devrais peut-être y participer, aussi.” Elle lâche ça dans le vent, histoire de, parce qu’elle est parfaitement consciente qu’elle se heurtera à un refus tout à fait justifié. “Et toi, t’en as, des bonnes résolutions pour ton anniversaire ?”

@Jessian Reed

Ce moment d’extase était comme un moment suspendu. Il y avait eu le avant et désormais, il y avait ce après qui vous ramenait à la réalité. Vous n’étiez plus les deux jeunes adultes innocentes d’autrefois. Même si ton corps n’était pas trop marqué, il gardera toujours les traces de ta grossesse et de ce mariage, aussi bref fut-il. Rayer Abel de ta vie avait été trop dur à supporter, tu avais donc voulu le graver à jamais dans ta peau. Car même si Morgane n’avait pas été là, Abel aurait marqué ta vie à jamais et tu ne voulais pas oublier les bons comme les mauvais moments. En particulier les derniers qui sauront te rappeler ce que tu es prête à accepter ou non si tu te relances dans une nouvelle relation. Il était idiot d’essayer d’imaginer quoi que ce soit avec Grace, tu ne le faisais pas vraiment mais cela ne veut pas dire que tu ne peux pas apprécier ces heures passées en compagnie de Grace. Peu importe ce que vous réserve l’avenir, vous vous serez retrouvées comme avant au moins une fois. Tout comme Abel, tu étais persuadée que la magnifique brune dont tu sentais le corps nu contre le tien sera d’une manière ou d’une autre toujours à tes côtés. Et il n’est pas temps de se poser des questions existentielles. Non, à la place tu confies à Grace que depuis ton divorce, tu n’as pas été des femmes les plus actives en termes d’aventure sexuelle. Encore moins avec une femme. Tu as mis du temps à te remettre dans le bain, à retrouver le goût d’un corps contre le tient mais désormais, tu chéris les moments que ta fille passe chez ses grands-parents car ils te permettent de t’évader. Mais malgré toutes les aventures que tu as eues depuis que tu t’es remise à les chercher, aucune n’avait été avec une femme. A ton explication, Grace ne répond rien et vous vous retrouvez toutes les deux à fumer cette cigarette roulée dans un silence qui n’est pas pesant. Tu avais toujours aimé cette cigarette après le sexe, elle avait toujours eu un goût particulier et elle en avait d’autant plus maintenant que tu ne fumais plus qu’à de rares occasions.

Vous entrez toutes les deux dans le jacuzzi ne vous embarrassant pas de maillots de bain qui ne servaient plus à rien. Tu ne résistes pas à l’envie de déposer tes lèvres sur celles de Grace quelques secondes, les effleurant et la plainte qui suivit dessina un beau sourire sur tes lèvres : « On pourrait pas allonger le week-end de quelques semaines ? » Tu ne réponds cependant pas parce que c’est inutile. Pourquoi essayer de répondre alors que vous saviez toutes les deux que ces moments de bonheur et de plaisir dans votre bulle ne pouvait pas durer pour toujours ? A la place, tu t’installes confortablement aux côtés de Grace qui passe son bras sur tes épaules et qui te dit de but en blanc : « Hé, je me suis inscrite à une émission. Sur un coup de tête. » Tu fronces les sourcils. Que la jolie brune se soit inscrite sur un coup de tête ne te surprend pas, cela ressemble bien à la Grace que tu connais. Ce qui t’intrigue c’est le terme d’émission. Une émission de quoi ? De télé ? Tu n’as pas le temps de lui poser la question qu’elle enchaîne : « C’est une course jusqu’à Perth qui est filmée et retransmise. Les participants sont mis en binôme et suivis sur six semaines. » Donc de la télé-réalité si tu comprenais bien ce qu’elle était en train de te dire. Ce n’était pas un milieu que tu connaissais bien et tu n’avais pas le temps de suivre toutes les émissions mais pourquoi pas Grace en effet ? Tu comprenais son besoin de prendre le large et tu étais un peu jalouse qu’elle puisse le faire aussi facilement. Elle n’avait pas de petite tête qui l’attendait patiemment à la maison. « C’est con, hein, mais j’ai besoin de quitter la ville, de me changer les idées. Peut-être qu’être loin de tout, ça m’aidera à y voir plus clair. Un peu une bonne résolution en retard, on va dire. J’ai pas encore de réponse de la prod. Je suppose qu’ils seront pas intéressés par une handicapée, mais au moins, si je disparais pendant un temps, tu sauras pourquoi.” Sourire en coin : “En fait, tu devrais peut-être y participer, aussi. » Contrairement à Grace, tu n’étais pas persuadée que le fait qu’elle soit légèrement handicapée les repousse. Non, avoir une handicapée, c’était faire preuve d’inclusivité, c’était toucher une nouvelle part d’audience qui ne s’intéressait pas à ce type de programme auparavant. Le peu que tu savais de ce monde n’était pas glorieux et ils pourraient se servir de Grace comme de leur bonne action cette année pour remplir des quotas. Tu laissais échappé un petit rire amusé en secouant la tête toutefois en entendant Grace te dire que tu pourrais participer. Mais bien sûr … « C’est un sacré projet que tu as dis-moi ! A ta place, je ne serai pas persuadée de ne pas être sélectionnée. Par contre, ce sera sans moi et tu sais pertinemment pourquoi. » Et à cet instant, la bulle venait de se fendre. Un tout petit peu mais assez pour que tu le regrettes déjà. Parce que tes responsabilités venaient de te retomber sur tes épaules. « J’attends au moins un texto pour me confirmer qu’ils t’ont choisie. » Lui dis-tu avec un clin d’oeil. Tu as bien compris qu’après ce week-end, tu risques de ne plus revoir Grace pendant un petit moment, qu’elle participe à l’émission ou non d’ailleurs. « Et toi, t’en as, des bonnes résolutions pour ton anniversaire ? » Tu n’y as pas réfléchi, tu n’y penses pas vraiment. Alors tu fermes les yeux quelques secondes pour trouver une réponse qui se rapprocherait de ce que tu as envie de faire de cette vingt-huitième année. « Juste celle d’arrêter de me prendre la tête. » Lui dis-tu avant d’ajouter : « Et je commence plutôt pas mal. » Parce que ce week-end et ces habitudes dans lesquelles vous retombiez, tu savais que c’était une mauvaise idée. Il était plus question de l’ignorer. « Profitons-en tant que je ne t’ai qu’à moi alors. » Lui dis-tu en entrelaçant tes doigts aux siens. Oui, tu allais en profiter, le reste pouvait attendre votre retour à Brisbane.


@Grace Coughlin