Ma main se pose dans le dos d’Elise. Parce que je comprends, parce que ça blesse. Mais ça blesse pas plus que quand elle est partie avec lui sous mes yeux. Quand j’étais à deux doigts de lui dire que je l’aimais et que ça avait toujours été elle. Quand elle l’a choisi lui et qu’elle n’aura plus jamais l’occasion de me choisir moi. Elle m’a trahi, elle m’a blessé, elle m’a brisé. Et je vais faire sans elle maintenant, est ce qu’elle, elle est capable de faire sans moi ? Je n’en suis pas sûr. Elle a toujours traîné autour de moi. Et j’attends, la prochaine fois où elle va venir vers moi, je saurais la recevoir. Elle aura juste le droit d’être traitée comme le reste de la planète. Elle n’a plus de passe droit Ariane, quand j’en offre un à Elise en même temps que je lui tends cette coupe de champagne. Je ne sais pas où je vais, ni vraiment ce que je fais. Je ne veux juste pas qu’elle gagne Ariane, elle ne mérite pas de gagner. Elle mérite juste d’être brisée jusqu’à la fin des temps.

Ma coupe de champagne qu’elle récupère Ariane. J’aurais ragé à partir de là si je lui avais encore accordé de l’importance. Elle aurait dû me croire quand je lui disais que je la voulais elle. parce qu’elle n’entendra plus jamais ces mots-là venant de moi. C’est con, on était bien ensemble, on était beau, on était fait pour être un duo. Maintenant, on sera juste fait pour être des inconnus. Même ennemis, ce serait trop la considérer et elle ne le mérite pas la gamine rousse qui croit que le monde est à ses pieds. Qu’elle y reste sur son nuage, mais j’espère que la chute sera longue, et difficile. Et que l’impact l’achèvera une bonne fois pour toute. Elle m’a pris une coupe de champagne. Elle aura le droit à un regard. Mais il n’y a rien. Pas de colère, et surtout, le moins d’amour possible. Et j’attrape une nouvelle coupe sur un plateau. Sans dire un mot, et mon regard s’accroche de nouveau à Elise.

Ils s’en vont. J’allais parler mais elle me devance Elise. Elle m’emmène sur la terrasse. Et elle parle. Je l’écoute à moitié, je regarde tous les accès qu’on peut avoir pour aller jusqu’au toit. Bingo. “Toi viens.” Je l’attrape par la taille et l’aide à monter. On prend pas d’habitude, j’aime juste les toits, et on a besoin de temps. Elle a besoin de se détendre et j’ai toujours tout ce qu’il faut sur moi pour ça. Je monte derrière elle. “J’ai ça.” Je lui sors la même clope verte qu’elle a refusé la dernière fois. “Tu veux aller où ?” On trouvera bien un coin.

On allait partir, on allait se tirer de cette soirée à laquelle on voulait même pas assister. « Tu es déjà pénible. Je vais t'abandonner ici. » « Essaie voir. »  mais c'était sans compter la racaille qui a décidé de s'immiscer autour d'Elise et qui pense pouvoir la berner au point où elle lui fera p't'être un jour confiance - ahah, la blague. Too little, too late, too predictable Jet. Il est là, avec ses grands yeux de merdeux et avec son sourire figé qui s'y agence parfaitement, et il croit qu'elle verra pas clair dans son jeu, qu'elle l'attend pas au tournant. Le spectacle me plaît de plus en plus, quand je me dis que s'il croit pouvoir la manipuler pour en faire ce qu'il veut il se met le doigt bien creux dans l'oeil. Lui qui rêve de faire de ma vie un enfer blablabla Ariane j'vais te détruire et détruire ton existence entière j'vais tout détruire t'auras plus rien gnagnagna ; ouais c'est ça commence par mettre ta cravate sous le sens du monde et on en reparlera, Jeremiah. Il disait?

« Maintenant, si tu veux bien m'excuser. »
« Bien sûr. On se revoit à la maison. »

Ah non, il dit rien. Déjà domestiquée, la petite poupée d'Etish qui suit pieusement Elise. Dommage collatéral de son « Viens. » catégorique qui aurait facilement pu voler pour son mari que pour son amant. You go girl.

« Pourquoi on est revenus, déjà? » seront les seuls et uniques mots que je lâcherai, le sourire mutin dans la voix, une fois les portes de l'ascenseur qui se ferment lourdement sur notre duo enfin en paix - relativement parlant. Je sais pas pourquoi on est revenus si ce n'est que pour faire face à ça, et dans mon cas, je préfère bien mieux encore et toujours jouer la carte de l'ignorance extrême, laissant aux aiguilles à mon poignet le temps et la place de tinter sur l'aller et sur le retour. C'est pas parce qu'on est revenus qu'on ne peut pas repartir.

C'était à la base une soirée remplis de bonne intention. Ce devait être simple. Juste présenter un ou deux gros poissons pour donner un petit coup de pouce à Jack. C'était que ça et rien d'autre. Ta soirée était déjà devenue de la merde quand votre chemin a croisé celui d'Ivy, elle n'a fait qu'empirer avec le portrait de Saül et puis d'Ariane qui se sont ajoutés. Le hasard fait si bien les choses parfois. Ce soir ne fait pas partie de ces fois là.

Tu t'es poussé dehors en entraînant Jet avec toi. Tu avais l'impression que tu allais suffoquer si tu restais à l'intérieur une seule seconde de plus. « Toi viens. » Tu te laisses faire, alors qu'il vient t'agripper par la taille pour t'aider à monter sur le toit, encore. Faudra probablement que tu revisite tes tenues avec lui, c'est jamais l'idéal pour faire une enjambée, pour monter sur le toit. « J’ai ça. » Il a ça. Merde. Tu sais pas trop si tu regrettes tes paroles lancés sur le bord de la crise de nerf. Tu es certaine dans quoi tu t'embarques avec lui ? Non, tu es plus certaine de rien c'est temps-ci. Tu fais n'importe quoi.

« Tu veux aller où ? » « J'sais pas. Où tu veux. » Ton regard passe du joint entre ses doigts à son regard à lui. Tu le suis, peu importe où il va. C'est lui qui contrôle tout. C'est toi qui ne contrôle plus rien. Tu vas sûrement t'en vouloir demain matin. Il y a bien des choses que tu regrettes le lendemain dernièrement. Qu'est-ce que tu fais, Elise ? Tu fous ta vie en l'air carrément. « Ça va pas faire... autre chose ? » Autre chose que de relaxer. La trouille qui te prend alors que tu le regardes faire. Lui qui doit bien se moquer de ton ignorance. Tout le monde une fois dans sa vie à déjà fumer. Tout le monde sauf toi. Et puis, tu veux pas perdre tes moyens. C'est ce qui arrive quand on boit trop. C'est pareil pour ça ? Tu as juste besoin de souffler un peu pour arriver à passer au travers de cette soirée. Parce que c'est plus logique de fumer un joint plutôt que de se tirer d'ici. Elle est où ta logique ?

Pourquoi je suis là ? Pourquoi je suis venu ? Je suis vraiment trop con. J’aurais dû savoir qu’elle était rentrée la rousse. Qu’elle se baladerait avec son nouveau mec, qu’elle allait s'exhibait comme le nouveau trophée qu’elle est. Elle reproduit le schéma familial, elle a certainement pour but de détruire une famille pour se sentir exister, pour se sentir vivante. C’est son problème, plus le mien. Elle peut bien pleurer, être au bord de la mort ou de l’overdose quand elle ira mal, cette fois je ne serai pas là. Elle ne mérite plus rien à part d’être malheureuse. J’ai hâte qu’elle soit malheureuse, détruite. Tellement hâte.

Mais là il y a Elise qui a l’air d’enrager. Et ce n’est pas contre moi. C’est contre son abruti de mari ou sa connasse d’amante. Alors je vais vers elle, pour pas qu’elle soit face à ce duo toute seule. Et je l’ignore Ariane, elle ne mérite pas la moindre attention ni le moindre cri. Ils s’éloignent et c’est tant mieux, si seulement elle pouvait dégager de cette ville, de cette planète, le monde s’en porterait bien mieux. Elle veut qu’on parte, et je la suis Elise. Je ne sais pas pourquoi elle s’en remet à moi, mais je ne me plains pas, bien au contraire. Le toit, c’est tout ce que je vois pour qu’on s’éloigne du monde, pour qu’on soit tranquille. Elle me laisse le lead et ça me fait froncer les sourcils, ça m’étonne. Mais je m’avance, je l’attrape par la main après l’avoir attrapé par la taille pour la faire monter. “Cette robe est pas pratique pour te balader sur les toits.” Je lui fais un clin d’oeil avant de rire un peu. Elle n’a peut-être pas envie de rire, et pourtant c’est le mieux à faire actuellement.

On avance, on s’éloigne, on part dans un coin du toit, un endroit où personne ne pourra nous trouver. Je veux voir personne d’autre qu’elle, elle est la seule à comprendre. “Ca va te détendre, ça va te faire rire…” Je ne peux même plus expliquer les effets tellement je suis habitué à tout ça. “Fais moi confiance, tu risques rien.” Je ne lui donne que des choses que je prends, et ça, ça veut dire que je fais vraiment attention à ce qu’elle va prendre.

« Cette robe est pas pratique pour te balader sur les toits. » Il charme. Il rit. Toi, tu fais rien de tout ça. Tu n'as pas envie de rire. Il y a juste la rage qui bouille à l'intérieur de toi. La rage qui camoufle la nouvelle brisure que Saül vient de commettre encore. « Désolé. J'avais pas prévu ça. » T'es un peu bête, alors qu'il ne le mérite absolument pas. C'est bien le seul a être sympa avec toi ce soir. Et puis, comment tu aurais pu prévoir que ta soirée tournerait ainsi, encore sur un toit ? Comment tu aurais pu pensé que Saül se pointerait à une soirée où il avait spécifiquement dit qu'il ne viendrait pas ? Comment tu aurais pu deviner qu'il serait assez idiot pour se pointer ici avec sa maitresse (que tu penses la fille qui est là avec son pseudo-amant).

« Ca va te détendre, ça va te faire rire… » N'importe quoi. C'est sûrement pas assez fort pour te faire rire. Il y a des années que tu fais plus ça, rire, dans ce monde où tout est sérieux, où rien n'est vrai, où les rires sonnent plus faux les uns que les autres. Rien n'est vrai. Tout est mensonge. Sauf peut-être les rires contre les lèvres de Jack. Finalement, la seule chose qui est vrai t'es interdite. « Fais moi confiance, tu risques rien. » Lui faire confiance ? Ça se gagne la confiance et il ne l'a pas encore gagné la tienne. Jet, c'est un poison. Tu le sais. Tu la remarqué dès la première fois où tu lui as parlé. T'as quand même décidé de te laisser empoisonner par lui. Tu as perdu le contrôle de ta vie depuis le voyage en Afrique. On dirait presque que tu fais exprès de ne pas le reprendre.

Tu le regardes faire Jet, qui allume le dit joint. Il est pas encore trop tard pour changer d'avis, pour être raisonnable, pour juste t'en aller. Pourquoi est-ce que ça semble si naturel, si inoffensif entre ses doigts à lui ? Alors, Elise, qu'est-ce que tu fais ? C'est à ton tour, puisqu'il le tend vers toi. Tes lèvres se pincent. Tu hésites pendant une fraction de seconde avant de le prendre entre tes doigts. Une seconde de plus et tu aurais sûrement changé d'avis. Il s'est passé quoi, pour que tu descendes aussi bas ? comme si c'était vraiment si bas que ça... Et tu t'étouffes dès la seconde où la fumée entre dans tes poumons. Quel goût affreux. Tu te demandes ce qui est pire entre ça et le foutu whisky dégueu de l'autre fois. Ça s'équivaut. Probablement. « Comment tu fais ? » que tu lui demandes en essayant de reprendre ton air correctement. Tu tends de nouveau la main vers lui pour qu'il reprenne son dut. Tu dois faire ça combien de fois encore pour que tes épaules arrivent à se décrisper ?

Bien sûr qu’elle n’avait pas prévu ça, elle n’avait sûrement pas prévu que son mari soit là avec Ariane, ni qu’elle finirait par me demander de l’aide pour fuir, et encore moins qu’elle voudrait fumer un joint avec moi sur le toit. Je finis toujours sur les toits, et elle me suit depuis qu’on fait quelques soirées ensemble. Et elle a encore une robe qui est tout sauf pratique pour grimper. “Tu devrais monter sur les toits de Brisbane plus souvent.” Elle n’a pas besoin de moi pour vouloir s’évader et prendre l’air pendant ces soirées ennuyeuses au possible. Elle saurait se débrouiller seule, elle est indépendante Elise, elle devrait l’être complètement. Elle devrait se détacher de son mari et de n’importe quel type qui lui tourne autour pour tenter de contrôler ce qu’elle fait. Elle pourrait être un monstre, et tout détruire sur son passage. Mais elle n’est peut-être pas assez courageuse pour ça la brune.

J’utilise des mots qui marchent d’habitude, je parle de confiance, et je lui dis que ça lui fera du bien de fumer. Elle va le faire, je vois dans ses yeux qu’elle a l’air sûre d’elle. Je ne lui ferai pas la morale, c’est pas mon genre. Je vais la laisser faire ce qu’elle a envie de faire, et je partagerai ce joint avec elle parce que moi aussi j’ai besoin de me détendre après avoir vu la rousse. Elle s’étouffe et ça me fait rire. Ca m’amuse de voir que c’est sa première fois, pourquoi elle n’a jamais essayé avant ? C’est pas le genre de trucs que font les adolescents normalement ? Est ce qu’elle a seulement eu une adolescence Elise ? Je suis de plus en plus sûr que non. “Question d’habitude, et de savoir faire.” Parce qu’elle a mal aspiré la fumée, comme tous les débutants du monde. Je tire sur mon joint de nouveau et attends qu’elle reprenne son souffle pour lui tendre de nouveau, elle va sûrement tousser encore, mais l’effet sera plus grand, plus intéressant.  

Je suis ravie qu’elle s’en aille la brune, je fais un léger signe de la main alors qu’elle s’éloigne encore un peu plus. Et je me concentre de nouveau sur Jack qui a le droit d’avoir toute mon attention pour le moment. “C’est pas ici que tu rencontreras les bonnes personnes si tu veux parler musique.” C’est forcément pour ça qu’il vient là non ? Je n’imagine absolument pas Jack se balader par plaisir dans ce genre d’endroit avec ce costard. Il n’a pas l’air à l’aise, pas à sa place. Quel dommage, il aurait du potentiel dans ce monde s’il avait le droit aux bons conseils et à la bonne guide. C’est à dire moi. Je fronce les sourcils, et je me pose la question. Est ce qu’il veut vraiment développer son label ? Ou est ce qu’il est là seulement parce qu’il ne sait pas dire non ? “Alors arrête de te prendre la tête avec des trucs compliqués.” Il est épuisant, et toute cette histoire est fatigante. Je ne me concentre même plus sur Saül et Elise qui ont l’air de discuter. Ils connaissent ce monde, ils ne feront pas d'esclandre ici c’est impossible.  

Il s’intéresse à eux lui aussi, et j’attrape la bouteille de vin pour me servir un verre, lui en servir un à lui aussi. On va avoir besoin d’alcool pour cette soirée, parce que je n’ai rien d’autre sous la main. “Le type avec Elise non. La fille avec Saül je l’ai déjà croisé.” Je ne donnerai pas plus de détail en trempant mes lèvres dans le verre. Pas du vin, ce n’est pas du tout mon alcool préféré. “C’est pas assez fort ça.” Et j’attrape la main de Jack pour l’emmener vers le bar, je n’ai pas faim de toute façon, et j’ai décidé que lui non plus. Je vois Elise qui part avec le mec bizarre, elle a vraiment un grain cette femme. Elle aurait dû rentrer avec son mari, et tenter de sauver son mariage non ? C’est pas ce que les personnes intelligentes et responsables font ? Affligeante la Williams, comme depuis toujours. Elle n’arrivera jamais à se débrouiller par elle-même, elle sera toujours collée à un type plus ou moins riche pour se sentir exister. “On attaque directement les shots ou tu veux commencer par plus soft ?”  

En une fraction de seconde une seule, il a complètement perdu le fil, la trame du soir qui lui échappe à lui et à sa tête de canadien embourbé.

“C’est pas assez fort ça.” il a depuis longtemps oublié (volontairement) ce qui se trame plus loin, laissant bien évidemment Elise libre de ses faits et gestes quand bien même il a un pincement au coeur de ne plus la voir dans les parages après son altercation avec Saül. Elle lui en parlera strictement si elle a envie de lui en parler, en attendant lui il se laisse las, lâchant un soupir qu'il veut le moins sonore possible pour qu'Ivy ne croit pas qu'il lui est lié d'un quelconque façon. « Ils sont clairement pas du monde de la musique, alors. » c'est vrai, que c'est pas assez fort. Ça manque d'alcools bien puissants et de drogues bien malsaines, lui qui est issu du pire milieu et lui qui n'en garde que des souvenirs aussi acides que les poudres qu'il a humées il y a une vie de ça - poudres qui ne sont jamais bien loin de ses pensées en ce temps-là.

La main d'Ivy se ressert autour de son poignet et bien sûr qu'il la suit, lui qui n'est qu'un pantin ici, aujourd'hui. “On attaque directement les shots ou tu veux commencer par plus soft ?” le menu qu'il attrape et la première bouteille du bord qu'il subtilise. Il n'a rien à voir ici et déjà il est excédé que la soirée ait pris cette tournure. Rien qui ne puisse leur faire du mal se trouve dans la bouteille qu'il divise maintenant entre eux deux, et surtout entre les deux verres à shooters qu'il a attrapés au vol. « Depuis quand tu me laisses le choix? » il pouffe, il se moque. Il gobe une gorgée et une autre, les abreuve de nouveau. La soirée commence à peine pour eux, même si elle a des consonances d'adieu.