« T'as eu tes résultats? » « Ne t'en préoccupe pas. » Qu'elle n'essaie pas de s'inquiéter pour lui quand elle a une hanche brisée et les côtes en miettes. Ce n'est pas la pauvre arcade cassée de Saül ou un permis potentiellement retiré qui fera la concurrence des plaintes à une Ariane alitée. Elle remportera quand même les plats amenés sur le canapé, la meilleure part de pizza et le côté gauche. Elle va lui rétorquer qu'il n'a pas à lui dire quoi faire, c'est évident.

Et elle est enceinte. « Ah, ça. » Et pas surprise, en plus. La ride du lion refait son apparition sur le visage épuisé de l'italien. « Ah, ça ? » « Je voulais t'en parler. Avant qu'on soit dérangés. » « Tu savais. », qu'il murmure. Son pouce passe et repasse sur la peau de la main de la française. Elle savait, voulait lui en parler. Oui mais quand ? Depuis quand a-t-elle des soupçons ? « Je veux le garder. Toi tu fais bien ce que tu veux, mais ma décision à moi est prise. » « Attends. » C'est beaucoup à comprendre, soudain. Les mots prennent un sens net et tout à coup, Saül comprend les mots du médecins. Ses yeux ne se sont pas décrochés de ceux d'Ariane, bleu contre bleu. « C'est une décision que nous devons prendre à deux. Pas vrai ? » C'est irréel. C'est une discussion qu'il aurait dû avoir il y des décennies avec une autre personne, mais qui n'est jamais allée plus loin qu'un vague "toujours rien ?" atterré.

C'est soudain réel, tangible. Les yeux de Saül quittent ceux d'Ariane, font des voyages entre ses prunelles et son ventre, sous les draps. C'est engourdi qu'il repose sa tête sur le plat de sa main libre, dans un soupir fatigué. La seconde de ses mains est toujours fermement accrochée à la main libre d'Ariane. « Tu es sûre qu'il est de moi, hein ? » C'est un sourire qui fend les traits fatigués d'un Saül chamboulé. Ariane pourrait peut-être le tuer, ou à défaut le gifler, si elle avait la capacité de lever le bras pour pouvoir atteindre sa joue. « Je voudrais que tu te rétablisses dans un endroit où tu ne seras pas contrainte de grimper vingt marches par jour. J'ai autre chose à faire que de te porter partout. » Râler ne changera rien à l'avis que Saül a sur la question, assurément. Mordre et crier non plus. « Et je connais un endroit. » De l'autre côté de l'océan.

« Ah, ça ? »
« Oui, quoi? »
« Tu savais. »
« Je m'en doutais. »
« Attends. »

C'est un bon indice que j'ai pas besoin du moindre soluté de branché à mon bras si j'arrive à reprendre aussi vite la joute verbale contre lui. Pour me donner les points par contre, faut pas remarquer que mon souffle est court, ni que ma tête tourne. Ni même que je serre de la mâchoire et en vrai tout devrait bien se passer.

Jusqu'à ce que je me rappelle de ce qui était discuté dans la dite joute et qu'avec lui, le sujet amène également un Saül qui prend ses aises. « C'est une décision que nous devons prendre à deux. Pas vrai ? » s'il sourit à travers son souffle, moi, je sens en entier mon corps qui se tend. J'ai jamais attendu après personne pour prendre la moindre décision de ma vie. J'ai jamais partagé le choix de quoi que ce soit avec qui ce que ce soit non plus. Bonnes comme mauvaises, les décisions en entier et la manière de les assumer me sont toujours revenues. Il en voulait même pas d'enfant, il a jamais répondu quand je le lui ai demandé, préférant prétexter s'endormir en ronflant du sommeil du juste quand justement y'avait rien de juste là-dedans. « Sûrement. » je sais pas, première fois. Visiblement, ce qui se fait à deux pour nous c'est pas juste de jouer au poker, de sauter en parachute, de sniffer de la cocaïne ou d'être protagonistes d'un accident. Étonnant.

« Tu es sûre qu'il est de moi, hein ? »
« Connard. »

Ce qui se fait à deux aussi, ce sont les insultes qui vont et qui viennent. Qu'il fasse un autre commentaire pointant un doute tout sauf nécessaire et je dis haut et fort que je sais pas s'il est de lui ou de son frère. Il l'aura cherché avec son humour de merde quand le moindre rire même le moins mauvais me fait un mal de chien de l'épaule jusqu'aux reins. « Je voudrais que tu te rétablisses dans un endroit où tu ne seras pas contrainte de grimper vingt marches par jour. J'ai autre chose à faire que de te porter partout. » « Ouais, ouais, t'as un travail toi, je sais. » qu'il s'immisce dans mon rétablissement me chuchote à l'oreille que ce sera un beau bordel d'enfer auquel j'ajouterai autant de critiques que possible. Le seul ratio que j'ai trouvé servant à lui dire quand les journées vont bien comme quand elles vont mal. « Et je connais un endroit. » ses mots piquent moins, bien moins, quand il parle de partir et qu'après toute cette journée et cette soirée de merde, c'est tout ce que je veux.  « Ils ont dit quand je peux foutre le camp d'ici? » mes lèvres ont trouvé les siennes entre temps, une habitude apparemment.