Dans ce genre d'états, Wren était simplement insupportable mais surtout sans gêne. Il ne se souviendrait probablement pas de tous les événements de la soirée le lendemain matin mais il fallait considérer que c'était certainement mieux ainsi parce qu'il ne serait pas fier de se retrouver dans la position de l'homme qui avait bien failli replonger. A coup sûr, le grand homme n'aurait que Mia à remercier pour l'avoir sauvé d'une position aussi embarrassante: et s'il s'était effectivement piqué avec cette aiguille, que se serait-il passé pour lui? Tout un chemin fichu en l'air, une désintoxication lourde en compagnie de Gabriel mise à la poubelle, tout cela aurait juste été une catastrophe de la plus grande ampleur. Ce cher Doherty n'avait pas encore conscience de tous les faits, pour sûr qu'il les aurait tous en tête après que la nuit fut écoulée mais il restait encore le type inconscient avachi au fond du canapé, apparemment insensible à tout ce qui se passait et à tout ce que la blonde pouvait lui dire. Lorsqu'il avait bu, c'était trop fréquemment le cas, le côté sombre de Doherty se révélant au grand jour, pire qu'un démon de la pire espèce. La preuve, il ne sembla pas réagir à l'attaque de verre d'eau de la part de la jeune femme, se contentant d'un rire sarcastique en réceptionnant le coussin sur le coin du crâne, pas plus gêné de squatter sans ménagement chez quelqu'un qui n'avait franchement rien demandé ce soir-là. "Je fais cet effet là, oui, on me l'a déjà dit." Est-ce qu'il était vraiment en train de faire une allusion salace? On pouvait s'attendre à tout avec Wren mais celui-là s'assoupit bien vite, ne se réveillant que bien des heures plus tard, avec un casque au lieu d'un crâne lambda. Autant dire qu'il eut bien du mal à se lever pour se diriger vers la cafetière... Il était où là? Il lui fallut un petit temps pour reconnaître les affaires de Mia et se demander ce qu'il avait bien pu faire la veille, actionnant la machine en attendant que la brume s'évanouisse autour de lui. Puis, l'apparition de la jeune femme lui permit d'oser un faible sourire, merde, qu'il pouvait être con parfois. "Désolé d'avoir dormi chez toi... D'ailleurs, comment je...?" Comment était-il arrivé là? Oui, c'était la bonne question, Doherty.
« Je fais cet effet-là, oui, on me l’a déjà dit ». Je levais les yeux au ciel à ses dires et mimait l’envie de vomir. Il était insupportable, ne lâchant pas le morceau jusqu’au moment où il s’endormit enfin. Je préférais attendre qu’il s’endorme pour être sûre qu’il ne profiterait pas que je sois dans ma chambre pour s’enfuir à nouveau. Je n’avais pas fait tout ça pour qu’il bousille tout et aille trouver le premier camé du coin pour avoir sa dose. Je partais alors me coucher plus sereinement, espérant qu’il serait plus propice à discuter le lendemain matin. Au final, moi qui était parti pour boire quelques verres et qui voulait m’en enfiler un en rentrant, je n’avais même pas pu le faire. Je pourrais au moins le remercier pour ça, autrement, j’aurai peut-être fini dans le même état que lui… Et j’aurai certainement été encore moins agréable avec lui, le laissant dans sa merde dès la première remarque cinglante de sa part.
Je fus réveillé par un bruit lointain de cafetière en marche. J’attrapais mon téléphone pour voir l’heure. Il était aux alentours des huit heures et j’avais aussi un message de Knox me disant qu’il ne rentrerait que plus tard. Ca aurait été pu être lui dans la cuisine, rentrant d’une soirée bien tardive… Mais ma mémoire me rappela que j’avais ramené le Doherty chez moi hier soir. Je soupirais, me souvenant pour ma part de toute la soirée avant de m’extirper du lit. Je me dirigeais d’un pas lent vers la cuisine avant de voir la tête de Wren, qui semblait dans le brouillard « Désolé d’avoir dormi chez toi… D’ailleurs, comment je… ? ». J’avais envie de lui faire une mauvaise blague, lui faire croire n’importe quoi puisque, visiblement, il ne se souvenait de rien. Une manière pour moi de me venger pour le sale moment qu’il m’avait fait vivre. Je m’approchais alors de lui, passant ma main délicatement sur son épaule pour le contourner « Tu ne te souviens pas chéri ? ». Je riais doucement avant d’attraper la tasse qu’il venait de se servir « Merci. Tu me dois au moins ça » fis-je en amener celle-ci près de mes lèvres, redevenant sérieuse « Qu’est-ce qui t’a pris Doherty hier soir ?! » Je n’étais même pas sûre qu’il se souvienne de son dérapage, heureusement manqué « Tu te souviens au moins de ce que tu as failli faire ? ».
Se réveiller en dehors de son lit était une sensation des plus communes pour Wren, lui qui était un fêtard invétéré et un coureur de jupons notoire. Néanmoins, ce matin-là avait une saveur plus étonnante, il y avait comme un goût de regret dans l'air. Ce n'était franchement pas le genre du grand Doherty de posséder ce genre d'émotions, pas après qu'il se fut retrouvé dans une situation plutôt alcoolisée. De manière générale, le suédois n'avait pas honte de grand chose, se complaisant fort bien dans ses actes puériles et mesquins mais, cette fois, en tout cas, le tout semblait différent. Il était comme gêné d'être là, dans le salon de Mia, à baver sur le coussin de son canapé quand il n'avait pas prévu de passer sa soirée avec elle, a priori. Combien d'épisodes avait-il manqué depuis le dernier verre ingurgité? Un bon paquet apparemment et Wren n'était pas persuadé de pouvoir rejouer le fil de l'histoire cette fois-là parce que les souvenirs s'étaient évaporés dans les effluves de whisky ou de gin. Il ne savait même pas ce qu'il avait bu, un comble pour un grand dadais comme lui qui tenait si bien l'alcool habituellement. Doherty mettrait sûrement le tout sur le compte de la fatigue, il ne voyait que cela de toute manière alors qu'il allumait la cafetière et qu'il cherchait dans tous les placards les tasses pour la boisson à venir. Mia choisit cet instant-là pour se montrer, d'humeur plutôt joueuse apparemment. De quoi frustrer le nordique de bien des manières, une revanche assurée pour elle après la nuit qu'elle avait dû passer. "Non, on a pas..." Son regard lançait des signaux d'alerte parce qu'il se souvenait de ce genre de détails habituellement. "J'aurais pas dormi sur le canapé si c'était le cas, tu m'auras pas comme ça, toi." Elle avait bien failli néanmoins, à lui tourner autour comme une chasseuse de perdrix. Wren lui tendit la tasse de café bien chaude par la suite, tentant de se concentrer pour répondre à ses questions. Rien de plu difficile pour être parfaitement honnête. "De quoi? De boire? Je sais pas, une envie de m'amuser assez idiote, semble t-il..." Cependant, le grand brun n'avait pas toutes les cartes en main pour réagir, il ne savait même clairement rien du tout sur la situation qu'elle exposait à l'heure actuelle. "De ce que j'ai failli faire, c'est à dire?" Il commençait à avoir peur en soufflant sur le café brûlant. Il y avait clairement quelque chose de louche là dessous et Doherty n'était pas tout à fait pressé de déterrer les cadavres, là, tout de suite.
J’avais besoin de me venger parce qu’il m’en avait fait voir de toutes les couleurs. De toute évidence, il ne se souvenait de rien. Absolument rien. Donc autant le faire mariner un peu, bien que ça ne m’enlèverait pas le goût amer de la soirée de la veille « Non, on a pas… ». L’expression dans son regard me fit déjà rire intérieurement. Il était limite en panique « J’aurai pas dormi sur le canapé si c’était le cas, tu m’auras pas comme ça, toi ». Je le contournais alors, arquant un sourcil, continuant encore un peu mon jeu « Et bien, tu as tellement eu de piètres performances que… Désolé » fis-je en grimaçant et en haussant les épaules. Vengeance vengeance, je n’allais pas te louper Doherty. Cependant, mon expression redevenue sérieuse alors que j’attrapais la tasse de ses mains. J’essayais de voir s’il se rappelait de quoi que ce soit. Mais visiblement, c’était le néant total dans son cerveau. Il n’avait aucun souvenir, mis à part les verres qu’il avait ingurgités avant de vriller « De quoi ? De boire ? Je sais pas, une envie de m’amuser assez idiote, semble t-il… » Enfin un mot censé, une envie idiote ! Alors si pour l’alcool il pensait ça, comment allait-il réagir lorsque j’allais devoir lui dire qu’il avait faillir replonger « Je t’applaudis parce que tu te rends compte toi-même que tu as eu une envie idiote. Mais je ne parlais pas de tes innombrables verres que tu as pu avaler… J’aurai préféré que ça s’arrête à ça… ». Je m’asseyais de l’autre côté du comptoir sur un tabouret pour lui faire face. Il n’avait plus aucun souvenir, j’allais devoir lui dire « De ce que j’ai failli faire, c’est-à-dire ? ». je déposais doucement ma tasse devant moi avant de poser mon regard sur lui « Wren, sérieusement tu te souviens de rien ? » Je soupirais, un peu déséspéré. Je pourrais ne rien dire, le laisser dans le déni, garder ça pour moi, pour son bien. Mais non, il devait savoir « Tu m’as envoyé un SOS hier, me disant que tu t’apprêtais à faire une connerie. Regarde ton téléphone, tu verras par toi-même ». J’aurai pensé qu’au moins pour ça, il était encore conscient. Visiblement non. Je le laissais checker son téléphoen avant de reprendre « T’as failli replonger Doherty ! Je suis arrivée à temps. Tu avais la seringue à dux centimètres de ton bras. Comment tu ne peux pas te rappeler de ça ? C’est grave ! ». Je terminais ma phrase sur un air agacé « Tu vas recommencer à chaque fois que tu auras un verre de trop dans le nez ?! ». J’étais en colère contre lui car il était capable de tout foutre en l’air en rien de temps… Et ne s’en souvenait plus quelques instants plus tard.
Il ne pouvait jamais se contenir, ne pas faire la moindre connerie, rester dans la légalité. Ce n'était pas tout à fait la devise des Doherty de manière générale, il fallait qu'ils aillent tous dans l'excès à un moment ou un autre, se complaisant dans des justifications aberrantes pour leur piètre existence. Wren était l'exemple tout trouvé, lui, le gamin des rues qui avait soit disant réussi à s'en sortir en devenant pompier pour sauver la veuve et l'orphelin. En réalité, il ne l'était devenu que parce que le feu l'appelait, rien d'autre, encore des considérations parfaitement égoïstes, ce que chaque être humain était de toute manière, à un degré plus ou moins variable. Le suédois en était un hors pair, s'outrant nécessairement des mots que venait d'utiliser Mia. Et puis quoi encore? "Impossible ce que tu racontes donc ça prouve que j'ai raison et qu'on a rien fait." La logique était implacable et l'ego beaucoup trop important pour que le grand brun puisse accepter de se faire malmener de la sorte et il était clairement loin d'être au bout de ses peines ce matin-là. Le pauvre avait oublié plus ou moins tout ce qu'il avait entrepris la veille et cette épisode sombre dans la ruelle était apparemment passé à la trappe avec tout le reste. Le suspense était à son comble alors que McKullan parlait et que Wren ne faisait pas sens du quart de ce qu'elle pouvait babiller. Comment cela elle aurait préféré que l'affaire s'arrête juste à cela? Qu'est-ce qu'il avait encore trafiqué sans s'en rendre compte? Doherty fronça tout bonnement les sourcils, dans l'expectative de ce que la blonde allait devoir lui annoncer. "J'étais au bar et j'ai bu, c'est tout." Pour lui, c'était déjà pas mal et pas de quoi en faire un plat s'il s'était mis à poil sur le comptoir, le suédois n'était pas pudique pour un sou de toute manière. Il dût toutefois observer son téléphone et ne pas franchement s'offusquer de son message, même si ce n'était pas son genre d'envoyer des bouteilles à la mer de la sorte. "Et donc?" Quand on était ivre, on faisait souvent cela, rien de pathétique, si? Il resta coi cependant lorsque Mia cracha enfin le morceau, il n'en recracha pas son café, heureusement. "J'ai fait quoi? Pardon, j'ai pas bien saisi là. Comment ça retomber et l'aiguille? Wow, trop rapide là, Mia. Pourquoi je ferais ça sans déconner?" Il n'y avait pas que lui qui aimerait savoir, c'était évident. Quel gâchis.
Le Doherty détestable n’était jamais très loin même sobre « Impossible ce que tu racontes donc ça prouve que j’ai raison et qu’on a rien fait ». Je tournais ma tête de gauche à droite, désespérée par ses dires. Il ne s’était jamais rien passé entre nous mais notre relation était tellement explosive que je ne préférais même pas imaginer une seule seconde des ébats autre que verbaux « Incroyable Doherty, incroyable ». Je le connaissais suffisamment pour que cela ne m’étonne plus venant de lui. En tout cas, bien que sur ce sujet il n’avait pas perdu le nord, on ne pouvait pas en dire autant quant à la soirée de la veille. Il ne se souvenait de rien. Ce qui m’inquiétait à dire vrai car, vu ce qu’il avait failli faire, si à chaque fois qu’il buvait un coup de trop, il se retrouvait ainsi, cela ne présageait rien de bon pour son envie de reste clean. « J’étais au bar et j’ai bu, c’est tout ». Oui ça encore il s’en souvenait et heureusement. Mais c’était tout. Je lui disais de prendre son téléphone pour lire le message qu’il m’avait envoyé, un SOS d’un mec en détresse « Et donc ? ». Bon visiblement, cela ne le choqua pas plus que ça. Mes yeux roulèrent encore avant de lui raconter tout ce qui s’était passé. Et encore, je ne lui disais que le principal. Pas sûr qu’il apprécie d’entendre les paroles qu’il ait pu prononcer et qui ont pu être blessante « J’ai fait quoi ? Pardon, j’ai pas bien saisi là. Comme ça retomber et l’aiguille ? Wow, trop rapide là, Mia. Pourquoi je ferais ça sans déconner ? ». Si seulement je pouvais répondre à sa place « Ca j’en sais rien, je suis pas dans ta tête et heureusement. Mais oui tu étais à deux doigts de te piquer et j’ai intercepté le truc à temps. T’en avais rien à faire de replonger, t’a été ignoble avec moi, tu m’as dit des trucs complètement dingue et ça ne te faisait ni chaud ni froid que j’appelle Gaby pour le prévenir ». Je lui balançais tout d’un coup, lui qui pourtant m’avait dit que c’était trop rapide. Mais bon, il m’avait fait vivre un enfer hier soir et je n’allais certainement pas l’épargner ce matin. Je reprenais une gorgée de mon café, attendant une réaction de sa part. Mais son air interloqué en disait déjà long pour lui « Franchement, je t’ai détesté et je pense qu’il va me falloir plus de café pour que je ne puisse ne plus t’en vouloir ».
Il avait toujours des argument en béton armé lorsqu'il s'agissait de protéger son ego de mâle en manque d'amour, un vieux cliché que le suédois était obligé de véhiculer en petit adolescent malheureux qu'il avait été. Il avait bien fallu que Wren se rattrape dans un domaine et au bout du compte, il avait réussi à en choisir plusieurs, tous sacrément ancrés dans le vice histoire de bien rentrer dans la famille Doherty comme il se devait. Alors, il avait commencé à fumer très jeune, avait connu sa première fois dès qu'il en avait eu l'occasion également et la drogue avait suivi assez rapidement. Au final, le vice qu'il aimait le moins, c'était bel et bien l'alcool, un comble pour l'homme qui avait totalement déraillé à cause d'elle la veille. "Ah là, c'est plus crédible quand tu dis que c'était incroyable." Il lui fit un clin d'oeil, le nordique, parce qu'l avait clairement capté son ton ironique et usé en l'entendant parler de ses performances en ses termes. Doherty n'alla pas jusqu'à rire, probablement parce que la suite de la conversation ne s'y prêtait vraiment pas. Non, il n'avait aucune once d'idée de ce qu'il avait bien pu faire la veille et à en voir le regard de Mia, rien de tout cela n'avait dû être fameux. Il attendit donc patiemment le récit des événements, sans se douter une seule seconde que le pot aux roses avait concerné son pire ennemi et dans le même temps, son meilleur allié. La drogue. Pire encore, l'héroïne et cela n'avait rien à voir avec un petit joint ou un rail, Wren connaissait les conséquences de l'aiguille et il prit une bonne minute pour digérer l'information. Il voulait faire le garçon détendu face à cette annonce mais à l'intérieur, le suédois était loin de se sentir fier de ce qui aurait pu se passer si McKullan n'était pas apparue au moment opportun. "Hum, je vois. Désolé pour ça, je sais pas ce qui s'est passé, vraiment. C'est la première fois que ce genre de trucs m'arrivent, peut être que c'est ce que j'ai bu..." Si seulement Wren se rappelait de tous les détails, peut être que le tout l'aiderait à ne pas recommencer mais on ne pouvait jamais avoir la moindre certitude avec ce grand dadais. "Il va te falloir quoi? J'envoie un petit message à Gaby pour le rassurer après toutes ces connerie et on peut en discuter. J'ai joué au con là, mais eh, je vais pas recommencer." Il tentait sûrement de se réconforter, autant que de désamorcer la colère de Mia. En réalité, Doherty ne savait pas du tout s'il tiendrait le cap de la sobriété. Tout était possible quand on aimait le risque autant que lui. Non, le feu.
Il continue encore et encore de se vanter de ses soi-disant excellentes performances au lit, il en devient lourd, comme la veille quand il ne pouvait s’arrêter de m’envoyer piques sur piques. « Ah là, c’est plus crédible quand tu dis que c’était incroyable ». Je fais semblant de me taper la tête contre une des portes du placard haut de la cuisine « Argh, tu m’agaces Doherty ! ». J’entrais dans une légère colère similaire à la veille, ce qui n’était pas bon signe. Il était sobre, je n’avais plus à faire semblant. Cependant, je changeais subitement de ton, juste pour l’emmerder. Mon côté schizo fit surface alors, me retournant vers lui, sourire aux lèvres, m’approchant pour l’attraper par le col « A moins que tu me montres tes talents cachés, car je suis très dubitative. Et tu sais, j’en connais un rayon sur… tout ça ». Non, être en présence de Doherty allait finir par me rendre complètement timbrée, bonne à enfermer. Je le relâchais aussitôt en riant, m’éloignant pour prendre place face à lui.
Je décidais de raconter à Wren ce qui s’était passé la veille puisqu’il n’en avait plus le moindre souvenir « Hum, je vois. Désolé pour ça, je sais pas ce qui s’est passé, vraiment. C’est la première fois que ce genre de trucs m’arrive, peut être que c’est ce que j’ai bu… » Il faisait preuve d’un calme déconcertant et pourtant, il semblait surpris de ce que je pouvais lui raconter. Mais ce qui me fit sourire et lever les bras au ciel fut le mot désolé « Halleluyah, tu l’as dit ! ». Je me ressaisissais rapidement « Pardon, mais tu m’en a fait tellement voir que le désolé que tu viens de me dire n’est pas de trop. Plus sérieusement, je ne sais pas pourquoi tu as agi de la sorte mais j’espère sincèrement que c’était la première et dernière fois. Pas sûre de tenir le coup la prochaine fois ». Non, je n’étais vraiment pas sûre de pouvoir faire preuve d’autant de patience. Je l’assommerais cette fois, c’était mon unique échappatoire si jamais la situation se représentait. « Il va te falloir quoi ? J’envoie un petit message à Gaby pour le rassurer après toutes ces conneries et on peut en discuter. J’ai joué au con là, mais eh, je ne vais pas recommencer ». Je réagissais immédiatement au fait qu’il voulait écrire à Gaby « Non ne le fais pas ! » Je marquais un temps de pause, voyant Wren m’interrogeait du retard « Je ne lui ai rien dis, j’ai bluffé ». Oui, j’avais fait semblant de l’appeler pour essayer de faire réagir Doherty mais cela n’avait eu aucun effet « Après c’est toi qui voit si tu souhaites lui en parler ou non… En tout cas, oui t’a été un vrai con hier soir Doherty. Je ne sais pas moi-même comment tu peux faire pour apaiser mon envie de te tuer ! ». Je le fusillais du regard, levant ensuite les yeux au ciel, laissant apparaitre un petit sourire au coin des lèvres.
Il n'était pas toujours le plus apte à gérer ses émotions, c'était le moins que l'on pouvait dire tant Wren perdait le fil ces dernières années. Il avait bien essayé de retrouver le droit chemin en devenant pompier mais ses petites incartades avec les forêts alentour avaient au raison de cette carrière pourtant si prometteuse. C'était un problème récurrent avec Doherty, de toujours briser tout ce qui l'approchait, les moindres graines de positivité, il fallait absolument les annihiler. C'était pour cette raison que toutes ses relations passées avaient été des échecs cuisants, le grand homme ne se montrant pas à la hauteur d'un rôle de petit ami idéal. Il n'était franchement pas aisé de lui faire confiance et il n'y avait sûrement que Gabriel qui était resté là à chaque étape ces deux dernières année et ce, même si son ami avait enchaîné les déceptions. Il fallait au moins un homme comme cela, pour calmer les peines d'un Wren toujours en proie avec ses incroyables démons. Il envisageait de les vaincre néanmoins, sauf quand il avait bu, apparemment. "Mais ça me fait plaisir, Mia." Il n'y avait certainement pas plus beau compliment aux yeux du suédois parce qu'il adorait atteindre les gens, surtout en mal. Il sentit la rage de sa comparse mais il ne bougea pas d'un cil de son côté, même lorsqu'elle l'attrapa par le col de a chemise, impassible Doherty. "T'es mignonne mais t'es encore beaucoup trop jeune pour tout ça, va." Il posa sa main sur sa tête pour la tapoter, peut être qu'il désirait la mettre en rogne pour de bon ou peut être que c'était un jeu qui l'amusait réellement, on n'avait jamais de réels moyens de le savoir avec un homme comme lui. Il paraissait toujours si solennel alors que Mia venait de lui balancer une bombe par rapport à tout ce qu'il avait fait la veille: hors de question de montrer ce qu'il ressentait face à toutes ces horreurs mais il pouvait au moins s'excuser de son piètre comportement, un début que tout le monde n'obtenait pas avec Wren. "La prochaine fois, si ça arrive, je t'emmerderai pas, promis, je choisirai un autre contact si ça dérape." Il espérait sincèrement ne jamais revivre une telle situation, la faiblesse ne lui seyait guère et Wren avait la mâchoire contractée en réfléchissant çà tout cela, pas franchement aidé par la réaction de McKullan en face de lui. "On en parlera, lui et moi, on se cache pas grand chose... Ton envie de me tuer? Bah écoute, je sais pas, c'est pas comme si je me rappelais de tous les détails et que j'étais doué pour autre chose que provoquer ce genre de réactions chez les autres." Il avait au moins conscience de toutes ses failles, pourquoi les cacher dans ce cas? "Je peux toujours y aller, tu sais." Si jamais c'était trop pour elle, Wren pouvait terminer son café en quatrième vitesse et aller s'échouer dans son canapé.
J’aurai pu ce matin avoir une once de compassion, essayer de le comprendre pour la veille, me dire qu’il n’y était pour rien et qu’il avait juste vriller, perdu pied… Mais il me remontrait à nouveau le Wren que j’avais haïe au plus profond de moi hier soir et qui m’avait mise hors de moi. Je lui montrais mon agacement et il s’en réjouissait « Mais ça me fait plaisir, Mia ». Je bougonnais, le regard noir, il allait me faire devenir folle. Je devenais un peu schizo et tentait quelques secondes après de le séduire pour changer la donne. Mais là encore, il me sortit quelque chose qui me fit redevenir aussitôt colère « T’es mignonne mais t’es encore beaucoup trop jeune pour tout ça, va ». Arggghhh j’allais finir par le tuer sur place. Et puis il tapotait la tête là, comme si j’étais une gamine. Je détestais ça. J’avais l’impression de me retrouver à mes seize ans avec Jill qui me voyait comme une enfant « Tsss, si seulement tu savais » marmonnais-je dans ma barbe. Non parce que le Doherty avait toujours cette vision de moi, peut-être, mais il y avait pas mal de choses qu’il ignorait sur moi. Bref, ce n’était qu’un détail futile car là, il fallait que je lui rafraichisse la mémoire. Je me rendais compte que j’aurai pu lui raconter n’importe quoi, il ne pouvait pas le savoir car il ne se souvenait de rien. « La prochaine fois, si ça arrive, je t’emmerderai pas, promis, je choisirai un autre contact si ça dérape ». Ouais c’était pas une mauvaise idée. Bon ok, fallait que ma colère redescende, je ne voulais pas qu’il en conclut ça non plus. Je soupirais et disais malgré moi « Tu fais chier vraiment parce que tu m’as fait passé une soirée de merde et que t’a été un enfer. Mais… » Raaa c’était dur à dire « Si jamais tu repars en cacahuètes, tu pourras me recontacter. Je peux faire ça pour toi ». Ouais parce qu’au fond, je l’aimais bien malgré tout. Puis, on se connaissait depuis l’adolescence, nous avions renoué il y a quelques temps désormais et, lorsque je le croisais à son boulot, on se marrait bien « Fin n’en abuse pas, parce que la prochaine fois tu ne te réveilleras pas chez moi mais à l’hosto ». Il était averti. Je lui avouai cependant que je n’avais pas appeler Gabriel, bien que j’avais essayé de lui faire croire la veille. Mais de toute manière il ne s’en souvenait pas « On en parlera, lui et moi, on se cache pas grand-chose… Ton envie de me tuer ? Bah écoute, je sais pas, c’est pas comme si je me rappelais de tous les détails et que j’étais doué pour autre chose que provoquer ce genre de réactions chez les autres ». C’est bien il le reconnaissait. Ok ok je me calme « Bien que j’apprécie que tu reconnaisses tes défauts, tu n’es pas bon qu’à ça non plus… ». Je haussais les épaules et terminait mon café. « Je peux toujours y aller, tu sais ». Faisant à nouveau le tour du comptoir pour me servir un deuxième café, me faisant ainsi revenir près de lui, je le regardais sourire aux lèvres « T’inquiètes un peu plus ou un peu moins ». Je lui donnais alors un petit coup de coude « Plus sérieusement, tu peux rester je pense que le plus gros de la tempête Doherty est passée. Et si tu as encore besoin, bah ma foi, restes. On peut se faire une session affalée dans le canap’ à se disputer pour le programme qu’on veut regarder et critiquer tout ce qu’on voit ».
Se mesurer à un Doherty n'était jamais un exercice aisé, surtout pas quand il était dans cet état, un matin après la décadence. Wren n'était clairement pas l'homme le plus agréable de cette planète mais il savait aussi ce qu'il valait. Il pouvait tout à fait plaisanter, rire de Mia, de sa désinvolture face à cette tentative avortée de séduire un grand suédois qui ne l'avait jamais vue autrement que comme une amie, ou une partenaire de crime. Ils avaient tout fait ensemble dans le temps mais surtout n'importe quoi, en se mettant la tête à l'envers, s'entraînant l'un l'autre dans des péripéties catastrophiques parce que l'appel de la drogue était toujours le plus fort. Leur vice avait bien failli les détruire, Mia avant Wren par ailleurs parce que c'était elle qui avait craqué en premier, se rapprochant de la faucheuse quand le grand homme ne faisait que consommer quelques drogues récréatives sans connaître la moindre conséquence néfaste. Puis, la blonde avait quitté ses territoires infernaux, laissant le nordique se détruire à loisir alors qu'il avait découvert l'héroïne après la poudre blanche, se perdant dès lors dans des considérations malsaines. Il avait tout fait, tout perdu aussi à bien des égards mais il en était revenu, c'était sûrement ce qu'il devait retenir de tout cela, si seulement il n'avait pas failli rechuter la veille au soir. "Pardon? J'ai pas bien saisi ton marmonnement, ma chère." Il lui fit un clin d'oeil, apparemment fier de lui et de toutes les conneries qu'il pouvait débiter pour désarçonner McKullan. Le sujet se devait de revenir vers des intérêts plus sérieux cela dit, surtout après ce qui avait bien failli arriver la veille. Doherty était confus, il le prouvait autant par le regard que par ses mots mais il ne savait pas tellement comment rattraper l'affaire, à part énoncer à son amie qu'il irait embêter quelqu'un d'autre si jamais cette histoire devait se réitérer par un concours de circonstances, ou bien de malchance. "A l'hosto, ah bon? Non mais t'inquiète pas, je te dis, ça se reproduira pas." Il était au moins convaincu de sa force: Wren n'y retournerait pas, il était juste temps qu'il se remette en question et qu'il trouve de nouveaux moyens de sortir de l'impasse où il s'était fourré. Junkie un jour, junkie toujours. "On pourra faire ce que tu veux mais est-ce que tu me permets d'emprunter ta douche? Je pue le fennec, c'était vraiment une très mauvaise soirée et je tiens à mon hygiène un minimum." Il lui sourit en évitant in extremis son coup de coude, vidant son café d'une traite, clairement en pleine introspection. Trop tôt pour tout cela, Doherty, assurément.
Que le jeune Doherty se rassure, je n’étais aucunement intéressé par une quelconque aventure avec lui. Nous avions un passif qui faisait que je n’imaginais pas la relation autrement. Ma tentative de déstabilisation en attaquant sur ce point n’eut aucune répercussion sur lui. Non il lui en fallait plus « Pardon ? J’ai pas bien saisi ton marmonnement, ma chère ». L’unique réponse qui me vint fut en fait un geste des plus respectables : mon majeur. Peut être qu’ainsi il saisirait mieux. Cette petite continuité (pédagogique) sur le ton de la veille s’estompa rapidement lorsque je racontais la réalité de la soirée à Wren qui ne se souvenait plus de rien. Je lui montrais d’ailleurs que j’étais très remontée contre lui mais que, malgré tout, il pourrait me rappeler sans hésitation s’il en éprouvait le besoin. Je pourrais l’abandonner, lui dire d’aller se faire voir et de se débrouiller avec tout ça. Mais je ne pouvais m’y résigner. Il avait fait des efforts pour s’en sortir et je le pensais vraiment capable de le faire, de devenir définitivement clean. Et bien qu’il eût failli craquer la veille, il n’avait pas flanché et avait surtout eu le réflexe de m’appeler. « A l’hosto, ah bon ? Non mais t’inquiète pas, je te dis, ça se reproduira pas ». J’acquiesçais alors « J’espère… Pour ton bien vieux » je marquais une pause, sourire aux lèvres « et ma santé mentale aussi, merci ». je lui lançais un clin d’œil, me levant de mon tabouret pour le rejoindre de l’autre côté du comptoir. Je lui proposais de se faire une journée affalé sur le canapé à regarder et commenter un quelconque programme qui passait à la télé « On pourra faire ce que tu veux mais est-ce que tu me permets d’emprunter ta douche ? Je pue le fennec, c’était vraiment une très mauvaise soirée et je tiens à mon hygiène un minimum ». Je me pinçais alors le nez avant de lui répondre « Ouais ce serait une excellente idée en effet. Prends la salle de bain de la chambre de Knox. Je vais aussi me doucher et je tiens pas trop à partager. Il a surement des serviettes propres dans les placards, fouille ». Je partais alors dans ma chambre pour aller prendre une douche qui m’aiderait sûrement à enlever les quelques résidus des mauvaises ondes de la veille.
Une quinzaine de minutes plus tard, Wren et moi nous retrouvions sur le canapé affalé comme deux vieux potes, grignotant et critiquant à tout va ce qui passait à la télévision. Et bien sûr, nous ne manquions pas aussi de nous critiquer mutuellement, autrement, notre relation ne serait pas ce qu’elle est.