J’ai passé le message à l’accueil, cette après-midi, je ne serai pas là. Amos a une surprise pour moi, et j’en suis ravie. Ca va me changer les idées, grâce à lui je vais déjà un peu mieux. Je n’ai pas encore envoyé de texto à Jack, mais j’ai passé du temps à chercher sur internet où je pourrais partir. Je n’ai pas réfléchi avec qui encore, je ne sais pas si je ne préfère pas être seule pour une fois. Avec Léo, on avait dit qu’on retournerait aux Philippines un jour, on se l’est promis. J’espère qu’on tiendra cette promesse, quoi que devienne cette relation. Mais cette fois, j’ai besoin de réfléchir à tout ce qui m’arrive. Je le sens que je commence à faire n’importe quoi pour essayer d’oublier, ce n’est pas bon, mais pour le moment, ça m’aider alors je m’accroche encore un peu à ça. C’est un peu comme si je vivais ma jeunesse après tout le monde.

Je m’occupe d’un vieux chat et je ne vois pas le temps passer. C’est une visite de routine, juste un vaccin à faire et une simple auscultation. Je me perds dans ma discussion avec la dame âgée en face de moi quand un des bénévoles vient m’appeler pour me dire qu’Amos attend dehors. Je m’excuse envers la femme et je finis ce que j’ai à faire. Je range rapidement, je fais un énième briefing à ma stagiaire et je pars au vestiaire me changer. Je n’aime pas particulièrement partir avant la fermeture, mais je ne pouvais pas dire non à Amos. Je sais qu’il s’inquiète pour moi depuis qu’on a discuté de tout ce qui m’était arrivée. J’ai des tas de questions à lui poser sur cette jolie rousse qui l’accompagnait quand ils sont venus pour le parrainage du bébé koala. J’attrape mon sac et sors pour le rejoindre. “OUIIIII !” Je trépigne d’impatience même si je sais déjà que tout sera parfait. “Alors non je suis pas encore partie, mais j’ai fait des recherches. J’ai vraiment décidé de passer du temps loin de la ville.” Il avait besoin de savoir, alors je parle. Je n’ai rien à cacher à Amos. “Et moi j’ai aussi le droit de poser des questions cette fois ?” Peut-être qu’il n’a pas envie de parler de lui, et de cette rousse, et je ne l’obligerai pas.

Il ne m’a pas reparlé de tout ce que je lui ai dit la dernière fois Amos. Et je ne pourrais jamais l’en remercier assez. Il est parfait, parfait avec moi. C’est comme un grand frère, un presque père. Je suis contente de l’avoir trouvé, même si les circonstances étaient affreuses, on s’est trouvé et je trouve ça parfait maintenant. Je suis là pour lui et il est là pour moi dès qu’on en a besoin. J’ai l’impression que je peux tout lui dire. Vraiment tous dans les détails. Je lui ai même parlé de Pete, je lui fais vraiment confiance. Et je sais que je peux toujours me confier à lui, sans avoir peur d’être jugé. Il est toujours de bons conseils, je ne sais pas ce que je ferais si je ne l’avais pas dans ma vie. “C’est une super bonne idée.” Et je bondis presque de joie, c’est trop génial. Ca fait une éternité que je ne suis pas allée me perdre à regarder les poissons. Il me donne toujours des idées Amos, des bonnes en plus. Je réfléchis et déjà le stage d’équitation m’emballe. Je souris comme une gamine. “Je vais pouvoir avoir des tas d’idées de voyage à faire. On pourra toujours en faire un ensemble un jour.” Et je suis trop heureuse pour me dire qu’il pourrait dire qu’il ne se voit pas faire ça. “Que si tu veux hein !” Je reprends quand même, un grand sourire aux lèvres, je ne l’obligerai jamais à faire quoi que ce soit s’il n’en a pas envie.

Je lui parle de la rousse parce que je me pose des tas de questions. Mais il ne me laisse pas vraiment parler, il répond et j’ai une moue un peu déçue je l’avoue. Je me tais une seconde, réfléchissant à une autre question. “Donc pas Ariane… T’as personne dans ta vie en ce moment ?” Parce que moi je lui raconte tout, et que sa vie m’intéresse aussi.

Je suis contente de prendre l’air et le soleil. Il faut dire que je ne sors pas beaucoup en ce moment. Ou, seulement le soir. Donc, je ne vois pas souvent l’extérieur la journée. Je ne l’ai pas dit ça à Amos, je ne suis pas sûre qu’il approuverait, et je ne veux pas le décevoir. Sans réfléchir je parle d’un voyage, je suis dans l’euphorie du moment, de l’organisation, et je ne sais pas pourquoi c’est sorti tout seul. Il n’y avait aucun sous entendu, c’est comme si je partais avec un membre de ma famille. Mais je secoue la tête en riant, presque désolée. Il ne sait pas, j’ai même l’impression qu’il est un peu mal à l’aise alors je reviens tout de suite sur mes mots. “Non, pardon, j’ai juste dit ça comme ça c’était idiot.” Je continue de sourire et de trépigner d’impatience avant qu’on arrive enfin à l’aquarium. J’ai hâte, ça fait une éternité que je n’ai pas fait ça.

J’étais sûre qu’il fréquentait Ariane, je suis presque déçue qu’il me dise que ce n’est pas le cas. Je trouvais qu’ils allaient bien ensemble. Et, même si je n’ai pas eu vraiment l’occasion de faire connaissance avec la rousse, elle m’avait l’air aussi gentille qu’elle pouvait l’être. Un peu terrifiante, mais très belle et amusante à certains moments. “Vous faites quoi ? Elle travaille au poste ?” Elle n’est pas vraiment le cliché de la flic, mais je ne suis personne pour juger. Peut-être que c’est la meilleure dans son domaine justement parce que personne ne se doute qu’elle fait ce métier. Je garde mon sourire rassurant ancré sur mon visage et je l’écoute attentivement répondre à ma question. “Oh…” Et mon sourire s’agrandit aussitôt. “Vous êtes vraiment ensemble ? Elle s’appelle comment ? Je suis sûre qu’elle est géniale !” Je bondis presque en posant toutes les questions. “Tu la connais depuis longtemps ? Tu sais que je l’adore déjà si elle te rend heureux ! t’es heureux hein ?” Oui parce que c’est quand même la question la plus importante.

Je souris, j’ai l’impression d’avoir fait une bêtise. Je ne veux pas le mettre mal à l’aise. Alors je balaie l’idée d’un revers de main en prenant tout le blâme. Je fronce les sourcils, il y a Léo et ? Il y a qui derrière ce et ? J’attends un peu avant de poser toutes les questions qui me passent pas la tête. Juste quelques minutes. “C’était juste une idée comme ça, et puis, même si on partait, ce serait comme si je faisais le voyage avec mon grand-frère.” Amos n’a jamais été rien de plus ou de moins. Juste une figure presque paternelle, un pilier rassurant qui m’aide à avancer après chaque coup du destin.

J’essaie de passer le sujet des voyages mais apparemment je dis encore n’importe quoi. “Quoi ?” Je ne sais pas ce que j’ai mal compris. J’ai toujours pensé qu’il était policier. Il ne me parle pas beaucoup Amos, et c’est la première chose que j’ai compris quand il m’a dit qu’il avait enquêté sur sa fille. Mais j’ai mal compris et il rit, alors je le suis. “Mais…. Et les enquêtes ?” Je ne comprends pas grand chose alors je tends ma main vers lui. “Salut, moi c’est Molly, on se connait ?” Pourquoi j’ai l’impression que je ne le connais pas si bien que ça finalement ?

Et il me parle de cette inconnue avec laquelle il partage apparemment sa vie. Je souris, je suis tellement heureuse pour lui. Et, rien que quand je le vois sourire de cette manière en parlant d’elle, je sais qu’ils ont tout gagné. “Pardon mais j’ai tellement de questions pour savoir qui elle est !” Mes yeux pétillent, je me demande si j’ai déjà vu cette fille. Je ne pense pas, je ne vois pas assez Amos pour avoir déjà rencontré des connaissances à lui. Son sourire s’agrandit, et le mien aussi au même moment. “Ca te va bien d’être amoureux.” Je l’ai vu dans ses yeux, et je sais que lui ne dira pas ça, mais moi, ça me rend heureuse.

J’ai l’impression de ne pas connaître Amos. Il est difficile à cerner, et il parle peu. Je ne connaissais pas vraiment son métier, je ne sais pas bien ce qu’il se passe dans sa tête. Alors qu’il connait une grande partie de ma vie, et j’ai l’impression qu’il sait constamment comment je me sens et ce que je pense. C’est perturbant non ? Mais je continue de sourire, il a besoin de temps. Peut-être qu’il n’a pas totalement confiance en moi et je ne le forcerai jamais à parler s’il n’en a pas envie. Je propose un voyage un peu rapidement, et j’ai l’impression d’avoir fait une bêtise. Alors je tente de me rattraper en riant. Il prononce le prénom de Sofia et je vois son sourire qui s’évanouit en même temps que le mien. On en parle plus vraiment de sa fille, c’est encore certainement bien trop douloureux. “J’espère que tu trouves ce que tu cherches.” Je tente de capter son regard une seconde, mais je vais changer de sujet. C’est pas le moment de parler de tout ça, ça lui fait bien trop mal et je ne veux pas qu’il passe une mauvaise après-midi. “C’est pas de la tienne non plus. Je te forcerai jamais à parler ! C’est peut-être moi qui suis un peu trop pipelette !” Je pouffe de rire. Je n’ai jamais eu de mal à raconter mes aventures à Amos.

Il y a une femme dans sa vie, et ça, ça me rend heureuse. Il le mérite tellement, un peu de bonheur dans toutes ces zones sombres. Je suis contente pour lui. “C’est pas quelque chose de mal. Bien au contraire.” Je sais que l’amour c’est important, il doit profiter de tout ce que ça lui offre. Je continue de sourire, il est mal à l’aise mais cette fois je ne cherche pas à changer de sujet. “Elle te rend heureux j’ai l’impression.” C’est difficile de le cerner comme je l’ai dit, mais je l’ai vu ce sourire qu’il tente de cacher. Il détourne la conversation pour me poser la question à moi. Est ce que je suis amoureuse ? Je suis amoureuse de la même personne depuis des années, cette personne avec qui ça ne donnera jamais rien. “Non je crois pas… On s’entend bien, mais j’ai pas l’impression d’être amoureuse.” Je ne saurais pas décrire la relation qu’on a avec Léo.

Je continue de marcher aux côtés d’Amos. Il m’aide à passer une bonne après-midi J’aime les surprises, et je suis ravie qu’il ait décidé de m’en organiser une. J’espère que ça ne lui fait pas perdre de temps ou trop d’argent. Une simple après-midi dans un parc au soleil m’aurait suffit. Mais j’attends, je marche et je vois qu’on se rapproche d’un grand espace que je crois reconnaitre. Je n’ai jamais eu un sens de l’orientation très bon, alors je ne sais même pas où on se trouve. Mais ça ne m’importe pas, je fais confiance à Amos, je le suivrais n’importe où. Je souris légèrement, il n’a pas envie de parler de sa fille ou de son enquête, et je ne risque pas de le forcer. Je sais à quel point il a du mal avec tout ça. Et, même si j’essayais de comprendre je ne pourrais jamais ressentir la douleur qu’il a pu ressentir à la mort de sa fille. Mais je veux essayer de l’aider à se réparer, j’ai toujours aimé faire ça, réparer les gens. “Je comprends que t’ais peur.” C’est normal d’avoir peur, les relations amoureuses sont sûrement aussi enivrantes que terrifiantes. Mais je suis sincèrement heureuse que Amos passe ce cap, qu’il se laisser aller à aimer une personne qui lui fait du bien. “Un coeur piétiné ça peut toujours se réparer.” Je soupire un peu, je suis certainement une experte dans ce domaine. Mon coeur a été piétiné un bon nombre de fois. Et presque toujours par la même personne. Je hoche la tête en riant un peu, il a l’air heureux et ça me suffit. Je meurs d’envie de poser des tas d’autres questions mais je sais qu’il n’aime pas parler de lui ni de ce qu’il ressent. Alors je ne dis rien de plus, et j’écoute les questions qu’il me pose. Il me parle de Léo, et le sujet est compliqué. Je ne sais pas ce qu’il est pour moi, et je ne pense pas qu’il sache ce que je suis pour lui. “Je pense que oui. J’aurais aimé qu’on tombe amoureux au premier regard et qu’il soit l’homme de ma vie.” Qui n’aurait pas apprécié une chose pareille ? “Je regrette pas de l’avoir rencontré, je regrette pas le voyage ni le fait de vivre avec lui. Peut-être que la seule chose que je regrette c’est qu’il y avait les caméras, et qu’on pouvait pas être nous même tout le temps. Peut-être que si on avait été seul ça aurait été différent.” Je hoche la tête, on ne le saura jamais.

Ca me fait plaisir de voir qu’Amos est heureux. Il est terrifié, mais il ne peut pas cacher ce sourire au coin de ses lèvres. Ses yeux brillent, et je pourrais presque entendre son coeur battre jusqu’ici. J’ai envie de crier de joie mais je me retiens, j’aimerais la voir, savoir comment elle est. Je suis sûre qu’elle est parfaite pour lui, qu’ils sont parfaits tous les deux. Je garde ma curiosité pour moi alors qu’on ne s’arrête plus de marcher. Je vais bien mieux maintenant qu’on parle de lui, que l’attention n’est plus centrée sur moi. Je ne veux pas qu’il se préoccupe uniquement de moi quand sa vie a l’air d’être tout aussi compliquée que la mienne peut l’être. Je me dois d’être là pour lui, comme il est là pour moi. Il est comme un grand frère Amos, je suis d’ailleurs plus proche de lui que de mon propre frère. “Profite de ce que vous avez, et tout viendra tout seul si vous êtes fait l’un pour l’autre.” Et bien évidemment que mon côté fleur bleu et fan de film d’amour ressort, mais j’espère être de bon conseil.

Je soupire quand l’attention revient sur moi et mon mariage. Je le sais depuis le début qu’Amos n’est pas pour ce genre d’union, mais je m’entends bien avec Léo. Il est gentil avec moi et je trouve ça important. “J’en sais rien” je suis incapable de savoir ce qu’il aurait bien pu se passer si on s’était rencontré différemment. Mais il ne va pas bien Léo, et il n’est pas prêt à rencontrer quelqu’un, peut-être que je ne le suis pas non plus après tout. La file d’attente est longue mais je ne râle pas, j’ai hâte d’entrer et de me retrouver comme dans une bulle loin du monde réel. “Je vis chez lui.” Et j’ai totalement quitté mon appartement depuis quelques mois déjà. “Je sais, et pour le moment je me sens bien comme ça.” Je sais que c’est vrai, et je n’oserais jamais divorcer de peur de faire du mal à Léo. “Tu le saurais si jamais je me sentais mal.” Parce qu’après tout, il me connait bien.