| (#)Ven 7 Aoû 2020 - 5:46 | |
| Dix années se sont écoulées sans que Raphael n’ose demander la vérité. Il n’a jamais eu l’impression d’être assez légitime pour l’obtenir. S’il ne l’avait pas guidée jusqu’à une discussion aussi sérieuse, il aurait peut-être plaisanté en prétendant que la vie amoureux de son amie est une série de téléréalité. Parce qu’elle en a vu de toutes les couleurs – lui aussi, d’ailleurs, il a déjà écopé une fois et s’est promis de ne plus jamais la toucher. Parce qu’il n’à qu’à repenser à cet homme qui s’est incrusté dans le party pour sentir sa cheville s’endolorir à nouveau. « Ezra. » Un prénom qu’il a déjà entendu, au moins. Il ne s’agit pas d’un parfait inconnu qu’elle a vu seulement une nuit. Mais ça l’aurait surpris d’entendre le contraire car Ginny n’a jamais été ce genre de fille – enfin, il ne croit pas qu’elle a couru les bars lorsqu’elle le pouvait. Elle lui aurait caché un tas de choses s’il se trompait à ce sujet. « Mais il se cherche toujours un grand frère cool à qui piquer ses Converse, si jamais tu connais quelqu’un d’intéressé par le rôle. » Souriant à pleines dents, il comprend que c’est le signal que lui envoie la jeune femme pour changer de sujet. Aussitôt, il se relève, essuie ses mains sur ses shorts puis accourt vers Noah pour lui vendre du rêve : « Tu sais que, du haut de mes épaules, tu pourras voir de l’autre côté de l’océan ? » Ahuri par cette promesse, le petit garçon ouvre la bouche à en gober les mouches et tend les bras pour que Raphael l’attrape. Il le glisse sur le haut de ses épaules pour le laisser enrouler ses jambes autour de son cou. Le maintenant fermement contre lui pour sa sécurité, il s’exclame : « Alors, tu peux voir Londres d’ici ? » Et le rire de l’enfant résonne à travers les vagues qui caressent le sable chaud. |
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| (#)Ven 7 Aoû 2020 - 18:00 | |
| Il y a quelque chose de rassurant à ce que Raphael sache pour Noah. Il ne sait pas tout et probablement qu'un jour, je lui dresserai l'entièreté du portrait de la chose, des drames qui ont eu lieu ici comme là-bas. Mais pour le moment, c'est avec une retenue qu'il ne presse pas et qu'il juge encore moins que je lui liste les différents détails importants guidant l'arrivée de Noah dans ma vie, du père qui a suivi. Là encore, les rapports avec Ezra n'ont rien de ceux qui étaient en place quand j'ai quitté le pays, et si aujourd'hui je peux aisément dire qu'il est un père incroyable et que Noah est franchement très chanceux de l'avoir, l'histoire se rappellera toujours de la fuite vers Londres en catastrophe au moment où Matt m'avait affirmé haut et fort à quel point Ezra ne voulait rien savoir de la grossesse. On passe à autre chose j'ai dit, on oublie.
« Tu sais que, du haut de mes épaules, tu pourras voir de l’autre côté de l’océan ? » Raphael comprend tout, tout le temps. Il comprend les silences et il comprend les secrets, il comprend les coups d'oeil et il comprend l'entre deux-lignes. Le fait d'avoir grandi dans son périmètre a autant d'avantages comme ceux-ci, que d'inconvénients comme les traits grossiers qu'il ne gênerait pas de rappeler en pointant mes vieilles photos d'album de finissants s'il le pouvait. À la guerre comme à la guerre.
Noah a le regard qui brille et le sourire qui pourrait toucher le ciel tant il est immense. C'est lui d'ailleurs, qui s'élance vers les cieux, quand Raphael l'attrape pour le hisser tout en haut de ses épaules. Ses paumes sécurisent les cuisses de ma terreur, terreur qui n'est pas effrayée du tout alors qu'il place sa main en visière au-dessus de ses yeux rien que pour confirmer les dires de mon plus vieil ami. « Alors, tu peux voir Londres d’ici ? » des rire encore et toujours, auxquels j'ajoute le cliquetis habituel de mon argentique toujours prêt à être dégainé en de telles circonstances. Les vagues les guident maintenant qu'ils s'improvisent explorateurs, la plage est leur terrain de jeu lorsqu'ils l'envahissent pour l'après-midi en entier. Pizza a pris pour cible les mollets de Raphael rien que pour s'improviser un jeu en aparté du leur. |
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