Je réfléchis, je tourne et il me laisse faire. Surtout, il se tait, et ça c’est le principal. S’il avait osé une remarque sur ma capacité à réfléchir je lui aurais fait bouffer son sac à dos. Je regarde autour de nous. Il n’a pas intérêt de dire que je ne suis pas utile, je le suis bien plus que lui depuis qu’on a ouvert les yeux ce matin. Je trouve une solution, j’attrape mon sac à dos et on avance. Oui, parce que je suis toujours obligée de le trimballer partout mon binôme. On ne peut pas gagner si on arrive pas à deux, et ça c’est bien dommage.

J’allais le suivre, j’allais être conciliante. Et vous le voyez que c’est pas moi qui cherche à m’engueuler. C’est lui qui a toujours le mot inutile, une pique que personne n’avait demander. Et je le pousse pour l’éloigner de moi. Qu’est ce qu’il a à parler de mes cheveux ? Ils sont très bien mes cheveux. Je le déteste parce que mes mains vont directement sur ma tête. Parce que oui, je sais ce que veut dire le mot alopécie. “Vas y tout seul sur ta route et me fais pas chier.” Sinon c’est lui qui va avoir un problème avec ses cheveux quand je les aurais tous arraché.

J’avance, la rage me fait marcher bien plus vite que ce que je pensais possible. Qui m’a filé un boulet pareil ? Même la brune de hier aurait certainement été un peu moins chiante. Ouais, peut-être pas en fait. Mais en attendant j’avance sans même regarder où il est. Je sais qu’un caméraman nous suit, c’est toujours le même qui se trouve derrière moi. Je lui demanderais sûrement son prénom si j’en avais quelque chose à foutre, mais bon, on sait tous que c’est pas le cas donc pourquoi forcer la gentillesse ? Je suis de mauvaise humeur, à cause de Martin. Et tout le monde peut en faire les frais.
 

Dééééééés:

Je roule très franchement des yeux lorsque Ivy me dit d'aller tout seul sur ma route. Il faut croire que comme chaque femme de base, s'attaquer à ses cheveux la fait réagir. Et c'est ça qu'est bon ! C'est ce que je veux, la faire chier avec mes petites piques. Simple mais efficace. C'est une technique comme une autre pour la faire avancer et ça fonctionne parfaitement bien.

Elle est tellement bien lancé qu'elle ne voit même pas le kangourou qui est dans l'herbe à côté de la route. Personnellement, je continue de la suivre mais garde un regard sur l'animal qui se redresse de toute sa hauteur en nous voyant. En l'observant de plus près, je me rend compte qu'il n'a pas l'air très agréable et que nous le dérangeons sans doute.  « Merde. Ivy ?» je soupire en la voyant continuer son chemin  « Ivy, stop !» je fais deux pas plus rapide et l'attrape par le bras pour l'immobiliser.  « Bouge pas» que je lui souffle alors que le kangourou commence à s'avancer vers nous. Déglutissant, je pince les lèvres et me redresse, mon cerveau tournant à 100 à l'heure. Quoi faire en cas d'attaque de kangourou ? Car avec ses griffes et sa force de boxeur ni Ivy ni moi ne feront long feu face à l'animal.

Et c'est alors que me vient le conseil de Bear Grylls en tête. « en cas d'attaque d'un kangourou, éternuez, il pensera que vous êtes un animal malade et s'en ira pour se protéger. Ensuite reculer lentement en baissant le regard et faites vous petits ». Je lance un coup d'oeil vers Ivy, me persuade pendant quelques secondes que c'est la bonne solution puis éternue. Une fois doucement puis une deuxième fois plus fort. En même temps j'attrape le poignet d'Ivy et l'oblige à se reculer lentement.

Spoiler:

J’avance, on a attendu 4 putains d’heures à rien faire, jusqu’à ce que cette conne finisse par partir avec un ami sans nous. On aurait dû partir avant, j’aurais dû prendre les choses en main rapidement puisque c’est moi qui trouve une idée en première. J’avance vite, je vois rouge et je ne fais plus vraiment trop attention à où je vais. J’aime toujours pas marcher, donc bien évidemment, tout ça m’énerve encore plus. Tout ça, c’est la faute de Martin. Tout ce qui se passe mal ça sera de sa faute à partir de maintenant et jusqu’à la fin de l’aventure. Moi je fais les trucs bien, lui les trucs qui nous mettent dans la merde. C’est bien ça comme règle, je la valide complètement entre deux scénarios de meurtres que j’imagine dans mon esprit juste après qu’il ait parlé de mes cheveux.

Pourquoi il parle encore ? Je me retourne pas mais il attrape mon bras. Je me dégage violemment en faisant volte face. Je pense que je l’aurais giflé s’il n’y avait pas eu ce kangourou un peu trop proche de nous. “Je pense qu’on devrait bouger.” Je parle pas fort mais ça me semble être une mauvaise idée. Je ne suis pas une spécialiste en animaux mais je pourrais mettre ma main à couper que ce truc est agressif et ne compte pas rester à sa place.

Il commence à tousser, éternuer. Mais qu’est ce qu’il fout. “Tu devrais arrêter ça.” Il ne le voit pas le kangourou qui a l’air de plus en plus énervé. “La ferme.” Mais il éternue encore. Je crois qu’il est complètement abruti je ne vois pas d’autre explication. Et il est trop près l’animal. “On se barre. Tout de suite.” Et je me mets à courir le plus loin possible pour éviter la bête. Où est Martin ? Je ne peux pas l’attendre, je tiens à ma vie. J’espère juste que quelqu’un l’aidera derrière.

Franchement, en voyant le kangourou là, je n’ai qu’une envie : m’arrêter, me cacher derrière un buisson ou dans l’herbe (ou même retourner vers la voiture de service) et laisser Ivy continuer seule sa route. J’aurais même eu un malin plaisir de la voir se faire assommer par le meilleur boxeur du monde, ça lui remettrait peut-être les idées en place. Mais malheureusement, ma conscience professionnel (car je sais que les traumatismes crâniens c’est pas super fun) et le fait qu’elle risque d’être encore plus chiante si elle se rend compte que je ne l’ai pas stoppé (si toutefois elle survie à l’attaque du kangourou), m’oblige à la retenir. Silencieusement, je lui indique l’animal d’un coup de tête et secoue la tête lorsqu’elle me dit qu’on devrait se barrer. Je me remémore les paroles de Bear Grylls et tente le tout pour le tout.

Malheureusement, ‘le tout’ ne fonctionne pas et rend l’animal encore plus agressif. Alors Ivy se barre en bonne inconsciente et égoïste qu’elle est, me laissant seul entrain de réfléchir à ce qui est le mieux pour moi. Je décide donc de la suivre, mais elle me distance bien trop rapidement à cause de ce putain de manque de force et d’endurance musculaire et cardiaque. J’ai envie de lui hurler de s’arrêter mais le souffle me manque déjà et je n’ai tout simplement pas encore la force de courir et hurler en même temps.

Fort heureusement, l’équipe de tournage est rapidement sur le coup et, barrant la route de l’animal, l’oblige à détaller dans l’autre sens. Je peux enfin m’arrêter et, me penchant en avant je souffles. Ou plutôt je souffre, mon coeur battant à la chamade et ma respiration étant laborieuse et douloureuse.  «ça va Martin ? » s’inquiète le caméraman avant qu’il ne hèle l’infirmier qui est rapidement sur place.  « ça va aller, vous inquiétez pas » soufflais-je entre deux profondes inspiration  « je gère ...» du coin de l’oeil je vois l’infirmier froncer les sourcils  t’es sûr ? T’es pas asthmatique pour quelque chose comme ça ? » je secoue la tête et prend à nouveau plusieurs profonde inspirations, réussissant ainsi à reprendre le contrôle sur mes poumons.  «Tout va bien, oui » assurais-je avec un sourire avant de ramasser mon sac et l’épauler alors que j’entends déjà Ivy qui me hurle de me dépêcher parce qu’elle a trouvé une voiture pour nous.

@Ivy Waterhouse