On a de nouvelles activités ce week-end. Je risque de toutes les faire. Il y a le circuit de course, et le spa naturel au beau milieu de la nature. Étonnement j’ai choisi de faire le spa en premier. J’ai bien besoin de me détendre. Je ne sais pas si Martin me suit ou non, je suis plutôt autonome le week-end. Alors je pars avec mes affaires, prête à passer ma journée à me prélasser au soleil et dans l’eau. Il y a sûrement déjà des gens de l’émission qui sont là-bas. J’espère qu’il n’y a pas trop de monde, ou juste pas trop de gens que je n’aime pas. Il n’y a pas de caméra qui me suit, et, comme je le dis toujours, je ne perdrai pas mon énergie à m’énerver contre quelqu’un que je ne connais pas si ce n’est pas au moins filmé.

Il y a du monde d’un côté, et juste un brun de l’autre. Je le reconnais de loin, je m’approche discrètement de lui pour lui faire peur. Je suis sur que si je lui effleure l’épaule il serait capable de faire un bon assez grand pour tomber dans l’eau. Alors c’est ce que je fais. “Alors il est cool ce spa ?” Je n’ai pas l’habitude de ce genre de spa en Australie. C’est original. J’aime bien que l’ambiance luxe soit plongé au milieu des arbres et de la faune et la flore australienne. Je m’installe à côté de lui sans lui demander son avis, s’il n’est pas content il s’excusera 1000 fois en partant le plus loin possible de moi. “Tu te remets de ta semaine ?” Je lève un sourcil, qu’est ce qu’il a bien pu faire toute cette semaine. C’est fou qu’on ne se croise jamais sur la route pendant les épreuves. Je pourrais croiser Jack au moins 10 fois par jour, mais Kieran, c’est comme s’il ne faisait pas vraiment parti de l’émission. “Pourquoi tu restes tout seul ?” Il aurait pu rejoindre les quelques autres duos, mais non. Il est toujours isolé Kieran, il est étrange.


@Kieran Halstead

La semaine avait bien commencé, pourtant.
Un départ rapide, de belles rencontres, un retard bien vite rattrapé, une première place et une immunité surprise. Et puis, il a fallu d’une soirée, d’à peine deux heures, pour que les bribes de force qu’il a commencé à construire durant ce jeu redeviennent d'handicapantes faiblesses. Une mauvaise blague de leur hôte à laquelle il n’a pas adhéré – contrairement à Elias – des regards lubriques, une première main baladeuse, puis une seconde, suivies par tant d’autres et une bagarre générale provoquée par le sang chaud de son partenaire. Ça aurait pu rester un simple incident sans grandes conséquences ; mais c’est impossible compte tenu de l’historique du trentenaire. Il l’a hurlé son malaise, Kieran et personne n’a accordé le crédit nécessaire à ses propos. Alors oui ; sous la panique ceux-ci n’étaient pas des plus cohérents et même carrément clichés, mais dans le fond sa manière d’exprimer son malaise n’aurait pas dû susciter un temps de réaction aussi lent de la production. Celle-ci était intervenue au moment où l’intégrité physique des deux candidats était menacée de manière visible, mais elle avait déjà bien abusée avant qu’ils ne sortent du bar. Du moins, Kieran le perçoit ainsi depuis cette fameuse soirée ; même si tous les éléments semblent s’opposer à sa vision des choses. La production s’est contentée de vérifier son nez suite au coup reçu sur celui-ci, n’a pas réellement à chercher à s’enquérir de son état. Les caméras se sont activées, afin de s’assurer que sa crise de panique remplisse le bêtisier pour les dix prochaines années. Et Elias était heureux, ce soir-là. Il s’est pris au jeu, il s’est laissé effleurer, parce que c’est un homme qui adore l’attention des filles. Alors il aurait dû apprécier, lui-aussi, pas vrai ? Parce que c’est un homme qui s’est fait toucher par des filles qu’il n’aurait jamais pu avoir en temps normal, alors il est forcément gagnant, non ?

Perdu dans ses pensées, il ne peut que sursauter lorsqu’une présence se fait remarquer en lui effleurant l’épaule. Ça, il peut gérer, comme contact. « J’en sais rien. » Qu’il répond au tac-au-tac avant de relever les yeux vers Ivy, un fin sourire se dessinant sur son visage, s’excusant silencieusement du ton peu chaleureux qu’il vient de lui adresser. Mais il n’a pas oublié qu’il ne peut plus en formuler de vive voix au risque d’être réprimandé. « J’essaie. » Qu’il admet, avant de reprendre : « c’était... euh... compliqué ? Intense ? Bref. » Pas uniquement par rapport au jeu et la course, mais surtout tout le reste. La discussion avec Eve, cette soirée, son rapport à lui-même. « Et toi ? T’as arnaqué qui, cette semaine ? » Il demande, avec un léger rire avant de reprendre : « enfin, pas que... » je t’accuse d’arnaquer les autres, mais c’est très exactement ça. « Plus de justifications, on a dit. » Il se reprend, levant légèrement les mains pour prouver sa bonne foi. « Oh, je-j’en avais un peu besoin. » Conscient du message sous-jacent qui peut ressortir de sa phrase, il se reprend : « Mais, tu me déranges pas, hein ! Bien-sûr que non ! » Il précise avec un large sourire. « Je suis content de te voir, même. » Parce qu’elle va le mettre mal à l’aise, le gêner, mais cette fois-ci il sera consentant, alors ce n’est pas un problème.

J’aurais pu aller avec le groupe. Je n’ai même pas vu qui était là-bas quand j’ai vu que Kieran était assis tout seul dans son coin. Je ne vais pas le laisser seul, je crois qu’il m’aime bien malgré le calvaire que je lui ai fait vivre lors de notre première rencontre. Je pensais qu’il aurait été complètement terrifié, mais non. Il a l’air de m’apprécier, allez savoir pourquoi. Alors je continue de jouer, de m’amuser avec sa naïveté et sa timidité, je ne m’en lasse pas. Pas encore. Le ton de Kieran est froid et je fronce les sourcils. Qu’est ce qu’il a ? Mais il me sourit alors je m’assois à côté de lui sans utiliser le même ton froid. J’attends quelques secondes que sa langue se délie et qu’il parle. Ce n’est pas vraiment difficile aujourd’hui, plus ça va plus il parle facilement le brun. “Va falloir que tu me racontes !” Qu’est ce qui a été intense ? Il aurait presque l’air traumatisé.

Je pouffe de rire. “Au moins t’as une bonne mémoire.” Il ne s’excuse plus de manière intpestive, il ne se justifie plus. Mais qui est cette homme ? J’ai peut-être une bonne influence sur lui, ce serait bien la première fois que ça arrive. “J’ai arnaqué personne, je me suis faite arnaquer par contre.” Foutue maison qui avait l’air parfaite jusqu’à ce qu’on nous donne des insectes à manger. Je n’oublierai jamais cette soirée, et ce ne sera pas pour les bonnes raisons. Il a envie d’être seul, mais il est content de me voir et son sourire s’agrandit. Moi aussi je souris et je me lève à côté de lui en étudiant rapidement les environs. Les caméramans sont concentrés sur le groupe, et je vois un sentier sur la droite qui pourrait nous éloigner encore un peu. “Viens.” Il n’a pas le choix quand je viens tirer sa main en récupérant sa main. “Dépêche sinon tu devras supporter les caméramans qui vont te dire que tu dois te joindre au groupe pour les images !” Mon sourcil se hausse et je l’entraine à ma suite. On fait seulement quelques mètres dans la forêt et on se retrouve sur une autre partie du spa naturel. “Là on est seul au moins !” Je pouffe de rire avant de poser mes affaires et sauter dans l’eau, il suivra s’il le veut.

Il s’est convaincu que cette aventure n’est pas juste une stupide émission de télé-réalité avec un beau chèque à la clé ; qu’il a bien plus à y gagner que ce seul aspect superficiel. Qu’il peut en profiter pour grandir, pour en apprendre plus sur lui comme il l’a toujours souhaité. Prendre conscience de ses forces et délaisser ses faiblesses : c’était le plan, du moins. Mais force est de constater que Kieran ne parvient pas à surpasser ces dernières et qu’elles finissent toujours pas l’emporter avec elles. Il y a cru, pourtant, mais les bonnes nouvelles qui lui permettent de s’accrocher à ce jeu sont toujours surpassées par des événements qui le déstabilisent bien plus qu’ils ne le devraient. L’immunité a vite été oubliée au profit de cette agression qu’il a subie deux jours plus tôt – même s’il s’interdit de poser ce terme là-dessus. Il se base toujours sur les autres pour décider de ses propres réactions et ressentis : si Elias et la production n’ont pas considéré qu’il y avait un problème à ce qu’il a vécu, c’est qu’il n’y en a pas. Alors pourquoi ça l’inquiète autant, depuis ? Il ne saurait le dire et c’est la raison pour laquelle il a ressenti le besoin de s’isoler, surtout de son binôme. Il adore Elias, réellement, mais celui-ci lui renvoie certains schémas toxiques dont il a essayé de se détacher en rompant avec son ex et, par extension, sa famille et leurs idées affectant Kieran plus qu’il ne veut l’admettre. Le mâle alpha dans toute sa splendeur et sa confiance, qu’il ne sera jamais de son côté – même s’il a essayé. Tout comme il essaie de présenter la chose à Ivy, se montrant hésitant dans ses paroles par peur d’être encore une fois confronté à une réaction qui lui donnerait l’impression que, dans le fond, c’est bien lui le problème, à penser et à réfléchir autant alors qu’il n’est pas supposé en être capable. Qu’il s’est persuadé qu’il n’en est pas capable. « On... enfin, euh. Notre hôte nous a, hm, invité à une soirée. Costumée. Et en fait, c’était-c’était euh, un... enterrement de vie de jeune fille. » Jusqu’ici tout va bien. « Les gens nous ont... ils nous ont pris pour les strip-teaseurs et, enfin Elias s’est pris au jeu, mais moi, je... enfin voilà, c’était... gênant, quoi. » Il baisse légèrement la tête, cherche ses mots alors que son regard se perd sur l’eau pour éviter celui d’Ivy. « Enfin, voilà, c’est juste que c’était bizarre, Elias a pas apprécié qu’un type le touche, ça s’est finit en bagarre et on a dû être évacué. » Fin de l’histoire. « Bref, je pensais pas qu’un jour dans ma vie on me prendrait pour un strip-teaseur, ni que la soirée prendrait cette tournure, mais c’est rien de grave au final. » Il termine avec un léger sourire, relevant le regard et changeant de sujet. « Et toi, ta semaine ? » Il lui a déjà plus ou moins posé la question, mais il s’en fiche, Kieran, l’essentiel est de reporter l’attention sur elle, c’est préférable. « Comment ça ? » Il demande par la suite alors qu’elle précise qu’elle est celle qui s’est fait arnaquée cette semaine. « Euh, oui, d’accord. » Qu’il est surpris lorsqu’Ivy se lève précipitamment, se saisissant de sa main au passage pour l’emporter avec elle. Il est un peu gêné, mais bien moins qu’il y a deux jours et il se laisse faire. Il accélère le pas sur ordre de la jeune femme et parce que son argument est parfaitement recevable. « Ils feraient ça ? » Qu’il demande. Ils ne peuvent pas l’y obliger, non ? « Et c’est plus joli. » Kieran commente alors qu’Ivy lâche sa main et qu’il respire à nouveau, tournant légèrement la tête par respect pour elle lorsqu’elle ôte ses vêtements pour se retrouver en maillot, ne reportant son attention sur elle que lorsqu’elle lui fait face depuis l’eau. De son côté, il préfère, dans un premier temps, rester sur la terre ferme. « Elle est bonne ? T’attrapes pas froid, hein, surtout. » Il dit, se rapprochant jusqu’au bord, avec un sourire gêné, parce qu’il ne sait pas réellement que faire de sa carcasse à cet instant. Et puis, à la voir ainsi barboter dans l’eau, presque insouciante, la question lui échappe des lèvres sans même qu’il ne le veuille réellement : « Ivy, tu fais quoi quand tu dois te changer les idées ? »

On est bien là, un peu éloigné du groupe et des caméras. J’aime les caméras seulement quand je suis le centre de l’attention. Et là, il faudrait que je crie, que je crée des problèmes pour que toutes soient braquées sur moi. C’est peut-être ce que j’aurais fait si Kieran n’avait pas été dans les parages. On se pose et on discute. La discussion est facile avec le jeune homme, alors je reste là et je l’écoute me raconter sa semaine. J’ouvre de grands yeux étonnés, et me mords la lèvre inférieure pour m’empêcher d’éclater de rire. “C’est que t’es plutôt beau ! Tu vois que je suis pas la seule à te draguer.” Je pourrais rager si Kieran faisait déjà réellement partie de mes proies potentielles. Mes proies sont à moi, et je déteste par dessus tout qu’on touche à mes affaires. “Et ça va quand même ?” Il a l’air de raconter ça comme si c’était une des pires expérience de sa vie. Alors je m’informe, je fronce les sourcils. “En attendant j’aurais bien aimé avoir le droit au Kieran strip teaseur moi aussi.” Je fais une fausse moue boudeuse avant d’avoir l’idée de me lever pour nous emmener ailleurs.

Il me demande comment s’est passée ma semaine et rien que le souvenir me donne un haut le coeur. Alors j’attends une minute avant de l’emmener avec moi un peu plus loin. “On m’a fait manger des larves. Vivantes. Et un fromage avec des vers dedans. C’était horrible, et j’ai vomi sur le type qui nous accueillait avant qu’on parte en courant et qu’on essaie de voler son scooter.” Mon explication est très décousue, mais tout ce qu’il s’est passé ce jour là était étrange. Alors j’essaie de faire comme je peux.

On s’éloigne et je me retrouve rapidement dans l’eau. Il ne suit pas et je lève les yeux au ciel, pourquoi ça ne m’étonne pas ? “Ils pourraient le faire.” Ils l’auraient fait s’ils nous avaient vu à temps. Mon sourire s’agrandit, comment je pourrais attraper froid là ? “T’as qu’à venir pour voir si j’ai des risques d’attaper froid.” Il finira par me rejoindre, c’est une certitude. Je nage un peu, je le regarde, il ne cherche toujours pas mes yeux et je trouve ça étrange. Sa question me surprend et je réfléchis juste une seconde. “Je joue.” Je ne fais presque que ça à vrai dire. “Tu connais action ou vérité ?” Oh qu’il ne devrait pas s’embarquer là-dedans, il ne sait pas ce qui l’attend.

« C’était pas de la drague. C’était juste... nous arracher nos vêtements, rien de plus. » Rien de plus, qu’il se répète mentalement. Il n’a jamais été très doué pour draguer, Kieran, principalement parce qu’il rougit dès qu’une fille s’adresse à lui, mais si la drague ressemble à ça il préfère rester dans l’ignorance. « Je préfère encore quand c’est toi qui le fait. » Il précise avant de réaliser la portée de ses paroles et de rapidement préciser : « enfin, pas que... je... t’as pas à continuer, hein, je dis pas ça pour... » Tais-toi, Kieran. La dernière chose qu’il désire à l’heure actuelle, c’est une quelconque ambiguïté. Il doit encore ramasser les morceaux de son cœur suite à sa rupture avec son ex, il doit ramasser sa fierté et les quelques bribes de confiance qu’il avait su construire aux côtés d’Eve, il n’a aucune envie que ses propos portent à confusion. Quant à savoir comment il va, il réfléchit un instant, un peu perdu avant de reprendre : « Oh, oui. Je veux dire, une dizaine de filles qui se seraient jamais intéressées à moi en temps normal m’ont sauté dessus et elles ont pas arrêté de me caresser. C’est plutôt cool. » Il confirme avec un certain automatisme, léger sourire sur les lèvres, repensant à la réaction d’Elias. « C’est pas- c’est pas moi qui me suis déshabillé. C’est elles qui l’ont fait. Alors je... je pense pas- on peut pas dire que je sois doué dans le domaine... pas que je veuille l’être, de toute façon. Bref. Non, tu aurais pas voulu, crois-moi. Et moi non plus. Enfin. Bref. » Tais-toi, Kieran. Et si sa mésaventure est encore fraiche, il n’est pas le seul à avoir eu une semaine compliquée. « Ah, oui. » Il murmure dans un premier temps, surpris d’une telle épopée. « Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Martin a dû le faire aussi ? » Ce n’était pas une épreuve, sinon il serait passé par là. Il ne comprend pas vraiment comment elle a pu se retrouver dans cette situation – mais il ne comprend pas non plus vraiment comment la sienne a pu se produire. « Vois le bon côté des choses, il paraît que c’est plein de protéines. » Est-ce qu’il peut se permettre de dire ça ? Probablement que non, mais il est désolé pour elle et il ne peut pas le formuler ainsi. « Et ça va, maintenant ? » Il semblerait que oui, mais puisqu’elle mentionne avoir vomi et qu’elle semble encore bien remuée par cette dégustation, il préfère s’en assurer. Il est traîné à la suite de la jeune femme jusqu’à se retrouver à l’écart des autres, qu’ils auraient pu rejoindre sur demande de la production. « Oh. C’est bon à savoir. » Il est naïf, Kieran, ce n’est pas nouveau et certains codes lui échappent. Comme ceux pour faire une bonne émission. S’il s’approche du bord, ce n’est pas pour autant qu’il la rejoint dans l’eau ; mais lorsqu’elle l’invite à le faire, il se sent presque obligé. Il veut toujours plaire aux autres, Kieran, ne veut jamais risquer de les vexer et il a peur que ce soit le cas s’il refuse de céder à la demande d’Ivy. « D’accord... » Il hésite encore un peu, en profite pour poser une question à Ivy qu’il n’aurait pas voulu voir franchir ses lèvres. Il a besoin d’être discret, Kieran, constamment en retrait et ce n’est pas ainsi qu’il se place avec une telle question. Toujours sur le bord, ses pieds jouent avec la terre tandis qu’Ivy répond à sa question, ce qui l’achève de le convaincre. Elle a fait un effort pour lui, il peut en faire un pour elle. Il se sépare de ses chaussures – et uniquement d’elles, il a revêtu un short dans l’éventualité de se baigner et n’a pas envie de se séparer de son t-shirt – avant de plonger et de nager quelques mètres pour rejoindre Ivy. « Je connais, oui, mais... enfin, j’ai de la peine à imaginer que ce soit efficace... c’est pas une critique, pardon. Si tu dis que ça peut fonctionner, je te crois. Je demanderai à Elias, je suis sûr qu’il aura plein d’idées pour les actions. » Et à vrai dire, il n’est pas sûr de vouloir les découvrir. Mais puisqu’Ivy estime que cela fonctionne, il doit l’écouter, elle a forcément raison, non ?

”Mmmmh ça a pas vraiment l’air de pas te plaire.” C’est étonnant venant des hommes en général, absolument pas étonnant venant de Kieran. Je ne dis rien de plus, je ne sais pas comment il l’a pris et il n’a pas vraiment l’air de vouloir se confier sur tout ça. Mais je peux toujours le pousser, je le vois qui sourit un peu, je ne sais pas ce qu’il pense de tout ça. Mais je suis persuadée que Kieran n’est pas un homme qui aime le contact physique. Je continue de l’analyser, j’ai l’impression qu’il n’est pas si difficile que ça à cerner le brun. Peut être qu’il finira par me lasser, mais pour l’instant je m’amuse à le brusquer. Et déjà, il ne s’excuse plus, il ne se justifie plus, j’ai l’impression qu’il apprend vite. J’arriverai à le décoincer un jour, j’en suis certaine. “Oh mais je peux très bien continuer.” Il est de nouveau mal à l’aise et j’adore ça. Je pourrais éclater de rire à chaque fois mais, à la place, je tente de capter son regard.

“T’aurais pas voulu quoi ? Te déshabiller toi même ou que je te déshabille” Mon sourcil se hausse, je cherche ses yeux et il me fuit alors que je rentre dans l’eau. Et puis on parle de ma semaine, de ce repas que j’aimerais éliminer de ma mémoire tant c’était affreux. Et, en plus, j’ai fait tout ça pour rien puisqu’on a fini par dormir en dehors de cette maison. Ce repas me donne encore la nausée, qui peut aimer manger des trucs pareils à part cette famille de fous. “Non, Martin est vegan.” Oui on doit sûrement encore entendre la petite part de haine dans ma voix, je le déteste de ne pas avoir fait un effort. “Le mec nous a dit que si personne ne goûtait il nous virait de la maison et nous obligeait à dormir dehors. Au final on a quand même dormi dehors parce que le type a pas apprécié qu’on juge sa vie et que je lui vomisse dessus.” Il a le gros résumé de cette soirée affreuse. “Ca va toujours.” Bien mieux que quand j’avais cette larve dans ma bouche. Il commence à s’approcher de l’eau, il ne dit pas qu’il ne veut pas me suivre, je l’aurais convaincu de me rejoindre dans tous les cas. “Pourquoi ?” Je me rapproche de lui, il a lancé l’idée, et j’ai de nouveau envie de jouer. “Tu veux pas jouer maintenant ?” Comme s’il avait le choix.

« C’était cool. » Qu’il répète avec un sourire pour mettre fin à la discussion. Il n’y a pas à débattre sur la question. C’est un homme célibataire depuis six mois qui a eu l’occasion de bénéficier d’un rapprochement avec des femmes déchaînées, plutôt que de passer une soirée plongé dans son habituelle solitude. De quoi peut-il bien se plaindre ? Il doit prendre exemple sur Elias, un vrai homme, qui a su percevoir le positif de la situation et retourner celle-ci à son avantage. Il n’a pas saisi sa chance de la même manière qu’Elias et il devrait s’en vouloir ; d’autres auraient rêvé d’être à sa place, c’est tout ce qu’il y a à retenir. « Je-je suis pas sûr que ce soit très utile pour toi. » Il rétorque un peu mal à l’aise ; à vrai dire c’est même une certitude. Il n’est pas doué dans ce domaine et les tentatives d’Ivy se heurtent à un mur – soit parce qu’il ne le remarque pas, soit parce qu’il est terriblement gêné. Il ne comprend pas pourquoi elle s’obstinerait, sachant qu’il est incapable de rentrer dans son jeu. Ivy est dans une autre catégorie, inaccessible et l’intérêt qu’elle peut lui porter l’interroge. « Pourquoi tu fais ça ? T’as jamais répondu. » Ou plutôt, en lui retournant la question quant à savoir pourquoi elle ne le ferait pas. Mais ce n’est pas une vraie réponse pour Kieran, pas une de celles sur laquelle il peut se reposer pour mieux comprendre la situation – et il a besoin de comprendre et d’avoir un minimum de maîtrise pour s’en sortir. « Les deux. » Il souligne par la suite, avant de se reprendre. « C’est pas contre toi. » Il précise, avec un léger sourire gêné. « Oh. » Martin est vegan, c’est donc la raison pour laquelle il n’a pas soutenu Ivy au cours de sa dégustation. « Dans un sens, tu as eu ta vengeance un peu en avance. » Il esquisse un sourire, rapport au fait qu’elle a pu lui vomir dessus avant qu’il ne les vire de sa maison. Il finit par céder face à la demande d’Ivy, ne voulant pas la contrarier, la rejoignant dans l’eau en demeurant vêtu. « Je... je ne veux pas te déranger. » Qu’il justifie auprès d’Ivy, car si Elias n’a d’autres choix que de le supporter puisqu’ils forment une équipe, il n’en va pas de même pour Ivy qui pourrait très vite en avoir marre de lui s’il s’impose trop. « Mais d’accord, à toi l’honneur, action ou vérité ? » Il demande, un sourire sur les lèvres en restant à distance, réfléchissant déjà à ce qu’il pourra lui proposer en fonction de son choix.

”Peut-être qu’à force de le répéter tu finiras par y croire.” Je lève les yeux au ciel. Je ne sais pas pourquoi il ment, ça se voit sur son visage qu’il n’a pas apprécié tout ça. Il n’est apparemment pas comme tous les mecs du monde, mais il essaie. C’est presque dommage. “Tu sais pas ce qui est utile pour moi.” Je hoche la tête, et je continue de m’amuser en essayant de comprendre un peu plus ce qui se cache derrière ces yeux fuyants. Je suis sûre qu’il se cache. Il a très peu confiance en lui, et je me demande pourquoi, je me demande ce qui l’a rendu comme ça. Il a l’air mal à l’aise, et c’est mon but, alors ça me fait sourire encore un peu plus. Il ne devait pas s’attendre à rencontrer quelqu’un comme un jour, et pourtant, on se retrouve tous les deux à s’éloigner du groupe pour aller discuter de tout ce qui nous passe par la tête un peu plus loin du groupe.

Je continue d’être plus ou moins franche, de le bousculer et chacune de mes phrase a l’effet escompté. “Si j’ai répondu.” Je lui ai demandé pourquoi je le ferais pas. Je penche la tête sur le côté, pourquoi il doute autant. “Pourquoi t’as besoin d’une raison ?” Répondre par une autre question pour m’aider à apprendre à le connaître. Il y a des tas de questions qui entourent Kieran. Je souris et retourne dans l’eau, sa tête change à une vitesse fulgurante, mais il n’est pas encore parti en courant. Alors je continue. “J’aurais préféré ne pas entrer dans cette maison.” Même s’il y avait la piscine, et que la maison était en fait une villa assez grande. “Si tu me dérangeais je serais pas là.” Et ça il aurait déjà dû le comprendre depuis un bout de temps. Je propose un jeu, il a presque l’air de vouloir éviter, mais il finit par accepter. C’était prévisible, et je souris le visage à moitié dans l’eau avant de me lever et froncer les sourcils quand il pose sa question. “Je suis une femme d’action.” Et j’attends de savoir ce qu’il peut bien trouver comme défi.

« J’y crois. » Ce n’est pas une hypothèse, c’est un fait qui clôture la discussion ; dans le cas contraire il n’est pas garanti que Kieran ne cède pas à ses pulsions de fuite et délaisse Ivy malgré l’affection qu’il a pour elle. S’il le dit, c’est que c’est vrai – car c’est sous ce principe qu’il fonctionne au quotidien, évidemment. Il hausse les épaules, pince les lèvres, ose croiser son regard un bref instant dans une supplication silencieuse que parmi tous les sujets sur lequel elle peut le titiller, celui-ci est le dernier qu’elle peut retourner contre lui. Son visage se radoucit lorsqu’il prend conscience de sa méprise et de l’impression qu’il a pu donner à Ivy, tentant de se rattraper bien vite : « C’est vrai, déso-. » Plus d’excuse, on a dit. Il prétend fermer sa bouche à l’aide d’une fermeture éclair avant d’afficher un sourire, qui s’excuse pour lui. Il ne pense jamais à mal, Kieran et lorsque c’est le cas, il fait de son mieux pour se rattraper. Il ne voudrait pas qu’Ivy s’imagine qu’il oublie sa place et qu’il se permet de juger pour elle – même si dans le fond, il persiste : il ne comprend pas en quoi le comportement qu’elle peut montrer en sa présence lui apparaît suffisamment utile ou intéressant pour persister. « Ta réponse ne m’aide pas à comprendre. » Qu’il souligne, un peu frustré. C’est un des besoins de Kieran, celui de comprendre les autres, les raisons derrière leurs intentions. Trop souvent dans l’ignorance de celles-ci, il a appris à s’en méfier et à les craindre. De là à dire qu’il craint celles d’Ivy, il n’y a qu’un pas et c’est la vérité. Malgré l’image positive qu’il a d’elle, il y a toujours cette peur, qui ne le quitte jamais, qu’elles soient utilisées contre lui pour lui faire du mal. « Pour savoir à quoi m’attendre. » Il précise en se pinçant les lèvres, refusant de donner plus d’explications. Il est gentil, il est bienveillant, mais il peut surtout être têtu quand il s’agit de se protéger. Kieran affiche un sourire timide lorsqu’elle précise qu’il ne la dérange pas – ce n’est pas grand-chose, mais après deux semaines à avoir l’impression de ne pas être à sa place, ces quelques mots ont une signification particulière. À son tour dans l’eau, il maintient la distance par réserve alors qu’il lance le jeu ; après tout, elle n’a pas tort, pourquoi attendre Elias ? Sauf qu’il a mille et une questions pour elle, mais lorsqu’il s’agit d’être plus créatif que cela, il sèche. « Hmmm. » Il marmonne, regardant autour de lui, hésitant. Il n’est pas très doué dans ce genre de jeu, Kieran – principalement parce qu’adolescent, on ne jouait pas à cela avec lui. On ne s’intéressait simplement pas à lui. « Nage le plus vite possible vers le rocher là-bas ? » Hésitant, au point de quémander confirmation qu’il s’agit d’une action qui entre dans les règles du jeu.

Je ne sais pas quoi penser du fait qu’il ment. Il se ment à lui même aussi très certainement. Il ne le voit pas lui même qu’il est mal à l’aise ? Ou est ce qu’il est vraiment tout le temps mal à l’aise ? J’essaie de le comprendre Kieran, il est étrange, mais il m’amuse pour le moment. Je ne dis rien et je lève les yeux au ciel, un peu excédée. Je préfère passer à autre chose, il vaut mieux pour que cette après-midi se passe bien. Encore une fois il allait s’excuser et il s’arrête avant de finir sa phrase. Il me fait rire avec sa fausse fermeture éclair, je secoue la tête avant de passer la tête sous l’eau. C’est agréable d’être ici, d’être loin de tous les autres.

“C’est pas censé être quelque chose qui s’explique.” Je souris, je n’ai jamais justifié une drague. Je ne drague pas souvent en même temps, mais Kieran m’amuse. “Tu voudrais que j’arrête ?” Même s’il dit non je n’arrêterais pas. C’est juste pour avoir une information, pour le faire réfléchir à une autre question et une autre réponse. “Tu penses que quoi ? Que je vais prendre toutes les informations que tu vas me donner pour les utiliser contre toi ?” Est ce que c’est vraiment ça qui l’inquiète ? Est ce que c’est pour ça qu’il reste tout le temps dans son coin et qu’il faut le pousser à parler ? Peut-être que j’avance dans mes recherches.

Il entre dans l’eau, il me suit et je m’y attendais. Il ne veut jamais me contrarier, il ne sait pas dans quoi il s’embarque. Est ce qu’il va vraiment céder à chacune de mes demandes ? J’espère pas pour lui. Je pouffe de rire, il est étonnant. “Ah ouais tu commences comme ça directement, je pensais que ce serait plus facile.” Je me moque un peu, je ris et j’attends de voir comment il réagit. Il est sérieux ? Je crois bien que c’est vraiment son défi. Je fronce les sourcils mais je nage vers le rocher qu’il m’indique. Je reviens, en espérant qu’il trouve de nouvelles idées pour les prochains tours. “Action ou vérité ?” Je serai certainement bien moins clémente avec lui.

« Ce serait bien, pourtant. » Il spécifie, plus pour lui-même que pour Ivy. Ce serait bien, pour les gens comme lui, qui n’ont pas tous les codes sociaux et qui ne parviennent pas à glisser entre les sujets sensibles, les interrogations, les incompréhensions, les frustrations et qui ne comprennent pas toujours l’hypocrisie, la moquerie, le sarcasme inévitablement provoqués par les liens sociaux. Comme à cet instant où il ne sait pas quel est le but de la manœuvre de la jeune femme, s’il s’agit d’une moquerie, d’un intérêt, d’un simple jeu, qui lui permettrait de moduler son comportement en fonction. C’est un point d’interrogation et c’est compliqué pour un Kieran qui a besoin de s’assurer une certaine sérénité dans ses liens que de savoir la manière dont il doit agir pour garantir cet aspect. Mais Ivy ne lui rend pas la tâche facile ; pire encore, elle le met constamment au défi, volontairement, en devenant elle-même un pour Kieran, ce qui va à l’encontre de tous ses principes. Alors pourquoi il apprécie cela, alors que d’ordinaire ça l’effraie plus que de raison ? « Non, enfin, je-c’est pas à moi de te dire quoi faire. » Il précise, en haussant les épaules, son regard qui fuit toujours celui d’Ivy. « Tu pourrais. » Qu’il rétorque automatiquement, avant de réaliser la critique sous-jacente ; « Enfin, non, pas que je-c’est pas une accusation, je pense pas que tu le ferais, mais tu pourrais, c’est tout, ça veut pas dire que j’imagine que c’est ton genre, je-. » Tais-toi. « Oublie ça, ça peut avoir d’autres explications, si ça se trouve c’est juste un jeu, de la moquerie ou de l’ennui. » Mais si cela est du premier niveau, il espère que le jeu n’ira pas trop loin et qu’il sera en mesure de dire stop à temps et, surtout, qu’Ivy l’écoutera. La dernière fois ne lui a pas réussi et il essaie encore de ramasser les morceaux de sa fierté – pourtant disparus à tout jamais. Et il sent, Kieran, qu’il est susceptible de contrarier Ivy, par ses interprétations probablement foireuses et le fait qu’il persiste à vouloir rester sur la terre ferme. S’il ne peut rien faire pour maîtriser sa capacité à dire ce qui lui passe par la tête, il peut au moins la rejoindre dans l’eau, ce qu’il fait. Il fronce les sourcils à la réflexion d’Ivy, se demandant s’il s’agit de la vérité ou d’un sarcasme, avant d’expliquer : « je vais pas te demander de rester sous l’eau pendant dix minutes, quand même. » Il pourrait. Mais ce serait outrepasser les règles du jeu et ce n’est pas son intention. Il l’observe nager jusqu’au fameux rocher, affichant un sourire de félicitations lorsqu’elle revient à lui. « Vérité. » En réalité, la question ne se pose même pas ; il n’est pas un homme d’action, elle l’a probablement déjà remarqué. Et, surtout, la sécurité d’une vérité peut être dissimulée derrière un mensonge, alors qu’il ne pourra pas prétendre pour éviter une action déplaisante.

”Pose des questions plus précises et je répondrai.” Un nouveau clin d’oeil pendant les rares instants où je capte son regard. Il pose des questions trop vagues, et une question en particulier dont je n’ai pas la réponse. Alors je continue de contourner, de trouver d’autres phrases, d’autres questions qui font que je n’ai pas besoin d’en dire trop. Je le drague, comme je le fais avec tous les types qui m’intéressent un peu. Mais je ne peux pas lui dire comme ça, il risquerait de se braquer et ce n’est pas la but. J’aime cette ambiance aujourd’hui, j’aime qu’on ait réussi à s’isoler et que je puisse continuer à le mettre mal à l’aise en disant tout ce qui me passe par la tête. Il n’a pas vraiment l’air de s’amuser autant que moi, mais je m’en fiche.

Il ne lui dit pas d’arrêter, donc pourquoi le faire ? “Je pourrais.” Oui je pourrais utiliser ce qu’il peut me dire contre lui, mais ce n’est pas mon but, pas déjà en tout cas. “Mais j’en vois pas l’utilité.” Peut-être qu’un jour il y en aura une, mais ça, il ne le sait pas Kieran. Il m’a l’air bien trop naïf pour se douter de ce dont je peux être capable. Il a l’air de m’apprécier, et je trouve encore ça étonnant après tout ce qu’il a pu voir sur ROA. “Si tu poses des questions je répondrai.” Je me répète, mais je veux savoir ce qui le fait douter à ce point. Il ne me connait pas vraiment, et c’est sûrement tant mieux pour lui. Alors peut-être que je mentirai quand je répondrai, ou peut-être pas.

Il me donne une action qui me fait sourire, je me moque un peu. C’est très enfantin, comme s’il n’avait jamais joué à ce genre de jeu quand il était adolescent. “Je suis pas habituée à ce genre d’actions.” En général, ça tourne autour des bisous, des jeux qui rapprochent. Je ne pensais pas qu’il me demanderai de nager. Il est étrange Kieran, et c’est ce qui me motive à rester encore un peu dans l’eau juste en face de lui. Vérité et ça ne m’étonne pas. Je réfléchis une seconde, je ne serai pas aussi clémente que lui, et chaque question peut être importante. “Est ce que je te plais ?” J’attends qu’il fasse un arrêt cardiaque, ou qu’il se mette à bégayer pendant des heures parce qu’il ne sait pas comment répondre, et déjà, mon sourire s’agrandit. "Action." Il va devoir réfléchir à plusieurs choses en même temps, et je me dis qu'il n'a peut-être même pas écouté le dernier mot.

« Je préfère éviter. » Et si elle le connaissait mieux, elle ne se surprendrait pas de ce retournement, passant d’une demande d’explications à un refus de la questionner. Il anticipe toujours, Kieran et il sent que la situation ne tourne pas à son avantage et est susceptible d’échapper au peu de contrôle dont il dispose s’il s’aventure sur ce chemin-là, raison pour laquelle il préfère abdiquer – quitte à passer pour un lâche, mais il a l’habitude et ne s’en offusque plus. Et si elle avait su capter son regard, c’est désormais sur l’eau que celui-ci s’oublie, le malaise de Kieran étant perceptible face à cette conversation ; le problème est que là où il aime anticiper, Ivy ne lui laisse pas cette possibilité et c’en est aussi insupportable que plaisant. Quant à savoir s’il voudrait qu’elle cesse de flirter avec lui ou non, c’est une question à laquelle il n’a pas la réponse, pas uniquement parce que Kieran ne sait jamais ce qu’il veut, mais surtout parce qu’il n’est personne pour décider à sa place. Ivy pointe du doigt l’un des facteurs qui l’empêche d’apprécier son comportement alors que tant d’autres voudraient probablement être à sa place. Et si la peur derrière la réserve de Kieran peut paraître surprenante, il n’est pas aisé d’être dans ses pompes : il a des raisons de penser de la façon dont il le fait et il en va de même derrière sa manière de se comporter. La jeune femme confirme qu’elle pourrait retourner ses propos contre lui et son visage se ferme un instant, avant qu’elle reprenne la parole. « Et j’espère que tu la verras jamais. » Mais est-ce vraiment important, puisqu’il n’imagine pas que les liens tissés au cours de ce jeu – même avec Elias – ne puissent perdurer dans le temps. Les gens l’apprécient ici compte tenu du contexte, en dehors ils ne tarderont pas à réaliser tous ses défauts et le poids qu’il représente dans un entourage. « J’en prends note. » Qu’il précise, réponse automatique du garçon qui n’osera pourtant jamais poser la moindre question, de peur que les réponses lui déplaisent. « Je suis pas habitué à ce genre de jeu. » Qu’il rétorque en guise d’excuse pour son action qui n’est pas à son goût. Il n’est pas totalement stupide, ne sors pas d’un autre monde contrairement à ce que l’on peut imaginer, il a seulement passé la majeure partie de sa vie en retrait – et cela implique de ne pas avoir eu une adolescence comme les autres, à base de soirées, beuveries et jeux qui rapprochent. Alors il n’est pas très au point, peut-être même très enfantin comme joueur, mais il y met du sien. Du moins, jusqu’à ce qu’il choisisse vérité et que la question posée le laisse interdit pendant quelques instants où il se contente d’être bouche bée en cherchant ses mots, tentant à quelques reprises de formuler une phrase, mais ne parvenant à émettre que quelques sons approximatifs. « Tu-tu pourrais me plaire. » Qu’il finit par révéler après quelques instants, les joues roses et le regard qui fait de son mieux pour ne pas être trop fuyant. « Je te connais pas assez pour... enfin, décider. » Qu’il tente se justifier plutôt que de simplement admettre que ce genre de questions, aussi superficielles soient-elles, lui sont difficiles à se poser compte tenu de sa situation. « Mais je-, enfin, si tu veux savoir à l’instant t, je- oui. » Qu’il murmure avant de rapidement se reprendre. « Ça veut rien dire, hein, t’inquiète pas, c’est juste que si- si tu me poses la question, la réponse est plus, elle est plus proche de l’affirmative que la négative, c’est sûr. » Car de ce qu’il voit, Ivy a peut-être un caractère trop affirmé qui lui fait peur, mais elle ne lui semble pas avoir un fond sadique et il serait mentir que de ne pas constater sa beauté. « Mais ça veut rien dire. » Il le répète, mal à l’aise, parce qu’il a l’impression de faire une déclaration qui n’en est pas ; Kieran est un cœur d’artichaut qui peut craquer sur quiconque a un mot gentil pour lui. Ce qui est certain, c’est qu’il aimerait revenir à son état de gêne initial, celui qui était supportable et son cerveau s’active, tandis qu’il se souvient de la demande d’Ivy. « Euh, tu... » Il réfléchit un instant, cherche une action qui ne la décevrait pas, qui ne concrétiserait pas le fait qu’il n’est d’aucun intérêt, comme elle doit commencer à le penser. Mais il ne veut pas s’aventurer sur le même chemin qu’elle et à vrai dire, il n’a pas grand-chose en tête ; le contexte du jeu ne s’y prête pas. À moins que... « La prochaine voiture que vous arrêtez, vous nous la laissez. » Il balance au hasard, bien qu’il n’osera jamais voler leur voiture. Mais c’est mieux que de la faire nager jusqu’à un rocher a priori et c’est ce qu’il recherche toujours : satisfaire les gens. « Action. » Qu’il anticipe à la va-vite, car il n’est plus si certain de l’aspect sécurisant de la vérité.

Je fronce les sourcils. “Pourquoi ?” Il se contredit. Il demande des réponses mais refuse de poser des questions. Ca m’intrigue, il m’intrigue de temps à autre. C’est pour ça que je cherche à le bousculer, à poser les questions auxquelles il ne veut pas répondre, celle qui le perturbe et que le font réfléchir pendant de longues secondes. Il me rejoint dans l’eau, je finis toujours par avoir ce que je veux avec Kieran. Ca me plaît, il me facilite la tâche et je n’ai pas besoin de lutter. Ca change de Martin. “Je suis presque vexée que tu penses que je puisse te faire un truc pareil.” Et pourtant, il a raison de se méfier Kieran. Parce que je suis capable de faire ce genre de choses, je le fais de temps en temps, mais pas avec lui pour le moment. Il ne me donne pas de raison de le faire, je n’ai encore aucune raison pour trahir sa confiance. Confiance que je n’ai sûrement pas d’ailleurs et c’est ce qui me fait rester à côté de lui encore, parce qu’il ne se confie pas vraiment, il évite toujours les sujets qui font qu’il s’ouvrirait un peu trop. Pourquoi il fait ça ? Par expérience, les gens qui sont comme ça sont ceux qui ont été les plus blessé, qui a bien pu lui faire du mal à lui ? A quel point est ce qu’il a été brisé ?

Il note mais il ne pose pas de questions et je grogne un peu en levant les yeux au ciel. Ca sera peut-être pour plus tard, ou pour jamais. “Je l’aurais pas deviné.” Je pouffe de rire avant de continuer à bouger dans l’eau. Moi je suis habituée à ce jeu, et je suis habituée à jouer avec les gens en général. Alors je lui pose ma question en continuant de le fixer. Ca a l’effet escompté, il panique presque, il met du temps à trouver ses mots et je connais déjà la réponse à cette question. Je le sais que je lui plais, je plais à tout le monde. Mais lui, je le déstabilise, c’est encore plus intéressant. “Je pourrais seulement ?” Je ne le laisse pas finir son explication et je le coupe, je sais que ça peut le perdre encore plus et je m’amuse vraiment à le faire galérer. Le oui me fait arquer un sourcil et sourire de plus belle. “Ca veut rien dire… A part que je te plais !” Un clin d’oeil et un air amusé sur mon visage.

Je demande une action, et je hoche la tête quand il me donne le mien. C’est original, je n’aurais pas pensé à ça. Et c’est plutôt intelligent. C’est le jeu, alors pince un peu les lèvres mais j’accepte. “Bien joué.” On a donc le droit d’utiliser l’aventure. Et de voler des voitures. Même s’il est très peu probable que je tienne mes engagements une fois la partie terminée. Il demande une action et ça me fait rire de nouveau, il a encore plus peur de la vérité que de l’action, il doit vraiment détester parler. Je me rapproche de lui et me plante devant ses yeux. Est ce que je continue d’être gentille ? Est ce que j’attends encore quelques tours pour le bousculer au maximum ? J’ai envie d’étirer la partie alors j’observe son regard qui continue de fuir le mien. “Tu tiens mon regard, jusqu’à ce que je dise ce que je veux faire pour le prochain tour.” Il n’y a pas de délais, il ne peut pas compter, il doit juste plonger son regard dans le mien le temps que je le déciderai. J’attends, peut-être une minute, ou dix, avant de sourire “Vérité.” Ca aussi, ça doit être étonnant à entendre.