| MOLLY & AMOS #2 ► DON'T SAY THANK YOU OR PLEASE |
| | (#)Ven 12 Juin 2020 - 10:06 | |
| Ca va pas, pas du tout. En parler me blesse plus qu’autre chose. J’ai essayé d’enfouir ces informations depuis que je les ai apprise. Jack n’est pas au courant lui non plus, je n’ai pas voulu le brusquer. Je veux pas qu’il se sente encore plus coupable et encore plus mal. Je sais qu’il va s’en vouloir pour tout ce qui est arrivé, alors que rien n’est de sa faute. J’arrive à contenir mes émotions encore quelques temps, je respire, j’évite le regard d’Amos en regardant au sol alors que j’essaie de parler et de lui donner les événements dans l’ordre. Les mots d’Amos sont durs. Je sais que c’est la vérité, mais je n’ai pas l’habitude de voir le mauvais côté des choses, alors je ferme les yeux. “Je sais…” Mais j’ai pas envie de penser comme ça, et de haïr ma mère biologique pour ce qu’elle a fait il y a 25 ans. Je souris quand il parle de mon père, c’est un type bien, moi aussi je le sais, je l’ai vu. Il me ressemble, sur pas mal de points d’ailleurs, et c’est rassurant.
Il me prend dans ses bras et je lui rends son étreinte. Il est comme un grand frère, et je ne sais pas ce que je ferais si je n’avais pas des personnes comme lui dans mon entourage. Je ne retiens plus les larmes qui roulent sur mes joues alors que ma joue est posée contre le torse d’Amos. “Je peux pas m’empêcher de me dire que si ma mère a aussi mal tourné c’est à cause de moi. Je sais qu’il faudrait pas, mais c’est plus fort que moi. J’ai l’impression d’avoir loupé ma vie.” Ou d’être passée à côté du moins. C’est compliqué, et ces pensées ne veulent pas sortir de ma tête. Je sais qu’il est là pour moi autant que je le suis pour lui, mais je n’aime pas me plaindre, je n’aime pas qu’il s’énerve ou qu’il se sente triste à cause de moi. “Merci…” C’est tout ce que je peux lui dire. J’arrive pas à arrêter les larmes cette fois non plus, j’ai l’impression de m’enfoncer un peu plus à chaque mot. Mais Amos a le droit de savoir, il est là pour moi, il me l’a dit. “Qu’est ce que je dois faire ?” Est ce qu’il a d’autres conseils ? Je ne sais pas vraiment comment m’en sortir, et les seules choses que je fais c’est manger du chocolat et travailler. Je commence à sortir un peu aussi, mais je ne suis pas persuadée que ce soit la meilleure des idées. “Pourquoi ça tombe sur moi ?” Et je souffle fort sans le lâcher.
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| | | | (#)Ven 12 Juin 2020 - 12:02 | |
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DON'T SAY THANK YOU OR PLEASE
Était-ce une bonne idée que de lui offrir mon épaule comme soutien ? Je l’ai cru. Et, je le crois toujours. Mais, je déteste la voir pleurer. J’ai l’impression d’avoir failli à la tâche qu’elle m’a confiée il y a plus d’un an : veiller sur elle autant qu’elle s’emploie à m’observer évoluer de loin depuis qu’elle m’a renseigné sur Sofia. Je pense qu’elle agit pour elle, à la mémoire de son amie. Tout du moins était-ce sa motivation au départ. Aujourd’hui, c’est l’affection qui nous lie et tandis qu’elle écrase sa joue contre mon torse, je la berce lentement, comme je l’aurais fait pour ma fille, comme je l’ai fait avec mes frères quelques fois, quoique de façon moins affirmée. Malédiction de l’homme que d’être interdit de s’épancher sur ses malheurs. « Mais non, Molly. Elle a mal tourné parce qu’elle a fait de mauvais choix bien avant toi. » Et ça me brise les reins que d’admettre à voix haute que le sort de Sofia n’est pas de l’unique faute de Mitchell. « Normalement, la naissance d’un enfant, c’est la plus belle chose qui soit. Et c’est ce que tu aurais dû être pour ta mère. Tu aurais dû lui servir de motivation pour reprendre sa vie en main. » Or, cette inconnue a continué à marcher le long du sentier de la bêtise et de l’égoïsme et elle en est la seule responsable. « C’est de sa faute si elle n’a pas su saisir l’opportunité de grandi avec toi. » De mûrir et de guérir également. « Pas la tienne. Surtout qu’elle a raté quelque chose. Tu es une jeune femme épatante, Molly et d’une telle gentillesse. » Nul doute qu’elle accordera à cette idiote le droit de la connaître mieux et j’espère qu’elle aura au moins la décence de regretter son acte d’abandon… et celle de la respecter. Si j’avais mon mot à dire, je m’assurerais qu’elle reste à l’écart, mais ce n’est pas mon rôle que d’intercéder. Je ne peux qu’aider et réconforter malheureusement. « Ne me remercie pas. C’est normal. » Je lui tends un mouchoir que j’ai récupéré dans un distributeur non loin des prospectus de parrainage. « Faire pour ? Aller mieux ? » me suis-je enquis soucieux d'offrir le plus utile des conseils. « Prendre du recul. Du temps pour toi, pour digérer. Pourquoi tu ne partirais pas quelques jours avec Leo ? » ai-je proposé comme s’il s’agissait du remède à tout. « Cette histoire sera toujours là à ton retour, mais tu y verras sans doute plus clair. La vie est parfois injuste, tu sais. Mais n’oublie pas que c’est toi qui décides en fonction de ce qui est bon pour toi. Tu dois agir pour toi, pas pour eux. » Autrement dit, toutes personnes impliquées dans ce marasme. « Et concentre-toi sur ce qui te fait du bien. Ce père, par exemple. Dis-m’en plus. » Et, je la recule d’une pression légère sur son épaule. Je ne la lâche pas. Je ne la chasse pas non plus. Je cherche à capter son regard.
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| | | | (#)Ven 12 Juin 2020 - 12:37 | |
| Je suis dans les bras d’Amos, son étreinte est rassurante et m’aide à me calmer. Je ne voulais pas pleurer ni me plaindre, je ne voulais pas me mettre dans cet état alors que je dois ouvrir le Lone Pine dans un peu plus d’une heure. J’aurais voulu être capable de rester forte mais après l’évocation de mon histoire. Mais il faut croire que c’est trop compliqué encore, c’est trop à vif, trop irréaliste. Qui peut apprendre ce genre de choses à presque 30 ans ? On m’a menti toute ma vie, et je peux dire n’importe quoi, au fond de moi j’aurais toujours du mal à l’accepter. Je le laisse parler un peu, j’essaie de le croire mais c’est encore trop tôt pour que je puisse penser comme ça. Pour qu’en seulement quelques secondes la culpabilité me quitte vraiment et définitivement. Je ne sais même pas si je me débarrasserai de ce sentiment un jour, il faut garder espoir non ? C’est toujours comme ça que j’ai fait et j’essaie de ne pas changer. “Faut pas la blâmer comme ça, ça a été difficile pour elle.” Elle m’en a un peu parlé, mais elle avait encore du mal à accepter toute cette situation Ava. Elle aussi elle était perdue, mais elle l’est depuis quasiment 30 ans maintenant. “Elle me voulait, comme Jack. Mais leurs parents ont décidé pour eux. Elle avait 16 ans et ses parents étaient… sont très sévères. Ils ne lui ont pas laissé le choix.” Et elle a voulu être là, je le sais, j’en suis sûre, je ne peux pas croire qu’elle ait fait tout ça alors qu’elle ne m’aimait pas. “Ils l’ont obligé à déménager à l’autre bout du monde, ils voulaient plus qu’elle ait de nouvelles de Jack, et ils ne voulaient pas que qui que ce soit sache qu’elle était enceinte.” C’est un tout qui l’a fait chuter, une accumulation de choses qu’elle n’a pas pu contrôler et qui lui ont éclaté au visage sans même qu’elle ne puisse s’en rendre compte. Je souris un peu quand il me fait des compliments, c’est mon caractère, et j’espère que je le garderai malgré tout. On se relève toujours chez les Oakheart, même des épreuves les plus dures. Mais, je ne suis pas vraiment une Oakheart après tout…
“J’ai pas envie de partir… Les animaux ont besoin de moi…” Pete est mon voisin de pallier, mais ça, j’évite de le dire à Amos. On a discuté de bien assez de problèmes aujourd’hui, je lui épargne celui là pour le moment. “J’ai jamais marché comme ça.” J’ai jamais pensé à moi avant de réfléchir au bien être des gens qui m’entourent. Et je ne sais pas si j’arriverai à le faire un jour. Mais je hoche la tête, je vais réfléchir à l’idée. Il m’éloigne un peu pour me regarder dans les yeux. J’essuie mes joues du revers de la main et reprends ma respiration en restant toujours dans ses bras. Je sors mon téléphone et montre une photo de Jack à Amos. Autant qu’il le visualise si je dois lui parler de lui pour me changer les idées. “Il est producteur de musique à Brisbane. Il vient du Canada, et il est vraiment gentil et attentionné.” Je hoche la tête en me rappelant de cette après-midi qu’on a passé ensemble. “Il m’a reconnu, il m’a dit que je ressemblais beaucoup à ma mère mais j’ai l’impression de plus lui ressembler à lui. Il aime les animaux lui aussi, et il voit toujours le bon côté des choses et des gens.” C’est une grande partie de ce que j’ai pu observer pendant le peu de temps qu’on a passé ensemble. “J’ai envie de le voir tout le temps, j’ai l’impression qu’on a trop de temps à rattraper. J’aurais tellement aimé avoir la chance de grandir avec lui… Il a une autre fille aussi, de 17 ans mais je ne la connais pas encore…”
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| | | | (#)Ven 12 Juin 2020 - 12:58 | |
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DON'T SAY THANK YOU OR PLEASE
Est-ce que je fais ? Suis-je en train de la blâmer et de manquer d’objectivité ? Ce n’est pas impossible. Je crois que je réagis sous le coup de l’émotion, que mes jugements sont trop faciles et je m’en excuse aussitôt. « Peut-être. Je n’en doute pas. Je ne voulais pas te froisser, Molly. » Mais j’ai du mal à envisager qu’à 16 ans, on n’ait pas la bonne idée de se protéger, de s’éviter une grossesse non désirée. Je ne réussis pas à concevoir qu’on puisse reporter le fardeau de sa culpabilité sur les épaules d’une enfant qui n’a rien demandé et qui, à l’heure où elle construit sa vie de femme active, se mange comme une claque une vérité difficile à digérer. Mais, je ne pipe mot. Elle n’est pas prête, la vétérinaire. Elle est encore trop fragile pour entendre ma version de la vérité. « Alors, dans ce cas, si tu as besoin de responsable, dis-toi que c’est eux. » Ces parents trop sévères qui ont décidé pour leur fille. « Mais, pas toi, Molly. Toi, tu n’as rien demandé. Tu n’as pas voulu tout ça. » Et, la preuve en est, elle en souffre aujourd’hui. « Elle se drogue encore ? » me suis-je enquis en songeant que, le cas échéant, je rappellerai à la jeune fille que je console d’être attentive, d’oublier pour un temps sa naïveté. Je lui conseille également d’apprendre à penser à elle et j’entends que ça puisse lui paraître insurmontable, mais a-t-elle un autre choix à disposition ? « Je ne dis pas que ça doit être définitif, Molly. Je dis que là, pour le moment… » Le temps que tu encaisses et que tu te relèves. « Tu dois devenir le centre des priorités. » Et j’en suis convaincu.
Alors que je l’invite à s’attarder sur la seule bonne nouvelle qui a suivi ces révélations, je reste stoïque tandis qu’elle affiche la photo de son père. « C’est lui ? » me suis-je enquis avec stupeur. Je ne nourris plus d’animosité pour Epstein, mais je trouve la situation étrange, la coïncidence dérangeante. J’ai l’impression d’être propulsé dans un pan de sa vie sans y avoir été invité et je ne sais qu’en penser. « Ouais. J’ai cru comprendre que c’était un grand optimiste, oui. » La réflexion m’échappe alors que je ne perds pas le cliché des yeux. Nul doute qu’elle sera intriguée, mais est-ce bien grave. Je ne lui cacherai pas l’avoir déjà rencontré. Je tairai juste les circonstances. « Tu as donc une sœur…de 17 ans. Tu vois, il n’y a pas que du mauvais dans cette histoire. Et, je l’ai rencontré ton père. C’est un gars… courageux. » Plus que je ne le suis et je ne peux m’empêcher d’être ébranlé par une pointe de jalousie possessive, non pas pleinement malsaine, mais un rien tout de même.
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| | | | (#)Ven 12 Juin 2020 - 13:24 | |
| Je le sens qui s’énerve, et je tente de le calmer. Je sais que c’est moi qui devrais être dans cet état mais je suis incapable d’en vouloir à qui que ce soit d’autre que moi. Je sais que c’est difficile à comprendre ou à accepter, mais j’ai l’impression d’avoir gâché la vie de tout le monde, et surtout de ma mère biologique. “Tu me froisses pas.” Je ne veux pas qu’il s’énerve à ma place, qu’il s’énerve pour deux même. “Ils avaient peut-être leurs raisons…” Et là c’est moi qui cherche des excuses à la terre entière et je sais que ça peut l’énerver Amos. Mais je n’ai pas le droit de détester ces gens que je ne connais pas. Je ne leur ai parlé qu’une seule fois, au téléphone, et je n’ai pas eu l’impression qu’ils voulaient me voir contrairement à ma mère et mon père. Je soupire, j’essaie vraiment d’ancrer ses mots au fond de mon esprit et y croire de tout mon coeur. Il m’aide un peu à me calmer, ma respiration est moins saccadée et mes larmes ne coulent plus. “Oui” Elle se drogue encore, elle me l’a avoué quand on s’est vu. Elle avait des traces de piqûre sur les bras, et ça me hante, ça me brise le coeur. Est ce qu’elle aurait continué à se droguer si elle était restée au Canada ? “Et je dois faire quoi à ton avis ? Quand je reste seule je peux pas m’empêcher de tout ressasser tout ça, je dors quasiment plus…” Même Léo n’arrive pas toujours à me changer les idées.
Et on parle de Jack, je lui montre une photo et je sens que le ton d’Amos change un peu. Je fronce les sourcils, il le connait ? Je me relève un peu pour capter son regard. “Tu le connais ?” Peut-être qu’il l’a même déjà rencontré. La coïncidence est étrange, ça me fait tout drôle de comprendre que Jack connait déjà des personnes de mon entourage. Ca me pince le coeur un peu aussi, on était vraiment pas loin l’un de l’autre pendant plusieurs années. “Et si elle m’aime pas ? Je veux pas qu’elle croit que je veux prendre sa place… Comment je fais s’il y a des tensions entre nous ?” Ca aussi ça me terrifie, je ne me mettrai jamais entre eux. Quitte à couper tout contact avec Jack même si ça me détruirait complètement. “Tu le connais depuis longtemps ?”
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| | | | (#)Ven 12 Juin 2020 - 13:45 | |
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Des raisons, ils en auront mille au minimum et nul doute qu’ils lui chanteront autant d’excuses, comme des berceuses, qu’elle croira tant Molly est une belle personne. J’ose néanmoins espéré que ce père dont elle parle en termes louangeurs nourrira assez de rancœur ces indigents que je n’en ai moi-même. A nous deux, le moment venu, peut-être arriverons-nous à museler l’indulgence de Molly. En attendant, je juge qu’elle n’est pas prête à entendre le fond de ma pensée. Alors, je m’abstiens. Je préfère me réjouir qu’elle ait enfin séché ses larmes. Je ne relève même pas le fait que sa mère soit toujours une toxicomane. J’y reviendrai plus tard, parce que je sais ce qu’elle risque si elle la fréquente, mais l’heure n’est pas venue. « Redescendre, Molly. » ai-je répété ce qu’elle pu percevoir à travers ses larmes. « Regarde-toi, on dirait une cocotte minute mise sous pression qui va bientôt expliqué. Je te l’ai dit. Pars avec Leo quelques jours. Et, si ce n’est pas possible. Coupez-vous du monde quelques heures. Change-toi les idées. Tu ne pourras pas prendre de bonnes décisions dans cet état. » Et, convaincu, je l’invite à commencer de suite en la ramenant vers le seul point d’espoir au cœur de ses emmerdes : Jack. Il n’est pas qu’un chien qui se nomme Martin sur cette planète et à aucun moment je n’aie imaginé que je détaillerai, sur téléphone, les traits d’Epstein. J’en suis effaré. Mon ton change. L’expression de mon visage également. Il n’est pas maussade, je crois qu’une part de moi est rassuré. Cet homme, je sais qu’il est doté d’une volonté que je n’aie pas trouvée. Je sais qu’il aime sa famille au point de toujours regretter son épouse et j’entends qu’il ait pu souffrir d’être extirper comme une punaise de la vie de Molly. « Oui. Je l’ai déjà rencontré. » Par deux fois. La première, je l’ai détesté de tout mon être. La seconde, il m’a fait meilleure impression et je me demande à quel jeu joue le destin puisqu’il ne peut s’agir d’un hasard s’il a été mis sur ma route. « Et, du peu que je le connaisse, je pense en effet que c’est quelqu’un de bien. » Il m’a semblé bon comme le pain, mais je le tais, tout concentré sur les craintes de Molly. « Non ! Elle a 17 ans. Tu as dix ans de plus qu’elle. En plus, tu as un job qui fait rêver. Je ne pense pas qu’elle te verra comme une menace. Je pense plutôt qu’elle sera contente d’avoir une grande sœur. Je ne la connais pas bien sûr. » Il se peut qu’elle soit timide, mais pas menacée. « A ton âge, tu n’as pas les mêmes besoins qu’elle. Franchement, je pense que ça devrait bien se passer. Et, si pas, il lui faudra du temps à elle aussi. » Et ce sera légitime. « Puis, elle apprendra à te connaître et elle t’adorera, comme tout le monde. » Qui pourrait détester la douceur incarnée ? Qui ? J’argue que celui-là serait bête ou pas encore né. « Pas depuis assez longtemps que pour te confier ses secrets. Vous avez prévu de vous revoir ? » me suis-je enquis par curiosité. J’ai l’impression que, moi aussi, j’aurai un rôle à jouer dans toute cette histoire. Mais, lequel ?
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| | | | (#)Ven 12 Juin 2020 - 16:41 | |
| Je ne peux pas le regarder trop longtemps. Je sens qu’il y a des choses qu’il garde pour lui, il est énervé, et je le comprends. Ce n’est pas de sa faute si mon caractère fait que je cherche des excuses à tout le monde et que je cherche un moyen de relativiser, de voir le bon côté des choses. Il n’est pas comme ça Amos, et je ne le blâmerai pas pour ça. Je l’écouterai vraiment un jour, et peut-être que j’arriverai à me rendre compte qu’il a raison et que c’est moi qui veux toujours rendre le monde entier plus beau que ce qu’il est réellement. “Peut-être que je partirai un temps, seule… Je sais pas si Léo aimerait vraiment partir d’ici avec moi, partir de la ville tout court en fait. Mais j’ai peur d’être toute seule. Tu crois qu’être seule un temps pourrait m’aider ?” J’ai l’impression d’être une enfant qui ne connait rien à la vie, comme si j’avais vécu dans une bulle depuis ma naissance et que je n’avais rien vu ni rien appris.
Jack, rien qu’à l’évocation de son prénom je souris et je vais juste un peu mieux. Amos m’aide tellement, j’ai séché mes larmes et je me suis éloignée de quelques centimètres pour capter son regard. Je lui explique que je l’ai déjà vu, et que j’ai passé un très bon moment. On a eu du mal à se quitter et se dire au revoir. Je souris, le fait que Amos le connaisse et qu’il affirme que c’est quelqu’un de bien me rassure énormément. Je respire un peu mieux d’un coup. “Je crois qu’il faut du temps à tout le monde pour accepter cette nouvelle. Je ne sais même pas si Jack a pu lui dire, j’en ai aucune idée…” Je hausse les épaules, peut-être qu’il attend encore un peu avant d’officialiser la chose. “J’ai jamais été la grande soeur.” Toujours la petite que tout le monde devait protéger. Celle à qui il ne fallait pas faire de mal, qu’il fallait garder en dehors des secrets et des choses qui font mal. La preuve avec toute cette histoire. “J’espère qu’on va se revoir…” Je le veux vraiment, je sais pas si je pourrais tenir le coup en sachant qu’il est dans le coin et que je ne le vois pas régulièrement. Je veux créer un lien avec lui, quelque chose de beau, pour qu’on ne s’abandonne plus jamais. “On a pas encore prévu de date mais je pense que je vais l’appeler.”
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| | | | (#)Ven 12 Juin 2020 - 17:09 | |
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J’admire sa foi en l’être humain. Sauf que je ne la partage pas. Qui peut me blâmer d’avoir perdu confiance en la bonté de l’homme étant donné ce qui est arrivé à ma fille ? Si l’on s’arrête sur le sort qui lui aura été réservé par un fou, difficile pour moi d’envisager la clémence pour celle qui a abandonné son enfant quand la mienne me manque tant. Néanmoins, je tente de me tempérer et je conseille. Un voyage, loin d’ici pour quelques jours, ça n’a jamais fait de mal à personne, mais elle a peur, Molly. Elle a peur de ne pas savoir gérer la solitude et je l’entends. Si elle est mon alliée, tous n'arrivent pas à s’y frotter. « Je pense que ça te ferait du bien en effet. Deux jours pas plus si tu le sens pas. » Autrement dit, une nuit. « Mais, ça pourra te permettre de te reposer un peu, de prendre du recul et de réfléchir à tout ça sans pression extérieure. » Et je sous-entends par ces dernières le travail, le couple et toute autre source qui alourdit la charge mentale. « Quant à Leo, propose-lui toujours. Tu verras bien. » Je suis persuadé qu’il saurait lui changer les idées et éviter que ses pensées sombres tournent en roue libre. En attendant, dès lors que je devine déjà de l’affection dans la voix de Molly à l’évocation de Jack, je la conduis sur ce sujet. Passé la surprise, je suis à même de lui confier mon ressenti sur le personnage et elle en semble rassurée. Tant mieux. J’en suis ravi et je l’exprime d’un sourire. « Je ne sais pas non plus. Quoi qu’il en soit, il vaut mieux qu’en effet, tu laisses les choses se faire lentement. Je présume qu’il te le dira lorsqu’il pensera que le moment est venu de rencontrer ta sœur. Il la connaît. Il saura aussi te guider sur sa personnalité. » Et, en définitive, lui filer les clés pour aborder sa cadette sans représenter une menace. Peut-être arrivera-t-il également apaiser ses craintes face à son nouveau rôle. « C’est sympa dans une fratrie. » Et, la relâchant pour retrouver mon siège – elle ne pleure plus – je me souviens de mon enfance avec mes frères. « Même si c’est parfois ingrat. On s’attend toujours à ce que tu portes le chapeau pour tout le monde. » Toutes leurs bêtises. Je me rappelle l’une d’entre elles et j’en souris, ébranlé par la nostalgie. « Tu sais, si tu as envie d’avancer avec lui et te rencontrer ta sœur, tu devrais le faire. Tu devrais lui téléphoner. Je pense que… je pense que ça ne le vexera pas en tout cas. » Je le connais peu, mais est-ce si fou de l’imaginer heureux d’avoir retrouvé sa première née ?
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| | | | (#)Ven 12 Juin 2020 - 19:00 | |
| L’idée de partir quelques jours commence à germer dans mon esprit. Est ce que je pourrais réellement faire ça ? Partir toute seule loin d’ici “Tu penses que je devrais partir loin de Brisbane ?” Je fronce les sourcils me détachant de lui maintenant qu’il retourne s’asseoir au fond de sa chaise. J’essaie de penser à autre chose, à ce que je pourrais faire toute seule loin de Brisbane. Ca pourrait être bénéfique, mais c’est terrifiant. Et, l’idée de partir à nouveau avec Léo est aussi terrifiante. Et si rien n’était pareil qu’aux Philippines ? Et si tout avait vraiment changé en quelques mois ? Il s’est passé tellement de choses depuis la cascade, je ne sais même pas ce qu’on est l’un pour l’autre. Je ne sais pas si je lui demanderai, l’idée de me retrouver face à moi-même pendant quelques temps me plaît pas mal.
“Je crois que j’ai envie de la voir. J’ai vraiment envie d’entrer dans sa vie, je veux être importante pour Jack.” Je le suis déjà, je le sais très bien. Mais je ne veux pas que ce soit juste un moment comme ça, je veux qu’on essaie de créer la famille qu’on a jamais eu le droit de former parce que personne nous l’a autorisé. Et j’ai une petite soeur, je ferai avec, je sais que je vais l’aimer à la seconde où je vais la voir, mais est ce que ce sera réciproque ? “Je reste l’avant dernière au fond. Je leur ai pas encore parlé mais je pourrais jamais mettre Allie et Tristan de côté… Je ne sais tellement pas comment je suis censée gérer une chose pareille. Je vais devoir essayer d’inclure Jack et Ellie alors que j’ai déjà une famille qui m’a élevé. Je veux pas qu’il y ait de différents à cause de moi.” Je ne veux pas de jalousie, ou de bataille pour savoir lequel j’aime le plus. Je vous tous leur laisser une place dans mon coeur, chaque personne peut en avoir une. La sienne. Parce qu’ils sont tous uniques. “Je vais le rappeler… Mais je lui dis quoi ? On s’est vu y’a quelques jours et j’ai l’impression que c’était il y a des semaines.” Je soupire et place mes mains autour de mon visage. Heureusement qu’Amos est là, il m’aide à porter un peu de ce poids qui est bien trop lourd pour moi.
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| | | | (#)Ven 12 Juin 2020 - 19:28 | |
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« Pas forcément très loin. Tu peux aller te retirer dans la campagne avoisinante ou prendre un ferry et faire une virée sur une île. Le tout, c’est de te changer les idées et de ralentir tout ce qui se passe là-dedans » lui ai-je expliqué en tapotant sa tempe de mon index. « C’est pas bon de ruminer comme ça. » Moins encore si elle n’en dort plus et, dans les faits, nul n’a besoin de me décrire l’angoisse qui accompagne une insomnie. J’en fais souvent les frais dernièrement. Je n’ose imaginer, au vu de ce qu’elle a appris récemment ô combien ses nuits doivent lui sembler longues et pénibles. Alors, je l’entraîne avec moi sur ce qui est susceptible de la réjouir. Je la réconforte à propos de son père biologique. Je cherche qu’elle est mon rôle dans cette histoire et me demande sincèrement si je ne devrais pas rester à l’écart pour permettre à la vétérinaire de faire des choix seuls, sans mon spectre protecteur planant au-dessus d’elle tant j’ai peur qu’elle prenne la mauvaise décision à propos de sa mère. Serait-il de bon ton que je contacte Jack ? Que je lui explique que j’ai appris pour Molly ? Dois-je lui confier mon inquiétude, non pas vis-à-vis de lui, mais de son ex-copine ? Je l’envisage. J’y réfléchis encore dès lors que Molly me confie qu’elle aimerait rencontrer sa sœur. « Je pense que tu l’es déjà, que tu l’as toujours été, qu’il a dû souffrir d’être sans nouvelle durant toutes ces années s’il en a pris et en a reçu durant quatre ans. » Je m’étonne moi qu’il m’ait paru lézardé de toute part lui aussi. Le destin n’a pas été plus clément avec lui qu’avec moi. « Et il n’est pas question de le faire. Pourquoi tu penses à ça ? » Parce qu’elle soupçonne qu’ils se sentiront abandonnés ? C’est possible. « Tu sais, le meilleur moyen d’éviter les conflits, c’est d’être honnête avec tout le monde. » Conseil que j’ai négligé par rapport à Rae. Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais. « Et, dans un premier temps, d’être à l’écoute des peurs de tout le monde. Je vais pas essayer de te faire croire que ça sera facile, mais tu as toutes les qualités qu’il faut pour que ça se passe pour le mieux. » Ou pas trop mal. Quant à Jack, sa timidité m’a amusé et je lui ai souris en soupirant, attendri. « Et à ton père aussi tu dis la vérité. On a du temps à rattraper. Je me dis qu’on pourrait… et là, tu ajoutes ce que tu aurais envie de faire avec lui. » Ou l’inverse. Je suis certain qu’il adorerait regarder les albums photo retraçant sa naissance, son enfance, son parcours loin de lui.
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| | | | (#)Sam 13 Juin 2020 - 8:21 | |
| Je vais partir, c’est décidé. Je ne sais pas si je serai seule, si je demanderai à Léo ou à qui que ce soit d’autre de m’accompagner. Mais je vais partir de cette ville pendant au moins quelques jours. Peut-être juste une nuit, peut-être une semaine. Je n’ai jamais pris de vacances au refuge, et je suis sûre que la stagiaire actuelle fera très bien l’affaire si je continue de la former encore quelques jours. Elle est parfaite, aussi gentille et amoureuse des animaux que moi. Il a réussi à me faire sourire Amos, à me faire imaginer la suite des événements. J’ai un projet qui va mûrir dans mon esprit, un plan, et je vais me pencher dessus dès ce soir. Je vais le garder pour moi pour le moment, Amos et moi serons les deux seuls au courant de cette escapade. Je hoche la tête en pinçant les lèvres. “T’as raison.” Et je sais que je me fais du mal toute seule. J’ai besoin d’air et d’espace. J’ai besoin de me recentrer sur moi-même quelque temps.
“J’ose même pas imaginer ce qu’il a pu ressentir.” Je ferme les yeux. Je lui ai manqué pendant près de 30 ans. Il n’a pas eu le droit de me voir, de m’appeler ou de demander des nouvelles. Des adultes ont pris la décision pour lui en pensant faire ce qu’il y avait de mieux pour moi. Est ce que c’était vraiment la meilleure chose à faire ? Je suis sûre que non. Je sais que Jack aurait tout fait pour moi, absolument tout. “Parce que je suis sûre que ça aussi ça va être compliqué à gérer… Tu sais que je déteste les conflits.” Je soupire, je les vois déjà tous les problèmes qui arrivent. Encore un peu plus de choses à gérer, comme s’il n’y en avait pas assez. “Je suis pas prête à revoir ma famille adoptive, je sais même pas ce que je pourrais leur dire.” J’ai vraiment besoin de m’éloigner un temps. Plus la discussion avance plus je me rends compte que l’idée d’Amos est vraiment la meilleure, et je n’y aurais jamais pensé seule. “Merci Amos…. Vraiment merci…” Je lui souris, bien plus calme que quelques minutes auparavant. “T’es un père parfait.” Je capte son regard, et ça me pince le coeur. Lui aussi a ses propres démons, que je connais bien maintenant. Sofia aurait été fière de lui, j’en suis persuadée.
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| | | | (#)Sam 13 Juin 2020 - 8:51 | |
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DON'T SAY THANK YOU OR PLEASE
Je suis convaincu du bien-fondé de mon conseil et je hoche doucement la tête, à l’instar de Molly, dès lors qu’elle se range à mon opinion. Cette escapade ne pourra que lui faire du bien. La solitude, si l’on sait s’en servir, est le meilleur moyen de se recentrer, et ce, qu’importe qu’on l’aime ou non. Moi, c’est ma meilleure amie depuis longtemps. J’en sais les inconvénients, mais j’ai appris ses avantages également. «Ça va te faire du bien. Bonne décision. » La première d’une longue série et ça aussi, j’en suis convaincu. Elle est intelligente, la vétérinaire. Elle saura trouver sa place dans sa nouvelle vie et allouer à tous les protagonistes celle qui leur conviendra le mieux. J’ai foi en elle et en sa bienveillance. « Je sais ! Mais, ne t’inquiète pas trop vite. Laisse le temps au temps. » S’inquiéter maintenant serait le gaspiller et j’ai appuyé le sous-entendu d’un nouveau sourire. Elle semble aller mieux et j’en suis ravi. Autant dire que je ne regrette pas le déplacement. Elle avait un sac plein d’émotions à vider et à quoi pourrais-je servir si je ne suis pas là pour l’aider à se débarrasser de ses tracas. Et quel meilleur conseil pourrais-je lui offrir que celui de ne rien précipité ? « Tu n’as pas à me dire merci. C’est normal. » Parce qu’elle a été là au fur et à mesure que j’avançais dans l’enquête concernant la mort de Sofia et que chaque nouvelle m’assommait un peu plus chaque jour. Elle a su m’écouter et respecter mes silences. Finalement, c’est un juste retour des choses que d’être à ses côtés pendant qu’elle vivra l’épreuve la plus difficile à surmonter de son existence. Elle n’a pas non plus besoin de souligner que je suis un père parfait. Ma gamine n’est plus là et, par conséquent, j’apprends à vivre avec l’idée que j’ai loupé le coche. Le train est parti sans moi. Je suis resté sur le quai de gare et, pourtant, elle m’ébranle, Molly. Ce compliment entoure mon cœur d’un peu de baume et si j’ai simplement balayé le compliment d’un revers de la main, c’est qu’ouvrir la bouche aurait trahi un émoi que je ne m’autorise pas, que je ne m’autorise plus. Sans doute est-il l’heure de partir à présent. Aussi ai-je pris congé, non sans lui souhaiter beaucoup de courage, l’inviter à me donner des nouvelles et l’embrasser sur le front affectueusement.
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| | | | | | | | MOLLY & AMOS #2 ► DON'T SAY THANK YOU OR PLEASE |
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