'CAUSE THE BAKERS GONNA BAKE, BAKE, BAKE, BAKE, BAKE...
AND THE HATERS GONNA HATE, HATE, HATE, HATE, HATE...
BAKE IT OFF, BAKE IT OFF !

Colleen n’avait pas lésiné sur les moyens pour se préparer au concours de cheesecake qui se tenait à Brisbane, concours dont elle avait bien l’intention de remporter la première place. Tout était parti d’une blague entre Livia et elle. La jolie propriétaire de Natura Verde était comme elle une cuisinière chevronnée qui passait de longues heures en cuisine pour son plaisir personnel. Il s’agissait de l’un de leurs nombreux points communs, ce qui en faisait inévitablement un sujet de prédilection pour leurs conversations. Le partage de leurs recettes respectives était particulièrement enrichissant dans la mesure où elles venaient d’horizons différents et par conséquent n’avaient ni les mêmes spécialités ni le même savoir-faire. Ce fut d’ailleurs au détour de l’une de ces conversations que Colleen avait découvert la passion de celle qu’elle considérait de plus en plus comme son amie. Les cheesecakes. Le péché mignon de la belle Italienne. Livia en était tellement dingue qu’elle avait même établi une liste très précise des dix meilleurs cheesecakes de Brisbane, ce qui n’avait pas manqué d’amuser la sage-femme. Elle-même n’était pas particulièrement friande de ces gâteaux au fromage originaires d’Amérique du Nord, un aveu qui avait bien failli causer un incident diplomatique entre les deux jeunes femmes. Alors quand Colleen avait découvert que la toute première édition d’un concours culinaire devait se tenir à Brisbane à la fin du mois de mai – et mettait justement à l’honneur le gâteau préféré de Livia – elle s’était empressée de lui transmettre l’information. Lynn avait même plaisanté en lui affirmant que si elle participait, elle était certaine de remporter la première place. En réalité, elle n’était pas confiante à ce point en ses propres talents culinaires, elle se doutait que le niveau serait élevé et qu’elle ne pouvait pas concurrencer des professionnels avec son expérience d’amateure – or le cheesecake était loin d’être sa spécialité ! Sauf que Livia l’avait prise au mot. Elle l’avait regardée droit dans les yeux et prétendu qu’elle serait capable de faire mieux qu’elle. Bluff ou pas bluff ? Impossible de le deviner, toujours était-il qu’elles s’étaient toutes les deux lancées dans l’aventure et que depuis, elles entretenaient férocement l’esprit de compétition. Tous les coups étaient permis tant que l’esprit restait bon enfant, et Colleen devait admettre qu’elle prenait un plaisir certain à tenter de déstabiliser sa concurrente à la moindre occasion.

Alors que les cartons envahissaient son appartement à l’approche de son déménagement imminent, la cuisine était désormais dans un état encore plus chaotique que toutes les autres pièces réunies. Elle qui était si organisée d’ordinaire s’était clairement laissée dépasser par l’enjeu. Elle avait fait tant d’essais différents, déterminée à créer LA recette qui ferait la différence aux yeux et surtout aux papilles du jury, qu’elle en avait fait profiter tout le monde : collègues, voisins, amis, et même sa fille Lou. Elle s’était d’abord cantonnée aux recettes traditionnelles avant d’essayer plusieurs alternatives et saveurs différentes, soucieuse d’ajouter un twist qui lui serait propre. Car il ne s’agissait pas uniquement de technique culinaire, il fallait également se démarquer des autres candidats. Cheesecakes aux myrtilles, vanille et framboise, mangue et passion, sirop d’érable et noix de pécan, tout chocolat… Les essais étaient plutôt concluants mais ne la satisfaisaient jamais entièrement. Exaspérée, elle avait tout laissé tomber avant que la recette miracle ne lui parvienne finalement comme une révélation au beau milieu d’un cours de yoga – ironie du sort, Livia se trouvait justement à ses côtés à ce moment-là. La cuisine qu’elle affectionnait tout particulièrement était la cuisine française, alors pourquoi ne pas partir de cette idée pour réaliser un cheesecake original ? Elle avait d’abord pensé à un cheesecake façon tarte tatin, mais son premier essai l’ayant déçue elle avait finalement porté son choix final sur un cheesecake façon crème brûlée. Simple en apparence, mais terriblement efficace. A force de multiplier les essais, elle était parvenue à un résultat dont elle n’était pas peu fière.  

Ce fut donc munie de son gâteau – dont elle avait particulièrement soigné la présentation – qu’elle se rendit au fameux concours ce samedi-là. Elle n’avait su résister à l’envie d’envoyer un dernier SMS à Livia avant de quitter son appartement, et la réponse de cette dernière ne s’était pas fait attendre ; l’après-midi risquait d’être particulièrement divertissant à en juger l’intensité de leurs échanges. Le menton bien haut, un sourire avenant étirant ses lèvres, la sage-femme se rendit directement à la table d’inscription où plusieurs cheesecakes étaient déjà installés. Elle donna son nom à l’un des membres du jury qui vérifia sa liste et confirma qu’il y figurait bien. A la manière d’une maman qui accompagne son enfant lors de son premier jour d’école maternelle, Colleen tendit la boîte contenant son gâteau au jeune homme avec un mélange de fierté et d’appréhension. Elle ne la quitta d’ailleurs pas du regard avant de s’être assurée qu’il avait pris ses précautions pour extirper le cheesecake de la boîte et le poser sur la table de présentation. Il portait le numéro 15, soit le jour de naissance de sa fille – ce devrait être un signe, n’est-ce pas ? Rassurée maintenant que le gâteau était arrivé à bon port, elle se retourna et sonda la foule à la recherche de son amie. Elle était arrivée avec un peu d’avance, mais si ses estimations étaient correctes, Livia ne devrait pas tarder à arriver.

@Livia Visconti & @Marius Warren

Si Livia s’était arrêtée quelques instants pour observer la scène d'un point de vue extérieur, elle aurait qualifié cela de tout bonnement ridicule. L'état de sa cuisine traduisait de son investissement dans sa tâche, quelque peu démesuré par rapport à l'enjeu. Cela faisait plusieurs jours – pour ne pas dire semaines – qu’elle planchait sur la recette de cheesecake qu’elle allait sélectionner pour le concours auquel elle s’était inscrite. Elle s’en voulait d’ailleurs presque de ne pas avoir découvert cet évènement si particulier d’elle-même, alors qu’elle aurait sauté dessus même si elle avait été seule. C’était par l’intermédiaire de Colleen, une nouvelle arrivée dans sa vie mais avec laquelle elle partageait tant de choses qu’elle l’avait désormais presque intégrée à son quotidien, qu’elle avait entendu parler de ce concours. Partenaire de course, binôme de yoga, maman occupée et indépendante, Colleen faisaient partie de ces personnes en lesquelles Livia se retrouvait elle-même, et avec lesquelles appréciait donc d’échanger sur tant de sujets. Lorsque la brune avait piqué sa curiosité avec le concours de cheesecakes, Livia s’était sentie investie d’une mission dont elle ne pouvait se défiler. Colleen lui avait maintenu, avec humour mais panache, qu’elle réussirait à gagner ce concours – il n’en avait pas fallu plus pour que Livia se décide à participer pour lui prouver tort. Sans parler du fait que Colleen lui avait avoué qu’elle n’appréciait même pas tant les cheesecakes – en temps normal, Livia aurait acquiescé et laissé passer l’information, mais l’idée que Colleen la batte sur son propre terrain, c’était tout bonnement impensable. L’italienne était loin d’avoir une fierté démesurée, et avait même plutôt tendance à écraser son ego pour satisfaire celui des personnes qu’elle rencontrait. Mais il était des sujets sur lesquels elle ne plaisantait pas, et la cuisine – les cheesecakes particulièrement – en faisaient partie. Au bout de plusieurs essais, ayant enrôlé ses collègues et ses amis pour lui donner leurs avis, elle s’était lancé un défi supplémentaire, à elle-même… faire un cheesecake classique, mais vegan. Elle qui se tournait peu à peu vers ce mode d’alimentation, elle avait donc déjà eu l’occasion de goûter dans diverses pâtisseries vegan des versions revisitées de gâteaux communs, et en avait beaucoup apprécié certains. Elle se doutait que c’était un pari risqué, et restait tout de même lucide sur le fait que ses chances de gagner étaient infimes – ce pourquoi elle avait trouvé un regain d’intérêt à lier ces recherches-là à son travail. Si les tests étaient concluants, et que ce cheesecake remportait son petit succès, elle pourrait même envisager d’intégrer la recette aux pâtisseries et autres plats à emporter qu’elle souhaitait à terme proposer dans un espace de l’épicerie. Pour revisiter au mieux cette recette qu’elle avait tant décliné, mais jamais avec ce genre de contraintes, elle avait fait appel à l’aide de @Victoire Laclos – il lui semblait qu’une pâtissière serait la mieux placée pour la conseiller, notamment en termes de présentation et de décoration. Désormais, à quelques heures de la notation, elle commençait à stresser malgré elle, ayant pourtant conscience du ridicule certain de la situation. C’était avant tout pour le plaisir, entre amies, mais elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe d’appréhension – tout d’abord parce qu’elle n’avait pas particulièrement envie de s’incliner devant Colleen, pour le principe, mais également car elle espérait sincèrement que ce concours lui donne le feu vert pour lancer de nouveaux produits à l’épicerie.

Elle avait conduit de manière plus précautionneuse que jamais en direction de Spring Hill et du lieu où se déroulait le concours. Il était hors de question qu’un trou dans la route fasse sauter la boîte un peu trop haut et détruise la présentation impeccable de son bien le plus précieux à cet instant-là. Un peu en avance comme à son habitude, elle avait déposé son gâteau, dont elle n’était pas peu fière, à la table d’enregistrement avant de se voir attribuer le numéro 25. A peine eût-elle commencé à chercher du regard Colleen dans la foule qu’elle la repéra un peu plus loin, et s’approcha d’elle avec un grand sourire. Compétitrice elle l’était, et ce petit jeu entre elles l’amusait bien, mais elle était avant tout heureuse de pouvoir participer à un tel évènement en compagnie d’une amie. Par chance, le concours tombait le week-end où elle ne gardait pas Gabi, car cela aurait sensiblement compliqué les choses. Avec la maladresse et l’hyperactivité dont il savait faire preuve, il aurait sans doute renversé son gâteau quelques minutes avant le départ et elle n’osait imaginer la manière dont elle aurait réagi à cette vue. Alors qu’elle faisait signe à son amie, son téléphone vibra et elle le sortit pour y jeter un coup d’œil rapide avant de le ranger pour le reste de l’après-midi. Un sourire étira ses lèvres fines, tandis qu’elle pouffa, presque à la manière d’une adolescente. Il y avait cet homme dont elle s’était rapprochée ces dernières semaines, qui avait ce don de la faire sourire en toutes circonstances, et qu’elle n’avait par ailleurs pas encore mentionné à son amie. Arrivée à la hauteur de Colleen et toujours son téléphone entre les mains, elle ne put s’empêcher de vouloir se justifier quant à ce sourire énigmatique qui venait de la détourner momentanément du concours. « Ah les hommes… » lâcha-t-elle tout en faisant glisser le téléphone dans son sac. « Comment vas-tu ? J’ai l’impression que tu as de grands espoirs… Attention, la chute risque d’être difficile. » Malgré sa pique qui lançait déjà les hostilités, la moue qui s’afficha sur ses lèvres laissait deviner qu’elle n’était pas si sérieuse qu’elle tentait de le faire paraître. Alors qu’elle se retournait pour remarquer que l’évènement semblait avoir attiré de nombreux curieux et participants, elle l’aperçut de loin. Lorsqu’elle lui avait proposé de passer faire un tour au concours, alors qu’elle venait de lui faire goûter sa recette finalisée et qu’il semblait avoir apprécié – à moins d’être très bon menteur, il l’avait remerciée pour l’invitation mais elle se doutait qu’il avait sans doute d’autres occupations auxquelles vaquer un samedi après-midi. Elle n’avait donc pas insisté, et c’est avec surprise qu’elle constata qu’il avait finalement pris le temps de venir. Elle lui adressa un signe de main lorsqu’il la remarqua à son tour. « En parlant d’hommes, tiens ! » lâcha-t-elle à Colleen tandis que Marius se dirigeait vers elles.

@Colleen Sainsbury & @Marius Warren

Jamais tu n’aurais imaginé te retrouver à un concours de cheesecake un samedi après-midi. Tu pouvais déjà imaginer les rires de tes collègues s’ils venaient à apprendre que tu y avais mis les pieds. Cela te ressemblait tellement peu que tu ne pourrais pas leur en vouloir de rire. La vérité c’était qu’avant de goûter au cheesecake que Livia t’avait fait goûter à l’épicerie, tu n’avais jamais goûté ce gâteau. Tu avais fait quelques recherches et tu avais appris qu’il s’agissait d’un gâteau américain, né à New York et à Philadelphie dans les diasporas allemandes et anglaises mais également chez les juifs et les italiens. Cette dernière information t’avait faite sourire car tu savais que Livia avait des origines italiennes et à travers les quelques conversations que vous aviez eu au sujet de ce gâteau, tu avais compris que c’était une véritable religion pour elle. Voilà pourquoi tu te retrouvais au milieu de cette foule qui se pressait pour observer les différents cheesecake en compétition. Il y avait bien plus de monde que tu n’aurais pu l’imaginer pour ce genre d’évènement, comme quoi, tu avais peut-être manqué quelque chose en ne découvrant ce gâteau que récemment. Préférant les mets salés, quand tu avais envie de quelque chose de sucré, tu l’achetais dans la pâtisserie française de ton quartier où tu te servais depuis des années et qui te permettait de voyager à Paris pendant quelques minutes sans quitter les terres australiennes. Les pâtisseries françaises étaient ton péché mignon sucré, en particulier les tartelettes aux fruits. Peut-être en achèteras-tu une ce soir avant de rentrer d’ailleurs … Secouant la tête, tu te reconcentrais sur ce qui t’entourait et tu sortis ton téléphone pour envoyer un message à Livia lui indiquant que tu étais arrivé sur les lieux et que tu te mettais à la chercher. Si elle pouvait ne plus bouger, cela t’aiderait à la retrouver dans cette foule. Rangeant ton téléphone, tu te mis donc à chercher son visage en te rappelant qu’elle n’avait pas Gabriele ce week-end, tu pouvais donc oublier de chercher un petit garçon dans la foule.

C’était en début de semaine que tu avais mes les pieds à l’épicerie pour y acheter quelques produits. Depuis ta rencontre avec Livia quelques semaines plus tôt, tu passais plus régulièrement et tu en profitais pour discuter avec la jeune femme. T’étant proposé comme testeur, tu avais goûté plusieurs mets qu’elle avait préparé et tu n’auras vraiment aucun problème à les acheter si Livia met en place le projet de vendre des plats préparés également mais préparés par elle-même. Ces différentes rencontres vous avait permis de mieux apprendre à vous connaître et cela rendait tes visites à l’épicerie encore plus agréable. Quand tu étais entré à l’épicerie pour acheter tes produits c’était l’employé de Livia qui t’avait accueilli en te disant que sa patronne reviendrait dans quelques minutes. Tu avais donc fait tes courses tranquillement et Livia était entrée dans le magasin, un cheesecake dans les mains et un sourire triomphant sur le visage. Quand elle te vit, son visage s’était illuminé et elle t’avait presque immédiatement tendu une cuillère. C’est là que tu avais appris qu’une amie lui avait proposé de participer à ce concours et elle venait de terminer son dernier essai. Tu l’écoutais te parler de son idée de cheesecake vegan alors que tu en goûtais une part et tu le trouvais très bon. Tu précisas quand même que tu n’en avais jamais goûté auparavant et qu’il n’était pas sage d’écouter seulement ton jugement. Cela avait beaucoup amusé Livia et elle t’avait proposé de passer le samedi dans l’après-midi. Un coup d’oeil à l’adresse où se tenait le concours te suffit pour remarquer que c’était dans ton quartier, tu n’avais pas d’excuses pour ne pas t’y rendre. Tu avais donc promis à Livia de le faire mais tu avais vu qu’elle ne t’avait pas vraiment cru.

Voilà comment tu te retrouvais à slalomer entre les groupes d’amis, les familles et quelques photographes pour retrouver ton amie. Tu finis par l’apercevoir en train de discuter avec une silhouette familière. Tu n’y prêtas pas plus attention que cela et t’approcha de Livia. Tu étais à quelques mètres d’elle quand elle se tourna et dit quelque chose à son amie qui se tourna à son tour et … Colleen ? Qu’est-ce que … ? Le sourire dessiné sur leurs deux visages et leur proximité physique ne laissait pas vraiment de doutes. Même si Colleen n’était pas l’amie qui avait poussé Livia dans le concours, elles avaient l’air de se connaître. Tu finis les quelques mètres qui vous séparaient un peu plus lentement que prévu essayant de reprendre tes esprits. Tu ne t’attendais pas à voir Colleen, pas avant la surprise que tu lui préparais pour son anniversaire et surtout, tu ne t’attendais pas à la voir dans ce contexte. Cela te faisait plaisir cependant, voir Colleen était toujours une bonne chose pour toi. Arrivé à leur hauteur, les deux jeunes femmes te regardaient sans rien dire alors tu pris la parole : « Bonjour Livia. Comment vas-tu ? Pas trop stressée ? » Toute compétition était stressante, tu l’avais appris dès ton plus jeune âge vu que tes parents t’avaient mis en compétition avec tous tes frères et soeurs. Te tournant vers Colleen, tu lui dis : « Bonjour Colleen. Tu as un cheesecake en compétition également ou tu es venue comme moi pour le spectacle ? » Tu n’avais pas remarqué que les jeunes femmes tenaient deux numéros dans leurs mains, tu étais bien trop étonné de les trouver toutes les deux là, dans ce grand hall qui abritait cette compétition. « Je n’aurais jamais pensé que des cheesecakes puissent attirer autant de monde. » Dis-tu en regardant autour de toi avec un sourire amusé.


@Livia Visconti & @Colleen Sainsbury

En apercevant Livia au loin, Colleen esquissa un sourire ravi. Ces derniers jours, elle avait passé son temps les yeux rivés sur l’écran de son téléphone portable, le plus souvent adossée au comptoir de la cuisine alors qu’elle prenait une pause entre deux essais de cheesecakes. Les deux jeunes femmes se livraient en effet une compétition féroce qui se traduisait par des échanges de SMS à n’en plus finir, ce qui ne manquait pas d’amuser Colleen à chaque fois qu’elle lisait un nouveau message de Livia. C’était quelque chose d’inédit pour la sage-femme, qui n’avait pas l’habitude de lancer des challenges tels que celui-ci à ses amis. En vérité, elle n’avait même jamais eu l’esprit de compétition. Elle qui haussait rarement le ton de la voix et demeurait discrète même au sein de son propre cercle d’amis, ne se prêtait pas à ce genre de jeu d’habitude. L’ambition et la compétition, c’était plutôt le domaine de son ex-mari. Ce dernier ne manquait jamais une occasion pour défier ses amis et collègues, ce qu’il faisait le plus souvent par le biais d’une compétition sportive – squash, polo ou golf. Mais ce n’était pas tout : August ayant toujours eu à cœur de prouver qu’il était le meilleur dans toutes les disciplines, il ne manquait jamais une occasion pour insister sur le fait que c’était lui qui avait le plus grand appartement, lui qui avait obtenu les meilleurs résultats en médecine, lui qui gagnait le plus d’argent… Colleen ne l’avait jamais contredit mais plus d’une fois elle avait failli lui rétorquer que s’il y avait bien un terrain de jeu sur lequel il excellait, c’était celui de l’arrogance.
Toutefois, elle devait admettre qu’elle comprenait désormais l’excitation qu’une compétition pouvait provoquer, et même le divertissement qu’elle engendrait. Entre Livia et elle, le concours de cheesecakes restait amical et n’était qu’un prétexte pour s’amuser en mettant à l’honneur leur talent pour la cuisine. Il ne s’agissait pas de vouloir écraser l’autre ou de l’humilier, à la manière d’August, le cadre restait cordial et toutes les deux étaient bien conscientes qu’il ne s’agissait que d’un jeu sans répercussions négatives sur leur amitié. Jamais Colleen n’aurait lancé les hostilités la première si elle n’en avait pas eu la ferme conviction.  

Au loin, elle vit son amie sortir son téléphone portable et s’amuser du message qu’elle lisait. Pour une fois, elle n’était responsable de rien : son téléphone à elle reposait sagement au fond de son sac à main et la dernière fois qu’elle l’avait sorti pour envoyer un message à la jeune femme remontait à un bon quart d’heure. Livia parvint à sa hauteur et fit une remarque à propos des hommes. Colleen n’avait pas la moindre idée de l’identité de l’homme qui se cachait derrière le message qui avait provoqué l’hilarité de son amie, mais elle avait bien l’intention de la cuisiner après le concours pour savoir de qui il s’agissait. Elle ne connaissait son passé amoureux que dans les grandes lignes car elles n’étaient pas encore suffisamment proches l’une de l’autre pour en dévoiler les détails, néanmoins Lynn était quasiment certaine que Livia était encore un cœur à prendre… A moins, bien sûr, qu’elle se soit tant concentrée sur ce fameux concours de cheesecake qu’elle n’avait rien vu venir… « Ça va et toi ? » Lui répondit-elle avec un sourire. « Tu m’as l’air en forme dis donc ! » Fit-elle remarquer, un sourcil arqué. « Mais ne t’inquiète pas pour moi, j’ai une confiance absolue en mon gâteau ! Par contre, je ne vais pas mentir en prétendant que je ne suis pas curieuse de découvrir celui que tu as préparé… Il est où ? ». Elle jeta un coup d’œil au numéro que tenait son amie : 25. Elle pivota la tête vers la table sur laquelle étaient exposés les gâteaux des participants et plissa les yeux pour essayer de trouver celui de Livia. « Tu… » Elle s’interrompit brusquement en tournant la tête et en tombant nez à nez avec Marius, qui venait tout juste de les rejoindre. Elle en resta bouche bée. Ses yeux s’arrondirent de surprise alors que le professeur d’histoire des arts saluait Livia et elle jeta un coup d’œil à cette dernière puis de nouveau à Marius, fronçant les sourcils devant leur complicité évidente. Ce n’était pas tant de la jalousie qu’elle éprouvait à leur égard, mais plutôt de la stupéfaction. Elle ignorait complètement qu’ils se connaissaient, et même qu’ils étaient sans doute plus que de simples connaissances puisque de toute évidence Marius n’était pas là par hasard : la façon dont il avait demandé à Livia si elle était stressée était révélatrice. Colleen réalisa qu’il était venu sur invitation de la jolie Italienne, et la confusion se peignit dans son regard. Elle se ressaisit néanmoins dans les secondes qui suivirent, et plus précisément après que Marius se soit adressé à elle, un sourire aux lèvres – lui en revanche n’avait pas l’air si surpris que ça de la voir, ce qui signifiait que Livia lui avait peut-être déjà parlé d’elle.

« Bonjour Marius » Répondit-elle, tout sourire à présent. Le souvenir de leur dernière soirée demeurait un souvenir particulièrement agréable pour elle, tout comme la surprise qu’il lui avait fait livrer dès le lendemain directement sur son lieu de travail : un bouquet de fleurs qui l’avait beaucoup émue. Non seulement elle avait pu de nouveau apprécier son côté gentleman, mais elle en avait aussi déduit que s’il s’était donné la peine de lui adresser une telle attention, c’était qu’elle comptait autant pour lui que lui pour elle. Une conclusion teintée de promesses mais aussi de danger, car la jeune femme n’en oubliait pas sa ferme résolution. « Je participe au concours » Affirma-t-elle en réponse à la question de Marius. « Les cheesecakes ne sont pas vraiment ma spécialité mais je voulais prouver à Livia que j’étais capable de la battre sur son propre terrain » Fit-elle en jetant un coup d’œil amusé à son amie, sa voix n’exprimant pas la moindre animosité à son égard. Alors que Livia observait Marius, Colleen étudia attentivement son expression, curieuse de savoir si l’homme qui l’avait tant fait sourire quelques minutes plus tôt était Marius. Une hypothèse qui la blessait un peu, même si force était de constater qu’ils ne s’étaient jamais rien promis et que même s’il sortait avec Livia, le professeur d’histoire des arts n’avait sans doute aucun compte à lui rendre. Malgré tout elle ne put s’empêcher de poser la question qui la taraudait, d’un air qu’elle espérait plus détaché que suspicieux. « Alors comme ça vous vous connaissez tous les deux ? ».

@Livia Visconti & @Marius Warren

Livia allait relever la remarque de Colleen lorsqu’elle aperçut Marius au loin. « Surprise », lâcha-t-elle simplement, une moue énigmatique sur les lèvres, avant de se tourner le nouvel arrivant. Tout sourire, elle accueillit Marius par un signe de tête, mais eu vite fait de remarquer qu’il la fixait autant que Colleen. Sur le coup, elle n’en pensa pas grand-chose, autre que le fait qu’il savait se montrer poli en toutes circonstances. « Bonjour Livia. Comment vas-tu ? Pas trop stressée ? » Elle devait bien avouer que ces derniers jours, elle avait sans doute semblé bien peu confiante lorsqu’elle demandait leur avis à tous ses goûteurs attitrés. Si elle tentait de donner le change devant Colleen – et espérait sincèrement que son gâteau soit en effet une réussite – Marius l’avait vue bien plus catastrophée, doutant de chaque détail, alors même qu’il avait tentée de la rassurer. Ne voulant pas se départir de sa fierté quelque peu mal placée devant Colleen, elle garda la tête haute en répondant. « Bonjour Marius. Tout va bien plus que bien, je suis confiante. Je ne pensais pas que tu céderais face à un concours de cheesecakes, mais je suis contente que tu sois venu pour me voir gagner. » Cette affirmation était sans aucun doute exagérée, mais à la guerre comme à la guerre. Petit sourire en coin, elle allait lancer un regard en biais à Colleen lorsque Marius s’adressa à elle, et que cette dernière lui répondit comme s’ils se connaissaient déjà. Plus les mots défilaient, et plus cela semblait en effet évident. Les yeux écarquillés, autant par cette découverte que par Colleen qui osait affirmer devant témoin qu’elle pouvait la battre, Livia mit quelques secondes avant de réussir à formuler quelques mots. « Alors comme ça vous vous connaissez tous les deux ? » Se tournant alors vers Colleen qui semblait tout aussi étonnée qu’elle, Livia tenta de reprendre contenance. « J’allais poser la même question. » Elle n’avait en rien répondu à la question, mais elle était bien trop prise de court pour réfléchir à une vraie réponse – elle laissait donc à Marius le soin de se débrouiller face à deux femmes qui se regardaient le blanc de l’œil sans comprendre quoi que ce soit à la situation. En d’autres circonstances, elle aurait donné un coup de coude à Colleen ou levé les mains au ciel pour lui signifier qu’elle ferait mieux de s’expliquer maintenant, et vite, car elle voulait tous les détails. Mais tout de même moins proche de Marius que de la brune, Livia ne pouvait tenir ce genre de comportement digne d’une adolescente devant lui. Depuis quelques semaines, elle avait eu l’occasion d’échanger avec lui à chacun de ses passages au magasin, et l’avait même réquisitionné comme promis pour goûter son gâteau. Il était certain qu’elle ne le considérait plus comme un simple client, et prenait plaisir à découvrir petit à petit les facettes de cet homme réservé qu’elle appréciait, mais pour autant, elle gardait encore une certaine retenue face à lui.

Elle était curieuse de savoir de quelle manière ils avaient pu se rencontrer, alors que Colleen n’était pas en ville depuis très longtemps. Trop surprise pour réfléchir de manière sensée, elle ne fit pas la connexion entre la fille de Colleen et Marius – après tout, quel parent connaissait réellement les professeurs de ses enfants une fois qu’ils étaient à l’université ? Tournant son regard énigmatique et sa petite moue pensive vers Marius, elle s’approcha de lui et posa une main sur son bras avant de planter son regard dans le sien. Le moment était grave, et elle devait le lui faire comprendre. « Dis-moi que tu n’as pas servi de goûteur attitré pour nous deux ? Si tu as révélé mes secrets de cuisine... » lâcha-t-elle de sa voix la plus sérieuse, tout en chuchotant quelque peu pour que Colleen ne puisse réellement l’entendre maintenant qu’elle lui tournait le dos – à moins de se montrer suffisamment curieuse et de tendre l’oreille. D’un point de vue extérieur, cette petite mise en scène aurait semblé excessivement dramatique, et si Livia n’était en réalité aucunement déçue ou énervée, elle prenait cette compétition autour du concours suffisamment au sérieux pour s’inquiéter d’avoir peut-être perdu son unique chance. S’il avait révélé ses secrets (en avait-elle vraiment), elle pourrait dire adieu à ses espoirs de couronne pour son cheesecake. S’écartant de lui, elle ne put s’empêcher de remarquer l’intensité du regard qui portait Colleen à Marius, ainsi qu’à elle. Colleen lui avait toujours semblé d’une nature joviale, un sourire aux lèvres en permanence et une expression légère sur le visage – ce qui contrastait avec ce qu’elle pouvait observer actuellement. Son regard la transperçait. Toujours quelque peu confuse, elle arquant un sourcil comme pour questionner Colleen du regard, ne sachant pas bien si toutes les questions étaient bonnes à poser à voix haute. Perdue, elle ne savait vraiment vers qui se retourner, ayant bien trop peur de lâcher une bêtise qui pourrait se révéler gênante. Mais si elle ne comprenait pas rapidement ce qui se tramait, elle finirait par sauter les plats dans le plat, d’une manière ou d’une autre.

@Colleen Sainsbury & @Marius Warren

Pour construire une amitié, tu ne voyais rien de mieux que des petites attentions. Ta rencontre avec Livia sur la plage remontait à plusieurs semaines et votre bonne entente était restée ce qu’elle avait été ce jour là depuis. Passer à l’épicerie devenait un moment que tu attendais dans ta journée car il te permettait de prendre des nouvelles de la jeune femme et de passer un bon moment avant de rentrer chez toi. Tu découvrais petit à petit que Livia et toi aviez un certain nombre de points communs malgré vos quasiment dix années d’écart. Cela n’avait pas d’importance à tes yeux, l’âge n’était qu’un chiffre mais tu comptais bien veiller à ce que malgré son expérience compliquée avec son ex-mari, Livia ne perde pas dix années de sa vie inutilement comme tu l’avais fait. Quand son invitation était tombée, tu n’avais donc pas hésité longtemps à faire une apparition à ce concours qui était devenu l’obsession de la jeune femme depuis quelques temps. Cela t’amusait plus qu’autre chose en observateur extérieur et dédier quelques heures de ton samedi à Livia ne te semblait pas être un grand sacrifice. Ce à quoi tu ne t’étais pas attendu cependant c’était de croiser Colleen à cet évènement. La croiser aurait été une surprise en elle-même mais la trouver en train de discuter avec Livia, c’était encore autre chose. Venaient-elles de se rencontrer ou se connaissaient-elles déjà ? Tu n’en savais rien. Colleen vivait à Brisbane depuis plusieurs mois, il était logique qu’elle s’y soit entourée, tu n’avais juste pas pensé que vous pourriez connaître les mêmes personnes. T’approchant des deux jeunes femmes, tu les avais saluées chacune à leur tour ne cherchant pas à cacher que tu connaissais l’une ou l’autre. La surprise et la confusion sur le visage de Colleen étaient réelles et bientôt, Livia ne tarda pas à la rejoindre dans son incompréhension de la situation. « Bonjour Marius. Tout va bien plus que bien, je suis confiante. Je ne pensais pas que tu céderais face à un concours de cheesecakes, mais je suis contente que tu sois venu pour me voir gagner. » Tu laissais échapper un petit rire à ces paroles car tu ne manquais pas le regard en coin que Livia adressa à Colleen. Pour avoir vu Livia régulièrement dans la semaine, cette soudaine confiance dans ses talents te surprenait un peu mais t’amusait surtout. Si les deux jeunes femmes partageaient ce genre de regards, il était fort probable qu’elles se connaissent en dehors de ce concours. « J’avais l’après-midi de libre et après avoir goûté ton cheesecake à plusieurs reprises cette semaine, je voulais voir le résultat. » Répondis-tu à la jeune femme un sourire sur les lèvres. Cela ne te coûtait vraiment pas beaucoup et te permettait en même temps de montrer à Livia que tu avais compris que c’était important pour elle et que tu pouvais être un bon ami quand tu le voulais peu importe ce qu’en pensaient tes soeurs. Colleen te salua ensuite à son tour : « Bonjour Marius. Je participe au concours. Les cheesecakes ne sont pas vraiment ma spécialité mais je voulais prouver à Livia que j’étais capable de la battre sur son propre terrain » Cette fois tu en étais certain, les deux jeunes femmes se connaissaient et avaient décidé de s’affronter dans ce concours de cheesecake. Peu importe la raison de la venue de Colleen, tu étais heureux de la voir. Cela ne faisait pas longtemps que tu l’avais vue, la soirée au cours de laquelle vous vous étiez confiés encore gravée dans ton esprit. Tu lui avais envoyé un bouquet de fleurs peu de temps après pour la remercier de cette soirée, à tes yeux, c’était la moindre des choses. « Je vois … » Dis-tu avant de jeter un regard à Colleen puis à Livia puis de nouveau à Colleen comme si tu regardais un match de tennis. « Je suis bien content de ne pas être le juge de ce concours. » Tu ne pourrais pas être objectif, tu ne pouvais même pas imaginer choisir un des deux cheesecake car tu ne voulais blesser personne. « Par contre je n’ai rien contre l’idée de les goûter une fois que ce sera terminé. » Tu doutais que les juges allaient manger tout le gâteau à chaque fois, il devrait en rester non ?

Et puis Colleen posa la question qui devait tomber : « Alors comme ça vous vous connaissez tous les deux ? » C’était une bonne question et permettrait certainement d’éclaircir la situation. Le fait que tu ne pouvais pas voir sur le visage de Colleen son sourire habituel te perturbait plus que tu ne voulais l’avouer mais tu préférais ne pas trop analyser cela pour l’instant alors que Livia se tournait vers toi pour te dire : « J’allais poser la même question. » Toutes les deux te regardaient désormais en attente d’une réponse. Tu sentis le rouge te monter légèrement aux joues alors que ton rythme cardiaque s’accélérait. A quoi est-ce qu’elles jouaient exactement ? Oui tu connaissais Livia, oui tu connaissais Colleen mais ce n’était pas un problème non ? Il était évident que quelqu’un devait se dévouer et que ce quelqu’un était toi. Mais avant que tu ne puisses dire quoi que ce soit, Livia s’approcha de toi et posa sa main sur ton bras. Tu la regardais surpris, ne comprenant pas pourquoi elle avait cette petite moue sur les lèvres qui te rappelait celle que son fils avait utilisé sur la plage lorsque vous vous étiez rencontrés. Plongeant ton regard dans le sien, elle te murmura : « Dis-moi que tu n’as pas servi de goûteur attitré pour nous deux ? Si tu as révélé mes secrets de cuisine... » Lâchant le regard de Livia, tu levais les yeux vers Colleen et tu les reposais sur Livia. Non, tu n’avais pas servi de testeur pour Colleen, tu ne savais même pas qu’elle allait participer à ce concours. Tu ouvrais la bouche avant de la refermer presque aussitôt ne sachant pas quoi dire. Tu pouvais voir le visage de Colleen se durcir légèrement et tu pouvais comprendre pourquoi. Même si Livia n’avait rien fait de mal, d’un oeil extérieur, cette petite mise en scène pouvait donner la mauvaise impression. Livia se recula d’elle-même mais avant qu’elle le fasse, tu lui dis : « Je ne connais aucun de tes secrets de cuisine et je n’ai pas goûté le cheesecake de Colleen. » Tu espérais le goûter plus tard dans la journée parce que la jeune femme t’avait parlé de ses talents de cuisinière lors de votre dernière rencontre. Face à l’intensité du regard de Colleen, tu te sentis encore un peu plus mal à l’aise. Tu n’avais pas envie qu’elle se fasse de mauvaises idées mais en même temps, tu n’avais pas envie de blesser Livia et surtout, tu ne savais pas vraiment comment décrire ta relation avec Colleen à quelqu’un en qui tu n’avais pas l’habitude de te confier. Surtout que Colleen et toi n’aviez pas vraiment mis de mots sur la relation que vous aviez, c’était bien trop tôt pour le faire de toute manière mais comment l’expliquer à Livia dans ce cas ? T’éclaircissant la gorge, tu décidais de répondre à leur première question, comment tu les connaissais toutes les deux. Te tournant vers Colleen, tu lui dis : « Je suis un client régulier de Livia à l’épicerie et Gabriele nous a plus ou moins forcé à faire connaissance il y a quelques temps. Depuis je teste ses différents essais culinaires. Normalement c’est en vu d’ouvrir un nouveau rayon à l’épicerie mais ces derniers temps j’ai goûté pas mal de cheesecake. » Dis-tu un sourire en coin sur les lèvres en jetant un regard à Livia. Tu ne lui en voulais pas du tout, cela avait été très agréable mais tu avais toujours préféré le salé au sucré. Te tournant vers la jeune italienne, tu lui dis : « J’ai rencontré Colleen quand elle aménageait à Brisbane, je l’ai aidée à porter des cartons. On s’est recroiser plusieurs fois, notamment parce que j’ai sa fille dans un de mes cours. On … » Jetant un regard hésitant à Colleen, tu ne savais pas réellement comment terminer cette phrase. « On a eu l’occasion d’apprendre à mieux se connaître depuis. » Tu préférais rester sobre, tu ne connaissais pas le lien qui unissait les deux jeunes femmes. « Et il est clair que vous vous connaissez vu que vous vous êtes lancées dans une Cake War très sérieuse. Comment en êtes-vous arrivées là ? » Dis-tu en essayant de rendre l’atmosphère plus léger en mentionnant cette émission de téléréalité.


@Livia Visconti & @Colleen Sainsbury

Surprise ! S’était exclamée Livia, tout sourire, quand Marius était arrivé. Ça pour une surprise, c’en était une. Les yeux ronds, les sourcils haussés, la mâchoire à deux doigts de se décrocher… L’expression de stupéfaction affichée sur le visage de Colleen en était la preuve évidente. Bien trop décontenancée pour tenter de masquer son étonnement, elle se contenta d’observer les deux compères le temps de retrouver ses esprits. Elle avait beau se creuser les méninges et replonger dans ses souvenirs, elle était quasiment persuadée que Livia n’avait jamais mentionné Marius au cours de leurs dernières conversations. Ce qui n’était pas franchement étonnant à vrai dire, dans la mesure où ces dernières avaient tourné presque exclusivement autour de leur compétition. Colleen se rendait compte à présent qu’elle avait réellement été obnubilée par celle-ci, à tel point qu’elle avait rarement pris des nouvelles de Livia ces derniers jours. Elle le regrettait amèrement à présent, et pas seulement parce qu’elle était curieuse – et soucieuse – de connaître la nature de sa relation avec Marius ; si elle avait accordé trop d’importance à une compétition pareille en oubliant les choses essentielles, c’est qu’elle avait bien changé, et pas d’une manière qui lui plaisait. Elle nota dans un coin de son esprit qu’elle ferait davantage attention la prochaine fois, puis braqua son attention sur le professeur d’histoire des arts dont le rire sonnait toujours à ses oreilles comme une mélodie harmonieuse. Même s’il ne lui était pas adressé, même si ce n’était pas elle qu’il regardait, peu importait. Un sourire discret réhaussa les coins de sa bouche un bref instant, avant que la confusion ne revienne s’installer dans son esprit quand il admit qu’il n’avait pu résister à l’envie de venir admirer le résultat du dur labeur de Livia. De toute évidence, il avait passé un temps non négligeable en sa présence pendant la semaine, et de nouveau Colleen se demanda comment elle avait pu passer à côté de leur complicité. Elle avait songé à ses derniers échanges avec Livia, et désormais elle se replongeait dans ses conversations passées avec Marius, tentant en vain de se souvenir d’un détail qui lui aurait permis de la mettre sur la bonne voie. Rien n’y faisait. Soit Alzheimer la guettait, soit elle avait manqué d’attention, soit ils ne lui avaient tout simplement rien dit. Dans tous les cas, elle ne pouvait s’empêcher de penser que le monde était définitivement tout petit, ce qui faisait d’ailleurs écho à l’une des conversations qu’elle avait eue avec Marius récemment.

Se détournant de Livia avec un sourire, le beau brun pivota dans la direction de Colleen et elle en profita pour le saluer et lui adresser un sourire sincère. Marius s’amusa de la situation, clamant qu’il était bien content de ne pas être l’un des juges de la compétition, ce qui planta un nouveau doute dans l’esprit de l’Anglaise sur sa relation avec Livia. Elle ne releva pas et se contenta d’acquiescer. Encore une fois, elle s’efforça de penser qu’il n’avait aucun compte à lui rendre et qu’il pouvait bien sortir avec son amie si c’était ce qu’il souhaitait. Elle lui avait dit qu’il méritait d’être heureux la dernière fois qu’ils s’étaient vu, et elle le pensait toujours. Livia était une jeune femme adorable, touchante et bienveillante. Elle rêvait d’avoir un deuxième enfant et Marius caressait celui d’être père un jour – leur dernière conversation avait ancré cette conviction dans l’esprit de la jeune femme. A bien des égards, ils seraient parfaits l’un pour l’autre. Colleen ignora la protestation qui grondait dans son cœur et posa finalement la question qui lui brûlait les lèvres. Livia admit qu’elle se posait la même question et elles se retournèrent toutes les deux vers Marius, en attente d’explications dont il était sans aucun doute le détenteur. Penaud et confus, il les regarda tour à tour alors que son teint virait au cramoisi. Il ouvrit la bouche, la referma, puis la rouvrit de nouveau… Trop tard. Livia prit les devants, esquissa un pas dans sa direction, lui saisit le bras avec urgence et lui souffla quelques mots à voix basse que Colleen ne saisit pas. Elle décela néanmoins l’agitation dans les yeux de son amie et l’embarras dans ceux de Marius, qui lui jeta un regard en biais. Colleen se mordit l’intérieur de la joue et détourna le regard pour les laisser s’expliquer tous les deux. Malgré elle, elle ne put s’empêcher de ressentir un pincement au cœur. S’ils étaient ensemble, tant mieux pour eux, elle serait la première à se réjouir de leur bonheur retrouvé… Mais il ne fallait pas compter sur elle pour tenir la chandelle non plus. C’était beaucoup trop lui demander.

Elle entendit Marius chuchoter sa réponse à Livia, et cette dernière finit par s’écarter de lui. Le regard de Colleen glissa sur le numéro de son gâteau qu’elle tournait et retournait entre ses mains. Quelques secondes lui furent nécessaires pour se ressaisir et composer une moue un peu plus enjouée, et relevant le menton, elle jeta un coup d’œil à Livia qui semblait plus sereine à présent. Elle entendit Marius s’éclaircir la voix, mais elle ne put se résoudre à croiser son regard tout de suite. Non pas parce qu’elle lui en voulait – elle n’éprouvait pas la moindre rancune à son égard – mais parce qu’elle attendait et appréhendait toujours la réponse à la question qu’elle avait posée précédemment. Une réponse qui lui parvint enfin, comme si une fois de plus il était parvenu à lire dans son esprit. Il se présenta comme l’un des fidèles clients de Livia, mais d’après ce qu’il disait il avait été amené à passer plus de temps à l’épicerie cette dernière semaine pour tester ses recettes. Colleen n’osait pas imaginer ce que cela impliquait, et d’ailleurs elle chassa les questions qui assaillaient déjà son esprit contrarié, écoutant la suite de sa réponse. Il semblait choisir ses propos avec soin, et elle ne savait pas si c’était parce qu’il hésitait quant à la nature de leur relation face à Livia, ou s’il peinait à mettre des mots justes sur celle-ci. Peu importait car il énonçait la vérité. Elle jeta un coup d’œil timide à Marius, qui paraissait chercher son approbation, et elle hocha la tête pour la lui offrir. Le sourire qu’elle lui adressa n’atteignit pas vraiment son regard clair, mais celui-ci était néanmoins dénué de tout reproche.

Marius en vint à la conclusion qu’elles se connaissaient suffisamment bien pour se lancer dans une telle compétition, et ce fut au tour de Colleen de prendre la parole. Elle glissa une mèche de cheveux derrière son oreille et lança un regard complice à Livia. « Comment en sommes-nous arrivées là ? » Répéta-t-elle. « J’ai rencontré Livia en cours de yoga et on a vite sympathisé toutes les deux… Enfin, ça, c’était avant le concours de cheesecakes bien sûr » Ajouta-t-elle avec un sérieux apparent. Le masque ne tarda pas à se fissurer cependant et un sourire éclaira son visage. Elle se tourna vers Marius. « Quand je suis tombée sur la pub pour le concours, j’ai tout de suite pensé à elle… Du coup, on a décidé de se lancer toutes les deux ! Et on se livre une bataille sans merci depuis. Ne riez pas, Monsieur Warren, c’est très sérieux ! » Insista-t-elle sans une once de crédibilité. « Pas vrai, Livia ? ».  Elle fronça des sourcils en posant son regard sur la jeune femme et en arborant son air le plus menaçant possible. « Ce n’est pas très fair-play de ta part de faire venir l’un de tes plus fervents supporters pour tenter de me déstabiliser. Malheureusement… Ça ne fonctionne pas ». Elle jeta un coup d’œil par-dessus l’épaule de son amie et désigna de la tête la table du jury dans son dos. « Regarde comme ils s’extasient déjà devant le numéro 15… ». Puis de se retourner vers Marius pour ajouter : « D’ailleurs, tu ne repartiras pas d’ici avant d’avoir goûté mon gâteau ! Tu ne t’en tireras pas aussi facilement, car j’exige ton impartialité dans cette histoire ». Sous-entendu : même s’il sortait avec la jolie Italienne, il avait intérêt à prouver son amitié pour Colleen en demeurant parfaitement objectif.

@Livia Visconti & @Marius Warren

En invitant Marius à passer faire un tour au concours, Livia était loin de se douter qu’il connaissait Colleen et n’était donc plus vraiment impartial. Dans l’idée, cela la rassurait quelque peu d’avoir quelqu’un sur qui compter, qui avait déjà goûté ses préparations à plusieurs reprises et lui avait asséné qu’elles étaient réussies. Malgré ses apparences de compétitrice, qui relevaient réellement plus d’un jeu que d’un ego surdimensionné, elle doutait très souvent d’elle et avait besoin que certaines personnes lui disent qu’elle faisait bien. En voyant arriver Marius au loin, elle était convaincue qu’il serait cette personne, d’autant plus qu’il avait daigné faire le déplacement jusque-là, quand bien même ils n’étaient pas non plus des amis réellement proches. Alors désormais, prenant conscience du fait qu’il semblait bien connaître Colleen, elle sentait sa confiance en elle s’étioler. « Je suis bien content de ne pas être le juge de ce concours. » Il n’aurait pu prononcer pire phrase – elle qui comptait sur son soutien indéfectible, elle voyait clairement qu’il n’avait aucune intention de prendre position entre elle et Colleen, alors qu’il semblait en revanche bien intéressé pour goûter aux deux cheesecakes. Sans réellement réfléchir, elle s’était emparée de son bras pour s’assurer qu’il n’avait quand même pas parlé de son gâteau à Colleen. Cela ressemblait peu à Livia, et en d’autres circonstances elle aurait simplement souri à l’idée d’avoir des amis communs, mais elle était plongée dans ce concours si intensément depuis quelques jours qu’elle réfléchissait étrangement. Cela, cumulé à la surprise de réaliser qu’il connaissait Colleen, l’avait faite réagir de manière quelque peu exagérée compte tendu du peu de conséquences qu’aurait réellement le fait de gagner ou perdre ce concours. Il la rassura cependant bien vite. « Je ne connais aucun de tes secrets de cuisine et je n’ai pas goûté le cheesecake de Colleen. » « D’accord. »  Soulagée, elle reprit ses esprits et s’écarta en hochant la tête, toujours curieuse d’apprendre comment Colleen et Marius s’étaient rencontrés.

Elle sourit tandis qu’il expliquait à son amie la raison de sa rencontre avec Livia, et elle comprit bien vite qu’il avait peut-être goûté suffisamment de cheesecakes pour quelques mois. « Les cheesecakes c’est terminé, promis. » Lâchant une moue gênée mais tout même amusée à l’évocation de son projet d’espace pâtisserie, elle ne pouvait pas ajouter grand-chose car elle devait bien avouer s’être montrée monomaniaque ces derniers jours, voire semaines. Marius avait servi de cobaye et il n’avait pas semblé traumatisé par l’expérience, mais elle suspectait qu’il ait parfois accepté les dégustations par politesse. Il avait tout de même été de bon conseil, et elle l’avait à chaque fois chaleureusement remercié de s’être attardé pour l’aider dans l’élaboration de son gâteau parfait – qu’elle espérait également qu’il puisse goûter à la fin du concours, car elle lui devait au moins bien ça. « J’ai rencontré Colleen quand elle aménageait à Brisbane, je l’ai aidée à porter des cartons. On s’est recroisés plusieurs fois, notamment parce que j’ai sa fille dans un de mes cours. On… » C’était donc ça, elle comprenait mieux la raison de leur rencontre. En revanche, elle ne comprenait pas ce qui justifiait qu’il semble chercher ses mots pour poursuivre, regardant attentivement Colleen comme s’il cherchait l’approbation de son regard. « On a eu l’occasion d’apprendre à mieux se connaître depuis. » Livia n’était plus totalement dupe maintenant qu’elle avait entendu la fin de l’histoire – ou plutôt la fin tronquée, qui voulait tout et rien dire à la fois. Lorsqu’il avait expliqué à Colleen la manière dont il rencontré Livia puis l’avait aidée récemment, cela avait été très clair. En revanche, il semblait avoir davantage pesé ses mots pour expliquer ce qui le liait à Colleen. Livia se retint de froncer les sourcils car elle ne pouvait décemment sauter sur l’explication pour demander davantage de détails et pointer du doigt que cette histoire était étrangement bancale. Pour autant, le regard que Colleen et Marius échangeaient ne trompait pas, car Livia était tout à fait consciente qu’il n’avait rien à voir avec celui qu’elle échangeait avec le brun. Elle n’avait jamais vu Colleen fixer si intensément quelqu’un.

Elle sembla cependant se dérider lorsque Marius les questionna sur l’origine de cette compétition amicale autour des fameux cheesecakes. Enjouée et souriante, elle raconta la genèse de leur amitié, faisant mine de poursuivre leur combat acharné pour la victoire. « Ce n’est pas très fair-play de ta part de faire venir l’un de tes plus fervents supporters pour tenter de me déstabiliser. Malheureusement… Ça ne fonctionne pas. » Livia ne put retenir un rire à cette idée, sachant que c’était clairement son intention de départ mais que cela était finalement tombé à l’eau – en effet, la tentative d’intimidation ne marchait pas, au contraire. Lorsqu’elle désigna la table du jury sur laquelle trônait son cheesecake arborant le numéro 15 et attirant supposément les regards, Livia ne put s’empêcher de répliquer. « A ma décharge, je ne savais pas que vous vous connaissiez ! » Alors que Colleen exigeait l’impartialité de Marius dans leur petit concours personnel, Livia était encore plus confuse – toutes deux semblaient avoir la même réaction et craindre qu’il ne favorise l’autre. Qu’est-ce que Colleen pouvait bien imaginer ? Et à quel point connaissait-elle Marius ? Livia ne l’avait par ailleurs jamais vue en compagnie d’un homme dont elle semblait proche, qu’il soit un ami, ou davantage. Elle n’avait pas encore osé questionner Colleen à ce sujet, mais les explications vagues de Marius lui avaient définitivement mis la puce à l’oreille. Elle n’avait beau être sûre de rien, elle esquissa un sourire en coin à l’idée que son imagination puisse porter une part de vérité. « Ils n’ont pas de règle stricte à l’université, sur le fait que les profs et les parents d’élèves se connaissent ? » Elle n’avait strictement aucune idée de la réponse, et se fichait d’ailleurs bien de savoir si cela était autorisé ou non. Elle espérant simplement que cette question banale posée à Marius, qui concernait tout autant Colleen, lui donnerait plus d’indices pour confirmer ou infirmer l’idée qui émergeait dans son esprit. Se souvenant brusquement d’une chose bien différente, elle se pencha vers son sac pour en ressortir son portable. « Au fait, j’ai enfin acheté des fournitures à Gabi et il a terminé sa première aquarelle hier, j’ai oublié de t’envoyer la photo. » Elle chercha une photo de la production de son fils – des tâches de couleurs suintant les unes sur les autres, ayant gondolé le papier tant le pinceau était imbibé d’eau – puis la tendit vers Marius. « Il ne tire pas sa fibre artistique de moi par contre » lâcha-t-elle en riant. Ce n’était pourtant pas du grand art, mais Marius serait peut-être content de savoir que l’activité avait vraiment attiré le petit garçon.

@Colleen Sainsbury & @Marius Warren

En venant faire un tour à ce concours de cheesecake, tu avais prévu d’observer plus qu’autre chose en laissant Livia te parler de sa création et en attendant que le jury fasse son choix. Ton but avait été de la distraire en attendant les résultats. Mais à peine avais-tu mis les pieds dans le hall qui accueillait cette compétition, tu compris que les choses n’allaient pas être aussi simples. Trouver Livia en compagnie de Colleen était une surprise et pas des moindres quand tu appris que cette dernière avait également u cheesecake en compétition. Il était évident que les deux jeunes femmes se connaissaient et que tu te retrouvais au milieu d’une petite guerre amicale si les deux demoiselles étaient amies. Tu ne savais pas vraiment comment te positionner dans cette configuration où tu ne connaissais pas tous les détails et où tu n’étais pas certain de pouvoir trop en dire non plus. Colleen et toi aviez veillé à ne pas mettre de mots sur la relation que vous tissiez au fil de vos rencontres et tu espérais pouvoir qualifier Livia d’amie mais vous ne vous connaissiez pas depuis assez longtemps pour que tu le clames de manière confiante. Alors comment expliquer les liens qui te liaient aux deux jeunes femmes devant toi de manière simple ? C’est ce que tu tentais de faire. Toutefois, Livia semblait perplexe face à tes paroles et n’hésita pas à te demander si tu n’avais pas été un soutien pour Colleen dans la préparation de cette épreuve. La réponse était non vu que tu ignorais que la jolie brune s’était lancée dans cette aventure et même si tu l’avais fait, tu n’aurais pas fait le lien très certainement ou pas de suite. Tu n’avais pas vu Colleen depuis votre soirée à son appartement et tu préparais petit à petit sa surprise d’anniversaire mais non, tu n’avais pas goûté son cheesecake. La sincérité de tes paroles semblèrent convenir à Livia qui sembla soulagée mais pas complètement non plus. Tu leur donnais ensuite les informations demandées et tu te montrais curieux à ton tour car tu avais envie de savoir comment les deux jeunes femmes se connaissaient. « J’ai rencontré Livia en cours de yoga et on a vite sympathisé toutes les deux… Enfin, ça, c’était avant le concours de cheesecakes bien sûr. Quand je suis tombée sur la pub pour le concours, j’ai tout de suite pensé à elle… Du coup, on a décidé de se lancer toutes les deux ! Et on se livre une bataille sans merci depuis. Ne riez pas, Monsieur Warren, c’est très sérieux ! Pas vrai, Livia ?  » Tu n’arrivais pas à cacher le sourire amusé qui se dessinait sur ton visage. Tu connaissais ce genre de compétition entre amis, c’était la même qui animait ta relation avec Jacob dès que des fléchettes ou un billard faisait son apparition. Même si Colleen voulait te faire croire que c’était très sérieux, tu pouvais lire sur leurs visages que ce n’était pas vraiment le cas ou du moins que cela n’entacherait pas leur amitié. Livia acquiesça et Colleen continua : « Ce n’est pas très fair-play de ta part de faire venir l’un de tes plus fervents supporters pour tenter de me déstabiliser. Malheureusement… Ça ne fonctionne pas » Livia rit à ces paroles avant de lui répondre : « A ma décharge, je ne savais pas que vous vous connaissiez ! » Tu secouais la tête, amusé de cette petite compétition. C’était assez drôle à voir et cela te permettait d’oublier les regards inquiets et surpris de Colleen. Tu avais bien veillé à choisir tes mots quand tu avais parlé de ta relation avec l’une et l’autre mais peut-être que tu les avais trop choisis … Tu chassais cette pensée de ton esprit, Colleen ne pouvait pas s’imaginer que ta relation avec Livia était plus qu’amicale n’est-ce pas ? Livia de son côté vous jetait des regards curieux à la recherche d’un indice car il était évident que tu connaissais bien Colleen et elle avait envie de savoir à quel point. « Regarde comme ils s’extasient déjà devant le numéro 15… D’ailleurs, tu ne repartiras pas d’ici avant d’avoir goûté mon gâteau ! Tu ne t’en tireras pas aussi facilement, car j’exige ton impartialité dans cette histoire » Ton impartialité ? Non, c’était quelque chose que tu ne pouvais pas du tout leur garantir car tu étais trop investi avec l’une comme avec l’autre pour être impartial. Tu ne voudras pas les blesser et même si tu trouves un cheesecake meilleur que l’autre, tu n’as aucune envie de les départager. Il y a un jury pour ça, c’est suffisant, toi tu veux juste goûter, cela te suffit. « Je te promets de goûter ton cheesecake mais j’ai peur de ne pas pouvoir être impartial. » Dis-tu à l’intention de Colleen. Tu pouvais voir dans le regard de Livia qu’elle ne s’attendait pas à ce que tu le sois et qu’elle t’avait proposé de venir très certainement pour que tu proclames haut et fort que son gâteau était le meilleur. Mais en même temps, tu n’avais pas envie de froisser Colleen et tu ne doutais pas que son cheesecake serait lui aussi très bon. « Ils n’ont pas de règle stricte à l’université, sur le fait que les profs et les parents d’élèves se connaissent ? » Tu trouvais la tête vers Livia avec une rapidité dont tu fus le premier surpris mais sa question était étonnante. Tu n’arrivais pas à savoir si elle recherchait des informations de manière détournée ou si elle se faisait du souci pour son amie. « Hum … Non, pas à ma connaissance. Je n’ai nullement l’intention de favoriser Lou parce que je connais sa mère. Elle n’en a pas besoin de toute manière, Lou est une très bonne élève. » Dis-tu à l’attention de Colleen. Il n’était vraiment pas nécessaire de préciser à Livia que Lou avait passé plusieurs semaines à te draguer ouvertement, bien trop ouvertement à ton goût mais cela s’était calmé et aujourd’hui vous aviez une relation élève-professeur tout à fait normale. Ce n’était nullement ton genre de favoriser un élève plutôt qu’un autre même s’il t’arrivait d’avoir des préférences quand les élèves étaient intéressés et impliqués. Mettre ta carrière en danger ne te semblait pas valoir le coup, même pour la compagnie et les beaux yeux de Colleen. Livia changea ensuite de sujet et te parla ensuite de son fils qui s’était apparemment mis à faire des aquarelles en dehors de son premier essai avec toi sur la plage. Un sourire rempli de fierté se dessina sur ton visage alors qu’elle te dit, photo à l’appui : « Au fait, j’ai enfin acheté des fournitures à Gabi et il a terminé sa première aquarelle hier, j’ai oublié de t’envoyer la photo. Il ne tire pas sa fibre artistique de moi par contre » Tu attrapais le téléphone de la jeune femme pour regarder cette première oeuvre amusé. Effectivement, il y avait encore du travail mais Gabriele y mettait beaucoup de coeur, ça c’était évident. A vrai dire, tu ne t’attendais pas à ce que Livia lui fasse poursuivre cette activité. « C’est un premier essai admirable ! » Dis-tu à la jeune maman avec un sourire sur les lèvres. Pour l’instant, c’était surtout de l’eau et des tâches de couleur mais il fallait bien commencer quelque part. « Je suis ravi que Gabriele soit toujours intéressé. Je ne pensais pas que tu allais lui acheter du matériel. C’est vraiment super en tout cas ! » Tu étais sincère et très touché parce que si tu arrivais à déclencher une passion chez l’enfant, cela te touchera beaucoup. « S’il persévère, je lui donnerai l’aquarelle de la plage qui l’a tant fasciné. Elle est terminée. » Ajoutas-tu en direction de Livia. Tu ne l’avais pas finie sur la plage, le soleil avait fini par tomber mais tu l’avais fini quelques jours plus tard. Posant ton regard vers Colleen, tu dis ensuite aux deux demoiselles : « Vous me dites toutes les deux n’avoir aucune fibre artistique mais vos cheesecake ne sont pas de simples gâteaux, ils ont été décorés. C’est une forme d’art aussi. » Leur dis-tu en désignant les cheesecake en question. « Dites m’en plus sur ces cheesecake que je pourrai goûter une fois le concours terminé. » Demandas-tu ensuite.


@Livia Visconti & @Colleen Sainsbury

Partagée entre l’étonnement et la confusion, assaillie de doutes et d’incertitudes, Colleen ne savait plus bien sur quel pied danser. Elle n’aurait jamais pu imaginer qu’un tel triangle se dessinerait, un triangle dont les tenants et aboutissants continuaient de lui échapper alors qu’elle observait toujours Livia et Marius le regard empli de curiosité. Le fait qu’ils se connaissent était résolument une très belle surprise, car jamais elle n’aurait pu anticiper que leurs cercles d’amis se croiseraient d’une manière aussi inattendue. Et puis, elle ne pouvait cacher que la présence de Marius au concours de cheesecakes la ravissait. Ils n’avaient pas prévu de se revoir avant la veille de l’anniversaire de la jeune femme, pour une surprise dont il refusait toujours de lui livrer le moindre indice – et pourtant ce n’était pas faute de multiplier les tentatives pour l’amener à céder, au cours de leurs échanges par SMS. Entre le déménagement qui aurait lieu le week-end suivant, le concours de cheesecakes qui avait accaparé son esprit, et son travail à l’hôpital, il aurait été bien difficile d’accorder à Marius une nouvelle soirée, même si l’idée était loin de lui déplaire. C’était plus fort qu’elle, plus fort que ses réticences et ses promesses, elle ne pouvait s’empêcher de penser à lui. Que ce soit en cuisinant des mets français, ou en voyant les surfeurs en combinaison sur la plage, ou encore lorsqu’elle apercevait la galerie d’art de Spring Hill derrière la vitre du bus qu’elle prenait pour aller à l’hôpital, toutes les occasions étaient bonnes pour ramener le visage du professeur d’histoire des arts dans son esprit. Si l’on cumulait à cela le manque de présence humaine qui se faisait parfois ressentir dans son quotidien, alors qu’elle avait passé la moitié de sa vie avec un homme et était encore peu habituée à l’idée de se coucher seule le soir, il était évident que cela n’aidait pas à chasser son visage de ses pensées. Au contraire, il se matérialisait avec de plus en plus de force et s’était même invité dans ses rêves dernièrement. Elle s’était dit que le fait de ne pas le voir avant un petit bout de temps l'aiderait à calmer le jeu, mais force était de constater que ce n’était pas du tout le cas.

Distraite par les doutes que soulevait la complicité évidente entre Livia et Marius, ainsi que leur aparté suspicieux, Colleen ne remarqua pas la confusion qui se peignit dans le regard de son amie quand Marius peina à mettre les mots justes sur leur relation. Elle ne pouvait pas imaginer que les regards qu’ils échangeaient depuis quelques minutes étaient lourds de sens et dévoilaient sans doute avec plus d’acuité la nature ambiguë de leur lien. Elle-même était persuadée qu’il n’y avait pas que de l’amitié entre Livia et Marius. Lui qui avait eu l’air si mal à l’aise quand elles s’étaient toutes les deux retournées vers lui en attente d’explications, et elle qui s’était jetée sur lui pour lui chuchoter des mots que Colleen avait été incapable de saisir… Tout cela était franchement suspect, et il n’en fallut pas beaucoup plus pour qu’elle s’imagine tout un tas de choses. En tête de liste : ce genre de relation dont elle avait déjà entendu parler, que ce soit dans les films ou par l’intermédiaire de ses amies – surtout sa collègue Izzie qui semblait avoir une expérience certaine en la matière – qui consistait à être amis et plus si affinités… Sex-friends, puisqu’il fallait appeler un chat un chat. Même si Marius lui avait confié qu’il n’avait pas été intime avec une femme depuis très longtemps, c’était la première pensée qui lui avait effleuré l’esprit. Puis elle s’était dit qu’il s’agissait peut-être de quelque chose de plus sérieux, de moins tendancieux. Quelque chose de plus franc. A vrai dire, plus elle y songeait, plus elle peinait à imaginer Marius dans une relation frivole… Quant à Livia, elle ne savait pas trop quoi en penser car elle lui semblait trop entière pour cela et d’un autre côté, elle devait admettre qu’elle ne connaissait pas grand-chose de sa vie amoureuse.
Quoiqu’il en fût, ses soupçons ne reposaient que sur des observations. Elle n’avait pas l’intention de brusquer les deux principaux intéressés pour tenter d’en savoir davantage, même si sa curiosité était titillée. Alors elle fit taire ses doutes, retrouva son sourire et ignora son cœur qui se serrait au fil des allégations silencieuses de son esprit.

Elle lança une pique à Livia concernant la compétition, avant de se tourner vers Marius et de lui en lancer une autre sur l’impartialité qu’elle exigeait de lui. Si la première se défendit en lui affirmant qu’elle ignorait qu’ils se connaissent tous les deux, le second arborait un air tiraillé qui ne lui disait rien qui vaille. Il lui confirma qu’il goûterait à son gâteau sans problème mais qu’il était incapable d’émettre un jugement objectif. C’était bien ce qu’avait craint Lynn. Et elle ne lui en voulait même pas, d’ailleurs. S’il aimait son amie de la manière qu’elle supposait, c’était parfaitement légitime. Et puis il avait assisté à ses essais culinaires et sans doute offert à la jolie Italienne son soutien infaillible ; il ne pouvait pas faire marche arrière à présent, ce serait trahir Livia. Toutefois elle aurait préféré qu’il se montre plus honnête avec elle, et qu’il lui parle de cette relation avant qu’elle ne la découvre par hasard. Elle se sentait un peu stupide désormais. Stupide d’avoir accordé du crédit à leurs échanges ambigus, stupide d’avoir pu imaginer que quelque chose était possible entre eux, stupide d’avoir failli céder à l’attirance qu’elle ressentait pour lui au risque de faire exploser les fondations mêmes de sa nouvelle existence qu’elle avait mis tant de temps à bâtir, avec détermination et abnégation. Elle ne lui en voulait pas… Mais éprouvait des regrets à l’idée de s’être emballée pour rien. Elle maudissait son imagination. Sa stupide imagination.

Tirant Colleen de sa contemplation – qui reposait en grande partie sur le principe de l’auto-flagellation mentale – Livia les surprit tous les deux en leur posant une question inattendue, une question que Colleen ne s’était même jamais posée. Existait-il un règlement qui interdisait une amitié entre les professeurs d’université et les parents d’élèves ? A moins que Livia n’insinue qu’ils partageaient plus qu’une simple amitié ? Colleen n’était pas certaine de saisir le message qui se cachait derrière sa question. Il était vrai qu’elle s’était plusieurs fois demandée ce qu’il adviendrait s’il se passait finalement quelque chose entre elle et lui. Si une relation voyait le jour et que l’un des collègues de Marius ou camarades de Lou venait à les surprendre, cela porterait sans doute préjudice à cette dernière dans le cadre de ses études. Maintenant qu’elle y songeait, cela pouvait être mal interprété… Pour le moment, elle n’avait pas besoin de se mettre martel en tête puisque rien de tout cela n’était sur le point de se produire, mais il serait sans doute plus prudent de garder cette réserve dans un coin de son esprit. Elle jeta un coup d’œil à Marius mais ce dernier observait Livia les yeux ronds d’étonnement. Il s’empressa de répliquer qu’il n’avait pas l’intention de privilégier Lou d’une quelconque manière et qu’elle était parfaitement capable de se débrouiller sans son aide, et Colleen acquiesça. « Je compte sur Marius pour ne jamais lui accorder de traitement de faveur, quel qu’il soit » affirma-t-elle à Livia. Ce dont elle ne doutait pas une seule seconde, d’ailleurs. Marius lui avait prouvé sa bonne foi en la convoquant dans son bureau quand la situation avec Lou était devenue ingérable, et elle plaçait une confiance aveugle en son professionnalisme. « J’espère que tu ne me penses pas capable de profiter de la situation pour privilégier Lou, quand même ? » Fit-elle, sourcils froncés, toujours à l’adresse de son amie, le ton de sa voix trahissant son inquiétude.

Soudain, Livia sembla se souvenir de quelque chose d’important et sortit son téléphone portable avec empressement pour montrer une photo à Marius sur son écran. Ce quelque chose, comprit Colleen, était une aquarelle réalisée par Gabi. Elle aurait bien voulu jeter un coup d’œil à l’œuvre réalisée par le garçonnet elle aussi, mais il semblait s’agir d’une affaire qui concernait Livia et Marius uniquement, et de nouveau elle ne put chasser la sensation d’être en trop dans cette conversation. Elle hésita. Elle avait toujours ressenti une aversion particulière pour les nombres impairs… Malheureusement tout portait à croire qu’elle était la cinquième roue du carrosse désormais. Elle balaya ses idées maussades et tâcha d’ignorer son ressenti pour se pencher à son tour au-dessus de l’écran du téléphone, se rapprochant de Marius par la même occasion. Elle sourit avec tendresse en découvrant l’aquarelle du petit Gabi. Elle était bien incapable de déterminer ce qu’il avait voulu représenter, mais elle imaginait aisément que le petit garçon avait mis du cœur à l’ouvrage. Cela rappelait à Colleen la concentration des petits du service pédiatrie quand ils dessinaient ou peignaient, leur langue tirée entre leurs lèvres serrées comme si cela leur permettait de mieux focaliser leur attention. Marius s’extasia devant le dessin, assurant que ce premier essai était remarquable, et Colleen opina du chef. « Un vrai petit artiste en herbe ! » Renchérit-elle, les yeux brillants. Elle détacha son regard de l’aquarelle et se décala un peu de Marius, dont la proximité soudaine l’avait mise un peu mal à l’aise. Ce dernier mentionna une aquarelle réalisée sur la plage, qu’il donnerait au petit garçon quand il le reverrait. Une aquarelle que Gabi et sa mère devaient connaître, supposa-t-elle, ce qui signifiait que la jeune Moïra n’était pas la seule à avoir pu apprécier l’art de son oncle. Nouveau pincement au cœur, nouveau tressaillement, nouveaux doutes. Colleen n’en laissa rien paraître pour autant et s’efforça de demeurer impassible. Son regard évita précautionneusement celui de Marius et se portait avec résolution sur Livia, alors qu’il évoquait la forme d’art que représentait la confection et surtout la décoration des cheesecakes. En vérité, Lynn était restée sur quelque chose d’assez simple au niveau du dressage, mais Marius ne le découvrirait que lorsqu’il aurait vu son gâteau de plus près. « Je ne sais pas si on peut appeler vraiment ça de l’art… Je ne suis pas une experte en pâtisserie pour être honnête, je suis plus douée avec tout ce qui est salé. Mais je suppose… Je suppose que pour certains des cheesecakes présents sur la table, on peut parler d’art en effet ». Son ton n’était pas sec, mais elle s’évertuait à ne pas regarder Marius droit dans les yeux, observant désormais les cheesecakes sur la table avec intérêt. « En ce qui concerne mon cheesecake, j’imagine que je peux en dire plus maintenant que les dés sont jetés » Elle adressa un regard complice à Livia, se demandant si elle livrerait aussi facilement qu’elle les secrets de la confection de son gâteau. « J’ai voulu faire quelque chose qui me ressemble, quelque chose qui évoque ce que j’aime… Du coup, j’ai ajouté une petite touche française à mon cheesecake, car c’est le type de cuisine que je préfère. C’est un cheesecake crème brûlée » Fit-elle avec un accent français à couper au couteau. « J’avoue que le chalumeau m’a donné du fil à retordre » Poursuivit-elle en montrant la brûlure qu’elle s’était faite au niveau de l’index deux jours plus tôt en terminant un essai. « Ça a l’air simple en apparence mais j’ai essayé de miser sur l’équilibre et la justesse des goûts. Pour la décoration, ça reste sobre aussi… On verra si la French Touch plaît au jury ». Malgré ce qu’elle prétendait quand Livia était dans les parages, elle était loin de penser que son gâteau décrocherait le premier prix, mais elle pensait néanmoins qu’elle ne se défendait pas trop mal.

@Livia Visconti & @Marius Warren

Il n’avait pas fallu davantage qu’une nouvelle remarque de Marius, insistant sur le fait qu’il aurait du mal à être impartial dans cette affaire de cheesecakes, pour que Livia ait définitivement la puce à l’oreille. Elle l’avait invité, et attendait par conséquent qu’il soit en quelque sorte là pour la soutenir – même si cette attente n’était qu’implicite et qu’elle ne lui en tiendrait pas rigueur que ce ne soit pas le cas. Elle avait participé à cette compétition pour elle et pour pouvoir partager une nouvelle activité avec Colleen, et le plaisir qu’elle prenait à échanger avec Marius n’était fort heureusement pas dépendant de son soutien. Lorsqu’elle lança sa question sur les relations parents-professeurs à l’université, cela paru étonné les deux concernés. En y réfléchissant bien, il était vrai que sa question sortait de nulle part et pouvait paraître bancale, mais Livia l’avait posée avec une telle simplicité qu’on aurait voulu croire en ses bonnes intentions juste teintées de curiosité. « Hum … Non, pas à ma connaissance. Je n’ai nullement l’intention de favoriser Lou parce que je connais sa mère. Elle n’en a pas besoin de toute manière, Lou est une très bonne élève. » Il était vrai que de ce qu’elle avait entendu dire Colleen, Lou ne posait aucun problème et se plaisait dans ses études. « Je compte sur Marius pour ne jamais lui accorder de traitement de faveur, quel qu’il soit. J’espère que tu ne me penses pas capable de profiter de la situation pour privilégier Lou, quand même ? » Lorsque son amie insista son interrogation, Livia s’en voulut d’avoir tourné sa question ainsi. Elle qui l’avait lancée quelque peu par hasard dans l’espoir de sonder les réactions et obtenir quelques indices supplémentaires ce qui liait – ou non – ses deux amis, elle se rendait compte que cela avait réellement touché Colleen, qui paraissait réellement inquiète que Livia puisse penser une telle chose. Elle se sentit trop coupable pour faire durer le petit jeu et y coupa court bien vite. « Non, pas du tout ! » lâcha-t-elle en s’adressant à Colleen. « Je sais qu’ils ont des règles très strictes dans certaines universités, ce qui est assez incompréhensible d’ailleurs. Je me demandais simplement si c’était aussi le cas ici. » Elle avait tenté de se rattraper tant bien que mal, mais elle-même n’était pas totalement convaincue pour ses explications. Affichant l’air le plus serein possible, elle espérait que sa réponse suffise à faire oublier cette question gênante, qui n’avait pas tourné de la manière espérée.

Lorsqu’elle se rappela de l’aquarelle de Gabi qu’elle devait absolument montrer à Marius, puisqu’il était celui qui avait initié l’intérêt de son fils pour cette activité, elle sauta sur l’occasion pour changer de sujet. Marius parut touché par cette attention, ce qui était par ailleurs la raison pour laquelle elle tenait absolument à lui montrer la production – sommaire – de Gabi. Du peu qu’elle en avait entendu, les aquarelles représentaient une passion assez personnelle pour Marius, qu’il ne partageait pas avec grand monde, et elle était heureuse de lui montrer qu’il arrivait à en inspirer d’autres, aussi jeunes soient-ils. Il ne fut pas avare de compliments, tandis que Colleen s’approchait pour voir la photo également. « Je suis ravi que Gabriele soit toujours intéressé. Je ne pensais pas que tu allais lui acheter du matériel. C’est vraiment super en tout cas ! » « C’est même lui qui me l’a réclamé » « S’il persévère, je lui donnerai l’aquarelle de la plage qui l’a tant fasciné. Elle est terminée. » Livia sourit à cette attention, car c’était bien plus qu’elle n’en attendait de sa part, et elle ne comptait par ailleurs pas qu’il lui donne si facilement une de ses aquarelles, qui représentait bien trop de travail. « Un vrai petit artiste en herbe ! » Ne voulant pas renchérir sur la proposition de Marius, elle se contenta de ranger son téléphone après cette petite démonstration qui semblait avoir ému les foules, tout en leur adressant à tous les deux un « Merci » teinté d’un sourire fier. Elle était ce genre de maman, qui avait conscience que son enfant n’avait rien fait d’autre que trois gribouillis sur une feuille, mais devant lesquels elle s’émerveillait en imaginant ce que cela pourrait donner plus tard – pour peu qu’il ne se lasse pas et persévère, comme l’avait dit Marius.

Ce fut d’ailleurs Marius qui les poussa à en dévoiler davantage sur la raison première de leur présence, les fameux cheesecakes. Restait à savoir s’il considérait vraiment cela comme de l’art, ou essayait simplement de flatter les deux amies. « Dites m’en plus sur ces cheesecakes que je pourrai goûter une fois le concours terminé. » Elle laissa Colleen se lancer. « En ce qui concerne mon cheesecake, j’imagine que je peux en dire plus maintenant que les dés sont jetés. » Cette dernière lui jeta un regard en coin tira un rire léger à Livia, elle-même réellement curieuse d’en savoir plus sur ce que Colleen avait préparé. « J’ai voulu faire quelque chose qui me ressemble, quelque chose qui évoque ce que j’aime… Du coup, j’ai ajouté une petite touche française à mon cheesecake, car c’est le type de cuisine que je préfère. C’est un cheesecake crème brûlée. » Lorsqu’elle vit Colleen lever son index, elle la regarda en se pinçant les lèvres, d’un air mi-amusé et mi-désolé qu’elle en soit arrivée là. « Je suis curieuse de découvrir le fameux cheesecake, l’idée est vraiment excellente. En revanche on peut déjà dire que tu as réussi la partie ‘brûlée’. » Dommage que le jury ne prenne pas en compte l’implication, car Colleen semblait s’être vraiment donnée par sa création, dont elle essayait pourtant de minimiser la décoration. C’était la première fois depuis le début de leur petite guerre amicale que le jeu se calmait, maintenant que les résultats étaient si proches. Se pliant à son tour à l’exercice, Livia resta sobre, voyant au loin que plusieurs personnes s’activaient autour de la table du jury – ils étaient peut-être sur le point d’annoncer les gagnants. « De mon côté j’ai aussi tenté quelque chose de nouveau. J’ai une recette que j’aime beaucoup, mais cette fois j’ai voulu la décliner en version vegan. J’espère aussi que l’effort de recherche paiera » dit-elle en souriant et en hochant les épaules. Evidemment qu’elle serait ravie que son cheesecake soit récompensé, mais elle avait bien conscience qu’elle avait prit un certain risque en limitant les ingrédients utilisés. Et surtout, qu’il y avait peu de chances qu’elle soit la pâtissière amateure la plus douée de Brisbane, si l’on prenait en compte la taille de la ville.

Soudain, elle leva les yeux tandis qu’une annonce faite au micro invitait les personnes présentes à se rapprocher de la table du jury auprès de laquelle avait été placé un podium. Jaugeant du regard ses deux amis pour qu’ils se dirigent tous les trois vers la table sur laquelle trônaient encore tous les gâteaux, elle fut distraite par son téléphone qui émit un bip sonore. Elle était persuadée de l’avoir passé en silencieux, et ne put contre toute attente pas s’empêcher de regarder rapidement le message reçu, persuadée qu’il s’agissait de la même personne que tout à l’heure – et c’était bien le cas. Souriant naïvement pendant un instant, elle se reprit tandis qu’elle jetait un regard complice à Colleen. Nulle doute que cette dernière devait avoir fini par comprendre que ces messages n’étaient pas tout innocents, même si Livia ne lui avait pas encore fait part de cette histoire.

@Colleen Sainsbury & @Marius Warren

La question de Livia vous avez déconcerté à tous les deux. Même si Lou avait était à l’origine d’une de vos rencontres hasardeuses, depuis cette entrevue à l’université, vous aviez tenu la jeune femme bien loin de vos préoccupations ainsi que de vos discussions. Colleen t’avait fait comprendre qu’elle préférait que votre relation reste inconnue de sa fille pour l’instant et cela ne te dérangeait pas. D’ailleurs, c’était aussi grâce à cette dissimulation que tu avais eu droit au surnom de James Bond de la part de la jeune femme car vous deviez veiller à ne pas vous faire attraper. Il n’était pas impossible que cela arrive un jour car vous ne faisiez pas spécialement d’efforts monstrueux pour cacher vos entrevues non plus. La soirée que tu avais passée chez Colleen aurait pu être interrompue par Lou si elle avait oublié un cahier ou un livre chez sa mère mais tu étais heureux que cela n’ait pas été le cas. Tu n’étais pas vraiment prêt à mettre des mots sur ta relation avec Colleen et en parler à sa fille voudrait forcément dire quelque chose. Donc pour l’instant, il était préférable que tout cela reste entre vous. Tu n’avais par contre pas considéré que ta relation avec Colleen pouvait être un problème par rapport au rôle de professeur que tu avais avec Lou. Ton attitude envers la jeune femme ne s’était nullement modifiée et tu tenais à faire savoir à sa mère que tu ne lui accordais aucun traitement de faveur et que tu ne comptais pas le faire. « Je compte sur Marius pour ne jamais lui accorder de traitement de faveur, quel qu’il soit. J’espère que tu ne me penses pas capable de profiter de la situation pour privilégier Lou, quand même ? » Tu ne cachais pas ton soulagement en entendant Colleen prononcer ces mots. S’il y avait une chose que tu chérissais plus que tout dans ta vie minée c’était ta carrière et tu ne comptais pas la mettre en péril pour Lou ou pour sa mère. Tu étais tout à fait professionnel avec l’adolescente et si elle finissait par apprendre que sa mère et son professeur se voyait bien trop souvent pour que cela soit purement hasardeux, ce ne sera pas parce que ton comportement envers elle aura changé. Tu ne rajoutais rien et tu laissais Livia répondre à la question de son amie : « Non, pas du tout ! Je sais qu’ils ont des règles très strictes dans certaines universités, ce qui est assez incompréhensible d’ailleurs. Je me demandais simplement si c’était aussi le cas ici. » Cela faisait des années que tu n’avais pas lu le règlement intérieur de ton université donc tu ne te souvenais pas bien de ce qu’il stipulait à ce sujet mais une règle de ce genre t’aurait marquée. Dans le primaire et le secondaire, il est facile de demander au directeur de l’établissement d’échanger un élève de classe à la rentrée si l’on connaît bien ses parents. A l’université, dans des amphithéâtres de centaines d’élèves, ce n’était pas ainsi que cela fonctionnait. Et puis tes amis proches avaient ton âge et certains avaient des enfants qui étaient déjà de jeunes adultes donc tu les connaissais forcément. Ils ne faisaient pas tous de l’histoire de l’art mais tu n’avais pas envie de les priver de ton enseignement pour des conneries. Tu n’avais jamais joué au jeu des favoris, tu n’allais pas commencer maintenant. « Vous pouvez toutes les deux compter sur mon professionnalisme. Si Lou mérite une mauvaise note, c’est bien ce qu’elle aura. Mais elle mérite plutôt de très bonnes notes vu la qualité de ses devoirs. » Dis-tu avec un petit sourire rassurant en direction de Colleen. La jeune femme n’avait aucun souci à se faire pour sa fille, elle fera de brillantes études, ça, tu en es certain.

Le sujet dériva ensuite vers Gabriele et sa toute nouvelle passion pour les aquarelles. Très franchement, tu n’avais pas pensé une seule seconde que ce petit garçon de trois ans voudrait retenter l’aventure et que Livia l’encouragerait dans cette direction. Tu étais donc très touché d’apprendre qu’il avait remis ça et produit sa première oeuvre. Tu pris le temps de la regarder, amusé, sur le téléphone de Livia. Ce n’était pas merveilleux mais Gabriele avait trois ans et commençait à peine, c’était déjà très bien quand on prenait ces deux faits en considération. Colleen s’approcha pour regarder la photo également et vint complimenter le petit garçon de la même manière que tu l’avais fait : « Un vrai petit artiste en herbe ! » Posant ton regard sur Colleen, ton sourire se figea quand tu la vis détourner le regard. Elle semblait se concentrer uniquement sur Livia désormais et tu sentis ton coeur louper un battement. C’était idiot, tu étais en train de te faire des idées, il fallait que tu arrêtes de trop interpréter les faits et gestes de la jolie brune. « Merci » Le remerciement de Livia alors qu’elle rangeait son téléphone te sortit de tes pensées. Tu espérais vraiment que son fils continuera à peindre. Ce sera un plaisir pour toi de le voir grandir comme artiste s’il persévère. Il semblait intéressé pour l’instant ce qui était déjà très positif et qui faisait plaisir à sa mère qui était toute fière.

En parlant d’art, tes deux interlocutrices t’avaient dit ne pas être douées en art et pourtant, l’art de la cuisine et de la décoration de gâteau n’était pas une invention. C’était une autre forme de création artistique mais ça en était une malgré tout. Ta question sembla redonner à Colleen l’occasion de t’adresser la parole mais encore une fois, son regard ne se posa pas sur toi mais sur Livia puis son gâteau qu’elle désignait du doigt. Tu avais peut-être rêvé tout à l’heure mais cette fois, ce n’était pas toi qui t’imaginais des choses. Colleen fuyait ton regard de son plein grés et tu ne comprenais pas pourquoi. Avais-tu fait quelque chose de mal ? Elle ne te laissa pas le temps de remonter le temps dans ton esprit car elle se mit à te répondre : «  En ce qui concerne mon cheesecake, j’imagine que je peux en dire plus maintenant que les dés sont jetés. J’ai voulu faire quelque chose qui me ressemble, quelque chose qui évoque ce que j’aime… Du coup, j’ai ajouté une petite touche française à mon cheesecake, car c’est le type de cuisine que je préfère. C’est un cheesecake crème brûlée. J’avoue que le chalumeau m’a donné du fil à retordre. Ça a l’air simple en apparence mais j’ai essayé de miser sur l’équilibre et la justesse des goûts. Pour la décoration, ça reste sobre aussi… On verra si la French Touch plaît au jury » Ton regard se posa sur les traces de brûlure que Colleen vous avait désigné pendant son explication et tu n’avais qu’une envie c’était d’attraper sa main et de caresser ces traces pour essayer de les faire disparaître. Mais tu te retins car vous n’étiez pas seuls et tu ne savais pas ce que Colleen voulait dire à Livia ou même ce que tu voulais que Livia sache de ta relation avec Colleen. Tu décidais donc de te concentrer sur le fait que la jeune femme avait fait un gâteau aux touches françaises et cela touchait ton petit coeur nostalgique. « Je suis curieuse de découvrir le fameux cheesecake, l’idée est vraiment excellente. En revanche on peut déjà dire que tu as réussi la partie ‘brûlée’. » Tu laissais les deux amies se taquiner au sujet de leurs cheesecake respectifs. Une pensée traversa alors ton esprit. Et si aucune des deux ne gagnait, est-ce que ce sera à toi de les départager dans cette petite guerre amicale ? Tu espérais très sincèrement que cela ne serait pas le cas parce que tu savais par avance que choisir ne sera pas une bonne chose. « J’adore la crème brûlée ! C’est une super idée en tout cas ! Et n’écoute pas Livia, tu ne l’as pas du tout brûlé. » Lui dis-tu avec un clin d’oeil. Il était très beau vu de loin et même s’il ne sera sans doute pas parfait de près, vous étiez tous des cuisiniers amateurs. Ce fut ensuite au tour de Livia de vous parler de sa création : « De mon côté j’ai aussi tenté quelque chose de nouveau. J’ai une recette que j’aime beaucoup, mais cette fois j’ai voulu la décliner en version vegan. J’espère aussi que l’effort de recherche paiera » Tu avais bien compris que ton amie voulait partir sur une recette vegane. Ce n’était clairement pas ton truc, tu n’étais pas habitué à cuisiner avec ce genre de contraintes mais cela ne te dérangeait pas de goûter les mets des autres et de les apprécier. Tu n’étais pas un extrémiste alimentaire. « Vu les quelques aperçus que j’en ai eu, c’était délicieux ! Je sens que je vais me régaler … » Dis-tu sincèrement. Tu ne pouvais chasser l’impression que tu avais que Colleen n’était pas complètement dans son assiette et que cela était de ta faute d’une manière ou d’une autre. Mais comment lui poser la question alors que Livia vous observait intriguée ? Telle était la question …

Une annonce fut faite au micro pour inviter les personnes présentes à s’approcher de la scène et du podium. Cela voulait certainement dire que le suspens allait être de courte durée désormais car les gagnants allaient être annoncés. Alors que vous avanciez vers la scène, le téléphone portable de Livia émit une sonnerie signalant un texto et tu profitais qu’elle fouille dans son sac pour poser ta main sur le coude de Colleen et lui demander : « Tout va bien ? » Tu ne cachais pas la légère inquiétude qui pouvait se lire sur ton visage mais l’attention de la jeune femme se tourna de nouveau vers Livia qui regardait son portable avec un sourire naïf et amusé. Tu ignorais ce qu’elle venait de recevoir mais elle semblait bien trop heureuse de l’avoir reçue pour que ce soit un texto sans importance. Toutefois, tu te voyais mal la questionner sur ce dernier au milieu de la foule. Tu profitais qu’elle réponde brièvement à son texto pour te tourner de nouveau vers Colleen et passer rapidement tes doigts sur sa brûlure avant de dire : « J’espère que ça ne te fait pas trop mal … » C’était idiot peut-être mais tu avais besoin de t’assurer que Colleen et toi vous étiez toujours sur le même longueur d’ondes parce que tu ne voyais pas ce qui avait changé depuis votre dernière rencontre. Te tournant de nouveau vers Livia tu la taquinais en disant : « Ce n’est pas ton fils qui fait des bêtises au moins ? » Tu savais déjà que ce n’était pas le cas. Une personne prit la parole sur scène et tu dis aux deux jeunes femmes : « Il semblerait que le moment que vous attendiez toutes les deux soit arrivé. » Tu allais regarder le spectacle avec attention, cela t’amusait beaucoup.


@Livia Visconti & @Colleen Sainsbury

Si on lui avait dit que ce concours de cheesecake deviendrait le théâtre des révélations, Colleen n’en aurait certainement pas cru un traître mot. Elle n’avait pas anticipé à un seul instant le triangle amoureux qui s’y formerait. Persuadée que Livia et Marius partageaient bien qu’une simple amitié et qu’elle s’était complètement fourvoyée sur les intentions du beau brun au cours de leurs dernières rencontres, elle éprouvait beaucoup de difficultés à composer une expression impassible en présence des deux acolytes à la complicité évidente. Loin d’elle l’envie de jouer les victimes ou de faire une scène à Marius. Ce n’était clairement pas son genre et elle n’avait pas la moindre envie de tout gâcher, que ce soit avec l’un ou avec l’autre. Certes il lui faudrait désormais se faire à l’idée que l’attirance qu’elle ressentait à l’égard de Marius était vouée à demeurer à sens unique et que leur relation resterait purement platonique. Un comble pour la jeune femme qui avait passé tant de temps à se voiler la face et à refuser d’admettre la tournure romantique que pouvait potentiellement prendre cette relation. Si seulement ils s’étaient confiés à elle plus tôt, si seulement ils avaient pu lui faire suffisamment confiance pour s’étendre davantage sur les prémices de leur union … Elle était certaine qu’elle aurait su mieux protéger son cœur. Mieux réagir. Même si elle était convaincue qu’elle finirait par rebondir, cela n’en était pas moins douloureux. Tentant de voir le bon côté des choses malgré tout, et de faire contre mauvaise fortune bon cœur, elle s’efforça de se rappeler qu’elle n’était pas venue en Australie chercher l’amour, mais se retrouver elle. Avec du recul découvrir le pot aux roses lui permettrait sans doute de se recentrer sur ses priorités et ce n’était pas plus mal ainsi car elle s’en était indubitablement éloignée en songeant à Marius ces dernières semaines. Ne disait-on pas que le destin faisait bien les choses ? Si c’était bien le cas, alors Colleen voyait en cette situation un signe censé l’orienter vers ce qu’elle était véritablement venue chercher à l’autre bout du Monde.

Se raccrochant avec détermination au regard de Livia, elle porta exclusivement son attention sur cette dernière. Perdue dans son propre questionnement intérieur, elle ne se doutait pas un seul instant que son attitude éveillait les soupçons de Marius et qu’il n’était pas plus à l’aise qu’elle ne l’était dans cette situation. Les doutes évoluaient en certitudes, les ambiguïtés en convictions. Elle ne pouvait même pas se soustraire à l’attention de Livia pour attirer le beau brun à quelques mètres de là et tenter d’obtenir de précieuses explications, ce serait malpoli de sa part. Elle était venue au concours de cheesecake pour partager un moment avec son amie, pas pour la blesser ou la laisser seule. Les explications devraient attendre, et n’ayant pas d’autre choix que de se montrer patiente, Colleen le serait. Même si cela lui coûtait énormément.

Après avoir complimenté l’aquarelle réalisée par le jeune Gabi avec un enthousiasme sincère – en tant que mère, elle compatissait pleinement au sentiment de fierté qui illuminait le visage de son amie en cet instant – Colleen s’écarta de Marius et respira un peu mieux. Elle ne pouvait prétendre que la tension s’était totalement éteinte de son côté et que même en connaissance de cause elle n’éprouvait pas la même attirance qu’auparavant pour le professeur d’histoire des arts. C’était comme si son corps n’avait pas eu le temps d’assimiler les conséquences de ses découvertes et continuait de réagir instinctivement au contact de Marius. Il lui faudrait du temps, mais avec un peu de volonté elle était persuadée qu’elle finirait bien par y parvenir. Tentant d’occuper son esprit autrement que pas le biais de ses regrets, elle accepta de livrer le secret qui entourait la confection de son cheesecake, secret qu’elle était parvenue à couver ces derniers jours. La réalisation de son gâteau ne s’était pas faite sans peine, en attestait la brûlure qu’elle portait au doigt comme une blessure de guerre. Livia s’amusa naturellement de celle-ci, et en toute honnêteté Colleen n’en attendait pas moins de la part de celle qu’elle considérait comme une amie à présent. De son côté, Marius se montra tout aussi enthousiaste. L’Anglaise connaissait bien son attrait pour tout ce qui touchait à la culture française, et parce qu’ils avaient eu l’occasion de discuter gastronomie française lors de leur dernière soirée en tête à tête, elle savait pertinemment que le choix de sa recette ne le laisserait pas insensible. L’ombre d’un sourire passa sur les lèvres de Colleen mais elle s’obstina à fuir son regard. Elle focalisa son attention sur les explications que livrait Livia sur son propre gâteau ; fidèle à elle-même, elle avait tenté une recette végane. Si la révélation ne surprenait pas vraiment la jeune femme, elle n’en était pas moins profondément admirative devant les efforts de l’Italienne. Remplacer les ingrédients du cheesecake traditionnel par des substituts végans n’avait pas dû être chose aisée et elle était curieuse de découvrir le résultat. Avant qu’elle ait le temps de réagir, Marius s’empressa de rassurer Livia. Ayant eu l’opportunité de goûter sa recette, il était persuadé que le gâteau qui portait le numéro 25 serait délicieux. Colleen acquiesça. « Marius a raison, je suis sûre que tu vas éblouir le jury grâce à l’originalité de ta recette ». La rivalité bon enfant qui les avait opposées touchait à sa fin alors que les membres du jury devaient rendre leur verdict d’une minute à l’autre. Lynn préféra donc l’encourager plutôt que de maintenir la compétition entre elles plus longtemps.

Et justement, les haut-parleurs placés tout autour de l’espace dédié au concours transmirent l’annonce de l’imminence des résultats, invitant tout le monde à s’approcher de l’estrade. Ils avancèrent tous les trois d’un même pas et se postèrent à quelques mètres de la table qui accueillait les cheesecakes. L’attention de Livia fut rapidement distraite par son téléphone portable et Marius en profita pour attirer l’attention de Colleen. L’embarras de la jeune femme se lisait aisément dans son regard, et quand elle croisa celui du beau brun elle sentit sa gorge se nouer. Elle n’avait pas la moindre envie de provoquer un esclandre alors que Livia se tenait à un mètre d’eux, et pas non plus envie de trahir ses sentiments. Ce qui rendait sa situation particulièrement délicate. « Oui… » Fit-elle d’une petite voix. Mais elle était à peu près certaine qu’elle ne duperait pas Marius aussi facilement, Marius dont les traits exprimaient une profonde incompréhension. Colleen n’en comprit pas la cause. Avait-il été aveugle au point de ne pas comprendre l’importance qu’il revêtait à ses yeux ? L’attachement qu’elle ressentait pour lui ? L’attirance, qu’elle avait pensé réciproque ? Son regard se détacha momentanément du sien et son attention se porta sur Livia, dont les lèvres esquissaient un sourire ravi. Colleen ne fit pas le rapprochement avec le SMS qu’elle avait reçu précédemment, et se retourna vers Marius qui lui saisit délicatement la main pour caresser furtivement la brûlure qu’elle portait au doigt. Cette fois, les sourcils de la jeune femme se froncèrent radicalement. A quoi rimait donc cette comédie ? C’était à ne plus rien y comprendre ! Réunissant son courage et ignorant le picotement qu’elle ressentait à l’endroit exact où ses doigts venaient de l’effleurer, elle alla droit au but. « A quoi tu joues Marius ? » Murmura-t-elle, sans agressivité mais le regard peiné. « Vous êtes ensemble, Livia et toi ? ». Son cœur se serra à cette éventualité, car elle était à peu près certaine qu’il apporterait une réponse positive à cette question. Il n’en eut pas le temps néanmoins, car à peine eut-il ouvert la bouche que Livia revenait vers eux et qu’un membre de jury commençait son discours. En cet instant Colleen n’en eut plus grand-chose à faire de son cheesecake. N’écouta même pas le blabla inintéressant débité par l’homme sur l’estrade. Ses yeux étaient rivés sur Marius et la tension entre eux était à son apogée. Ce ne fut que lorsque Livia s’anima à côté d’eux, euphorique, qu’elle comprit qu’elle venait de remporter une place sur le podium. La deuxième, à priori, puisqu’une autre personne se tenait déjà sur la troisième marche dudit podium, sur scène. Colleen détacha son regard de Marius et serra son amie dans ses bras pour la féliciter. « Bravo Livia ! C’est complètement mérité ! ». Et elle le pensait sincèrement. Elle suivit du regard sa silhouette s’éloigner vers l’estrade dont elle gravit les quelques marches pour rejoindre le jury et se voir attribuer une coupe. Les pouces levés dans sa direction, Colleen encouragea Livia de loin, fière de la réussite de son amie. Le nom du gagnant du concours fut annoncé dans la foulée, et elle n’éprouva pas le moindre regret ni même de l’envie en le voyant s’éloigner à son tour. Elle n’avait pas gagné mais se réjouissait de la victoire de son amie qui la méritait tant. Et puis, ses préoccupations étaient ailleurs désormais. Elle sentit Marius s’approcher d’elle à nouveau, et retint son souffle quand il ouvrit la bouche.

@Livia Visconti & @Marius Warren

Il y avait quelque chose qui tourmentait Colleen et tu n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Depuis votre dernière rencontre, tu lui avais envoyé un bouquet de fleurs au travail et il en avait découlé des conversations par sms, rien qui ne laissait présager que tu aies fait quelque chose de mal. Pourtant, le comportement de la jeune femme aujourd’hui te laissait penser que tu avais dû la blesser d’une manière ou d’une autre car elle refusait désormais de te regarder. Tu ne comprenais vraiment pas pourquoi mais tu comptais bien percer ce mystère car si tu avais fait quelque chose pour blesser la jolie brune, tu comptais bien te rattraper. Et pour te rattraper, il fallait que tu saches ce que tu avais fait. Tu laissais Colleen et Livia s’envoyer des petites piques au sujet de leurs cheesecakes, à cet instant précis, tu n’avais pas grand chose à faire des gâteaux qui se trouvaient sur l’estrade. Tu tournais et retournais le problème dans ton esprit, laissant la foule vous porter jusqu’à l’estrade pour la remise des prix. Livia ne semblait pas avoir remarqué que tu n’étais plus vraiment avec elles, que tu réfléchissais plus que d’habitude. Ton amie avait son nez dans son portable et tu ne savais pas qui s’était mais le sourire qu’elle avait sur les lèvres ne trompait pas. Si Livia retrouvait quelqu’un avec qui partager sa vie, c’était vraiment une bonne chose car elle méritait d’avoir une grande famille comme elle en rêvait. Toi, tu ne pensais pas que cela t’arriverait mais ce n’était pas grave. Tu avais vu grandir Elia, la fille de May qui était un peu la tienne également tellement tu avais fini par prendre la place de ton amie. Et puis il y avait Moïra. Il faudra que tu te fasses à l’idée que cela devait être suffisant. Mais ce n’était pas le moment de penser à cela. Tu profitais de la distraction de Livia pour demander à Colleen si tout allait bien. Tu étais inquiet de son comportement qui ne ressemblait en rien à celui auquel elle t’avait habituée. « Oui…  » Tu n’étais pas un expert mais cette petite syllabe voulait tout dire. Non, elle n’allait pas bien et vu qu’elle ne semblait pas vouloir te regarder, cela était de ta faute. La vérité était que tu n’arrivais pas à trouver une quelconque raison pour laquelle Colleen pouvait t’en vouloir depuis votre dernière rencontre ou vos dernières conversations par sms. Alors tu attrapais délicatement sa main et tu lui dis que tu regrettais qu’elle se soit brûlée pour un gâteau. Tu vis dans le regard de la jeune femme qu’elle avait hésité à retirer sa main de la tienne mais elle n’en fit rien. Elle finit par plonger son regard dans le tient et tu y vis une profonde blessure qui vint de frapper droit au coeur. Mais rien ne pouvait te préparer aux mots qui sortirent de la bouche de Colleen : « A quoi tu joues Marius ? Vous êtes ensemble, Livia et toi ? » Tes yeux s’écarquillèrent et ta bouche s’entrouvrit alors que tu lâchais la main de Colleen. Quoi ? Livia et … quoi ? Tu ouvris la bouche pour répondre à la jeune femme mais le jury décida d’annoncer les gagnants à ce moment-là. Tu n’arrivais pas à croire que Colleen puisse penser que Livia et toi vous étiez autre chose que de simples amis. Tu avais rencontré Livia il y avait un peu plus d’un mois et tu n’avais jamais imaginé la jeune femme sous cet angle là. Oh elle était très belle et vous vous entendiez très bien mais ce n’était pas Livia que tu cherchais à séduire, ce n’était pas à Livia que tu espérais plaire. Tu vis dans le regard de Colleen qu’elle se sentait profondément trahie par ton comportement. Pourtant elle devrait savoir que s’il y avait quelqu’un d’autre tu le lui aurais dit non ? Pensait-elle vraiment que tu passerais tes soirées avec elle, tes journées à lui envoyer des textos, si tu étais vraiment avec Livia ? Il y avait dû avoir quelque chose dans cette journée qui l’avait poussée à se faire ce film qu’elle avait déroulé sans vous poser aucune question et … Cela te sauta soudainement aux yeux, toi qui pouvais être aveugle quand tu le voulais. Beth avait peut-être raison, il fallait que tu fasses plus attention à tes faits et gestes. Les aquarelles, c’était les aquarelles qui avaient dû la convaincre que tu étais avec Livia. Tu n’avais plus pensé au fait que la jeune femme t’avait vu peindre lors de votre rencontre. Tu pensais à l’aquarelle que tu étais en train de peindre, cette maison dont tu commençais à connaître tous les contours et que tu comptais offrir à Colleen pour son anniversaire mais ça c’était une surprise. Une surprise qui n’aurait aucun sens si elle continuait à penser que tu étais en couple avec Livia. Le nom des gagnants fut annoncé et tu entendis le nom de Livia qui se mit à s’animer à vos côtés. Colleen détacha finalement son regard du tient et vint prendre Livia dans ses bras : « Bravo Livia ! C’est complètement mérité ! » Tu n’eus pas le temps d’ajouter un mot que Livia se précipitais sur l’estrade pour récupérer son prix, un grand sourire sur les lèvres. Sortant ton téléphone portable, tu pris quelques photos qu’elle pourrait conserver plus tard. Tu avais bien conscience que tu n’arrangeais pas ton cas mais Livia serait ravie d’avoir ces photos. Tu rangeais rapidement ton portable et le regard de Colleen était on ne peut plus clair. Elle était persuadée que tu étais avec Livia, comme si toute cette après-midi n’avait été faite que pour lui montrer cela. Il fallait que tu t’expliques mais par quoi commencer ? Peut-être par lui expliquer clairement ta relation avec Livia ? Il fallait que tu saisisses ta chance avant que votre amie ne revienne à vos côtés. « Livia et moi ne sommes pas ensemble. Je … Je peux comprendre que tu penses que c’est le cas mais ça ne l’est pas. Je l’ai rencontrée il y a un mois à peu près quand j’étais en train de peindre sur la plage et que son fils s’est précipité sur moi pour savoir ce que je faisais. Tu as dû le rencontrer, je n’avais pas envie de faire apparaître une moue boudeuse sur son visage alors je lui ai montré. » Et donc tu l’avais montré indirectement à Livia également. Enfin, elle avait vu le début d’une aquarelle, tu ne l’avais terminée que plus tard. « J’étais déjà client de l’épicerie avant de croiser Livia sur la plage mais du coup maintenant on discute quand je viens faire mes courses et on s’entend bien c’est vrai mais je … » Tu poussais un petit soupir. Ton éloquence, tu ne l’avais vraiment que pour parler devant tes élèves, je reste du temps tu la perdais complètement. « Il n’y a aucune ambiguïté entre Livia et moi. S’il y en avait une, je ne serai pas venu chez toi, je ne t’aurai pas envoyé de fleurs, je ne te préparerai pas une surprise pour ton anniversaire. Ce ne serait pas juste ni pour elle, ni pour toi. » Et tu étais incapable de jouer à ce petit jeu avec deux femmes en même temps mais ça, tu ne pensais pas que c’était la peine de le lui dire. « Je suis vraiment désolé si je t’ai blessé ce n’était pas le but. » Finis-tu par dire alors que tu voyais Livia se rapprocher de nouveau de vous. Tu avais loupé une partie de la remise des prix mais ce n’était pas très grave, tu avais quelques photos pour lui prouver que tu l’avais bien vue attraper son prix. Quand elle fut à votre hauteur, tu lui dis : « Félicitations ! Ce cheesecake vegan a conquis le jury alors ! Tu vas pouvoir le vendre sans problème à l’épicerie ! » Tu ne doutais pas qu’il aurait là aussi un franc succès. « J’ai pris quelques photos de ta remise de prix pour que tu puisses t’en vanter pendant quelques semaines. » Ajoutas-tu amusé en direction de ton amie. Ton regard se posa ensuite sur Colleen et tu lui souris timidement. Tu espérais que ton explication suffirait mais si ce n’était pas le cas, Livia pourra toujours venir appuyer ta version des faits.


@Livia Visconti & @Colleen Sainsbury

L’esprit soudainement accaparé par le message qu’elle venait de recevoir et qu’elle n’avait pu empêcher de lire dès sa réception, elle releva la tête en affichant un air presque gêné lorsque Marius l’interpella à ce sujet. « Ce n’est pas ton fils qui fait des bêtises au moins ? » A en juger par la manière dont il avait lancé la question, en affichant un visage sur lequel l’amusement flirtait avec la curiosité, elle se doutait qu’elle avait elle-même vendu la mèche avec son petit air d’adolescente lorsqu’elle s’était penchée sur son téléphone. « Non, non pas du tout… heureusement » lâcha-t-elle sans s’appesantir sur la question. Ce n’était pas tant qu’elle n’avait pas envie d’aborder le sujet de sa vie de femme célibataire, mais plutôt que ce n’était ni le moment ni le lieu – sans parler du fait qu’elle ne savait pas comment elle aurait pu qualifier cette personne dont chaque message la faisait sourire. Il n’y avait rien de concret et elle ne préférait donc pas s’avancer, gardant pour l’instant cette nouvelle étincelle dans son jardin secret, bien qu’elle ait déjà songé à en faire part à Colleen. Après tout, c’était le genre de choses dont les femmes parlaient entre elles, peu importe l’âge. Maintenant que le doute s’était immiscé l’esprit de Livia quant à la relation qui liait son amie à Marius, elle aurait l’excuse parfaite pour aborder ce sujet, en sachant pertinemment qu’elle devrait sans doute se plier à l’exercice quand Colleen lui retournerait la question. Mais pour l’instant, il était temps pour eux de rejoindre la foule qui se massait au pied de l’estrade du haut de laquelle les résultats seraient annoncés d’un instant à l’autre. Livia sourit à Marius qui avait l’air de s’amuser de ce concours, à la hauteur du stress et de l’excitation que Livia ressentait à cet instant, caressant encore le mince espoir de décrocher un prix. Cependant, elle avait tout de même réussi à se raisonner quant au fait que même si elle ne gagnait pas, cela ne l’empêcherait pas de continuer à pâtisser. Pourtant, même si la cuisine relevait d’un plaisir, elle ne put lâcher un cri de surprise lorsque son numéro et son nom grésillèrent à travers le micro à l’annonce de la seconde place. Tout aussi surprise qu’elle était enchantée, elle ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux en plaquant sa main contre sa bouche, avant que Colleen ne vienne brièvement la prendre dans ses bras. « Bravo Livia ! C’est complètement mérité ! » Lui rendant son étreinte, elle recula ensuite pour voir ses amis qui l’applaudissaient et l’encourageaient à aller récupérer son prix, et elle s’élança donc, se sentant soudainement incroyablement légère. Même si elle n’avait pas gagné, nul doute qu’elle aurait apprécié que la tension de la compétition redescende – en réalité, elle n’avait jamais été très compétitive, et peu à l’aise avec ce genre de situation. Mais lorsque Colleen avait mentionné les cheesecakes, elle n’avait pu se retenir de vouloir se lancer ce petit défi à elle-même, avant toute chose. Alors maintenant qu’elle réalisait que son cheesecake avait réussi à plaire à d’autres personnes que ses amis – qui étaient clairement biaisés, peu importe ce qu’ils pouvaient en dire – elle éprouvait quand même une satisfaction teintée d’adrénaline qu’elle n’avait pas ressentie depuis longtemps. Avec les années, elle s’était indéniablement assagie, et cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas lancé ce genre de défi – il faudrait d’ailleurs qu’elle remercie encore une fois Colleen de lui avoir parlé de ce concours. Si son amie avait pu gagner un prix également, la journée aurait été parfaite, mais cette dernière ne semblait pas lui en tenir rigueur lorsqu’elle l’avait félicitée, et avait eu l’air sincèrement heureuse pour elle.

Tandis qu’elle s’avançait vers l’estrade pour recevoir son prix puis se tournait vers le public en rougissant, elle aperçut ses amis en pleine discussion, leurs regards plongés l’un dans l’autre. Elle voyait bien qu’elle n’était pas leur sujet de préoccupation principal, et cela ne la dérangeait pas le moins du monde – elle n’avait plus quatorze ans, et était suffisamment fière d’elle-même pour ne pas avoir besoin de l’assentiment d’autres personnes. Au bout de plusieurs longues minutes, au cours desquelles elle avait dû quelques fois baisser le regard car elle ne savait où le fixer dans la foule et se sentait quelque peu gênée, elle avait échangé quelques dernières poignées de mains puis était descendue de l’estrade. Tout sourire, elle avait rejoint ses amis avec sa coupe en main. « Félicitations ! Ce cheesecake vegan a conquis le jury alors ! Tu vas pouvoir le vendre sans problème à l’épicerie ! » « Merci beaucoup ! Je ne m’y attendais pas vraiment mais je suis ravie ! » lâcha-t-elle en se tournant tour à tour vers Marius et Colleen. « J’aimerais vraiment goûter ton cheesecake crème brûlée par contre, il me donne trop envie » ajouta-t-elle en direction de son amie. « J’ai pris quelques photos de ta remise de prix pour que tu puisses t’en vanter pendant quelques semaines. » Elle ne put s’empêcher de lâcher un rire devant l’attention qu’il avait eu à son encontre, espérant qu’elle ne renvoyait tout de même pas l’image de quelqu’un qui serait du genre à trop se vanter de ses petites victoires. « C’est vraiment gentil ! Avec un peu de chance ça me fera de la pub. Il faudra que tu me les envoies. » C’était en réalité une occasion en or pour lancer le coin pâtisserie dans l’épicerie, ce à quoi elle devrait désormais commencer à réfléchir sérieusement. Elle se retourna ensuite pour sonder la salle du regard, tandis que les lieux se vidaient peu à peu, au compte-goutte.  « Je vous aurais bien invité à la maison pour fêter ça, mais je rejoins quelqu’un pour dîner. » Un sourire discret apparut au coin de ses lèvres. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas réaliser que ses explications volontairement vagues cachaient en réalité quelque chose sur lequel elle ne voulait néanmoins s’étaler. « Une autre fois ? Comme ça je travaillerai sur mes recettes salées plutôt. » Maintenant qu’elle savait que Colleen et Marius se connaissaient, et qu’ils étaient tous deux des personnes qu’elle appréciait réellement, elle espérait bien qu’ils auraient l’occasion de se revoir ensemble.

@Colleen Sainsbury & @Marius Warren