« Cela dit, la réciproque est vraie… Tu ne m’as pas résisté longtemps… » Le sourire s’élargit sur son visage. Elle avait raison bien sûr, mais il ne s’en cachait pas. Alec était de ceux qui séduisaient, volage, charmeur, ayant le goût du jeu, ravi de découvrir de nouvelles personnes, encore plus de découvrir leurs draps. C’était plus facile ainsi. Plus facile de partir et de ne jamais revoir la personne qu’il avait fréquenté le temps d’une nuit que de revoir une femme qui lui plaisait, de prendre le risque de s’attacher et de se retrouver au final dans la même situation à chaque fois. Celle où toute sincérité devait disparaître et où il se retrouvait à mentir sur sa vie, sur ce qu’il faisait, sur où il disparaissait parfois. Alors non Alec ne résistait pas quand il s’agissait de femmes aussi belles et séduisantes que Mia, la résistance ne venait qu’après, quand il la reverrait la fois suivante ou la fois d’après. Il préfère l’oublier en se reprenant au jeu, en laissant ses mains vagabonder et s’accrocher à son pendentif, en sentant sa respiration si proche de lui.

Le jeu des questions ne lui parait pas dangereux, pas pour l’instant. Il se dit au fond qu’il ne la reverra pas, que ce soir sera la dernière nuit.  Mais il s’était aussi dit ça la fois précédente et même la fois d’avant. Mia ne semble pas être gênée d’avoir déjà brisé les règles du jeu, une question une réponse, et son sourire joueur lui donne envie de l’embrasser. Alec sait être patient et il laisse ses lèvres s’égarer dans son cou, donnant des possibilités de réponses qui se révèlent n’être que des mensonges. « Je suppose qu’il y a sûrement un peu de vrai dans chacune de ses affirmations ? » Il n’y en a pas et c’est presque un regret.  S’il avait eu le cœur brisé c’était de son propre fait en quittant le nouveau Mexique. Si sa relation avec Andréa n’avait jamais abouti, pouvait-il parler de cœur brisé là aussi ? Mais après tout il n’avait jamais osé lui dire finalement, trop conscient qu’elle aimait quelqu’un d’autre et préférant garder leur amitié améliorée sans attaches et sans autres complications. Il chasse Andréa de son esprit. Elle n’était plus dans sa vie.  Les femmes qu’il avait côtoyées avaient rarement le temps de partir en courant, il le faisait bien avant elle. Et si seulement il avait été d’un ennui redoutable, peut être que cela lui aurait facilité la vie. Il ne répond donc pas à cette question, haussant les épaules, se décidant à être un peu plus honnête, à lui donner une partie de la vérité.

« Tu pourrais en changer, si tu le voulais … Et je pense qu’au fond de toi c’est un peu le cas. Je me trompe ? Désolé, ça fait trois questions … Mais jamais deux sans trois n’est-ce pas».

Il hausse les épaules, indifférent, le regard distant, un sourire mutin toujours sur son visage. « Peut être. » Peut être que oui peut être que non. Il était là le début de la fuite. Cela commençait par se cacher derrière son air séducteur. Parce qu’elle avait touché juste du moins en partie. Il avait en effet envie de changer, rêvant parfois d’envie de plus, fatigué de ne pouvoir construire que des relations superficielles, fatigué de se cacher et de mentir. Mais il était persuadé qu’il ne pouvait pas changer de vie. Elle laissait entendre que cela relevait de son choix. Lui était persuadé que le choix avait été fait il y a des années quand il avait choisi de suivre Mitchell jusqu’ici.

Il en profite pour s’échapper, pour continuer la préparation des lasagnes, lui posant à son tour une question. « Tu pourrais le découvrir par toi-même si tu le lisais tu sais ». Il lui sourit à pleine dent, prédateur. « Mais c’est tellement plus agréable de t’entendre me révéler tes secrets. »  Elle soupire, sautant du plan de travail et se dirige vers la baie vitrée.

« Mes déceptions… Autant sentimentale que familiale… Si tu décidais de lire mon livre, tu découvrirais une nana brisée qui essaye tant bien que mal de garder la tête hors de l’eau » Son regard se fixe sur elle, son visage plus calme. Elle avait répondu plus sérieusement qu’il ne l’aurait cru. Il ne dit rien, chacun avait ses démons.   « J’ai hésité avec un joker, ce qui aurait été sûrement plus intéressant que cet instant vérité » Il lui sourit en retour. « Je pense que tu te sous estimes, si tu étais brisée tu n’en serais pas là aujourd’hui. » lui dit-il plus doux soudainement.  Après tout, Mia venait de publier un livre, elle était journaliste, sa vie avait l’air tout aussi intéressante qu’épanouissante. Une personne brisée n’aurait probablement pas accompli tout ça. Et il en voyait tous les jours des personnes brisées, entre les drogués en tous genre, les prostituées qu’il protégeait, l’illégalité avait le don d’attirer tous les types paumés et abimés de la ville.  « Bon à moi je suppose ? J’ai découvert que tu étais un chef cuisiner d’exception à la tête de ton propre restaurant… Est-ce qu’il y a d’autres choses que je devrais savoir sur toi ? » Il rit à cette question. Ca en était presque ironique tant il y avait des choses qu’elle aurait dû savoir sur lui. Il se contente d’assembler les lasagnes avant de les enfourner dans le four, se laissant un peu de temps pour réfléchir à la réponse qu’il souhaite lui donner. Il n’avait pas envie de lui mentir, pas aussi tôt. Alors il se contente d’informations qui lui semblent innocentes. « C’est déjà pas mal non ? J’ai rien d’autre de spécial malheureusement. » Il sourit moqueur, fuyant toujours. « Je sais pas ce que je pourrais te dire hmmm, je fais de la boxe, je cours pas mal avec Otis. » Il pointe du regard l’Akita qui s’amuse seul dans le jardin. « Je suis arrivé des Etats Unis il y a quatorze ans. » Ce qui explique l’accent qui est presque effacé maintenant, que rarement discernable mais Alec s’était habitué à se créer un nouveau personnage et se fondre dans la masse.  Maintenant que les lasagnes sont dans le four, il s’appuie contre le plan de travail face à elle, sirotant son verre de vin. Il le pose puis se rapproche de nouveau d’elle. « C’est à moi. » Il sourit, joueur, sa main venant se glisser dans le bas de son dos pour l’attirer près de lui. Il n’a toujours pas craqué, résistant toujours à l’envie de faire plus que la dévorer du regard.  Le visage redevient plus sérieux. Il relève doucement son menton. « Et qui sont les responsables de tant de déceptions Mia McKullan ? »  Va-t-elle lui répondre ? Il ne sait pas.

Ce n’est qu’un peu plus tard qu’il finit par sortir les lasagnes du four, après avoir installé la table. Il ressert les verres de vin. « Madame est servie. » Un clin d’œil. Ils avaient tenu jusqu’au repas sans se sauter dessus, cela relevait du miracle.

« Mon père… Et mon ex petit-ami » C’est étrange comme cette femme qui semble être si ouverte et si souriante se referme à la mention de ces deux personnes, le sourire oublié, le corps un peu plus éloigné.  Il ne demande pas plus de détails, cela sera pour une autre fois. Il pourrait lui dire alors que son père a lui aussi a été une belle déception, la source de ses plus grandes peurs et de ses plus grands regrets. Mais il ne dit rien, ayant toujours du mal à parler de la personne dont il a pris la vie il y a des années, peut-être parce qu’au fond le souvenir le bouffe encore.  Elle passe vite à autre chose et il le comprend parfaitement, le sujet a l’air sensible. « Et toi, je peux savoir ce qui t’a amené à Brisbane il y a quatorze ans maintenant ? » C’est à son tour de se détourner, de fixer son regard sur le chien qui court dans le jardin, qui s’amuse seul. Lorsqu’il pose de nouveau le regard sur elle, il semble un peu plus loin, un peu moins proche. « Mon frère. Il m’a demandé de le suivre et c’est ce que j’ai fait. » Un demi sourire étire le coin de ses lèvres. Il ne mentait pas au moins ici.

La conversation continue sur des sujets moins sensibles et le four finit par sonner, les lasagnes sont prêtes et Alec les sort après avoir installé la table. «  Ca sent bon. Uhm, je risque d’y prendre goût » Il la regarde d’un air moqueur. « C’est le but, comme ça je te recroiserais une quatrième fois. » Il lui fait un clin d’œil. Après tout il n’allait pas mentir, il commençait à dire que la demoiselle ne serait pas une simple histoire de nuits sous les draps, la soirée était en train de le démontrer. C’est la première fois qu’ils s’ouvrent un peu plus l’un à l’autre et apprennent à se connaître.

Le diner se passe bien, leurs rires raisonnent entre les bouchées et les lasagnes ont l’air de plaire. Lorsque le repas se termine, il l’observe se lever, venant s’installer sur ses genoux, ses mains autour de sa nuque. Il vient poser une main sur sa jambe, l’autre dans le bas de son dos pour la garder prêt de lui. « Je pense que cette fois je peux mettre un 10/10 sans hésitation » La remarque le fait sourire plus largement. Il la dévore du regard, sentant que la tension est à son comble qu’il est temps de craquer. « Je m’occupe du dessert si tu veux bien » Il n’a pas le temps de lui lancer une réponse moqueuse que déjà ses lèvres sont sur les siennes. Sa langue vient titiller la sienne, le baiser se fait plus passionné, le main qu’il a posé sur sa jambe remontant jusqu’à son visage pour l’attirer plus près, pour approfondir le baiser. Lorsqu’ils reprennent leur souffle, ses pupilles sont dilatées de désir, il a assez joué. « J’aime plutôt bien ce choix de dessert. » Il vient embrasser son cou avec avidité avant de venir passer ses mains sous ses fesses, se levant dans la foulée, la portant avec aisance. Le jeu est terminé, il n’a qu’une hâte lui enlever ses vêtements, embrasser chaque parcelle de son corps. Il monte donc vers la chambre, étouffant un rire dans son cou à chaque fois qu’il manque de trébucher parce qu’il est trop occupé à l’embrasser pour regarder où il va. La porte se referme derrière eux et Alec sait pertinemment que cela ne peut que mal finir, mais il n’en a que faire.