| | | (#)Lun 3 Aoû - 16:06 | |
| Noah avait trouvé le jeu du siècle, à ses yeux du moins. Il comptait les vagues, attendait la septième qui était toujours la pire, et à ce moment-là lançait la balle de Pizza si loin dans les flots qu'il était autant trempé que le chien quand celui-ci s'élançait pour aller chercher son prix.
Je pense qu'il aurait pu continuer ainsi pendant une vie en entier. Loin de moi l'envie de l'arrêter, quand après avoir pris part à son stratagème j'ai simplement fini par m'installer dans le sable à portée. Mes pieds se sont noyés dans les remous, les orteils qui tracent des sillons à travers le grains si fins qu'ils flattent bien plus ma peau que la grattent. Le soleil tape derrière, ma nuque en sera probablement rougie d'ici une heure ou deux mais c'est bien le dernier de mes soucis quand la seule chose que j'entends résonner au loin est le rire de mon gamin d'une décennie déjà. Petite terreur qui a grandi si vite que parfois, j'arrive même pas à réaliser tout le temps qui a bien pu passer depuis son premier anniversaire jusqu'à une journée aussi simple, aussi douce qu'aujourd'hui.
Les vagues les ennuient maintenant. Chien comme gamin ont décidé de dériver à quelques mètres de moi, jouent à creuser dans le sable jusqu'à trouver des trésors. Les coquillages qu'ils dégainent de là à une vitesse folle, les cailloux et autres vestiges noyés, cachés sous le sol par les flots au fil des journées qui passent. C'est probablement le premier moment depuis qu'on est revenus du Mexique où je réalise profiter de l'instant présent. Sans penser au moindre diagnostic menaçant la santé du bébé ou la mienne, sans penser au moindre projet mis en attente parce que je dois me reposer, parce que je dois dormir, parce qu'il vaut mieux que tout soit mis sur pause en attendant que tout aille mieux. Tout va mieux en l'instant justement, et aussi terrifiée je reste que cela change, autant rassurée je le suis d'avoir le droit à quelques secondes de répit dans une vie à ne jamais en toucher la moindre possibilité bien longtemps avant que tout parte en vrille. |
| | | | (#)Lun 3 Aoû - 17:11 | |
| Il fronce les sourcils comme s’il tentait de se protéger les yeux du soleil mais ce n’est pas la raison pour laquelle une grimace s’étampe ainsi sur son visage. Plus loin sur la plage, près des rochers, il peut apercevoir une dame. Elle doit avoir soixante ans, à vue des rides sur son visage et des plis dans sa peau nue. Ce n’est pas une plage nudiste. Raphael en est certain. Lui, il porte son maillot de bain ainsi qu’un t-shirt pour se couvrir le torse – parce qu’il ne l’expose jamais, devenant le mec qui ressemble à un touriste à cause des marques de coups de soleil qui s’arrêtent nettement sur ses biceps. Mais là n’est pas le problème. Il y a une grand-maman, nue, à une trentaine de mètres de lui. Doit-il appeler la sécurité ? Est-ce légal ? Il n’en sait rien, le jeune homme, mais il finit par balayer l’air du revers de la main avant de se lever. Il sautille sur place pour se débarrasser du sable qui s’est glissé entre les plis de ses vêtements puis il s’approche de la mer pour marcher le long de celle-ci, les pieds submergés. Il se dirige évidemment dans la direction opposée à l’étrange dame nue parce que… Voilà, c’est pas trop agréable comme vision. Ses orteils rencontrent des coquillages, des algues collantes et, à chaque fois, il sautille sur place parce qu’il craint de se faire pincer par un crabe (il n’est vraiment pas dans son élément mais il apprécie de temps en temps de sentir l’odeur de la mer salée et le soleil dans ses cheveux bouclés qui semblent presque blonds à cette lumières.
Il marche une dizaine de minutes, les mains dans les poches, ses yeux découvrant les alentours. Mouettes et goélands se lancent des insultes dans le ciel quand il s’arrête parce qu’il reconnait une silhouette familière. Il s’agit de Ginny qui profite elle aussi des agréables températures. S’armant d’un sourire, il va la rejoindre en lui faisant un signe de la main. Il s’arrête à sa hauteur et s’écrase à ses côtés, les fesses directement dans le semble, lâchant une sorte de grognement digne d’un père de cinquante ans. « Salut Ginny. » Il dit enfin en replaçant ses cheveux collants vers l’arrière, ses doigts se coinçant dans quelques mèches remplies de nœuds. « Tu ne me croiras pas, je viens de voir un truc que je n’aurais pas dû voir. Là-bas (il pointe l’endroit d’où il vient), près des rochers et de la volée de mouettes, il y avait une vieille dame qui a probablement perdu son maillot de bain dans la mer. Elle se promenait complètement nue et heureusement que j’étais le seul à pouvoir la voir. Je suis rapidement parti parce que la vision n’était pas des plus intéressantes, tu peux t’imaginer pourquoi. Je n’avais jamais vu autant de peau pendre vers le bas. J’aurais peut-être dû l’aider, en fait… Elle était peut-être perdue. Je ne devrais pas me moquer. » Il se secoue les puces, il ricane puis il lance finalement les formalités : « Comment tu vas ? Tu es venue toute seule ? »
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| | | | (#)Lun 3 Aoû - 17:51 | |
| « Salut Ginny. » « Hey, hen, quoi, heeeey, salut! »
Ma voix passe de toutes les tonalités, de toutes les intonations. Si jadis c'était moi qui avait l'habitude d'arriver de nulle part dans sa vie, l'inverse est toute aussi vraie aujourd'hui et de le voir s'affaler à mes côtés a le don de m'arracher le plus grand des sourires. Il a les cheveux qui partent dans tous les sens, les miens ne doivent pas être mieux, mais je profite d'une seconde une seule pour user de mes doigts le moindrement agiles dans sa tignasse qu'ils connaissent depuis une vie pour replacer les couettes qu'il a lui-même oubliées dans son labeur. « Tu ne me croiras pas, je viens de voir un truc que je n’aurais pas dû voir. Là-bas (...) J’aurais peut-être dû l’aider, en fait… Elle était peut-être perdue. Je ne devrais pas me moquer. » j'éclate de rire une seconde avant de retenir mon amusement derrière ma paume, son histoire aussi pleine de malaises que ridiculisante pour la pauvre dame mise de l'avant dans le récit. « Ton karma, pense à ton karma Raph! » je tente, je justifie, la moquerie jamais bien loin, le fou rire que je finis par ravaler d'une inspiration complète et dédiée.
La seconde d'après, la brise vient barbouiller à nouveau ses cheveux, et tout est à refaire tant il a encore des noeuds. « Comment tu vas ? Tu es venue toute seule ? » « Bien, non. » du bout du pied, je lui renvoie une dose respectable de sable sur les orteils avant de réfléchir à la façon la plus simple et normale d'expliquer la suite. Mais évidemment comme toujours avec lui, c'est bien plus l'instinct et le naturel qui font la paire, et c'est bien évidemment ainsi que je finis par prendre sur moi et laisser aller l'information comme elle vient. Advienne que pourra. « Je suis avec Noah. » le gamin le plus horrible mais aussi le plus adorable, celui qui hurle son bonheur d'avoir trouvé un Bernard l'Hermite dans ses recherches exhaustives sur la plage. « Et Pizza. » le chiot aux miliers de prénoms qui répond autant à Pizza qu'à Pizzasagne qu'à viens mon gars y'a des miettes d'un repas non indentifié qui traînent encore sous la table qu'est-c'que tu fais à pas te gaver! « Devine lequel est lequel. » mon index pointe donc le premier et son second, lui laissant le bénéfice du doute, un jeu comme un autre. |
| | | | (#)Lun 3 Aoû - 18:21 | |
| « Hey, hen, quoi, heeeey, salut! » Sa façon d’apparaître à ses côtés est probablement un moyen pour lui de se venger de toutes les fois où Ginny apparaissait à sa droite à sa gauche, en arrière, sans le prévenir. Son cœur a trébuché dans sa poitrine trop souvent par sa faute, c’est à elle d’écoper un peu du prix des surprises. Sans lui laisser le temps de retrouver son souffle, il se lance dans la description d’une vision déstabilisante qu’il a eue quelques minutes plus tôt, une vision qu’il a carrément fuie, et il termine son histoire les yeux rivés vers le sol, pensant soudainement que cette dame avait peut-être besoin d’un coup de main pour retrouver de quoi la couvrir. « Ton karma, pense à ton karma Raph! » Il hoche vivement la tête en croisant son regard, les yeux gros comme des melons, par exagération. « T’as complètement raison, il faudrait que j’y retourne, que je lui prête mon maillot à moi. Mais ça ne va pas régler le problème des seins fla… » Il s’empêche de terminer la description de sa poitrine et il se contente plutôt d’imiter la forme avec ses mains.
« Bien, non. » Aussitôt, il se met à scruter les alentours comme un radar. Ginny tente de faire s’écouler plusieurs secondes avant de répondre, détournant l’attention de Raphael vers ses orteils qui se font recouvrir de sable chaud. Il comprend que quelque chose cloche alors il s’accroche à son regard en haussant à un sourcil. « Je suis avec Noah. » Les lèvres de Raphael s’entrouvrent et il se met automatiquement à la recherche du petit garçon dont il a souvent entendu parler mais qu’il n’a jamais rencontré comme si ce dernier était un secret de la plus haute importance. « Et Pizza. Devine lequel est lequel. » Un ricanement fait vibrer la gorge de Raphael et il observe les deux silhouettes : celle du petit garçon, puis celle du chien qui semble avoir trouvé un trésor dans le sable et qui y plonge son museau. « Quelle drôle d'idée d’avoir donné le nom d’un aliment à un enfant, quand même. T'as pensé à toutes les humiliations qu'il subira à l'école ? » Il ironise en grimaçant.
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| | | | (#)Lun 3 Aoû - 23:03 | |
| Raphael a joué beaucoup de rôles dans ma vie. Il est passé par plusieurs cases, en a même inauguré de nouvelles qui restent celles qu'on marque d'un coup d'oeil complice quand on nous demande d'où on peut bien se connaître tous les deux. N'en reste que malgré les années, il est toujours resté drôlement ambiant, parfois un souvenir d'antan, souvent une variable rassurante. « T’as complètement raison, il faudrait que j’y retourne, que je lui prête mon maillot à moi. Mais ça ne va pas régler le problème des seins fla… » mais là par contre, il est tout sauf rassurant, quand il ajoute des gestes à la parole, et que si ses paumes à lui sont occupées à faire dans l'horreur, les miennes me cachent les yeux dans la seconde. « Nonnononon pas des mimes en plus! »
Mes rires se noient à travers les vagues qui viennent se heurter à nos pieds, la dose habituelle de sable que j'ajoute à l'équation en attendant de trouver les bons mots qui finalement, ne seront jamais assez. « Quelle drôle d'idée d’avoir donné le nom d’un aliment à un enfant, quand même. T'as pensé à toutes les humiliations qu'il subira à l'école ? » il joue d'humour et il joue tout court, et le sourire que je lui renvoie le remercie de tout coeur. Toute l'histoire entourant Noah est si complexe et si douloureuse que je ne lui serai jamais assez reconnaissante de placer la discussion sous le signe le plus léger dont il est capable. « S'il commence jeune il aura du caractère pour l'avenir. Je pense à lui finalement, avoue que je suis une bonne maman. » les souvenirs des gamins qui se moquaient de moi reviennent, par dizaines. Et lui aussi il s'y creuse une place, dans un passé qui nous ressemble autant qu'il nous a forgés.
« Tu veux le rencontrer? » je redresse le menton, arrête de scruter ses orteils enterrés pour lui offrir une carte de plus dans un jeu qui entre nous deux n'a jamais vraiment eu de règles. « Le chien, bien sûr. » un fin sourire vient se loger sur mes joues, mes fossettes les creusent au passage. « Et mon fils. » peu importe s'il veut ou non, elle lui appartient sans que je me froisse la décision. |
| | | | (#)Lun 3 Aoû - 23:16 | |
| Il joue le clown, Raphael, comme si ses quelques contrats dans les fêtes d’enfants l’avaient habitué à faire des mimes, des grands sourires, des gestes amples. Mais, le mime qu’il fait en ce moment, il ne le reproduirait jamais devant des gosses parce que, bon, vous avez compris le problème. Il s’agit là de seins flasques. « Nonnononon pas des mimes en plus! » Il rigole quand elle se cache les yeux telle une enfant innocente qui n’a pas encore la moindre idée de ce qui se cache dans le monde. Des responsabilités, un loyer à payer, un métier à trouver, une poitrine qui perd son volume avec les années. « Je n’aurai pas besoin de te faire d’explications d’ici quelques années. Tu sauras de quoi je parle. » Clin d’œil moqueur. Puis le sujet redevient « normal », même si le jeune homme ne peut s’empêcher de faire du sarcasme lorsque Ginny lui désigne Noah et Pizza d’un signe de la main, le laissant deviner lequel est lequel. « S'il commence jeune il aura du caractère pour l'avenir. Je pense à lui finalement, avoue que je suis une bonne maman. » Il se pince les lèvres et fronce les sourcils en scrutant l’horizon tel un philosophe en pleine réflexion. « J’en sais rien. Regarde ce que nous sommes devenus. » Ils ont tous les deux vécu une enfance plutôt mouvementée, entre la solitude et les quelques rires ici et là. « Et il ne faut pas oublier que nous avons un nom normal, nous. » Il secoue la tête, fermement. « Nope, ton petit Pizza ne survivra pas jusqu’à son adolescence. Si j’étais toi j’agirais le plus tôt possible pendant qu’il est encore temps. » Il la taquine sans vraiment savoir qu’elle a le cœur lourd et qu’elle a besoin d’un peu de légèreté qu’il peut lui fournir. Ce n’est jamais bien pesant, avec Raphael. Il ne se passe pas beaucoup de choses dramatiques dans sa vie, il est un matelas confortable qui ralenti la chute des autres. « Tu veux le rencontrer? » Il observe le gamin tirer une poignée de sable dans les airs. « Le chien, bien sûr. » Petits rires contenus. « Et mon fils. » Il fait mine de réfléchir à la question, l’air trop sérieux : « Noooon, je ne préfère pas. Je ne voudrais pas le traumatiser avec mes histoires de dames nues. » Puis il marque une pause pour laisser Ginny patauger dans l’incompréhension et il lance : « Je plaisante. Évidemment que je veux le présenter. » |
| | | | (#)Lun 3 Aoû - 23:29 | |
| « Je n’aurai pas besoin de te faire d’explications d’ici quelques années. Tu sauras de quoi je parle. » « Je te déteste. »
Bien sûr que non, je ne le déteste pas. Et tout dans mon nez qui se fronce, dans ma langue que je lui tire et dans l'éclat de rire qui suit me trahit. L'idée de vieillir ne me fait même pas peur, même si elle est amenée par un garçon que j'ai mine de rien connu depuis toute ma vie. « J’en sais rien. Regarde ce que nous sommes devenus. » d'ailleurs, ce n'est pas au summum de ma gloire qu'on s'est rencontrés. « Et il ne faut pas oublier que nous avons un nom normal, nous. » « Tu sais, j'ai réalisé y'a pas très longtemps que j'ai pas mangé de pudding au riz depuis des années. » les souvenirs remontent et tatouent notre parcours. J'oublierai jamais la fameuse journée où il est venu jouer les héros, la cicatrice sous sa lèvre ne me le rappelant que trop. « Nope, ton petit Pizza ne survivra pas jusqu’à son adolescence. Si j’étais toi j’agirais le plus tôt possible pendant qu’il est encore temps. » « T'as raison. Je vais tout de suite partir à la recherche d'un thérapeute. » un rire de plus et j'inspire doucement. Il est temps d'être une adulte ou du moins, de le tenter.
S'il veut le rencontrer? « Noooon, je ne préfère pas. Je ne voudrais pas le traumatiser avec mes histoires de dames nues. » mes yeux lèvent vers le ciel, mes fossettes sont encore plus marquées. « Parfait. Je savais pas comment retirer mon invitation à la seconde où je l'ai faite. » une langue tirée et un oui soufflé, puis je me redresse un brin, ramène mes jambes en tailleur le temps d'attraper les prunelles de Noah au vol. « Hey bonhomme, viens ici deux secondes. » il gesticule en souriant, le visage plein de sable et de bonheur. Dans le creux de sa main gauche réside son Bernard l'Hermite qu'il a sûrement nommé pour l'occasion. Il jogge vers nous, Pizza à sa suite. « Je te présente Raphael. J'avais ton âge quand je l'ai rencontré. » poli le gamin, qui lui tend la main, attendant qu'il l'attrape pour statuer, pas gêné pour deux sous : « Ils sont cool tes souliers. J'en veux des pareils! » |
| | | | (#)Lun 3 Aoû - 23:50 | |
| « Je te déteste. » Large sourire, dents droites dévoilées, fierté sur son visage qui n’a pas perdu les traits de son enfance.
« Tu sais, j'ai réalisé y'a pas très longtemps que j'ai pas mangé de pudding au riz depuis des années. » Le commentaire le fait ricaner. Il avait presque oublié cette histoire de pudding au riz et, pourtant, c’est le dessert qui les liens, qu’ils le veuillent ou non. Sa lèvre s’est fendue une seule fois dans sa vie et c’était pour le protéger, ce dessert à base de… de… gelée blanche parsemé de mottons gluants concassés. De quoi faire saliver n’importe quel chef michelin. « Ça ne te manque pas trop, j’espère ? Parce que je ne suis toujours pas prêt à me sacrifier une deuxième fois pour un contenant de l’un d’eux. » Puis il ajoute, en une confession : « Et je dois t’avouer que j’ai jamais goûté à ça. » Ça ne l’a jamais intéressé. Il a toujours visé les desserts bruns qui témoignent d’une trace de chocolat. « T'as raison. Je vais tout de suite partir à la recherche d'un thérapeute. » Et il approuve d’un signe sérieux de la tête comme s’ils venaient de clore une discussion des plus responsables.
Il est ensuite question de rencontrer le petit garçon excité sur la plage et c’est évidemment pour Raphael : il veut rencontrer le fœtus qui est sorti du ventre de Ginny. Mais il ne peut s’empêcher de commencer par le sarcasme – peut-être pour cacher sa nervosité. « Parfait. Je savais pas comment retirer mon invitation à la seconde où je l'ai faite. » Et elle entre dans son jeu, comme d’habitude. Il l’aime bien pour cette raison. Elle comprend le second degré. « Hey bonhomme, viens ici deux secondes. » Aussitôt l’appel lancé, Raphael se racle la gorge comme s’il avait peur de faire mauvaise impression. Pourtant, il sait parler aux enfants, il en côtoie tous les jours. Il ne devrait pas être nerveux et pourtant, si. « Je te présente Raphael. J'avais ton âge quand je l'ai rencontré. » Sans attendre une seconde, l’homme glisse sa main dans celle du garçon. Elle est toute petite, sa main, elle pourrait disparaître entre ses doigts s’il les fermait. « Salut Noah ! » Aussitôt, l’attention du gosse se rive vers les chaussures qu’il trainait avec lui. « Tu achaleras ta mère si tu en veux comme ça ! Il y a de toutes les couleurs, ça s’appelle des Converses. » Puis il détourne les yeux vers le Bernard l’ermite dans sa main. « Tu lui as donné un nom ? »
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| | | | (#)Mar 4 Aoû - 14:28 | |
| J'ai tôt fait de perdre le compte des vagues quand Raphael s'occupe de nous aligner vers un aller retour pour memory lane du bout de ses énièmes blagues du jour. « Ça ne te manque pas trop, j’espère ? Parce que je ne suis toujours pas prêt à me sacrifier une deuxième fois pour un contenant de l’un d’eux. » « Faut choisir ses combats dans la vie, t'as mené le tien comme un héros. » ma main tapote sur torse alors que mon visage lui renvoie l'air le plus faussement affligé que j'ai en banque. J'ai jamais su de quelle façon lui dire merci convenablement, pour ce jour-là. Probablement que je passerai toute ma vie à chercher comment finalement. « Et je dois t’avouer que j’ai jamais goûté à ça. » « Ma faute, je les gardais tous pour moi. » que je pouffe de rire, bonne joueuse. Égoïste à l'époque uniquement pour la seule chose que j'arrivais à ingérer sans broncher.
« Salut Noah ! » Noah donc, qui arrive en grand conquérant, les cheveux plein de sable et de soleil, le chien sur ses traces. « Tu achaleras ta mère si tu en veux comme ça ! Il y a de toutes les couleurs, ça s’appelle des Converses. » ses yeux dérivent sur les Converse de Raph qui n'ont rien des miennes. Les siennes sont propres alors que celles que je porte éternellement sont en tout temps recouvertes d'une infinité de taches de peinture. Mes mains s'égarent sur les poils de Pizza que je tente de nettoyer en sachant très bien que la seconde d'après il se roulera sur lui-même en faisant de la plage son nouveau lit pour l'après-midi. « Tu lui as donné un nom ? » « Bernard III.» qu'il scande, fou de joie qu'on le lui ait demandé. « J'en ai vu deux autres mais ils se sont enfuis, du coup ça fait de lui le troisième héritier. » logique petite bête que j'embrasse furtivement, avant de saluer avec sérieux la créature qui s'agite contre sa paume. « Ça chatouille! » qu'il se plaint, bonhomme. La seconde suivante le Bernard l'Hermite se retrouve au sol à courir pour sa vie quand c'est maintenant Pizza qui décide de courir après lui. |
| | | | (#)Mer 5 Aoû - 1:34 | |
| « Faut choisir ses combats dans la vie, t'as mené le tien comme un héros. » S’il y a bien une chose pour laquelle les deux ne se sont jamais entendus, c’est cette histoire. Ginny l’a toujours qualifiée d’héroïque et que lui s’en souvient comme il se souvient de sa gastro la plus brutale : un moment humiliant et douloureux. Croyez-le, il n’y a rien de gratifiant dans un moment où la toilette est la seule issue. « Je continue de penser que tu exagères complètement. Mais je dois admettre que c’est grâce à ce moment qu’on se connait aujourd’hui. Et, ça, je peux le prendre comme une victoire. » Parce qu’il l’adore, Ginny. Il n’a pas beaucoup d’amis et elle compte aujourd’hui parmi les gens les plus importants de sa vie. Elle a son soutient, il a le sien. Il n’oublie pas la date de son anniversaire et elle non plus. « Ma faute, je les gardais tous pour moi. » Et heureusement parce que l’apparence de ces desserts blancs ne lui a jamais mis l’eau à la bouche.
Devant le garçon de Ginny qu’il rencontre enfin, on ne peut entendre la gêne dans ses mots ni la déceler dans son comportement. Il a trop longtemps côtoyé des enfants pour en avoir peur comme il a peur des adultes. Il a l’impression de comprendre leur cerveau mieux qu’il comprend le sien. Parce que, au fond, un enfant c’est si simple à comprendre. Les responsabilités qui viennent avec la croissance n’ont pas encore bousillé leurs neurones. « Bernard III. » Wow ! Quel nom original. C’est ce qu’il a envie de dire mais, s’il n’a pas peur que le petit comprenne le sarcasme, il sait très bien que Ginny est là pour l’entendre. Il n’a pas envie de recevoir une tape derrière la tête. « Très mignon. » Il dit alors en tendant le doigt vers le petit animal sans pour autant le toucher. Et si jamais ces trucs pinçaient ? « Ça chatouille! » Puis le chien court, puis l’enfant à son tour. Rigolant doucement, Raphael les observe s’enfouir comme si jamais lui et Ginny n’avaient existé. « Comment ça se fait que je n’ai jamais pu le rencontrer avant aujourd’hui ? » Le danseur demande ensuite en tournant la tête vers son amie, les paupières plissées par la lumière forte du soleil.
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| | | | (#)Jeu 6 Aoû - 18:36 | |
| « Je continue de penser que tu exagères complètement. Mais je dois admettre que c’est grâce à ce moment qu’on se connait aujourd’hui. Et, ça, je peux le prendre comme une victoire. » fût un temps, mes joues auraient finit rouge pivoine à la seconde où Raphael aurait scandé un truc du genre. « Tu peux. C'est comme ça que je le prends aussi. » pourtant, après tout ce qui a bien pu se passer entre nous, reste qu'il est et sera toujours l'un de mes meilleurs amis. Il a tout vu et tout vécu, il a tout su aussi, ou presque.
Le presque étant ici Noah. Le gamin aux milliers de boulets accrochés à la cheville, le gamin qui était maudit à la seconde où il est apparu dans nos vies. L'enfant surprise qui nous a tous catapultés à Londres sans même le savoir, le gamin qui n'a rien demandé à personne et qui a toujours obéi à tout ce que mes parents l'ont obligé à faire et à vivre. Il a vécu à travers nos drames et s'en est sorti comme un chef, il a vécu à travers sa maladie et a fini par s'en sortir aussi. Si désormais la vie est douce et la vie est simple avec lui, il y a des tas de données que j'ai gardées loin de Raphael. Pas par manque de confiance, pas parce que je ne le croyait pas capable de le supporter. Strictement parce je préfère et de loin garder notre relation à l'abri de tous les démons qui ont secoué ma vie depuis bien trop longtemps.
« Comment ça se fait que je n’ai jamais pu le rencontrer avant aujourd’hui ? » c'est le moment de faire amende honorable, c'est le moment de clarifier ce qui ne sera jamais simple à expliquer, mais que je lui dois sans même me forcer. « Parce qu'il vient avec une partie de ma vie que j'aime pas beaucoup raconter. » la grossesse surprise, le déménagement forcé à Londres, les racines arrachées ici, les mensonges qui n'ont pas finit de s'accumuler. « Mais c'est un petit garçon bien, vraiment. Il est mille fois plus cool qu'on était à son âge aussi. » il a survécu à la maladie, il a survécu à une famille éclaté, il a survécu à mes histoires brisées, il a survécu à tout pour aujourd'hui être heureux, pour vrai, autant que je le suis à ses côtés. « Je pense même qu'il est meilleur que toi au moonwalk. » la moquerie fait du bien, reste légère. Tout l'est avec Raphael. |
| | | | (#)Jeu 6 Aoû - 19:15 | |
| « Tu peux. C'est comme ça que je le prends aussi. » Une guerre qui s’est transformée en une paix indestructible. Il aura fallu beaucoup de temps pour Raphael avait de considérer Ginny comme une véritable amie, lui qui a trop souvent eu l’impression qu’elle tentait de le ridiculiser quand ils étaient encore au primaire : parce que c’est ce que faisaient les autres. Il ne pouvait pas voir qu’elle le regardait autant parce qu’elle l’aimait et non parce qu’elle tentait d’en apprendre davantage sur lui pour mieux le briser.
Il est mignon, Noah, et Raphael se permet d’interroger davantage Ginny à son sujet quand le petit garçon décampe sur ses deux courtes jambes pour retourner le sable ailleurs. Il cherche peut-être Bernard 4 pour marier le troisième du nom. « Parce qu'il vient avec une partie de ma vie que j'aime pas beaucoup raconter. » Silencieux, le jeune homme observe les deux pupilles de Ginny, serrant ses jambes contre lui pour poser son menton sur ses genoux. Il ressemble à un gamin qui attend qu’on lui raconte une histoire avant d’aller se coucher. « Mais c'est un petit garçon bien, vraiment. Il est mille fois plus cool qu'on était à son âge aussi. » Il esquisse un sourire avant d’hocher la tête. « Ce n’était pas bien difficile de faire mieux. » Puis il jette un coup d’œil à Noah, soupirant. « Mais oui, il semble moins contrôlant que toi et moins orgueilleux que moi. » Des paroles lancées seulement pour faire réagir la jeune femme qu’il vient de traiter de germaine. Il ne le pense pas vraiment. « Je pense même qu'il est meilleur que toi au moonwalk. » L’air choqué, il fait claquer sa langue contre son palet. « Ne dis pas de bêtises. » Malgré tout, il ne serait pas surpris si Noah était réellement meilleur que lui pour exécuter cette danse. Cela fait trop d’années qu’il ne l’a pas faite. « La partie de ta vie où tu es disparue à Londres, c’est ça ? » Il demande, le ton à nouveau sérieux, désirant en savoir plus au sujet de cette péripétie qui est passée sous son radar.
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| | | | (#)Jeu 6 Aoû - 20:16 | |
| Mes pieds sont noyés de vagues, de sable, de soleil. Les siens aussi. « Ce n’était pas bien difficile de faire mieux. » j'éclate de rire, sachant parfaitement qu'à dix ans et des poussières, on n'étair pas les gens les plus glorieux. « Mais oui, il semble moins contrôlant que toi et moins orgueilleux que moi. » mes yeux roulent sur eux-mêmes, ma tête se secoue de la négative, je lui tire même la langue en guise de riposte, amusée. Avant de piquer là où je sais pouvoir l'atteindre doucement, la vanne qui n'en est qu'une. Parce qu'au final, rien ne me rendrait plus heureuse que de voir Raphael apprendre à Noah à danser le moonwalk comme il le faisait si bien jadis - sûrement encore aujourd'hui. « Ne dis pas de bêtises. » qu'il grogne, qu'il râle. Moi, j'en finis plus de rigoler.
« La partie de ta vie où tu es disparue à Londres, c’est ça ? » « Ouais. » il y va en douceur, il fait toujours ça. Il est lointain, le temps où j'ai ressenti le moindre jugement de sa part, la moindre attaque non plus. C'est bien pour cela que je prends le temps de doucement inspirer, sachant que l'époque cruelle où je lui cachais le moindre détail sur la vie compliquée à Londres est terminé. On passe à autre chose, on avance. Ce chapitre-là aussi, est mieux derrière nous que devant. « J'étais enceinte de lui quand je suis partie. Il est né là-bas et si tu le lui demandes, il te fait un accent britannique incroyable. » la blague, toujours, le sourire qui vient avec. Il est fatigué mais il est là, et c'est tout ce qui compte. « Je suis contente d'être rentrée. Il faisait pas assez soleil à Londres. » et j'étais seule, à Londres. Si seule, tellement seule. « Et c'est ici que je voulais le voir grandir. » parce que c'est ici la maison. |
| | | | (#)Jeu 6 Aoû - 21:04 | |
| « Ouais. » Il ne la jamais interrogée davantage au sujet de cette décision soudaine qu’elle avait prise de décoller jusqu’au nord de la Terre. Ils ont gardé contact grâce aux réseaux sociaux et aux quelques appels téléphoniques mais jamais il ne se faisait intrusif. Raphael est le genre de garçon à ne pas s’immiscer dans la vie privée des autres pour ne pas être obligé de s’ouvrir en retour. Ses pensées, ses rêves, ses secrets : ils sont tous préservé dans un petit coffret dont seul lui possède la clé. Et pourtant, il en aurait, des colères à évacuer. Parce qu’il approche la trentaine et il n’arrive toujours pas à savoir qui il est. Il s’approprie l’identité de ceux qui l’inspirent, du danseur de Broadway au meilleur professeur de maths qui arrive à faire sourire tous ses élèves. Puis, le soir, quand il rentre chez lui et qu’il ferme la porte de sa chambre, il redevient ce néant sans personnalité. « J'étais enceinte de lui quand je suis partie. Il est né là-bas et si tu le lui demandes, il te fait un accent britannique incroyable. » Elle a toujours le mot pour rire et elle ne loupe jamais son cou. C’est souvent la surprise qui soulève la poitrine de Raphael alors qu’il rigole doucement en passant sa main dans ses cheveux, réalisant une troisième fois qu’ils sont très collants et qu’il mériterait de se doucher. « J’en doute pas. » « Je suis contente d'être rentrée. Il faisait pas assez soleil à Londres. » Il repense à Swann, son correspondant anglais, et la nostalgie le frappe comme une brique. Il se souvient de tout ce qu’il racontait dans ses lettres au sujet de Londres. Il en disait du bien et du mal, et Raphael faisait pareil avec Brisbane. Parce que l’herbe est toujours plus verte chez le voisin. Mais pas selon Ginny. « Et c'est ici que je voulais le voir grandir. » Il lui offre un sourire doux et soupire doucement en reportant son regard vers l’horizon. « Parce qu’il n’y a rien de mieux que le soleil australien. »
Il marque une pause pour laisser le temps à Ginny de respirer. La question qu’il s’apprête à poser, il l’a évitée pendant des années. Et, pourtant, il arrive à la formuler aujourd’hui sans bégayer : « Qui est le père ? »
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| | | | (#)Jeu 6 Aoû - 23:51 | |
| Fût un temps j’aurais tenté de meubler chacun des silences entre Raphael et moi par des dizaines de milliers de questions. Tenter d’éviter la moindre bribe muette, m’assurer de ne pas laisser place à un moment où il aurait été ennuyé, où il se serait senti distrait et las d’être à mes côtés. Désormais, ce sont nos silences que j’apprécie plus encore que tout le reste. Il a cette capacité à calmer qui que ce soit est dans son périmètre, il a cette aisance à dédramatiser toutes situations même (surtout) les plus delicates.
Brisbane était l’endroit où je voulais revenir avant même d’avoir été forcée à partir. Brisbane était là où je voulais que Noah fasse ses premiers pas et dise ses premiers mots ; pas que ce soit ici qu’on lui diagnostique une maladie héréditaire qui a bien failli le faire y passer.
« Parce qu’il n’y a rien de mieux que le soleil australien. » il n’y a rien de mieux, en effet. On a vu le monde où presque avec Auden. On a voyagé et on s’est envolés d’un côté à l’autre du globe n’en reste que c’est ici que la notion de maison et de racines me semble encore la plus forte. Qui sait où demain elle sera par contre. C’est ça qui rend les choses douces et belles, c’est ça qui en vaut la peine : avoir la liberté de choisir où évoluer, où grandir.
Et elle vient sans étonner personne, la question qui pendant des années à fait autant de mal à être entendue qu’à trouver sa réponse. « Qui est le père ? » il a un échantillonnage de figures paternelles variées et nombreuses Noah, pourtant c’est bel et bien dit que la vérité vaut toujours mieux que le reste et qu’apparemment l’étiquette est chose précieuse autant pour mon ami que pour moi aussi. « Ezra. » que je souffle, répondant pour l’une des premières fois à la question posée par quelqu’un de mon passé à qui jamais je n’aurais menti. « Mais il se cherche toujours un grand frère cool à qui piquer ses Converse, si jamais tu connais quelqu’un d’intéressé par le rôle. » un sourire de plus, un soupir de moins. |
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