Ça paraît improbable à le voir ainsi, mais Kieran a bien 30 ans.

Non, le doute n’a rien à voir avec son immaturité et son expression orale digne d’un adolescent, car à choisir, il donne plutôt l’impression d’avoir le quadruple de cet âge alors qu’il se traîne difficilement dans les rues de Dalby. Il tente de conserver un minimum de dignité en ne cédant pas à l’appel de la facilité (c’est-à-dire sa plus belle imitation de l’angle droit, main sur la hanche pour donner du relief à son costume de Carl Fredricksen), mais il ne peut rien faire contre ces tiraillements dans les jambes qui rendent sa démarche hasardeuse et ralentie. « Aaaaaïïïïïïïïe. » De temps à autre, un râle s’échappe d’entre ses lèvres lorsqu’il lui vient le courage d’accélérer le pas dans l’espoir de dépasser les petits vieux sur son chemin, spoiler alert : il n’y arrive pas et le moment où il croise le regard d‘une grand-mère qui s’interroge quant à savoir s’il se fout d’elle ou non parce qu’il persiste à marcher à ses côtés sur de nombreux mètres est très gênant. Il tente de s’en sortir avec un sourire et la fausse excuse d’avoir vu un magnifique moustique passer à côté de lui, d’une espèce si rare qu’il est bien obligé de ralentir ses pieds pour l’observer de plus près et laisser ladite grand-mère poursuivre son chemin alors qu’il grimace et ravale des larmes de douleur dès qu’elle a le dos tourné.

Ce qui est sûr, c’est qu’on en revient à la fameuse question qu’il se pose depuis le premier jour : « pourquoi » ?

Une part de lui souhaite rester optimiste en se disant qu’il a le mérite de découvrir de nouvelles parties de son corps, genre, ses jambes. Oh, il n’est pas aussi stupide qu’on ne le pense, Kieran et il n’a jamais douté de l’existence de celles-ci (difficile, tout de même – à moins d’être un cul-de-jatte). Mais, effectivement, pour la première fois depuis le début de sa vie, il s’est fait cette réflexion hautement philosophique : « ah oui, c’est vachement utile quand même, des jambes », lui dont les déplacements jusqu’à lundi se limitaient (grosso modo) à des allers-retours du canapé au frigo. Il est donc normal qu’il soit autant courbaturé après avoir tenté (avec difficultés – c’est-à-dire carrément suffoquant et à deux doigts du malaise, suppliant toutes les deux minutes pour une pause) de suivre le rythme du surentraîné Elias. Ce qui a finalement payé, puisque ce deuxième jour s’est avéré bien plus réussi que la veille. Ils ont quitté Brisbane ce matin et ont réussi à parcourir 200 kilomètres (dont une bonne trentaine à la seule force de leurs jambes), ce qui leur a permis d’essayer de rattraper leur retard. Sauf qu’un tel effort se doit d’être récompensé et c’est très exactement dans cette optique que Kieran a faussé compagnie au roi du silence (peut-être qu’il aurait dû le prévenir, d’ailleurs), pour aller déambuler dans les rues de Dalby avant la nuit, maintenant qu’il n’a pas la pression de la balise sur ses épaules. Vêtu de son sweat aux couleurs de l’émission, il profite de la fraicheur toute relative de l’hiver pour se balader. Enfin. Il essaie, hein, avec ses râles de douleur, ses jambes vacillantes et son énergie suffisamment épuisée pour qu’il manque de s’endormir debout. Il a toutefois un regain de motivation lorsqu’il croit apercevoir la présentatrice du jeu. Blonde, bien habillée, un visage qu’il est sûr d’avoir aperçu la veille au départ, c’est un peu tout ce qu’il lui faut pour se convaincre que c’est elle. « Oh, bonsoir ! » Il s’exclame, tout heureux, avant de songer à un détail. « Vous... vous êtes seule ? Comment ça se fait ? Vous dormez où ? » Rapport au fait qu’il trouve malgré tout étonnant que la présentatrice soit lâchée au milieu des candidats et ne dispose pas d’un confort alloué aux membres importants de la production. C’est bizarre, quand même.

@Ivy Waterhouse @May Glitters

Quelle journée de merde. La pire journée de tous les temps. Je suis de mauvaise humeur, Martin l’est aussi, et on a fait que peu de kilomètres en une journée. On perd du temps parce que monsieur fait des caprices. Parce qu’il a décidé de perdre du temps toute la journée parce que je devais sois disant participer aussi. Il m’a énervé, et j’ai été des plus désagréable tout au long de cette journée. On est à Dalby, c’est la première ville que j’arrive à retenir. Par chance, on a réussi à trouver une maison où dormir. C’est bien moins luxueux que la nuit dernière. Mais la journée a mal commencé, elle va sûrement très mal se terminer aussi.

Je suis sortie de cette maison, et éloignée de Martin. Je ne sais pas si je l’apprécierai au fur et à mesure de l’aventure, mais aujourd’hui, je le déteste. Il a été la personne la plus insupportable de tous les temps. Le pire partenaire de l’univers. Et ça devrait être interdit d’être aussi invivable. Ils ne font pas des sélections avant ce genre d’émission ? C’était pourtant pas compliqué de tomber sur quelqu’un de pas trop bête et pas chiant. Mais ils ont choisi le plus chiant pour le mettre dans mon duo. Je me suis échappée et je me balade jusqu’à ce que je me souvienne que je déteste toujours autant la marche. Alors je m’arrête au milieu de la rue, je grogne, je marmonne dans ma barbe. Je ne m’éloigne pas trop du bon endroit, sinon je vais me perdre et je ne dormirai pas dehors. Jamais.

On m’interpelle, qu’est ce que c’est ça encore ? J’ai vraiment pas la force de gérer des fans là. Mais c’est un type de l’émission, un caméraman je suppose. J’espère que c’est un caméraman parce que j’aurais bien besoin de quelque chose à boire, et jusque là aucun ne m’a dit non. “J’ai besoin d’un café vous pourriez m’en trouver un ?” Je souris, je ne sais pas pour qui il me prend mais je finis ma phrase avant même qu’il ait placé un autre mot que bonsoir. “Oui là je suis seule.” Parce que j’ai laissé mon binôme. “J’avais besoin d’air.” Il est bien curieux, c’est étrange. “Dans une maison.” Il cherche des personnes à filmer ? Je ne comprends pas bien ce qu’il se passe mais je cherche déjà un endroit où m’asseoir. “J’ai besoin de m’asseoir, et de boire, une idée ?” J’espère bien que les membres de l’équipe connaissent un peu les villes par lesquelles on passe.

Il n’y connait pas grand-chose en télé-réalité, Kieran, mais il se fait la réflexion (bon, certes, il n’y connait pas grand-chose de plus en intelligence, shhhh), qu’il est surprenant que la présentatrice ne soit pas entourée de caméras ou d’autres membres de la production. Dans sa tête, Mail Glatters (c’est son nom, c’est bien ça ?) est l’équivalent d’une Star (enfin, une star de seconde zone... ou de troisième zone, suivie par quelques fans dont la télécommande est restée coincée sur son émission ou qui se sont réveillés devant celle-ci lors du « programme de nuit » signe de grande qualité), par conséquent il est inenvisageable qu’elle ne soit pas accompagnée. Des fois qu’environ 3 passants souhaitent lui demander un autographe (ou leur chemin), vous savez. Quoi qu’il en soit, Kieran l’observe en silence, un peu intimidé – dans sa tête la présentatrice est l’emblème de l’émission, la représentante de celle-ci et de fait, c’est elle qui décide de son destin (même si elle ignore probablement son prénom). Enfin, dans ce cas précis, il semblerait plutôt que ce soit lui qui décide de son destin – rapport au fait que tout un chacun survit uniquement avec du sang dans son café (ou est-ce l’inverse ?). « Euuuuuh, non ? » Il répond dans un premier temps en songeant à ces 13 malheureux dollars qui se baladent dans sa poche (est-ce qu’il a craqué pour acheter un porte-clefs hors de prix à la première étape, histoire d’avoir un souvenir ? Oui, complètement. Est-ce qu’il l’a caché à Elias pour ne pas se faire tuer ? Totalement). « Je veux dire, bien-sûr. » Il se reprend rapidement en sentant son regard sur lui et parce qu’il a l’impression que lui refuser ce service équivaut à une pénalité lors de la prochaine journée. Autant ne pas exciter la bête, hein. « Oh, d’accord. Ça a l’air sécurisé, j’espère ? » Pourquoi elle n’est pas à l’hôtel ? Encore une fois, dans sa tête les raccourcit se font et il imagine forcément qu’une personne de son statut ne dort pas avec la plèbe dans la première maison qui passe, mais bien dans une suite luxueuse avec au minimum 3 personnes à son service. « Je connais pas trop le coin. » Si, en réalité il connaît un peu la région pour avoir vécu non loin d’ici, mais il participe à Race of Australia et non Therapy in Australia, il se passera donc de détailler sa vie (aussi surprenant que cela puisse être venant de Kieran). « Il y a des cafés dans la ruelle là-bas. » Il dit en désignant l’endroit d’un geste de la main. « Je peux vous accompagner. » Rapport au fait qu’il lui doit un café. Si Elias était là, ce serait son binôme qui serait fumant. « Vous avez besoin d’autre chose ? » Est-ce qu’il essaie de grappiller des points ? En réalité, l’idée ne lui effleure même pas l’esprit, il est juste bien trop serviable pour son propre bien.  

Il me dit non et je croise mes bras sur ma poitrine. On me dit pas non à moi. Je ne réponds pas, je le fixe en attendant qu’il comprenne qu’il vaudrait mieux pour lui qu’il change d’avis. Je pourrais le faire virer en moins d’une seconde si l’envie me prenait. Qu’est ce qu’un petit caméraman de ROA face à Ivy Waterhouse ? Rien du tout. Je veux un café, et je l’aurai. “Je préfère ça.” Et mon visage se détend immédiatement. Peut-être qu’il m’a reconnu, qu’il sait qui je suis. Ca ne m’étonnerait pas, même dans ce bled et cette émission il y a quelques personnes qui sont capable d’avoir du goût. J’attends qu’il m’emmène quelque part. Je ne compte ni payer ma boisson ni chercher où je pourrais la trouver. Il va devoir tout faire, dommage pour lui, il ne fallait pas venir me dire bonjour. Il s’en souviendra peut-être pour la prochaine fois.

“Sécurisé ?” Pourquoi il voudrait que les endroits dans lesquels je vais soient sécurisés ? “Non ils ont pas jugé utile de me protéger plus que les autres.” Là je sais qu’il m’a reconnu. Sinon il ne me demanderait pas si on m’a protégé plus que les autres. “Moi non plus.” Il n’est pas censé connaître le coin en tant que caméraman ? C’est bizarre. Je fronce les sourcils et je marche à sa suite. Il marche étrangement aussi. Et je le regarde de haut en bas, une expression interrogative accrochée sur le visage. J’avance, il est lent, vraiment lent. Je me demande pourquoi il est aussi attentionné, qu’est ce qu’il attend. Plus le temps passe plus je me méfie de ce type qui a pourtant l’air gentil au premier abord. Mais, c’est certainement parce que les caméramans se disent qu’être à mon service peut les mettre dans les petits papiers de la production. “C’est mieux pour payer le café.” J’ai dit que je ne sortirai pas un seul centime. “Je dois vraiment faire la liste ?” Parce qu’elle serait longue la liste des choses dont j’aurais besoin.

Le regard est noir, la posture affirmée et la voix sèche, de quoi perturber un Kieran qui n’avait pas un tel souvenir de la présentatrice, brièvement croisée lors du lancement de l’émission. Sa voix avait l’air plus douce et plus enjouée, aussi, mais peut-être que la fatigue ne l’aide pas. Dans tous les cas, il commence à regretter de lui avoir adressé la parole en vue de la manière dont elle lui parle. Il essaie de garder en tête qu’il y a quelques personnes qu’il ne doit pas se mettre à dos durant cette aventure ; à commencer par son binôme (c’est peut-être mieux, oui), les caméramans qui les accompagnent des fois qu’il pourrait essayer de négocier avec eux (pour quoi, exactement, il ne sait pas) et la présentatrice qui est à la tête de l’émission et a, peut-être, une influence sur le classement. Alors il prend sur lui et tente de rester souriant. Enfin, il n’a pas à faire beaucoup d’efforts, en réalité, parce que même s’il l’a peut-être traitée de « pénible » dans sa tête, il est bien incapable de l’affirmer à voix haute et se laissera marcher dessus autant de temps qu’elle acceptera de passer en sa compagnie. « Ah, d’accord, je... juste, je me demandais. » Il précise en haussant les épaules, se mordant la lèvre inférieure alors qu’il se sent stupide d’avoir posé une telle question vu sa réponse qui laisse penser qu’elle ne comprend pas réellement pourquoi elle lui demande ça. Il passe encore une fois pour un imbécile et de plus en plus, ça l’agace de renvoyer cette image. « Oui, c’est vrai, mais je... » Il s’interrompt, gêné qu’elle ait mis une nouvelle fois en évidence sa stupidité, hésiter à rester silencieux pour ne pas s’effondrer davantage, avant de raviser en réalisant que, de toute manière, c’est ce qui arrivera, quoi qu’il dise (ou qu’il ne dise pas). « Enfin, je veux être sûr que ça vous dérange pas, sinon je vous donne juste l'argent. » Autrement dit : j’ai besoin de votre autorisation. Un des aspects qu’il espère changer en s’affirmant grâce à cette émission et à cesser de s’assurer de l’approbation des autres pour tout et n’importe quoi. Il reporte son attention devant lui quand il manque de s’encoubler à une poubelle, mettant quelques instants à retrouver l’équilibre. « Désolé, la journée d’aujourd’hui m’a un peu tué, j’ai pas l’habitude de marcher autant. » Il ponctue avec un rire nerveux, tout en évitant soigneusement le regard de la jeune femme. « Ah, une liste carrément ? » Il demande, un peu incrédule. « Vous avez pas un assistant pour ça ? » Il demande tandis qu’il repère un bouiboui sur la droite, le premier de la rue, avec un café à 2 dollars, ce qui lui paraît être avantageux pour une fois et qui lui donne l’espoir qu’il pourra justifier la disparition de cet argent dans sa cagnotte commune avec Elias. Il s’arrête, jetant un coup d’œil à la devanture avant de reporter son attention sur la jeune femme. « Mais dites toujours, ça m’occupera peut-être, j’ai pas vraiment envie de retrouver mon binôme. » Il affiche un léger sourire, l’air de dire « non mais c’est quand même un bon gars » histoire qu’elle ne se mette pas en tête de forcer le Destin pour les pénaliser sous prétexte que l’entente n’est pas encore au beau fixe entre eux.

Il bégaye, et il pourrait s’excuses un millier de fois juste d’exister j’en suis sûre. Mais moi ça me fait grogner, il parle pour pas grand chose et je déteste ce genre de personnes. il se fait tout petit, et je me demande pourquoi il est venu me parler si c’est pour arriver à faire une phrase correct seulement une fois sur cinq. “Je peux me protéger toute seule.” Même si j’ai toujours apprécié être entourée par un ou deux gardes du corps de temps à autre. Pas trop souvent, ils aiment bien trop surveiller tout ce que je fais pour le balancer à mon père, mais de temps en temps ça fait bien. Il veut me donner l’argent, je ne comprends pas ce type. Est ce qu’il est si fan que ça ? “Je ne dis pas non à de l’argent ça me sera utile.” Sur la route on trouve de temps en temps des endroit où acheter à manger, ou d’autres trucs.

“Vous avez pas pris la voiture ?” Ils ont le choix les caméramans non ? S’il n’aime pas marcher lui il a le droit d’aller dans la voiture et de suivre tranquillement son duo. Moi je dois vraiment marcher, même quand j’en ai pas envie. J’ai même dû courir, et ça, c’est vraiment ce qu’on appelle de la torture. “Non j’ai pas eu l’occasion de ramener un assistant. Vous voulez le devenir ?” On pourrait toujours échanger les caméramans, celui là m’a l’air bien plus utile que ceux qu’on se trimballe déjà avec Martin.

On arrive devant un café miteux, il me donnerait presque la nausée tant ce n’est pas beau. Je lève les yeux vers lui, mais je pousse la porte. J’ai besoin d’un café, et en plus, je ne vais rien payer. Rien du tout. Il s’avance avec moi et je me pose au bar en surveillant l’état de la chaise, je ne me poserai pas sur un tabouret avec des taches ou de la poussière. Je commande un café, je le laisse choisir s’il en veut ou non et je réfléchis à ce qu’il vient de dire. Ce n’est pas un caméraman. C’est un concurrent. Alors, pourquoi est ce qu’il me proposait de l’argent ? Est ce qu’il est tellement fan qu’il serait prêt à me laisser gagner ? Ca m’arrangerait. Le café est entre mes mains, et l’argent de l’inconnu est entre les doigts du barman. Maintenant je peux poser des questions. “Un binôme ? Tu fais partie de l’émission ? Dans les duos je veux dire ? T’es pas caméraman ?” Mais… “Tu penses que je suis qui ?”

« Oh oui, j’en doute pas, c’est pas ce que..., c’est pas ce que je voulais dire, désolé. » Il ne pensait pas à mal et se retrouve penaud alors qu’il a une furieuse envie de se transformer en insecte pour s’échapper d’ici. Mais c’est une envie qui lui est régulière et, jusqu’ici, il n’a pas encore trouvé le secret de la métamorphose. Alors il se contente de regarder ses pieds, relevant la tête quand la présentatrice précise qu’elle ne dit pas non pour de l’argent, un peu surpris. « Ils vous paient pas très bien ? » Il demande, avant de rapidement se raviser. « Désolé, c’est indiscret. » Il se mordille la lèvre alors qu’il persiste à se poser des questions tant la situation lui paraît bizarre. Si elle est présentatrice, elle n’a pas besoin d’argent, pas vrai ? Ou est-ce qu’encore une fois, les connexions qui se font dans son cerveau sont trop évidentes et qu’il doit réfléchir un peu plus pour y déceler une subtilité qui lui échappe ? Mais il réfléchit et rien ne vient : pourquoi aurait-elle besoin d’argent ? « Quelle voiture ? » Il demande, gros yeux en prime, un peu perdu. Depuis quand les candidats ont-ils une voiture ? Est-ce qu’il y a une règle qui leur a échappé, à Elias et lui ? Est-ce qu’ils se crèvent les pieds depuis 2 jours, maintenant à deux heures de Brisbane, pour apprendre qu’ils avaient une voiture à disposition qui attend bien sagement sur un parking à Kangaroo Point ? Si c’est le cas, il ne doute pas une minute quant au fait que c’est sa faute : c’est forcément lui qui a mal compris ou écouté les consignes, il ne voit pas d’autre alternative possible. Son cœur s’accélère alors qu’il a l’impression d’avoir fait une bourde monumentale et qu’il élabore déjà divers scénarios afin de se confondre en excuses auprès d’Elias. Pourtant, s’il y avait une voiture à leur disposition, la production ne les aurait pas laissé partir ? Et il est certain d’avoir été attentif sur les règles du jeu. Ce qui est certain, c’est que définitivement, il ne comprend pas grand-chose et ça l’agace. « Pas vraiment, j’ai déjà un boulot. » Il mentionne, avant de se reprendre. « Et puis... enfin, c’est pas vraiment le moment pour que je devienne votre assistant. Et j’en ai pas envie. » Il précise, avant de pincer les lèvres. « Sans offense, hein. » Mais non. Suivant docilement la jeune femme après avoir eu son approbation quant au choix du café, il refuse gentiment lorsque le serveur veut prendre sa commande. Il va dépenser deux dollars et c’est déjà trop, mais il n’arrive pas à dire non, surtout pas à la présentatrice. Enfin. Elle a pas l’air particulièrement au courant et les choses commencent à prendre forme. « Ben, non. » Il n'est pas caméraman et tant mieux pour l'émission. Il fronce les sourcils, regarde même un peu autour de lui, curieux et dans l’incompréhension. C’est une blague ? Une stratégie pour se débarrasser de lui ? Pour le rendre encore plus ridicule qu’il ne s’est déjà rendu tout seul ? « May ? » Il demande avec hésitation, sentant la question piège, conscient aussi d’être un imbécile, comme toujours. Un imbécile qui vient de perdre deux dollars dans un café qu’il n’aurait jamais dû payer. « Elias va me tuer. » Qu’il murmure pour lui-même, sa main qui s’écrase sur son visage.

Je veux juste mon café en vrai. Et je comprends pas la moitié de ce qu’il raconte. Un fan, un caméraman, j’en sais rien de qui il est. Est ce que ça m’importe en même temps ? Non. Je sais qu’il n’est pas assez important dans l’émission pour que son sort m’importe. Moi je veux un café, il pourra retourner à ses occupations quand j’en aurais eu un. Il est ma cible, et j’ai toujours ce que je veux. Sauf avec Martin depuis le début de cette semaine, mais c’est qu’une question de temps avant que je l’ai assez épuisé mentalement pour qu’il me cède absolument tout. Il est à côté de la plaque, ou on ne se comprend pas depuis le début ? Qui il est ? Et est ce qu’il sait réellement qui je suis ? Tant qu’on a pas ces cafés je ne dis rien, seul mon visage traduit une expression. Je hoche la tête, fronce les sourcils, le laisse s’enfoncer dans ses questionnements. “Dommage tu loupes une super place.” Il ne veut pas être mon assistant, je suis presque déçue. Mais j’attends mon café maintenant qu’on est au bar. Il va avoir le droit à une batterie de questions dès qu’il aura payé.

Il est pas caméraman. “Je suis pas May.” Et je pouffe de rire, un vrai rire franc. “Si j’avais été ton binôme je t’aurais tué.” Je suis pas là pour le rassurer, mais je profite bien de ce café offert par la concurrence. J’adore, j’ai arnaqué quelqu’un, je vais devoir raconter ça à Martin. Je suis pas sûre que ça le fasse rire, mais ragera peut-être parce que moi j’ai eu le droit à un café et pas lui. “Mais c’est pas grave 2 dollars.” J’essaie de relativiser mais mon sourire me trahit. “On peut rester là pour discuter techniques de fuite j’ai pas vraiment envie de retrouver mon duo non plus.” Même si moi j’ai encore tout mon argent dans mes poches.

« Hm, hm. » Il acquiesce poliment avec un sourire pincé alors qu’elle prétend que l’opportunité en vaut le coup. Dommage, effectivement, probablement qu’il aurait été mieux payé que son emploi de professeur, mais ce n’est pas une carrière dont il rêve. À vrai dire, il ne rêve d’aucune carrière, c’est un engagement trop sérieux pour lui. Mais le sujet n’est pas là ; il ne peut surtout pas réfléchir à la proposition alors qu’il essaie (vainement) de comprendre ce qu’il se passe. Il reste muet, mais ses pensées s’activent et il commence presque à paniquer, comme toujours lorsque la situation échappe à son contrôle (ce qui veut dire que la panique est en réalité son état naturel puisqu’il n’a jamais rien maîtrisé de sa vie). Il se maudit déjà avant même de savoir le fin mot de toute cette histoire, qui ne tarde pas à arriver : elle n’est pas May. Ce n’est pas la présentatrice, mais une candidate et il vient de cocher une nouvelle case du bingo « preuves que Kieran Halstead n’est pas intelligent », un jeu auquel il déteste prendre part. Surtout lorsque la victoire de son adversaire se caractérise par un rire aussi franc que celui de la jeune femme, qui ne fait qu’accentuer sa honte et son désarroi. « Ah, ah. » Il murmure avec un sourire forcé alors qu’elle confirme qu’Elias va le tuer et Kieran se mord la lèvre pour conserver bonne figure alors qu’il veut encore une fois de s’enfoncer tout seul, sans l’aide de personne. C’est ça, son vrai don, celui dont il aurait dû parler à Elias lorsqu’ils ont énumérés leurs forces et faiblesses. « Alors, tu es qui ? » Il note mentalement de ne plus adresser la parole aux autres : il a essayé d’aller vers eux, voilà le résultat. On ne l’y reprendra plus. « Ce n’est pas grave, non. » Il se contente de répondre, le regard sur ses pieds, mal à l’aise, plutôt que de lui demander des comptes ; ce serait stupide puisqu’il est bien le fautif de cette méprise et qu’il est inutile d’essayer de faire porter les torts à autrui. Et, parce qu’il est bien incapable de se montrer aussi virulent, surtout. « Pourquoi ? » Il questionne en relevant les yeux, croisant le regard de la jeune femme un bref instant avant de détourner la tête pour regarder le comptoir, la tête presque enfoncée dans les épaules pour masquer ses joues rosies par la gêne. Dieu sait ce qu’elle doit penser de lui.  

Il ne tient jamais le regard, il s’excuse, il se fait petit. C’est bizarre comme comportement. Je connais peu de gens comme ça. Alors j’analyse, je me tais tant que personne ne m’a servi mon café. Je l’attends impatiemment. Pour le tester, il m’a l’air d’être amusant. Enfin, moi je vais m’amuser, après, à savoir si lui aussi va s’amuser ou non. On ne peut pas dire que ça m’importe. Moi je vais passer un bon moment, avec un café, gratuit. J’avais dit que je l’aurais, j’ai dit que j’avais toujours ce que je voulais. Je pouffe de rire, et il a l’air gêné. Il devrait se détendre, personne ne va le manger. “Tu pourrais rire.” Parce que la situation est drôle, même s’il a l’air terrifié par son partenaire. “Si ton partenaire est pas content t’auras qu’à me l’envoyer je gèrerai la situation.” Un sourire et un gorgée de café. Je l’ai dit, les engueulades et les clashs ça ramène les caméras. Et ça fait de la bonne télé.

Il me demande qui je suis et ça j’avoue ça me fait serrer les dents. Je déteste quand les gens me demande qui je suis comme si j’étais une vulgaire personne ordinaire. J’en déduis que ce type n’a pas assez de goût pour s’intéresser à ce qu’il se passe dans le pays et surtout sur les magazines people. “Ivy Waterhouse. Et toi ?” J’observe son visage, attendant de voir s’il a une réaction quelconque en entendant le nom de famille. Je cherche son regard quand il évite le mien et que ça m’amuse. Si je suis capable de le déstabiliser ça me plaît pas mal, ça peut être utile non ? Bien sûr que oui. “C’est moi ou ton duo qui te fait flipper à ce point ?” Pour qu’il continue de regarder plus ses chaussures et le bar que moi. “Parce qu’il est chiant.” Simple, efficace. “Une vraie diva.” L’hôpital qui se fout de la charité.

« De ma future mort ? C’est un drôle de concept. » Il rétorque avec un sourire pincé ; l’envie de rire n’étant absolument pas dans ses plans. Elias n’est pas méchant, mais Kieran n’a pas encore réussi à se faire une véritable idée de son partenaire, alors pour l’instant il se contente de marcher sur des œufs avec lui, dans le but d’éviter tout conflit qui pourrait bousculer un Kieran qui déteste ceux-ci. D’ordinaire, il se contente de les fuir lorsqu’il ne parvient pas à les empêcher malgré les dizaines de concessions qu’il peut faire pour l’autre, mais dans une telle aventure, il ne peut pas juste filtrer les appels ou éviter certains lieux. Il faut qu’il se confronte aux autres et c’est quelque chose qu’il doit apprendre... demain, un autre jour, jamais si la jeune femme se propose de régler le souci pour lui. « Oh, merci beaucoup pour la proposition. » Un large sourire sur les lèvres, il n’oublie pas de la noter mentalement. À vrai dire, il ne sait pas s’il doit croire ses propos ou non – il a de la peine avec le second degré – mais il y a une chose dont il est sûr : à chaque offre, son remerciement. Il finit par enfin être en mesure de mettre un prénom sur ce visage après la précédente méprise dont il est encore honteux. « Kieran. » Il répond, avant d’ajouter : « ... Halstead. » Il ne comprend pas vraiment le principe de décliner son identité en entier (quoi qu’il s’est abstenu de mentionner son deuxième prénom peu glorieux), mais puisqu’il faut le faire, il le fera. C’est ce qu’elle semble attendre, alors il se plie à cela pour s’assurer du bon déroulement de la conversation. « Hein ? » Il relève la tête, secoue légèrement la tête. « Non, non, non, ce n’est pas toi... vous, enfin toi. » Il ne sait plus, tout ce qu’il sait c’est que la phrase est directe – ce qui n’est généralement pas bon signe : il faut apaiser les tensions rapidement et éviter qu’elle s’imagine qu’il a une mauvaise opinion d’elle, ce qui déplaît généralement aux gens. Surtout lorsque les choses sont formulées sous forme de questions et attendent une réponse, il est essentiel d’user des bons mots. « Aucun de vous et surtout pas toi, non, tu ne me fais pas flipper, non, pourquoi tu dis ça ? » Perdre ses moyens, oui, mais pas flipper. Mais elle ne peut pas vraiment s’en vanter ; c’est un état général quand il se sent mal à l’aise ou que sa bêtise a été dévoilée. « Oh, je vois. Désolé pour toi. » Il reprend la conversation, avec un peu plus d’aisance – c’est toujours plus facile quand il retourne dans l’ombre et qu’on ne parle plus de lui. « Peut-être qu’il y a aura une épreuve pour changer les binômes, à un moment donné. » Il propose, car il ne serait pas étonné d’un tel stratagème. « Enfin. Je suis pas un grand expert de ce type de jeux, je sais pas trop comment ça va se passer, tout ça. » Ni ce que je dois faire, à part éviter de donner deux dollars de sa poche aux adversaires.

”D’accord donc t’as du mal avec le concept de l’humour apparemment. Mais je pense pas que tu vas mourir là, y’a des caméras. C’est difficile d’expliquer une disparition quand on tourne une émission.” Je tente d’être rassurante, mais je continue de jouer avec les limites de son humour. S’il en a, parce que pour le moment j’ai pas l’impression que ce soit le cas. Est ce que c’est un cas à part qui n’est pas capable de comprendre une blague ? Très certainement. Mais moi, ça va m’amuser, parce qu’en à peine 10 minutes de rencontre, j’ai déjà réussi à le mettre mal à l’aise un paquet de fois. Je ne sais pas pourquoi, mais, dès que j’aurais trouvé le point faible, j’en abuserai, c’est certain. Tous les moyens sont bons pour gagner pas vrai ? “Avec plaisir.” Je pourrais me faire un nouvel ennemi après tout, ça me plairait bien.

“Toi, j’ai pas mille ans.” Oh et il va sûrement encore s’excuser. Il ne devrait pas être fragile, il va se faire bouffer par tout le monde en commençant par moi. Mais là, je ne fais que jouer. Je penche la tête et lui baisse les yeux alors les miens scrutent son visage. Il est certainement pesant mon regard, et alors ? “Parce que tu perds tes mots. Tu t’excuses environ 10 fois par minutes. Et tu regardes absolument partout sauf dans mes yeux.” Et ça, en général les gens ne le font que quand ils ont peur. Il s’excuse encore une fois, alors qu’il n’est pas en cause dans le fait que mon binôme soit une diva. Je souris et secoue la tête. “Oh et tu voudrais être mon binôme ?” Je le sens déjà son regard qui va fuir alors que je tente de le capter par dessus ma tasse fumante. “On pourrait acheter des tonnes de cafés sur la route.” Il faut croire que ce genre de jeu autour du comptoir d’un bar m’avait manqué.

« Non, j’avais compris. » Il souligne timidement en se mordant la lèvre inférieure. Il n’a jamais été drôle Kieran – ou plutôt, il l’est souvent, mais par dépit. Il n’est pas rare qu’il ne comprenne pas le second degré et lorsqu’il s’essaie au sarcasme, cela ne fonctionne pas toujours. Parfois, il est persuadé de faire une blague qui ne trouve pas son public. Ainsi, il n’est pas rare qu’il ressente cette gêne qu’il ressent à cet instant suite à la critique d’Ivy. C’est ainsi qu’il le perçoit, comme toujours lorsque les propos se veulent négatifs – il ne voit pas en quoi cela pourrait être constructif. Dans tous les cas, il préfère ressentir de la gêne que de confirmer l’idée selon laquelle il n’est pas assez intelligent pour comprendre l’humour. C’est parfois le cas, certes et cela ne lui dérange pas qu’on le souligne si ce n’est pas fait de la façon dont elle vient de le faire, avec le ton qu’elle vient d’employer, avec le regard qu’elle braque sur lui. « Il s’appelle Elias, il est brun et il a de la peine à sourire. » Il répond par automatisme lorsqu’elle propose de s’occuper personnellement de son binôme. Il s’excusera sans tarder auprès d’Elias lorsqu’il le retrouvera pour l’avoir vendu de la sorte, probablement que son cadet ne comprendra pas grand-chose, mais à cet instant Kieran s’en fiche bien que son binôme soit un dommage collatéral tant qu’il peut devenir le centre de la conversation à sa place. « Désolé. » Qu’il s’excuse lorsqu’elle précise qu’elle n’est pas aussi âgée que le vouvoiement qu’il hésite à lui adresser le laisse présager, tandis que son malaise ne semble pas vouloir le quitter. « Je regarde souvent partout sauf dans les yeux. » Qu’il souligne pour seule réponse, afin de se justifier d’un comportement qui ne lui est pas spécialement adressé. « Il y a plus intéressant à regarder ailleurs. » Qu’il ajoute, avant de réaliser sa méprise. « Enfin, pas que tu ne sois pas intéressante... je, déso-. » Non, elle va encore croire qu’il a peur. À vrai dire même s’il n’est pas particulièrement à l’aise, il s’agit surtout de son état naturel qui n’a pas grand-chose à voir avec la jeune femme, qu’il aurait probablement fui s’il était réellement terrorisé par elle (bon, il l’est un peu. Un tout petit peu). « Tu voudrais que je le sois ? » Qu’il retourne la question sans y répondre, surpris de cette proposition hypothétique, tant il est l’illustration du dernier choix de tout un chacun : dernier tiré au sort en cours de sport, dernier qu’on cite dans les remerciements, dernier vers lequel on se tourne en cas de refus de toute la liste de contacts d’aller boire un verre. Son regard s’arrête un bref instant sur elle, alors qu’il affiche un léger sourire avant de baisser les yeux sur la tasse entre ses mains. « Avec dix dollars par jour, tu as un mauvais sens des estimations... » Oh. « On en revient au concept de l’humour, c’est ça ? » Il va le faire ? Il ne va pas le faire ? Non, Kieran, s’il te plait...

« Désolé. »

Il connait l’humour. Mhmh, c’est à voir ça. J’attends la preuve, une blague ou au moins un rictus quand je dis quelque chose que je juge drôle. “Je note la description.” Je ris un peu, parce que je pourrais vraiment aller le défendre devant Elias s’il avait un problème, parce que ça m’amuse, et parce qu’il a l’air de se laisser marcher dessus assez facilement. C’est dommage non ? Ouais c’est dommage. J’ai rarement compris ce genre de caractère, c’est un mystère pour moi. “Arrête de t’excuser.” je pouvais pas m’en empêcher. Mais c’est presque horripilant. Il n’a absolument rien fait, pourquoi il fait ça ? Je lui donne juste une indication, un ok serait passé à la limite, mais un désolé c’est incompréhensible.

Là je pourrais me vexer avant qu’il ne se reprenne, il y a apparemment plus intéressant à regarder que moi et mes yeux. Mmmmh, ça me plaît pas ça. Donc je continue de chercher son regard, c’est le plus drôle que je puisse faire quand de temps en temps il les ramène un peu vers les miens ses yeux. “Je suis intéressante ?” Je le test, et soit il sera plus à l’aise soit encore plus mal à l’aise. Mais je ne fais que rebondir sur ses dire et m’intéresser aux réponses. Oh la perche, elle est plus grande que lui celle là. Je souris, un sourire carnassier en prenant mon temps pour répondre. “Je pourrais pas te draguer si t’étais effrayé.” Est ce que je le drague, même pas vraiment. Peut-être à peine pour m’amuser, mais je ne sais pas s’il est habitué à ce genre de situation. “On revient sur des plans que je fais si on était tous les deux mis dans le même duo. Et y’a peut-être un peu d’humour aussi, mais apparemment ça marche pas pour te détendre là non plus.” Alors je continue de jouer, de tourner, ça occupe ma soirée. “Arrête” et je pouffe de rire, un rire un peu plus rassurant que les précédents.

« Si je trouve du papier et un stylo, je peux même te le dessiner. » Il propose joyeusement, parce qu’il s’agit-là du seul sujet qu’il maîtrise et qu’il peut évoquer sans se sentir mal à l’aise. Enfin. Il n’irait pas jusqu’à dire qu’il a du talent (sans quoi sa carrière aurait décollé), mais il est certain que ses notes en arts plastiques laissent apercevoir un certain savoir-faire dans le domaine. « Car, au final, j’ai l’impression que des bruns qui tirent la tronche, c’est le résumé de tous les candidats masculins. » Et c’est l’anecdote vraiment très intéressante de la soirée par Kieran Patricia Halstead, c’est tout pour lui, merci. Mais c’est un constat que quelqu’un se devait de faire et Kieran n’a pas peur de dénoncer les sujets qui fâchent (si, terriblement). « D’accord, par-. » Il se mord la lèvre, tourne légèrement la tête en grimaçant suite à sa bêtise, finissant par lever les mains à mi-hauteur. « Pas d’excuse. » Qu’il se rattrape, même si ce n’est pas évident pour lui tant il a été conditionné à s’excuser d’exister. Mais il peut parvenir à mettre cette caractéristique de côté compte tenu du fait que cela provoque l’irritation d’Ivy et qu’il n’a pas envie de la fâcher. Si pour qu’elle ne s’énerve pas et que la conversation ne dérive pas en conflit il faut qu’il cesse de s’excuser, il peut y arriver. Enfin, il espère. C’est toutefois déstabilisant d’essayer de se conformer à ce qu’Ivy veut (ou plutôt, à ce qui lui permet de ne pas s’énerver), alors qu’elle ne cesse de le transpercer avec son regard. Il en est au point où il lorgne à son tour sur une tasse de café, non pas afin de se donner une certaine contenance, mais bien pour s’ébouillanter les deux billes et ainsi avoir une justification quant au fait de ne pas vouloir poser son regard sur elle, parce qu’il ne peut tout simplement pas la voir. « Je..., euh, oui, ... d’après moi, oui, enfin, pour ce... ce que je vois, hein. » Depuis dix minutes, ce qui n’est pas grand-chose pour se faire une opinion, mais l’avantage avec Kieran c’est qu’il a une vision très manichéenne des choses et si malgré son attitude il ne l’a pas rangée dans la catégorie des personnes « méchantes », c’est qu’au fond, elle est « gentille » et il peut l’apprécier. « Qu-quoi ? » Il manque de s’étouffer lorsqu’elle parle de drague alors qu’il n’ose définitivement pas relever les yeux vers elle, se contenant de fixer le comptoir en se demandant s’il a bien entendu. Il finit par se convaincre que ce n’est pas le cas, ce qui lui apparaît comme l’option la plus probable. « Il faut m’apprendre. » Il souligne en haussant les épaules, sans arrière-pensées, jetant un coup d’œil en biais à Ivy alors qu’il s’excuse encore. « D’accord, d’accord. Je crois qu’il serait plus simple que je dise plus rien. » Et cette fois, il ose relever timidement les yeux vers elle, un peu plus à l’aise face à son rire qui est moins carnassier. Il mime même la fermeture éclaire sur sa bouche, autant pour appuyer ce fameux concept d’humour, mais aussi parce que, finalement, il n’a pas tort : le mieux est qu’il se taise.