J'appréhende, comme un con qui a oublié qu'après la question venait la réponse. J'appréhende qu'elle se lève et qu'elle montre un endroit, un second. Qu'elle cède à l'interrogation rien que pour qu'on finisse par clore le dossier. C'est bien trop naïf que de croire qu'il n'a laissé que quelques cicatrices sur Lily, c'est digne des plus grands imbéciles de dédramatiser le tout de la plus lâche des façons dans ma tête. Il a pas pu lui casser cet os-là et il a certainement pas plus la couvrir d'ecchymoses sur ces membres-là. Il n'a pas été assez fou pour marquer son corps à autant d'endroits et il n'a pas été suffisamment inconscient pour penser que ça se faisait, que c'était normal. De faire ainsi voir sa colère, sa rage et ses angoisses de la plus violente des façons. J'en ai des marques sur mon corps. La jeunesse casse-cou et l'adolescence insolente y sont pour quelque chose, l'arrivée de l'âge adulte ou du genre de et l'attitude bagarreuse qui venait avec ont suffit à compléter le tableau. Mais à chaque fois je l'avais cherché. Elle, jamais.

“Joseph a su pour Callum. Je sais pas comment, mais il sait.” si un gars avait fait ça à Jill ou à Ginny, il serait mort. Je serais prêt à parier que Joseph est allé danser sur sa tombe à Callum, sans le moindre regret. J'aurais fait pareil. Grand bien nous en fasse. “Mais il n’a jamais su pour le bébé.” « Il saura jamais de moi. » elle est une poupée de chiffon, Lily. Une porcelaine fissurée qu'on cassera à la seconde où on y appliquera même la plus indicible des pressions. Alors je la laisse se mouvoir et se placer comme elle en a envie, je la laisse prendre tout son temps. Elle pourrait y mettre des heures et des jours que je bougerais pas d'un seul millimètre de peur de la casser plus qu'elle ne l'est déjà. On y va à son rythme mais elle ne me parlerait pas de tout ça si elle ne voulait pas le greffer au mien. « Qu'est-ce qu'il a fait, quand il a su pour Callum? » mis à part organiser la plus grande fiesta de célébration de l'histoire de l'humanité. A-t-il été là pour elle? A-t-il pansé ses blessures? Les cicatrices qu'elle m'a montrées et devant lesquelles je n'ai pas détourné la tête, celles qui ont fini par guérir sans disparaître, a-t-il aidé à les soigner?

« Ça te définit pas. » que ma voix finit par ajouter, une mèche de ses cheveux en bataille que je passe derrière son oreille pour la seule et unique raison qu'ainsi, mes doigts peuvent s'égarer une seconde de plus contre la ligne de sa joue le temps d'y apposer une caresse et cinq autres. « T'es plus que ça Lily. T'es plus que l'ancienne petite amie d'un connard qui t'a fait autant mal ici que là. » de sa joue, mon doigt remonte à sa tempe, file à son coeur. La couverture qui était tombée une seconde plus tard revient sur ses épaules comme tant de fois déjà, celle-ci faisant bien plus mal que toutes les autres. « Et si pour me croire tu as besoin que je te fasse la liste exhaustive je peux, tu sais. » elle ne parle pas, elle ne parle plus. Elle n'a plus rien à dire alors je parle pour deux.  

Ses larmes ont depuis longtemps quitté sa peau pour être essuyées de la mienne. Mes lèvres goûtent salées mais elles goûtent Lily aussi, ça aide. « T'es brillante, t'es tellement intelligente que quand je suis avec toi je me sens encore plus con que d'habitude. » ce qui n'est pas une mince affaire. J'essaie de faire passer le message en cherchant tantôt ses prunelles des miennes, tantôt ses lèvres. Je veux y déceler un sourire, mais il tôt, bien trop. Alors c'est à son oreille que je viens murmurer, incapable de rester là à la fixer pour lui mettre une pression de réagir supplémentaire. « T'es généreuse au point où j'ai peur de devoir casser la gueule du monde entier de peur qu'ils profitent de ça et de toi. » elle pourrait rester muette pour le reste de la journée, de la semaine, du mois, de l'année qu'elle en aurait le droit. Elle en a déjà tant dit et tant subit, elle peut bien prendre tout ce temps-là pour elle. « T'es drôle, et venant de moi et sachant à quel point mon sens de l'humour est impeccable, avoue que c'est le plus grand des honneurs que je te donne là. » pendant que moi aussi, je prends mon temps. Mes baisers papillonnent, rien ne s'impose, rien ne reste longtemps. Pourtant ils repassent aussi inconsciemment sur ses marques, bel idiot croyant que de l'embrasser là où elle a eu si mal jadis aidera avec l'avenir.

« T'es belle, mais pas juste comme ça. T'es belle quand tu te réveille le matin avec tes yeux collés. Quand tu rentres des cours avec ton haleine de fille qui a pas parlé de la journée parce que t'étais trop concentrée à noter l'entièreté de ce que tes maîtres de stage disaient. T'es belle quand tu lis tes piles de livres et que tu fronces les sourcils et que t'as l'air prête à juger les personnages comme s'ils avaient fait des horreurs et qu'ils avaient besoin d'être grondés. »

La tirade vient entre deux baisers, deux soupirs, deux froncements de sourcils et deux paumes, de parts et d'autre de son visage. Mon front a fini par prendre place contre le sien, énième tentative ridicule de récupérer tout ce qui la torture et de le ramener de mon côté à moi du terrain. Elle a assez souffert, je l'ai dit, je le répète. Elle a pas juste partagé son passé avec moi aujourd'hui, elle m'y a fait une place pour aider à avancer. « J'ai envie de te dire merci. C'est idiot hen? » mon rire est las, probablement qu'elle l'est elle aussi. « Merci de me faire assez confiance pour me l'avoir dit. »

« Il saura jamais de moi. » Ce n’était pas une attaque, ce n’était pas une menace. Lily ne lui a pas dit ça pour le prévenir. Il est rare qu’elle parle sans d’abord avoir mesuré la portée de ses mots et leurs conséquences mais cette fois-ci c’était bien le cas : elle lui dit simplement parce qu’elle a confiance en lui. Elle lui dit, parce qu’elle souhaite lui faire comprendre qu’il est le seul dans ce cas là. Comme si c’était son rôle de le rassurer maintenant, elle hisse ses lèvres jusqu’aux siennes dans un mouvement ralenti, délicat. “Je sais.” Il ne dira rien. Quoi qu’il arrive, il ne dira rien. Et c’est pour ça qu’il sait. « Qu'est-ce qu'il a fait, quand il a su pour Callum? » Elle esquisse une moue, non préparée à ce que cette question arrive entre eux. Ce n’est pas un piège, elle doit s’habituer à ne pas se méfier de l’univers tout entier et elle se répète encore les mêmes mots, inlassablement. “Rien.” Elle ne sait même pas quand est ce qu’il a appris cette histoire alors ce serait encore plus difficile pour ellle de savoir ce qu’il a pu faire d’une telle information. Rien semblait la réponse adéquate mais désormais elle n’est plus sûre de rien, alors elle se reprend sur le tard, comme un enfant pris sur le fait. “Je sais pas.” Mais il n’aurait rien pu faire, de toute façon. N’est ce pas ?

Et il parle, Matt. Il parle sans ne jamais s’arrêter, il comble l’espace et tout ce qui va avec. Les larmes du visage de sa femme s’évanouissent, il les remplace par des sourires timides mais bien présent. Elle rigole même une fois, timidement mais sincèrement. Ses doigts se reposent un peu plus autour de son cou et elle cherche à glisser ses doigts entre les siens lorsque le brun les rapproche de son visage. Ses lèvres répondent toujours aux siennes comme jamais elles n’ont cherché celles d’un autre auparavant. Lily s’en veut de réagir ainsi face à des mots qui dénotent tant avec ses confessions mais si lui ressentait le besoin de les exprimer, elle, c’était les entendre dont elle avait tant besoin. Jamais personne n’avait eu de tels mots à son égard et pour une fois dans sa vie, elle n’a même pas la moindre idée de ce qu’elle peut bien répondre à une telle déclaration. Loin d’être gênée, elle en a été profondément touchée - dans tous les bons sens du terme.

Les fronts des mariés ne font plus qu’un alors qu’elle a retrouvé des couleurs et un petit sourire. Ce sont désormais les mains de la brune qui divaguent doucement sur son visage, se créant leur propre chemin entre sa mâchoire et son oreille, sa tempe et la commissure de ses lèvres. « J'ai envie de te dire merci. C'est idiot hen? » Pas aussi idiot que de s’inscrire à une émission pour se marier avec des inconnus. Les trucs idiots mènent à de belles choses, parfois. C’est d’un nouveau baiser qu’elle lui répond et le rassure, l’amoureuse. « Merci de me faire assez confiance pour me l'avoir dit. » Enfin, comme le ferait une enfant, elle vient passer ses bras autour de son cou et le serre assez fort pour poser sa tête près de la sienne et d’en oublier le reste du monde. “J’aurais voulu t’épouser sans cette émission.” Sans doute qu’elle l’aimait déjà avant qu’ils ne se passent la bague au doigt, mais il est encore trop tôt pour avouer qu’elle serait tombée amoureuse d’un homme après quelques discussions et une seule rencontre, il y a deux ans de ça. “Merci à toi. Pour tout.” Tout, absolument tout. Elle ne risque pas de se détacher de lui avant une éternité, que ce soit au sens propre ou au figuré.