Jill bouge aujourd’hui, elle est avec Noah pour la journée. Toute seule. Bailey avait des tonnes de réunions importantes et Ginny et Auden étaient aussi occupés. Alors Jill a occupé le petit garçon. Ils ont fait des gâteaux, ils ont peint, commencé à bouger quelques affaires de la chambre des jumeaux. Et elle l’a suivi dans le jardin. Elle en fait trop, elle le sait. Mais elle n’est pas malade, juste enceinte. C’est sa phrase fétiche quand Bailey lui dit qu’elle fait trop d’efforts, qu’elle doit se reposer. Le médecin l’a dit aussi, mais elle déteste rester assise ou allongée pendant des heures. Les journées sont tellement longues.

Elle est dans le jardin, elle court presque avec Noah quand sa tête commence à tourner. Bien plus que d’habitude. Son coeur cogne contre sa cage thoracique, ses oreilles bourdonnent et elle a le temps de se poser au sol avant de tomber comme une masse. Elle a du mal à respirer et Noah panique, est ce qu’il sait gérer ce genre de situation ? Elle ne sait pas, elle tente de s’asseoir avant de chercher Noah des yeux. Il a un téléphone entre les mains. Il appelle, cet enfant est vraiment réactif. Elle lui fait un signe de la main pour qu’il vienne à côté d’elle pour entendre ce qu’il dit. Pour qu’il panique un peu moins aussi. Il doit être terrifié. Mais les oreilles de Jill bourdonnent, elle voit flou. Qu’est ce qu’il est en train de se passer ? Elle n’en sait absolument rien. “Noah…” Sa voix est enrouée, faible, mais elle essaie de sourire. Lui se concentre sur le téléphone en tenant la main de Jill. Il appelle plusieurs numéros mais ça ne répond pas, Jill pourrait commencer à paniquer, ils se sont donnés le mot ou quoi ? Mais elle entend quelques mots, loin d’elle. Comme si il était à plusieurs mètres alors que le petit garçon est toujours accroché à son bras. “Papa, faut que tu viennes, Bailey et maman répondent pas…” Il appelle Ezra là ? Et merde. C’est même pas sûr qu’il vienne, peut-être qu’il est trop loin ou qu’il a juste autre chose à faire. Mais ça ne se calme pas pour Jill, sa respiration est saccadée, elle ne sait pas se gérer, et Noah ne peut pas gérer une telle situation à son âge. Il n’y a plus qu’une chose à espérer, que quelqu’un arrive, vite. N’importe qui, même Ezra.

S'il ne s'était pas habitué à avoir l'oreille si attentive, à être autant sur le qui-vive ces dernières années, il n'aurait pas entendu le téléphone sonner. Ezra avait la tête dans le moteur et les mains bien occupées depuis le début de la journée, et son attention était toute dirigée vers le travail qu'il était en train d'effectuer. Et pourtant, au moment même où la première sonnerie vint se faire entendre, vint se manifester, son attention se détourna sans attendre de la voiture. Il vint froncer les sourcils, attrapa rapidement un chiffon pour ne pas mettre autant de cambouis sur son portable - le pauvre avait déjà du mal à tenir la route, il n’avait pas besoin de ça -, et vint froncer encore davantage les sourcils lorsque le prénom de Jillian s’afficha sur l’écran. S’il y avait bien une personne dont il ne s’attendait pas à avoir des nouvelles, ou pas aussi directement, c’était la jeune femme. Hésitant un instant quand à l’idée de laisser l’appel filer sur la boite vocale, il vint finalement appuyer sur le bouton vert à la dernière sonnerie. Il se connaissait assez pour savoir que s’il ne répondait pas, maintenant qu’il avait vu l’appel, ça allait le tracasser tout le reste de la journée. « Allo ? » Son ton était prudent, son ouïe attentive au moindre mot que Jill pourrait prononcer désormais. Elle ne l’appelait jamais. Il n’était même pas sûr qu’ils aient échangé le moindre message depuis qu’elle était, à son tour, revenue en Australie. Les seules fois où ils se retrouvaient dans le même échange, téléphones interposés, c’était via les conversation de groupe pour les anniversaires et tout ce qui s’y apparentait. Il marchait donc sur des oeufs quand au contenu de ce qu’elle allait lui dire, parce-qu’il n’était plus habitué à interagir de la sorte avec elle. Cependant, il fut surpris à peine entendit-il le premier mot de l’autre côté du fil. « Papa, faut que tu viennes, Bailey et maman répondent pas… » L’avantage de n’avoir qu’un seul gamin, c’était qu’Ezra n’eut pas besoin de réfléchir à qui pouvait bien l’appeler papa. Cependant, ce fut en entendant ce mot que son sang ne fit qu’un tour. Il n’avait même pas encore répondu à Noah que déjà, ses pas le menaient vers sa voiture personnelle. Bien sur que Mike lui lança un regard de travers, mais il le repoussa d’un signe de la main - ce n’était pas le moment aux explications. « T’es où Noah ? » Il venait de maitriser sa voix pour répondre à son fils, car ce dernier était étonnement calme. Ses mots contenaient une partie d’incertitude et d’inquiétude, mas il n’était pas paniqué, Noah. Ezra devait donc se mettre au diapason et rester aussi calme à son tour que possible. « Chez Jill, c’est Jill, tu viens hein ? » S’il n’avait pas eu aussi peu d’informations et qu’il n’était pas mort d’inquiétude à ne pas savoir ce qu’il se passait, Ezra aurait pu rire. Parce-que Noah était toujours celui qui voyait tout le mieux, dans cette étrange famille. Il n’était pas dupe et savait bien que Jill et Ezra, ça ne rimait plus depuis des années. « Je suis sur la route, j’arrive dans cinq minutes. » Parce-qu'il était déjà dans la circulation et qu’il espérait très fortement que la police ne croise pas son chemin aujourd’hui. Pied au plancher, il vint doubler une nouvelle file de voitures. Et ce qui lui sembla être l’instant d’après, il se trouvait chez Jill. C’était étrange, de se dire ça. Chez Jill. Lui qui avait toujours eu l’habitude d’associer Jill à chez les McGrath, désormais elle vivait sa vie comme la femme qu’il ne l’avait pas vu devenir. Claquant la portière, Noah était déjà sur le perron pour accueillir son père. Quelques pas de course, et ce dernier vint rejoindre le petit blond. « Ca va toi ? » Les yeux d’Ezra qui vinrent détailler chaque parcelle du corps de Noah, s’accroupissant à sa hauteur l’espace d’un instant. Il avait besoin d’être sûr que tout aille bien pour son gamin dans un premier temps, avant de libérer son esprit pour le reste. Le petit vint hocher de la tête vigoureusement. « Elle est dans le jardin, viens. » Sa main qui vint prendre celle de son père et leurs pas de concert se dirigèrent vers le jardin, où Ezra put enfin apercevoir Jill - qui arriverait dernière dans un concours des personnes ayant le plus de couleurs aux joues. « Jill ? » Et toutes les histoires furent anciennes en cet instant, alors qu’il vint s’accroupir à ses côtés. « Jillian ? Qu’est-ce qui se passe ? »

Spoiler:

Elle respire mal Jill, elle regarde le ciel avant de poser de nouveau ses yeux sur Noah. Elle tente d’être rassurante quand ça doit être tout le contraire qui se produit en réalité. La situation doit être terrifiante, et elle s’en veut déjà de faire vivre tout ça à Noah qui venait passer une bonne après-midi dans la maison. Elle en a fait trop, bien trop. Elle le sait pourtant, tout le monde lui dit qu’elle doit se reposer, et elle sent que son corps n’est plus capable de supporter tous ces efforts. Et elle continue, elle cherche les limites Jill, c’est ce qu’elle a toujours fait au final. Mais là, elle aurait pas dû, certainement pas en présence de son gamin préféré. Elle va s’en vouloir, vraiment longtemps pour ça. Elle n’oubliera pas, et la personne qui va venir les aider n’oubliera pas non plus ce passage. Elle l’entend de loin appeler quelqu’un. Elle sait que ce n’est pas Bailey, il ne l’appelle plus papa. Il est en train d’appeler Ezra, et Jill pourrait paniquer si elle n’était pas dans un tel état second. Elle tente de respirer calmement, de reprendre ses esprits, mais elle s’enfonce toujours un peu plus. Mais elle lutte, elle ne peut pas laisser Noah seul tant que personne n’est arrivé. Elle va tenir le coup, elle va tout faire pour.

Noah disparaît et elle ne peut pas le retenir. Elle tourne rapidement la tête, le temps semble terriblement long et elle souffle fort. Elle n’arrive toujours pas à respirer correctement. Et elle entend des pas au loin, Noah revient ? Et cette voix est familière, bien plus qu’elle ne l’aurait voulu. Elle tourne la tête et c’est Ezra qui s’accroupi à côté d’elle. Ca fait des années qu’ils n’ont pas vraiment parlé, qu’ils ont cherché à s’éviter même. Alors elle secoue un peu la tête, cherche le petit garçon des yeux. “Noah ?” Elle est incapable de faire attention à autre chose que son neveu. “C’est rien…” Qu’elle essaie de se convaincre encore et encore. C’est rien alors qu’elle est allongée sur le sol, enceinte jusqu’au coup. C’est rien alors qu’elle voit trouble et qu’elle entend tout juste. C’est rien alors qu’elle a l’impression que ça fait des heures qu’elle essaie de reprendre sa respiration correctement. “Ca va pas.” Qu’elle avoue enfin alors que son regard cherche celui d’Ezra. “Ca va aller.” Autrement dit, elle ne veut pas l’inquiéter, elle ne veut pas qu’il appelle qui que ce soit. Ca ira, quand elle arrivera à respirer correctement et à se rasseoir.

Ezra vint s’accroupir aux côtés de Jillian, alors que son regard parcourait le corps de la jeune femme de haut en bas, et de bas en haut juste pour être sûr. Elle n’avait pas l’air blessée, et tous ses membres étaient à leurs places. Mais il était vrai qu’elle était plus pâle d’un linge et que ça faisait peur à voir. « Noah ? » Son regard cherchait son neveu, mais ce dernier était parti lui chercher un verre d'eau et un linge humide dans la cuisine. Un sourire tendre, un instant, vint fendre le visage d’Ezra. « Il va bien, il va bien, t’en fais pas. » Il n’avait eu que très peu d’occasions de pouvoir voir en action Jillian auprès de Noah, les circonstances compliquées de la famille les ayant contraints à s’éloigner l’un de l’autre plutôt qu’à se rapprocher. Et il avouerait presque sans mal que ça l’attendrissait de la voir agir de la sorte. Cependant, l’instant n’était pas aux bons souvenirs ni à ceux à créer mais bien à savoir ce qui n’allait pas avec la jeune femme. « C’est rien… » Qu’elle osait lui dire alors qu’elle tenait à peine assise correctement. « J’ai du mal à te croire là, Jill. » Ezra vint passer un bras dans son dos, soutenant son poids pour ne pas qu’elle tombe en arrière. Il le voyait bien qu’elle ne trompait personne, et il ne voulait pas qu’elle le fasse. Sa santé primait sur le reste, surtout qu’elle n’était pas la seule en jeu dans cette histoire - si Ginny lui en avait pas touché deux mots et que Noah n’avait pas la langue autant pendue, Ezra n’aurait pas pu passer à côté du ventre arrondi de la demoiselle. « Ca va pas. » Elle lâchait prise, quelque peu, assez pour aller de l’avant et faire en sorte que la situation se dénoue. « Ca va aller. » Il vint secouer la tête, laisser un soupire s’échapper, avant de tourner le regard en arrière, vers la maison et la terrasse et Noah qui revenait avec le verre d’eau et le linge frais. Ezra vint poser ce dernier sur le front de Jill, avant de la forcer à boire une gorgée d’eau. « Ca va pas du tout même Jill, ça marche pas avec moi. » Elle aurait pu tenter ça avec n’importe qui mais pas lui, pas après tout ce temps. « On dirait… » Il se rappela que Noah était à leurs côtés. « Rien du tout. Aller, je vais te porter jusqu’au salon. »

Spoiler:

Jill ne voit plus grand chose correctement. Sa vision se floute, elle a du mal à articuler. Elle ne sait absolument pas ce qu’il peut bien se passer. Elle cherche Noah des yeux mais trouve Ezra, qu’est ce qu’il fait là ? Elle gère, elle essaie de gérer du moins. Mais c’est Noah qui a vraiment géré la situation. Elle respire un peu mieux quand Ezra lui dit que le garçon va bien, tant mieux. Ca en fait un au moins. Elle a peur de l’avoir terrifié. Ils se connaissent trop bien avec Ezra, ils ont passé des années à passer leurs soirées ensemble. Il faisait partie de ses amis les plus proches à l’époque, avant Londres, avant tout ce bordel. Depuis, ils ne se croisaient que très peu, se parlaient encore moins. Elle fronce les sourcils quand il dit qu’elle va pas. Elle le sait, mais il faut bien qu’un des deux essaie de rassurer l’autre. Et Ezra n’a pas du tout l’air rassuré. Elle le sait que ça marche pas avec lui, pourtant elle essaie quand même. C’est comme si elle essayait de convaincre Matt, il aurait réagi pareil son grand-frère. Elle rit légèrement, il aura fallu qu’elle fasse un malaise pour qu’ils arrivent à s’adresser quelques mots. “Sois pas si dramatique.” Elle elle devrait l’être parce que ça ne s’arrange pas, et le linge posé sur son front lui brûle presque la peau quand elle grimace. Elle sent les bras d’Ezra passer sous son dos et ses jambes. “T’es sûr ?” Parce qu’elle pèse quand même un peu plus qu’à l’époque. Et elle a deux habitants sous son ventre qui commencent à faire leur poid aussi. “Appelle personne s’il te plaît.” Pas Bailey, pas Ginny, pas l’hôpital. Ca va aller, elle va tout faire pour revenir correctement à elle, il lui faut juste un peu de temps. Elle ferme les yeux une seconde alors qu’elle se retrouve dans les bras d’Ezra.

Il en faudrait plus pour le duper, Ezra, et la demoiselle aura beau dire toutes les paroles qu’elle voudra, il voyait bien que quelque-chose n’allait pas. Jillian avait perdu douze tons de couleurs sur les joues et ne pouvait plus tenir debout, et c’était ce qui avait grandement inquiété Noah, assez pour appeler son père en tous cas. « Sois pas si dramatique. » Oh, dans n’importe quel autre temps, un sourire serait venu parcourir les lèvres d’Ezra. Il y aurait surement même peut-être prêté un rire, là, léger. Mais l’heure n’était pas à la rigolade et il vint passer ses bras autour de la demoiselle, prêt à la porter jusqu’au canapé du salon. Elle ne pouvait pas rester à même le sol de la sorte. « T’es sûr ? » Il vint hocher la tête, rapidement, avant de planter son regard dans les prunelles de la jeune femme. La même flamme les animait qu’autrefois, et Ezra avait vraiment l’impression de repartir des années en arrière. « Tu pèses dix kilo tous mouillés Jill, t’en fais pas pour moi. » Même en étant enceinte, Ezra savait qu’elle restait un poids plume. Il lui faudrait faire peut-être un brin plus attention pour joindre parfaitement les actions aux paroles et ne pas se retrouver à faiblir lorsqu’il se remettrait debout, mais il n’avait pas réellement de doutes quand au fait qu’il n’aurait aucun mal à se déplacer jusqu’au salon, Jillian dans ses bras. Il l’avait fait des dizaines de fois, pour empêcher la jeune femme de devoir demander à son frère de faire de même. Même certains soirs où Ezra n’était pas avec elle en soirée, même certains moments où il n’avait rien à faire dans les parages - lire ici tous les moments où il était chez les McGrath pour voir Ginny en secret -, il s’était toujours porté volontaire pour aider la demoiselle à regagner saine et sauve ses pénates. « Appelle personne s’il te plait. » Un soupire vint s’échapper d’entre les lèvres d’Ezra. Elle n’avait pas perdu de son côté têtue, pas des moindres. Finalement, l’instant d’après et sans réel effort, il se trouvait debout à emporter Jill jusqu’au salon, où il vint la déposer doucement dans le canapé. Attrapant un coussin qu’il vint caler derrière sa tête, il finit par s’asseoir sur la table basse, à hauteur de la brune. Il prit un instant, rien qu’un seul, avant de venir parler de nouveau. « Pourquoi tu veux appeler personne, Jill ? T’es clairement pas bien là. » Son regard vint ensuite lentement dévier de son visage à son ventre arrondi, celui qui venait couvrir deux petits êtres bientôt de ce monde. Une petite moue quelque peu chiffonnée se dessina sur ses lèvres. « Je veux pas que ce soit quelque-chose qui leur arrive à eux. Tu veux pas au moins aller voir le médecin ? » Parce-que quitte à mettre toutes les rancoeurs et les histoires et le passé de côté, quitte à faire comme si tout ça ne s’était jamais passé pour se concentrer sur le présent, il allait tenir son rôle parfaitement jusqu’au bout. Et il ne partirait pas d’ici sans qu’elle ne lui donne une bonne raison de ne pas étendre son inquiétude quand à son état de santé jusque chez le médecin.

Spoiler:

Elle est encore allongée au sol Jill, et elle essaie de relativiser. Mais Ezra n’a pas l’air du même avis, il ne veut pas relativiser, il a l’air en panique. Est ce que c’est si horrible que ça à voir ? Elle a vraiment l’air d’aller aussi mal que ça ? Sa main glisse mécaniquement sur son ventre et elle tente de reprendre une respiration normale. C’est long, vraiment. Sa tête tourne encore un peu trop et elle en a marre. Elle tenterait bien de se lever, de rassurer Noah et Ezra au passage, mais elle n’a pas l’énergie pour ça. Elle a tout juste assez d’énergie pour aligner deux mots à la suite. Il veut la porter pour la ramener à l’intérieur. Elle ne veut pas qu’il se fasse mal, ou qu’il finisse par la faire tomber en essayant de la soulever. Mais il a l’air de savoir ce qu’il fait Ezra, alors elle lui laisse les commandes. Ses yeux oscillent entre le ciel et le visage d’Ezra. Pourquoi il est venu jusque là ? Il a sûrement seulement eu peur pour Noah, elle le sait que ça fait un paquet d’années qu’ils ne sont plus proche tous les deux. Alors pourquoi il se serait déplacé si ce n’était pas pour s’assurer que le petit garçon allait bien ?

Elle est enfin allongée sur le canapé et elle essaie de sourire pour rassurer le monde entier, et peut-être essayer de se rassurer elle aussi au passage. Elle n’a pas vraiment l’habitude de faire des malaises de ce genre, et ça peut être terrifiant. Ca l’est pour Noah en tout ça, elle le voit dans ses yeux. Jill fait signe à Ezra d’éloigner Noah de cette scène, elle espère qu’il captera le message, elle ne veut pas que son filleul continue de s’inquiéter de cette manière, elle déteste voir son visage fermé de cette manière. “Je…” Non elle ne gère toujours pas et ses yeux se fermeraient presque tous seuls. Mais elle n’ira pas à l’hôpital, et elle n’inquiètera pas la totalité de la famille alors qu’elle est toujours éveillée et consciente. “J’irai pas à l’hôpital.” Elle est catégorique. Elle ne bougera pas de chez elle. Elle déteste les hôpitaux, et les médecins qui vont avec. “Tu l'appelles. Il vient ici.” Elle n’acceptera que son médecin, celui qui suit la grossesse depuis le début. Et elle montre son téléphone posé à côté de lui sur la table basse, le numéro est déjà enregistré. “T’es chiant.” Parce qu’il va l’obliger à voir quelqu’un qui va certainement lui interdire de bouger jusqu’à ce qu’elle accouche, mais il prend soin d’elle. Comme quoi, ce lien entre eux n’a jamais réellement disparu.

Le regard d’Ezra ne quittait pas Jillian, il l’inspectait presque sous toutes les coutures pour être sûr qu’elle n’avait pas de blessure qui pouvait être apparente. Mais ça, il le faisait discrètement, parce-que la jeune femme refusait clairement qu’il lui vienne en aide. Il savait que ça allait au delà de l’historique qui les entourait, que ça portait à des limites qu’ils ne comprenaient pas toujours. Mais il ne pouvait s’empêcher d’insister pour savoir la raison qui la poussait à lui demander de n’appeler personne. Sauf qu’il ne voulait pas agir de la sorte, Ezra. Il voyait bien que la situation la dérangeait mais il était hors de question à ses yeux de la laisser dans cet état là sans qu’un professionnel ne lui affirme que tout allait bien. Avant de venir se plier à la demande d’Ezra, cependant, la jeune femme vint lui faire signe comme quoi elle ne désirait pas que Noah reste dans les parages. Le Beauregard ne voyait pas d’inconvénients à ce que son fils soit à leur côté, mais en examinant de plus près le voile qui venait se mettre sur son regard, il était clair que le petit avait besoin de voir ailleurs ce qu’il s’y passait et qu’il était inquiet pour sa tante. Venant tirer un petit sourire, Ezra vint lui ébouriffer les cheveux. « Ca te dit pas d’aller préparer des glaces pour faire un deuxième gouter ? Je crois que tata Jill manque juste d’un peu de sucre et qu’un seul gouter c’est plus assez pour la gourmande qu’elle est. » Il y avait peut-être un peu de ça, mais quelque-chose d’autre clochait pour sûr - Ezra avait l’impression de le sentir au plus profond de ses tripes. Au moins, Noah vint hocher la tête, abordant un sourire plus serein, avant de se ruer dans la cuisine. L’attention du Beauregard sénior se reporta alors d’un coup d’un seul vers Jillian, toujours allongée sur le canapé. « Je… » Ezra vint hausser un sourcil, remonter son regard pour le plonger dans celui de la jeune femme, attendant qu’elle lui donne un argument quelque peu plus convainquant. Car si elle continuait juste à lui dire qu’elle refusait qu’on l’aide, il appellerait une ambulance dans les minutes à suivre ou il la transporterait lui-même à l’hôpital s’il le fallait. Peu lui importait, mais il ne la laisserait pas comme ça. « J’irai pas à l’hôpital. » Pourtant, elle avait clairement besoin qu’un médecin l’examine et s’assure que tout aille bien. Il n’était pas normal de s’évanouir comme ça en pleine journée, alors que tout semblait bien aller avant l’incident. Et il était hors de question de la laisser sans aide quelconque. « Tu l’appelles. Il vient ici. » Elle vint donc capituler, et ce serait mentir de dire qu’un léger soupire soulagé ne s’était pas échappé d’entre les lèvres d’Ezra. Il avait beau garder une attitude presque calme, à l’intérieur, il n’était en rien rassuré d’avoir retrouvé la jeune femme dans cet état. Il vint attraper le portable qu’elle lui désignait afin d’appeler le docteur en question. Au moins, quelqu’un viendrait voir son état, et pourrait prendre une vraie décision - car l’avis d’Ezra n’était pas celui à prendre en compte, il l’avait bien compris. « T’es chiant. » Le numéro était composé et le téléphone se mettait à sonner à son oreille, mais il prit quand même un instant pour venir étirer un petit sourire amusé. Même si elle n’était pas dans son assiette, Jillian réussissait tout de même à garder son petit caractère, celui qu’il avait toujours connu, celui qui lui posait déjà soucis à l’époque. Au bout de trois sonneries, le médecin vint répondre et Ezra lui expliqua rapidement la situation, se levant de la table basse, faisant les cent pas dans le salon de chez la demoiselle. Une, tout au plus deux minutes plus tard, il était de retour à ses côtés. « Je suis chiant mais le médecin a dit que j’avais bien fait d’appeler. » Il vint croiser les bras sur son torse, le regard pas peu fier d'avoir eu raison sur ce coup là. « Il sera là dans une vingtaine de minutes au plus il m’a dit. » Et si Jillian pensait qu’Ezra allait la laisser tranquille pendant ce laps de temps, qu’il la ménagerait, il était hors de question. Déjà, parce-qu’il ne voulait pas qu’elle ait eu un traumatisme crânien ou quelque-chose de la sorte qui lui ferait perdre connaissance. Et également parce-qu’elle était peut-être têtue, mais il avait appris qu’elle gardait cette attitude surtout pour ne pas perdre pied dans des situations qui pourraient lui paraitre complexes - elle dirait ce qu’elle voudrait, il la connaissait bien dans le fond, et maitrisait encore un brin pour sur son caractère. « Comment tu te sens ? » Parce-qu’il voulait s’assurer qu’elle n’allait pas de mal au pis, pour commencer. « Et je sais que je suis chiant, mais pourquoi réellement tu voulais pas aller à l’hôpital ? »

Spoiler:

Noah a l’air terrifié, et elle sait déjà qu’il en voudra à Bailey de ne pas avoir répondu à son appel. Elle n’aime pas le voir comme ça, aussi triste et perturbé alors qu’il riait encore aux éclats il y a quelques minutes. Elle s’en veut Jill de ne pas avoir fait plus attention, d’avoir pris des risques inutiles. Elle a voulu tester ses limites et elle les a trouvé après presque une journée d’efforts bien trop intenses pour une femme enceinte. Elle fait signe à Ezra d’éloigner le petit garçon, il faut qu’il respire, il ne faut plus qu’il voir Jill dans cet état là. Elle s’inquiète autant pour Noah que pour les jumeaux. Elle espère qu’ils n’ont rien, mais elle se dit que s’ils allaient mal elle devrait le ressentir non ? Peut-être bien. Mais elle ne veut pas aller à l’hôpital Jill, c’est bien trop compliqué à gérer. Il parle d’un deuxième goûter, et déjà les yeux de Noah brillent un peu plus. “On en est au moins au 4ème goûter.” Et elle arrive à rire un peu dans le canapé. Elle a l’impression d’être à deux doigts de s’endormir, mais Ezra la tient éveillée. Combien de temps il va rester là ?

Il ne parle pas quand elle cède finalement. Elle lui montre son téléphone pour qu’il appelle son médecin. Il est chiant Ezra, même s’il vient peut-être de sauver la vie de Jill et celle de ses bébés. Elle le remerciera peut-être plus tard. Pour l’instant elle s’inquiète juste de l’arrivée du médecin dans les parages. A lui aussi elle dira qu’elle ne veut pas aller à l’hôpital. Elle est ailleurs Jill, un peu comme perdue entre deux mondes. Comme si elle était un peu bourrée ou défoncée, mais c’est bien moins agréable de faire un malaise. “Arrête de faire le fier.” Elle roule des yeux. Bien sûr que c’est la bonne décision. Mais elle aurait pu gérer Jill, elle est la seule à penser ce genre de choses. Elle avait besoin d’un médecin en urgence, et peut-être qu’elle l’acceptera quand il sera arrivé et qu’elle se rendra compte que ça aurait pu être bien plus grave si Ezra n’était pas arrivé.

Une vingtaine de minutes. Ca peut être très long. Surtout quand on parle de Jill et Ezra enfermés dans la même pièce qui essaient de faire la discussion pour qu’elle ne s’endorme pas. Ca fait des années qu’ils ne se sont pas retrouvés tous les deux. Parce que tout est bien trop compliqué depuis le jour où il a décidé de tomber amoureux de sa petite soeur. Elle regarde le plafond en attendant qu’il parle, elle est épuisée. “Fatiguée…” Elle a vraiment envie de fermer les yeux, mais c’est certainement la dernière chose à faire dans cet état. Elle doit montrer qu’elle gère, et qu’elle peut rester chez elle quoi qu’il arrive. “Mais sinon ça va.” Elle hoche légèrement la tête, ça va déjà un peu mieux que quand elle était dehors. Il y a du bruit dans la cuisine, Noah est certainement en train de faire des mélanges de glaces plus improbables les uns que les autres pour resucrer sa tante. Elle n’a pas hâte de voir l’état de la cuisine après le passage du petit garçon, ça risque d’être un carnage. Mais au moins, il est occupé pour un moment entre les glaces, les biscuits et les paillettes multicolores à mettre par dessus.

Le regard de Jill croise celui d’Ezra. Il ne sait pas, il ne sait plus rien depuis des années. Il s’est passé une vie entière depuis leurs soirées étudiantes. Une vie, un diagnostic et deux internements en hôpital psychiatrique. Elle ne sait pas si c’est le moment d’en parler, même si ça fait un bon moment que ce n’est plus un secret. “On va dire que je n’ai pas eu de très bonnes expériences avec les hôpitaux et les médecins en général.” Et c’est peu dire. Elle a dû en terroriser une bonne vingtaine des médecins. En Australie comme en Angleterre. “J’ai été diagnostiqué schizophrène en 2009, donc c’était compliqué…” Avec ses parents, avec elle-même et avec le reste du monde.

« Arrête de faire le fier. » Ca l’énervait et c’était tellement simple de y arriver qu’il n’arrêterait pas en si bon chemin, Ezra. Il avait toujours eu le don pour ravive cette légère animosité entre Jillian et lui. Il était plutôt contente de voir que, malgré le temps et malgré tout, il connaissait encore les ingrédients de la recette par coeur. Le moment n’était pas spécialement à la rigolade cependant, même si c’était tentant, et le jeune homme vint se renseigner sur l’état dans lequel se trouvait la jeune femme. Ses joues ne portaient toujours pas de réelles couleurs mais au moins elle restait cohérente dans ses propos. « Fatiguée… Mais sinon ça va. » Il n’y avait aucun mal à comprendre qu’elle était fatiguée, tous les signes extérieurs étaient réunis pour aller dans cette direction de toutes façons. Même en étirant son plus beau sourire, Jill ne pourrait cacher qu’elle était faible aujourd’hui - et même si ça semblait impossible pour elle de l’admettre et de le montrer, Ezra le voyait sans aucun soucis. Et s’il pouvait le voir sans aucune compétence médicale particulière, il fallait qu’elle consulte un professionnel. S’il n’y avait eu qu’elle dans l’histoire, il aurait abandonné au premier grognement de la part de la jeune femme, mais deux autres petits êtres en devenir étaient en jeu dans l’équation désormais. Alors, il tentait de comprendre et d’éclaircir les zones d’ombre, en insistant sur la raison de cette réticence de la part de Jill à voir un médecin. « On va dire que je n’ai pas eu de très bonnes expériences avec les hôpitaux et les médecins en général. » Il comprenait parfaitement ce point de vue là, Ezra. Ils étaient dans le même bateau jusque là. Lui non plus n’aimait pas les médecins et tout ce qui se rapportait au domaine médical. Il n’aimait pas cette odeur d’aseptisation particulière qui venait vous prendre les narines et le bon sens à peine un pied passé le seuil de l’hôpital, ni ce ton employé par les soignants quand ils connaissaient des choses que vous ignorez et qu’ils en sont parfaitement conscients, ni toutes les montages russes par lesquels son coeur arrivait à passe lorsque que l’attente pour des résultats devenait un peu trop longue à son gout. Il détestait tout ça autant qu’il détestait les brocolis et les petits pois, mais ce n’était pas pour autant qu’il était retissant à une visite médicale quand celle ci était nécessaire. Hors, Jillian agissait comme ceci présentement. « J’ai été diagnostiqué schizophrène en 2009, donc c’était compliqué… » S’il y avait des surprises auxquelles il pouvait facilement s’attendre venant de la famille McGrath, celle-ci, il ne l’avait jamais imaginé. Dans cette vie ou même dans celle d’avant, où il côtoyait presque quotidiennement la jeune femme. Parce-que ce qu’elle venait de lui montrer, de lui exposer, ce n’était pas rien - et ça ne faisait en rien partie des choses qu’elle se devait de partager avec Ezra désormais. Leurs chemins de vie avaient divergé et s’ils s’adressaient la parole de nos jours, c’était uniquement pour que la vie de famille au sens large se déroule sans encombres. « Schizophrène ? » Un sourcil était légèrement haussé sur son front et ses yeux étaient quelque peu perdus. Il n’y connaissait pas grand chose à la médecine, Ezra, ou tout du moins si ça ne touchait pas de près ou de loin les problèmes de Noah, tout lui semblait être qu’un vocabulaire barbare. Ce mot que venait de lui sortir Jillian, il le connaissait, mais davantage de loin que de près. « C’est ce qu’on voit dans les films quand les gens deviennent fous ? » Alors forcément, il était maladroit dans son choix de paroles, il était mal à l’aise dans sa façon de s’exprimer. Il savait, il sentait que ce n’étiat pas le type de discussion que la jeune femme aurait souhaité avec avoir lui, ici ou à n’importe quel moment, et pourtant elle mettait une confiance quelconque en avant présentement pour le faire. Et lui, il venait avec ses gros sabots et ses mots à peine justes. Parce-que si son cerveau ne comprenait pas exactement l’étendue de ce que Jill lui avançait, son coeur avait déjà fait dix tours de piste à mille à l’heure, mettant l’accent sur un point qu’il souhaitait ne pas remarquer. Ca s’était passé en 2009.

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Ezra est toujours juste devant elle, il ne partira sûrement pas avant que le médecin soit passé. Elle ne sait pas si elle est rassurée ou inquiète. Elle est sincère avec lui, elle lui dit qu’elle est fatiguée. Ca doit se voir sur son visage de toute manière alors pourquoi essayer de mentir encore. Elle se tourne vers lui pour se concentrer sur la conversation. Il aura fallu un malaise pour qu’ils tentent de renouer. Est ce que c’est ce qu’ils sont en train de faire là ? Peut-être bien. En tout cas, ils discutent, et Jill se rend compte qu’il a loupé un pan assez long et important de sa vie. Comme si l’année 2009 avait été l’année de tous les malheurs de la vie de Jill. Elle ne se cache pas de cette partie de sa vie, elle a eu le temps d’accepter tout ce qui allait avec sa maladie. Elle prend même un traitement depuis le début de sa grossesse, elle va voir un psychiatre et peut-être que ça durera après, peut-être pas. Elle ne peut pas prévoir ça à l’avance. Et tout le monde sait à quel point elle peut être instable et changer d’avis rapidement.

Elle est consciente que l’annonce arrive un peu rapidement, que c’est peut-être un peu rapide. Mais elle peut mettre ça sur le dos du malaise et de son état semi conscient actuel. Il hausse un sourcil et ça ne l’étonne pas, elle se souvient à quel point l’annonce a été compliqué pour tout le monde quand c’est arrivé il y a plus de 10 ans. Elle hoche la tête Jill, le mot est difficile et il le répète. La question ne la vexe pas. Elle a sûrement dû dire la même chose quand elle l’a appris. Elle n’a pas accepté le diagnostic pendant des années, ne pensant pas qu’elle pouvait être malade. Mais c’est passé, et elle a appris à gérer avec le temps. Elle pouffe de rire en secouant la tête. “Yep ceux qui deviennent fou et qui finissent par essayer de détruire le monde à la fin.” Elle fronce les sourcils. “Tu sais pas ce que c’est hein ?” Ca lui parait fou tellement ce mot fait partie de sa vie depuis longtemps. Mais elle doit avouer qu’elle aussi elle a du mal à comprendre tout ce qui entoure cette maladie. La seule chose qu’elle sait, c’est comment elle la ressent, et comment elle vit chacune de ses crises, tous les traitements et les rendez-vous chez les médecins. Ca les occupera s’il a des questions, pendant les 20 minutes d’attente. “Les parents m’ont envoyé en hôpital psychiatrique après qu’on l’ait su.” Et on ne peut pas dire qu’elle ait vraiment envie de donner des détails sur comment elle a vécu toute cette situation.

Il était quelque peu sur le qui-vive. Il ne voulait pas, pour une fois et réellement, froisser la jeune femme. Elle était déjà assez mal en point pour aujourd’hui, il n’y avait nul besoin de la déranger davantage. Mais il ne comprenait pas l’étendue complète de ce qu’elle lui avançait. Alors il s’exprimait mal, il le faisait maladroitement, mais là n’était pas son attention. « Yep ceux qui deviennent fou et qui finissent par essayer de détruire le monde à la fin. » Le deuxième sourcil vint rejoindre le premier déjà haut placé sur son visage. Devait-il s’inquiéter ou Jill exagérait-elle comme à son habitude ? Il ne saurait dire, sur l’instant présent, alors il s’abstint d’ajouter le moindre mot. Surtout que ses sourcils à elle vinrent se froncer et qu’il l’avait déjà vu perdre constante pour moins que ça - oh, wait… c’était déjà ça à l’époque ? « Tu sais pas ce que c’est hein ? » Venant étirer une moue quelque peu gênée aux coins de ses lèvres, il secoua un brin la tête. « Non, pas vraiment… » Oh, il avait une et mille questions qui lui venaient en tête, mais il était trop poli Ezra pour venir assaillir la demoiselle de toutes ces dernières. Il ne voulait pas marcher sur un terrain glissant ou quoi que ce soit, ne voulait pas déranger avec des questions mal placées également. Il se rappelait la sensation qu’il ressentait lorsque les gens venaient lui poser des questions indiscrètes sur Noah et sur ce qui lui arrivait, quand le mot avait commencé à se répandre du retour du fils prodige, emportant avec lui une maladie aussi peu connue que sympathique. Il se rappelait cette boule de colère et de désespoir au fond de lui, dont il n’avait pu se débarrasser qu’une fois la vie de Noah mise de côté et sauvée. Alors, Ezra n’avait aucune intention de faire passer Jillian par ça, une fois de plus. Parce-qu’il savait qu’avant lui, des dizaines de gens l’avaient déjà fait. « Les parents m’ont envoyé en hôpital psychiatrique après qu’on l’ait su. » Et à la suite de ses paroles, là, il vint baisser le regard. Parce-que malgré tout ce qui avait pu se passer entre eux et entre leurs familles, avec Ezra et les deux autres enfants McGrath, le respect était quelque-chose qu’il avait toujours eu envers Jill. Elle avait été prise au milieu d’une histoire qui ne la concernait en rien et il savait qu’elle ne lui en avait pas tenu rigueur - pas vraiment, du moins. Le cours des choses avait fait qu’ils n’avaient pu renouer correctement, malgré le lien qu’ils entretenaient par le passé, et en cet instant Ezra s’en voulait. Pour tout. Parce-que là où l’année 2009 n’avait rien u de joyeux pour lui, rien eu de joyeux pour personne, il se doutait que toute cette histoire n’avait été que davantage de feu aux poudres pour Jillian. « Je suis désolé, Jill… » Parce-qu’il connaissait parfaitement les parents McGrath et leurs réactions disproportionnées. Et que même si ça avait été pour son bien, Ezra savait qu’en rien ils ne l’avaient avancé à leur fille de la sorte. Ils étaient quelque peu sans pitié pour les personnes sortant du moule, les parents McGrath, et pour ça Ezra aurait toujours une dent contre eux. « D’où le fait que t’aimes pas l’hôpital, du coup. » Ca tombait sous le sens désormais et Ezra s’en voulait d’autant plus d’avoir insisté à ce point. C’était pour son bien, il pensait, mais son bien était-il placé au même endroit qu’il le voyait lui ?

Spoiler:

La terre tourne encore un peu trop vite aux yeux de Jill. Elle a l’impression de ne plus avoir de force dans les jambes, ni dans n’importe quel muscle de son corps. Même tenir sa tête pour regarder Ezra commence à devenir difficile. Mais elle lutte contre cette envie de dormir pendant un long moment. Elle fait attention à ce que Noah ne soit pas dans les parages, et elle se concentre sur la conversation pour avoir quelque chose à quoi se raccrocher. Allez savoir pourquoi elle se met à parler de sujets aussi importants alors qu’elle n’a pas eu une vraie conversation avec Ezra depuis longtemps maintenant. Il en sait pas de quoi elle parle, et elle est sûre qu’il a des tonnes de questions qu’il n’ose même pas poser. Elle ne lui en veut pas, mais elle pourrait lui apporter quelques détails s’il les demandait. Elle n’en parle pas beaucoup de sa maladie Jill, parce qu’elle la connait peut-être aussi mal qu’Ezra. Elle n’a jamais écouté les médecins, elle n’a jamais voulu croire à tout ça, et elle n’a jamais fait de recherches. Ce n’est qu’une histoire de ressenti pour Jill, de vivre avec. “C’est…. des choses qui se passent dans ma tête. On peut pas dire que ça se voit à l’extérieur, mais c’est un mélange de personnalités, des voix dans ma tête... “ Tu peux faire encore plus flou ? “C’est à ce moment là que je passe pour une folle en général.” Elle pouffe de rire, elle a l’habitude. Ca ne ferait qu’une personne de plus sur une liste qui est déjà très longue.

Elle lui explique plus ou moins pourquoi elle a du mal avec les hôpitaux. Il est loin, bien loin d’avoir tous les détails de ce qu’il s’est passé pour Jill pendant ces dix dernières années. Et elle n’aurait pas assez de 20 minutes pour pouvoir tout lui raconter. Il s’excuse et elle secoue la tête. “Tu peux t’excuser pour beaucoup de choses.” Elle fronce les sourcils. “genre pour avoir toujours bu dans mon verre quand on sortait, d’avoir volé plusieurs fois la dernière part de ma pizza préférée, d’avoir toujours laissé traîner tes pulls partout, ou de conduire comme un manche.” Des souvenirs qui remontent, de bons souvenirs. “Mais ça c’est certainement pas de ta faute.” Quoi qu’il a pu se passer cette année là en rapport avec sa maladie, ça n’a rien à voir avec Ezra. C’est juste tombé la mauvaise année, au mauvais moment. Le pire moment. “J’aimais déjà pas beaucoup avant, mais c’est vrai que ça a pas arrangé les choses.” Elle soupire, il ne sait sûrement pas pour son overdose non plus. Il était vraiment loin de tout Ezra. Et elle se demande Jill, ce qui se serait passé s’ils n’avaient pas quitté Brisbane. S’ils étaient tous restés dans cette ville qui est la leur, pour vivre la vie qu’ils auraient dû vivre s’ils n’avaient pas été des McGrath ou des dommages collatéraux de cette famille.

Il était honnête, Ezra, quand il disait qu’il n’y connaissait rien de ce qu’elle lui apportait. Non seulement parce-qu’il n’avait été mis au courant de cette période là de la vie de Jillian, mais également parce-qu’il n’avait littéralement aucune connaissance dans le domaine. La psychiatrie était pour lui un monde étrange et, péjorativement, remplie de fous. Il tentait cependant au maximum que ce ne soit pas une réaction de la sorte qui puisse venir apparaitre sur son visage. Car il ne la pensait pas folle, Jill. Pas dans ce sens là du terme en tous cas - elle avait toujours eu un petit grain de folie qui avait plus d’une fois réussi à lui étirer un sourire, cependant. « C’est…. des choses qui se passent dans ma tête. On peut pas dire que ça se voit à l’extérieur, mais c’est un mélange de personnalités, des voix dans ma tête... C’est à ce moment là que je passe pour une folle en général. » Et elle vint en rire, ce qui fit hausser un sourcil quelque peu hésitant de la part d’Ezra. Il s’attendait à toute réaction de sa part, sauf celle là. Lui qui ne se sentait pas des plus à l’aise à découvrir ce genre de chose des années après, lui qui ne trouvait pas d’autre mot à lui exprimer que je suis désolé ne se trouvait pas réellement à sa place à la voir rire de la sorte. Mais il tenait bon, parce-que l’important n’était pas là à la base. Dans le plan original, il devait simplement faire en sorte qu’elle reste éveillée le temps que le médecin ne daigne arriver - et ils avaient commencé à rattraper le temps perdu en un instant, comme si de rien n’était. Dix ans pouvaient paraitre tellement poussière, en regardant la situation actuelle. Lorsqu’ils mettaient tous les différents de côté, lorsqu’ils s’efforçaient de jouer aux adultes. « Tu peux t’excuser pour beaucoup de choses. » Pas ce terrain glissant là, Jil, voyons. De tous les sujet qu’ils pouvaient aborder sereinement, Ezra n’était pas convaincu que de partir sur celui là était la meilleure des idées pour le moment. « genre pour avoir toujours bu dans mon verre quand on sortait, d’avoir volé plusieurs fois la dernière part de ma pizza préférée, d’avoir toujours laissé traîner tes pulls partout, ou de conduire comme un manche. » Mais la suite des paroles de Jillian est toute autre et là, Ezra vint avoir un petit rire sincère. « Je conduis très bien, déjà ! » Il vint faire mine d’être offensé alors qu’un poids, léger, se retirait de ses épaules. Il n’était pas d’humeur ni d’attaque pour parler de l’autre sujet présentement avec elle. Un jour, peut-être. « Mais ça c’est certainement pas de ta faute. » Plongeant son regard dans le sien, il vint étirer un petit sourire en coin, de ceux qui disaient à la fois merci et y’a pas de quoi, parce-que le coeur d’Ezra tanguait entre les deux idées en ce moment même. Il voulait être des plus naturels auprès de Jill, il l’avait toujours été - mais des éléments apportés comme celui là montraient bien qu’ils ne jouaient plus au même jeu depuis longtemps désormais. « J’aimais déjà pas beaucoup avant, mais c’est vrai que ça a pas arrangé les choses. » Il vint alors froncer le bout du nez, afficher une petite moue au coin des lèvres. « Aujourd’hui, il faut qu’un médecin te voit, pourtant. Tu le sais. » Il venait enfoncer une porte ouverte, mais c’était nécessaire. Elle devait voir quelqu’un pour s’assurer que tout ce petit monde se portait bien. Ils s’agissaient des futurs cousins de Noah et Ezra refusait que quoi que ce soit leur arrive alors qu’ils se trouvaient désormais sous sa responsabilité - parce-que Jillian l’était aussi à partir du moment où son fils avait passé le coup de téléphone. Finalement, il vint consulter l’heure sur son téléphone, rapidement, d’un mouvement bref. « Le médecin devrait arriver d’une minute à l’autre de toutes façons, maintenant. » Pour la rassurer et lui assurer que tout irait bien rapidement, parce-qu’il ne voyait pas ça autrement.

Spoiler:

C’est étrange cette sensation. Elle se sent loin de tout, et terrifiée. Qu’est ce qui se serait passé si Noah n’avait pas eu le bon réflexe ? S’il n’avait pas appelé toutes les personnes qui comptent pour lui. C’est horrible de se dire qu’elle a encore mis en danger ses enfants, parce qu’elle a voulu en faire qu’à sa tête. Elle a voulu réfléchir selon elle encore une fois, elle a voulu dépasser ses limites et elle les a atteinte sans même s’en rendre compte. Elle a joué le feu et elle est encore allée bien trop loin. Elle essaie d’expliquer à Ezra ce que sa maladie veut dire, ce que ça représente pour elle et comment elle la vit. Il pourrait presque s’excuser et elle refuse ça. Il n’a pas le droit de s’excuser pour ça, ce n’est de la faute de personne. Même pas celle de Jill. Elle est née comme ça, et personne ne pourra jamais changer ça. “C’était casuel, personne n’y est pour rien.” Et c’est tout ce qu’il doit savoir. Il ne comprendrait pas, personne ne peut comprendre comment elle le vit réellement.

Elle change de sujet, elle essaie de changer cette ambiance qui devient trop pesante à son goût. Elle sent qu’elle va un peu mieux, qu’elle peut respirer à un bon rythme de nouveau. Elle utilise un ton sérieux, comme si elle allait parler du sujet qu’ils ne veulent pas aborder. Ce n’est pas le moment, elle est bien trop faible Jill. Elle reste allongée en captant le regard d’Ezra quand elle continue sa frère en lui reprochant des choses qu’il a faite il y a des années. “Ouais y’a que toi qui dois penser ça.” Elle arrive à rire un peu. il l’occupe, et l’empêche de dormir. C’est tout ce dont elle a besoin à ce moment là.

“Je sais, j’ai pas fait attention.” Elle avait envie de profiter de son neveu et de ce moment. Mais elle est encore allée trop loin. “Mais je veux pas aller à l’hôpital.” Elle fera tout pour rester chez elle, elle ne supporterait pas d’être hospitalisée pendant des mois. “Détends toi ça va mieux.” ça va vraiment un peu mieux. Même si elle est bien loin d’être au top de sa forme. “Tu restes ?”