tout m'échappe et s'évapore ; jayden

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Tout m'échappe

et s'évapore

Avec Amy Castle

Au moins, mes paroles semblent-elles amener une petite vague de positivité chez Amy. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est déjà énorme quand on repense au désert de détresse dans lequel elle errait depuis son accident...et même avant...depuis que sa vie, dont elle m'avait entrouvert la porte, avait connu beaucoup de rebondissements. Je n'avais jamais été père, alors je ne pouvais qu'imaginer ce que pouvait ressentir une femme enceinte lorsque son compagnon partait retourner avec une autre, la laissant seule faire face à tout ce que représentait la naissance d'un enfant.
Alors, je ne pouvais que me réjouir de la voir réussir à mettre tout cela un peu sur le côté, peut-être pas très loin, ni très longtemps, mais au moins, assez pour respirer un peu autre chose que du négatif. Elle le rejoint sur la volonté d'y croire, de penser qu'à deux, ils peuvent arriver à quelque chose.

"Vous avez de la chance que j'aime le travail d'équipe. Si vous voulez y croire, alors, j'veux bien y croire aussi. Et promis ! J'dirais pas que j'vous l'avais bien dit si jamais ... rien ne pousse."

J'ai un léger sourire à la regarder et l'écouter me dire cela. Je n'ai pas manqué de voir le petit sourire en coin, fugace, mais qui a existé. Elle a un joli sourire Amy, une de ces barres qui vous réchauffe le coeur et qui vous prend aux tripes. Un sourire ne trompe pas, rien qu'à l'apercevoir, je savais qu'Amy, c'était une chic fille.
D'ailleurs, elle avait imaginé se poser sur son banc, à le regarder travailler, à s'économiser à cause du plâtre. C'est vrai que j'aurais aimé qu'elle puisse faire plus, participer pour que ce soit notre projet, plus que "mon" projet, mais entre les béquilles et l'enveloppe rigide de sa jambe, difficile pour la pauvre Amy de se rendre facilement utile. Je récupère les graines, l'enjoint à aller se poser sur le banc, de ne pas risquer inutilement de se casser la figure.

"C'est vrai que si j'pouvais éviter de me retrouver à l'hosto encore, ça m'arrangerait. Vous savez quoi ? J'vais vous aider ... par la pensée ! J'aurais les pouvoirs d'un Jedi, ça serait facile. Mais bon."

Je souris plus franchement quand elle mentionne les pouvoirs Jedi, c'est vrai, ce serait plus pratique de pouvoir maîtriser la force, de faire des gestes anodins par la simple force de la pensée. Au moins, elle me soutient, même si c'est depuis son banc, c'est déjà mieux que rien. Mais si Amy penchait pour le côté clair de la force, moi, j'avais toujours été plus attiré par le côté obscur. Le lore de la filmologie disait que le côté obscur était plus facile à atteindre, plus simple parce qu'il se basait sur la colère, et même si les grands esprits se prétendaient vouer leur vie à résister à la facilité, je n'ai aucune honte à dire que moi, je n'essaierai même pas de me voiler la face et irai vers le pouvoir immédiat, quitte à y laisser une part de mon âme...après tout, j'en avais déjà perdu quelques-unes en cours de route.
Nous parlons de son boulot alors que je rebouche certains trous dans lesquels je viens de déposer des graines. A rester penché vers l'avant, je sens la surchauffe qui commence déjà à menacer.

"J'dois avouer ... qu'après la rupture, j'ai eu besoin ... d'une semaine ... J'pouvais pas y aller. Et là, tout ce dont j'ai envie, c'est d'y retourner ... POur m'occuper un peu l'esprit. C'est peut-être pas le meilleur job au monde, mais je sais que ... c'est utile. Ca aide. Et ça m'permet ... En fait, ce boulot, c'était un peu un défi aussi. J'suis pas ... forcément des plus calme. Et faut du calme dans ce boulot. Et de la maîtrise ... pour éviter de péter un câble. Et ça m'apprend ... à être plus calme."

Elle n'a besoin que de ces quelques mots pour qu'il comprenne qu'elle aime son boulot. Comme elle disait, ce n'était pas le truc le plus sexy du monde, mais elle arrivait à s'y épanouir, à y trouver un but. Et puis, elle est gentille, Amy, elle pense encore aux autres en se disant que c'est utile.

-D'une certaine manière Amy, au-delà de ce jardin qu'on fait, on travaille déjà en équipe...peut-être indirectement, mais vous recevez les appels, vous rassurez un peu les gens avant de nous les dispatcher. Nos métiers ont plus en commun qu'on pourrait le croire, ils demandent de la dévotion, de l'empathie, du sang-froid...apparemment, ce n'est pas votre point fort à la base, n'est-ce pas ? C'est clair que le 911, c'est une sacrée école pour apprendre la maîtrise de ses nerfs...

Rien que travailler où elle travaillait, rien que vouloir y retourner pour "s'occuper" comme elle disait, c'était déjà une preuve de force, la preuve qu'elle était assez forte pour venir en aide aux autres malgré ce qu'elle pouvait penser et croire, alors qu'elle était au fond du trou.

"J'peux vous demander ... pourquoi vous n'êtes plus à l'antigang ?"

Ah ! La question à deux milles dollars...je ressens l'amertume que je dois brasser pour en extirper une explication, bien choisir mes mots pour ne pas laisser éclater au grand jour les émotions qui me tenaillaient.

-Je ne le suis plus actuellement parce que le chef d'unité a décidé que je serai plus utile sur le terrain, au contact des gens plutôt que dans un stand de tir...mais officiellement, j'y suis toujours. J'ai été à Perth jusqu'à récemment, en mission d'infiltration dans un gang...du moins...jusqu'à ce que ma couverture ne tombe. Alors, pour ma sécurité, on m'a déplacé à Brisbane, à l'autre bout du pays. Qui sait, peut-être qu'on m'enverra sur la lune la prochaine fois, histoire d'être certain que je ne puisse plus prendre de risques.

Je n'ai pas envie d'en dire plus, de parler de choses qui finalement relèvent presque d'une carrière brisée, de la prudence excessive de supérieurs qui, contre ma volonté, ont décidés de faire de moi un pion qu'on replace ailleurs, dans une ville qu'il n'aime pas, auprès de gens qu'il ne connaît pour en être réduit à intervenir sur des accidents de la circulation. L'étape d'après, c'était quoi ? Faire la circulation en face d'une école, comme les bleus qui sortent de l'académie ? On n'en est pas là.
Amy me raconte son rêve, enfin, ce qui lui vient à l'esprit, ma question semble l'avoir un peu prise de court.

"A dire vrai ... j'y ai jamais réfléchi. Peut-être bien ... un jour ... exposer des oeuvres d'art ...C'est une bonne colle j'dois avouer. Et vous ? Ca serait quoi votre rêve ?"

-Galeriste hein ? Vous aimez l'art, Amy ? Encore une fois, vous seriez au service des autres, après le 911, vous offririez de la culture aux gens, leur permettant de découvrir ce qu'on appelle...l'art.

J'avoue que j'eus une petite expression ironique en prononçant le mot "art". Tellement de soi-disant artistes prétendaient faire de l'art pour vendre des créations stupides à un prix exorbitant. Personnellement, je n'étais qu'un sale con ignorant, je n'en avais rien à foutre de l'art, ni même de ces cons qui dépensaient des fortunes pour acheter une tâche de couleur sur une toile blanche qu'un enfant de six ans aurait pu faire. Mais si Amy voulait les présenter, pourquoi aurait-elle tort ? Et si en plus elle pouvait en retirer de quoi vivre, c'était encore mieux. Bien évidemment, je ne lui dirai pas tout ça, si elle aimait l'art, entendre mon avis serait certainement la pire horreur qu'elle pourrait entendre de la journée.

-Vous devriez le garder dans un coin de votre tête et vous lancez si vous en avez l'occasion...pouvoir réaliser son rêve, c'est un cadeau que peu de gens peuvent saisir finalement.

Je termine de reboucher la dernière rangée. Enfin, le travail est fini, il ne restera plus qu'à arroser et laisser le temps faire son oeuvre. Je range les graines restantes dans les sachets correspondants et me redresse, en passant le dos de ma main sur mon nez. Je reviens vers le banc avant de m'asseoir dessus, le regard vissé sur mon ouvrage, sur cette parcelle sur laquelle je viens de placer un moment de ma vie.

- Quand j'étais enfant, mon rêve était de devenir océanologue, j'étais passionné par l'océan, les créatures marines qui ont une capacité incroyable de s'adapter à ce milieu et à y prospérer...mais maintenant, je sais que ça n'arrivera pas, alors, mon rêve, ce serait de changer le passé...quand j'étais dans ma mission d'infiltration, j'ai rencontré une fille...complètement barrée, mais tellement adorable à sa manière...je voudrais juste pouvoir faire en sorte qu'elle n'ait pas été du mauvais côté de la loi. Et pour l'avenir, je n'ai pas vraiment de rêve...quand on voit tout ce qu'on peut voir dans la police, les rêves deviennent fades, s'effacent peu à peu jusqu'à disparaître.

Se pouvait-il que je sois déjà blasé...à seulement 26 ans ? Je n'en savais rien mais parfois je songeais à ce hangar, dans lequel j'avais été à genoux, le canon froid du Desert Eagle de Rogerio sur la nuque et l'arme d'Elena pointée sur ma poitrine. Alors, je me demandais pourquoi, elle, qui était une si bonne tireuse, pourquoi elle avait loupé son tir en pleine poitrine.

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Amy & Jayden.

Amy lui parle un peu de son boulot. Elle aurait pu retrouver refuge dans son travail si ... Et bien ... Si elle n'avait pas eu son plâtre. Mais elle songe ... Elle songe sérieusement à reprendre son job plus tôt. Parce que rester aussi longtemps à la maison avec son plâtre, honnêtement, ça ne l'enchante pas tant que ça. Parce qu'elle a peur de tourner en rond. Enfin, façon de parler. Mais elle sait très bien que rester à la maison, ça va pas vraiment l'aider. Ca ne va pas l'aider à digérer la chose. A passer à autre chose. Non. En tout cas, elle est assise, là, sur son banc. Et elle regarde Jay' qui bosse. Qui se baisse. Qui plante les gaines. Qui rebouche. Et tout ça. Oui. C'est à lui de bosser. Elle l'aiderait bien mais avec sa jambe, c'est compliqué. Elle n'a pas failli se casser la figure mais ça aurait très bien pu se passer également. M'enfin. Elle n'a pas voulu prendre le risque. Ca ne sert à rien de prendre des risques inutiles. Se briser le cou parce qu'elle veut l'aider à planter des graines ou en faire trop, non. Mais passons. Jay' essaie de lui indiquer qu'ils travaillent peut-être un peu en équipe déjà. Et il ne parle pas uniquement du jardin. Il parle de son boulot de flic. Et elle de son job de répartitrice. "C'est surtout ... que j'dois pas m'énerver contre les petits cons qui monopolisent la ligne pour rien." Elle hoche légèrement la tête. "Ceux là ... Ce qu'ils peuvent m'énerver !" Et pas qu'un peu d'ailleurs. "J'ai une boule anti-stress au boulot mais j'dois avouer que c'est pas toujours suffisant avec eux." Ceux qui monopolisent la ligne pour rien, oui, ça la fait sortir de ses gongs. Elle n'y peut rien. C'est chiant. C'est pénible. C'est difficile de ne pas péter un câble. Mais elle ne l'a jamais fait. Jusqu'à maintenant. Elle aurait pu, sans doute, s'emporter. Si elle avait été bosser tout de suite après ... la rupture. Mais elle a préféré prendre un peu de temps. Elle a préféré prendre du temps pour elle. Au moins, de cette manière, elle était sûre de ... sûre d'avoir assez recul pour ne pas s'énerver. Et maintenant, tout ce qu'elle voudrait, c'est pouvoir se concentrer sur autre chose. Autre chose que son mal de jambe. Autre chose que cette foutue rupture qui fait mal. Mais ça sera pas pour tout de suite, sans doute.

Amy lui pose une question. Elle cherche à savoir pourquoi il n'est plus à l'anti-gang. Ca ne la regarde sans doute pas. Mais faut avouer que Jayden a quand même fourré son nez dans des affaires qui ne le regardent pas forcément. Donc, c'est normal. C'est normal qu'elle cherche à en savoir un peu plus sur lui. C'est normal qu'elle pose quelques questions. Ca lu permet de penser à autre chose, pendant un temps. C'est pas si mal, non ? Quoi qu'il en soit, il lui répond. Il est un peu amer. C'est pas son choix d'être parti de l'anti-gang. Sans doute qu'il aurait préféré ... y rester mais bon. On n'a pas toujours le choix, non ? Il lui avoue qu'il faisait partie d'un gang. Pour une mission d'infiltration. Mais sa couverture a explosé. Il a été obligé de lâcher l'affaire. Et on l'a réassigné. C'est moche. "J'pense que les missions sur la lune, c'est pas pour tout de suite." Elle secoue la tête. Est-ce qu'elle est en danger ? Est-ce que le fait de côtoyer le policier pourrait lui attirer des ennuis ? Enfin, c'est pas comme si ... c'est pas comme si elle connaissait bien le jeune et qu'ils étaient copains comme cochons. S'il est là, d'une certaine manière, c'est pour faire son job, non ? "J'présume que ça vous manque ..." Même s'il est toujours policier pour autant. C'est juste qu'il ne fait pas ... les choses comme il pourrait vouloir les faire.

Un rêve ? Amy n'a pas vraiment de rêve à proprement parler. Elle pensait ... Elle pensait qu'elle était déjà dans un rêve de vivre une telle idylle avec Ash. Mais tout a explosé. Bien malgré elle. Après, elle n'a jamais réfléchi à la question. Elle ne sait pas vraiment ... Si elle a des rêves. Si elle a envie d'en avoir. Peut-être qu'elle est blasée. Peut-être qu'elle ne croit plus à plus grand chose. "Dans la mesure du possible, j'ferais ça plutôt pour moi. Et pas pour offrir de la culture aux autres, comme vous dites." Elle secoue la tête. Pas qu'elle soit égoïste. Ou qu'elle n'ait pas envie de montrer au monde entier ce que ... et bien, ce qu'elle aime faire. Mais c'est juste qu'elle n'a pas envie ... de s'impliquer. De trop s'impliquer. Peut-être que ça va être sa manière à elle de se protéger du monde. Peut-être bien. Qui sait ? "Enfin ... On peut pas vraiment appeler ça un rêve." Elle a dû mal à se projeter. Voilà tout. Et ça ne changera pas de sitôt, sans doute. Peut-être qu'elle essaiera de se trouver un vrai rêve. Quelque chose à quoi elle pourra s'accrocher. Pour essayer de ... de remonter la pente. Pour essayer d'aller mieux. Même s elle ne sait pas vraiment comment ... ça se passera. Non.

Jay' vient de finir de planter les graines. Il revient s'asseoir à côté d'Amy. Et il lui parle de son rêve. Il était passionné par l'eau. Par l'océan. Par les monstres marins. Et tout ça. Il sait que c'est trop tard maintenant. Alors, il aimerait juste pouvoir ... changer ce qui s'est produit lors de sa mission. "Vous savez ... Si vous aimez toujours l'océan, vous pouvez toujours lâcher votre job actuel et faire ce que vous vouliez faire." Il n'est jamais trop tard, non ? Elle est quasiment sûre qu'il n'a pas encore atteint la trentaine. "Mais si vous voulez vraiment changer de carrière, c'est maintenant." Après, ça sera trop tard. Elle ne relève pas tant que ça l'anecdote sur cette femme qui aurait été du mauvais côté de la loi. parce qu'elle a l'impression que c'est quelque chose ... que pourrait faire du mal à Jaylen. Ou du moins, le ramener dans le passé. Et à cette foutue mission qui ... a foiré.

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Avec Amy Castle

J'avais toujours considéré que mon travail faisait partie d'une grande chaîne. Une chaîne humaine, composée d'échelons laborieux qui par extension commençait par Amy et ses collègues, les premiers à apprendre les événements, à être avisés, avant de passer le relais aux policiers, enquêteurs, au monde judiciaire qui s'étalait le long d'une procédure longue et fastidieuse qui prenait parfois des années avant d'arriver devant un tribunal et enfin, le personnel des prisons, des circuits d'accompagnement et toutes ces choses octroyées aux détenus qui pouvaient avoir un espoir de rédemption. L'ensemble formait une chaîne de fonctionnement dont chaque maillon était important. Donc oui, je considérais qu'Amy et moi étions en quelque sorte collègues, en tant que deux maillons différents de la même chaîne.
La jeune femme me parle de ces gens, ces petites ordures qui polluent les lignes, retardent les secours et privent d'honnêtes gens de l'aide dont ils ont besoin. Elle a raison, Amy, le monde est décidément bien trop con quand il s'agit de respect citoyen.

"C'est surtout ... que j'dois pas m'énerver contre les petits cons qui monopolisent la ligne pour rien. Ceux là ... Ce qu'ils peuvent m'énerver ! J'ai une boule anti-stress au boulot mais j'dois avouer que c'est pas toujours suffisant avec eux."

Je ne pouvais que comprendre. Même la personne avec la plus grande patience au monde ne pouvait pas faire face à tous les abrutis qui pensaient amusant de se moquer des gens qui ne faisaient que leur boulot ; sauver des vies. Surtout lorsque ces idiots aux idées brillantes mettaient les vidéos de leurs exploits sur les réseaux sociaux, parce que c'est tellement amusant de faire tourner les services de secours en bourrique.

-Entre ceux qui savent que les standardistes sont tenus de décrocher et ceux qui se disent que discuter avec quelqu'un, leur permet de passer le temps...les gens vous prennent vraiment pour des cons...sincèrement, j'admire le sang-froid que cela demande de s'en occuper pendant toute une journée. Personnellement, même avec une boule anti-stress, je ne pourrai pas rester calme face à une vieille dame qui vous demande le numéro de la pizzeria du coin alors qu'un enfant est peut-être occupé à agoniser dans la liste d'attente. Je sais bien qu'il existe de quoi poursuivre ces gens-là pour appels intempestifs mais je ne pense pas que ce soit assez dissuasif...mais bon, vous le savez mieux que moi au final.

J'aurais pu passer des heures à refaire le système pénal, et même si nous aurions pu passer un agréable moment à converser, je n'en voyais pas l'utilité. Amy était fatiguée et moi, je n'étais plus idéaliste comme je l'avais été à une époque.
Elle me demande pourquoi je suis là, plutôt qu'à l'antigang. La question est légitime, c'est assez rare qu'un flic qui exerce dans cette branche finisse par faire de la circulation. De l'extérieur, c'était clairement une régression, voire...une punition. Cette curiosité aurait pu être dérangeante mais pour moi, elle ne l'est pas, j'avais l'habitude des questions directes, alors, je réponds, tout simplement.

"J'présume que ça vous manque ..."

Oh c'est vrai, je bascule la tête sur le côté, fais craquer mes cervicales avec un sourire nostalgique sur les lèvres.

-Et comment. L'infiltration, ça vous file de l'adrénaline...une sacrée dose d'ailleurs, la peur d'être détecté, la peur de se faire griller à cause d'une mauvaise parole, un geste maladroit ou un regard de travers qui peut réduire des mois de couverture à néant. Et l'adrénaline, c'est comme une drogue...une foutue drogue qui lorsqu'elle coule dans vos veines, il est trop tard, vous ne pouvez plus vous en passer, vous avez besoin de votre injection. J'ai besoin de cette action pour me sentir en vie...me demander de rester derrière un bureau, à faire de la paperasse, ce n'est pas moi, c'est une idée pour me rendre dingue. Seulement, j'ai passé trop de temps au stand de tir, et les bureaucrates en charge des finances ont décrété que j'avais dépensé plus que ma part du budget...c'est con, quand on y pense...

Quand elle m'avait révélé son "rêve", j'avoue que j'y avais vu un geste altruiste, une volonté d'aider les autres, de leur offrir quelque chose mais ce qu'elle me dit...c'était...terre à terre...tellement plus égoïste, tellement plus humain. Effectivement, ma question n'avait pas dû être pertinente, Amy semble distante, perdue entre la perplexité et une lassitude sans borne. Parler de rêve quand on était dans cet état était difficile. Cela aurait été plus simple si elle avait eu de quoi se raccrocher, quelque chose à espérer pour trouver un peu de force...mais cela ne semblait pas être le cas, ou bien, si elle avait eu des rêves, ils s'étaient écrasés au sol le jour où son compagnon l'avait quittée. La séparation était douloureuse, et très fraîche apparemment, le recul n'était pas encore suffisant.

-C'est vrai que ce n'est pas un rêve à proprement parler...plutôt...un souhait...une envie...posséder sa propre galerie personnelle...c'est un peu mégalomane non ? Je souris doucement. Je ne vous verrai pas vraiment un dimanche, dans un peignoir de velours pourpre à observer un énorme tableau pour en admirer le détail, un cigare à la main et une chaîne en or autour du cou. Mais vous auriez un véritable style, je le reconnais.

Je glousse une demi-seconde avant de parler de mes rêves, enfin, plutôt un souhait, comme elle, une envie de revenir en arrière impossible à contenter, une histoire qui aurait pu être belle malgré son côté tragique, mais c'est ce qui participait à la beauté de la chose aussi. Les histoires trop simples s'oublient trop facilement.

Vous savez ... Si vous aimez toujours l'océan, vous pouvez toujours lâcher votre job actuel et faire ce que vous vouliez faire. Mais si vous voulez vraiment changer de carrière, c'est maintenant."

Oui, c'est vrai, il existe bien des gens qui font ça, qui abandonnent tout pour vivre leur rêve. Il se souvient d'avoir un jour entendu une histoire comme ça, un homme, un banquier suisse, qui, lassé de la pression, a abandonné sa vie pour élever des chèvres dans un département paumé de la France. Il vivait désormais avec le cinquième des revenus qu'il engrangeait auparavant, mais il était heureux, et ne regrettait sa décision pour rien au monde.
Mais moi, voudrais-je faire cela ?

-Vous savez Amy, faire ce que je voudrais...nécessiterait des études longues et couteuses...et en imaginant que je sois en mesure d'y accéder, d'avoir les qualifications, il faut être honnête, je n'aurai pas le courage. Tout abandonner, abandonner ce qui me fait vivre, ce qui me permet de payer mes factures, pour me lancer dans l'inconnu, en tant que petite main sur un bateau scientifique ou que sais-je...je suis déjà trop vieux pour ces conneries. Ca va bien quand on a dix-huit ans...Non, je ne resterai pas longtemps au roulage, je retournerai à l'antigang, où je continuerai à brûler la chandelle par les deux bouts jusqu'au jour où ça ne passera plus. Vous savez, rares sont ceux qui atteignent leur fin de carrière en bossant à l'antigang.

Certes, j'avais parlé à demi-mots mais la vérité était là. Au bout d'un certain nombre d'années, la vigilance constante usait le corps, et il valait mieux changer de service, essayer de se ressourcer un peu alors qu'on était vide, et si l'on voulait absolument persister à l'antigang, on finissait toujours par baisser sa garde, se montrer négligeant et on se retrouvait à refroidir dans un fossé parce que la couverture avait fini par sauter.
C'était peut-être ce qui m'attendait, dans un an, deux ans, dix, vingt, plus...on verrait bien. J'aimais mon métier, je me donnais à fond, mais ce job était un décompte, un compteur qui s'égrainait vers le bas, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Heureusement que certains l'acceptaient, que certains étaient d'accord de risquer gros en se dévouant.
D'un coup, je me relève du banc et étire mes bras, l'un après l'autre. C'est presque terminé, mais il nous reste une dernière étape avant de terminer la mission.

-Bon, ce n'est pas tout ça mais il faudrait songer à arroser tout ça. Vous savez où je peux trouver l'eau et l'arrosoir pour qu'on finisse notre petite expérience ?

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Amy & Jayden.

Les gens qui monopolisent la ligne ? Elle ne dira pas que c'est cruel. Mais c'est chiant. C'est pénible. Et faut surtout arriver à leur faire comprendre assez rapidement que c'est pas le moment de faire ça. Non. "En fait, souvent, j'leur coupe l'herbe sous le pied. En leur indiquant qu'un faux appel auprès du service des urgences peut leur valoir une amende et tout ça." Elle hoche la tête. "En règle générale, ça marche bien et ils raccrochent assez rapidement." En règle générale. "Mais y'a toujours ceux qui font la sourde oreille et qui continuent de papoter, encore et encore, parce qu'ils ont que ça à foutre. On prend leur adresse et on leur dit qu'on va envoyer les flics pour qu'ils aient leur amende." Certains se déplacent pour ça. Ils sont tenus de se déplacer. Même si c'est franchement pénible. "J'aimerais beaucoup ... ne tomber que sur de vrais appels ... mais y'a des journées où j'ai l'impression d'enchaîner les cons." Et aujourd'hui, ça lui manque. Ca lui manque parce que ... parce qu'elle pourrait penser à autre chose que son mal-être actuel. Ca lui manque parce qu'elle pourrait s'occuper l'esprit. Et ne pas penser à ce qui l'ennuie. Mais elle ne peut pas le faire. Peut-être ... peut-être qu'elle ira faire un tour au boulot. Juste pour voir si elle peut reprendre plus tôt. Parce que rester à la maison à tourner en rond, c'est pas ça qui va réellement l'aider à aller mieux.

Quoi qu'il en soit, ils parlent un peu du policier; Après tout, la conversation a tourné beaucoup autour d'Amy. Il aime. Il aime l'infiltration. Il y gagne de l'adrénaline. Il doit être sur ses gardes. Tout le temps. Surveiller ce qu'il dit. Surveiller ce qu'il fait. Il avoue, à sa manière, que l'adrénaline, c'est une espèce de drogue. Et qu'il est drogué. A sa manière. Il a beaucoup de mal à se passer de l'action. C'est un homme de terrain. Rester derrière un bureau, très peu pour lui. "Et vous comptez faire quoi alors ?" demande-t-elle en le regardant. "Vous comptez faire votre temps en espérant qu'ils vont vous renvoyer à l'anti-gang ?" Elle ne dira pas qu'elle ne comprend pas la hiérarchie. Qu'elle ne comprend pas pourquoi ils agissent comme ça. Mais c'est assez bizarre quand même. Bizarre parce que ... parce que c'est dur de concevoir qu'au final, l'affectation de Jaylen dépend d'autres personnes. De supérieurs. Elle trouve que ça craint quand même. Carrément. Oui. Est-ce qu'elle pourrait être flic ? Est-ce que c'est un job qu'elle pourrait faire ? Non. Elle ... aide son prochain. A sa manière. Le faire par téléphone, c'est bien. C'est mieux. Entendre la misère, c'est une chose. La voir, c'est autre chose. Peut-être qu'elle est trop égocentrique. Mais elle est jeune en même temps. Tout ça, elle a le temps de voir venir, si on peut dire ça ainsi. Peut-être que d'ici à quelqus années, elle voudra aider les autres d'une autre manière. Elle n'en sait trop rien. Elle ne se pose pas la question. Pas plus que ça.

Ses rêves ? Ouais. C'est pas vraiment ... Elle n'a pas vraiment de rêve en ce moment. Pas de réel rêve. Pas de vértable projet. Elle a un léger sourire quand Jay' indique qu'il ne la verrait pas vraiment dans un peignoir de velours, avec un cigare à la main. "Non, c'est pas vraiment mon style." Elle secoue la tête. "J'préfère me perdre dans des galeries d'art. C'est pas plus mal." Oui. C'est même mieux. "Après, j'suis plus ... dessin ... que tableaux." Elle opine du chef légèrement. "Les tableaux, c'est bien. Mais c'est pas ce que je préfère. J'préfère dessiner." Ca a quelque chose de libérateur. D'exutoire. En quelque sorte. "Même si en ce moment, j'ai pas réellement le goût ... à dessiner." Mais elle fait quelques esquisses quand même. Elle sait qu'elle ne peut pas non plus se laisser bouffer par ce qui est en train de lui arriver. Même si c'est pas facile. Même si elle a envie de tout lâcher. Oui.

Et si ... Et si jamais il laissait son boulot ? C'est ce que Amy est en train de suggérer. Il est jeune. S'il le veut vraiment, il pourrait tout plaquer. Il pourrait faire ce dont il a envie. Seulement, faudrait qu'il fasse des études longues et coûteuses. Il faudrait qu'il ait les qualifications. Et il n'a pas le courage de le faire. Non. Amy peut comprendre qu'il n'ait pas envie de se lancer dans ça. Du tout. "C'est assez glauque quand même." Totalement oui. Mais que peut-elle dire de plus à ce sujet ? Il a déjà pris sa décision. Il n'a pas envie de ... de se lancer dans un nouveau job. Un nouveau boulot. Elle le comprend. Elle en convient. Mais bon. C'est comme ça. Oui. Jay' finit par se redresser. Enfin, se lever. Il se tourne vers Amy pour savoir où il peut trouver l'arrosoir. "Dans la petite cabane là-bas." Pour l'arrosoir. Elle lui montre du doigt. "Et pour l'eau, c'est juste ici." Elle montre la direction opposée mais c'est pas comme s'il avait à faire des kilomètres et des kilomètres pour aller chercher l'eau et l'arrosoir.

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Avec Amy Castle

"En fait, souvent, j'leur coupe l'herbe sous le pied. En leur indiquant qu'un faux appel auprès du service des urgences peut leur valoir une amende et tout ça. En règle générale, ça marche bien et ils raccrochent assez rapidement. Mais y'a toujours ceux qui font la sourde oreille et qui continuent de papoter, encore et encore, parce qu'ils ont que ça à foutre. On prend leur adresse et on leur dit qu'on va envoyer les flics pour qu'ils aient leur amende. J'aimerais beaucoup ... ne tomber que sur de vrais appels ... mais y'a des journées où j'ai l'impression d'enchaîner les cons."

Avant d'entrer dans la police, j'avais été optimiste, peut-être même idéaliste. Moi aussi, j'avais cru que les amendes pouvaient être dissuasives pour les gens qui commettaient des infractions. Malheureusement, l'expérience m'avait apprise que même s'ils risquaient une comparution devant un tribunal, les peines infligées par les juges n'étaient pas dissuasives, du moins, pas assez pour calmer les tarés qui faisaient les cons au téléphone ou même dans la rue. Et pour peu qu'ils aient de l'argent, c'était encore pire, là, ils se pensaient intouchables.
L'Australie se voulait un pays d'avant-garde, qui évitait d'incarcérer à tort et à travers, mais, en contrepartie, on s'autorisait un pourcentage d'indécrottables crétins qui ne cesseraient jamais leurs conneries et mettant le reste de la société en danger à cause de leur égoïsme.

-Ici, en Australie, on a un gros souci avec la justice. Je ne pense pas que nos lois soient spécialement mal faites, mais à vouloir assurer les droits des inculpés, à vouloir leur offrir une chance de rédemption, on en oublie le droit des victimes...pendant que vous enchaînez les cons, quelqu'un en situation désespérée va mourir. Ces cons vont se prendre quoi...une transaction...de quoi...200 ? 300 dollars ? Ils râleront mais n'en auront rien à foutre qu'à côté de ça, un père de famille sera mort d'une embolie pulmonaire parce que les secours sont arrivés trois minutes en retard...D'une certaine manière, vous sauvez des vies indirectement, à devoir agir au plus vite pour éloigner les parasites...ce n'est pas rien.

Si mon métier à l'antigang était usant, celui d'Amy l'était aussi...d'une autre façon, certes, mais il l'était. Nerveusement, psychologiquement, c'était éprouvant, de devoir trouver le moyen de repousser un appel tout en étant certain de ne pas avoir un code caché, comme la fameuse histoire de la femme qui avait réussi à appeler les secours parce que son mari la battait, en simulant de commander une pizza. L'air de rien, ça demandait de savoir lire entre les lignes.
Je n'avais pas l'intention d'évoquer ma carrière, mon amertume de me retrouver loin de mon champ de prédilection. Pourtant, peut-être parce qu'elle n'allait pas bien, j'avais accepté de partager un peu avec elle, d'évoquer ma carrière, en espérant...je ne sais pas...que d'une certaine manière, on se sentirait mieux, qui sait ? Je ne pouvais qu'imaginer la situation d'Amy. Je n'aimais pas demeurer coincé, l'esprit torturé parce que je n'avais pas d'action, alors, je ne pouvais qu'imaginer ce qu'elle pouvait ressentir, hantée par ses problèmes sans vraiment d'échappatoire à cause de cet accident qui lui avait brisé une patte.

"Et vous comptez faire quoi alors ? Vous comptez faire votre temps en espérant qu'ils vont vous renvoyer à l'anti-gang ?"

Elle me regarde, ses yeux ont une intensité profonde, presque douloureuse, s'y perdre représenterait un risque, le risque de se noyer dans un désespoir auquel je ne suis pas certain de pouvoir faire face.

-C'est exactement ça. On veut me punir d'avoir dépensé trop de budget en me plaçant au roulage le temps que je contribue à rapporter de l'argent à l'état australien. Et oui, le cynisme de tout gouvernement, qui vois en ses citoyens des vaches à lait, des sources quasi inépuisables d'argent. Tout se monnaie, et plus vous avez d'agents sur le terrain, plus vous êtes susceptibles d'intervenir pour coller des contraventions ou relever des infractions qui seront apurées en sortant le chéquier. Au final, même si la justice se veut équitable...plus vous avez d'argent, plus vous avez de droit.

Je regarde l'horizon en soupirant, ce système, quand on y songeait, était vraiment hypocrite.

-Mais je n'espère pas qu'ils me renvoient à l'antigang, parce qu'ils le feront. Je suis bien meilleur là-bas qu'en intervention roulage. Je dois juste m'acquitter de ma dette, enfin, de la dette que le capitaine d'unité m'a collé au-dessus de la tête. Après, je pourrais retourner prendre le risque de me faire descendre. Mais à la police comme à l'armée, quand la hiérarchie décide, vous n'avez pas le choix, pas de recours, vous obéissez ou bien changez de métier. Le système ne perd pas de temps avec les états d'âme.

J'apprends ensuite l'intérêt d'Amy pour le dessin, sa préférence pour les galeries d'art où parfois elle s'égare. J'aimerais lui demander le type de tableaux, ou de dessins qu'elle préfère mais je n'y connais rien. Poser la question serait le risque de recevoir une réponse dont je ne comprendrais pas la moitié des mots, alors je laisse couler, opinant doucement de la tête en l'imaginant un instant, pensive devant d'énormes tableaux de maîtres européens dont les noms me seraient imprononçables.

"Après, j'suis plus ... dessin ... que tableaux. Les tableaux, c'est bien. Mais c'est pas ce que je préfère. J'préfère dessiner. Même si en ce moment, j'ai pas réellement le goût ... à dessiner."

Je l'observe à mon tour, je découvre une nouvelle passion chez Amy ; le dessin. C'est beau le dessin, mais ça demande de la personnalité, un certain talent pour la perspective, la 3D et des gestes rapides, précis et dénués d'hésitation. A ce petit jeu, je dois admettre que mes compétences en dessin sont proches du niveau d'un enfant de trois ans.

-A l'occasion, je serai curieux de voir ce que vous dessinez Amy...enfin, si, ça ne vous dérange pas bien sûr. Je croise les mains devant moi en faisant craquer mes phalanges, mauvaise habitude qui me mènerait à avoir de l'arthrite dans mes vieux jours. J'ai toujours admiré les gens qui avaient du talent pour le dessin...et surtout les mangaka japonais. A la différence des dessinateurs de BD occidentaux, ils sont tenus par des délais tellement serrés qu'ils doivent produire des dessins à un rythme industriel...c'est épuisant mais fascinant. Vous avez des sujets favoris pour vos dessins ? Je pense que ça pourrait être une bonne manière pour vous d'exprimer ce que vous ressentez, certains écrivent, vous, peut-être que vous pourriez exprimer votre tristesse par vos dessins...

Dans ma tête, alors que je lui parle de tristesse, je me demande si je ressens de la tristesse moi, à être là, plutôt qu'à réaliser mes rêves de gosses, à ces océans qui me faisaient rêver, à toutes ces émissions que j'ai pu regarder sur les mosasaures, mégalodons et autres créatures assoiffées de sang qui hantaient les mers à une époque.
C'est vrai que la proposition d'Amy était tentante, j'y avais déjà songé aussi, tout abandonner, me réorienter...mais je n'avais pas le courage, pas la tenacité nécessaire. Comme beaucoup de projets, je me lancerai dedans pour abandonner au bout de quoi...quelques mois ? Une année ? Deux ans ?
Entretemps, je me suis levé, j'ai repoussé ces pensées nostalgiques derrière moi pour continuer à avancer au présent, sur cette ligne du temps qui avance inexorablement. Il faut arroser nos semis, et j'ai besoin du matériel adéquat.

"Dans la petite cabane là-bas. Et pour l'eau, c'est juste ici."

Amy m'indique deux directions opposées, évidemment, ça aurait été plus pratique que l'eau et les arrosoirs soient juste au même endroit mais peu importait, il me faudrait faire avec. Je n'ai qu'une bonne trentaine de mettre à faire pour atteindre un petit cabanon où sont entreposés les arrosoirs, d'un plastique vert du meilleur goût...le moins qu'on puisse dire, c'était que je n'allais pas avoir envie d'en placer un sur ma cheminée.
Le remplir n'est qu'une formalité alors que je repasse devant Amy. Je lui souris, en me demandant l'image que je pouvais lui donner. Comme beaucoup des gens qui me voyaient pour la première fois, elle devait me trouver un peu étrange comme flic, mais pouvais-je lui donner tort ? Pas vraiment.
Une fois chargé de mon fardeau remplit à ras bord d'eau, oui, je n'avais pas l'intention de faire soixante allers-retours pour arroser, je me dirige vers les plantations.

-Je suppose qu'arroser ne vous dit pas non plus...avec votre plâtre...

Je me doute de la réponse mais je préférais lui demander quand même, histoire de ne pas passer pour un égoïste.

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Amy & Jayden.

Jayden reste assez sceptique. Sur les amendes que peuvent recevoir les petits rigolos qui font des blagues pas drôles. Qui monopolisent la ligne pour pas grand chose alors que ... Alors que ça peut coûter la vie des gens. C'est quand même grave. Super grave ce genre de choses. Oui. Mais Amy n'y peut pas grand chose. Non. Elle a beau les prévenir. Elle a beau leur dire que ça peut leur apporter des ennuis. C'est difficile de cautionner tout ça. Difficile de se dire qu'ils font ça exprès rien que pour les embêter. C'est chiant. C'est pénible. C'est un fait. Mais Amy n'y peut pas grand chose. Elle peut juste les prévenir. Et espérer. Espérer qu'ils arrêteront leurs conneries. Mais c'est pas gagné d'avance. Bien malheureusement. Jay' lui avoue qu'il y a un problème avec la justice. Peut-être. Elle n'en sait rien. Elle n'est pas dans la justice. Elle n'est pas là pour arrêter les gens. Non. Elle est là ... pour aider ceux qui en ont besoin. Elle est là pour les aider. Autant qu'elle le peut d'ailleurs. Elle ne sait pas si c'est le boulot qu'elle fera toute sa vie. Elle ne sait pas si elle finira par faire autre chose plus tard. Non. Elle verra bien. C'est pas le plus important. Non. Dans l'immédiat, elle fait quelque chose ... qu'elle aime bien faire. Et là, tout de suite, ça l'embête de ne pas le faire. Ca l'embête parce que ça lui permettrait de penser à autre chose. Parce que ça lui éviterait de penser à tout ce qui a pu se passer dernièrement. Et ça aurait été pas mal. Vraiment bien oui. Mais bon. "C'est ... assez sinistre tout ça." Elle a un léger hochement de la tête tout en le regardant. "On dirait presque que vous avez perdu foi en l'humanité." C'est moche quand même. En même temps, Amy, elle est un peu dans le même cas. Mais c'est pas à cause de l'accident. C'est plutôt ... à cause des hommes. Deux relations sérieuses, deux relations qui se sont terminées ... très mal. Peut-être qu'elle devrait perdre confiance ... Dans les hommes. Et ne plus ... ne plus chercher à ouvrir son coeur comme elle a pu le faire. Si c'est pour ouvrir son coeur et être blessée à nouveau, ça l'intéresse moyennement à dire vrai. Ca l'intéresse pas du tout même. Est-ce qu'un jour ellle va arriver à retrouver cette petite étincelle dans son regard ? Ou est-ce que c'est perdu d'avance ? Elle ne sait pas. Elle verra. Comment ça se passe. Et surtout, elle a envie ... que les choses évoluent. Oui. Elle va peut-être se concentrer sur son bébé. Cette petite fille ou ce petit garçon. Qui lui apportera du bonheur. A défaut d'avoir un homme avec qui ... elle pourrait vivre sa vie et qui la ferait souffrir, encore et encore. Mais passons.

Jay' est ... blasé. Si on peut dire ça ainsi. Oui. Elle ne dira pas qu'il est complètement perdu. Elle ne dira pas non plus qu'il n'est pas bien dans ses baskets. Mais elle a l'impression, quand même, que c'est le cas. Qu'il n'est pas forcément bien. Et qu'il gagnerait à ... Et bien, à ce qu'on l'écoute, peut-être bien. Difficile de dire. En tout cas, oui, si Amy n'est pas forcément en forme, lui, c'est la même chose. Que compte-t-il faire ? Là est toute la question. Se faire tout petit ? Se faire un trou et finir par retourner là où il est bien ? Elle espère pour lui que ça fonctionnera comme ça. Mais elle ne peut pas en être sûre pour autant. Il avoue qu'on cherche à le punir. C'est moche. C'est super moche même. Mais il marque un point. Sur le fait que plus les gens ont de l'argent, plus ... ils peuvent s'acheter leur liberté. Et faire comme si tout leur était permis. Elle aimerait qu'il ait tord. Mais Amy sait très bien que ce n'est pas le cas. Bien malheureusement d'ailleurs. "J'aimerais tellement que vous ayez tord ... Mais je sais, bien malheureusement, que c'est la vérité." Elle hoche la tête. "Plus les gens sont fortunés, plus ils peuvent se croire ... tout permis." Elle soupire quelque peu. Jay' a de l'espoir. Enfin, pas vraiment de l'espoir. Sa place est à l'anti-gang. Et il est sûr et certain qu'il va finir par y retourner. C'est juste une question de temps. Le temps qu'il fasse son temps. Qu'il paie sa dette. Qu'on l'oublie un peu. Et il retournera sur le devant de la scène, si on peut dire ça ainsi. "Le système devrait perdre du temps avec les états d'âme." dit-elle en reprenant ses propres mots. "J'veux dire ... si l'Etat prend pas soin des policiers en service, ça finira par leur retomber sur le coin de la figure le jour où il y aura des émeutes ou des trucs super moches et que les flics voudront rien faire." Elle ne dira pas qu'ils sont là uniquement pour maintenir l'ordre. Ils ne sont pas que ça. Mais ils font ... ils font leur boulot comme ils peuvent. En quelque sorte. Et si on s'fout d'eux, ça risque de faire quelques étincelles. Oui.

Amy lui avoue qu'elle préfère les dessins. Aux tableaux. Pas qu'elle n'aime pas les peintures. C'est pas du tout la même chose. Après, peinture, dessin, et autres, c'est plus ou moins pareil, mais pas dans l'art et la manière de dessiner ou bien de peindre. Jay' est curieux. Il aimerait bien voir ce qu'elle dessine. "Non, ça me dérange pas." Elle secoue la tête. "Mais j'ai pas ça sur moi." Ce qui veut dire que s'il veut vraiment voir ce dont elle est capable, il faudra ... il faudra remettre ça à plus tard. A un autre moment. Peut-être quand ell ne sera plus un canard boîteux et qu'elle n'aura plus ses cannes. Ouais. Ca pourrait être pas mal. Jay' en profite pour lui demander si elle a un sujet préféré. "Non, pas vraiment." Elle secoue la tête. "J'fais un peu de tout. Selon l'inspiration." Selon ce qu'elle a envie de faire. "Il fut un temps où j'faisais pas mal de paysages ... Mais j'fais pas que ça non plus." Non. Elle fait ... elle fait ce qu'elle a envie. Elle fait ce qui va lui permettre de penser à autre chose pendant un moment. "Je sais qu'en ce moment, tout ce que je fais, c'est pas forcément réussi." Du tout. Elle n'y arrive pas. Tout simplement. Peut-être qu'un jour ou l'autre, ça va revenir. Il lui faut juste ... un peu de temps.

Amy lui indique la direction où il va pouvoir trouver un arrosoir. Alors, il s'éclipse. Durant quelques instants. La jeune femme passe une main dans sa nuque. Elle va pas tarder à rentrer. Parce qu'elle commence à être fatiguée. C'est pas la présence de Jay' qui la dérange. Au contraire. Ca lui fait ... Du bien mine de rien. Ca lui permet de penser à autre chose. Et c'est assez agréable il faut bien l'avouer. C'est plutôt chouette, oui. "C'est pas que j'aimerais pas ... mais ça reste un poil compliqué." Elle a un hochement de la tête. "On dira que vous avez fait 90% du boulot et que moi, j'vous ai donné tout plein d'ordres pour que notre séance jardinage soit une réussite !" Mais peut-être qu'au final, y'a rien qui poussera. Qui sait ?

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Avec Amy Castle

"C'est ... assez sinistre tout ça. On dirait presque que vous avez perdu foi en l'humanité."

Les paroles d'Amy sonnent comme une triste conclusion. Paraissais-je à ce point désabusé ? A entendre Amy, je donnais une triste image des forces de police. Non pas à cause d'un zèle particulier ou même du fait d'être pourri comme certains collègues, mais à cause de la désillusion. Désillusion envers un système dont les mailles laissaient passer beaucoup de choses et dans lequel le travail des policiers était souvent vain. Je laisse les paroles de mon interlocutrice résonner en moi. C'est vrai, je n'étais plus idéaliste comme à mes débuts. Je lève les yeux au ciel, comme à la poursuite d'un rêve depuis longtemps envolé.

-Perdre foi en l'humanité...hein ? Encore aurait-il fallu avoir foi en cette humanité, ces gens qui se prennent pour des dieux indétrônables, aveuglés par l'ambition, l'argent, l'orgueil et la luxure. L'homme est un animal de la pire espèce, enclin à faire le mal pour faire le mal, aveuglés au point de ne même plus pouvoir condamner équitablement ses semblables. Comment encore y croire lorsque vous travaillez des mois sur une affaire de meurtre pour la résoudre et qu'à la sortie du tribunal, votre suspect se prend six mois de prison pour ne pas...comment disent-ils déjà...ah oui, "hypothéquer" ses chances de réinsertion...et là derrière, pour les parents, qui ont vu leur fille massacrée vivante, violée, ravagée à coups de couteaux, d'acide ou je ne sais quelle autre abomination...ce n'est pas une condamnation à perpétuité que ce même suspect leur a imposé ? Leur fille ne reviendra jamais, elle...elle n'aura pas cette chance de ne pas voir son avenir "hypothéqué"...Ces gens qui occupent la ligne, ne sont que des assassins qui s'ignorent, trop bêtes pour imaginer un instant les conséquences de leur acte...et puis, peu leur importe, tant qu'ils ne sont pas concernés par les morts qu'ils causent. Et tout ce que la justice leur inflige, c'est une petite amende, à peine plus élevée qu'un excès de vitesse.

Je soupire en secouant la tête. Non mais regardez-moi, à parler comme un vieux flic blasé. Mais la vérité est là, trop souvent, dans les commissariats, nous sommes déçus en apprenant le résultat d'une audience ; trop de droits à l'accusé, trop peu pour les victimes, et des policiers qui ont l'impression de ne servir à rien au milieu.

-Désolé Amy, je ne sais même pas pourquoi je vous dis tout ça...juste...vous savez bien à quel point l'homme peut être dénué de raison et agir comme un crétin...soyez prudente, d'accord ? Évitez autant que possible de vous retrouver à devoir compter sur la justice, parce qu'entre nous, vous seriez tellement déçue...

Peut-être suis-je honnête, trop honnête...mon boulot d'infiltré m'a obligé à donner cette illusion, à donner le change, à me montrer tel un livre ouvert pour ne pas attirer les soupçons du cartel. En tant que représentant du système, je ne devrais pas me montrer déloyal, dénoncer le système, je le sais bien, mais je sens qu'à Amy, je peux en parler. D'une certaine manière, elle est en plein dedans, elle sait un peu comment les choses fonctionnent, alors, ce n'est pas comme si je trahissais un secret d'état en disant ma manière de penser ; car c'était un fait. Dans ce pays comme dans les autres pays, développés ou non, l'argent était le nerf de tout, c'était un passeport pour la liberté, le pouvoir d'agir à sa guise sans jamais être menacé.

"J'aimerais tellement que vous ayez tord ... Mais je sais, bien malheureusement, que c'est la vérité. Plus les gens sont fortunés, plus ils peuvent se croire ... tout permis. Le système devrait perdre du temps avec les états d'âme. J'veux dire ... si l'Etat prend pas soin des policiers en service, ça finira par leur retomber sur le coin de la figure le jour où il y aura des émeutes ou des trucs super moches et que les flics voudront rien faire."

Je ne peux qu'acquiescer de la tête en entendant Amy dire cela. C'est vrai qu'on avait parfois l'impression que ce pays courrait à l'insurrection, mais les Australiens n'étaient pas des revendicateurs nés, ils étaient trop obéissants pour retourner les institutions.

-La justice, c'est le meilleur moyen de ramener de l'argent à l'état après les impôts et la TVA. Plus vous êtes riche, plus on vous autorisera de choses en échange de quelques dollars. L'Etat préfère grandement une transaction de cent mille dollars plutôt que six mois de prison. C'est une évidence...et si vous voulez mon avis, le gouvernement, l'institution...a peur de nous. Ils nous malmènent, sous-payent et nous ignorent pour que nous nous focalisions sur ce que nous sommes encore capable d'accomplir et ce qui nous manque. Dans un monde idéal où les forces de l'ordre et la justice seraient correctement financés, nous aurions le temps de creuser dans le tas de merde des politiques, des scandales à répétition qui les feraient trembler si on devait dévoiler leurs petites magouilles alors, ça les arrange bien de nous abandonner...mais ce n'est que mon avis personnel.

Je suppose que c'était le jeu. On entrait dans la machine en sachant qu'on serait un rouage un peu inutile, mais qu'importe, au moins, on pouvait payer ses factures, et de temps en temps, on arrivait à aider réellement les gens.
Heureusement que cette conversation prenait un cours plus sympathique en parlant de la passion d'Amy pour le dessin, sans quoi, on aurait vraiment pu croire que j'étais au bout du rouleau. Ce n'était pas le cas, mais parfois, simplement parler des injustices de la machine faisait du bien.
Malheureusement, je ne pourrais pas admirer les talents d'Amy. Elle n'a pas le matériel nécessaire et peut-être, pas vraiment l'envie, je ne sais pas. Je peux comprendre ses problèmes d'inspiration, elle n'est pas dans les meilleures conditions...et pourtant...

-C'est vrai que l'inspiration, c'est pour le moins...volatile...pourtant, il parait que de magnifiques chefs d'oeuvre ont été créés dans des situations où l'artiste était aussi mal que vous...vous devriez persister si vous vous en sentez le coeur...peut-être sortirez-vous neuf croûtes de pain...mais la dixième, sera peut-être à même d'éclipser tout le reste...enfin, je dis ça mais mes talents en dessin équivalent ceux d'un enfant de six ans...je suis mal placé pour vous donner des conseils finalement.

Le temps d'aller chercher et de remplir l'arrosoir pour entamer la dernière grande étape du plan, histoire de donner une chance à nos plantes de voir la lumière du soleil un jour. L'air de rien, si cette activité de jardinage n'était pas mon passe-temps favori, loin de là, elle avait au moins eu le bénéfice de me faire prendre l'air en me changeant les idées. Cela faisait bien trop longtemps que j'accaparai Amy. Heureusement pour moi, l'arrosage n'était pas l'activité la plus compliquée dans toute cette opération.

"On dira que vous avez fait 90% du boulot et que moi, j'vous ai donné tout plein d'ordres pour que notre séance jardinage soit une réussite !"

Je m'applique pour ne pas gaspiller d'eau, il faut dire que je n'ai pas envie de devoir multiplier des allers et retours entre le robinet et la parcelle. Alors, consciencieusement, j'essaie de répartir équitablement l'eau tout en maximisant son utilisation. Je relève la tête une fois l'opération menée à son terme.

-On peut dire ça, mais à charge de revanche. La prochaine fois, je donnerai les ordres...histoire de bénéficier de votre expérience sur le terrain.

D'un geste, je dépose l'arrosoir à mes pieds en me frottant les mains et en observant notre parcelle. Au moins, elle a la même tronche que les autres, on est dans les clous.

-Bon, je suppose qu'on est bon. Vous voulez que je vous raccompagne chez vous ? Laissez-moi juste le temps de ranger nos affaires et je suis à vous. Ma voiture est juste en face, ça sera plus simple qu'avec vos béquilles...si vous le souhaitez.

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Amy & Jayden.

Elle ne connaît pas bien le jeune homme. Elle ne sait pas réellement ... ce qu'il a pu vivre avant ça. Elle ne sait pas vraiment qui il est. Ce qu'il fait. Ce qu'il veut dans la vie. Enfin, elle sait qu'il est policier, oui. Mais elle n'a que très peu d'informations à ce sujet. Pas que ça ne l'intéresse pas. C'est tout le contraire. Seulement ... ils viennent juste de se rencontrer. Et elle n'est pas certaine qu'il voudrait autant se confier à la jeune femme. Non. Du tout. En tout cas, elle a l'impression ... Amy ne sait pas trop mais elle a l'imperssion qu'il n'est pas forcément bien dans ses baskets. Elle peut comprendre. Elle-même, actuellement, elle est un peu à côté de la plaque. Beaucoup même. En tout cas, pour lui, elle espère ... Elle espère que ça va aller. Elle espère qu'il va retrouver foi en l'humanité. Même si elle se doute que ... Et bien, même si elle se doute qu'il ne fait pas le meilleur boulot au monde. Après tout, elle, elle entend les atrocités. Mais lui ... lui, il les vit. Il les voit. Et elle peut comprendre que c'est pas la joie pour lui.

Quoi qu'il en soit, oui, il avoue qu'il n'a pas foi en l'humanité. Il est ... blasé. Totalement même. Il en profite pour lui raconter une petite histoire. Sur ... sur un suspect. Un criminel. Une personne qui a fait un crime odieux. Après de longs mois d'investigation, le criminel a fini par passer en jugement. Mais il n'a pas eu l'effet escompté. Non. Il a eu ... une petite peine. De rien du tout. A contrario, les parents de la victime ont pris perpet dans leur malheur. Puisque eux, ils n'auront pas l'occasion de ... revoir leur fille. Elle peut comprendre qu'il soit au bout du rouleau. Elle peut comprendre qu'il soit énervé. En colère. Et que ... qu'il ne croit plus vraiment "Si ça devient trop lourd à porter, pourquoi ... continuer ? Je sais que c'est un boulot important. Vous aidez les autres. Vous essayez de faire en sorte que la ville soit un peu plus sûre. Mais ..." Elle prend une lente inspiration. "Mais si c'est si moche pour vous, ça serait peut-être mieux ... pour vous ... de quitter ce boulot." Et de faire autre chose. Elle lui en parlait. Juste avant. Toutefois ... toutefois, oui, il ne peut pas continuer comme ça. "Vous avez déjà songé ... à en parler avec un professionnel ?" Parce qu'il est jeune. Et s'il est déjà blasé par ... s'il est déjà blasé par la vie, c'est moche. Et il risque pas d'aller bien loin. Enfin, à ce qu'elle en dit. En tout cas, il lui avoue qu'elle devrait éviter, dans la mesure du possible, d'espérer en ce qui concerne la justice. Elle lui offre un léger sourire. "Un peu comme mon affaire qui vous a mené jusqu'à moi aujourd'hui ?" C'est elle qui lui a dit, un peu plus tôt, que si jamais il ne trouvait pas celui ou celle qui a fait ça, c'est pas grave. Enfin, c'est grave dans le sens où la personne en question pourrait très bien ... foutre le bordel un peu plus et décider de renverser une autre personne. Sauf si c'était véritable un accident mais bon. Y'a quand même eu un délit de fuite dans l'histoire. Le coupable aurait pu se montrer responsable. Et rester sur place. Mais ça n'a pas été le cas. Le policier a un léger soupir. Un hochement de la tête. Par rapport à ce que Amy vient de lui dire. L'argent, le pognon, tout ça, c'est malsain. Les gens qui n'ont pas beaucoup d'argent arrivent quand même à être heureux ? Non ? Et oui, plus quelqu'un aura de l'argent, plus il pensera qu'il peut tout faire. Qu'il se croit tout permis. C'est quand même moche. Véritablement moche. Mais c'est vrai. Bien malheureusement. En tout cas, plus la discussion avance, plus elle se dit que ce pauvre Jay' ... il aime son boulot, ça, elle le comprend. Toutefois, il est vraiment ... blasé ... peiné par les choses. Elle ne sait pas vraiment comment il fait pour continuer ce job alors que ... alors que ça semble lui faire du mal.

Ils changent de sujet. Parlent un peu des passions d'Amy. Du fait que la jeune femme aime beaucoup l'art. Les tableaux, oui, les dessins, encore mieux. C'est son dada. Encore faut-il qu'elle ait ... qu'elle ait de l'inspiration. Et elle n'en a pas toujours. Pourquoi ? En ce moment, elle est au bout de tout. Elle n'a pas vraiment le goût. Ou l'envie. Ca reviendra. Elle sait que ça reviendra à un moment ou à un autre. Mais il lui faut un peu de temps. Il faut ... il faut qu'elle fasse ça tranquillement. Calmement. Et un jour, ce bonheur de dessiner reviendra. Jay' lui conseille de persister. Qu'elle finira peut-être pas faire quelque chose ... qu'elle appréciera. Elle hausse les épaules. "On verra. Pour le moment... j'ai pas trop ... envie de sortir mes feuilles et mes crayons." Peut-être qu'il a raison. Peut-être qu'elle devrait le faire. Peut-être que ça pourrait lui faire un bien fou. De prendre une toile et de peindre. Ou de prendre une grande feuille et de dessiner. Peut-être qu'elle essayera. Dans le week-end. Après tout, ça ne coûte rien d'essayer, non ?

Jay' part chercher l'arrosoir. Et comme elle fatigue, qu'elle n'est plus vraiment en forme, oui, elle laisse faire le policier. Il aura fait tout le boulot. Mais il ne va pas s'en plaindre, si ? "Si j'ai toujours mon plâtre ... ça sera difficile de répondre favorablement à vos ordres." Elle a un hochement de la tête. Mais s'ils font ça, plus tard, à un autre moment ... une fois qu'elle n'aura plus son plâtre ... elle verra bien. Elle verra bien ce qu'il se passe. oui. Le brun finit donc d'arroser les graines qu'ils viennent de planter. Enfin, surtout lui. Puisque c'est lui qui a fait tout le boulot après tout. Il lui propose de la raccompagner chez elle. Juste le temps ... de ranger un peu le bordel qu'ils ont mis. "J'veux bien ... Ca serait gentil." D'autant qu'elle commence à être fatiguée. Et qu'aller jusqu'à l'arrêt de bus, elle n'est pas certaine qu'elle en aurait été capable. Le fait qu'elle soit enceinte, son plâtre, qu'elle ait pas le moral en ce moment, oui, ça joue beaucoup sur elle. Ca la fatigue beaucoup. Mais elle fait avec. Elle n'a pas trop le choix.

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Avec Amy Castle

Ce n'est qu'en terminant de parler que je réalise à quel point je me montre déloyal envers le système qui m'emploie. On attend des policiers qu'ils donnent l'exemple, se dévoue pour un système et le défende au quotidien face aux citoyens parfois soumis à des comportements inciviques ou dangereux. Pourtant, la majeure partie des policiers se sentent comme moi. Tous ne l'expriment pas aussi clairement que moi, mais nous avons tous connu à un moment où l'autre cette impression que notre travail n'avait aucune valeur, que nous n'étions pas suivis par le système judiciaire. Combien de fois, des comportements anti-policiers avaient été jugés légèrement et combien de fois des policiers n'avaient pas eu des enquêtes à leur charge suite à des comportements trop musclés ?
Nous n'étions pas comme aux Etats-Unis, où les policiers causaient beaucoup de morts, à tort ou à raison. Mais sous prétexte d'observer les droits individuels de tout un chacun, le rôle de policier se retrouvait en position de faiblesse, susceptible d'être attaqué verbalement ou physiquement.
Je ne devrais pas en parler à Amy, je ne devrais pas en parler avec quelqu'un qui n'est pas dans le système, et encore moins, avec quelqu'un qui va mal. Pourtant, je sens qu'avec elle, je ne cours pas de risque, que je peux l'évoquer. Elle est gentille Amy, et si elle n'est pas bien, si elle est fragile, elle n'est pas stupide. Quoi de plus vexant pour une personne, même au plus bas, que d'être considérée comme une petite personne en sucre capable de se briser en un éclat de mot. C'est en parlant normalement qu'on peut leur venir en aide, c'est en leur montrant qu'ils restent parmi nous, dans nos soucis du quotidien que peut-être, ils pourront se sentir mieux...humains, tout simplement. C'est du moins ce que je voulais croire.

"Si ça devient trop lourd à porter, pourquoi ... continuer ? Je sais que c'est un boulot important. Vous aidez les autres. Vous essayez de faire en sorte que la ville soit un peu plus sûre. Mais ...Mais si c'est si moche pour vous, ça serait peut-être mieux ... pour vous ... de quitter ce boulot."

Cette question, ce n'était pas la première fois que je me la posais. Après mon infiltration, j'avais eu un cas de conscience, à me demander si je pouvais continuer. J'avais failli me perdre, et si je n'avais pas eu assez de dévouement envers mon métier, je pense que j'aurais complètement pu adhérer à leur cartel. Un cartel fonctionnait comme une grande famille, ou une grande ville, avec ses lois, ses règles, des libertés quasi sans limites pour peu que l'on respecte la hiérarchie. Je devais reconnaître qu'il y avait des jours où je m'étais dit qu'une vie dans la criminalité était plus simple qu'une vie de flic infiltré. Le dogme de Star Wars qui dit que "le côté obscur est puissant et plus facile à rejoindre" est on ne peut plus vrai.

-A vrai dire, j'y ai déjà songé, un peu comme tout le monde s'est déjà demandé ce que ce serait de mener une autre vie. Mais la carrière de policier...c'est une vocation. Quand vous l'avez dans le sang, elle ne vous quitte plus. Vous savez Amy, plus jeune, j'étais du genre bagarreur, à tel point que cela m'a desservi au moment d'entrer dans une université. Je n'ai pas honte de le dire, je n'ai pas fait de grandes études, j'ai voulu me rendre utile en entrant dans une école de police. Je ne suis pas un intellectuel, je ne connais pas de grands théorèmes scientifiques, mon talent pour les langues se cantonne à quelques mots en français, deux trois babioles en italien et c'est tout. J'ai l'impression que je ne suis bon que dans ce que je fais.

J'observe les bâtiments en face de nous, les couleurs claires qui s'adaptent si facilement au climat lumineux de l'Australie. Nous vivions quand même dans un merveilleux pays, même si avec l'habitude, on finissait par oublier de le remarquer.

-Ce n'est pas rose tous les jours, on a des soucis avec ses chefs, on ne voit que la misère humaine, le côté sombre des gens qu'on côtoie et pourtant, on aime se donner à fond, faire le maximum pour qu'on puisse dire "nous avons fait tout ce que nous pouvions". En effet, un peu comme votre accident. Je veux pouvoir vous regarder en face et vous dire que nous avons exploité tout ce qui était humainement possible pour boucler l'affaire sans vous mentir, en cachant la facilité que certains pourraient utiliser. Bien sûr, nous avons des professionnels pour nous aider, quand nous intervenons sur des scènes choquantes, des fusillades où nous sommes amenés à utiliser nos armes...mais...

Je plonge mon regard dans les yeux d'Amy. Elle a des yeux magnifiques, rendus encore plus beaux par le tourbillon de malheur qui y tournoie. Elle est touchante, sans s'en rendre compte, ce qui la rend vraiment humaine et sympathique.

-L'antigang, c'est un monde à part, c'est comme prendre un sous-marin pour se glisser dans les abysses, vous entrez dans ce que l'humanité fait de pire, vous découvrez un monde inimaginable, même quand vous êtes dans la police. J'ai vu, j'ai été amené à participer à des choses à vous faire vomir...mes épaules sont trop chargées pour qu'un psychologue puisse y faire grand-chose, mais ce n'est pas grave, j'aime ce que je fais, et même si c'est dur par moment, je continuerai à le supporter, parce que je sais que dans le fond, c'est pour protéger des gens comme vous, Amy, que je fais ce boulot.

Oui, quelque part, je suis, comme mes collègues de l'antigang, et même le lieutenant Priest de la scientifique, prêt à me sacrifier pour que les gens n'aient pas à avoir peur à chaque coin de rue, parce que la société veut que certains des siens veillent au bien-être des autres.
Alors que nous parlons de sa passion pour le dessin, je me rends compte qu'Amy reste dubitative sur les bienfaits de sortir ses crayons pour se remettre à la création.

-En tout cas, vous savez où me trouver, si jamais vous avez envie de me montrer vos créations. Ne cessez jamais de vivre vos passions Amy, peu importe les circonstances, car elles vous aideront à surmonter vos bas et vous accompagneront dans vos hauts.

Je suis là, l'arrosoir vide en main, après avoir terminé d'abreuver nos graines. Plus qu'à attendre que la nature fasse son œuvre. Amy est d'accord pour que je la raccompagne. Je n'avais pas fait attention mais le temps s'est écoulé plus vite que je l'avais imaginé.
Alors, je ramasse nos outils en plus de l'arrosoir et vais remettre tout cela en place pour les autres âmes qui auraient envie de jardiner.
Lorsque je reviens vers le banc, je peux lire la fatigue sur le visage de la jeune femme. Il est grandement temps que je ramène Amy chez elle. Je lui indique les voitures le long du trottoir, heureusement, du bon côté de la rue.

-Voilà, tout est en ordre. Ma voiture est juste là, la Holden noire. Vous voulez de l'aide pour aller jusque-là ? J'imagine que ce n'est pas évident de se déplacer avec ces béquilles, et je n'ai pas trop envie que vous vous cassiez quelque chose alors que nous venons de réussir notre mission "main verte".

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Amy & Jayden.

Pourquoi ... pourquoi est-ce qu'il reste chez les flics ? Pourquoi ne veut-il pas changer ? Qu'est-ce que ça lui rapporte de faire ce travail ? Hein ? A part ... à part lui bouffer la pensée. A part de lui faire du mal et tout ça ... Elle n'en sait trop rien. C'est assez étrange. Si elle était mal à l'aise avec son travail, elle ferait en sorte de changer. Parce que ... parce qu'elle n'aimerait pas se faire aspirer par tout ça, justement. Et elle préfèrerait ... passer à autre chose. Et faire autre chose. Quelque chose de plus intéressant. Et quelque chose qui ne la laisserait pas avec un moral en dessous de tout. Oui. Jay' finit par lui avouer qu'il a déjà songé à changer de travail et de mener une autre vie. Mais au fond, il aime ce qu'il fait. C'est sa vocation. Et il ne se voit pas réellement faire autre chose. Non. Il indique, également, qu'il était ... qu'il avait l'habitude de se battre. Il n'a pas fait de grandes études à cause de ça. Et il a voulu se rendre utile. D'où l'académie de police. "On s'ressemble un peu." Amy lui offre un léger sourire. "J'ai pas fait de grandes études non plus. Et pas parce que je me battais." C'est pas le genre de la maison. Même si elle pourrait indiquer qu'elle a déjà eu quelques crêpages de chignon en bonne et due forme, si on peut dire ça ainsi. "J'en avais pas envie." Non. Du tout. "Et pour le moment ... j'fais un boulot ... Et je sais même si ça j'vais faire carrière dedans ou bien si je finirais par faire autre chose de ma vie." Son avenir est incertain. En quelque sorte. "Mais j'vais continuer à le faire. Jusqu'à ce que je trouve mieux. Ou quelque chose qui me fera vibrer." Ca prendra, sans doute, du temps. Mais elle n'est pas pressée. Non. Elle est jeune. Elle va d'abord se concentrer sur elle, sur le bébé. Et elle attendra quelques années. Avant de voir si elle finit par changer de boulot. Ou bien si elle continue sur cette voie. Elle n'est pas très malheureuse dans ce qu'elle fait. Ca aidera à payer les factures le jour où elle aura son appartement et quand elle aura à acheter plein de trucs pour le bébé. Oui. Un boulot, c'est un boulot après tout. Bien sûr, certains arrivent à allier passion et travail. Peut-être qu'un jour, c'est ce qu'elle fera. Quelque chose qui ... Et bien, quelque chose qui la passionnera et qui lui permettra de payer ses factures, par la même occasion.

Quoi qu'il en soit, oui, il a ... Et bien, il en a gros sur la patate. Oui. Mais bon. Peut-être que ça finira par s'arranger. Enfin, elle l'espère pour lui. Et il semble avoir besoin d'en parler. Alors, elle le laisse parler. Elle le laisse vider son sac. Il en a besoin. peut-être que ça lui permettra de se sentir un peu mieux. Ou peut-être, au contraire, ça va continuer à le hanter. Difficile de dire. Il a vu des choses. Il a fait des choses. Qui pourraient ... Des choses pas amusantes. Des choses qui pourraient mettre sans dessus dessous un cerveau. Mais il défend ... il défend son amour pour son travail. Il aime ce qu'il fait. Même si ça le bouffe. "Si un psy peut rien pour vous ... peut-être qu'il faudrait trouver une activité qui pourrait vous permettre ... d'évacuer tout ça ?" Il lui a dit qu'il était pas doué pour le dessin. "Le jardinage peut-être ?" Es-ce qu'elle est en train de se moquer de lui ? Non. Pas vraiment. Mais bon. S'il lui conseille, à elle, de faire du dessin pour extérioriser tout ce qu'elle a sur la conscience, hein, il peut en faire de même, non ? Ca pourrait lui être bénéfique. Tout autant qu'elle si elle sort ses crayons. Même si elle n'en a pas grandement envie dans l'immédiat. Oui.

Le policier lui indique que si elle le désire, elle sait où elle peut le trouver. Elle pourra toujours venir lui montrer et bien ... ses créations. Oui. elle opine du chef. Ca sera facile pour elle de le trouver. Sauf s'il est sur le terrain et pas derrière son bureau. Là, dans ce cas là, oui, ça sera plus ... compliqué. En tout cas, il est temps de rentrer maintenant. Elle a bien discuté avec lui. Ca lui a permis de s'évader. De penser à autre chose. Et ça fait du bien. Le policier en profite pour ranger les affaires. Ils s'avancent vers le parking et il lui montre une voiture. "Oh, ça va aller." Elle hoche la tête. "C'est pas comme si la voiture était à cinq kilomètres de là." Elle exagère un peu mais bon. Il lui faut, toutefois, quelques minutes pour rejoindre la voiture. Elle est pas pressée. Lui non plus sans doute. De toute manière, elle n'aurait pas pu aller plus vite. Il déverrouille le véhicule et elle finit par s'installer sur le siège passager. Avant de lui indiquer où elle habite pour qu'il puisse la ramener.

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Tout m'échappe

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Avec Amy Castle

Je n'aimais pas spécialement parler de mon parcours scolaire, il me rappelait mes échecs, mes colères et ce mauvais caractère qui m'avait empêché de suivre Claire à la fac et poussé à m'investir directement dans une école de police. J'assumais de ne pas avoir fait de hautes études, comme c'était la norme pour la génération actuelle, mais parfois, se voir toisé de haut parce qu'on n'avait pas un diplôme de cinq ou sept ans au-delà du lycée, c'était lourd.
Je ne sais pas pourquoi, je sais juste que j'ai fait assez confiance à Amy pour en parler, pour prendre le risque qu'elle me prenne pour un gars qui a été incapable de tenir une formation intellectuelle plus que le strict nécessaire. D'un côté, c'est vrai, j'ai toujours préféré l'action, je n'ai jamais aimé chauffer les bancs, à retenir des concepts abstraits, je préfère l'application sur le terrain, l'apprentissage par l'expérience. J'avais investi mon temps et mon énergie pour la police, vouloir changer de secteur d'activité, partir à la recherche d'un autre emploi, tout ça, c'était inconcevable, impossible. Je ne pouvais pas devoir tout reprendre du début et l'idée même d'imaginer me rendre compte que j'avais perdu tant de temps me faisait frissonner.
Apparemment, Amy est dans une situation similaire.

"On s'ressemble un peu. J'ai pas fait de grandes études non plus. Et pas parce que je me battais. J'en avais pas envie. Et pour le moment ... j'fais un boulot ... Et je sais même si ça j'vais faire carrière dedans ou bien si je finirais par faire autre chose de ma vie. Mais j'vais continuer à le faire. Jusqu'à ce que je trouve mieux. Ou quelque chose qui me fera vibrer."

C'est vrai, je me battais, j'étais impulsif, et ça m'avait coûté la carrière sportive que j'aurais peut-être pu entreprendre. Mais le regretter, pas vraiment, l'académie de police avait eu ça de bon, elle m'avait assagi, appris à me tenir, à contenir ce qui pouvait bouillonner en moi. En sortant de ma formation, j'étais un meilleur homme, d'une certaine manière. Et je pouvais voir qu'Amy cherchait encore sa voie, elle avait l'espoir de trouver le boulot qui lui permettrait d'allier plaisir et nécessité.

-On juge trop facilement les gens qui n'ont pas envie...pourquoi doit-on obligatoirement aligner les masters et doctorats si on préfère le concret ? Ces gens, qui ont assez de diplômes pour remplir un bottin téléphonique, sont-ils plus heureux ? Je ne pense pas...on a tous besoin de manger et payer les factures, alors, on fait ce qu'on peut...avec un peu de chance, on trouve un endroit où s'épanouir. Dans le cas contraire, bah...on oublie trop souvent qu'on n'est pas marié à un employeur. Qu'on est libre de faire ce qu'on veut...mais avoir un boulot, c'est déjà tellement une chance, à l'heure actuelle...

Bien sûr, j'aimerai gagner plus, avoir plus de reconnaissance, retourner sur le terrain. Si je ne suis pas content, je suis libre de m'en aller, mais pour faire quoi ? Vider des hangars avec un transpalette ? En suivant un 38h/semaine bien rangé ? Malheureusement, j'aimais trop ce que je faisais pour pouvoir me ranger loin de mes piqures d'adrénaline. Je ne disais pas que ça n'arriverait jamais, on ne pouvait pas savoir de quoi l'avenir serait fait, mais pas pour le moment en tout cas.
Je me sens bien avec Amy, peut-être trop, je ne sais pas. J'ai baissé ma casquette de policier depuis un moment déjà, alors nous parlons, comme deux connaissances, de tout et de rien, raison pour laquelle j'évoque mon passé, ma mission d'infiltration qui m'aura changé, m'a mené à deux doigts de me perdre et qui influence la personne que je suis aujourd'hui. Toutes ces choses, je pourrais tenter de mettre des mots dessus, mais la langue anglaise, comme les autres d'ailleurs, est bien pauvre quand il s'agit de souvenirs, de mettre des sons, des odeurs, des mouvements. Certains sont assez doués pour ça, pas moi. Pourtant, il me suffit de fermer les yeux pour revivre des souvenirs vieux de plusieurs années. On ne peut pas imaginer à moins d'y avoir été.

"Si un psy peut rien pour vous ... peut-être qu'il faudrait trouver une activité qui pourrait vous permettre ... d'évacuer tout ça ? Le jardinage peut-être ?"

Je souris, après lui avoir conseillé de dessiner, c'est elle qui me donne des conseils. C'est marrant, je suppose que c'est ça, une manière de se soutenir mutuellement, presque inconsciemment d'ailleurs.

-Si je reconnais avoir trouvé plus de plaisir que je l'imaginais dans notre petit défi, j'avoue ne pas être tombé fan des plantes à ce point.

J'avais fait l'effort par égard pour Amy, mais de là à en faire une occupation à temps plein...non.

-Mais vous avez raison, je devrais trouver quelque chose pour extérioriser...jusqu'à présent, j'évacuais au stand de tir, vidant des chargeurs, encore et encore...mais ma hiérarchie commence à me le reprocher...

Amy n'a pas besoin de mon aide pour arriver à ma voiture, une Holden noire, made in Australia, quelques temps seulement avant que la marque ne disparaisse, sonnant le glas de l'automobile australienne. C'était une voiture confortable, assez lourde, qui, sans exploser les compteurs de puissance, avait quand même du répondant. Je déverrouille la voiture pour laisser Amy s'asseoir à la place du passager avant puis, dans un claquement de portière, de me diriger vers le poste de conduite.

-Bon, où je vous emmène ?

Amy me donne son adresse, ce n'est pas très loin. Si la circulation le permet, nous y serons dans quelques minutes. Je tourne le contact et indique mon intention de m'insérer dans la circulation. Contrairement à mon habitude, j'évite autant que possible de conduire comme un pilote de rallye. Je fais toujours attention quand je ne suis pas seul...et en même temps, je sens mes pensées dériver alors que je prends un virage à gauche.

-Je crois que je devrais me remettre à la guitare. J'y jouais quand j'étais jeune. Ca doit bien faire dix ans que je n'ai plus gratté la moindre corde mais je pense que ce serait une bonne occasion pour moi de reprendre...vous jouez d'un instrument ?

Sur la route, je ralentis alors qu'un camion quitte le parking d'une entreprise de livraison. Un peu plus loin, une autre voiture s'est garée en double file, je la regarde un moment, conscient de passer à côté d'un fragment de vie, d'une conversation dont je ne connaîtrais jamais la fin. Le camion accélère et nous pouvons reprendre notre route. J'ai mis le GPS pour me guider, je ne connais pas encore Brisbane comme ma poche, la voix féminine et métallique m'indique le prochain virage. Je regarde la température de l'habitacle.

-Ca va, vous n'avez pas trop chaud ? Je peux mettre la clim' si vous voulez.

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Amy & Jayden.

Les études, Amy n'en a pas fait. Parce qu'elle n'en avait pas envie. Et parce qu'elle préférait ... Elle préférait se trouver un boulot. Parce qu'elle ne savait pas vraiment quoi faire comme études. Bien sûr, elle est jeune. Elle a eu 20 ans cette année. Et donc ... Elle a la possibilité de réfléchir, à nouveau, à ce qu'elle va faire. peut-être qu'après avoir eu son bébé, elle y réfléchira et qu'elle aura envie de faire quelque chose de sa vie. Quelque chose d'important. Mais là ... Elle sait pas trop. De toute façon, elle aura le temps d'y réfléchir. Elle aura son bébé en novembre. La rentrée se fera en février. Peut-être qu'elle se fera pousser des ailes pour penser à des études. Elle verra bien. Oui. Elle verra bien. Quoi qu'il en soit, elle confie à Jay' qu'ils sont similaires sur ce point. Qu'ils n'ont pas fait d'études mais que ça ne semble pas ... les rendre plus malheureux qu'autre chose. Non. Du tout. "J'suis d'accord. Chacun est libre ... de faire des études ou de ne pas en faire." Elle hoche la tête. "Mais il n'empêche qu'on n'empêchera jamais les railleries ou bien ... le jugement des autres." Amy a un léger sourire au coin des lèvres. "Même si, à dire vrai, j'me suis toujours foutue de ce que les autres pouvaient penser." Amy, elle fait ce qui est bien pour elle. Et pas ce que les autres aimeraient qu'elle fasse. Tant que ça lui plaît. Tant qu'elle suit sa propre ligne de conduire. Elle fait bien ce qu'elle a envie quand elle le veut, non ?

Quoi qu'il en soit, elle sent ... Elle sent que Jay' en a gros sur la patate. Par rapport à son job et tout ça. Oui. Peut-être ... qu'il a besoin de quelqu'un. Quelqu'un à qui il pourrait se livrer. A qui il pourrait parler. Quelqu'un qui pourrait l'aider. Un professionnel. Ou pas. Ou alors, un activité qui pourrait l'aider, lui également. Parce que même si Amy est au bout du rouleau, actuellement, elle peut toujours dessiner. Même si elle fait ... des choses qu'elle pourrait qualifier d'horribles. C'est pas très joli selon elle. Peut-être que ça reviendra. Sans doute. Il lui faut juste un peu de temps. Y'a pas de raison que ça ne se passe pas, non ? Il faut laisser le temps au temps. Tout simplement. Oui. Mais elle a dû mal, beaucoup de mal à l'accepter. Elle a un léger sourire quand le policier lui avoue qu'il a apprécié ce qu'ils ont fait. Mais il n'est pas fan des plantes. "C'est peut-être pas plus mal d'ailleurs. J'veux dire ... On n'a pas spécialement la main verte !" Elle secoue la tête. "Ou du moins, pour ma part, je sais pas si je l'ai vraiment. Les derniers trucs que j'ai planté avec mon amie ont l'air de tenir bon." Mais est-ce que ça sera mangeable ? Là est toute la question. En tout cas, la demoiselle ne sait pas si elle se pointera de sitôt au jardin communautaire. Ne jamais dire jamais comme on le dit si souvent, non ? Le jeune homme avoue qu'il passait pas mal de temps au stand de tir. Oui. Amy peut comprendre que c'est un peu malsain mine de rien et que sa hiérarchie cherche à ce qu'il fasse autre chose. "Vous allez trouver. Je ne m'inquiète pas pour vous." Non. Il a l'air débrouillard. Il adore son boulot, bien sûr. Mais bon. Ca doit être ... pas facile. Mais passons.

Ils vont jusqu'à la voiture de Jayden. Et elle s'installe donc. Elle attache sa ceinture. Le policier l'imite et lui demande où il doit aller. "Sur Logan City, dans le quartier de Princess Street." Elle lui donne l'adresse exacte histoire qu'il puisse l'insérer sur le GPS. Et il ne faut pas longtemps avant qu'il ne mette le véhicule en route et qu'ils s'éloignent, lentement, mais sûrement, des jardins communautaires. Il finit par lui indiquer qu'il pense à la guitare. Ca pourrait être un bon passe temps. "Non, j'ai jamais appris." Elle voulait apprendre. Avec Ash. Elle pensait que ça pourrait être amusant. Mais ils n'en ont pas eu réellement l'occasion. Son père ... Son père pourrait lui apprendre. Parce qu'il joue de la guitare. Mais elle aurait trop peur ... que ça le renvoie vers Ash. Elle ne dira pas que c'est un objet qu'elle veut bannir de sa vie à tout prix. Mais c'est pas ... disons que ça pourrait lui rappeler ds choses. Oui. Le policier est prévenant. "Ca va aller, merci. C'est pas non plus comme si on était en pleine canicule !" C'est la fin de l'automne. L'hiver va bientôt pointer le bout de son nez. Mais les températures restent clémentes. Oui. Après une dizaine de minutes, ils arrivent, finalement, chez Amy. Elle tourne la tête vers le policier. "Merci de m'avoir raccompagnée." C'était vraiment sympa de sa part. Parce qu'il aurait pu la laisser se débrouiller, oui, mais il n'en a rien fait. Non.

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