« J’espère qu’on trouvera au moins quelqu’un… » Je hoche la tête, mon regard ne cessant de balayer l’horizon. L’ambiance dans cette ville est vraiment bizarre, comme un air de ville fantôme, mais où quelques habitants auraient tenu à rester. J’en ai la chair de poule, mais on a décidé de passer la nuit ici et j’ai promis à Kelly que l’on tenterait de se trouver un toit pour la nuit. Après tout, qui ne tente rien n’a rien. C’est surtout ma coéquipière qui va tenter. « Toujours aussi brave, hm ? » « Pas envie de mourir. » que je murmure alors que la jeune femme frappe sur le panneau de bois. Je n’ai aucune honte à me cacher derrière la brunette.

L’homme qui vient nous ouvrir est… Impressionnant. Effrayant presque de par sa carrure et surtout de par la manière dont il nous dévisage sans prononcer le moindre mot. Je pourrais bégayer face à un tel regard. C’est d’ailleurs ce qui finis par arriver lorsque Kelly reprend la parole. Je dois avouer que la présence des caméramans derrière nous me rassure un minimum. On n’est pas complètement livré à nous même avec cet homme bien trop menaçant. J’allais dire à la jeune femme qu’on ferait mieux de le laisser tranquille lorsqu’il semble retrouver la fonction de la parole. Et quelle parole… En quelques secondes, il me traîne dans la boue, me traitant de tous les noms et pointant vers moi un doigt de plus en plus menaçant. « Kelly, viens… » Je savais que l’on aurait pas dû s’arrêter ici. Je commence à vraiment avoir peur et les paroles que débite l’homme sont loin d’être une partie de plaisir à entendre. J’ai l’habitude des remarques homophobes, je ne m’attendais pas à devoir gérer cela devant les caméras. L’homme fait plusieurs pas vers moi et en voulant reculer, je manque de perdre l’équilibre. Je me rattrape et file derrière Parker. Mais Kelly ne l’entend pas de cette oreille, voilà qu’elle se met à négocier avec l’homme. Elle doit avoir des pouvoirs magiques ou je ne sais quoi, mais voilà qu’il accepte. « Okay, mais il m’approche pas la pédale. » Et il retourne dans sa maison, laissant la porte ouverte. Kelly allait le suivre mais je la retiens en attrapant son avant-bras. « Je préfère pas rentrer là-dedans, mais va y toi. » Je jette un œil vers l’homme qui nous observe de loin. « Je vais camper dans son jardin, ce sera bien comme ça. » Elle me plaisait bien mon idée, mais Parker se racle la gorge. « Vous devez rester ensemble Loan. » Forcément… Je soupire longuement et hausse les épaules. « Une nuit chez l’homophobe, ce sera. » Je n’ai pas vraiment le choix.

« Merci pour votre hospitalité. » Je tente de rester poli malgré le regard que me lance l’homme depuis que je suis dans son salon. « Parle pas trop ma petite. » Je hoche la tête et tente de m’enterrer dans mon coin pour le reste de la soirée. « J’ai de quoi vous faire manger un peu, mais va falloir partager. » Et il me jette un autre coup d’œil. « Tu feras la vaisselle princesse. » Super. Non vraiment… Je ne vais jamais dormir. Trop peur qu’il me tue dans mon sommeil.

Et voilà qu’il fouille dans son frigo et ses placards.

dinner time:

Calmer l’homme ne fut pas chose facile, mais en faisant appel au bon chrétien en lui, Kelly était parvenue à le résonner. Et puis, Loan n’était pas homosexuel, quelle idée. De ça, il n’en avait pas l’air persuadé, mais au nom du sourire de l’australienne, il accepta malgré tout à le laisser entrer chez lui. Ce fut son binôme qui fit le difficile l’espace d’un instant, et même si elle comprenait pourquoi, Lee préférait ne pas s’être donné du mal pour rien. “Il est juste… un peu grincheux.” minimisa la sommelière avec une grimace peu convaincue. Enfin, ils entrèrent. La maison n’en était pas vraiment une. Cela ressemblait vaguement à un camping car dont on avait ôté les roues. Il n’y avait pas d’étage, et l’ensemble ne formait qu’une seule grande pièce à vivre. Si le nez de Kelly était particulièrement affûté de part son travail, elle ne parvint pas à mettre un nom sur l’odeur qui régnait en ces lieux. Un mélange de vieux fromage, de sueur et de cigarette froide. Elle déposa son sac à dos dans un coin de ce qui s’assimilait à une entrée, puis suivit le propriétaire des lieux jusqu’à l’espace cuisine. Il lâcha une assiette garnie sur la table et retourna dans son canapé. “Merci beauc-...” Lorsque le regard de Kelly se posa sur la nourriture qui leur était proposée, elle pâlit. Voire même, elle tourna au gris, puis au vert. Elle ne clignait plus des yeux. “Oh mon dieu. Qu’est-ce que c’est ? C’est un vers ? Un vrai ?” soufflait-elle tout bas en prenant soin de rester à un mètre de distance de la chose. “Je crois que je vais vomir.” Et à sa tête, Loan pouvait le prendre pour argent comptant. “Je peux pas avaler ça.” Définitivement, c’était non. Elle ne pouvait pas infligé cette horreur à son délicat palais. Oh qu’il était loin, le room-service, si loin...

“E-excusez-moi ?” Elle interpelait leur hôte timidement, la voix fluette et quasiment tremblante. Il se retourna avec un grâce d’un cachalot échoué sur la plage. “Vous auriez du pain pour… accompagner ceci ?” La diversion était évidente mais Lee tentait quand même. L’homme grommela un refus et retourna à son match de rugby. Bien qu’elle se sentait particulièrement ingrate, la brune n’avait pas la moindre intention de manger l’insecte. Si Loan, lui, s’en trouvait le courage, elle ne voulait pas le regarder faire. Tout ceci la rendait malade. “Je n’ai pas très faim finalement.” décréta-t-elle juste avant que son ventre ne gargouille, trahissant immédiatement son mensonge. Elle s’y tenait malgré tout. D’un pas silencieux, elle s’approcha de l’homme -ils n’avaient pas demandé son nom, et il ne leur avait pas donné, mais il avait une tête de Bob songeait-elle. “Où pouvons-nous dormir ?” Encore une fois, le bonhomme de peu de mots grogna, se leva, tira une languette du canapé afin de le transformer en lit, et indiqua son oeuvre d’un signe de tête. Décidément, il avait pris LV2 langage préhistorique à l’école. “Merci beaucoup.” Kelly tentait de sourire, malgré tout, d’être aussi douce et aimable que possible. “Le garage sera ouvert demain.” lâcha leur hôte avant de rejoindre sa chambre et d’en fermer la porte. Pour sûr, ni elle ni Loan n’avaient envie de s’éterniser ici le lendemain matin. La traversée du désert ne semblait même plus si terrible que ça. “Je suis sûre que c’est infesté de puces de lit.” murmura Kelly en observant le convertible. Elle ne voulait pas savoir quelles étaient les différentes tâches présentes sur le tissu usé. Elle comptait bien s'emmitoufler dans son sac de couchage, se lever à l’aube, et déguerpir sans se faire prier. Petit à petit, le camping apparaissait comme une meilleure solution que ce genre de cas de figure, et une solution de plus en plus viable pour les jours à venir.

« Il est juste… un peu grincheux. » Je crois que l’air surpris que je lance à Kelly ne traduit que la moitié des émotions qui me passe par la tête à cet instant précis. Grincheux. J’aurais plus penché pour arriérer et homophobe, mais elle à l’air de vouloir voir le bon dans toutes les personnes que l’on croise, Kelly. Je ne lui en veux pas vraiment. Elle m’avait bien dit ne pas vouloir camper. Cet homme nous a ouvert, il vient de se calmer, il faut profiter de notre chance. Ravale ta rancœur et ton mal-être Loan. Je tente de ne rien laisser paraître, mais à l’intérieur tout se déchire en mille morceaux. Cela fait bien longtemps que je n’avais pas été attaqué aussi gratuitement pour ma sexualité. Ce n’est que passager. On va avoir la chance de se reposer un peu, demain sera un nouveau jour et on oubliera cette terreur qui nous a ouvert sa porte.

Et son frigo… Lorsqu’il laisse tomber l’assiette devant nous, je me mords la lèvre avec puissance pour ne pas laisser échapper un cri strident. C’est quoi cette horreur… « Oh mon dieu. Qu’est-ce que c’est ? C’est un vers ? Un vrai ? » Rien que le mot me donne la chair de poule. Je jurerais avoir vu le truc bouger dans l’assiette. Il est énorme, presque aussi gros que ma main. « Je crois que je vais vomir. » « Le sentiment est partagé. » Depuis que l’on a mis un pied dans cette maison, la nausée menace. Tout ici sent le renfermer, la transpiration et une veille odeur de tabac froid. Tout ici me répugne et me donne l’impression d’être plus sale encore qu’il y a quelques minutes. Kelly cherche un accompagnement à notre repas du soir tout ce qu’il y a de plus précaire, mais notre hôte ne semble pas vouloir entamer une quelconque conversation ou nous aider davantage. Il estime avoir fait le nécessaire et surtout, il ne cesse de me regarder en coin. C’est lui qui va me faire vomir. « Je n’ai pas très faim finalement. » Kelly pourra s’en sortir. Moi… Il m’attend au tournant, je le vois à sa manière de me regarder. Alors, j’inspire un grand coup et d’une main tremblante attrape l’énorme vers. « Prends en un bout. » me laisse pas seul Kelly, s’il te plaît. Elle refuse. Je pourrais reposer la créature, prétendre un mal d’estomac et en rester là. Tout chez grognon me fait peur et je dois lui prouver que je suis capable. Alors, sans réfléchir, j’avance la chenille jusqu'à ma bouche et croque un grand coup dedans. La sensation est indescriptible. C’est caoutchouteux à l’extérieur et l’intérieur me donne envie de tout vomir sur les chaussures du caméraman. Je mastique pendant ce qui me semble être des heures avant d’avaler la bouchée tout rond. Je reprends un bout pour faire bonne figure et lâche la bête dans un cri silencieux lorsque l’homme de cro-magnon cesse de me jauger du regard. « Je vais vomir… » que je murmure tout en tentant de reprendre des longues inspirations.

Grincheux fini par nous déplier son canapé lit avant de s’enfuir dans sa chambre. Je n’attendrai que deux secondes avant d’aller cracher au-dessus de l’évier. « C’est horrible. » Je me rince la bouche avec l’eau qui semble tout aussi douteuse que le reste de cet endroit et rejoins Kelly qui tire une tête de six pieds de long. « Je suis sûre que c’est infesté de puces de lit. » « Je te préviens la prochaine fois, on plante la tente. » Je ne veux pas revivre un moment comme celui-là, jamais. Tout ici ne m’inspire pas confiance. « Il va probablement vouloir me tuer dans mon sommeil. » Je sais que je ne vais pas fermer l’œil de la nuit, pourtant, je m’installe dans mon sac de couchage aux côtés de Kelly. Lorsque tout s’éteint autour de nous, je remarque le ronflement sonore de l’homme dans la pièce d’à côté. « Merci de ne pas avoir juger… » que je souffle envers celle que je considère désormais presque comme une amie. La soirée a été riche en émotion et cette sensation de mal-être ne me quitte plus.

Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, pas même une seconde, terroriser à l’idée que l’autre vienne m’éventrer dans mon sommeil. Ses paroles ont tourné en boucle dans un coin de ma tête jusqu’à l’aube. Le soleil est à peine levé, que je secoue tout en douceur Kelly. « On s’en va ! » Mon ton lui laisse comprendre qu’il n’y a pas de place à la négociation. Il faut que l’on se tire d’ici et vite. Je ramasse mes affaires en un éclair et vais attendre la jeune femme dehors. J’vais avoir besoin d’une centaine de douches pour enlever cette sensation horrible qui me colle à la peau. « Plus jamais un truc comme ça. » que j’affirme à Parker alors que Kelly nous rejoint.

« On va demander au garage si on peut avoir une voiture ? Un vélo ? N’importe quoi. » Je veux me tirer d’ici et vite. « Il y a une station-service à côté avec un peu de chance, un routier s’arrêtera pour un café matinal. » Déjà, je m’éloigne de cette maison de l’enfer sans même me retourner. « Tu as la carte ? »

« Je te préviens la prochaine fois, on plante la tente. » Kelly approuva sans broncher. Tout lui apparaissait mieux que ce genre de situation. Dehors, il y avait les bêtes, les insectes, le froid de nuit, la dureté du sol. Mais ici, il y avait Grincheux, et cet homme était pire que toutes les plaies de l’Egypte réunies. « Il va probablement vouloir me tuer dans mon sommeil. » ajouta Loan en s’installant à contrecoeur dans le lit déplié. S’y apposer même séparée du textile par son sac de couchage écoeurait Kelly au plus haut point. “Probablement. T’as pas fait la vaisselle.” elle répondit avec un léger rire. Elle préférait toujours trouver matière à plaisanter, même dans les pires moments, cela permettait de garder le coeur léger. Le clic-clac n’était pas tout confort, mais Lee s’y résigna. Les lumières éteintes, contre toute attente, elle s’endormit en une poignée de secondes, éreintée par toutes les émotions de la journée. Les dernières paroles de Loan lui échappèrent tandis qu’elle se lovait dans les bras de Morphée.

Leur hôte n’était pas encore debout que le duo prit la poudre d’escampette, leur équipe de tournage sur les talons. Ils avaient rassemblé leurs affaires à toute vitesse et dans un silence prodigieux. Kelly prit soin de fermer la porte derrière eux, toujours sans un bruit. Elle regretta, après coup, de ne pas avoir laissé au moins une note au propriétaire afin de le remercier de sa courte hospitalité. Loan était particulièrement pressé de fuir. « On va demander au garage si on peut avoir une voiture ? Un vélo ? N’importe quoi. Il y a une station-service à côté avec un peu de chance, un routier s’arrêtera pour un café matinal. » Honnêtement, Lee se demandait surtout à quelle sauce ils allaient être mangés durant cette nouvelle journée. “J’accepterais une trottinette du moment que ça met de la distance entre nous et cet endroit.” fit-elle le plus sérieusement du monde. « Tu as la carte ? - Toujours. Il faudrait au moins réussir à aller jusqu’à Roma aujourd’hui.” Sinon, ils risquaient fort de ne pas atteindre Charleville à temps.

Comme prévu, le garage était ouvert. Le mécano qui tenait la boutique était bien plus aimable que l’homme qui les avait hébergé et relevait sensiblement le niveau des habitants du coin. Cela n’ôtait pas leur envie et leur besoin de quitter Glenmorgan au plus vite. Après avoir exposé la situation, l’équipe s’en remit au garagiste.

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