Il y a Jack qui tente de m’apaiser, Martin qui met de l’huile sur le feu. Mais il ne sait pas Martin, que plus je reste calme plus c’est mauvais pour lui. Mais là, je n’ai pas envie de lui faire le plaisir de crier, j’ai plutôt envie de lui éclater le visage contre la vitre avec un grand sourire. Mais je me mord la joue à la place, je regarde partout dehors. Je ne veux pas croiser son regard, je ne sais pas de quoi je suis capable si je commence à lui donner une quelconque importance. J’ai envie d’hurler, de sortir de cette putain de voiture alors je me concentre sur les mélodies. Je les connais toutes, sans exception. Je ne les chante pas, je râle parce que j’ai pas envie, parce que c’est trop compliqué de faire comme si ça allait alors que c’est pas le cas.

Une alarme retentit et la voix de Martin aussi. “Ta gueule.” Là c’est clair, là il devrait comprendre qu’il devrait la fermer parce que j’atteins les limites de ma patience qui n’a jamais été ma plus grande qualité, bien au contraire. Et, s’il veut du drame, il va en avoir. C’est de la bonne télé non ? Laisse moi tranquille putain. Et il continue de parler comme s’il me connaissait, et ça me fait rire. Tellement que je pouffe dans ma main en regardant par la fenêtre. Il est juste aussi naïf que le monde entier. Il voit ce que je montre, et c’est tout ce dont il a le droit, tout ce qu’il mérite. Il ne mériterait même pas que je pose mes yeux sur lui une seconde en fait. Il ne connait rien de moi, ni mes goûts musicaux, ni ce que j’aime ou ce que j’aime pas en réalité. Personne ne connait ça, ni ici ni ailleurs. Et personne n’a besoin de savoir quoi que ce soit. Je serre les poings. Je le jure, un mot de plus et mon poing va violemment rencontrer son nez. Juste un mot à mon intention, et ce sera trop tard pour lui.

On va s’arrêter, merde. Et Jack se met à raper. Là je le regarde, et je pouffe de rire alors que mon poing se desserre légèrement, à peine. Je pourrais le suivre là, si on était deux. Si on avait été seulement deux je l’aurais repris à chaque fois qu’il aurait fait une erreur. Je secoue la tête et je croise rapidement son regard. Il peut être malin des fois, lui qui cherche toujours à éviter les conflits.

J'arque un sourcil lorsqu'enfin Ivy me dit de fermer ma gueule. J'avoue que j'attendais un peu ce moment où elle perdrait patience et où me ferait comprendre que je suis aller trop loin. Car je suis comme ça, moi, je titille jusqu'à ce que je trouve la limite des autres, je pousse encore un peu et j'attends qu'ils me disent quand j'ai dépassé les bornes. Du coup, maintenant je sais jusqu'où je peux aller avec Ivy jusqu'à ce qu'elle e pète un plomb. C'est donc, avec un sourire et un regard satisfait, que je m'adosse au dossier du siège et ferme les yeux, espérant ainsi glaner quelques instants de somnolence.

Malheureusement, River s'excite trop lorsqu'il tape me rythme de la chanson de Jack et déclenche une alarmes assourdissante. Fronçant les sourcils et grognant, je me redresse et rouvre les yeux alors que le conducteur fait de dangereuse embardés sur la route. Par reflex, mes doigts se crispent sur le siège sur lequel je suis assis et je prie toutes les énergies positives de venir dans ce van pour calmer River. Fort heureusement, celui-ci fini par se rendre compte que notre survie est plus importante que cette alarme de merde et reprend le contrôle sur le véhicule, décidant qu'au prochain point de vu ils s’arrêteront.  «Laissez-nous sortir là- » dis-je en désignant un alignement de maison  « On se débrouillera à partir de là» vraiment ? Je ne suis pas si sûr que ça, mais en vrai on n'a pas forcément trop le choix.

Mais aussitôt dit, aussitôt fait. Se garant sur le trottoir face a une épicerie, River se tourne vers nous  « Bon courage pour le reste de la course» et Moon de surenchérire  «Que l'esprit de Gaïa vous guide dans votre périble » et encore une fois, elle joint ses mains devant son cœur et se penche en avant avec un  «Namasté » a peine audible alors que nous descendons déjà du van.

Ivy rage, Martin soupire, Jack rappe et Colleen laisse son regard dériver doucement par la fenêtre. On dirait quasiment qu'ils partent tous les quatre, qu'ils font partie d'une colonie de vacances presque, la chanson qui se résume en un chaos de rires et de soupirs s'étirant sur les quelques kilomètres qu'il reste avant que River et Moon ne décident eux-mêmes de partir vers leurs propres plus folles aventures.

«Laissez-nous sortir là- » Martin prend les choses en main sans que Jack ni personne d'autre ne s'oppose. De toute façon, à voir les maisons alignées les unes à côté des autres il doit bien y avoir de quoi faire pour se gratter l'hospitalité à la clé. « On se débrouillera à partir de là» exactement l'état d'esprit de Jack au quotidien, bien même avec Race of Australia. Il se débrouille toujours, il finit toujours par se débrouiller, il y arrive depuis qu'il a seize ans à peine et c'est pas aujourd'hui qu'il va arrêter.

« Bon courage pour le reste de la course»
«Que l'esprit de Gaïa vous guide dans votre périble »
«Namasté »

La scène le fait marrer, quand il sort du van et aide Colleen puis Ivy à faire de même. Lui, il fait que glisser la sangle de son sac sur son épaule, il y ajoute même une petite révérence qui vaut pour tous les remerciements du monde. Il a confiance là Jack, qu'ils soient véritablement sur la bonne voie et qu'ils puissent au moins passer la prochaine étape. C'est sûrement pour ça qu'un immense sourire se dessine sur ses lèvres. « On méditera pour vous. » qui sonne comme un nouveau merci en toutes lettres, lui qui ne se doute pas que c'est le duo de hippies qui méditera pour eux, une poignée d'heures plus tard, pour leur revenir avec un message effrayant - aheum - de l'au-delà - ouais, ouais, à d'autres.